L'atmosphère était celui des quartiers résidentiels, ceux où il fait bon vivre lorsqu'on travaille dans le centre-ville, dont lui-même n'était que vraiment accessible les weekends, lorsque tout le monde restait chez soi à profiter de sa famille ou de son petit lopin de terre. Seul et dans ses moyens modérés, Nico passait ses nuits dans un petit appartement de maison depuis la fin de sa relation avec Emma. Ensemble, ils s'étaient partagés les meubles de leur ancien logement qui au final ne s'avérait pas si fourni que ça, et, pour ne pas remuer le couteau dans la plaie, l'acteur en avait cédé la plus grande part à une œuvre de charité. Ne lui restait que cette commode en noyer qui à l'origine servait à ranger la vaisselle et qui aujourd'hui était un meuble à chaussures dans l'entrée du logement.

Deuxième, gauche. Avec seulement deux étages, les propriétaires avaient tout de même daigné installer un ascenseur, si un jour les grands âges arrivaient, ils auraient plus de facilité à leur louer. Certains avaient une piscine dans le jardin, ici, c'était un ascenseur dans l'entrée, un investissement comme un autre me diriez-vous ? La décoration n'avait rien de jeune, du marron sur les murs, des rideaux verts, un tapis violet, oui, c'était comme un plongeon dans les années 60's, même les clefs de l'appartement étaient accrochées sur un anneau peace and love couleurs arc-en-ciel. Cette abondance de couleur, c'était ce qui lui avait sauté aux yeux, plus que ça, le faisait frissonner. L'appartement, lui, bien que vide à l'origine, n'en restait pas vierge aujourd'hui, il avait adopté le style de l'entrée. Chaque personne qui le visitait se prenait sa petite claque, il fallait le dire, ce n'était pas quelque chose de courant. Par-delà la décoration, le logis en lui-même n'était, de par sa superficie, pas dans la démesure. L'entrée donnait directement sur le salon et la cuisine ouverte, la pièce s'allongeait jusqu'à une large baie vitrée. Sur chacun des côtés, deux petits couloirs. L'un menait à la salle d'eau et à un placard à rangement, l'autre à deux chambres. L'une pour lui et l'autre, comme il l'avait pensé à l'origine, pour ses parents qui au final, après ses nombreuses années à Brisbane, n'avaient toujours pas osé lui rendre visite. C'était compréhensible. À Paris, tous deux avaient leurs petites vies, leurs petites habitudes, et plus que ça n'étaient pas des grands fervents des voyages en dehors de l'hexagone, la faute à un anglais d'aéroport pour ne pas dire exécrable, en plus de la traversée de la moitié du monde. Le garçon s'était finalement résigné. Aucune colère ou incompréhension, c'était à lui de leur rendre visite, le plus souvent à Noël, la valise de soute chargée de cadeaux à l'aller comme au retour.

La sonnette retentit. Vous ne vous rappelez pas, mais lui Nico se rappelle très bien de là où il en était, sa bouille se fige sur son meilleur sourire. Était-il pendant tout ce temps bloqué dans un univers parallèle ? Peut-être bien. Avait-il une vie avant que ces lignes ne vous parviennent ? C'est certain. L'acteur portait une chemise blanche dont les manches avaient été retroussées jusqu'aux coudes, un short beige et un ruban autour de son cou. Il la charme, elle le pousse à l'intérieur, partagent une rigolade, dépose ses lèvres contre les siennes, ses mains cherchent à lier le nœud. Cela ne faisait que quelques minutes, et pourtant, les aspérités de sa belle lui avaient déjà manqué. La main de l'homme glisse contre la sienne, prolonge sur ses doigts, l'anneau n'est plus là. Avait-elle fait un choix ? C'était encore bien trop tôt pour se prononcer, ce qui était en revanche certain, c'était son souhait d'aller de l'avant, de continuer le sprint qu'ils avaient commencé trois jours plus tôt. Le baiser continue, les lèvres se saisissent à tour de rôle, les langues se lient, sa main se place dans le bas de son dos pour la rapprocher davantage. Les bouches s'écartent, respirent chaudement l'une contre l'autre, les pupilles reflètent leurs iris respectifs.

- Mademoiselle a trouvé une robe à ce que je vois... Et quelle robe ! J'en connais une qui va attirer plus de regards que les toiles.  

Vous savez, la maladroite qui se blesse dans les parcs a sourit à son téléphone. Plus d'une fois même, et vous vous êtes dit que c'était sans doute anodin, que la douleur physique était plus forte que ce simple air de plaisir sur le visage. Katharina pensait à l'avant et à l'après. A ce moment là, à l'échappée de son appartement dans une robe toute pimpante afin de retrouver Nicolas.

Le poussant à l'intérieur, le paillasson "Welcome" juste devant l'ascenceur s'en était allé sur le côté, proche du meuble en noyer qui servait de range chaussures. Katharina glissa un peu en faisant reculer l'homme chez qui elle pénétrait en toute légalité puisqu'elle avait sonné et qu'on lui avait ouvert. L'intérieur, différent de chez elle, était saisissant. Elle pouvait même sentir l'odeur du mimosa aussi clairement que ce fauteuil jaune qu'on voyait plus loin dans le salon.

Ses mains attrapaient le tissu autour de son cou et le lâchait aussi vite car les mouvements de tête et les embrassades continuaient inlassablement jusqu'à ce qu'ils reprennent leur souffle.

"- Mademoiselle a trouvé une robe à ce que je vois... Et quelle robe ! J'en connais une qui va attirer plus de regards que les toiles."

Un sourire transi éclos sur son visage au compliment de l'homme, et par la même rhétorique, elle répondit ainsi, d'une voix chaleureuse :

- J'en connais un qui pourrait craindre d'avoir de la concurrence ! avant de se racler la gorge : Je bois un verre d'eau et on y va ?

Avec son pied, elle se décollera de la porte contre laquelle elle s'était tenue prisonnière pour le pousser gentiment vers le fauteuil mimosa, joignant de nouveau leur lèvres avec un sourire de délice.

Le lâchant sur le sofa, elle s'en alla vers la cuisine comme si elle était chez elle. Sa robe échancrée laissait apparaître son dos sans soutien-gorge.

Les affaires encore présentes sur la commode lors de sa première visite étaient encore à leurs places, depuis deux jours, elles n'avaient pas bougé. Là, sur le côté, là où le bras de l'homme était passé, jonchaient sur le sol stylos, porte-clefs, épingles, un bric-à-brac de trucs qu'il avait l'habitude de poser ici de temps à autre pour se vider les poches. Des objets sans importance qui n'avaient pas plus de valeurs " rangés " là ou on ne peut plus bas. Amusé, il se laisse pousser contre fauteuil où leurs lèvres se rejoignent à nouveau.

- Ce n'est pas comme si je n'en avais pas déjà !

Il y avait, dans sa relation avec Kat, un sentiment de challenge, celui de charmer une femme déjà engagée. De l'écarter de l'emprise d'un autre, de lui faire voir la vie autrement. Il ne connaissait pas l'heureux élu, ne l'avait jamais croisé et la belle n'en avait pas non plus parlé une seule fois depuis le début de leur rencontre. Seul l'anneau, pas de pouvoir, était à son sens ce qui la rattachait à l'autre et dont Nico, à cet instant, prenait plaisir à ne plus le sentir le long de son doigt.

- Aller. Tu n'as rien besoin d'autre ?

Ses mains foncent dans ses poches, rien. Il se dirige vers sa chambre, non plus sur la table de chevet et revient dans la pièce à vivre, scrute les meubles. Où avait-il bien pu mettre ses clefs ? Ses sourcils se froncent, sa mine est embêtée, il ne lui demande pas, ça ne sert à rien, seul lui sait où ses affaires sont rangées. Un éclair traverse son esprit, un flashback, des images qui lui manquaient déjà, un cliquetis. La mémoire lui revient, la confiance aussi.

- On prend ma voiture.

Ce qui signifiait aussi que c'était à lui de conduire, pas qu'il ne voulait pas rouler en vieux tacot pour le plaisir de devoir s'arrêter sur le bas-côté après seulement quelques minutes faute d'un voyant rouge allumé, mais tout de même. Non, ce n'était même pas tout à fait ça, cette caisse, le garçon l'aimait bien, elle lui avait fait gouter le sable sur les pieds, elle lui rappelait leurs débuts, des images qui ne s'oublieront pas de sitôt. Il l'attend sur le pas de la porte, ouverte, sa bombe ne tarde pas, ses yeux divaguent entre visage et poires avec une mine de satisfaction.

Dans la cuisine, la jeune femme, à l'aube de ses trente ans peina à trouver un verre. Du moins, elle cherchait un grand réservoir, du genre coca cola et parmi la collection de Nicolas, la belle ne savait se décider. Cette dernière cherchait le violet, qui bien sûr, se trouvait tout au fond. C'est sûr la pointe des pieds qu'elle dû déranger toute l'organisation de son amant pour trouver la perle rare, de quoi se désaltérer avec goût. Le frigo ouvert d'un geste, sa main trouva une carafe d'eau rafraichie, qu'elle versa dans le contenant. Se tournant vers le propriétaire des lieux, elle bu lentement mais goulument.

- Ca se trouve j'ai menti ! le laissa-t-il imaginer.

Katharina prenait plaisir à jouer avec l'absence de celui qu'elle était censée épouser, mais qui lui posait autant de lapins que le nombre de rides sur le front d'un senior. On croirait presque possible qu'il soit un agent secret et que Kat soit sa couverture, ou bien l'inverse. C'était un alibi pour se donner un peu de contenance. La prof, qui avait eu plus d'une opportunité récemment, n'était à part tout ça pas bien originale. Qu'importe puisque Nicolas l'avait choisi, à cette fontaine, préférant inviter une inconnue à boire un verre plutôt que de continuer sa lecture.

- Rien du tout, tout va pour le mieux ! Ma voiture va dormir à la meilleure place à l'ombre du parking, ça lui fera du bien de refroidir un peu !

C'est ainsi que le couple sortit de l'appartement décoré de manière rétro pour emprunter l'ascenceur. Là, comme un rituel, rapidement car il n'y avait pas beaucoup d'étages, ils s'embrasseront comme des adolescents qui découvrent ce plaisir addictif. Mais elle règlera le compte du garçon en donnant des arguments qui avaient pour but de rendre plus attractif sa poubelle sur roue qu'il n'y paraissait. Le débat fut stérile, malheureusement, mais la Kat préférait en fait que la crasse qu'elle trainait avec elle soit la plus discrète possible. Aussi elle tenait la main de son amant comme si c'était son copain.