I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Cela ne faisait que quelques jours que Joanne était arrêtée. Ses nuits étaient encore un peu agitées, elle avait toujours des nausées, mais elle parvenait tout de même à se reposer, rattrapant ses heures manquées en faisant une bonne sieste l'après-midi. En général, les chiens ressentaient assez rapidement lorsqu'elle avait besoin de se reposer ou lorsqu'il était l'heure de la promenade. De ce côté là, Ben et Milo étaient vraiment adorables. Ils aimaient beaucoup dormir avec elle d'ailleurs, prenant largement la place de Jamie lorsqu'elle se reposait sur le lit. Ce jour-là, ils avaient eu droit à trois heures dans le parc. Elle était rentrée à la maison en fin d'après-midi, ce qui lui laissait tout le temps de cuisiner quelque chose. Les températures devenant de plus en plus fraîches, elle se lançait dans un simple potage de légumes avec ensuite une bruschetta pour chacun. La jeune femme avait déjà vu quelques recettes et était assez motivée pour s'y essayer. Ainsi, le potage aurait tout le temps de mijoter, ce qui ne le rendrait que meilleur. C'est à force de cuisson et de recuisson que ce genre de plats se bonifie. Une fois que tout était prêt, Joanne s'installa sur le canapé pour bouquiner. La porte d'entrée s'ouvrit quelques dizaines de minutes plus tard. Jamie avait un peu plus d'avance que d'habitude. Elle n'allait pas s'en plaindre. Milo et Ben s'étaient déjà rués sur lui afin de le saluer. La belle blonde déposait son livre sur la petite table du salon avant d'aller enlacer amoureusement son fiancé, tout sourire. "Tu vas bien ?" lui demanda-t-elle après l'avoir embrassé tendrement. "Je ne t'ai même pas entendu partir ce matin." avoua-t-elle ensuite. Elle commençait sa nuit à peine quelques heures avant que celle de Jamie se terminait, elle avait dormi profondément lorsqu'il s'était levé. Joanne se posait intérieurement la question s'il avait eu des nouvelles de son boss, concernant la proposition du passage à mi-temps. C'était la meilleure solution qu'ils s'étaient trouvés pour que le bel homme puisse jongler entre tout ce qu'il désire avec plus de liberté et de temps. Ce serait merveilleux que tout ceci devienne possible, et cela reposerait beaucoup Jamie. Il aurait bien plus de temps pour lui, il culpabiliserait moins. Et puis, Joanne pensait à cette autre chose. Elle laissait malgré tout le temps à son fiancé de se défaire de sa cravate et de sa veste, ainsi que de profiter des chiens. Pendant ce temps, elle mit la table, passait un coup d'éponge sur quelques éléments de la cuisine qu'elle avait sali plus tôt. "J'ai..." Rien que le début est difficile. "Quelqu'un m'a reconnue quand j'ai promené Ben et Milo tout à l'heure." Même en le disant, c'était à peine réalisable. "Enfin deux." rectifia-t-elle. "Le premier m'a simplement demandée si j'étais bien la Joanne dont parlait le mec de la radio quand il a dit que j'étais enceinte. Parce qu'il aime beaucoup ton émission. Il m'a félicitée et est parti." Elle sourit, gênée. "Ca fait un peu bizarre." reconnut-elle. "Et quand je m'apprêtais à entrer dans la maison, quelqu'un d'autre s'y rendait, et m'a appelée, afin de me remettre cette enveloppe." Elle tendit l'assemblage de papier où il était soigneusement écrit Lord et Lady Keynes. "Je crois que certains croient déjà que nous sommes mariés." dit-elle, très nerveusement. "A moins qu'ils ne l'aient fait exprès, je ne sais pas." Elle haussa les épaules, laissant le temps à Jamie de lire le carton d'invitation. "C'est pour une réception, et une histoire d'aristocratie anglaise, je n'ai pas tout compris." La jeune femme allait rapidement arrêter de faire chauffer le potage - il avait largement le temps de refroidir, ils pouvaient encore parler un peu avant de s'installer à table. "La seule chose que j'ai bien compris est qu'ils ont l'air particulièrement insistant à ce que nous venions en couple." Et c'était certainement le détail qui allait faire grincer les dents de Jamie, surtout lorsqu'on vient insister, quasi forcer la main pour quelque chose. Elle savait qu'il avait horreur de ça. "Cette fois-ci, je ne pourrai pas trop me cacher derrière le champagne." dit-elle en riant nerveusement, bien que c'était entièrement vrai.
Lorsque Joanne ne dort part, d'une certaine manière je le sens. C'est une sensation indescriptible ; celle de pouvoir deviner que son esprit est encore bien présent, et non enfoui dans le sable des rêves, ou simplement happé par un sommeil profond et sombre. Ce n'est pas tant le fait qu'elle se tourne et se retourne dans le lit qui attire mon attention, c'est de pouvoir presque entendre son cerveau continuer de fonctionner, quoi que embourbé dans la fatigue. Alors parfois, j'ouvre de petits yeux, afin de pouvoir l'observer et être attentif à ce qui pourrait ne pas aller. D'autres soirs, je passe doucement un bras autour de sa taille afin de la serrer contre moi avec le peu de force que le sommeil me laisse, afin qu'elle puisse être apaisée au contact d'un corps calme. Il se peut que cela ne suffise pas. Il se peut aussi que je sois trop profondément endormi pour être capable de veiller sur elle. Cette nuit, alors qu'elle s'était tournée sur le dos après quelques minutes d'agitation, je m'étais approché d'elle, avais calé mon visage près de son cou, et avais posé une main sur son ventre. Nous devions déjà être proche des premières heures du matin, car il m'a semblé que ce fut peu de temps après cela que mon réveil avait sonné pour m'ordonner de me lever. Alors Joanne, elle, dormait enfin à poings fermés. Pour ne pas prendre le risque de la tirer de son sommeil, j'avais récupéré toutes mes affaires de manière à pouvoir me préparer dans la salle de bains, porte fermée, puis au rez-de-chaussée. Toujours sans un bruit. D'ailleurs, afin d'éviter les différents sons pouvant provenir de la cuisine ; tintements de verre, de métal, ouverture et fermeture du réfrigérateur, ce qui pourrait être à peine audible si je n'étais pas parfois si maladroit au sortir du lit ; j'avais décidé de partir rapidement et de déjeuner directement au travail. De toute manière, j'étais déjà légèrement en retard. Du reste, une journée banale. Peu de rendez-vous, pas de réel problème pendant les émissions, pas de problème technique, peu de dossiers restant sur la table une fois mes heures terminées. Roxy n'était pas dans son bureau, et je n'ai toujours pas de réponse concernant la division de mon poste. Une incertitude qui m'inquiète. Je parviens à quitter la radio une heure plus tôt, comme je l'avais dit à Joanne. Ce n'est que la première fois que j'y parviens, mais peut-être n'est-ce que le début d'une longue liste de journées écourtées de ces quelques minutes de fatigue en moins, et m'offrant du temps en plus à la maison. Passé le pas de la porte, deux boules de poils se ruent sur moi, aboyant en coeur, sautant autour -et sur moi. Mais je ne leur accorde pas encore d'attention, me tournant vers ma belle fiancée afin de la prendre dans mes bras. Je l'embrasse amoureusement, caressant tendrement sa joue. « Très bien, et toi ? » La jeune femme semble plus reposée. Toujours éprouvée par tous les bouleversements dans son corps, mais cela n'a plus rien d'inquiétant, au contraire. « J'ai essayé de faire aussi peu de bruit que possible pour éviter de te réveiller. » j'avoue avec un sourire, ravi que cela ait fonctionné. Elle se détache de moi afin de se rendre dans la cuisine d'où s'échappent quelques effluves appétissantes, me laissant ainsi reprendre ma place dans la maison. Le premier réflexe est toujours le même ; me défaire de ma veste, dénouer ma cravate et déboutonner le haut de ma chemise. Cela fait, je m'assied à même le sol afin de prodiguer quelques caresses aux chiens, les laissant tantôt me lécher ma main, tantôt ma mordiller, flattant les flancs blonds de Ben ou le petit ventre de Milo quand celui-ci gigotait sur le dos pour réclamer ce genre de gestes d'affection qu'il adore. Je n'ai pas besoin de demander à Joanne comment s'est déroulé sa journée qu'elle prend déjà la parole pour m'avouer que deux inconnus l'ont reconnue dans la rue. Mon regard passe immédiatement des chiens à elle, à la fois surpris et inquiet. Je sens mon estomac se nouer et mon coeur se serrer. Mais je ferais mieux de m'habituer à ce cas de figure. Prendre sur moi. Alors je détourne de nouveau le regard et continue de caresser doucement Ben. Le premier, un homme donc, souhaitait simplement la féliciter pour sa grossesse. « Il n'a pas été trop intrusif, j'espère. » dis-je. Même si je sais que je ne pourrais jamais mettre la main dessus, je me sentirais mal si jamais cet homme s'était montré trop insistant avec elle, s'il s'était imposé trop longtemps, s'il s'était montré trop familier. Le second lui a déposé une lettre. Je me lève alors pour m'approcher de quelques pas et attraper le pli en question. Lord et Lady Keynes. Amusé, je souris en lisant cela. « Nous devrions l'encadrer, celle-là. » dis-je pour plaisanter. Notre première lettre officielle comportant ces deux titres assemblés sous le même nom. Une petite erreur de la part de la personne ayant envoyé ce courrier. Pendant que Joanne parle, je lis les quelques lignes sur le carton d'invitation, constatant en effet l'ampleur de l'événement et la précision selon laquelle cette invitation s'adresse à deux personnes uniquement. « C'est le gala annuel de l'ambassade. » je fais remarquer en repliant la lettre et en la déposant sur une table du salon. « Je n'ai jamais voulu y mettre les pieds. » Je ne voulais pas être présenté comme le fils d'Edward, comme un représentant du Lord sur le sol australien, un émissaire sur lequel on appose toutes les comparaisons possibles avec son père. De plus, je me répétais que je n'avais pas quitté Londres pour mieux m'enfermer dans une grande pièce avec tout le gratin des hautes sphères britanniques. Aujourd'hui, je suis le Lord, et mon opinion n'a pas vraiment changé. « C'est… Ca sera rempli de personnes vraiment importantes… » Autant de pression sur les épaules d'une jeune femme qui n'en a pas besoin. Non, même si notre relation est officielle aux yeux du monde, cela serait insensé de plonger dans ce genre d'événement tête la première. Ce n'est pas ce que j'appelle aller en douceur. « Je ne pense pas que nous devrions y aller. » dis-je finalement.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
"Je vais bien. Une nuit un peu agitée, mais je me suis rattrapée cet après-midi." dit-elle doucement, souriante. Jamie avouait qu'il faisait des efforts le matins afin de ne pas la réveiller à cause d'un bruit inattendu. Il était tellement gentil, doté d'une bienveillance en toute démesure pour sa belle. "Tu es adorable, mon amour." lui dit-elle avant beaucoup de tendresse et un regard très amoureux. Il ne tarda pas à adopter une tenue confortable, ôtant dès qu'il le pouvait les accessoires dont il pouvait se passer, sans jamais oublier de déboutonner le haut de sa chemise - ce qui le rendant encore plus séduisant. A vrai dire, il ne fallait pas grand chose pour que Joanne pense de telles choses de lui. Le bel homme avait un visage qui se décomposait peu à peu lorsqu'elle lui dit qu'elle avait été reconnue pendant qu'elle promenait les chiens. Il était tracassé, il n'osait même pas la regarder. "Non, il avait été très aimable. Nous avons discuté quelques minutes." dit-elle en haussant les épaules, toujours ce léger sourire pendu aux lèvres. "Sa compagne va bientôt accouché et il comprenait tes émotions lorsque tu as lâché la nouvelle à l'antenne. Quoi qu'il s'était dit plus nerveux qu'autre chose, il avait peur de ne pas être un bon père." Joanne remplit deux verres d'eau, et vida celui qui lui était destiné. "Je lui ai dit que c'est justement le fait qu'il reconnaisse avoir peur de ne pas être un bon père qui prouvait qu'il le sera." Elle ne pensait pas à Jamie, à son cas, dans l'immédiat. Juste de l'image de cet inconnu qui allait avoir d'ici quelques jours un bébé à aimer éperdument. "Je pense qu'il avait juste besoin d'en parler et qu'il l'a fait spontanément une fois que j'ai confirmé mon identité. Il a respiré un bon coup, m'a remerciée, et est parti." Après quoi, Jamie avait eu le loisir de lire l'intutilé de la lettre, ce qui le fit largement sourire. Il suggérait même de l'encadrer. Suivant sa plaisanterie, elle dit, également amusée. "Il n'y as plus de place sur les murs." Elle n'osait pas lui demander d'aérer un peu les murs, d'y ajouter peut-être ici et là quelques photos, et plus tard, de leurs enfants. Que l'on comprenne en entrant dans cette maison qu'une famille entière s'y était construite, que des bambins avaient grandi heureux entre ces murs. Personnaliser un peu tout ceci. Joanne restait une personne très familiale, très attachée à ces valeurs auxquels ses parents l'étaient tout autant, sinon plus.Le bel homme lisait attentivement l'invitation, découvrant qu'il s'agissait d'un gala annuel, celui de l'ambassade. Il n'avait jamais voulu y aller, et précisa qu'il y avait là-bas, en gros, tout le gratin de la population britannique vivant en Australie. Joanne ne dit pas à un mot, elle lui avait promis de lui faire confiance en les décisiosn qu'il prendrait par rapport à ce type d'événements. C'était lui l'expert. Et celui-ci semblait plus convaincu de ne pas s'y rendre. "C'est comme tu le sens." dit-elle simplement, remplissant des assiettes à soupe du potage et les disposant ensuite sur la table. "Il avait l'air assez insistant. A moins que ce ne soit moi qui l'ai ressenti ainsi. Je ne voudrais pas que ton absence te porte préjudice par la suite, c'est tout." Elle exprimait juste la manière dont elle avait vécu le moment où elle avait reçu cet enveloppe. Les mains libérées, elles vinrent entourer la taille de son fiancé afin de l'enlacer et lui caresser tendrement le dos. "Réfléchis-y plus tard, et allons manger. Vide-toi un peu la tête." Dieu savait à quel point elle devait être remplie après une journée de travail. Il rentrait épuisé en général, bien qu'il gérait souvent la situation. Elle espérait vraiment que sa patronne lui octroie l'idée du mi-temps. Presque automatiquement, Joanne son front contre les lèvres de Jamie en fermant les yeux quelques secondes. Lorsqu'elle relevait un peu sa tête pour le regarder, ses iris bleus pétillaient, et elle avait un beau sourire dessiné sur sa bouche. "Enfin... J'aimerais bien que tu m'embrasses, d'abord." Il comprenait très vite par là qu'il ne s'agissait pas juste d'un baiser volé, ou de quelque chose de plus joueur. Juste, un vrai baiser, comme il savait si bien le faire.
« Je ne sais pas si… » La fin de ma phrase se perd dans l'air tandis que j'y réfléchis de nouveau. Joanne ne devrait peut-être pas se montrer trop facilement abordable, laisser n'importe qui lui parler de cette manière. J'aimerais lui dire de se montrer plus distante, d'être méfiante, faire attention. Elle n'est plus une enfant, mais elle peut être si naïve parfois. Et sa silhouette si fine, si petite, ne fait peur à personne. Elle qui est si douce semble si facile à atteindre ; il suffit de l'interpeller et commencer à lui parler pour lui manger des heures de son temps, elle n'osera sûrement pas s'esquiver, s'imposer, et même si elle y parvenait, il serait simple de la retenir. N'importe qui peut l'importuner, ou pire. Mais elle ne peut pas changer du tout au tout. Elle ne peut pas s'inventer un caractère plus distant, plus froid, un mur derrière lequel se protéger. Elle n'en a peut-être pas envie non plus, ne voyant pas d'inconvénient à parler quelques minutes avec une personne l'ayant reconnue dans la rue, aussi étrange et nouveau cela puisse être pour elle. Me concernant, je n'aime pas rejeter qui que ce soit lorsqu'on m'aborde, je ne me vois pas dégager d'un signe de main ces personnes qui prennent le temps de m'écouter à la radio plutôt que de changer de station. Il faut savoir se montrer reconnaissant auprès de ces personnes sans qui je ne serais pas là. Alors pourquoi devrais-je dire à Joanne de se cacher, de refuser leur attention ? « Non, rien, oublie ça. » Ca n'a pas de sens, voilà tout. Ce n'est que mon inquiétude, ma peur qu'il lui arrive quelque chose. Peut-être ferais-je de nouveau affecter quelqu'un à sa sécurité, gardant un œil sur elle, histoire de me rassurer. J'y réfléchirais plus tard. Pour le moment, mon attention s'est tournée vers la lettre que la jeune femme m'a donné. Cette lettre qui revient tous les ans. Son filigrane classieux, sa typographie soignée aux grandes boucles argentées. Pompeux à souhait. Très aristocratique. Je n'ai jamais mis les pieds à l'ambassade pour autre chose que des formalités administratives. Et sûrement pas pour ce gala qui m'inspire un profond rejet. Joanne ne s'oppose pas à mon avis de ne pas s'y rendre cette année encore, suivant sûrement à la lettre la parole qu'elle m'a donné de me faire confiance concernant ce genre de décision. Sur le moment, j'hausse les sourcils, surpris. Pas de moue déçue ou boudeuse, pas d'argument afin d'insister afin d'y aller. Elle se contente d'acquiescer, précisant qu'elle ne veut pas que notre absence ait la moindre répercussion. « Je ne suis pas venu toutes les fois précédentes. Je ne crois pas qu'ils s'attendent sérieusement à me voir débarquer cette année, comme une fleur. Ils me féliciteront pour ma parfaite intégration à l'Australie en me fiançant à une native du pays et en mélangeant nos cultures en ayant un enfant. Et il est hors de question de redevenir une bête de foire. » dis-je assez sèchement, énervé par les simples images qui se créent dans mon imagination en prononçant ces mots. Certainement la fatigue qui me laisse quelque peu à fleur de peau. Je respire un coup, voyant bien que je m'emporte sans raison. Mes bras viennent tendrement serrer Joanne ; je loge mon visage dans son cou, cherchant un refuge loin du monde extérieur, et inspirant son parfum. Sa chaleur me détend instantanément. Me vider la tête, quelle bonne idée. J'acquiesce et dépose quelques baisers sur son cou, sa joue, son front. Pendant quelques secondes silencieuses, je caresses ses cheveux blonds, les yeux fermés. La belle réclame finalement un baiser. Je lui souris en retour, amusé par cette demande formulée si spontanément. « Vos désirs sont des ordres, ma Lady. » je murmure en relevant délicatement son visage d'une main sous son menton. Je dépose un premier baiser très léger sur ses lèvres, plus proche du souffle, doux et furtif. Un second, plus appuyé, saisissant la lèvre inférieure de Joanne entre les miennes, mais la caresse reste superficielle. Le troisième, et dernier, est bien plus long et concret ; plus langoureux aussi, il bascule d'une infinie tendresse à une passion certaine lorsque mes bras la serrent un peu plus contre moi ; puis il cesse à l'instant où je peux sentir mon coeur tenté d'accélérer. « Je t'aime. » je souffle au bord de ses lèvres avec un sourire en coin. La table étant mise et le repas servi, je quitte la cuisine pour m'installer à ma place habituelle. Avant que Joanne ne file sur sa propre chaise, je l'intercepte et la tire vers moi afin qu'elle tombe assise sur mes jambes. Je ne manque pas de lui voler un baiser. « Et qu'est-ce que cela t'as fait d'être appelée Lady, hm ? » je demande par curiosité, le regard malicieux. L'odeur du plat est des plus appréciables. Milo, sautillant à mes pieds, semble aussi intéressé. Mais après quelques caresses sur la tête, je lui demande de filer rejoindre Ben -ce qu'il ne doit pas comprendre, mais il s'exécute. « Je n'ai pas encore de nouvelles pour le mi-temps, je n'ai pas pu coincer Roxy aujourd'hui. » j'avoue à Joanne pour clore le chapitre ''travail'' du jour, puisqu'il n'y a rien de plus intéressant à dire à ce sujet. « J'espère la voir demain, et revenir avec une bonne nouvelle. » Plus de temps pour moi, pour elle, pour souffler, profiter. Du temps bien mérité. Je me demande si la jeune femme a eu des nouvelles de ses parents ; je me souviens que sa mère écoute l'émission, elle n'a certainement pas raté l'annonce de la grossesse de sa fille à l'antenne.
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A peine avait-il commencé sa phrase par une négation, Joanne avait la sensation qu'elle avait fait quelque chose qui ne lui convenait pas. Son visage se transforma peu à peu, presque désolé, attendant qu'il partage le reste de ses pensées. Son coeur battait sensiblement plus vite. Elle était certaine qu'elle allait se faire monter les bretelles, ce qui était souvent pour elle synonyme de déception, de ne pas convenir, de ne pas avoir fait ce qu'il fallait. Ses doigts jouaient nerveusement entre eux, quoique ses gestes restaient discrets et doux. Le bel homme finit pas sa phrase, demandant plutôt à sa belle d'oublier tout ceci. De sa voix douce, inquiète et interrogatrice, elle finit par déduire d'elle-même. "Tu n'es pas trop d'accord que je parle comme ça à des inconnus, c'est ça ?" Elle haussa les épaules. "Je suis désolée." Allez demander à Joanne de rejeter quelqu'un, de lui faire dire non, je n'ai pas le temps ou laissez-moi tranquille. Elle n'utilisait ces phrases que dans des situations bien particulières, et être abordée aussi gentiment par un inconnu de cette manière n'en faisait pas partie. Bien sûr, l'échange avait été des plus étranges pour elle, ça ne lui était jamais arrivé jusqu'ici. "Je ne sais pas trop comment m'y prendre et là... tout était venu si spontanément." Elle n'avait pas ressenti de difficultés particulières, si ce n'était la singularité de cette rencontre. La jeune femme l'avait très bien vécu, bien sûr. Revenant sur la fameuse invitation, Joanne remarquait que son fiancé était particulièrement sensible, peut-être même susceptible. Il s'emportait de lui-même par le simple fait de mentionner ce fameux gala. Elle n'avait jamais aimé lorsqu'il employait ce ton, beaucoup plus sec et rêche, impassible. Il était plus que contrarié, et on le voyait aisément sur les traits de son visage. Du moins, Joanne les voyait très bien. Il expira profondément afin de reprendre ses moyens, puis vint se serrer contre sa belle. Celle-ci n'osait pas reprendre le sujet de la conversation. Alors qu'il avait enfoui son visage dans son cou, Joanne se mit à lui caresser tendrement les cheveux, bien qu'elle était loin d'être sereine. Il était peut-être temps de passer à autre chose et lui demander de l'embrasser. Jamie ne put s'empêcher d'esquisser ce sourire si particulier. Lady. En voilà, un drôle de titre. Elle trouvait que cela sonnait absolument faux pour elle, qu'elle n'avait ni l'allure ni la prestance pour être appelée ainsi. Même si au fond, ce n'était qu'une histoire de mariage ou d'héritage. Il ne tarda pas à s'exécuter, par un enchaînement de trois baisers, tous très différents les uns des autres. Le premier était des plus innocents, des plus doux. Le deuxième s'exprimait un peu plus, sa bouche prenant d'assaut sa lèvre inférieure. Le troisième n'était pas comparable. C'était le type même de contact qui était tout à fait possible de passer le pas, et d'engager des ébats plus intenses. Joanne avait les yeux ouverts lorsqu'il lui dit ces mots d'amour. Cela la faisait complètement craquer, qu'il le lui dise ainsi, avec ce petit sourire en coin, terriblement séducteur. Ils comptaient passer à table mais Jamie eut le temps de saisir sa belle en l'incitant à s'asseoir sur ses genoux. "C'est étrange, surtout." dit-elle, les yeux baissés sur ses mains, qui avaient pris l'une de celles de Jamie. Ses doigts caressaient doucement ceux de son futur époux. Elle haussa les épaules. "Je trouve ça étrange d'acquérir un tel titre par un mariage, rien de plus." La jeune femme avait très certainement une vision un peu vieillot de tout cet univers-là, elle n'y connaissait pas grand chose. "Presque comme une claquement de doigt, finalement. Même si ça n'est qu'un titre, et qu'il n'y pas ou plus grand chose derrière..." Elle haussa les épaules puis regardée Jamie, presque honteuse de partager ses émotions. "...Ca reste pour moi quelque chose d'impressionnant, de grandiose." Elle rit par pure nervosité. "Ne m'écoute pas, j'ai l'air ridicule." finit-elle par dire. "Je ne m'étais préparée qu'être potentiellement devenir Madame Keynes, mais pas Lady." Joanne avait eu un sourire en exprimant cette phrase, qui s'effaça par l'incertitude en pensant à la suite. "Enfin, si tu es d'accord que je prenne ton nom de famille." Il y avait cette tendance à ce que la femme garde son nom de jeune fille si elle le désire ou que chacun prend en plus le nom de famille de l'autre, suite à certains mouvements et des histoires d'égalité. Bien qu'elle respectait entièrement ceci, Joanne restait très traditionnelle et dans son esprit, il était évident qu'elle reprenne le nom de famille de son époux. Il y avait une très grande valeur symbolique à ses yeux. "Joanne Keynes, je trouve que ça sonne bien." dit-elle, en pensant à haute voix. Après quoi, un certain de moment de silence s'imposa dans la pièce. Joanne avait baissé à nouveau ses yeux, ses doigts devenant un peu plus nerveux sans qu'elle ne le veuille, alors qu'elle tentait toujours de procurer quelques gestes d'affection sur la main de Jamie. "Et après, c'est moi qui serai la bête de foire." dit-elle, ne parvenant pas à le mettre sur le ton de la plaisanterie malgré l'essai. Elle fit un sourire à Jamie afin de le rassurer, mais là aussi, cela n'avait rien de convaincant. Joanne avait le droit d'appréhender. Il y avait eu beaucoup de nouveautés ces derniers temps. De très bonnes nouvelles, mais aussi une certaine quantité d'angoisses qui allaient de pair avec certains bonheurs. Le bébé prédominait le tout. Elle voulait tellement être déjà ce troisième mois, faire tous les examens génétiques qui lui permettraient qu'on lui dise que l'enfant est en bonne santé, qu'il n'y a pas de malformations ni d'anomalies génétiques. Seulement, à partir de ce moment là, elle vivra sereinement sa grossesse. "Ce serait merveilleux qu'elle accepte cette option. Ca te permettrait d'avoir plus de toi pour toi, te ressourcer." Et dire que Joanne était encore incapable de comprendre qu'il faisait ça en très grande partie pour elle0
Quand je jette un coup d'oeil du côté de Joanne, je devine sa mine désolée, son regard bas, sa silhouette toute entière sensiblement repliée sur elle-même. Bien sûr que j'aimerais lui demander de ne pas se laisser aborder par qui que ce soit, de créer un mur entre elle et ces personnes sorties de nulle part qui pourraient venir lui adresser la parole. Mais je ne le peux décemment pas. Cela ne serait pas juste. Pourquoi devrais lui imposer de telles limites que je n'applique pas au quotidien ? Certes, elle est plus frêle, si petite et fragile, mais elle est gentille et douce, et je ne peux pas priver qui le veut de faire sa connaissance, ni elle d'avoir un contact avec ces anonymes qui prennent un visage pendant quelques minutes. Je soupire. La jeune femme devine si facilement le fond de mes pensées, me connaissant peu à peu sur le bout des doigts. Je me sens presque honteux d'autant chercher à mettre mes griffes sur Joanne en toutes situations. « Ce n'est pas tant le fait de parler à des inconnus qui me dérange… » dis-je pour essaye de tempérer ma pensée. Après tout, il n'y a rien de mal à ce que quelqu'un la reconnaisse et souhaite, avec bienveillance, la féliciter pour sa grossesse. Au contraire. « Quoi que si les hommes pouvaient éviter de t'aborder, je ne serais pas contre. » je précise avec un léger sourire, histoire de détendre l'atmosphère. Sait-on jamais si, un jour, une personne ayant vu sa photo passer furtivement sur les réseaux sociaux de la radio, l'ayant trouvée fort à son goût, l'aurait revue sur la vidéo de la précédente émission, puis la repérerait dans la rue et s'approcherait pour lui faire des avances à peine dissimulées. Quelqu'un susceptible de lui plaire. Plus sérieux, je reprends ; « Je m'inquiète plus pour ta sécurité. On ne sait jamais qui se cache derrière quelqu'un qui t'approche avec un grand sourire. » Cela peut sembler ridicule, j'en ai conscience. Même avant que notre relation soit officielle, comme pour n'importe qui, Joanne était exposée à tous les dangers qui composent une grande ville. La différence, c'est qu'elle n'est plus vraiment un visage dans la foule. Elle est devenue remarquable. Et je ne voudrais pas qu'un jour, le fait d'attirer l'attention lui fasse faire une crise de panique aussi fatale que nous savons qu'elles peuvent l'être. « Fais juste attention à toi. » Le sujet du gala passe vite à la trappe. Joanne comprend sans mal qu'il vaut mieux ne pas insister pour le moment. Ce genre d'évènements fait remonter une foule de souvenirs insupportables. Je préfère m'en tenir éloigné autant que possible, écumer les soirées australiennes et fuir les agrégats d'aristocrates britanniques. Nous serions allés partout ailleurs sans que je n'oppose trop de réticences, fidèle à la démarche visant à introduire ma fiancée dans mon monde. Avant qu'elle ne devienne vraiment, officiellement, ma Lady. Un terme qui doit la mettre encore plus mal à l'aise que moi. Au fond, comme elle, je n'ai rien fait d'autre que naître dans la bonne famille (s'il en est, et pour leur plus grand malheur) pour hériter de ce titre. Ce petit mot féodal qui ne veut plus dire grand-chose. « Arrête de dire des bêtises, tu n'es pas ridicule. C'est encore très étrange pour moi aussi. » dis-je dans l'espoir de la rassurer un peu. Pourtant, j'ai eu des dizaines d'années pour me faire à l'idée que cette particule s'ajouterait à mon nom un jour. Je suis toujours loin d'y être habitué. Nous ne le serons peut-être jamais vraiment. Nous serons seulement capables de nous en amuser, peut-être. Je ris nerveusement en entendant Joanne avouer qu'elle avait déjà pu se projeter en tant que madame Keynes. Lady, c'est une autre histoire. Puis sa remarque suivante me fait hausser les sourcils, surpris et amusé à la fois. D'une main sous son menton, je maintiens son regard sans le mien et son visage tourné, lui adressant un fin sourire. « Regardes-moi bien. Est-ce que, me connaissant, je laisserais passer la moindre occasion de faire savoir au monde entier que tu es à moi ? » je demande avec une bonne dose d'autodérision. Il n'y a pas de marque d'appartenance plus clair que celui qui lie un mari de sa femme par le nom. C'est sûrement très traditionaliste, mais c'est une chose à laquelle je tiens -pour d'autres motivations que ma seule possessivité. Et puis, Joanne Keynes, cela sonne vraiment bien. « Je trouve aussi. » dis-je avant de déposer un léger baiser sur sa joue. Mais tout de suite, l'expression du visage de la jeune femme se fait plus grave. Elle pense qu'elle deviendra, à son tour, une bête de foire. « Pourquoi ça ? » je demande, sûrement très naïf, ne comprenant vraiment pas quelle réflexion l'a menée à cette conclusion. Elle est belle, agréable, elle ne manque ni d'esprit, ni d'humour, elle possède une présence particulière et un regard envoûtant ; dans tout ce que je peux voir d'elle, il n'y a pas de raison qu'elle subisse ce traitement. « Tu sais bien que je ne laisserais personne te traiter ainsi. » j'ajoute pour la rassurer. Serait-ce parce qu'elle n'est pas née dans les mondanités, parce qu'elle y accède grâce à moi ? Il est vrai que nous avons l'oeil pour déceler les nouveaux venus de son genre. Mais je ne doute pas qu'elle saura balayer les préjugés d'un revers de la main, en restant telle qu'elle est. J'en viens à l'informer que, n'ayant pas pu voir Roxy aujourd'hui, je n'aurais pas de nouvelles concernant le temps libre que j'espère me dégager avant demain -à condition qu'elle soit disponible. Je n'ai pas non plus tranché la question de l'exposition de mes toiles. J'appellerai peut-être Nyx. « Et plus de temps pour toi, surtout. » je précise, tapotant le bout de son nez. « Pour vous deux. » Je dépose un baiser tendre sur ses lèvres avant de la libérer et la laisser retrouver sa place, afin qu'elle puisse toucher à son plat.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Il y avait donc bien quelque chose qui l'agaçait. Forcément, ce qui lui posait le plus problème, c'était que ce soit des personnes de la gente masculine qui adresse la parole à Joanne. Celle-ci sourit un peu, sachant que même si l'employait un ton plus léger, cherchant à soulager l'ambiance, il ne devait certainement pas en penser moins. "Ca t'arrangerait qu'aucun homme, mis à part toi, ne puisse m'approcher, pas vrai ?" lui lança-t-elle avec un regard malin. Il avait certainement peur qu'elle finisse par être attirée par quelqu'un d'autre, qu'un autre homme était doté des armes parfaites pour l'amener vers lui, et prendre possession d'elle. En dehors de cela, Jamie se faisait beaucoup de souci pour elle. Ce sentiment devait être décuplé depuis qu'il la savait enceinte. Il voulait s'assurer qu'il ne lui arrive rien, ce qui était un sentiment des plus normaux envers une personne que l'on aime à ce point. "Je ne peux pas être surveillée vingt-quatre heures sur vingt-quatre non plus." dit-elle d'un air désolé, cherchant des solutions qui pouvaient apaiser un peu la conscience de son futur époux. "Ni m'enfermer ici toute la journée, je deviendrais folle." Mais c'était certainement les deux solutions qui plairaient le plus à Jamie, à n'en pas douter. Alors il se contenter de lui demander de faire attention. Joanne le regardait d'un air les plus attendri, un léger sourire dessiné sur ses lèvres. "Je ferai attention à moi." répéta-t-elle en le regardant droit dans les yeux. "Et puis, j'ai deux chiens particulièrement impressionnants et agressifs pour me protéger en cas de danger." ironisa-t-elle. "Je sais qu'ils peuvent ressentir ce genre de choses, lorsqu'on ne se sent pas rassuré, pas en sécurité. Comme lorsqu'ils savent quand j'aimerai me reposer ou quand je suis prête à les emmener sortir un peu." Ben et Milo étaient très attachés à leurs maîtres, une véritable relation s'était instaurée. Une profonde reconnaissance, en fin de compte. Ils cherchaient certainement à rendre là pareille dès qu'il le pouvait. Après quoi, Jamie ne manqua pas de la reprendre, disant qu'elle n'était pas ridicule, qu'il n'était pas nécessairement à l'aise avec ce titre non plus. Initialement, il n'en voulait pas, mais c'était en le prenant qu'il avait écrasé son père. Ensuite, il la força à le regarder. Elle se plongea toute seule profondément dans ces yeux verts, avalant chacune de ses paroles, peu lui importait le ton qu'il avait entrepris. Elle l'embrassa à peine sa phrase terminée, on ne peut plus amoureusement. "Certains féministes extrémistes te haïraient s'ils t'entendaient." ajouta-t-elle à voix basse, en riant. Il aimait également la manière dont sonnait Joanne Keynes. L'inverse aurait été surprenant. Elle lui vola un baiser, une nouvelle fois. Après quoi, elle baissa les yeux et jouait avec ses doigts. Jamie semblait bon de préciser qu'il ferait tout pour que ça n'arrive pas. "Je vais devenir leur nouvel attraction. Comme l'autre fois, pendant le cocktail. A se plaire à me poser des questions qui me mettent mal à l'aise, à se moquer quand ils verront que je ne sais pas grand chose de ton monde, qui deviendra un peu notre monde. Certains finiront certainement par me faire comprendre que je n'ai rien à faire là. Je n'en sais rien." Même si elle faisait confiance à Jamie de l'introduire dans l'univers dans lequel il avait grandi, même si elle voulait à tout prix l'accompagner n'importe où, il y avait quand même ces appréhensions. "J'espère que nous trouverons l'occasion de leur clouer le bec et faire cesser ces on dit. Leur faire comprendre que le nouveau Lord Keynes n'a rien à voir avec le précédent, qu'il va marier une petite Australienne d'amour et non pour faire bonne figure. Qu'ils comprennent qu'il l'aime tellement qu'il a fini par voir certains aspect de la vie sous un autre angle. Que s'il a mis sa future épouse enceinte, ce n'était que par amour et pour voir arriver de nouveaux jours, des jours heureux, se fichant bien des temps sombres que nous avions pu vivre avant de se connaître." Elle haussa les épaules une nouvelle fois, songeuse. "Contrairement aux autres, nous n'aurons pas à prétendre être heureux à leurs yeux, parce que nous le sommes vraiment." Joanne n'aimait pas tout ce qui était faux -lorsqu'elle le voyait, elle restait naïve. Prétendre était un verbe qu'elle n'aimait pas vraiment. Joanne s'installa pour manger, le potage était juste à la bonne température pour elle. Une fois qu'ils avaient fini, elle récupéra les assiettes à soupe et fini de préparer les bruschettas, cela ne prit que cinq à dix minutes. Elle fut soudainement prise de nausées -encore une fois et plaçait le dos de sa main sur sa bouche-. Saisissant rapidement la boîte de comprimés que le Dr. Winters lui avait prescrit, elle avala rapidement l'un des cachets. Elle était chanceuse, ils étaient particulièrement efficaces. Par curiosité, elle avait consulté quelques témoignages et il semblerait que beaucoup de femmes enceinte n'étaient pas soulagés ou n'arrivaient même carrément pas. Cela devait être insupportable. Elle restait debout dans la cuisine pendant quelques minutes, attendant que ça passe. Se sentant un peu mieux, elle rapporta les deux assiettes à table. "Pas que matinales, les nausées, pour mon compte." lui dit-elle en souriant, après s'être assise. "Heureusement que les médicaments sont efficaces." Même si, d'habitude, Joanne n'aimait pas prendre des médicaments. Concernant le bébé, elle ne disait absolument rien. Elle préférait attendre encore un peu avant de poursuivre le dîner.
J'adorerais pouvoir créer une barrière invisible autour de Joanne, empêchant toute la gente masculine, excepté moi, de l'approcher. Et, pourquoi pas, de la voir. Qu'aucun homme ne puisse plus la toucher, ni la regarder. Vraiment, je pourrais la mettre sous-clé -je l'ai déjà prouvé lors de notre séjour à Londres. Je crois qu'il n'y a pas de limites à ce que je pourrais faire pour la garder pour moi seul, et surtout, pour la protéger. Oh non, elle ne peut pas être surveillée toute la journée. Pense-t-elle. Je me garde bien de lui dire qu'elle se trompe, que je pourrais faire installer une paire d'yeux constamment braquée sur elle, la suivant lors de ses sorties. Autant que je ne compte pas lui dire un jour que j'ai déjà employé ce moyen de la protéger, lorsque mon père était en ville -excuse plus acceptable que celle qui menace de me motiver désormais et contre laquelle je dois luter pour ne pas tomber dans un excès frisant l'indécence. La jeune femme m'en voudrait bien trop d'agir de la sorte, même en ne voulant que son bien. Je n'ai plus qu'à compter sur Ben et ses crocs que je sais acérés, sa mâchoire que je sais puissante, pour jouer les gardes du corps de sa belle maîtresse. Milo, lui, ne ferait pas peur à qui que ce soit. Ses petits aboiement sont à peine crédibles. Même s'il le voulait, il ne pourrait pas protéger Joanne. Je ne dois pas céder à mes angoisses. Les villes, le monde, la vie est un amas de dangers à tous les coins de rue. Si je m'inquiète de chacun d'entre eux, mes nerfs ne tiendront jamais. Ma fiancée trouve place sur mes genoux. Il me semblait évident qu'elle prendra mon nom lorsque nous serons mariés, pourtant, elle s'assure tout de même que cela soit mon souhait. Je ne me suis jamais prétendu complètement dénué de quelques principes que l'on pourrait trouver misogynes, ce que Joanne souligne avec amusement. Les féministes ne me porteraient pas dans leur coeur. « Heureusement que tu n'en fais pas partie. » dis-je avec un sourire. D'ailleurs, je n'ai jamais beaucoup aimé toutes les dérives trop radicales du féminisme. J'accepte qu'on me remette à ma place lorsque je dis penser qu'une femme est bien mieux à la maison à dédier toute son attention à ses enfants, mais rien de plus. La jeune femme m'explique pour quelles raisons elle pense devenir la nouvelle bête de foire des soirées mondaines. Elle ne vient pas de mon monde, elle y atterri par une sorte de passerelle, jouissant d'une rare élévation sociale. Quelque chose qui n'est pas toujours vu d'un bon œil. Elle espère que nous donnerons tort à tous ceux qui porteront des jugements sur nous, sur elle, sur moi. Je l'écoute avec un sourire en coin, presque attendri par ce petit bout de femme qui, timidement, semble vouloir se préparer à partir en guerre contre une société qui ne lui fera pas de cadeau. « Ils vont nous détester pour ça. Nous regarder de travers en crevant de jalousie. » dis-je avec un grand sourire amusé. Les couples étranges, heureux, harmonieux malgré tout ce qui les rend atypiques, forcent à la fois l'admiration et nourrissent les mauvaises langues. Nous n'échapperons à aucune remarque, aucune critique, tu nous ferions mieux de les prendre comme autant de bonnes blagues prononcées par des êtres qui n'ont aucune idée de ce sont ils parlent. « Tu seras admirée et détestée à la fois. » Je caresse tendrement son visage, replace l'une de ses mèches derrière son oreille. Cela ne sera certainement pas facile pour elle, mais elle réussira sans doute à se fortifier rapidement. Elle comprendra qu'elle n'aura pas le choix. « Mais ce qu'ils diront n'aura pas d'importance. La plupart ne sont pas meilleurs que toi, ils ne valent pas plus que toi, bien au contraire. Tout ce qu'ils verront, c'est que tu as quelque chose en plus qu'eux n'ont pas. Tu connais de vraies valeurs, et tu as une authenticité qu'ils ne peuvent que feinter. C'est ce qu'ils prennent pour de la faiblesse, alors que c'est simplement quelque chose qui leur fait peur. » Tous les membres des hautes sphères ne sont pas mauvais, tous ne sont pas des concentrés de cruauté. Mais tous ont leur défaut, leur carence, qu'ils tentent de combler par un excès dans un autre domaine. Certains ne connaissent pas la valeur du travail, d'autres celle de l'amour, ou encore de la famille. Joanne, elle, sait toutes les facettes du vie pleinement ancrée de le réel. Et cela en a fait une personne d'une immense bonté d'âme à faire pâlir de jalousie toutes celles qui ont besoin de robes trop clinquantes et d'énormes bijoux pour réussir à être vues. « S'ils devenaient comme toi du jour au lendemain, imagine le nombre de choses sur lesquelles ils devraient ouvrir les yeux. A quel point leur vie leur semblera futile. » Joanne l'a dit elle-même, à son contact, mon regard a complètement changé sur bon nombre de choses. Cela n'a pas été simple parfois, et tout en moi, mon passé, mes habitudes, mon éducation, cherchaient à combattre tous les principes qu'elle cherchait à m'inculquer. Il suffit de se souvenir quel mal j'ai eu a accepter le retour de l'amour dans ma vie après que ce fameux monde qui est le mien l'ai annihilé. « Ce qu'il y a en toi, et qui les effraie, qui les rend incisifs par rapport à toi, c'est que tu as de l'humanité. Et c'est quelque chose que notre environnement s'applique à nous enlever. Alors ils essayeront aussi de te le prendre, parce qu'il n'est pas question que tu aies quelque chose qu'ils n'ont plus. » Une logique d'enfant, mais celle adoptée par le plus grand nombre. Une jalousie toute naturelle, humaine, exacerbée par l'argent qui coule dans nos veines depuis notre naissance. « Ce n'est sûrement pas quelque chose dont tu dois avoir honte, ou voir comme une faille. C'est ce qui fait que tu ne seras jamais du même monde que eux ou que moi, mais que tu seras toujours bien au-dessus de nous. » dis-je enfin, persuadé que Joanne n'en croira pas un mot. Tout du moins, qu'elle ne l'acceptera pas. Je ne me fais pas d'illusions ; ce n'est pas en un soir que j'apprendrais à une jeune femme qui trouve tous les moins de se rabaisser qu'elle est, en réalité, celle qui survole toutes ces montagnes qu'elle a l'impression de voir se dresser devant elle. Le dîner qu'elle avait préparé disparaît rapidement de nos assiettes sans trop de paroles -signe que le potage est bon. Ne me laissant pas l'occasion de l'aider à débarrasser la table, je me contente de l'observer agir dans la cuisine, terminer la préparation de la suite, non sans un sourire en coin, la trouvant si adorable. Puis elle se jette sur une boîte de cachets et en avale rapidement un, soudainement plus pâle. Je fronce les sourcils, ne comprenant pas ce qu'il se passe du côté de la cuisine. Lorsque la jeune femme revient avec les assiettes, elle explique que ses nausées surviennent toute la journée. Je la regarde avec un air désolé -désolé de ne rien pouvoir faire pour elle. « Et la fatigue ? Est-ce que tu te sens un peu mieux ? » je demande, ayant déjà constaté qu'elle ne porte bien depuis que nous savons qu'elle est enceinte, le moral jouant sûrement. Mais peut-être ressent-elle d'autres désagréments dont je ne sais rien. « Tu as des nouvelles de tes parents, d'ailleurs ? » je demande ensuite, cédant à ma curiosité. S'ils n'ont pas appris la grossesse de Joanne par l'émission radio, peut-être les a-t-elle appelé. Peut-être dois-je m'attendre à un débarquement de Prescott pour célébrer l'événement. Ce qui me fait penser que je devrais appeler ma propre mère, dont je n'ai pas de nouvelles depuis mon voyage à Londres. Un silence que je n'ose pas interpréter ; peut-être va-t-elle bien, ou au contraire, dépérit-t-elle, à moins qu'elle ne veuille plus me parler à cause de mes fiançailles avec Joanne. Elle ne sait pas qu'elle est enceinte, à moins qu'elle n'écoute le podcast de l'émission sur internet, ce dont je doute. Elle aura sûrement la même réaction que d'habitude face à cette nouvelle, incapable de laisser transparaître la moindre émotion à l'idée d'avoir un petit-fils ou une petite-fille. Quant à Edward, je préfère ne pas y penser.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Certains féministes étaient très radicaux. Joanne respectait leur choix, leur idéologie. Elle était parfois d'accord avec, parfois elle se braquait complètement. Il y avait une sorte de confrontation entre les valeurs traditionnelles qu'elle a par rapport à la famille, notamment, et ces principes qui étaient évidents pour ces militants. Joanne avait ensuite partagé ses pensées par rapport à son intégration dans le monde de Jamie. Celui-ci n'hésitait pas un seul moment à être franc. A dire qu'ils allaient être détestés, jalousés par un grand nombre. Pour une personne comme Joanne, qui avait grandi avec un entourage qui avait toujours adorable avec elle, c'était loin d'être facile à entendre. Etre détestée. Cela semblait amusé son fiancé, qui avait un large sourire en partageant ses pensées. Elle le regardait d'un air interrogatif, ne comprenant pas ce qui pouvait bien le faire rire dans tout ça. "Je n'ai pas très envie de leur jalousie." dit-elle à voix basse, les yeux baissés. Jamie plaçait doucement un mèche de cheveux de sa belle derrière son oreille, affectueusement. "Et je suis sensée réagir comment face à tout ça ?" finit-elle par demander, songeuse. Jamie savait que sa future femme était une personne qui prenait tout commentaire un peu trop à coeur, on pouvait l'atteindre très facilement. Tout ceci lui semblait tellement insurmontable. Jamie tentait d'apaiser un peu la pression qui s'exerçait de plus en plus sur elle, lui assurant que la majorité des personnes qui allaient être les premiers à les critiquer valaient beaucoup moins qu'eux. Qu'ils s'exprimaient ainsi parce que Joanne et Jamie avaient bien des choses que les autres ne possédaient. "Ca ne leur sert à rien d'être aussi intolérants. C'est de la méchanceté gratuite." dit-elle, toujours sans le regarde. La détermination était là mais Joanne était de moins en moins certaine d'être capable de faire face à tout ceci. "Ca doit les faire sacrément jubiler, lorsqu'ils parviennent à briser des personnes, ainsi. Ce n'est pas juste." Les hautes sphères de la société étaient vraiment un univers particulier. Les règles étaient différentes, les comportements aussi. On ne savait pas être heureux pour l'autre, on cherchait juste à retirer ce bonheur. On ne savait pas compatir lorsqu'une mauvaise nouvelle leur tombait dessus, on l'utilisait pour la faire tourner à son avantager ou on enfonçait encore plus le clou. Des règles que Joanne n'appliquerait jamais. Jamie se comptait dans cette population, disant par là qu'il avait aussi perdu son humanité. "Tu en as, toi, de l'humanité." lui dit-elle. Ses yeux restaient rivés sur ses mains. "Plus que tu ne veuilles l'admettre." Elle sourit légèrement. "Sinon, il n'y aurait pas eu ces larmes le jour de l'échographie. C'est un exemple parmi tant d'autres." ajouta-t-elle tendrement. La jeune femme restait songeuse quelques minutes. "Je ne suis au-dessus de personne." Il avait certainement raison, mais elle ne le voyait pas. Son manque de confiance en soi et d'estime lui jouaient encore de mauvais tours. Joanne avait débarassé la table, plongé dans ses réflexions avant qu'elle n'ait de nouvelles nausées. Son fiancé la regardait d'un air navré, il devait s'en vouloir de ne rien pouvoir faire rapport à ça. Il demandait si elle se sentait moins épuisée, elle lui répondit avec un sourire. "Ca va mieux oui. J'avoue qu'être au calme toute la journée fait beaucoup de bien. Il y a toujours comme une sorte de fatigue constante, mais ça reste tout à fait tolérable." Et puis, depuis la nouvelle, Joanne était plus souriante, même si elle n'était pas encore tout à fait sereine. "Mes journées seraient encore plus belles si tu avais ce mi-temps." reprit-elle. "Désolée, je ne veux pas être autant insistante à ce sujet. Mais depuis que je t'ai proposé l'idée, je l'ai constamment en tête, et... ça me ferait vraiment plaisir de te savoir plus à la maison." Joanne ne se confronterait jamais véritablement à son travail. Si Roxy refusait la proposition, elle ferait avec, s'adapterait en conséquence. "J'espère que je ne te mets pas trop la pression à cause de ça." ajouta-t-elle, se sentant un peu coupable. Joanne commençait à manger le plat, alors que Jamie demandait finalement si elle avait des nouvelles de ses parents. Elle vidait sa bouche et restait quelques secondes silencieuse. "Je... Je ne leur ai rien dit explicitement pour le moment." dit-elle, très incertaine. "Mais je pense qu'ils savent quelque chose parce qu'ils m'ont déjà laissé quatre messages vocaux sur mon téléphone." Téléphone qu'elle avait du changer quelqus jours après qu'elle ait appris la nouvelle, puisque l'ancien était tombé par terre. Elle lâchait ses couverts, jouant plus que nerveusement avec ses doigts. "J'ai... Je n'ai pas osé les écouter. Ils sont là, ils sont archivés, mais j'ai affreusement peur de ce qu'ils peuvent en dire et en penser." Elle ne voulait pas devenir une source de déception pour ses parents, à tout vouloir faire trop vite avec Jamie. La jeune femme avait beaucoup de mal à le regarder dans les yeux. "J'aimerais juste qu'ils soient heureux pour moi." Elle ne savait pas quand elle serait capable de les appeler, sa naïveté laisserait croire qu'ils le prendraient bien. Mais son anxiété prenait largement le dessus sur la question, et elle ne savait absolument pas à quoi s'attendre par rapport à cela. Ils savaient que leur cadette tenait énormément à avoir des enfants, fonder une famille. Cela ne garantissait aucunement une réaction positive face à la nouvelle. "Ils feraient des grand-parents merveilleux." dit-elle en souriant tristement. Une autre idée lui revenait subitement à l'esprit. Elle l'avait toujours un peu en tête mais ne savait pas comment l'amener. "J'ai quelque chose à te dire."[:color] Elle était hésitante, craignait beaucoup la réaction de Jamie. "Lorsque j'étais allée chercher les ordonnances chez le Dr. Winters, j'ai..." Elle prit une profonde inspiration. "Je suis tombée sur mon ex-mari." Une rencontre des plus inattendues, et qui avait beaucoup secoué Joanne. Mais cela ne mettait aucun doute sur l'amour qu'elle portait pour Jamie, c'était certain.
Joanne ne comprend sûrement pas ce qu'il y a de drôle dans tout ceci. Pourtant, est-ce qu'il n'est pas jouissif de parvenir à rendre jaloux des personnes qui ont tout ? De les mettre face à eux-même, leurs manques, leurs vices, tout ce qui les rend futiles. Ce qu'ils ne peuvent pas s'offrir, ni à l'aide de l'argent ou celle de leur influence. Est-ce qu'il n'est pas tristement amusant d'avoir quelque chose qu'ils n'ont plus ? Bien sûr, leur jalousie va de paire avec leur haine et leur virulence, ou encore leur mesquinerie. Il est si naturel de rejeter ce que l'on ne comprend pas, ce qui nous effraie, ce qui nous met devant notre pire reflet. Mais le ressentiment de cette foule de personnes d'apparence si parfaites et pleines de pouvoirs a de quoi effrayer une petite conservatrice de musée. Ma belle que je regarde avec tendresse. « Tu décideras toi-même de la bonne manière de réagir. Tu pourras les ignorer ou leur répondre, mais en aucun cas les laisser t'atteindre. » je lui réponds avec un sourire se voulant rassurant. Connaissant Joanne, je pense qu'elle saura attirer vers elle les personnes qui sauront reconnaître sa valeur et voudront la préserver autant que moi. Des personnes qui ne laisseront pas les vautours approcher. Cette chose qu'elle inspire, cette envie spontanée de la protéger et qu'elle a pourtant en horreur, pourrait finalement lui être particulièrement utile. Il n'y a pas que des monstres. Mais ceux qui le sont ne font pas semblant. Je pense que certains ne se rendent même pas compte de ce qu'ils font quand ils se mettent à doucement faire pâlir l'éclat d'une personne comme Joanne. Ils ne font que se défendre contre quelque chose qui les agresse, c'est leur réaction naturelle, leur instinct de survie. D'autres, en effet, prennent plaisir à remettre les intrus à leur place et font preuve de méchanceté gratuite. « Pour une fois que quelque chose est gratuit, pourquoi s'en priver ? » je demande avec ironie, haussant les épaules. Cela vaut pour n'importe qui, pour toutes les classes sociales. Des racailles aux aristocrates, s'il est une chose qui ne coûte rien dont personne ne se prive, c'est de se défouler sur son prochain. « C'est triste, surtout. » je fais remarquer. Car de l'injustice, il y en a partout, tout le temps. Mais que des personnes qui ont tout pour être heureuses, qui ne maquent de rien, ressentent le besoin, conscient ou non, de mettre les autres plus bas que terre dans le seul but de se rassurer, de se sentir mieux, a un certain caractère désespéré particulièrement triste. Pour Joanne, je ne suis pas de cela. J'ai de l'humanité. Je ne peux pas m'empêcher de songer à certains moments où j'ai été le reflet de mon père. Cet homme dont j'ai menacé de briser le mariage et la réputation pour une histoire d'argent, la manière dont j'ai arrachées une à une toutes les raisons d'être d'Edward, le plaisir que j'ai eu à annoncer mes fiançailles à Kelya en face dans le seul but de voir de la souffrance dans son regard. Je baisse les yeux, et caresse doucement le dos des mains de la jeune femme. « J'en ai sûrement plus que pas mal de monde. Mais parfois elle disparaît de nouveau. » dis-je avec un sourire triste. Je n'ai pas de quoi être fier, et pourtant, pas de regrets pour autant. Je ne serais jamais parfait, et je pense que cette cruauté, intervenant à certains instants, ne disparaîtra pas. Comme je le pensais, Joanne refuse de se voir comme supérieure à qui que ce soit. Je ne réponds rien, sachant qu'il ne servirait à rien d'insister, et me contente de voler un baiser à ses lèvres. Son teint n'est plus si pâle qu'il y a quelques semaines. Le rose a repris sa place sur ses joues et son regard n'est plus si terme, quoi que légèrement cerné par la fatigue constante qu'elle me décrit. J'espère qu'elle se sentira mieux dans peu de temps. Qu'il ne s'agit que d'une période passagère, le temps que son corps s'habitue aux changements qui s'opèrent. Et sinon, eh bien, elle aura tout loisir de se reposer à la maison autant qu'elle le veut. D'ailleurs, la jeune femme souligne que ses journées seraient sûrement meilleures si j'étais plus présent à la maison. Je me pince les lèvres. Moi aussi, j'aimerais vraiment que Roxy accepte ces changements d'emploi du temps. Je me dis que si elle refuse de payer un autre salaire qui servira à faire tourner la machine quand je ne serais pas là, alors je partirais, et elle devra trouver quelqu'un d'autre pour tout tenir, mais au moins, il n'y aura qu'une seule fiche de paye à remplir. D'un autre côté, je ne sais pas si j'aurais le courage d'agir ainsi. Je n'ai pourtant pas de souci à me faire pour ma carrière ; si je quitte ce poste, avec cette ligne sur mon CV, toutes les portes seront toujours ouvertes devant moi, et je pourrais avoir n'importe quel travail sans difficultés. C'est sûrement quitter l'équipe qui me chagrinerait énormément. Non, vraiment, il faut que ma demande soit acceptée. J'hausse les épaules ; même si cela n'est pas son but, Joanne me met quand même de la pression, et cela n'est pas vraiment utile. Maintenant, rien ne dépend de moi. « Croisons les doigts. » je me contente de dire, le nez dans mon plat. Puis j'ajoute, tant que j'y pense ; « Je vais sûrement aller voir mon amie Caitlyn bientôt. Elle tient une galerie d'art à Brisbane, et ça fait quelques années qu'elle essaye de me faire exposer chez elle. Je vais lui parler de la proposition de Nyx, essayer de… d'avoir tous les éléments pour réfléchir. » A l'entendre, à aller chercher des conseils auprès de personnes qui ont toujours voulu me voir exposer, ma décision est toute prise à ce sujet. C'est pourtant loin d'être le cas. Tout cela m'angoisse toujours énormément. Je me répète ma conversation avec l'agent artistique, la possibilité de peindre sous pseudo, ne pas être obligé de me montrer aux vernissages. Je ne sais vraiment pas quoi faire. Changeant de sujet, je demande à Joanne si elle a des nouvelles de ses parents. J'étais, à vrai dire, persuadé qu'elle me fournirait une bonne nouvelle à ce sujet, des encouragements de leur part, qu'elle me rapporterait leur enthousiasme. Mais rien de tout cela. Elle n'a pas encore osé leur parler. Elle a peur de leur réaction. Je ressens comme une fine aiguille se glissant dans mon coeur. Joanne n'a jamais vraiment douté que ses parents m'apprécieraient, m'accepteraient, malgré quelques appréhensions. Et ils se sont montrés plus gentils avec moi que mes propres géniteurs. Les fiançailles, arrivant si tôt dans notre relation, ne les ont pas gênés, au contraire. Mais un enfant poserait problème ? C'est peut-être égoïste, mais je ne peux pas m'empêcher de prendre une partie de la crainte de la jeune femme pour moi, même si je n'en montre rien. Je laisse à mon tour mes couverts sur le bord de mon assiette et pose une main sur celles de la belle afin qu'elle cesse de jouer nerveusement avec ses doigts. « Ils le seront. Ils savent quelles difficultés tu as pour être enceinte d'un enfant en bonne santé, et là, tu as cette chance. Ils veulent ton bonheur, et c'est quelque chose qui te rend vraiment heureuse. Il n'y a pas de raison pour qu'ils réagissent mal. » dis-je d'une voix douce. Et puis quoi, s'ils désapprouvent ? Elle avorterait ? Elle accepterait que ses propres parents viennent entacher son bonheur ? Je ne l'accepterais pas. « Ils ne viendront pas gâcher notre joie d'avoir notre petit miracle. » Ils seront trop obnubilés par l'idée de devenir grand-parents, et laisseront de côté le côté précipité de la chose, je l'espère. Après tout, si leur fille a accepté de m'épouser, de faire sa vie avec moi, c'est qu'il est également question de fonder une famille. Aujourd'hui ou dans cinq ans, quelle différence ? Je reprends la dégustation de mon plat en silence, jusqu'à ce que Joanne avoue avoir quelque chose à me dire. Après une gorgée d'eau, je réponds avec un sourire en coin ; « Ca a l'air fort sérieux. » Et visiblement, ça l'est. Elle garde son regard baissé lorsqu'elle lâche le morceau. Mon coeur rate un battement et mes dents se serrent. Parce que je sais déjà que le reste des explications ne va pas me plaire. Car s'il n'y avait rien à dire, Joanne m'en aurait parlé en coup de vent le jour même, comme le genre de rencontres sans importances que l'on fait parfois au coin d'une rue ou à la boulangerie. Comme s'il n'était franchement personne, et que rien d'exceptionnel n'avait eu lieu. Sauf que ce n'est que ce soir qu'elle l'évoque. Et pas comme une rencontre anodine. Je ne sais pas si je veux en savoir plus. Si je veux entendre parler de cet homme. De ce qu'elle a ressenti en le revoyant. « Et alors ? » je demande pourtant, glacial malgré moi, attendant la suite du récit, qui ne se résume définitivement pas à cela.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
"Tu les en empêcheras si jamais ils essaient de m'atteindre, pas vrai ?" Elle connaissait déjà la réponse mais elle voulait en être certaine. Qu'il continue de la regarder avec ces yeux et ce sourire tendre, à lui assurer que tout va bien se passer. Qu'il y aurait quand même du forcing venant de certaines personnes mais qu'ils ne parviendraient jamais à les briser. "Je ne sais pas trop comment je réagirais. Ca dépendra certainement de qui j'ai en face de moi." dit-elle en haussant, n'arrivant clairement pas à se mettre en situation. Elle espérait juste savoir passer outre et être capable de survoler ces virulences futiles et sans intérêt. "Oui, tu as raison, c'est triste." Triste qu'ils n'aient que ça à faire, qu'ils aient perdu toute gentillesse en eux. "C'est triste qu'ils n'aient que ça pour eux, qu'ils ne sachent rien faire d'autre que de critiquer ou rabaisser les autres." Joanne haussa les épaules. "J'espère que toute cette cruauté leur retombera un jour sur eux. Qu'ils aient le revers de la médaille qui leur revienne en pleine face." Ce n'était pas très gentil de la part de la jeune femme de penser ce genre de choses, mais c'était ce qui lui semblait le plus juste dans ce cas de figures. Elle sourit aux propos de Jamie. "Pour des personnes qui peuvent tout se payer, c'est un comble." Il disait qu'il avait plus d'humanité que certaines personnes, mais reconnaissait qu'elle disparaissait de temps en temps. Elle savait exactement de quoi il parlait, à quel moment il perdait cette humanité. Lui souriant tendrement, elle caressait sa joue d'une main. "Mais tu parviens toujours à la retrouver, d'une manière ou d'une autre." La dépendance que Jamie avait par rapport à Joanne venait aussi de là, et elle le savait un peu. Bien que souvent, elle doutait de ses capacités, elle sentait qu'elle parvenait à faire revenir le Jamie qu'il aime tant, et que ce lui qui l'avait momentanément remplacé s'en aille bien loin avant la prochaine fois. "Tu es bien plus que ces gens-là, Jamie. J'espère que nous le serons, avec notre famille." Elle rit bouche fermée. "Je pense que nous le sommes." rectifia-t-elle, pensive. Chacun à sa place, Jamie revenait sur l'exposition éventuelle de ses tableaux, disant qu'il voulait consulter quelqu'un d'autres pour avoir des conseils, davantage de détails. "Prends ton temps, surtout. Attends peut-être la réponse de Roxy, d'abord ?" Elle lui souriait tendrement, ajoutant avec une note plus qu'optimiste. "Si ça se trouve, les ventes vont exploser dès le début et si tu n'as pas ton mi-temps, tu n'auras jamais le temps de répondre à la demande." Ce serait exceptionnel, mais pas impossible. Si cette Nyx ou cette Caitlin avaient de la bouteille et savaient ce qu'elles faisaient, ce serait tout à fait possible. "Parce que dans neuf mois, tu auras aussi normalement quelqu'un qui demandera beaucoup de ton attention." lui dit-elle en posant le coude sur la table, appuyant sa tête sur la paume de sa main. "Je ferai en sorte du moins qu'il soit avec son père." Joanne ne voulait pas qu'il y ait plus de temps passé avec l'un qu'avec l'autre, que le petit (ou la petite) aime autant son père et sa mère, qu'il n'y ait pas de préférence. Elle avait vu des familles où il y avait de fortes inégalités à ce niveau là, et cela instaurait un certain malaise dans la maisonnée. Joanne n'avais pas osé écouter les messages de ses parents, elle avait peur de ce qu'ils pouvaient dire. Peut-être qu'il pensait que pour être enceinte, c'était trop prématuré, c'était l'union de Jamie et de leur fille qui se concrétisait de plus belle, au bout de quelques mois de relations houleuses. Ils avaient certainement peur que Jamie ne l'abandonne, trop effrayé à la longue par l'événement à venir, les responsabilités qui allaient s'accumuler. Son fiancé posait sa main sur les siennes, cela la sortait automatiquement de ses songes, il y arrivait toujours. Il était persuadé que ses parents seront heureux pour eux. Il trouvait toujours les mots pour la rassurer, elle le regardait avec beaucoup de reconnaissance. Elle se prit le temps de réfléchir, avant de se décider à chercher le téléphone portable. C'était le moment ou jamais. Collant l'oreille concernant le premier message vocal, en se pinçant plus que nerveusement les lèvres. Elle plaçait une main devant ses yeux en baissant la tête, on ne savait pas si elle pleurait ou riait. Une fois qu'elle avait tout écouté, elle avait effectivement les yeux bien humides, presque amusés. Elle mit le haut parleur et fit écouter le premier message vocal. C'était sa mère, qui parlait à vive allure. "Joanne, j'ai écouté l'émission de Jamie... et... Oh bon Dieu, c'est vraiment vrai ce qu'il a dit ? C'est une blague ou pas ? Parce que si c'en est une, c'es vraiment pas drôle. Rappelle-moi dès que tu le peux d'accord ?" Le second, c'était son père. "Joanne, t'as entendu le message de ta mère ? Elle a pas dormi de la nuit à parler de tout ce qu'elle pourrait acheter ou tricoter pour son éventuel petit-fils et petite-fille. Si tu pouvais juste au moins me le confirmer avant que je ne me mette à mon tour à lancer des plans sur la comète. Elle m'a même fait écouter cette partie du podcast et... ça s'entend qu'il est vraiment heureux. En général, c'est déjà une preuve qu'il sera un bon père. C'était ce que m'avait dit le mien lorsque ta mère avait été enceinte de Reever. Rappelle-nous vite, je t'en prie." Et le troisième, c'était encore sa mère. "Joanne, ma chérie, pardonne-moi, mais je n'ai pas pu attendre. Alors j'ai appelé ton médecin, et il m'a dit que tu n'étais pas sereine à l'idée de nous annoncer ça et... il nous a parlé de ton échographie, de la manière dont Jamie et toi avez réagi... Oh ma chérie, si tu savais à quel point je suis heureuse pour toi, si tu savais. Si... Si tu as besoin de quoi que ce soit, si tu veux qu'on vienne, tu nous le dis, d'accord ? Prends soin de toi surtout et repose-toi. Rappelle-nous dès que possible, d'accord ? J'adorerais que tu me racontes tout." Joanne retenait ses larmes et son sourire, regardant son téléphone. "Je... J'avais peur que..." Et elle craquait, une nouvelle fois. Ces trois messages l'avaient soulagé d'un poids qui était insupportable pour ces frêles épaules. Elle hocha négativement la tête, se sentant stupide d'avoir douté d'eux et de leur réaction. Après qu'elle ait séché ses larmes, elle évoqua enfin sa rencontre avec Hassan. L'expression faciale de Jamie changea du tout au tout. Elle était blessée qu'il se mette aussi rapidement sur la défensive, et qu'il ait un ton aussi froid lorsqu'il demandait d'en savoir davantage. Elle baissa les yeux, comme si elle était en train de se faire sermonner. "Ce n'est pas nécessaire de me parler comme ça, je n'ai rien fait de mal." dit-elle d'une voix désolée. Elle soupira. "C'était bizarre. Je ne l'avais plus vu depuis que nous avions signé les papiers de divorce et... j'ai l'impression qu'il n'a pas trop passé le cap, alors que c'était lui qui avait fait la demande." Elle but un peu de son verre d'eau. "Il m'a demandée si je suis heureuse. Je lui ai bien évidemment répondu oui, et que je suis fiancée à toi." Joanne se doutait de ce que pourrait penser Jamie. "Il n'est pas du genre à vouloir s'interposer dans quoi que ce soit, Jamie, c'est un homme bien. Je pense qu'il a très bien compris qu'il n'y a que toi que j'aime." Joanne sourit tristement, et, constatant que les assiettes étaient vides, elle débarrassa la table, et avant de se rendre à la cuisine, elle dit. "Mais je me doute bien que tu n'apprécies pas que je l'ai revu, même si je n'y pouvais rien. Et que tu maintiendras un doute lorsque je te dis qu'il n'y a que toi que j'aime. Alors que je n'ai rien fait pour que tu ne sentes pas rassuré lorsque je te le dis." Joanne connaissait la musique, à force, ça en devenait blessant.
Évidemment, je ne laisserais personne atteindre Joanne. Et si quelqu'un y parvenait, il le regretterait. J'acquiesce d'un simple signe de tête, un sourire rassurant sur les lèvres. Je serais toujours là, d'une manière ou d'une autre, pour la protéger. Ce qui ne sera pas toujours suffisant si elle ne se renforce pas un peu. Je ne m'inquiète pas trop pour elle. Je l'ai déjà vu devenir virulente face à un Lord, et pas des moindres ; après ça, qu'est-ce qui pourrait lui faire peur ? Oui, elle a paniqué lorsqu'elle a été assommée de questions sur notre vie privée, mais ce n'est qu'une question d'habitude. Elle apprendra à ne plus les entendre. A savoir comment répondre à chaque type de personne dont elle aura affaire. A savoir de qui s'entourer, et de qui rester éloignée. Peut-être que cela prendra du temps, vu son caractère. Ou, qui sait si ce cher instinct maternel boosté aux hormones l'aidera à s'affirmer tout à coup. Après tout, se protéger elle, c'est également protéger son enfant ; ne pas se laisser écraser, paniquer, faire vent debout pour avoir les nerfs solides, c'est une manière de s'éviter une crise qui puisse être fatale au bébé. Peut-être qu'une lionne sommeille en elle actuellement, et n'hésitera pas à mordre quiconque lui voudra du mal, à elle ou à la vie qu'elle porte. Pour Joanne, nous serons, ensemble, meilleurs que toutes ces personnes malveillantes qui composent en partie mon environnement -qui est aussi le sien désormais. Et je l'espère. J'espère que rien ne nous fera tomber si bas. Que nous aurons toujours ce quelque chose en plus. J'acquiesce de nouveau quand la jeune femme me recommande d'attendre la réponse de Roxy par rapport à mon travail avant de me précipiter concernant l'éventuelle exposition de mes toiles. Cette idée me fait toujours autant paniquer. A chaque fois que cette possibilité est évoquée, mon coeur se serre puis accélère. Cela doit sembler ridicule pour qui ne comprend pas à quel point il est difficile d'étaler des bouts de soi sur les murs, aux yeux de tous. Je ne me vois pas prendre de commandes. Ce qui doit aussi paraître insensé. Pourtant, je ne sais pas si je serais capable de peindre quelque chose correspondant à une certaine demande, et non à mon ressenti. Et je ne contrôle pas ces émotions qui s'appliquent sur les toiles, elles sont souvent momentanées. « Ou je n'aurais pas une once de succès et je pourrais dire à tout le monde que je l'avais bien dit. » Une satisfaction personnelle qui devrait suffire à atténuer la déception -s'il en est, car pour être déçu il faut avoir eu des attentes, et moi, je n'en déborde pas à ce sujet. Je veux juste avoir du temps pour ma fiancée, pour notre enfant, et faire quelque chose que j'aime. Je dois dégager du temps pour l'être à venir. A mes yeux, je ne serais jamais vraiment un bon père si quelque chose ne change pas dans la configuration actuelle de ma vie. Je me demande si les parents de Joanne, qui savent toujours si bien s'avancer à mon sujet, voient l'homme encore très inconnu que je suis comme quelqu'un de susceptible d'être la personne qu'il faut pour leurs petits-enfants. Peut-être est-ce ce que la jeune femme redoute. Mais non, cela n'aurait pas de sens. Je suis convaincu qu'ils seront heureux pour leur fille. Elle se décide d'ailleurs à écouter leurs messages. Une première fois en collant son téléphone à oreille, me laissant dans le mystère total de ce qu'il se dit ou encore de sa réaction, puisqu'elle cache son visage. Je prie pour qu'il ne s'agisse pas d'accablement. Enfin, elle active le haut-parleur pour que j'écoute les messages à mon tour. Le premier me fait bien rire. Jane est décidément une femme adorable dont Joanne a beaucoup hérité. Les savoir aussi enthousiastes me fait largement sourire. Voir ma belle si émue est particulièrement attendrissant. « Tu devrais vraiment les rappeler. » dis-je, amusé par leur curiosité débordante. « Si tu continue à les faire poireauter, la prochaine étape c'est de les voir débarquer sans prévenir pour nous tirer les vers du nez. » Et si la mère de Joanne a déjà appelé Winters, je ne doute même pas qu'elle soit capable de réserver l'avion dans le dos de toute le monde. Avec tout ce qu'il s'est passé en si peu de temps, il ne serait pas en trop de se revoir avant le Noël que nous avons déjà évoqué. La personne dont je ne m'attendais pas au retour, en revanche, c'est celui de l'ex-mari de la jeune femme. Je n'en sais pas plus sur les conditions de ces retrouvailles, et cela vaut sûrement pour le mieux. Savoir qu'elle est tombée sur lui suffit amplement à m'agacer. Le sujet me rend froid, mais je n'y peux rien. Je ne cherche pas à sermonner Joanne. J'en veux à la fatalité qui a décidé que cette rencontre se ferait. Savoir qu'elle pense que son ex n'a pas tourné la page n'a rien de rassurant. Et que la jeune femme m'assure qu'il ne tenterait rien pour la récupérer n'y change pas grand-chose. Je reste de marbre, la mâchoire serrée par l'énervement. Non seulement à cause de ces retrouvailles, mais aussi face aux reproches dans les paroles de Joanne quant au fait que je puisse douter de son amour à cause de cela. Je me lève et quitte la table, passant une main par mes cheveux comme pour garder l'esprit clair. « C'était ton mari, Joanne. » dis-je toujours trop froid, trop sur la défensive. « C'est quelqu'un avec qui tu as passé des années, avec qui tu as des souvenirs, quelqu'un avec qui tu voulais faire ta vie, dont tu ne voulais pas divorcer et dont tu as été enceinte. » S'il venait à émettre des regrets, malgré tout le mal qu'il lui a causé à cause de ce divorce, est-ce qu'elle ne courrait pas se jeter dans les bras de l'homme qui avait été son premier choix ? « Quelque part, tu l'aimeras toujours. » Elle ne peut pas affirmer le contraire sans essayer de me prendre pour un idiot. Elle l'a épousé, et même si elle n'en avait pas conscience sur le moment, elle a aussi porté son enfant. Ce sont des liens que jamais rien ne pourra effacer. Autant pour elle que pour lui. « Et lui aussi t'aimera toujours. » Une réalité insupportable, affreuse à avaler, et pourtant je n'ai pas le choix. Il faudra que je l'accepte. Mais pas ce soir. C'est trop me demander. « Je... » Non, je ne sais pas quoi ajouter. Je suis pris au dépourvu, et je ne sais pas quoi faire de ces émotions qui se bousculent et me font tendre vers la panique. Pour cette fois, je préfère fuir. Alors je file à l'étage sans rien ajouter. Je me dirige immédiatement vers la salle de bains et active le jet d'eau, dans l'idée de prendre une douche chaude pour me calmer.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
"Et si c'est moi qui aie raison, j'aurai droit à quoi ?" lui lança-t-elle avec un regard malicieux. Jamie doutait constamment de son talent, sa fiancée, elle, adorait chacune des oeuvres qu'elle avait pu voir. Elle refusait pourtant systématiquement de regarder le portrait qu'il avait fait d'elle, il y avait des mois de cela. La jeune femme était assez sûre d'elle sur ce coup, d'autant plus qu'elle avait d'autres personnes qui étaient de son côté, et qui avaient même réussi à faire hésiter Jamie sur l'idée d'exposer, alors qu'il était totalement réfractaire auparavant. Ils avaient bien le droit de rêver un peu, surtout lui. Il n'avait pas eu d'enfance pour ceci, il n'était pas encore trop tard selon Joanne. Avoir des étoiles dans les yeux, même si certaines idées étaient parfois complètement loufoques, elles pouvaient les emmener bien loin. Elle ne s'attarda pas davantage sur le sujet, ils finiraient par tourner en rond, les avis divergeant encore beaucoup sur la question. Jamie était amusé après avoir entendu le premier message laissé par la mère de Joanne, il semblait aussi un peu soulagé. Le bel homme recommanda à sa belle d'appeler rapidement ses parents. Martin et Jane étaient effectivement capables de sauter dans un avion sans prévenir qui que ce soit, afin de récupérer l'information à la source. Ne serait-ce que pour s'occuper de leur fille, la bichonner et commencer les tricots et broderies devant ses yeux, sans vraiment chercher à cacher leur enthousiasme. Il y avait cet énorme poids en moins sur le coeur de Joanne, véritablement soulagée par ces quelques messages. Elle sourit à son fiancé, tendrement. "Je les appellerai demain. L'appel durera certainement quelques heures, les connaissant, je t'épargne ça." dit-elle, le ton rieur. Ils riaient beaucoup avec le sujet de conversation suivant. Il en fallait, du courage, pour lui dire ce qu'il s'était passé. Le simple fait que le chemin d'Hassan et de Joanne se soient croisés à nouveau irritait beaucoup le gentleman. Ca se voyait, ça s'évacuait à travers chacun de ses pores. Il employait ce ton glacial sans savoir ce qu'il s'était vraiment passé -ce n'était qu'au final une discussion, rien de plus. Mais juste de savoir qu'elle avait vu et parlé à un homme qu'elle avait aimé pendant de nombreuses faisait surgir un Jamie que la jeune femme n'était pas certaine d'apprécier. Elle ne méritait pas qu'il soit aussi froid avec elle. Joanne finissait de ranger les assiettes dans le lave-vaisselle. Oui, il avait été son mari, un jour. Elle rit, nerveusement, agacée. "Et toi, tu vas devenir mon mari." répliqua-t-elle, gardant un sang-froid qu'elle ne se connaissait pas. Mais la chose qui la heurta le plus fut lorsqu'il mentionnait le fait qu'elle avait été enceinte de lui. Elle le regarda avec stupéfaction. "Oui, j'ai été enceinte de lui. Et il ne le savait pas. Qu'il ai été en vie maintenant ou non, ce bébé là restait tout aussi inattendu que les autres." dit-elle, en fronçant les sourcils. Elle commençait un peu à être en colère. "Et maintenant, quoi ? Tu vas me reprocher d'avoir couché avec lui, aussi ?" D'une certaine manière, oui, elle était quasi certaine qu'il le ferait. Que s'il le pouvait, il serait le premier et le dernier homme de sa vie à l'avoir touché ainsi. "Oui, j'ai passé toutes mes années à l'université avec lui, et même après. Oui, je l'ai aimé, je l'ai épousé." Des idées qui allait certainement lui être insupportables. "Mais ce que tu n'as pas l'air de voir, c'est que maintenant, à ce jour, c'est toi que j'ai envie d'épouser, à vivre sous le même toit. Et je porte un enfant que nous attendions tous les deux, et je t'aime." Elle soupira d'exaspération. "Mais ça n'a pas l'air d'être suffisant à tes yeux, je suppose." Quelque part, elle l'aimerait toujours, disait-il. Et inversement. Jamie avait raison, elle ne pouvait pas le lui démentir. "Tu l'as dit toi-même, lui et moi avons vécu de nombreuses années ensemble. En plus d'avoir été mon époux, mon fiancé ou mon petit-ami, il avait aussi été un ami proche, un confident. Mais il m'a laissée, et beaucoup de ces choses se sont envolées en même temps." Ouvrant ça et là des plaies qui n'étaient pas prêtes d'être cicatrisées. "Alors oui, si c'est ce que tu veux vraiment entendre, j'ai encore de l'affection pour lui. Je ne vais pas lui reprocher d'avoir voulu se séparer de moi, il n'y a rien à pardonner non plus. Je ne lui veux pas du mal, même si tout le monde me disait que j'avais toutes mes raisons de lui en vouloir. Donc oui, si tu l'entends comme ça, on peut encore parler d'amour." Son visage était devenu dur, impassible. Joanne était énervée, agacée. Ses sourcils froncés changeaient bien des choses à son regard bleu habituel. Elle n'aimait pas ressentir ce genre de choses, elle n'avait tellement pas l'habitude d'être en colère, elle ne comprenait pas tous ces mécanismes qui se mettaient en place. Les poings serrés, le coeur qui s'emballait d'une autre façon, l'impression qu'une sorte de pression se décuplait en elle. Jamie comptait dire autre chose, mais préférait s'arrêter là. Il lui tourna le dos, un peu lâchement. Joanne le regardait avec exaspération. Alors qu'il se dirigeait vers les escaliers, sa voix s'éleva plus que d'habitude pour lui dire. "Depuis le début, tu me demandes de te faire confiance pour absolument tout et c'est ce que je fais. Je te demande de me croire pour une seule chose, une seule ! Et j'aurai beau retourner le monde, tu douteras absolument de tout, même de l'amour que je te porte." Et il disparut de son champ de vision. Elle avait envie d'exploser, elle ne savait pas quoi faire de ses dix doigts. Elle finit tout de même de débarrasser la table, ranger ce qu'il fallait, en espérant que ça lui occupe un peu l'esprit. Rien n'y faisait. Elle multipliait les gestes de maladresse malgré, heureusement qu'elle n'avait jamais en main des objets qui pouvaient casser. La jeune femme n'avait aucune envie de monter à l'étage. Elle se rendit dans le jardin, respirant de grandes bouffées d'air. Ses doigts glissèrent entre ses mèches blondes, alors qu'elle expirait fort afin d'évacuer ce surplus de pression. Ca ne fonctionnait pas vraiment, comme méthode. Elle finit par rentrer dans la pièce qui enfermait la piscine. Joanne s'installa au bout de l'une des chaises longues, appuyant son coude contre sa cuisse, son menton dans la paume de sa main, pensive. Le calme de l'endroit -quoi qu'il y avait quelques bruits d'eau, tout aussi agréable-, l'apaisait un peu.
crackle bones
Dernière édition par Joanne Prescott le Dim 11 Oct - 22:19, édité 3 fois
Certes, je vais devenir son mari. Son second mari. Celui qui arrive après. C'était facile à accepter tant qu'il n'y avait pas la concurrence du passé. Je pouvais espérer, me persuader que j'étais en mesure de faire tourner la page à Joanne, lui faire oublier le précédent. Mais on oublie jamais des liens aussi fort. Des années de vie commune. Un mariage, une promesse d'être ensemble pour toujours, de vivre ensemble, d'avoir un jour une famille. Je vais devenir son mari, mais cela n'empêche pas que je doive me battre contre toutes ces pensées qui me murmurent que je ne suis que le second choix, qu'elle retournerait avec lui si elle en avait l'occasion, récupérer sa vie d'avant, ses rêves d'avant. Je dois réussir à me dire que je ne suis pas une roue de secours, que ce que nous vivons est vrai, n'appartient qu'à nous, est n'est pas qu'un recyclage d'une histoire pré-mâchée par l'homme qui m'a précédé. Non, je ne veux même pas songer au fait qu'elle ait pu être touchée par cet homme avant moi, sinon je deviendrais fou. Je ne réponds rien, je ne parle pas, je me mure dans un parfait mutisme, laissant Joanne jeter sur moi des phrases pleines d'une colère que je ne lui connais pas. Me dire que c'est l'évocation de son ex-mari qui la met dans cet état me conforte un peu plus dans l'idée qu'elle l'aime encore. Et je ne songe pas à de l'affection sans sentiments. Je pense aux réminiscences de l'amour qu'elle a pu lui porter. Comment peut-elle ne pas lui en vouloir pour l'avoir laissée sans explication, du jour au lendemain ? Elle qui en a tant souffert pendant plus d'un an. Cela me dépasse. Et elle me regarde comme si c'était moi, l'ennemi, d'une manière que je ne peux pas supporter. Plutôt partir. De toute manière, je ne vois rien à dire. Je pars en direction de l'escalier, l'entendant continuer de vociférer dans mon dos. A bout de nerfs, au bout de quelques marches, je me retourne. Ma voix porte assez loin et assez fort pour qu'elle puisse m'entendre depuis l'opposé de la salle. Mes poings sont serrés et tremblants. « Tu ne peux pas comprendre ce que je pense et sur quoi je fonde mes doutes. Parce que tu n'as pas à avoir ces craintes avec moi. Je n'ai jamais aimé qui que ce soit d'autre, je n'ai jamais pensé faire ma vie ou avoir une famille avec quelqu'un d'autre. Toi oui. Si tu avais pu, tu n'aurais pas divorcé de lui, tu serais encore avec lui aujourd'hui, vous auriez un enfant, et tu serais parfaitement heureuse comme ça. Tu ne sais pas ce que c'est d'arriver après tout ça, d'arriver en second et de devoir accepter que tout ce que tu me dis, tous les plans qu'on peut faire, tu les avais déjà fait avec quelqu'un d'autre. Et cet autre avec qui tu aurais fait ta vie débarque de nulle part du jour au lendemain, et je suis censé être serein, le prendre parfaitement bien ? » Et ce n'est pas comme si elle semblait complètement réfractaire à son retour dans sa vie, non. Elle s'inquiète pour lui. Et lui, est-ce qu'il s'est inquiété d'elle après lui avoir brisé le coeur, démoli ses illusions ? Oh mais qu'importe, si c'est toujours un homme bien à ses yeux. Un homme qui mérite son affection. « Est-ce que je dois te rappeler ta réaction quand je t'ai appris que Kelya était en ville ?! La manière dont tu m'as jeté parce que tu ne pouvais pas le supporter ? » j'hurle un peu plus fort, puisqu'il faut hausser le ton. Le souvenir de cette soirée-là est loin d'être effacé de ma mémoire. Je lui avais tout avoué pour Kelya, assuré que je ne l'aimais pas, mais Joanne, sur le moment, était quand même prête à me faire sortir de sa vie à cause de cela. Elle était mariée, heureuse, prête à fonder une famille avec cet homme ; moi je me suis contenté de coucher avec une femme dont, au final, je me souciais peu. Je n'ai rien vécu de comparable avec Kelya que ce qu'elle a vécu avec son ex-mari ; et il était légitime de me quitter alors que moi je n'ai pas le droit d'être sur la défensive et quitter mon propre salon ? « Et là tu oses exiger de moi que je digère tout ça en quelques minutes ?! » Qu'elle redescende sur terre. Je suis humain, bourré de doutes, de craintes, dont celle de ne pas faire le poids face à un homme qu'elle a connu pendant des années. « Tu ne peux pas comprendre, et tu ne peux pas me demander de faire comme si tout ça ne m'angoisse pas. » dis-je finalement avant de monter pour de bon à l'étage sans attendre de réponse de la part de Joanne. Je ne veux pas l'entendre se chercher des excuses ou me maudire. Je n'ai pas besoin d'autres hurlements. Je préfère m'isoler dans la salle de bains ; j'y active le jet d'eau qui chauffe pendant que je me déshabille. Tout mon corps est sujet à une pression écrasante qui me donne l'impression de m'enfoncer dans le sol lorsque je cesse de bouger. Sous la douche, je laisse les gouttes battre mon dos et mes épaules, le front contre le mur. Les yeux fermés, je respire profondément, tente de calmer mon rythme cardiaque qui me laisse toujours au bord de la panique. La main posée sur le mitigeur, je le pousse, progressivement, vers des températures plus chaudes, retrouvant cette brûlure que j'avais épargné à ma peau depuis je ne sais plus combien de temps. Ma peau est rougie, maltraitée, mais au moins l'effet escompté est là. Quand je sors, mon esprit est embué, ralenti, engourdi ; mes pensées noyées. Il y a cette douleur, et il y a ce soulagement. Celui de n'être plus capable de réfléchir pendant de longues minutes. Appuyé sur le rebord du lavabo, j'attends que ces minutes passent sans bouger, respirant la vapeur, laissant les gouttes ruisseler sur ma peau. Le moment passe ; toujours engourdi, j'enfile les vêtements qui me servent pour la nuit après m'être séché. En passant dans la chambre, je constate que Joanne n'y est pas. Elle doit toujours être en bas. Est-ce que je veux la rejoindre ? Non, absolument pas. Pourtant, je redescends l'escalier. Le salon est aussi vide. Mon regard glisse dans le jardin qui est peu à peu plongé dans l'obscurité. On y voit encore assez pour que je puisse deviner la silhouette de la jeune femme dans la verrière de la piscine. Je soupire. Pourquoi irais-je ? Mais j'y vais quand même. Silencieux, doux, j'entre et approche de Joanne. Puis je m'assied juste derrière elle, les jambes de part et d'autre de la chaise longue, faisant face à son dos. « Je ne veux pas qu'on se batte, Joanne. » je murmure en déposant un baiser sur son épaule. « Je demande ta confiance. Toi tu demandes parfois du temps. Cette fois, j'ai besoin de temps. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
La violence verbale dont venait tout juste de faire preuve Jamie n'était certainement pas comparable au jour où il avait levé la main sur elle. Mais l'impact était tout du moins aussi important. Ses mains en tremblaient. Et Joanne les regardait sans pouvoir faire quoi que ce soit. Qui était la véritable victime dans l'histoire ? Qui était le fautif ? Le serpent qui se mordait la queue. Elle était encore très en colère, contre beaucoup de choses. Elle aurait très bien pu lui cacher histoire, la garder pour elle. La soirée se serait bien terminée, ils auraient certainement couché ensemble quelque part dans la maison avant de s'endormir paisiblement dans les bras de l'autre. Joanne voulait jouer la carte de l'honnêteté, et en voici le résultat. Elle venait même à s'en vouloir d'avoir été sincère avec lui. Peut-être qu'elle ne pouvait pas comprendre. Pourtant lui aussi avait couché avec Kelya pendant des années et des années, sans jamais rien lui refuser. Les sentiments n'y étaient peut-être pas, mais les actes, eux, étaient bien présents. Ces images l’écœuraient lui donnaient des nausées qu'elle contenait facilement. Il y avait aussi des larmes. Il y avait là peut-être un peu de tristesse, mais de la colère avant tout, de la rancoeur. Elle fixait l'eau de la piscine qui reflétait les couleurs du crépuscule passant à travers les baies vitrées. Si bien qu'elle n'avait pas entendu Jamie entrer et s'installer derrière. Il ne voulait pas de dispute. "C'est pourtant exactement ce que nous sommes en train de faire." répliqua-t-elle, d'un ton un peu sec. Elle préférait ignorer son geste d'affection, passer outre. Elle lui en voulait beaucoup de lui avoir crié si fort dessus, la regarder comme il l'avait fait. Là, il chuchotait, semblait bien plus calme. Pas elle. Ses doigts tremblaient toujours. Joanne croisait alors ses bras, ne changeant pas de position. Il lui demandait du temps, les rôles s'inversaient. "Mais toi, en revanche, tu ne me fais pas confiance." répondit-il, plus froidement qu'elle ne l'aurait pensé. "Pendant tout ce temps, tu vas mettre absolument tout en doute. Tout ce que j'ai pu te dire et te confier, toutes mes pensées partagées. Parce que ce n'était pas assez convaincant, parce que ce n'était tout simplement pas assez comme preuve pour toi." Pas assez. Ne pas être assez, ne pas faire assez. Une pâle ressemblance à tout ce dont elle se reprochait lorsqu'Hassan lui avait demandé le divorce. Ne sachant que faire de ses dix doigts, elle décroisa ses bras et les regard, jouant parfois entre eux doucement. "Tu vas remettre en question tout ce qu'on s'était dit, lorsqu'on se disait qu'on n'arrivait pas à s'aimer comme on le voudrait, et puis ces histoires de vies antérieures, un mythe." Elle soupira, se sentant bien stupide d'avoir espéré de si belles histoires. "Et pourtant, j'y crois encore." Il y avait forcément quelque chose dans le genre, elle n'arrivait pas à se l'expliquer autrement. "Et pourtant." répéta-t-elle plus pensive. Sa voix restait froide, neutre, presque lassée. "Et moi, pendant tout ce temps là, que vais-je ? Je vais porter notre bébé, à faire comme si de rien n'était, le temps que tu digères l'information et que tu l'acceptes. Que tu te demandes si peut-être -puisque ça ne semble pas si certain, apparemment- je pensais vraiment et pense toujours tout ce que j'ai pu te dire." C'était blessant et offensant à la fois, elle en perdait ses moyens, par de nouvelles larmes. "Il n'y a plus qu'à espérer." dit-elle à voix basse, à elle-même. Le simple fait qu'il ait mentionné Kelya faisait fonctionner son imagination à foison. "Et crois-tu vraiment qu'avoir parfois en tête ces... ces images, de Kelya et toi, ça ne me fait rien ? Il n'y avait peut-être pas les sentiments, mais l'acte était quand même fait." Quelques instants de silence, riant jaune, très légèrement. "Ah mais oui, suis-je bête, je ne peux pas comprendre, c'est vrai que je n'ai aucune raison d'angoisser à ce sujet." Mis à part que les menaces de la psychologue l'avait mené droit à l'hôpital. Mais elle ne pouvait pas comprendre. "Je pensais que porter la bague et porter notre enfant auraient été deux éléments qui t'auraient convaincu, parce que je suis des plus heureuse et des plus fières d'avoir l'un comme l'autre. Mais ce n'est apparemment pas suffisant." dit-elle, d'une beaucoup moins agressive, mais en revanche beaucoup plus triste. "Je voulais juste être honnête et franche avec toi. Regarde ce que ça donne." ajouta-t-elle, en soupirant, blâmant sa sincérité si c'était pour que cela se termine toujours de la même façon. Cela mettait systématiquement tout en doute pour la jeune femme, qui perdait son nord et son sud. Elle détestait leur dispute, surtout quand les voix s'élevaient ainsi. "Tu les veux toujours, toi ?" demanda-t-elle, toujours sans changer sa position initiale. "Notre bébé et notre mariage ?"