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« Ce n’est pas ce que tu dis, mais ça y ressemble. » Je persifle, je grogne, je marmonne dans mes dents avec ironie une pique contre Mitchel. A l’intérieur de moi gronde le tonnerre de l’injustice. Comment peut-elle le défendre encore ? Comme parvient-elle à lui trouver des excuses après qu’elle ait la preuve qu’il lui mentait depuis tant d’années ? Qu’il a eu le culot de la regarder droit dans les yeux, de la juger nous concernant et le présenter comme une espèce de bienfaiteur ? J’enrage, mais je prends sur moi. Je n’ai pas envie d’être désagréable avec elle parce qu’elle en bave et que je me suis promis que cette journée se solderait sur une note positive. J’essaie donc de préserver l’ambiance en lui intimant de se taire, de ne pas forcer en moi les mécanismes qui blesseront le père d’accepter que son enfant n’était pas parfait. Or, c’est pire finalement. Je devine ce qu’elle se cache derrière son silence. Je le déduis à cause de ce regard affligé et rempli d’empathie avec lequel elle m’enveloppe, espérant sans doute apaiser ma colère. La gratitude se loge de mon coeur, mais ce n’est pas sans amertume. Je n’aime pas le portrait qu’elle a brossé de Sofia. Je déteste qu’elle la voit comme une prostituée et une junkie. Les deux appellations ricochent contre les parois de ma boîte crânienne comme une boule de flipper et c’est à chaque fois plus douloureux. Mille idées y bourdonnent et, si j’apprécie l’idée de sortir pour aller fumer une cigarette, l’air frais me donne le tournis. Un verre ne suffira pas à ralentir mon rythme cardiaque. Il s’emballe de fatigue tant je lutte pour refouler la possibilité qu’elle ait raison, que personne n’a forcé la main de Sofia, qu’elle a simplement décidé seul d’enfoncer son doigt dans cet engrenage. Il accélère de me demander ce que ma vengeance m’apportera demain, ce qu’elle m’a apporté aujourd’hui. Alors, bien sûr, je cherche son assentiment ou un conseil. Je rêve de l’entendre dire “vas-y, fonce” sous prétexte que c’est légitime et qu’elle aura aussi vu en moi le papa et non plus l’homme ou l’amant. Elle ne le fait pas et j’use par dépit de l’argument qu’est notre couple, de mon acte dévastateur sur ce dernier. Ce n’est pas un subterfuge, la détresse consécutive à ce que nous sommes devenus est réelle et je ne la dissimule pas : j’en suis incapable, au même titre qu’elle d’ailleurs. Elle est émue. J’ignore à quel point, j’évite son regard, mais je l’entends dans sa voix, je le perçois à travers la fébrilité de ses gestes quand elle porte sa cigarette à ses lèvres. « En me disant que ce n’était pas nécessaire. » Que nous casser n’était en rien une obligation. Et, n’est-ce pas ce sur quoi j’ai tablé jusqu’ici ? Ce postulat, je l’envoie paître à des kilomètres. Je lui lance de toutes mes forces un SOS dans l’espoir qu’elle me jette en retour une bouée. Mais, elle se dégage de la responsabilité de m’aiguiller et qu’est-ce que ça cache ? Qu’est-ce ça sous-entend ? Qu’elle ne se considère plus comme assez légitime pour partager avec moi un conseil et opinion ? Il ne reste donc plus rien de nous deux ? Pas même l’ombre d’une amitié impossible qui nous permettrait de tenir le coup le temps de son sevrage et qu’elle soit assez forte pour rebondir ? Jusqu’à ce qu’elle n’ait tout simplement plus besoin de moi ? Et moi ? Moi qui ne pourrai jamais - jamais ! - prétendre à me passer d’elle, je n’ai pas le droit à l’erreur, pas le droit d’en commettre une qui m’abîmera pour de bon. « Je ne me suis pas lancé là-dedans pour sauver tout le monde. Je ne... » Quoi ? Qu’ajouter ? Que je me moque du sort des quidams ? De toutes ces filles qui portent le même fardeau que ma fille ? Je me cloître derrière le silence. Je termine mon verre, mon corps m’en réclame un autre. A défaut, je tire ma cigarette, je l’achève, je balance le mégot et j’en allume une autre sans piper mot. « Je ne suis même plus certain de le faire pour moi. » Quelle est là la clé de ma rédemption à moi. « Je ne sais pas. Peut-être que tu as raison. » Dans mon langage, cela signifie que je vais y réfléchir, que je vais reconsidérer la question. « Ce serait plus facile si j’avais pas l’impression d’être une impasse. » ai-je avoué en relevant les yeux vers elle. La tête également. Je me drape dans un peu d’orgueil pour reprendre en constance. «On devrait rentrer. J’ai besoin d’un autre verre et il faut finir la partie. » Elle me semble interminable, et quoique je ne sois pas pressé de rentrer, je crains que cette discussion m’ait tout simplement gâcher le plaisir de ce moment simple.

(#)Mar 22 Sep 2020 - 17:58

« Ce n’est pas ce que tu dis, mais ça y ressemble. » « Non arrête, ça n’a rien à voir. » Je campe sur mes positions puisqu’il ne m’accusera pas de soutenir Mitchell envers et contre tout et malgré ce qu’il m’a fait sans que je ne réagisse. « Il était question du Club, pas de Mitchell Strange. » Et du reste, je m’interromps puisque je surprends la lueur de détresse dans ses yeux, mal dissimulée derrière la colère et qu’elle me renverse. Qu’il la rendre évidente en me suppliant ouvertement de ce pas insister me bouleverse et je me tais. Je me tais puisque je sais que ce que je pense, ce en quoi je crois lui ferais du mal. Que cela bousculerai ses certitudes bien trop violemment et, égoïstement, je sais aussi que c’est à moi qu’il en voudrait.

Alors je lui propose de sortir, de prendre l’air mais j’ai du mal à cacher qu’il m’atteint. Heureusement il ne me regarde pas lorsqu’une larme roule sur ma joue - je crois - et j’arrive à m’en débarrasser sans qu’il ne fasse le moindre commentaire à ce sujet. « En me disant que ce n’était pas nécessaire. » L’était-ce que de nous gâcher ? Bien sûr, si je ne pense qu’à moi, j’ai envie de répondre que non. Que quelles que soit ses motivations elles ne pouvaient être plus belles ou noble que ce que nous avions et qu’il a pris le risque ou plutôt choisi la certitude de tout perdre pour une histoire vieille comme le monde : une gamine qui fait des mauvais choix, rencontre les mauvaises personne et s’enfonce dans des histoires dont on ne peut se dépêtrer. Je déglutis, difficilement, et je ne suis capable d’articuler aucune phrase sans que ma gorge ne soit serrée par l’émotion : dans ces conditions, je me tais. « Je ne me suis pas lancé là-dedans pour sauver tout le monde. Je ne... » Alors pourquoi ne renonce-t-il pas à sacrifier la masse pour le plaisir de voir tomber les coupables ? Pourquoi ne court-il pas après eux ? Je me tais, et je me promets de réfléchir à une solution, une pour lui, une pour le Club. « Je ne suis même plus certain de le faire pour moi. Je ne sais pas. Peut-être que tu as raison. Ce serait plus facile si j’avais pas l’impression d’être une impasse. » Pour qui le maintient-il en vie ce plan ? A-t-il l’impression de le devoir à Marshall, à Aberline à je ne sais quel allié qui l’aura aidé à le mettre en place ? A-t-il le sentiment que, si il fait couler l’organisation, il ne nous aura pas gâché pour rien ? « On devrait rentrer. J’ai besoin d’un autre verre et il faut finir la partie. » « Tu vas la gagner de toute façon. »

Je perds déjà et j’ai perdu ma concentration quelque part en chemin également. Mais je rajoute un sourire encourageant et, sans trop savoir pourquoi, je glisse ma main dans la sienne pour l’entraîner à l’intérieur. Je lui tends même mon verre puisqu’il en a plus besoin que moi. « Je te l’échange contre un coup d’avance. » Ce n’est pas mon tour, mais tant pis, je le négocie dans un sourire, plus pour renouer avec un peu de légèreté de ne pas briser la conversation que pour améliorer mes chances de l’emporter : je n’y crois plus. Je le lâche sa main que lorsque j’y suis obligée, lorsque c’est mon tour et elle glisse doucement de la sienne en caressant ses doigts. « La quatorze. Un sourire si je la mets. » Un de sa part, évidemment, et j'espère lui en soutirer un quel que soit l'issue de mon tour.

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(#)Mar 22 Sep 2020 - 17:58

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“Il était question du Club. Pas de Mitchell” dit-elle, me bousculant au passage. J’ai fait une association. Je ne distingue plus l’homme de l’organisation quand j’ai réussi à en écarter Raelyn. Ce n’est pas elle qui a prêté de l’argent à ma gosse. Ce n’est pas cette femme qui lui a trouvé un client. Ce n’est pas elle non plus qui a vendu, tendu ou offert un rail ou une seringue à mon enfant. C’est acté depuis longtemps. Je n’ai pour elle aucune rancoeur. Mais, quand elle justifie l’ignominie de l’association de malfaiteurs gérées d’une main fragile par Strange, je me rembrunis comme si c’était Sofia qu’elle avait attaquée. Je lui laisse néanmoins le bénéfice du doute parce qu’il l’a blessée, ce salaud. Elle a prétendu tout à l’heure qu’elle ne lui pardonnerait pas, jamais, et ça brillait autant dans le fond de ses yeux que la détresse qui est mienne, celle que je tente de lui cacher sans succès. Loin d’être idiot, je comprends qu’elle se tait par égard, à moins que ça soit par égoïsme. Est-ce pour m’éviter de souffrir davantage qu’elle ne pipe plus mot ou pour ne pas avorter prématurément cette journée loin de la prison qu’est son appartement ? Les deux, sans doute et c’est légitime. Elle est coincée avec l’instigateur de la révolution de son quotidien et, dans un même temps, il lui demeure de l’affection pour moi. Je n’oserais parler d’amour. J’en rêve, mais j’ai bien trop peur que nourrir cet espoir ne m’abatte d’un coup de massue à l’arrière de la nuque. Mais, de l’affection, j’en suis convaincu. Au contraire, elle ne prétexterait pas le besoin de nicotine pour que nous puissions prendre l’air. Elle va plus loin encore : elle prend le risque de me confronter à mes décisions et à ce que je suis alors qu’elle me connaît, Rae. Elle sait que je peux me refermer comme une huître et qu’en ces conditions, je peux ne plus décocher le moindre mot durant des jours. Elle sait que c’est un sujet délicat que cette vengeance parce qu’elle nous a coûté notre couple. J’y tenais pourtant. Certainement autant qu’elle. Elle est émue à sa simple évocation et je me demande si elle saisit à quel point ma formule est éloquente. Je n’ai pas dit : “pour rien”. Je n’ai pas utilisé le mot “gâchis”. J’ai usé de l’adjectif “nécessaire” puisque ça l’était. Le secret de Mitch était la clé de voûte du projet. C’était la meilleure façon de l’atteindre. Dès lors, j’ai posé un choix, sans réfléchir plus allant aux conséquences vu que j’ai argué que notre passion survivrait à une rupture. Erreur monumentale, j’en conviens. Or, elle troque son verre à demi-plein avec le mien. Elle glisse sa main dans la mienne pour me tirer à l’intérieur, sans se hâter pendant que moi, je traîne le pas. J’aime ce contact. Il est rassurant, réconfortant. La boule qui a empli l’espace dans mon estomac et qui menaçait de remonter jusqu’à ma gorge s’amenuit peu à peu.et c’est grâce à elle. C’est grâce à ce peau à peau somme toute anodin pour la plèbe, mais qui pour moi veut dire beaucoup. De retour à proximité de la table, j’ai serré les doigts autour des siens pour qu’elle ne fuit pas, qu’ils ne lâchent surtout pas les miens. Il faut néanmoins joué : il y a un enjeu et, quoique je ne l’aie oublié, je peine à me concentrer. Je lui cède la main de bonne grâce. « Essaie d’en faire quelque chose. J’ai pas encore gagné. » l’ai-je encouragée, toutefois remué par cette caresse. Parfois, j’ai envie de lui dire que je suis à elle, tout à elle, encore, mais elle ne l’est plus, elle. Elle est simplement motivée par un soupçon d’empathie envers la douleur palpables de mes blessures. « ça marche.» Je conclus le coin de la lèvre déjà rehaussé d’une grimace ressemblante à celle réclamée. Je l’observe avec un intérêt presque malsain, bien trop appuyé. Elle manque sa bille et je m’en désole, sincèrement. «Tu sais, si c’est l’enjeu qui te plaît pas, on peut en changer. » J’ai forcé un sourire plus éloquent. Il est un peu fade, mais c’est déjà pas mal. Peut-être que si j’arrivais à empocher la boule n°3, je recouvrerai la faculté de faire semblant que tout va bien.

(#)Mar 22 Sep 2020 - 21:00

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(#)Mar 22 Sep 2020 - 21:18

Mon geste, Ma main qui glisse dans la sienne, je ne l’ai pas anticipé. Ce n’est pas le résultat de ma pitié et encore moins d’une basse manoeuvre pour l’endormir, gagner sa confiance et en profiter pour cracher dessus en retour. C’est une nécessité, pour moi parce que l’émotion est palpable, que je me sens fébrile et que mes peau à peau avec lui m’ont toujours apporté bien plus d’apaisement que le plus fort des joint, aussi doux et innocents soient-il. Ca l’est aussi pour lui, parce que je sens que mes propos et mes vérités, je les distille pourtant, le troublent plus que de raison et le poussent à se poser trop de question pour ce qu’il est capable de traiter ce soir, pour l’instant.

J’entremêle mes doigts aux siens, je cherche dans son regard la confirmation qu’il se laissera entraîner à l’intérieur et l’assurance que mon geste ne le dérange pas, et je l’entraîne. En d’autres temps il m’aurait attirée à lui, il aurait passé son bras autour de mes épaules pour respirer mon parfum dans mon cou et coller son torse contre mon dos, nous aurions progressé difficilement comme un seul homme mais ce simple contact, aujourd’hui, représente déjà beaucoup. « Essaie d’en faire quelque chose. J’ai pas encore gagné. » Je grimace, en regardant la table : il a un coup d’avance et c’est à lui de jouer, mais je suis dure en affaire et je veux la gagner, cette question. Même si j’ignore encore la forme qu’elle prendra. « Ça marche. » Ses lèvres se tordent en une grimace que j’ose qualifier de début de sourire et j’y réponds avec franchise. Je me penche, je me concentre pour ne pas rater ma chance mais, même dans ces conditions, la bille passe à plusieurs centimètres du trou. « J’ai précisé que c’était il y des années qu’on avait démonté la table de billard du bar ? Que je me souviens vraiment à peine de quand on jouait ? » Je tente de me justifier, je joue et je lui tire un sourire. « Tu sais, si c’est l’enjeu qui te plaît pas, on peut en changer. » « Tu souris, j’ai déjà gagné. » Il annonce l’une de ses deux billes restantes, l’empoche elle aussi et moi je grimace. « Tu es impitoyable. C’est toi qui n’a pas envie que je gagne. » Quels secret a-t-il encore à cacher pour ne me laisser aucune chance ainsi ? La blague me traverse l’esprit, mais je me dis que dans les circonstances actuelle elle est de mauvais goût. J’annonce la neuf, qui me semble la mieux placée et je tire à mon tour.

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(#)Mar 22 Sep 2020 - 21:18

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Amelyn #29
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Et je brûle de la prendre dans mes bras, de dissimuler mon visage dans son cou et de respirer à pleins poumons, son parfum, certes, mais surtout l’odeur de sa peau. Sauf que c’est interdit et c’est probablement mieux comme ça. Je ne pourrais pas me contenter de la humer. J’aurais envie d’y goûter, de cueillir à la naissance de sa mâchoire le fruit d’un baiser. Ne serait-ce pas néanmoins qu’un geste désespéré mu par sa compassion ? Ne sera-t-il pas unique puisqu’une fois de retour au loft, lorsqu’elle n’aura plus l’esprit occupé par le divertissement, dès lors qu’elle me suppliera de lui trouver quelque chose pour se poudrer le nez parce que le manque lui sera devenu intolérable, je redeviendrai son ennemi et non plus celui du Club ? N’est-il pas vraisemblable qu’elle se rappellera toutes les raisons - LA raison - pour laquelle elle m’a quitté ? Evidemment ! C’est presque téléphone et je me retiens. Je me laisse guider sans renâcler et sans la perdre des yeux. Je me laisse entraîner à l’intérieur tel un pantin dont elle tirerait les ficelles et je me demande jusqu’où elle pourrait m’emmener sans que je ne m’oppose à son choix, cette femme. Souvent j’ai cherché à comprendre par quel sort elle m’a enchaîné à elle. Je n’ai jamais trouvé ce Graal et, en conséquence, je me fais une raison : la rupture n’est pas une fin en soi. Elle est capable de me pousser à la remise en question, à revoir mes jugements, à négliger mon caractère entêté. Elle est capable de faire ressortir le meilleur de moi et… j’ai tout jeté aux orties sans plus savoir pourquoi. J’y songe en hochant de la tête, en acceptant qu’elle prenne la main - autrement dit, je lui offre une chance en cadeau - je la dévisage avec, au fond des yeux, une lueur familière, une qui sous-entend ô combien j’ai peur de ne jamais apprendre à vivre sans elle. Pourquoi ne pas essayer de nous réparer dans ce cas ? Si sa spontanéité et l’affection la poussent à me prendre par la main sans qu’elle ne se consume, sans s’en dégoûter ou le regretter… Si elle est capable de me sourire franchement et de ne pas me juger quand je suis prêt à envoyer à l'échafaud des poignées d’innocents, pourquoi n’envisagerais-je la possibilité d’une réconciliation ? Ne serait-ce pas lâche de ne pas tenter ? Elle rate son coup, se justifier et ce qui n’était qu’un simulacre de souvenirs s’est élargi. « Tu me l’as dis oui ! Je ne sais pas si c’est une excuse puisque la dernière fois que j’y ai joué doit remonter à quoi ? Mes trente ans ? » J’ai l’impression qu’une éternité s’est écoulée tant je me sens usé. « Fausse bonne excuse. Tu perds parce que je gagne toujours.» Cette tirade m’a réclamé un effort, mais ça en vaut la peine. Je peux pas m’apitoyer sur mon sort. De toute façon, je n’ai pas l’énergie ni la concentration qu’il faut pour prendre de grandes décisions. Tout est mis sur pause de toute façon. C’est d’abord Rae, puis ma vengeance, je l’ai simplement compris trop tard. « Et si, je voulais que tu gagnes en réalité. » ai-je admis en analysant la table. Ma boule est mal située. Elle est trop près de la blanche. « Tu aurais eu la garantie d’une réponse, c’était t’ouvrir les portes sur la question qui te brûle les lèvres, mais que tu n’oses pas poser. » Elles sont légion, j’en suis convaincu et, par cette assertion, je l’informe à mi-mot que je n’ai plus de secrets pour elle et que je ne compte plus en nourrir jalousement. J'annonce la 6.

(#)Mar 22 Sep 2020 - 21:50

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(#)Mar 22 Sep 2020 - 22:10

« Tu me l’as dis oui ! Je ne sais pas si c’est une excuse puisque la dernière fois que j’y ai joué doit remonter à quoi ? Mes trente ans ? » C’est affligeant que je suis mauvaise. Il m’a suivie dans ma médiocrité en début de partie mais a remonté efficacement le score, si bien que je le soupçonne d’avoir fait exprès au début et de perdre patience à présent parce qu’il est fatigué de jouer, fatigué de cette journé et qu’il ne désire plus que rentrer. Ce serait compréhensible : elle a été éprouvante, pour nous deux, et j’aurais la même hâte si j’avais une certitude quand à la date de ma prochaine sortie : il en est décisionnaire et je compte bien profiter de chaque seconde qu’il m'octroiera. Une fois le soleil tombé, j’accepterai docilement que nous reprenions le chemin de la voiture puisqu’il estimera que la nuit favorise l’appel de mes démons et qu’il n’aura pas réellement tort. « Fausse bonne excuse. Tu perds parce que je gagne toujours. » Je lève un sourcil et, si je n’ai pas forcément le coeur à plaisanter et à entretenir une conversation légère je m’y force : nous en avons besoin tous les deux. « Tes trente ans c’était avant ou après que les billes en ivoire soient remplacées par des matériaux de synthèse ? Ou y jouait déjà sur table c’était encore sur terre avec des croquets à la place des queues ? » Je renoue avec ma spontanéité, je lui fais confiance pour désépaissir la lourde atmosphère de la soirée.

Sauf qu’il empoche sa bille et que la victoire me paraît à présent impossible. « Et si, je voulais que tu gagnes en réalité. » Je relève un regard étonné vers lui, et je l’interroge de mes prunelles. « Tu aurais eu la garantie d’une réponse, c’était t’ouvrir les portes sur la question qui te brûle les lèvres, mais que tu n’oses pas poser. » Je penche la tête et je l’observe. Il se détourne, troublé et sous prétexte de jouer mais il rate : c’est ma bille qu’il met à la place de la sienne. « La neuf c’était une des miennes. » Je plisse les lèvres et je l’interroge. « Tu fais exprès de perdre ? Tu sais que je pourrais mal le prendre ? » J’esquisse un sourire en faisant le tour de la table. « J’ai besoin de gagner, d’un pari pour avoir la garantie d’avoir les réponses à mes questions ? » Il a parlé au singulier, je m’exprime au pluriel puisqu’il doit se douter que je n’en ai pas qu’une. Celle que j’aurais décidé de poser en cas de victoire - je ne crois toujours pas plus en mes chances - elle est déjà déterminée, même si moi je l’ignore encore. « Je veux gagner à la loyale ou perdre avec élégance. La treize. »

Le dé :

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(#)Mar 22 Sep 2020 - 22:10

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Amelyn #29
@RAELYN BLACKWELL

Mes souvenirs de ma vie de militaire adoucissent rarement une ambiance. Souvent, il s’accompagne de la dure réalité que fut mon éviction, mon échec. J’y pense, mais je la chasse rapidement parce que je ne suis pas remis de mes émotions précédentes. Entre ma détresse, le rebond de culpabilité et la vague de désir simple qui m’a emporté le temps qu’a duré la jonction de nos mains, il me faudra plus qu’un verre de Whisky et le fond de son verre de scotch pour me retaper. Pourtant, je ne me suis pas réfugier dans une course vers le bar. J’ai repris la partie, et pas seulement celle que nous jouons autour du billard. Je la titille sur son sens de la compétition parce que je sais que ça éveillera en elle des trésors de spontanéité. Je la retrouverai derrière une raillerie de son cru qui, de la part de n’importe qui d’autre, aurait dangereusement houspillé l’ours de susceptibilité qui se terre en moi, mais qui venant d’elle, m’amuse beaucoup, assez pour que cette fois, mon sourire ne soit plus tordu. Feignant d’être froissé, je lui ai lancé le bout de gomme bleue qui git sur le rebord du billard, quoique je ne l’ai pas visée. Je ne l’ai pas cherchée à grands renforts de réplique destinées à la piquer non plus. Je n’en ai pas en stock ou, pour être exact, je n’en ai aucune autre que celle qui la suggère femme aimant les antiquités. Je peux plus affirmer ce genre de choses et, quand bien même, ça n’a pas plus le moindre intérêt si je ne peux pas la serrer contre moi de suite après pour recueillir dans un baiser quelque aveu et, plus tard, la promesse d’une étreinte passionnée. Je m’abstiens donc en calculant mes chances de réussir mon prochain coup et je me défends de toute jubilation quant à sa probable défaire. « Exprès de perdre ? » J’ai écarquillé de grands yeux brillant de malice : je ne suis pas froissé. « Est-ce que tu te souviens quelles couleurs tu joues ? Vise un peu la table, qui gagne qui perd à ton avis ?» Je n’ai pas de honte à confesser que sa victoire m’aurait arrangé, mais je ne verserai pas dans le déloyal pour autant. « Je suis juste meilleur...mais en étant nul. ça donne une idée de ton niveau. Tu es aussi douée que derrière un volant.» Je l’asticote et je suis pris à mon propre piège: j’empoche sa bille. Je réduis l’écart et j’écarte les deux bras de mon corps. « Je sais à quoi ça ressemble, mais je jure que je suis trop fier pour te laisser gagner sans me battre sérieusement. » Qu’elle ne s’inquiète donc plus pour son élégance. Elle est sauve, mais je le répète, particulièrement peu douée. Elle rate à nouveau et déjà je réfléchis au défi suivant lorsqu’elle me surprend d’une question. « Tu as la garantie d’obtenir une réponse à toutes les questions que tu poses. Réponse sincère en plus. Je te parle de celle que tu n’oses pas poser parce que tu as peur de ce que je pourrais dire. Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit.» ai-je d’emblée répliqué. C’est spontané parce que cruellement lourd de véracité quoique je n’ai aucune idée de précise sur ladite interrogation. Elles sont si nombreuses. La première qui me vient à l’esprit est celle que j’ai éludée plus tôt : pourquoi l’avoir choisie elle. Je me suis tu parce que ça lui renverrait d’elle une image que je ne pense plus, mais qui nous renverrait vers notre discussion dans le taxi. J’ai opté pour la maîtresse du boss pour attaquer. Rien de plus. Rien de moins. Ce n’est pas honteux. C’est juste évocateur d’une blessure que nous avons anesthésiée pour l’instant et ça me convient bien. « Je présume que je vais jouer la dernière qui me reste. Prête ?» A perdre ou à te satisfaire d’un échec...

(#)Mar 22 Sep 2020 - 22:43

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(#)Mar 22 Sep 2020 - 23:00

Il lance la gomme dans ma direction et je dois admettre que je ne suis pas peu fière de moi : la blague est téléphonée, il est plus âgé que moi et nous avons depuis longtemps statué que cela ne me dérangeait pas, mais elle le fait sourire et je n’en demandais pas autant. De plus, i entre à nouveau dans mon jeu quand je l’accuse de faire semblant. « Exprès de perdre ? Est-ce que tu te souviens quelles couleurs tu joues ? Vise un peu la table, qui gagne qui perd à ton avis ? » Je ne la regarde pas la table, je garde mes prunelles braquées dans les siennes au contraire. « Je suis juste meilleur...mais en étant nul. ça donne une idée de ton niveau. Tu es aussi douée que derrière un volant. » « En attendant, j’étais en état de conduire. » C’est de bonne guère je dois l’admettre, et ça me propulse en arrière jusqu’à Fraser Island, jusqu’à notre expédition qui partait déjà mal - je ne sais pas ou peu conduire - et qui s’est terminée par une voiture embourbée mais pas des baisers brûlants. Il met l’une de mes billes et je ne peux m’empêcher de le houspiller.

« Je sais à quoi ça ressemble, mais je jure que je suis trop fier pour te laisser gagner sans me battre sérieusement. »
« Est-ce que tu te souviens quelles couleurs tu joues ? »

Je répète ses mots, je m’en amuse comme une enfant mais, lorsque vient mon tour de jouer, je rate plutôt que de réussir à profiter de l’opportunité de recoller au score que son échec aurait pu m’offrir. Tant pis, il lui reste une bille à jouer et je me fais peu d’illusions : quelles que soient les question que j’aurais pu poser et les réponses qu’il m’aurait apportées, je ne les remporterai pas ce soir. « Tu as la garantie d’obtenir une réponse à toutes les questions que tu poses. Réponse sincère en plus. Je te parle de celle que tu n’oses pas poser parce que tu as peur de ce que je pourrais dire. Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit. » Il plonge ses yeux sans les miens et, troublée, je ne suis rien capable de faire de plus que de hocher doucement la tête dans un geste presque imperceptible. « Je présume que je vais jouer la dernière qui me reste. Prête ? » Je fais mine de mettre une main devant mes yeux pour ne pas assister à la boucherie : c’en est une, il me bat à plate couture même avec deux handicap : le tour que j’ai joué en plus et sa faute. « Victoire méritée. Je suppose qu’on ne saura pas quelles sont les questions qui me font peur. » Et que je n’aurais pas à y réfléchir : mon subconscient les connaît, il n’est question que de les admettre. « C’est un beau match, même si je te ferai pas l’affront de dire que c’était serré. Tu m’offriras une revanche à l’occasion ? »

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Amelyn #29
@RAELYN BLACKWELL

Je ne sortirai pas indemne de cette dernière conversation au sujet de Sofia et de ma rancoeur. Je sais par avance qu’elle me réveillera parfois la nuit et que de temps à autre, je serai sujet à de longues minutes où je me perdrai dans le dédale de mes pensées. On parlera - sans doute Raelyn - mais je n’entendrai pas. Je hocherai de la tête comme une chien de pare-brise avant lui demander de répéter, conscient d’avoir peut-être manqué une information importante. Toutefois, sur l’heure, je m’efforce de balayer toutes ses considérations fondées que les risques que ma conscience encourent et je m’autorise à alléger l’ambiance. Je lui offre la moitié d’un sourire parce qu’elle me l’a demandé et, houspillé sur mon âge, je transforme un accessoire en projectiles sans la toucher : je ne l’ai pas désiré. Penché pour ramasser le bout de gomme bleue, je me suis défendu comme je pouvais et, sans réfléchir, tandis que je me redresse et que je fais mine de jouer les stratèges les quelques billes demeurant sur la table, je l’ai contournée et, à bonne distance de son oreille, veillant tout de même à ne toucher ni son dos de mon torse, ni son épaule de ma main libre, je lui ai chuchoté un : « C’est vrai. Mais j’étais en état de faire des tas d’autres choses. » Mon regard s’est aussitôt allumé de la flamme du flirt et n’était-ce pas spontané ? Je n’ai pas prémédité mon air goguenard. Je n’ai pas non plus pensé à ce que mon souffle dans son cou pourrait réveiller ses sens et, par extension, les miens de respirer son parfum et de soutenir son regard avec une telle intensité. Comme à l’habitude, le temps semble s’être suspendu près de quelques secondes. Une minute peut-être, je n’en sais trop rien. Si je l’oblige à retrouver sa cadence, c’est de crainte de raviver ce désir pressant de l’enlacer. A défaut, je joue donc. Je joue et en plus de ma boule, j’empoche aussi une à elle. « Dit celle qui prend une déculottée. » ai-je rétorqué, un sourire narquois au coin des lèvres. Nous renouons avec la simplicité, avec nos vieilles coutumes puisqu’elles ont la dent dure. En réalité, ça me terrifie sans doute autant que cette fameuse question hypothétique qu’elle se prive de me poser. Mais, je n’arrive pas à mettre la main de main, sans doute parce que je n’en ai pas réellement envie. Trop souvent, au cours de cette journée, j’ai songé à ce qu’une réconciliation me soit bien plus nécessaire que le contraire. « Je n’ai pas encore gagné...Il reste celle là et comme c’est moi qui fais les enjeux. Je te propose autre chose : Le premier qui empoche la noire, la question est pour lui… mais la victoire reste pour moi. ça te va ? » Pas d’affront dans ces conditions puisqu’en effet, la partie était loin d’être serrée.

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