« Je sais. Y’a pas de formule magique. » il est déçu. Il l’est et je tente de toutes mes forces de ne pas l’être autant que lui, tant je me raccroche de parts et d’autres au fait que David comprendra, avec le temps. Il est celui qui a vu la vie en entier et qui tente encore de se sortir la tête de l’eau. Ezra, lui, il a appris au mieux de ses capacités et à la dure depuis tant d’années déjà qu’il sait où aller et comment faire, qu’il est capable de ravaler comme d’avancer, toujours un peu plus fort, toujours véritablement meilleur. Quand il se rapproche et que je le rapproche moi aussi, c’est dans un souffle qu’on articule les mots qu’on a eu besoin l’un l’autre d’entendre de nos parents depuis si longtemps. Qu’on s’autorise à deux, enfin. « Moi aussi, je suis fier de toi. »

Ma tête se love entre sa joue et son épaule, j’y esquisse un rire étouffé qu’il me reprocherait d’avoir. Parce que je suis bien plus du genre à prendre au sérieux ce que je peux lui énoncer qu’à recevoir sans rougir ce qu’il a à apporter. « Je me rappelle la dernière fois qu’on s’est retrouvés tous les deux ici. » d’une inspiration je passe à une autre. La Ginny d’avant qui grattait les murs, qui toquait du bout du doigt à sa porte. Celle qui ne parlait jamais plus fort qu’il ne le fallait, celle qui se cachait tantôt derrière sa carrure tantôt derrière un humour douteux – mais, si vous me demandez, toujours meilleur que celui d’Ez. « La jeune femme venue avec moi avait moins d’assurance que toi. » la jeune femme de l’époque n’avait jamais eu son cœur brisé. N’avait jamais dû tourner le dos à une vie en entier pour faire valoir ses opinions, ses valeurs, sa vérité. Cettre jeune femme là pensait que le monde en entier lui ferait une place, un jour, quand elle la mériterait. La Ginny d'’aujourd’hui l’a construit, sa place. « Je suis fier de la femme que tu es devenue. »

Mes lèvres embrassent son front, avant que son homologue ne vienne s’y appuyer comme si j’allais ainsi aspirer toute les mauvaises pensées qui restent, tous les démons même les plus sournois, et qu’ainsi à deux on en viendrait à bout. À l’écran, le film est avancé et je ne l’ai jamais aussi peu regardé. Ez comme moi par contre, on pourrait très facilement dicter exactement chacune des répliques, pointer du doigt sans même douter une seule fois quelle scène vient de prendre fin à l’écran toutefois. « On a bien grandis, finalement. On s’en est sortis. » et même si les épreuves restent, et même si le jeu n'est pas encore terminé, n’en reste que maintenant on peut facilement affirmer qu’on est beaucoup plus forts, plus solides. Autant face à nos parents que face à la vie en général ; si on a survécu à tout ça, rien ne peut vraiment nous arrêter. N’est-ce pas?

« Attention, alerte. » un fin sourire vient se nicher sur mes lèvres, Ezra saura de suite qu’il n’y a rien d’autre ici qu’une tactique de bac à sable de jouer à la plus fourbe de nous deux. « Prépare-toi. » ici par contre, c’est vraiment moi qui doit un peu mieux se préparer. Qui doit inspirer, expirer, qui doit se calmer. J’ai peur comme une gamine aurait pu être terrifiée, j’ai peur comme si tout pouvait changer en un claquement de doigt, comme si toutes les bases solides sur lesquelles on travaille aussi bien et aussi fort depuis des mois n’étaient qu’à une brindille de partir en fumée. « Je vais te poser la question. Et je veux que tu dises oui. J’ai des arguments, j’ai des listes sur des pages recto verso. » la question mentionnée en camping, celle entre deux étoiles filantes et autant de sourires voilés par la pénombre des nuits en nature sous les arbres. La question à laquelle je ne lui ai pas encore demandé la réponse tant j'en espère une et une seule. « Est-ce que tu voudras? Être son parrain. Pour vrai de vrai. » la réponse que je voudrais entendre aujourdhui.

Les lèvres de Ginny vinrent se poser un instant un seul sur le front d’Ezra, et ce dernier eut un petit frisson le long de son échine. Parfois, un geste valait mille mots et la jeune femme lui prouvait une fois de plus qu’ils sauraient communiquer de toutes façons sans avoir besoin de prononcer le moindre mot. Le silence vint les envelopper pendant un moment, faisant comme retomber la poussière après une lutte dont ils n’avaient même pas connaissance. Il n’avait pas besoin de réellement plus, Ezra, si ce n’était que sa présence rassurante à ses côtés et Noah dormant dans la chambre d’à côté. « On a bien grandis, finalement. On s’en est sortis. » Un fin sourire vint s’étirer sur les lèvres du Beauregard, alors qu’un soupire de satisfaction venait compléter la paire. « Et pourtant, c’était pas fait d’avance. » Nombreux avaient été les bâtons mis dans leurs roues, nombreux avaient été les coups bas et les couteaux dans le dos. Pourtant, ils avaient réussi à sortir de toutes les situations la tête haute - ou presque, ou au pire à distance. Aujourd’hui, ils étaient deux adultes équilibrés et épanouis, et surtout leur fils menait une vie remplie, justement, de vie.

« Attention, alerte. » Il le voyait, dans le coin de son regard, le sourire un brin malicieux de Ginny. « Prépare-toi. » « T’es pas bonne actrice, aller, dis moi. » Parce-qu’elle pourrait user de toutes les mimiques dont elle disposait, elle ne saurait pas le tromper. Elle venait ajouter une couche de rire et de malice, mais il pouvait tout de même décerner dans ses yeux qu’elle y allait à tâtons pour venir lui parler de quelque-chose qui lui tenait à coeur. Alors, Ezra vint s’écarter quelque peu de la jeune femme, pour venir voir son visage en entier, pour venir hausser un sourcil presque sérieux de son côté. « Je vais te poser la question. Et je veux que tu dises oui. J’ai des arguments, j’ai des listes sur des pages recto verso. » Le coin de ses lèvres vint se soulever, alors qu’il retenait un petit rire. Il prit une inspiration, pour retrouver une contenance de circonstance - ou au moins le temps de venir sortir la blague qui lui trottait dans la tête. « N’en dis pas plus, Ginny. » En cet instant, il était meilleur comédien qu’elle à ne pas en douter. « Oui, je veux t’épouser. » Le rire qu’il retenait jusqu’alors se fit désormais entendre document à travers la chambre - le but n’était pas de réveiller le reste de la maison endormie. Il était idiot, Ezra, et savait pertinemment que la question de Ginny n'avait rien à voir avec ça - mais il ne pouvait s’empêcher de venir plaisanter sur l’idée. Fut un temps, il n'aurait jamais réussi à venir en rire de la sorte; elle avait donc raison, ils avaient vraiment grandis.

« Pardon, j’arrête, je t’écoute pour de vrai maintenant. » Il vint prendre un air davantage sérieux, raclant sa gorge pour venir faire disparaître le petit rire qui animait encore ses zygomatiques l’instant d’avant. « Est-ce que tu voudras? Être son parrain. Pour vrai de vrai. » Et toute trace d’amusement vint être balayée et remplacée par une douceur et une fierté. Ils avaient vraiment grandi, il n’y avait plus aucun élément qui pouvait faire douter Ezra. Alors, son sourire attendri accroché au visage, Ezra vint glisser sur le dessus de lit pour venir poser sa joue contre le ventre de la jeune femme, passant par la même occasion ses bras autour de sa taille. A la suite, il déposa un baiser sur le bedon à peine tendu qu’elle présentait elle et ses quelques mois de grossesse. « Seulement si je peux lui apprendre à faire des bêtises, alors. » Ginny tentait de venir dépeindre la scène avec un minimum de sérieux, et bien sur qu’il vint tirer sur la corde de l’humour à la place. Cela avait fonctionné jusque maintenant, il ne voyait pas pourquoi il devait changer et tirer de nouvelles cartes pour ce jeu là maintenant. Un baiser, et un deuxième, qu’il vint déposer sur le ventre de la jeune femme. « Bien sur que oui. » Dans un murmure, avant de lâcher un soupire de soulagement. Jamais il n’aurait envisagé cette scène là, entre eux deux. Et pourtant, c’était peut-être sa préférée de toutes celles qu’il n’avait jamais osé imaginer.

***
« Je te préviens Noah, on part sans toi ! » « ENCORE DEUX MINUTES PAPA ! » Il courait dans toutes les directions de la maison et Ezra ne comprenait pas comment il avait réussi à éparpiller autant d’affaires à travers cette dernière alors qu’ils n’étaient arrivés que la veille au soir. Ezra vint laisser échapper un soupire, alors qu’il tournait son regard vers Ginny. « Une vraie terreur, hein. » Ce fut David cependant qui vint reprendre la parole, sortant du couloir qui menait à son bureau. Un petit sourire vint étirer le coin des lèvres d’Ezra, alors qu’il hochait doucement la tête. « Oh oui. » « Ca me rappelle vaguement quelqu’un, tiens. » Et le sourire attendri sur les lèvres, cette fois ci, de David, vint mettre un brin de baume au coeur à Ezra. Ce n’était pas souvent, qu’il s’osait à s’aventurer sur le chemin des souvenirs le patriarche - principalement parce-que dans cette partie là de l’histoire des Beauregard, Sarah était encore à leurs côtés et que le coeur du vieille homme saignait toujours à penser à cette femme qui lui avait donné tant de beaux enfants. « C’est bon je suis prêt, au revoir papy vient à la maison quand tu veux ! » Noah avait à peine déposer un baiser sur la joue de son grand-père que déjà, il sautait à l’arrière du van, prêt pour de nouvelles aventures. Ezra secoua la tête, avant de venir se pencher un instant vers Ginny pour lui murmurer ses prochains mots. « Je vous rejoins dans un instant. » Deux pas plus tard, et il venait rejoindre de nouveau David dans le salon.

Ezra ne se voyait pas partir d’ici sans avoir une discussion, une vraie - si on pouvait dire, à deux minutes du départ -, avec son père. Alors, après avoir pris une inspiration et une dernière, il vint plonger son regard dans les yeux de son père. « Je sais ce que tu vas dire, fils… » « Laisse moi le dire quand même, s’il te plait. » Sa voix n’était pas des plus assurées, mais il souhaitait venir au bout de ses pensées. David vint hocher la tête, donnant le signal qu’il était prêt, si ce n’était à écouter ce qu’Ezra avait à dire, au moins à le laisser parler. « Y’a beaucoup de choses à revoir, et je sais que tu sais ça. Mais… Ca m’a fait plaisir de venir passer une soirée ici. » Nombreuses étaient les discussions qu’il désirait avoir avec son père, mais elles attendraient un peu. « Et Noah a pas tord, il faudrait que tu passes par chez nous. Au moins pour le voir lui. » Et pour voir Ezra par la même occasion. Peut-être Sam et James aussi, à défaut de venir voir Thomas et Katherine - la considérait-elle toujours comme un membre de sa propre famille, seulement ? « Tu me diras ce que tu penses de l’idée ? » Après un silence, David vint hocher la tête. « J’y réfléchirai. » Et après avoir hésité un instant, Ezra vint prendre son père dans ses bras - pas longtemps, vraiment juste un instant, mais là était toute la signification et l’historique de leur relation en un geste. « Merci encore… » Et ce qui semblait être l’instant d’après, le van démarrait pour quitter la belle Sydney.

« N’en dis pas plus, Ginny. »
« Mon discours, laisse-moi juste finir mon disc-  »
« Oui, je veux t’épouser. »
« Oh. »
« Pardon, j’arrête, je t’écoute pour de vrai maintenant. »

Et son sourire, ce sourire. Il passe deux secondes et deux seules, se recache derrière l’air sérieux d’un Ezra plus attentif encore que ce à quoi je m’attendais. Mes yeux prennent tout le temps du monde pour le détailler, s’assurer qu’il est ici et avec moi, qu’il se replace à travers les coussins et les couvertres autant qu’il le veut. Pour l’une des premières fois depuis très longtemps, j’ai l’impression qu’on a enfin tout notre temps. On a tout le temps du monde pour dire n’importe quoi, pour lancer toutes les conversations possibles et inimaginables, pour non seulement en rire mais aussi et surtout pour ralentir, s’arrêter, reprendre notre souffle. J’ai toujours eu besoin de courir quand on était ici. Courir vers le prochain baiser, courir vers la prochaine fois où je pourrais gratter quelques miettes de lui avant qu’on doive repartir à la vie qu’on avait choisie, à Brisbane. Le pourquoi est différent aujourd’hui, mais il n’en est pas plus important, pas plus vital. Le pourquoi est superflu quand c’est le résultat qui compte. Et le résultat, c’est qu’il sera le parrain de Sloan. Il ne manquera pas la moindre seconde de sa vie, pas la moindre miette dès l’instant où il ouvrira les yeux. Il vivra ce qu’il aurait dû, il reprendra d’une façon toute nouvelle la place qui lui a été volée quand ma famille a su pour Noah, une place qui lui sied bien mieux que notre passé en commun s’est trop longtemps entêté à démontrer.

À sa joue sur mon ventre se joignent mes doigts qui se perdent dans ses mèches. Au baiser qu’il perd sur les quelques prémices de rondeurs qui suggèrent qu’un petit être fait véritablement ses marques à l’intérieur s’additionnent mes rires, gamine qu’on chatouille alors qu’il bat des paupières au passage. « Seulement si je peux lui apprendre à faire des bêtises, alors. » « C’est déjà dans les petits caractères du contrat. » entre Ezra et Matt, je serais bien naïve de penser une seule seconde que Sloan ne risque pas d’avoir toutes les cartes en mains pour être autant aimé qu’une véritable terreur de bac à sable. « Bien sur que oui. » c’est tout ce que j’ai besoin d’entendre pour sentir un sourire, un vrai, venir se loger sur mes lèvres au point où il en brûle mes joues. Il restera là toute la nuit.

***

« Je te préviens Noah, on part sans toi ! » jamais de la vie, mais mon regard jure le contraire, mon visage totalement stoïque et l’air aussi sérieux que fermé. Noah est un véritable enfer et on ne l’aimerait pas autant si ce n’était pas le cas, mais à voir tout l’univers d’affaires qu’il a réussi à éparpiller ici en une seule nuit frôle le pari intenable. Il n’arrivera jamais à tout rapatrier, et ce n’est ni Ezra ni moi qui sommes partis pour l’aider. « ENCORE DEUX MINUTES PAPA ! » « Une vraie terreur, hein. » David ne me fait pas sursauter, sa voix non plus. À la tête qu’il glisse dans l'entrebâillement de la porte j’accorde un sourire qui lui ait dû. Il a tenté, il tente vraiment. Il est un peu moins mal à l’aise que la veille, même si ses éternelles barrières semblent toujours bien érigées. Elles finiront par tomber, ce n'est qu’une question de temps, et des moments comme aujourd’hui n’aident qu’un peu plus, mieux. « Oh oui. » « Ca me rappelle vaguement quelqu’un, tiens. » « J’aimerais être solidaire et dire que je suis étonnée Ez, mais c’est pas du tout le cas. » ce n’est pas comme s’il s’était le moindrement caché de sa jeunesse et encore plus de son enfance casse-cou. À l’époque, autant ses frères que sa soeur, même son père comme sa grand-maman en avaient fait allusion. On y revient toujours, au fait que Noah est une véritable copie d’Ezra. « C’est bon je suis prêt, au revoir papy vient à la maison quand tu veux ! » il s’envole, la tête blonde aux joues rosies. Quand Ez se penche à mon oreille, j’ai déjà passé mon sac par-dessus mon épaule, je suis déjà infiniment prête à leur laisser un moment en duo. « Je vous rejoins dans un instant. » y’a un baiser qui s’éparpille sur sa joue, et un autre, pour la chance.

Noah est partout et nulle part, dans le van. Il redécore le siège arrière, investit celui d'avant, il en fait son univers rien qu’à lui et réalise proablement encore à peine que les prochains kilomètres seront ceux qui nous rapprocheront de la maison. Ezra revient, au bout d’un temps fixe entre quelques minutes ou heures, je n’ai pas calculé, j’en avais pas besoin. À la place, je cherche son sourire, m’assure que son visage parle pour lui bien avant qu’il ne m’adresse le moindre mot. « Il a dit quoi? » on dirait un véritable déjà vu, on dirait qu’on est revenus dix ans et des poussières en arrière. Et au cas où il ait besoin d’évacuer, c’est dans un rire que je lui concède, complice. « Noah dort déjà. » à croire qu’il n’a que deux vitesses, celle où il est un bambin hyperactif et celle où il ronfle comme il bave. « T’as été un vrai adulte, tu sais ce que ça signifie? » à l’encouragement s’ajoute mes sourcils qui dansent, ma voix qui chante. « Le droit de jouer au DJ eeeeet de décider d’où on s’arrête manger. » oui je sais, on vient à peine de terminer le petit-déjeuner. Je mange pour deux, ça sera ça mon argument au cas où il tenterait de négocier.

« Il a dit quoi? » Le van était déjà dans la densité de la circulation citadine lorsque la voix de la jeune femme vint résonner à l’intérieur de l’habitacle. Les yeux d’Ezra ne vinrent pas lâcher la route mais le reste de son visage pouvait parler pour lui. Là où ses traits étaient tendus, et ses pensées hésitantes, lorsqu’ils étaient arrivés sur place désormais un certain soulagement transparaissait à travers les rides gagnés au cours des dernières années. « Noah dort déjà. » Un coup d’oeil rapide dans le rétroviseur vint confirmer les dires de la jeune femme, alors qu’une esquisse d’un sourire attendri se dressait sur les lèvres d’Ezra. « Il finit fatalement par s’épuiser tout seul. » Comme il arrivait à les épuiser eux également, mais comme il arrivait tout autant à remplir leur vie de bonheur depuis les premiers instants.

Il vint laisser cependant un instant de silence supplémentaire s’ajouter aux autres qui s’étaient imposés à lui, à eux, alors qu’ils s’engageaient sur la longue route du retour des vacances. « Il a dit qu’il y réfléchirait. » Un instant un seul, pour ne pas se déconcentrer de la route trop longtemps, Ezra vint regarder Ginny. « A venir à Brisbane. » Il ne savait pas si c’était idiot de sa part d’y croire à peine cette demi-promesse avait-elle été faite, ou si cela annonçait des périodes plus douces pour la famille Beauregard au grand complet. « Et c’est déjà un gros effort de sa part, je sais. Y’a encore quelques mois, il m’aurait donné un non catégorique sans même y repenser à deux fois… » Il y avait encore quelques mois, Ezra ne pouvait mentionner un de ses frères et sa soeur - défaut d’être la fille de David - à son père sans qu’il ne vienne raccrocher l’appel en cours. Au moins, à parler de vive voix, cela ne lui avait pas laissé l’occasion d’agir de la sorte. Toutes les pièces de puzzle venant, en tous cas, se mettre doucement en place permettait à Ezra de respirer un peu mieux, aujourd’hui. Littéralement comme fictivement, la route était encore longue mais le bout du tunnel n’était plus aussi loin.

« T’as été un vrai adulte, tu sais ce que ça signifie? » Il la reconnaissait bien, là, la gamine qu’il avait jadis connu et vu grandir. La voix malicieuse et le regard qui l’était tout autant. « Le droit de jouer au DJ eeeeet de décider d’où on s’arrête manger. » Ezra vint retenir un petit rire, avant de secouer quelque peu la tête. Il ne l’avouerait pas, mais il était en réalité content d’être celui qui obtenait le droit de choisir le lieu de déjeuner - il connaissait tous les arrêts gastronomiques - non - du chemin, et savait déjà où ils seraient dans quelques heures. « Parle pas trop fort, j’en connais un qui va se rebeller pour gagner ce droit sinon. » « Je sais que tu parles de moi, papa. » Un oeil ouvert et le sourire en coin, Noah faisait semblant de continuer de dormir depuis plusieurs minutes pour venir se manifester que lorsque cela lui semblait judicieux. Il gagnait tout le temps ce jeu haut la main. « Tu dormais, t’as perdu. » « C’est pas vrai. » « Arrête de mentir. » Alors Ezra vint augmenter le son de la musique pour ne pas entendre les protestations de son fils, et plus Noah vint augmenter le son de sa voix, et plus les rires de Ginny venaient s’ajouter par dessus tout ça. Il n’y avait pas de doute, la suite du trajet se promettrait d’être autant pénible qu’amusante, et Ezra n’avait qu’une hâte: profiter des quelques derniers instants de vacances.