Il était évident que l’épisode du kidnapping se saurait un jour ou l’autre. Ce genre d’histoire ne reste jamais secrète. Il aura néanmoins fallu un bon mois avant que l’information se répande, autant dire que nous nous en sommes très bien sortis. Dans la mesure où le drame est déjà passé, l’intérêt des journalistes est forcément moindre. Néanmoins, quelques coups de téléphone sont à dénombrer afin de connaître la totalité du récit et de faire une belle couverture sur cette sordide aventure. Aucun n’a eu satisfaction, et j’ai fini par débrancher le téléphone de la maison afin que Joanne ne soit pas hantée par cette sonnerie pendant la journée. Rares sont ceux qui osent camper devant la maison pour si peu -ou plutôt, pour une information déjà bien vieille. Quelques uns se sont risqués à frapper à la porte, et s’en sont retournés aussitôt. Au final, les quelques articles parus ne font état que de l’enlèvement de Daniel pendant deux semaines et de son retour sain et sauf parmi nous. Les plus minutieux, souhaitant absolument savoir ce qu’il en était du ou des ravisseurs du bébé, sont parvenus à remonter jusqu’à la mort d’Edward et l’internement de Marie suite au kidnapping. Et puisque personne n’est idiot, comprenant aisément qu’il existe un lien entre tous les événements, le seul détail que j’ai laissé fuité est celui qui a permis à tous les curieux d’être satisfaits ; oui, Daniel a été enlevé par ses propres grands-parents. Puisque l’information est tombée dans les jours précédents l’interview que j’avais promise à Vogue -en échange du shooting photo de Joanne- Victoria s’est fait l’immense plaisir et la grande exclusivité de mes commentaires à ce sujet. Je ne peux pas lui en tenir rigueur, n’importe qui aurait sauté sur l’occasion, même moi. Dans toute cette effervescence autour de cette histoire, la seule chose que personne ne sait en dehors de moi, Joanne et mon banquier, c’est l’état de mon compte. Pour tous, la fortune n’a pas bougé, et c’est une illusion que je m’efforce d’entretenir. Chez nous, il est rarement chose plus humiliante que la ruine, et il n’est pas question de me faire éjecter des sphères dont j’ai toujours fait partie. Mon titre aide bien, et j’en joue un peu plus que par le passé. Un Lord sans le sou, ça n’existe pas dans l’imaginaire collectif. C’est une bonne planque pour moi et ma fierté atrophiée. C’est donc au nom de Lord Keynes (et de Miss Prescott, car être à la tête d’une grande fondation aide fortement à se faire remarquer dans le paysage mondain) que les invitations pour ce soir ont été envoyées. Puisque une sortie en tête-à-tête par mois nous semble être un bon rythme à adopter histoire de se retrouver de temps en temps ou de voir un peu de monde (et que j’étais de toute manière obligé de m’y rendre dans la mesure où WWF en est partenaire), l’évènement tombait à pic. Jeudi soir, dans la salle de réception du grand aquarium de Brisbane, une soirée qui devrait se terminer assez tôt. Un dîner, un passage obligé derrière le micro, et l’occasion de rencontrer sûrement parmi les personnes les plus respectables des hautes sphères d’Australie, pour les plus engagés et généreux, ou les vermines hypocrites dont nous prendrons grand soin de rester éloignés. Dans un costume deux pièces gris, j’arrive sur place au bras de Joanne, toujours ravissante. Les quelques flashs crépitants à l’entrée, bien moins nombreux que d’habitude, laissent parfaitement voir le manque d’intérêt médiatique pour les questions environnementales -à l’heure où 90% de la Grande Barrière de Corail a blanchi, ce qui a de quoi affoler. Néanmoins, mes yeux ne s’en plaignent pas. Nous passons par la case des photographies officielles par la suite, et vu mon rôle ici, cela prend tout de suite beaucoup plus de temps -pendant lequel Joanne est malheureusement laissée de côté, invitée à entrer dans la salle de réception pour m’attendre. Et il n’est pas question de refuser de poser avec qui que ce soit, qu’importe si je suis agacé au bout de vingt minutes. Ce n’est qu’une fois libéré que je peux tenter de retrouver ma fiancée dans la grande salle. Mais d’abord, mon regard ébahi de grand enfant se pose sur les grands murs vitrés à travers lesquels nous pouvons admirer poissons de toutes tailles et de toutes couleurs, requins et tortues de mer dans ce gigantesque bassin. Sa surface incurvée donne une légère sensation de vertige tant la salle semble immergée dans l’eau auprès de ces créatures. Complètement absorbé par ma contemplation, c’est une main se glissant dans la mienne qui me fait sursauter et me tire de ma léthargie. Mes yeux tombent sur Joanne qui n’a sûrement eu aucun mal à retrouver le petit garçon qui lui sert de cavalier. “C’est vraiment de toute beauté.” je murmure, encore rêveur. “Je parle de toi, bien sûr.” j’ajoute avec un sourire avant de lui voler un baiser. “Désolé, la séance photo s’est éternisée. J’ai cru que j’allais finir avec une belle migraine.” C’aurait été parfait pour débuter la soirée, n’est-ce pas. Un serveur nous tendant son plateau nous invite à attraper ses deux dernières coupes de champagne. Un peu nerveux, j’en prends une avec plaisir. “Tu t’es déjà fait de nouveaux amis en mon absence ? ” je demande à ma belle pour la taquiner, sachant qu’à moins que quelqu’un ne soit venu vers elle, elle ne ferait sûrement pas le premier pas.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Ca faisait un bout de temps que Joanne n'avait pas pris autant de temps pour prendre soin d'elle. Ses parents étaient venus chercher Daniel un peu plus tôt pour laisser le temps à leur fille de se préparer. Le jeune couple n'avait pas assisté à ce type de réception depuis bien longtemps, cela remontait à bien avant la naissance de Daniel. Enfin, Jamie y allait, mais toujours seul ; ou en compagne d'une amie mais il se gardait bien de le dire à sa fiancée. Celle-ci était surprise d'ailleurs d'avoir eu une invitation à son nom, Jamie lui avait expliqué qu'elle commençait à se faire un petit nom depuis qu'elle était à la tête de la fondation Oliver Keynes. Evidemment, l'enlèvement de Daniel avait fini par parler de lui. Joanne recevait à la maison de nombreux appels de journalistes pour avoir des informations, ça finissait par l'angoisser plus qu'autre chose. Elle n'ouvrait la porte à personne et c'était Jamie qui s'en chargeait lorsqu'il était à la maison. C'était déjà beaucoup pour elle, mais elle s'attendait à pire. L'information était trop vieille, et l'affaire était déjà résolue. La belle blonde s'était vêtue d'une robe cintrée bleu ciel, avec de hauts escarpins blancs. Elle n'avait pour bijoux que sa bague de fiançaille et le bracelet que Jamie lui avait offert à Noël. Ses boucles blondes n'étaient pas attachées, son maquillage restait naturel, excepté un rouge à lèvres qui faisait resortir son teint clair. Joanne était toujours un petit nerveuse juste avant qu'ils ne passent devant tous les flashs, mais elle commençait tout doucement à s'y faire. Elle restait tout de même assez près de Jamie durant cette étape, mais les photographes avaient droit au plus beau de ses sourires. Son fiancé dut se séparer d'elle par la suite pour une autre séance photo officielle à laquelle elle n'était évidemment pas conviée. La belle blonde se retrouva alors mêlée aux autres invités passant bien évidemment par cette étape. Elle avait tout le loisir d'admirer l'immense aquarium pendant des minutes qui commençaient à s'éterniser. Elle cherchait fréquemment Jamie du regard, mais toujours. Personne ne venait véritablement l'aborder non plus; des regards admirateurs se posaient certainement sur elle sans qu'elle ne s'en rende compte. Ca n'allait pas être elle qui allait se permettre de faire la rencontre de hauts dignitaires. Elle n'était pas vraiment à l'aise jusqu'à ce qu'il apparaisse dans son champ de vision. Ce n'était pas étonnant de le voir se laisser hypnotiser par la faune aquatique. Afin de capter son attention, elle glissa délicatement l'une de ses mains froides contre la sienne. "N'essaie pas de te rattraper." dit-elle tout bas avant qu'il ne vienne lui voler un baiser. "Tu auras plus d'attention pour ces poissons que pour moi, je m'y suis déjà préparée." ajouta-t-elle en riant. Il s'excusa tout de même de son absence prolongée. "J'ai ramené tes lunettes, elles sont dans ma pochette, si jamais." précisa-t-elle, parce qu'il avait la sale manie de les oublier bien souvent. Jamie continuait de la taquiner quant à sa non capacité à se sociabiliser, elle en grimaça tout en riant. "Non, parce que tu n'étais pas là et que je n'ai pas une seule goutte d'alcool dans le sang." Elle avait tendance à être un peu plus ouverte aux discussions après avoir bu quelques verres. "Et puis, je parie que 95% des personnes ici présentes ne me connaissent, ou, si c'est le cas, ne s'intéresse pas à moi, ce que je peux comprendre." Joanne le prenait avec un léger, presque plaisantin. Dans le fond, ça ne la dérangeait pas plus que ça d'être vue ainsi, si c'était le cas. Elle n'aurait jamais grand chose à raconter et elle blâmerait la première personne qui oserait mentionner l'enlèvement de Daniel. "J'ai enfin eu le manager de la fondation aujourd'hui. Il s'est empressé de m'appeler dès qu'il était rentré parce qu'il était en vacances. Et il m'a dit, je cite, qu'il était particulièrement empressé de travailler avec moi et qu'il savait que j'apporterai un souffle nouveau sur cette fondation. Il n'appréciait pas vraiment ton père, et lui non plus, mais il le gardait parce qu'il faisait bien son boulot et qu'il gérait presque tout." expliqua-t-elle. "Je lui ai dit qu'il ne devait pas trop avoir d'espérance, n'ayant aucune expérience en la matière, mais ça ne semblait pas le faire douter de ce qu'il pensait. Il m'enverra tout un tas de papiers sur la fondation dès qu'il sera chez lui, histoire que je sache tout et absolument tout de cet endroit." Joanne était assez motivée, à vrai dire. Le manager était très enthousiaste et se montrait disponible pour tout renseignement ou information, lui précisant bien qu'elle pouvait l'appeler à n'importe quelle heure de la journée.
Il est facile de se laisser complètement hypnotiser par le grand bassin qui entoure la salle de réception. Un peu plus, et l'on se sentirait nager à coté de ces créatures marines. Cela me désespère tellement depuis que je vis ici d'être forcé de constater que les australiens prennent bien peu soin de cet incroyable patrimoine, préférant à ces richesses l'exploitation d'énergies qui ne font que les détruire. L'autre jour, un dépité a fait la démonstration des méfaits de la recherche de nouveaux gisements de schiste en parvenant à mettre le feu à une rivière. Une chose qui semble impossible, et pourtant, l'eau était en flammes à cause du gaz qu'elle renfermait -et qui n'a rien à faire là. Mais personne ne semble s'en affoler tant que l'économie se porte bien. Et ceux qui s'élèvent contre ce genre de pratiques ne sont guère entendus. Il y a quelques membres du gouvernement présents ce soir. Députés, peut-être un ministre ou deux. D'un côté, ceux qui veulent changer les choses. De l'autre, ceux qui font des promesses qu'ils vendent aux plus offrants -avec un peu de leur dignité à chaque fois. Ceux-là sont facilement repérables ; tout le mépris qu'ils m'inspirent se lit dans mon regard comme dans un livre ouvert. Joanne sait que les causes défendues ce soir me sont chères. Elle a pu le voir sur les quelques photographies que je lui ai montrées ; depuis toujours et encore aujourd'hui, je suis ce petit garçon fasciné par la nature, les animaux, les écosystèmes. Mère nature a toute mon admiration et m'absorbe dans de longues contemplations avec une facilité déconcertante. « Grillé. » dis-je en haussant les épaules, riant un peu. « Mais tu es vraiment superbe. » Je dépose un baiser sur la tempe de ma fiancée. Elle l'est toujours, mais il est bon de le lui rappeler puisqu'elle est la seule à ne pas n avoir conscience. La robe bleue est de circonstance je suppose, le design du bracelet qu'elle porte aussi. Toujours aussi attentive aux détails, ma Joanne. « Ne dis pas de bêtises, tu es bien plus attrayante qu'une tortue de mer. » je lui assure. Quoi qu'il n'est pas exclu que mon regard dévie à plusieurs reprises sur l'aquarium pour en admirer ses pensionnaires. Les requins son particulièrement impressionnants, leur cohabitation en paix avec le reste des poissons. Mais ce sont les tortues qui me font retrouver un regard d'enfant en une seconde. « Néanmoins, c'est la première fois que je viens ici, je suis assez impressionné. » j'avoue, même si Joanne l'avait sûrement deviné. Comment ne pas l'être devant ces milliers de litres d'eau salée, ces longues algues, ces bancs d'écailles brillantes sous la lumière de l'aquarium ? La jeune femme est la plus fleur bleue de nous deux, mais à mes yeux, ce genre de décor est vraiment magique. Je pourrais perdre ma soirée, assis par terre devant la grande baie vitrée, à observer les poissons. Mais je n'ai plus six ans, et je dois réussir à me détendre avant que mon tour vienne de monter sur la petite estrade. Le discours, assez court, est dans l'une de mes poches. Quand je me fais la remarque qu'il risque d'être écrit trop petit pour cette heure du soir, Joanne devance mes pensées en précisant qu'elle a pris mes lunettes avec elle. « Tu es parfaite, merci. » Je l'embrasse furtivement pour ne pas abîmer son rouge à lèvres -ni m'en mettre partout. Comme je m'y attendais, la jeune femme ne s'est pas risquée à engager la conversation avec qui que ce soit, et son visage n'est pas encore assez connu pour que d'autres viennent spontanément vers elle. Mais elle est persuadée que c'est par pur désintérêt. « Tu as une invitation à ton propre nom, c'est que tu commences à les intéresser. » dis-je en reprenant une gorgée de champagne. Un ancien Lord de la Chambre, craint et respecté, s'est pendu et sa fondation a été confiée à la petite blonde au bras du fils Keynes. Forcément cela attire la curiosité. Prenant son rôle au sérieux, ma fiancée s'est mise au travail pour cet organisme dont elle ne voulait pas entendre parler à la base. Bientôt, elle saura tout ce qu'il y a à savoir pour la diriger parfaitement. « Les choses sérieuses commencent alors. » Mon sourire est enthousiaste. Je sais que Joanne voit encore de mauvais aspects dans cette association, mais moi, je suis ravi qu'elle en ait les rennes. J'ai toujours pensé qu'elle et Oliver se seraient parfaitement entendus, alors à mes yeux, il ne peut y avoir qu'elle à la tête de la fondation qui porte son nom. « Tu feras du très bon travail, je n'en doute pas. » j'ajoute en prenant sa main pour la serrer délicatement. Elle n'a pas besoin de s'y connaître pour faire les choses bien, elle sera conseillée en cas de doutes. Mais comme l'a dit le manager, elle pourra donner un nouveau souffle à cette organisation qui a besoin de changer de visage et d'aura. Je sais qu'une telle entreprise pourra la rendre fière d'elle à terme. « Nous devrions peut-être songer à ouvrir une branche de la fondation ici, à Brisbane, non ? » Il peut être un peu tôt pour y penser, mais je pense que se mettre rapidement des objectifs pousse à donner le meilleur de soi-même et nourrit l'ambition. Rien de vaniteux ; seulement l'ambition de faire toujours plus pour son prochain. « Nous en avons les moyens, même s'il ne s'agit que d'ouvrir une petite structure pour le moment. » Mais c'est Joanne qui est aux manettes, alors c'est elle qui le décidera. J'ai beau garder le statut de président de la fondation, la jeune femme est celle qui prend les décisions en qualité de directrice concernant ce qu'elle estime être pour le mieux, et en cela je lui fais une confiance parfaitement aveugle. « Tu n'as pas encore de nouvelles du musée ? » je demande également par curiosité. Peut-être que le directeur lui a déjà donné des précisions au sujet du poste qu'il souhaite créer pour elle.
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Jamie tenait tout de même à préciser qu'il trouvait sa fiancée très belle, il ne ratait jamais une occasion pour cela. Elle pensait qu'elle ne faisait jamais grand chose pour mettre en valeur ses atouts, notamment cette paire d'yeux bleus, mais le peu qu'elle appliquait semblait largement satisfaire son fiancé. Joanne avait tendance à un peu moins se maquiller depuis qu'elle restait à la maison. Sauf quand elle sortait ou lorsqu'elle avait quelque chose de prévu. Mais Jamie ne s'en plaignait pas. Il y avait là une occasion pour sortir des bijoux et du maquillage qu'elle ne mettait pas toujours, alors elle avait saisi l'opportunité. "Tu me compares à une tortue de mer ?" lui rétorqua-t-elle en riant, amusée, avant de boire une gorgée de son champagne. La boisson était d'ailleurs délicieuse. Joanne était surprise que c'était la première fois que Jamie se rende dans un aquarium. Il aimait tellement la nature, surtout les animaux, qu'il aurait été évident qu'il s'y rende avant qu'ils ne se connaissent. "J'y étais allée pour la première fois à l'université. Puis on y retournait, de temps en temps." dit-elle en regardant une raie qui passait par là. "Je me débrouillais pour y aller en semaine, pendant les heures d'école. Quand il n'y a pas d'enfants, c'est tout de suite plus calme, et c'est apaisant. J'y passais des heures." L'invitation pour cette réception la surprenait toujours, même en y étant. Jamie lui précisa que ce n'était pas anodin que d'avoir d'une invitation avec son propre nom. "Tu es sûr que ce n'est pas pour vexer Jamie Keynes qu'on m'ait invité. Ou pour voir comment je tiens ma ligne juste après une grossesse ?" demanda-t-elle, amusée. Non, bien sûr que non. Ce n'était pas le genre de soirée où l'on se posait ce genre de questions. "J'en suis flattée, vraiment. Mais je ne me trouve pas encore très méritante. Je n'ai pas fait grand chose pour la fondation pour être remarquée." commenta-t-elle. Ca lui semblait logique. Mais qui sait, peut-être que dès qu'elle bougera le petit doigt pour ces enfants perdus, on se jettera sur elle pour une interview ou pour la mettre dans la lumière; en bref, le genre de choses auxquelles Joanne ne s'attendait pas. Elle fut touchée par la confiance quasi aveugle que Jamie portait pour son rôle. Il se permit tout de même de lancer une idée qui pourrait être tout à fait réalisable, mais la jeune femme ne pensait pas déjà si grand, même si l'idée avait déjà émergé dans son esprit. "J'y avais déjà songé, mais je préfère réajuster tout ce qui est à réajuster là-bas, pour qu'on puisse transférer le même modèle ici. Histoire de repartir sur de bases." expliqua-t-elle avec un sourire. "Je veux d'abord jeter un oeil aux comptes, parce que le manager lui-même - il s'appelle Ewan - a dit qu'il y avait des dépenses qu'il ne comprenait pas. J'aimerais savoir ce que ton père magouillait avant de lancer quoi que ce soit." Histoire d'éclaircir certains points que personne n'arrivaient à rendre plus lucides. "Puis il y a deux-trois trucs qui n'avaient pas été mis en place et que j'aimerais faire assez rapidement." dit-elle en se grattant la tête. "J'ai discuté près de trois heures avec Ewan, il m'a dit tellement de choses que j'ai du prendre des notes, je n'arrivais pas à tout enregistrer. Mais il nous a aussi vivement suggéré d'organiser une sorte de gala, histoire de te présenter, et de me présenter. Il a beaucoup insisté sur moi, j'ai ri très nerveusement sur le moment." Parce que ça voulait dire discours, être présentée à tous les invités, avoir beaucoup d'attention de la part de tout le monde. "Apparemment, Edward avait prévu tout un budget pour ce genre d'événements pour ne pas à avoir à piocher dans ses propres économies. Ewan m'a assurée que cet argent pourra être très bien utiliser pour l'organisation et notre déplacement jusque là-bas." Joanne ne regardait pas toujours Jamie dans les yeux, cherchant à se remémorer tout ce qu'on lui avait dit. Elle était aussi enjouée et gênée à la fois par ce que le manager comptait faire. "Je pense que c'est une très bonne chose malgré... Le fait de devenir le centre de tout pour quelques heures." Elle bégayait un petit peu, pas franchement emballée par cet aspect. "Mais je pense que c'est nécessaire, que ceux qui contribuent à la fondation colle un visage sur les personnes qui en sont en tête. Surtout qu'il y aura des représentants des parents d'enfants pris en charge par la fondation. Et j'ai envie qu'ils aient confiance en moi. Ce n'est pas dans le doute et dans la méfiance que l'on pourra avancer quoi que ce soit. Et j'aimerais beaucoup profiter du voyage pour justement rencontrer les enfants là-bas." Mine de rien, Joanne y avait beaucoup réfléchi. En même temps, elle avait des heures entières pour y songer. "Tu... Tu en penses quoi ?" demanda-t-elle, tout de même inquiète qu'il soit contre quelque chose dans tout ça. Jamie reparlait du musée, et de l'opportunité qu'on avait proposé à la jeune femme. Son sourire si enthousiaste s'effaça comme par magie. "Le directeur m'a appelée hier, pour me dire qu'il y avait très peu de chances de débloquer quoi que ce soit au niveau du personnel avant au moins l'année prochaine, si ce n'est plus." Bien que Joanne s'efforçait de sourire pour prétendre que tout allait bien, elle était très triste de voir ses chances de renouer avec un univers qu'elle adorait s'envoler en un seul coup de fil. "Ils ont eu quelques soucis avec les travaux, et le budget est déjà très juste parce qu'ils avaient beaucoup investi pour ce projet, donc..." Elle haussa les épaules en baissant les yeux, buvant ensuite une belle gorgée de son champagne.
« Non, je n'oserais pas. » je réponds avec un rire. Mais si Joanne était une tortue de mer et que les petits, après avoir éclos de leur œuf sur la plage, auraient à fouiller l'océan pour la retrouver, il ne leur suffirait que de chercher la plus belle de toutes. Elle m'explique être venue assez souvent ici, juste pour profiter de la vue des poissons, se reposer en observant leur nage régulière. Pour ma part, j'ai toujours été un fervent adorateur des zoos plus que des aquariums, même s'il m'arrivait de visiter celui de Londres parfois, passant de longues minutes hypnotisé par les méduses. Mais je n'ai jamais mis les pieds dans celui de Brisbane en quatre ans, ce qui est vraiment dommage à la réflexion. Ma fiancée s'étonne encore d'avoir reçu une invitation à son propre nom, habituée à être invitée par défaut à mon bras sans jamais voir son nom cité où que ce soit de manière officielle. Et je ne pense pas que les organisateurs se soient soucié de savoir s'il me vexerait ou non que ma fiancée soit invitée individuellement ou non, ni que qui que ce soit ne s'intéresse qu'à sa ligne. « Nous ne sommes pas entourés de personnes que ce genre de choses importent. » dis-je avec un petit sourire, sous entendant que c'est bien pour sa personne et ses nouvelles responsabilités qu'elle est ici. « Tu n'as pas forcément besoin d'avoir fait quoi que ce soit. Beaucoup de gens, avec plus ou moins raison, se croient malin et dotés d'un vrai compas dans l'oeil lorsqu'il s'agit de cerner des gens qu'ils ne connaissent pas en un regard. Te voir leur suffira à savoir de quelle trempe tu es. » En somme, tout comme j'y ai eu droit à mon arrivée en ville, la jeune femme passe une petite batterie de tests afin que les membres de ces cercles fermés puissent la juger. Epreuve d'autant plus ardue lorsque l'on est une femme. Une belle femme. Joanne apprendra bien assez tôt que je suis lin d'être le représentant le plus misogyne et vieux jeu de mon espèce lorsqu'elle comprendra que son adorable minois l'empêchera d'être prise au sérieux. Pourtant, elle semble déterminée à faire du bon travail pour la fondation qui lui a été confiée. « J'espère qu'on ne découvrira rien de trop tordu. » Mais connaissant feu ce grand manipulateur d'Edward Keynes, il ne serait pas étonnant que le résultat des recherches de Joanne à propos des dépenses suspectes la mènent à des conclusions qui entacheront un peu plus une mémoire déjà peu glorieuse. Il est des choses qu'elle souhaite changer et ajouter à la fondation telle quelle avant de l'étendre sur un autre continent, et j'admire sa persévérance avec un sourire en coin. Le gala semble être une étape obligatoire, même si cela ne la ravit pas forcément -et moi non plus. « J'en pense que c'est toi la patronne. » dis-je avec un large sourire. « Je préfère rester en retrait et superviser de loin. » Je hausse les épaules. La jeune femme a toutes les cartes en main pour faire ce qui lui semble être le mieux. « Si tu penses qu'un tel événement est nécessaire, fais-le. » Néanmoins, je pense que l'accent devrait être plus mis sur elle que sur moi. Moi, je reste le fils de mon père, et c'est un statut dans cette organisation qui est déjà bien assez lourd à porter. Et qui le sera encore plus si nous venons à découvrir des magouilles supplémentaires. « Lance toutes les enquêtes internes que tu veux, changes ce qui doit être changé. J'ai confiance. Je sais que tu prendras chaque décision dans l'intérêt des enfants. » C'est tout ce qui importe à mes yeux. Je sais que son visage inspirera confiance aux familles sans effort. Normalement, je prendrais un peu plus Joanne par la main pour la guider dans toutes ses nouvelles responsabilités, mais cet Ewan semble déjà bien le faire, et je ne veux pas l'influencer dans ses choix, sachant qu'elle interprète immédiatement le moindre mouvement de sourcil. Si elle souhaite poursuivre sur cette voie, j'aimerais qu'un jour cette fondation devienne sa fierté. Faute de pouvoir retourner au musée. En tout cas, d'après ce qu'elle m'explique, c'est un projet qui tombe à l'eau pour l'instant. « Je vois. » dis-je tout bas. Je vois surtout toute la déception dans le regard de Joanne. Elle espérait vraiment retrouver ces couloirs bordés d'oeuvres qu'elle aime tant. « Je sais que ça n'est pas forcément ce à quoi tu aspires à la base, mais tu m'as l'air motivée par la fondation, alors... Dis-toi que ça te rend utile pour ne nombreuses personnes. Bien plus que ça n'aurait pu être le cas au musée. » Et c'était ce qu'elle souhaitait, non, être utile ? Ainsi, elle l'est non seulement pour moi, pour sa famille, mais aussi pour d'autres. Je suis certain qu'elle peut en tirer une grande satisfaction. Avant que ma coupe ne puisse atteindre mes lèves, un jeune homme apparaît près de moi et s’éclaircit la gorge pour nous interrompre. « Monsieur Keynes ? Vous passerez juste après le discours d'ouverture de la soirée, avant le dîner, d'ici une dizaine de minutes. » Je remercie le garçon avant qu'il ne file comme l'air poursuivre sa mission. Être entendu par des milliers d'auditeurs, bien planqué dans un studio, ce n'est pas pareil que de prendre la parole en public, et je m'avoue assez nerveux.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne n'avait pas songé une seule seconde qu'elle venait faire un premier pas dans cet univers, qu'elle venait de se faire un nom malgré elle. Ce n'était pas voulu, ni recherché, mais elle se sentit alors moins en trop durant cette réception. Jamie lui expliqua qu'il ne fallait pas avoir fait grand chose pour finir par être invitée par une quelconque soirée. Elle aurait pensé qu'il fallait être un minimum méritant pour avoir un peu d'attention, mais elle avait apparemment faux. La belle blonde grimaça à l'idée d'être testée et jugée par ceux qui faisaient partie de ce club depuis des lustres. Non pas qu'elle se sentait être au-dessus d'eux, non, mais elle ne voyait pas en quoi elle devait se prouver devant eux. Leur conversation dévia, et Joanne racontait les grandes lignes de son coup de fil avec le manager de la fondation. Elle savait que Jamie avait beaucoup d'autres priorités et d'autres choses à penser que de donner en plus son avis sur les quelques projets qu'elle avait en tête. Mais son opinion comptait beaucoup pour elle, et le bel homme ne l'aidait pas vraiment. La jeune femme rit nerveusement et but un peu de son champagne. "J'ai le droit de commancer alors, si je suis la patronne ?" demanda-t-elle, amusée, avec un sourcil arqué. "Disons que si le gala se fait, j'adorerai y inviter mon fiancé pour venir avec moi." dit-elle plus bas, en passant une main autour de sa taille. "Pas le fils d'Edward Keynes, mais bien l'homme avec qui je rêve de me marier." C'était la même personne lui dira-t-on, mais elle savait que Jamie comprendrait la mince différente. "Je pense que ça a toute de même son importance. Je sais qu'on arrivera à en profiter si on est ensemble. On sait déjà bien rendre les tâches qui nous révulsent en quelque chose qui est plaisant lorsque l'on est tous les deux, non ?" demanda-t-elle de sa voix douce, en plongeant son regard dans le sien. "Et je serai bien triste de ne pas t'avoir comme cavalier pour danser." ajouta-t-elle en faisant une moue qui pourrait faire craquer n'importe qui. Le bel homme finit par demander si elle avait des nouvelles du musée, et de l'opportunité qu'on lui avait proposé. Le fait que ça ne se fasse pas la rendait vraiment très triste, mais Jamie tentait de voir le verre à moitié plein, en mentionnant la fondation, que cela lui apporterait certainement bien plus qu'un rôle au sein du musée. Elle acquiesça d'un signe de tête, portant sa main au niveau de sa nuque. "C'est juste que... C'est un peu difficile de totalement se résoudre au fait que je n'aurai certainement plus jamais d'emploi au sein d'un musée, alors que j'y ai voué toutes mes études et que c'était ce que je voulais faire." Joanne n'était pas dupe. Le monde du travail était déjà bien en difficulté, encore plus dans le culturel. Ca n'allait pas être demain la veille que quelqu'un sera intéressé par son expérience tout en sachant qu'elle avait quelques problèmes de santé. Elle sourit tristement, en haussant les épaules. C'était comme ça, sauf que ce n'était pas encore facile à accepter. "Après, bien sûr que oui, la fondation me motive beaucoup." lui assura-t-elle avant qu'un jeune homme vint prévenir Jamie du moment où il fera son discours. Elle lui caressait tendrement le dos, sentant bien sa nervosité. "J'adorerais t'embrasser là, maintenant, tout de suite, mais même si la marque de mon rouge à lèvres garantit qu'il n'y aucun transfert de matière, j'aurai peur de t'en mettre partout." dit-elle en riant. "Beau comme tu es, je viendrais tout gâcher." ajouta-t-elle en réajustant un peu sa veste. Mais ce qu'elle pouvait faire, c'était caresser tendrement son visage avec le sien pendant quelques secondes. "Nous devrions peut-être trouver nos places." lui dit-elle tout bas en glissant sa main dans la sienne afin de l'entraîner avec elle jusqu'aux tables. Il y en avait beaucoup, des tables rondes, avec des nappes blanches. Le décor restait très sobre - ce qui convenait parfaitement à Joanne - étant donné que le cadre aidait déjà beaucoup. Les autres invités commençaient aussi à chercher leur nom aux différentes places. Joanne et Jamie se trouvaient à une table à peu près au milieu du tout, l'un à côté de l'autre. Lorsqu'ils s'approchèrent de la table, un couple sexagénaire se leva afin de saluer leur voisin de table. Le baisemain était apparemment de vigueur, ce dont Joanne n'était pas très habituée, sauf lorsque c'était Jamie qui le faisait. Elle gardait tout de même son sourire ravissant accroché à ses lèvres en faisant quelques présentations. Elle était étonnée malgré qu'ils savaient déjà qui elle était, du moins, les grosses lignes. Tout ce qu'elle espérait était qu'ils ne ramènent pas sur la table le sujet de l'enlèvement, bien que le couple avait l'air des plus sympathiques.
Pour les nombreuses fois où Joanne m’a demandé mon avis sur une décision ou un projet, et que je me suis risqué à lui parler en toute franchise, que ce soit de manière positive, négative ou simplement mitigée, le résultat n’a jamais été très probant. Dispute, vexation, découragement, déception; la finalité n’est jamais bonne pour la jeune femme qui ne se trouve jamais satisfaite de ce que je peux lui dire -ou ne pas dire. Alors concernant la fondation, je ne compte pas faire la même erreur. Même si elle porte mon nom, même les papiers officiels me mettent en haut de l’échelle, je considère que ce projet est le sien dans la mesure où j’ai bien plus confiance en ses compétences et en ses choix dans ce domaine que dans les miens. Ni elle ni moi n’avons d’expérience là dedans, mais je sens que Joanne a une fibre que je n’ai pas et qui lui permettra de piloter l’association de la bonne manière. A condition que je reste en retrait et que je me taise la majeure partie du temps, laissant à la jeune femme le soin de faire et assumer entièrement ses propres décisions et initiatives. Une thérapie de choc, en résumé. Cela ne me dérange pas de garder mes avis pour moi si je sais que cela est pour le mieux. Tout le monde apprend à se taire à certaines occasions, et j’ai compris que dans le domaine professionnel de ma fiancée, il valait mieux que je ne me mêle de rien et que je la laisse faire ce qui lui semble être bon. Pour son propre bien, pour nourrir le peu de fierté qu’elle a en elle, et lui montrer ma confiance. Je sais qu’elle ne se satisfera pas plus de ce comportement que je décide d’adopter que du précédent, car elle ne l’est jamais, elle est ainsi, et je suis déjà préparé à cette idée. Peut-être comprendra-t-elle ce choix tout de même. Je lui souris; elle semble s’amuser de ce statut de patronne, et cela me conforte dans l’idée qu’il lui conviendra de plus en plus. Elle tient à ce que je sois présent au gala qu’elle souhaite organiser pour le nouveau départ de la fondation, en qualité de fiancée. “Je serai toujours un peu des deux.” je lui précise. Son futur époux, et le fils de mon père. Il n’y a rien à faire à ce sujet, nous ne ferons pas changer le regard que portent autant de personnes sur moi. “Mais je serai là, bien évidemment.” j’ajoute avec un sourire. La question ne se pose même pas. “Et je me ferai une véritable joie de vous faire danser.” Bien sûr le sourire retombe au sujet du musée. D’après Joanne, toute carrière est déjà terminée pour elle au sein d’un musée. Je fronce les sourcils, ne comprenant pas pourquoi elle se condamne de la sorte comme une femme âgée que l’on vient de mettre à la porte par temps de crise. “Pourquoi tu ne trouverais pas dans un musée?” je finis par demander. Ce n’est pas mon domaine, je ne m’y connais pas et je n’ai jamais eu de problèmes d’emploi, mais il me semble qu’il est complètement prématuré de se déclarer au point mort alors que ses trente ans sont tout frais. Malgré une pause pour avoir et élever des enfants, malgré d’autres activités entre temps, absolument rien ne l’empêchera de retrouver un bureau dans un musée à mes yeux. Elle reste qualifiée et passionnée. Notre temps de répits avant de devoir nous plonger au coeur de la soirée touche doucement à sa fin. Il ne me reste qu’une dizaine de minutes avant de prononcer ce petit discours. Je me dis qu’une fois que cela sera fait, je serai débarrassé pour le reste de la soirée et je n’aurai plus qu’à jouer les pots de fleur pour l’association -et c’est un domaine dans lequel j’excelle. Joanne sent mes muscles crispés sans mal. Je ris nerveusement à ses paroles. “Un baiser du courage n’aurait pourtant pas été de refus.” Mais elle a raison, mieux vaut éviter. Je caresse tendrement son visage et l’embrasse tout de même sur la joue. Puis nous rejoignons nos places autour de la table centrale qui comporte quelques noms qui ne me sont pas connus en plus de ceux de quelques dirigeants de la branche australienne de WWF et du député que je citais plus tôt. Les échanges de poignées de mains durent jusqu’à ce que chacun se soit présenté aux autres et que nous puissions nous asseoir. Comme souvent, Joanne se prend d’intérêt pour les invités les plus âgés et sages ; pour ma part, mon attention est de l’autre côté et j’échange quelques mots avec les représentants de l’association. “Comment se porte votre fils, le petit Daniel?” j’entends du côté de ma fiancée. Alors je m’excuse rapidement auprès de mon interlocuteur, me tourne et réponds avant que Joanne ne puisse dire (ou ne pas dire) quoi que ce soit; “Il fait ses nuits, merci.” Malgré mon léger sourire de courtoisie, il est très clair que le sujet n’est pas à aborder sous couvert de la moindre once de curiosité, aussi bienveillante peut-elle être. Il va bien, dossier clos. Le couple semble légèrement surpris de la sécheresse de ma réponse, et je m’en contrefiche. “A ce sujet….” reprend mon précédent interlocuteur. Mon regard se noircit dans la seconde. “... vous avez repris les rênes de la fondation Keynes. Nous espérons pouvoir vous proposer un partenariat si vous songez ouvrir une branche en Australie, ou même avec celle de Londres.” Je me radoucis. “Vous verrez cela avec notre directrice ci-présente.” dis-je avec un fin sourire. La lumière de la salle se baisse afin de ne laisser que celle de l’estrade. Le directeur de l’association quitte la table pour y prendre place. Ma main nerveuse trouve celle de Joanne sous la table.
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Dernière édition par Jamie Keynes le Mar 3 Mai 2016 - 0:34, édité 1 fois
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne faisait toujours une importante différence entre l'homme qu'elle aimait et le rejeton d'Edward Keynes. Même si cela restait la même personne, ça ne l'était pas à ses yeux. C'était sa propre manière de valoriser Jamie, lui qui n'avait jamais été aimé par ses géniteurs. Certes, il restait leur fils, mais cela ne voulait pas dire qu'il leur ressembler dans son savoir-vivre et savoir-être. Il avait des valeurs bien différentes et s'était même forgée de lui-même la valeur familiale qui le révulsait tant jusqu'à l'avortement de sa bien-aimée. Edward l'utilisait comme un bouc émissaire, la raison de tous ses malheurs. Joanne voulait lui faire effacer cette idée de sa tête et lui prouver toute l'importance qu'il avait. Qu'il était profondément aimé et qu'il ne serait plus jamais seul. Oui, il avait raison, il sera un peu toujours des deux. Son coeur s'emplit de joie en entendant qu'il serait ravi de l'accompagner à ce fameux gala. Joanne lui offrit un large sourire. Elle ne lui aurait pas forcé la main, mais sa simple présence la rassurerait beaucoup. Il était bien évidemment hors de question d'emmener Daniel avec eux. Joanne avait nullement l'intention de le présenter à qui que ce soit, il deviendrait une véritable bête de foire. Tant qu'elle pouvait le préserver de tout cela, elle le ferait. Ses parents seront enthousiastes d'apprendre qu'ils auront leur petit-fils pour tout un weekend. "Les portes sont bien fermées dans le culturel, en général. Bon nombres de conservateurs, restaurateurs et autres agents se retrouvent à la rue parce qu'ils n'arrivent pas à trouver un emploi dans leur domaine. Sophia et moi avions eu de la chance, deux conservateurs partaient en retraite, à l'époque." expliqua-t-elle avec un haussement d'épaules. Mais vu l'âge des conservateurs de son musée, il ne fallait pas compter sur les prochains départ à la retraite pour prendre la relève. A moins de bien vouloir attendre une vingtaine d'années. Ils s'installèrent aux places qui leur étaient attribuées après avoir salué quelques personnes. Les conversations s'engagèrent sans mal, mais Jamie se dut d'intervenir en entendant une certaine question. Il ne laissa pas même le temps à sa fiancée de réfléchir à sa réponse que le sujet était déjà clos, de manière un peu sèche, peut-être. Joanne le regarda avec un peu d'étonnement, mais en le remerciant aussi intérieurement. L'interlocuteur de Jamie reprit alors la parole, suggérant de mettre en place un partenariat avec la fondation si elle venait à s'installer également sur le sol australien; ou même si elle restait à Londres. Le gentlemen précisé sans gêne qu'il fallait parler de ces affaires là avec sa voisine de table. Les lumières commencèrent à se tamiser. L'un des représentants se pencha vers Joanne pour lui dire tout bas. "Nous en discuterons plus tard, si vous voulez bien." Joanne acquiesça d'un aimable signe de tête en répondant. "Avec plaisir."; avant qu'il ne file rejoindre sa place. Jamie était nerveux au possible, allant même chercher la main de sa belle sous la nappe de la table. Elle jouait alors délicatement et affectueusement avec ses doigts, en le regardant amoureusement. "Je suis certaine que tu vas très bien t'en sortir." lui dit-elle tout bas, avec un sourire confiante. Il était charismatique, éloquant, il dégageait une aura agréable et peu commune. Il allait subjuguer son public sans soucis. Le directeur commençait à faire son discours, saluant les membres présents ce soir-là, avant de se lancer dans une tirade sur l'écosystème marin et ses nombreuses menace, sans oublier le nom de certaines associations qui se battaient sans fin pour défendre la cause animale et mettre en avant les méfaits de l'Homme sur la nature. Les invités étaient attentifs et à l'écoute pendant près de dix minutes, avant qu'il ne se fasse acclamer sous une pluie d'applaudissement. Après quoi, il invité Jamie à faire de même. Elle sentit sa main se serrer d'un coup autour de la sienne. "Je te retrouve juste après." lui dit-elle pour le réconforter. "J'aurai certainement enlevé mon rouge à lèvres d'ici là."
“A tout de suite.” je murmure à Joanne avec un clin d’oeil avant de me lever de ma chaise. Je m’apprête à faire un pas lorsque je me rappelle qu’elle a mes lunettes; elle les sort rapidement de sa pochette afin que je puisse les mettre sur mon nez. Les applaudissements me suivent jusqu’à l’estrade et cessent une fois que je suis installé. Je prends une grande inspiration afin de calmer un peu mon coeur qui bat à toute allure. Il fait une chaleur d’enfer sous ces fichus spots. “Comme vous le savez, ou comme vous pouvez facilement l’entendre, je ne suis pas Australien. J’ai troqué le costume trois pièces pour seulement deux histoire de me fondre un peu plus parmi vous ce soir mais je crois qu’il n’y a rien à faire de ce côté là.” La pointe d’humour permet de détendre l’atmosphère et calmer mes nerfs. Et puis, stratégiquement parlant, dans un discours, il y a deux moyens d’attirer la sympathie d’une audience et de gagner son attention: le rire et les larmes. “Je cherchais une nouvelle vie, et je l’ai trouvée. Je dois tellement à ce pays qui est un véritable bijou. J’y suis si bien que je compte épouser une de vos très belles autochtones. Je me sens australien au final.” Un léger sourire étire mes lèvres et ne les quittera plus désormais. Même si le propos est grave, je ne compte pas passer pour un professeur d’économie. “Quand je suis arrivé, il y a quasiment cinq ans maintenant, le gouvernement promettait un plan de 300 millions de dollars pour les questions environnementales. Nous arrivons à la fin du délai promis, et seulement 200 millions de dollars ont été utilisés. Entre temps, l’utilisation de la fracture hydraulique pour l’extraction du gaz de schiste a été autorisé, qu’importe la quantité de méthane que cela libère dans les sols et les eaux. Des hectares de fonds marins ont été cédés à une entreprise minière connue pour déverser ses déchets dans la mer afin d’agrandir leur port et permettre d’augmenter l’extraction de charbon. La Grande Barrière de Corail a blanchi à 92%.” Et il ne s’agit que des bonnes idées sur les dernières années qui ont mené droit au désastre. S’il fallait aller plus loin, ce sont des dizaines d’années de politique qu’il faudrait critiquer, aussi incroyable puisse-t-il parraît que les dirigeants mêmes d’un pays aux paysages si incroyables n’ont décidément que faire de leur richesse principale. “Cette semaine a été annoncé l’injection gracieuse de 100 millions de dollars supplémentaires au plan de départ dont le délai est déjà expiré. Cent millions de ce que le gouvernement veut faire passer pour de nouveaux fonds alors que la promesse précédente n’a pas été tenue. Où sont les 100 millions qui manquent? Est-ce que nous sommes censés féliciter le premier ministre parce qu’il compte enfin tenir sa promesse?” Oui, en plus d’un salaire exorbitant, les politiques ne seraient pas contre des fleurs par centaines à chaque fois qu’ils tiennent parole -et donc, font le travail pour lequel ils sont payés si grassement. “J’ai un fils qui a la chance d’être né dans ce pays qui m’a adopté et que j’aime. Il adore déjà les animaux, qui sait si vous le verrez sur cette estrade un jour.” Suivant les pas de son père. Vu l’intérêt de ses parents pour la nature, il ne serait pas étonnant qu’il devienne un petit écologiste en herbe. “Il voudra voir la Grande Barrière de Corail un jour, et il ne verra qu’un mur grisâtre desséché et déserté, sans vie. Ca ne le fera pas rêver. Ca ne fera rêver plus personne. Alors 70 000 emplois peuvent être condamnés. Ce qui nous coûtera à tous bien plus que 100 millions de dollars. Et s’il faut le préciser, puisque les chiffres importent plus que le patrimoine naturel du pays, on parle de 6 milliards de dollars.” Ce qui ne prend en compte que l’exploitation touristique de la côte est du continent. Malheureusement, ce ne sont pas les kilomètres de désert au milieu du pays qui compenseront cette perte. “Comme je vous le disais, je suis anglais, alors je ne suis pas fataliste. Mais je vous appelle à ouvrir les yeux. L’Australie est en train de se perdre. Est-ce que nous préférons être fiers de nos mines de charbon ou de notre océan? Il suffit de regarder autour de vous pour avoir la réponse.” Je remercie l’assemblée d’un simple signe de tête, retrouvant toute la nervosité qui m’avait quittée, la crainte de ne pas être convainquant. Je souris en coin face aux applaudissements, et quitte l’estrade dès que je le peux. Mes jambes un peu faibles me portent jusqu’à ma chaise, et je m’assois bien vite. Discourir est un exercice dans lequel je suis plutôt à l’aise. C’est l’entrée et la sortie qui sont toujours un enfer. Je dépose un baiser sur la joue de Joanne. “Alors?”
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Dernière édition par Jamie Keynes le Mar 3 Mai 2016 - 0:36, édité 1 fois
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Toute la salle restait parfaitement silencieuse durant le discours de Jamie. De légers rires se levaient dès qu'il utilisait une pointe d'humour, certains ne manquaient pas de se montrer choquer lorsqu'il parlait de chiffres. Les faits. Elle se souvenait parfaitement de la manière dont il voyait les chiffres. Cette liste de nombres qui ne faisaient qu'office de preuves, et de faits. Autant être clair et concis. Elle retrouvait son Jamie maniaque du contrôle et du concret pour des sujets à utiliser sérieusement. Elle fut touchée qu'il puisse la mentionner, bien que le terme autochtone la fit bien rire, et qu'il parle de Daniel. Elle espérait qu'ils soient capables de lui léguer un beau monde, dans lequel il pourra grandir et vieillir sereinement. Joanne l'applaudit vivement à la fin de son discours. "Votre fiancé a du cran, si je puis me permettre." dit son voisin, vraisembablement ravi qu'il soit de cette trempe. "Il a toujours apprécié montré du doigt ce qui pouvait choquer, afin que le tire soit corrigé." répondit-elle tout en continuant d'applaudire. "C'est bien, ce n'est pas comme nos politiques." répliqua-t-il alors en acquiesçant d'un signe de tête. Jamie s'empressa de retrouver sa place, sa fiancée lui servit de l'eau dans un verre approprié. Il demanda l'avis de sa belle, dès qu'il put reposer ses jambes. "Tu étais parfait." lui dit-elle avec un large. "Je ne t'avais jamais vu discourir, et je dois t'avouer que c'est plutôt craquant, surtout avec tes lunettes." Qu'elle toucha du bout des doigts en un rire. "Je pense que tu as conquis le coeur de toutes les mamans de cette salle en mentionnant Daniel. Et dieu sait qu'elle save être influençable auprès de leur mari pour une cause qui leur est chère." Elle ne doutait pas une seule seconde des capacités des femmes de haut-rangs en matière de manipulation et de détermination. "Je suis fier de toi." lui dit-elle en caressant ses cheveux pendant quelques secondes. "Du moins toute la tablée et les voisines ne faisaient que des commentaires positifs, de tout ce que j'ai pu entendre." Les discussions reprirent dans la salle, tandis que le directeur de l'association se dirigeait vers Jamie pour lui serrer chaleureusement la main. "Ton discours était fantastique Jamie, vraiment." Ils discutèrent brièvement de certains faits. "Et je suppose que la charmante dame qui t'accompagne n'est autre que Miss Prescott, n'est-ce pas ?" demanda-t-il en tendant la main à la jeune femme avant de la lui serrer. Il s'installa sur une chaise qui s'était libérée, l'un des invités étant allé voir ailleurs. "Je n'ai pas eu le temps de vous féliciter tous les deux pour votre bébé. Toutes mes félicitations dans ce cas." Il réfléchit une fraction de seconde. "Un de mes amis m'a dit tout à l'heure que vous étiez désormais à la tête de la fondation Oliver Keynes, Miss Prescott, c'est cela ?" Elle confirma d'un simple signe de tête. "Il m'a dit qu'il serait vivement intéressé de collaborer avec vous, et moi donc." "Je viens tout juste de reprendre l'association, j'ai encore beaucoup de choses à mettre à plat avant de me lancer dans ce genre démarches." "Ce qui est tout à fait légitime. Si Jamie vous a confié cette tâche, c'est qu'il sait à qui il a affaire. Il ne confierait pas ce genre de cause à n'importe qui." dit le directeur d'un ton certain. "Passez me voir en fin de soirée, que je vous passe mes coordonnées. Comme ça vous pourrez me contacter dès que vous en aurez l'occasion." "Ce serait avec plaisir." s'enthousiasma la jeune femme, avec franc sourire. Et le directeur s'envola, ayant certainement à parler avec beaucoup d'autres personnes. "Eh bien." dit Joanne en riant nerveusement. Elle termina sa coupe de champagne, puis prit l'une des mains de son fiancé entre les deux siennes.
“Merci.” je murmure, touché de savoir que Joanne se sent fière de moi. Cela compte beaucoup à mes yeux. Le directeur de l’association ne tarde pas à nous rejoindre, lui aussi conquis. “Je n’ai fait qu’énumérer les faits.” je lui réponds humblement. Après tout, je ne suis pas journaliste pour rien. “Parfois les gens ont besoin qu’on leur les mette sous le nez avec pertinence pour réaliser ce qu’il se passe.” Juste mettre en lumière des connexions logiques entre les événements afin de les rendre plus visibles et pointer du doigt les dérives. L’attention de mon interlocuteur se porte sur Joanne -et je suis ravi de constater qu’il ne se sent pas obligé de passer par moi, mais bien de s’adresser directement à elle. A croire que son nom est déjà sur toutes les lèvres. Un partenariat entre les deux organisations semblent se dessiner de plus en plus. La jeune femme doit sûrement voir de plus en plus tout ce qu’elle pourra faire. “Quel succès, Miss Prescott.” dis-je avec un sourire en coin une fois que nous sommes de nouveau seuls. Elle n’a pas retiré son rouge à lèvres finalement, mais ce n’est pas grave, elle est si belle ainsi. Pour une fois qu’elle a l’occasion de se pomponner. Je me penche vers elle pour l’embrasser juste au coin de la bouche. “Je t’aime.” je lui souffle avec un regard tendre. “C’était un très bon discours.” dit de derrière nous une voix féminine au timbre grave que je reconnais dans la seconde. Je me tourne pour m’assurer que je n’ai pas eu d’illusion auditive, et mes yeux s’arrondissent encore plus en tombant sur elle. Non, je n’ai pas halluciné. Je la regarde de haut en bas plusieurs fois; ce n’est pas non plus un mirage, quoi que bon nombre d’hommes dans la salle doivent le croire. Enfin je me lève, toujours aussi abasourdi. “Oh mon… Qu’est-ce que…” je bafouille sans savoir quelle réaction avoir. Mon coeur bat à toute allure, surpris et paniqué à la fois. Me voilà en délicate position. “Pardon, je suis un peu pris de court. Enora, voici Joanne.” Se dresse devant ma fiancée mon ex-femme. Deux mètres de jambes longelignes rehaussées d’une dizaine de centimètres de talons surplombées d’une longue chevelure brune et d’un regard doré. “Vraiment ravie de vous rencontrer. Vous êtes ravissante. Jamie m’a beaucoup parlé de vous la dernière fois que nous nous sommes vus.” C’était à Londres il y a quelques mois de cela, pour la vente de notre appartement. Mais cela me semble être une éternité en voyant Enora de nouveau, si changée en je ne sais quoi. Souriante, c’est toute sa présence qui a changé. La grande perche froide et hautaine semble soudainement chaleureuse et douce. Et ce n’est pas la seule chose qui m’étonne. “Tu es très…” “Enceinte, je sais. Qui l’aurait cru, hein?” Le ventre bien arrondi, la jeune femme semble entamer le troisième trimestre de sa grossesse avec joie. Ce qui ne l’empêche pas de toujours avoir des escarpins au pieds. Mais pour lui éviter de rester trop longtemps debout, je l’invite à s’asseoir sur la chaise que le directeur de l’association a laissée vacante. “J’ai vu que vous avez un petit bout vous aussi. Toutes mes félicitations. C’est incroyable ce que Edward a fait…” Enora et mon père n’étaient pas plus proches que Joanne ne l’a été de lui. Mais il n’a jamais tenté quoi que ce soit avec elle. Trop brune. “Tout le monde se portera bien mieux sans lui.” je rétorque en haussant les épaules. Je ne compte pas feindre une peine que je ne ressens pas. C’est plutôt un soulagement. “Qu’est-ce que tu fais à Brisbane?” je demande finalement, curieux. “J’accompagne mon fiancé, il est producteur et un de ses films est en avant-première ici demain soir.” J’avais brièvement rencontré l’heureux élu, mais nous ne nous étions pas vraiment adressé la parole. Je ne suis pas étonné qu’elle a jeté son dévolu sur un producteur; l’Enora que je connais serait déjà en train de songer à être la tête de l’affiche d’un film de son futur époux après avoir accouché. Mais je me trompe peut-être, je ne sais plus vraiment quoi penser d’elle. “Eh bien…” Pas moyen de savoir si je suis content de la voir ici ou non. Je suis heureux pour elle, bien sûr. Néanmoins, à cet instant, je ne pense pas que Joanne soit ravie de sa présence, et je ne me vois pas jeter la jeune femme de notre table. De toute manière, elle ne devrait pas tarder à retourner à la sienne, auprès de son fiancé, lorsque les entrées du dîner seront servies.
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Dernière édition par Jamie Keynes le Mar 3 Mai 2016 - 0:37, édité 1 fois
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
"Tu parles." dit-elle d'un rire nerveux. Un jeune serveur, pas plus de vingt ans, s'approcha afin de servir le vin, du vin blanc. Joanne en prit volontier et en but une gorgée. "Je suis un peu perturbée qu'ils semblent enjoués si rapidement. Je ne sais pas, ils ne me connaissent pas, ils ne savent pas ce dont je suis capable ou non. Et pourtant, ils sont très enthousiastes à l'idée de collaborer avec moi." Elle haussa les épaules, n'y comprenant pas grand-chose. "Je m'attendais plus à devoir faire mes preuves avant que l'on vienne directement me faire de si incroyables propositions. J'en suis heureuse, bien sûr." lui assura-t-elle. "Je ne sais juste pas s'il y a anguille sous roche ou non." Elle verra bien, de toute façon, en avançant dans les divers projets qu'elle avait en tête. Le bel homme ne put s'empêcher de se pencher sur elle pour lui déposer un doux baiser au coin de sa bouche, pour ne pas se risquer d'avoir trop de rouge à lèvres sur sa propre bouche. Joanne lui sourit tendrement et lui chuchota les mêmes mots d'amour, totalement sous son charme. Une inconnue interrompit leur petit moment de douceur. Pas si inconnue que ça vu la tête que faisait Jamie. Il n'arrivait même pas à aligner deux mots. Le bel homme se leva subitement pour se retrouver à la même hauteur que la belle brune; une mannequin ou quelque chose du genre, à n'en pas douter. Joanne ne comprenait pas vraiment la situation, et restait murée dans son silence. Il parvint enfin à faire de brèves présentations, Joanne comprit enfin qu'il s'agissait de l'ex-femme de son fiancé. Elle sentit son coeur s'arrêter. Qu'il était étrange à quel point le schéma restait similaire pour toutes les femmes qui étaient ou avaient été proches de Jamie. Toujours brunes, grandes, toujours avec un regard à couper le souffle et un caractère bien trempé, toujours d'une beauté qui dépassait l'entendement. Joanne était l'antagoniste parfaite. Petite, blonde, yeux bleus, assez effacée. "Bonsoir." parvint-elle à articuler faiblement, avant de reprendre une gorgée de vin. Enora disait que Jamie avait beaucoup parlé d'elle lors de leur dernière rencontre. Selon ses souvenirs, c'était pour vendre l'appartement, mais la belle blonde n'avait jamais eu notion qu'il y ait une quelconque discussion pour qu'il vienne à parler longuement de son épouse en devenir. Jamie l'invita à s'asseoir à côté de lui, commençant à parler de Daniel et d'Edward. Ce n'était certainement pas justifié que le fait qu'elle soit au courant mette Joanne hors d'elle. Mais elle conservait tout parfaitement bien en elle, écoutant la conversation."Vous et votre fiancé avez certainement hâte d'avoir votre petit bout de chou dans les bras." dit alors Joanne, qui pensait que la maternité était l'un des très rares sujets de conversation qu'elle pouvait avoir avec elle. Enora sourit aimablement. "Nous le sommes oui." assura-t-elle. "Même s'il n'est pas le père biologique, il sera tout de même son père. Nous sommes fiancés depuis peu." Joanne ne manqua d'être surprise, craignant d'avoir touché un sujet délicat. "Il est stérile." dit-elle plus bas. "Oh, pardon." dit la jeune maman, très embarrassée, noyant sa gêne dans plusieurs gorgées de vin. "Ce n'est pas grave, vous ne pouviez pas savoir." Elle était suffisamment curieuse pour venir à se demander qui était le père, et comment se faisait-il que son fiancé accepte l'enfant d'un autre. Dur à imaginer en sachant que c'est le genre de choses qui ne fonctionnerait jamais avec Jamie. Celui-ci réengagea la conversation avec Enora, ayant certainement beaucoup de choses à se dire. Et pendant ce temps, les pensées de Joanne faisaient des siennes. Au point de lui donner quelques vertiges, et une respiration qui venait discrètement se couper de temps en temps. Au bout de quelques minutes, elle s'excusa auprès des deux, indiquant qu'elle allait rapidement aux toilettes. Emmenant sa pochette avec elle, Joanne s'y rendait d'un pas un peu hâtif, espérant pouvoir être seule une poignée de minutes. Elle avait de la chance, il n'y avait personnes. Ses mains tremblaient, la jeune femme eut du mal à pouvoir prendre l'un de ses cachets. Une autre femme entrait dans la petite pièce. "Tout va bien ?" questionna-t-elle. "Oui, oui..." répondit doucement Joanne. "Le champagne et le vin sont très bons... Je pense que j'ai déjà un peu trop consommé." mentit-elle avec un rire nerveux. "Oh oui, on se fait facilement avoir. Je serai dans le même état que vous d'ici quelques minutes, me connaissant." répondit l'inconnue en riant, finissant de se pomponner. On lui souhait bonne soirée. Pourquoi Joanne se posait-elle tant de questions sur l'identité du père de cet enfant ? Certainement parce que Jamie l'avait vu plusieurs mois que ça et qu'apparemment, il y avait eu plus que de simples formalités qui avaient eu lieu là-bas. Au moins, une longue discussion. Joanne prit de longues minutes avant de se calmer, mais l'idée était bien ancrée dans son esprit, comme une marque indélébile. Elle n'avait pas les yeux rouges, elle avait repris quelques couleurs. Juste encore cette légère sensation de malaise qui ne la quittait pas depuis qu'elle commençait à penser que Jamie pourrait être le père de cet enfant. Elle finit tout de même par les rejoindre, et s'asseoir à sa place. Ils discutaient toujours. D'ailleurs, Joanne en profita pour vider son verre de vin, que le serveur ne tarda pas à remplir une nouvelle fois.
“Elle est si belle…” murmure Enora en regardant Joanne s’en aller. Elle quitte la salle et emprunte le couloir qui mène aux toilettes. Il faut dire que je n’en suis toujours qu’à ma première coupe de champagne contrairement à elle. Je souris en coin en observant ma petite blonde jusqu’à ce qu’elle disparaisse de ma vue. “Elle l’est. J’ai de la chance de l’avoir.” Mon attention se reporte sur mon ex-femme. Qu’il est étrange de la voir là, en chair et en os. Elle est toujours aussi hypnotisante, et pourtant, si méconnaissable. “Elle est assez effacée, mais c’est une belle personne lorsqu’on s’intéresse à elle.” Il faut juste lui laisser le temps d’être à l’aise et de s’ouvrir. Ce qui n’arrive parfois jamais, et je suppose que cela sera le cas vis-à-vis d’Enora. “Je ne pense pas qu’elle ait très envie de faire ami-ami avec moi.” répond-t-elle avec un sourire amusé. Je ris également. “Non, c’est vrai.” Et puisque nous ne sommes pas idiots, nous pensons tous deux que Joanne s’est éclipsée car elle n’a aucune envie d’être en la compagnie de sa prédécesseure. Ce qui ne semble pas gêner Enora plus que ça; si elle souhaite me parler, alors elle s’imposera, que cela convienne ou non à ma nouvelle compagne. “Tu as l’air plus heureux.” fait-elle remarquer en glissant sa main jusqu’à la mienne. Ses mains ont toujours été, et sont toujours, assez froides. Je reste sans rien faire, perturbé par son geste, pendant quelques secondes. Puis je me dégage de cette étreinte en prenant ma coupe pour la terminer. “Je suis vraiment content pour toi.” je reprends. Elle aussi semble heureuse. Elle va se remarier avec une personne qu’elle semble aimer, elle va devenir mère, et je ne pense pas que sa carrière en prendra un coup. “Merci. Vous avez une date pour le mariage?” J’acquiesce d’un signe de tête. “Novembre, on l’espère. Et toi?” “L’année prochaine je pense, quelques mois après que le bébé soit né.” Je souris; la même idée que Joanne, ce qui nous a poussés à reporter la cérémonie de plus ou moins un an. Mais ce n’est pas grand chose lorsqu’on planifie de passer le reste de sa vie avec la personne choisie. Comme armé d’un radar, je devine immédiatement quand ma fiancée est de retour dans mon champ de vision, et mon regard se pose instantanément sur elle, amoureux comme tout. Elle reprend sa place, et nous reprenons notre conversation. J’ai discrètement pris la main de la jeune femme dans la mienne. “Garçon ou fille?” je demande en ayant une petite idée à ce sujet. “Fille.” Comme je le pensais. Enora a quatre soeurs et ses parents avaient jeté l’éponge à l’idée d’avoir un jour un petit garçon. Il semblait évident que leur aînée ne leur donne toujours pas cette satisfaction. La vie a un humour parfois cruel. “C’est dingue, je pensais que tu ne voudrais jamais d’enfants.” Nous en avions parlé, une seule et unique fois, et il avait été évident que jamais nous ne donnerions de descendance à nos familles respectives. Notre couple était connu pour cela. Ceux qui ne vivront que pour ceux, et mourront seuls. Certains trouvaient cela beau, d’autres désespérant. Le regard d’Enora s’est soudainement fait plus sérieux, et malgré son éternel petit sourire, ses traits sont plus graves et sa moue désolée. “Tu as toujours pensé savoir beaucoup de choses, Jamie.” Je la scrute avec incompréhension, sans comprendre ce qu’elle veut dire par là. “Je ne vous dérange pas plus, David m’attends.” Enora s’éclipse, sa table est au fond de la salle. Mon regard la suit un instant, puis se pose sur Joanne. La jeune femme a laissé un beau malaise derrière elle. “Je suis désolé, je n’avais aucune idée qu’elle serait là.” Ce qui est vrai. Néanmoins, que je l’ai su ou non n’aurais rien changé, si ce n’est que Joanne ne serait sûrement pas venue avec moi ce soir. “Tout va bien?” Elle est un peu pâle, et son verre de vin a déjà bien descendu. Je la connais bien assez pour savoir que quelque chose cloche.
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Dernière édition par Jamie Keynes le Mar 3 Mai 2016 - 0:39, édité 1 fois
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Elle avait l'impression que ses jambes étaient comme du coton, une fois qu'elle était assise. Les deux ex reprirent leur conversation comme si de rien n'était, mais Jamie prit tout de même la main de sa fiancée discrètement. Celle de cette dernière était froide, et moite, tandis que celle de son fiancé émanait une chaleur agréable. Elle n'écoutait leur conversation qu'une oreille, plus concentrée sur le serveur qui lui remplit généreusement son verre de vin. Elle le remercia avant qu'il ne s'éclipse discrètement. De sa main libre, Joanne gardait le verre à pied en main, le sirotant, buvant une gorgée assez régulièrement. La belle blonde regarda avec beaucoup d'interrogation Enora, qui, avant de s'excuser de s'absenter, lançait une phrase étrange à son ex-mari. Une fraction de secondes plus tard, elle se reconcentrait sur son verre de vin, ou sur la présentation de la table. Etrangement, cette phrase tournait dans le sens de tout ce que Joanne s'imaginait depuis qu'elle avait vu ce ventre arrondi. Aussi, elle n'avait pas pu s'empêcher de se comparer à elle, se disant que la maternité lui allait merveilleusement bien. Bien mieux qu'à elle-même. Enora avait su alors instaurer un merveilleux malaise en partant. Volontaire ou non, c'était bien efficace. Le bel Anglais s'excusa auprès de sa belle d'ignorer qu'elle serait présente à cette réception. "Tu ne pouvais pas le deviner." dit-elle doucement, avec un faible sourire. "De toute façon, je suppose qu'il fallait bien que je la croise un jour." Bien que la probabilité était faible, les calculs avaient fait en sorte que ce soit le cas. Elle gardait toujours fermement sa main dans la sienne, sans qu'elle ne s'en rende véritablement compte. Il lui demanda si tout allait bien. "Ca va, oui." lui dit-elle en le regardant avec un petit sourire, à voix basse. "J'ai juste eu petit pic de nervosité et j'ai eu l'impression d'étouffer un peu, dans ma robe." Ce qui était en partie vrai, mais elle ne voulait pas tout lui raconter, au risque d'accentuer le malaise qui régnait déjà. "Je ne voulais pas qu'elle me voit prendre mes médicaments. Le genre de choses qui soulèvent plein de questions." Ca aussi, c'était vrai. "Ca ira mieux dans quelques minutes." lui assura-t-elle. Au moins laisser le temps aux médicaments d'agir pour qu'elle ait meilleure mine. Elle aura toujours l'impression d'avoir son coeur dans un étaut qui se reserrait de plus en plus. Les entrées commençaient à être servies. Il y avait de très rares pièces de charcuterie qui accompagnait une salade raffinée que Joanne piqua dans l'assiette de son fiancé, puisqu'il n'allait pas les manger de toute façon. Les discussions allaient bon train autour de la table, la jeune femme écoutait surtout les conversations, faisant quelques commentaires ici et là, répondant aux questions qu'on pouvait lui poser. Elle continuait à avoir une certaine descente au niveau du vin, du moins, plus que de coutume. Il était assez sucré, et lui rappelait grandement le muscat. Elle aimait beaucoup ce vin là, et n'allait certainement pas se gêner à goûter les suivants. Joanne ne tenait pas à partager tout ce qui allait et venait dans sa petite tête, ça ne ferait que ternir la soirée. Comme Jamie, qui ne lui racontait pas tout non plus. Pour conserver leur couple, c'était ainsi. Mais la phrase qu'Enora avait lancé à Jamie avant de filer la hantait. Pendant que les assiettes de l'entrée furent deservies, une musique fit écho dans la salle. Les personnes commençaient à nouveau de se lever de leurs chaises pour aller parler à une ancienne connaissance ou pour rencontrer de nouvelles personnes. "Il faudra que je pense à demander de quel vigneron est issu ce vin, je l'aime beaucoup." pensa-t-elle à voix haute, avant d'en boire encore une gorgée. "Si tu veux aller voir des personnes avec qui tu aimerais parler ou juste échanger quelques mots, n'hésite." lui dit-elle d'un air tendre, le sourire sincère. "Ne te sens pas obligé de rester collé sur ta chaise pour moi, ça ne me gène pas de rester un petit peu seule." Parce que c'était certainement ce qu'il devait penser, mais Joanne ne serait absolument pas vexée s'il voulait aller saluer et discuter avec quelques autres représentants. Elle lui caressa tendrement la joue, attendant qu'il réponde.
Habitués au silence et au calme, même si Daniel anime un peu plus la maison, les moments de flottement nous gênent généralement peu. Mais celui-ci est d’une rare lourdeur, de ceux qui mettent particulièrement mal à l’aise. Aucun homme ne souhaite que sa nouvelle compagne rencontre l’ancienne, encore moins par surprise. Et puis, Enora vivant à Londres, les chances qu’elle et Joanne se croisent un jour étaient quasiment nulles. Mais elle est là, et toujours sans gêne, n’a pas vu d’inconvénient à l’idée de s’imposer à la vue de la jeune femme. Il faut dire que notre histoire est morte, bien enterrée depuis quelques années maintenant, et d’ailleurs, qu’elle n’a jamais vraiment existé. Alors, en tant qu’adultes, pourquoi ne pas échanger quelques mots pour se donner des nouvelles? Cela n’empêche pas le malaise et la tension dans l’air. Une ex-femme est une ancienne amante, et je sais à quel point Joanne, tout comme moi, est sensible à ce genre de choses. “J’ai surtout eu l’impression de te présenter une parfaite inconnue. Elle est méconnaissable.” dis-je en jetant un coup d’oeil dans la direction d’Enora. Les traits du visage sont les mêmes qu’avant, mais les expression semblent différentes. Je me demande si l’amour ou la maternité l’ont aussi radicalement changée. Elle n’est plus la peste populaire de l’université que j’ai connu. Nos regards se croisent moins d’une seconde, et le mien dévie immédiatement. Je ne veux pas qu’elle pense que nous sommes médisants à son sujet, même si un tel comportement est suspect. Quand mon attention se reporte sur Joanne, je vois bien qu’elle n’est plus complètement dans son assiette depuis le passage de mon ex-femme. Elle ne l’avoue qu’à moitié, mais sa présence l’a rendue assez nerveuse pour qu’elle ressente des difficultés à respirer et ait besoin de prendre le médicament qui évite ce genre d’incidents. Elle a eu raison de s'éclipser pour cela, nul besoin de public pour ce genre de choses, au contraire. “D’accord. Dis-moi si tu veux sortir un peu.” J’embrasse tendrement les mains de ma belle avant de les libérer afin qu’elle puisse manger. Les conversations vont et viennent, mais les sujets divergent peu vu le thème de la soirée. Ils vont du plus grave au plus léger de manière aléatoire, il suffit de parler quelques minutes du chalutage en eaux profondes pour dévier sur les curiosités quelque peu monstrueuses qui peuplent les abysses les plus profondes avec des sourires d’enfants curieux et enthousiastes sur toutes les lèvres. L’on évoque une future expédition tout au sud du pays, près du pôle, dans l’une des réserves partenaires afin de voir comment se portent les pingouins qui y sont sauvegardés. Autant dire qu’il se passe moins d’une demie seconde avant que j’accepte de m’y rendre avec la petite délégation de l’association. S’il est une chose que même mon Lord de père n’a jamais pu m’obtenir -et n’a jamais essayé avec vraiment de conviction- c’est de passer la barrière du zoo pour voir ces animaux de près. Je ne risque pas de manquer l’occasion. Sans tenir de compte, il me semble que le serveur revient auprès de ma fiancée assez souvent sur la seule entrée. Si personne ne se permettra de la juger du regard à ce sujet, car tout le monde est bien content de boire à l’oeil sans regarder à la quantité, cela commence à me mettre peu à peu mal à l’aise. Je me retiens bien de lui dire que j’ai en effet remarqué que le vin lui plaît beaucoup. “Tu peux en demander la référence à un serveur.” dis-je simplement avec un petit sourire. Elle ne sera pas la première ni la dernière à le faire. Et s’il est local, ce qui ne m’étonnerait pas, le vigneron sera certainement ravi de la compter dans sa clientèle. On vient pour remplir mon verre pour la seconde fois, mais je préfère me garder pour celui qui accompagnera le plat. Cela me fascine assez la manière dont un vin et un met savent se sublimer l’un l’autre, ce que je perçois même sans rien y connaître. Consciente de ne pas être d’humeur particulièrement sociable, Joanne m’invite à vagabonder dans la salle comme les autres invités. “Je suis là pour passer un peu de temps avec toi. Je suis obligé d’être ici, et ça faisait une bonne excuse pour sortir dans un beau cadre, mais je ne suis pas vraiment là pour les autres.” Je ne saurais pas dire, sur le moment, si cela me fait passer pour un romantique ou un pique-assiette. Quoi qu’il en soit, chacun semble bien occupé, et personne ne se tourne vers moi, alors nous sommes tranquilles et pouvons en profiter tant que cela dure. “Ils viendront me voir s’ils ont quelque chose à me dire.” j’ajoute en haussant les épaules. Bien sûr, de temps en temps, une personne me lance un compliment ou une remarque par rapport à mon discours et je ne réponds que brièvement, d’un signe de tête accompagné d’un large sourire. Toute personne qui me salut souhaite également une bonne soirée à cette Miss Prescott que je n’ai pas besoin de présenter. “Ca doit les intriguer, que la jolie et discrète poupée blonde qu’ils voient avec moi depuis plus d’un an risque de s’imposer dans le paysage.” Pour de bonnes ou de mauvaises raisons, souvent dans leur intérêt je suppose. Multinationales comme associations ont bien compris que le monde doit être séduit et enrôlé dès le plus jeune âge. Une fondation pour jeunes à peine reprise est une aubaine, un terrain vierge. C’est aussi une chose à laquelle Joanne devra être attentive. Vis à vis des jeunes, les intentions ne sont pas toujours pures. “Je pensais éventuellement t’inviter à aller boire un verre juste tous les deux après la soirée, mais j’ai peur que ce soit le verre de trop.” dis-je en voyant la jeune femme porter le vin à ses lèvres. J’espère qu’un tel rythme ne l’empêchera pas de m’accorder une danse pas trop vacillante à la fin du dîner.