« Le jet décolle dans une heure. » Ah oui c’est imminent. Tu ne réalises pas trop que la journée est bien entamée déjà parce que tu viens tout juste d’émerger. On pourrait croire qu’on t’a jeté un sort de confusion en plein visage tellement t’as du mal à faire marcher tes méninges. Il va te falloir encore un peu de temps pour que ta tête te lance moins mais tu as déjà vu pire. C’est assez impressionnant ta capacité à encaisser l’alcool. Faut dire que c’est quelque chose que tu fais depuis que t’as 14 ans par là. Ton corps est largement habitué. Ce que tu voudrais en plus du sort sur ta tête c’est une potion magique pour t’ôter toutes traces de ton comportement de la veille vis à vis du précieux liquide.

« How do you see it ? » T’attends d’avoir un peu plus de contexte parce que tu n’as pas la capacité de deviner quoi que ce soit. « On fait comme si ça n’était jamais arrivé … » Ok, là tu comprends de quoi il parle. Tu le regardes poser sa main sur ta poitrine ayant une vague idée de la comparaison qu’il est en train de faire puisqu’il sait très bien que ce tatouage est un souvenir que tu ne peux pas effacer. « Ou on en garde un bon souvenir ? » Tes yeux vont retrouver les siens. « Tu t’en souviens, n’est-ce pas ? » Tu fais oui de la tête. Tu vas reprendre ton verre d’eau pour le terminer avant de prendre la parole. « Je suis pas sûr de pouvoir faire comme si de rien n’était. » Tu dis en reposant le verre sur le plateau. « J’en ai pas envie non plus. » Tu vas te masser les paupières brièvement, surtout pour ne pas avoir à le regarder tout le temps dans les yeux car il est intimidant mine de rien Carmine. Surtout quand tu as la moitié de ton cerveau qui fonctionne. « Je regrette pas. » Trois petits mots mais qui valent leur pesant d’or quand on te connait. Tu rouvres les yeux pour trouver le regard de Carmine même si tu vois flou pour l’instant. « J’ai pas mal de questions à te poser si tu… » Tu n’es pas sûr des mots pour continuer cette phrase. « Si t’es ok. » Tu marques une pause. « Pourquoi tu m’as pas dit avant ? » Ton cerveau qui laisse sortir cette phrase ci malgré toi. Tu n’as pas toute ta tête et lui n’a pas du tout le temps. Ce n’est pas le moment. « Quand on s’est croisé à la Pride. » Tu ajoutes. Tu comprends bien qu’il est loin dans le placard lui aussi, non ? Tu ne sais pas. Il a l’air si expérimenté, ça t’en bouche un gros coin. Y’a un décalage entre son silence et tous les culs qu’il a l’air de baiser régulièrement pour avoir son tube de lubrifiant calmement rangé au milieu de ses sachets de thés dans sa valise.

« Moi non plus. » Bien au moins vous êtes sur la même longueur d’ondes à ce niveau là. Vu sa bienveillance tu aurais eu du mal à l’imaginer regretter. Après tout, c’est lui qui a tout initié. C’est lui qui t’a parlé de l’embrasser, et de coucher avec toi ensuite. Tu n’as fait qu’assouvir ses désirs, tu as eu de la chance que tu avais les mêmes. Tu as eu beaucoup de chance oui. Faut croire que tous les paliers d’ordre sexuels de ta vie sont fait avec des anglais… Tu as embrassé un anglais quand tu avais la vingtaines, et puis il y a eu ton ex fiancée avec qui tu as découvert bien plus que des baisers… Et Carmine pour cet autre palier.

Carmine qui prend beaucoup de temps pour répondre à ta question. Est-elle stupide ? Si c’est le cas tu ne t’en rends pas compte car pour toi elle ne l’est pas. Tu n’avais pas compris. Tu n’as pas questionné sa présence à la marcher des fiertés alors que toi tu as su tout de suite qu’il y était inscrit gay au dessus de ta tête. Tu t’es vendu tout seul et tu étais trop dans ta tête pour réaliser quoi que ce soit d’autre. « Ça aurait changé quelque chose ? » Bonne question… « Je me serai pas senti si mal ce jour là. » Car c’était l’évidence que t’étais très troublé par ce coming out imprévu. Tu déglutis alors que tes yeux sont sur sa mâchoire, souvenirs de combien tu l’as maté la veille de la même façon, et lors des scènes qu’il avait joué dans ce lit, en boxers. « Et… C’est peut être moi qui t’aurait demandé de m’embrasser… Avant. Sur le tournage précédent. » Tu le dis là parce que ça y est, vous avez passé cette étape mais tu sais très bien que jamais tu n’aurais eu les couilles de le faire… Ou peut être que si ? A vrai dire tu ne sais pas. Tout ce que tu sais c’est combien de fois tu t’es masturbé pour faire passer tes ardeurs lors du tournage. « Non j’en sais rien… Mais… Ca aurait changé des choses oui. » Tu en as la certitude.

 « Hm. » Tu le regardes, attendant un peu plus que juste ça. Il ne peut pas à ce point là être dans le placard au point de ne pas t’expliquer plus ? Y’a vraiment un décalage qui t’échappe, ou plutôt, tu ne sais pas comment il fait pour naviguer si aisément avec sa sexualité quand il est clairement pas out. Tu n’es également pas stupide, tu comprends bien sans mal que ça a tout à voir avec sa famille. Comme toi. Sûrement pas dans les mêmes lignes, mais le fond est le même. L’image à entretenir et être dans les clous de la société. « Si j'avais su, je me serai montré plus clair. » Ah ? Tu n’as vraiment rien capté ce jour là. Il avait fait quelque chose pour que tu comprennes ? Tu pensais qu’il était juste un ami qui cherchait à te soutenir. Tu as mis toutes ses actions de ce jour là sous ce prétexte parce que tu étais le nombril du monde à à ce moment là. Tout n'était qu'à propos de toi et de ta sexualité nouvellement dévoilé à ses yeux. Tu n’avais tellement pas prévu de voir quelqu’un que tu connaissais et encore moins Carmine. Mais bon, tu as survécu à ce moment qui n’a pas été simple pour toi. C’est ce à quoi il faut que tu t’attendes à avoir un pied dehors du placard. Tu te mets tout seul dans des situations comme ça à fréquenter bien plus de gens LGBT.

Tu avoues non sans mal combien il t’a plu lors du tournage d’avant. Ca le fait sourire, évidemment. « Un faible pour les cowboys, toi aussi ? » Tu fais non de la tête. « La partie où tu étais dans le lit, en sous vêtements était plutôt… » Hot. Même très hot. Mais c’est adorable comme tu tempères tes mots et tu te censures même, n’osant pas dire qu’il était hot. Mais y’a toute la planète qui est hot à tes yeux en ce moment, tu es tellement en manque. Il a fait redescendre la pression de ton intérieur, mais tu n’es toujours pas repu. Tes envies ont été retenue depuis trop longtemps.

Tu vois qu’il est pressé par l’heure. « Je te laisse y songer, alors. » Tu sais pas trop ce qu’il y a de plus à songer de ton côté. C’est des questions pour lui que tu as. « Je dois filer. » Ca tu l’as compris oui. Tu le regardes prendre ses affaires. « On se voit à Brisbane. » Tu fais oui de la tête sans bouger du lit, tu as visiblement la possibilité de rester plus longtemps. « Je te confirmerai la date de sortie de la campagne. » Tu hoches la tête même si tu trouves ça étrange de préciser ça maintenant. Un commentaire professionnel pour rajouter de la distance sur ce qu’il s’est passé la veille ? Tu sais pas. Tu ne fais que spéculer intérieurement. « À plus tard, PopStar. » Tu hoches la tête de nouveau n’ayant pas spécialement de mot qui ont envie de sortir de ta gorge. Tu as fait fuser ta tête un peu trop compte tenu du fait qu’elle n’est pas en état de fonction optimal. « A plus… » Tu trouves quand même le temps de dire ça avant qu’il soit totalement sorti de la chambre. Tu te rallonges dans le lit, délaissant le plateau petit déjeuner de côté. Tu vas te laisser te rendormir. Il t’a réveillé trop tôt.

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