Alors là, je dois dire que je suis surprise. Je ne me suis jamais fait embarquer par la police (et pourtant Dieu seul sait le nombre de conneries que j’ai pu faire), mais là j’ai juste manqué de chance. J’ai loupé le coche du bon karma. Je suis derrière les barreaux, avec un peu plus d’une douzaine d’inconnus. Des grands, des petits, des beaux, des moins beaux, une fille en escarpins, une autre avec un arc-en-ciel dessiné sur le bras… bref, j’ai de quoi m’occuper. Je mâche un chewing-gum nonchalament en regardant tour à tour mes co-détenus. Et puis je soupire. On est vendredi, et c’est le seul vendredi de congé que j’ai eu depuis des mois. Ou plutôt que j’ai réussi à obtenir, prétextant à Jamie une fatigue à la limite de la narcolepsie.
J’avais décidé d’aller boire un verre dans le centre-ville avec Taylor à la base. Elle m’attendait dans un café assez huppé pour tout dire, et j’avais misé gros sur ma tenue. Le chic attire le chic, n’est-ce pas? C’était donc vêtue d’un pantalon noir et d’une chemise blanche assez transparente (le tout agrémenté d’une paire de bottines vertiginieuses) que j’avais pris la direction de Pine Rivers. Et qu’elle ne fût pas ma surprise d’être emportée, que dis-je, harponnée dans une manifestation de grande envergure. Je n’étais même pas au courant de son existence, et au moment précis où une espèce de grand-mère m’avait poussée et traitée de tous les noms, je m’étais juré de regarder un peu plus les infos. Puis vint le blackout. Le trou noir, le moment où tout s’est enchaîné. Je ne comprenais rien, je me laissais faire. Je voyais des gens se battre, je voyais des gens hurler, je voyais de la fumée, parfois du feu, et des drapeaux multicolores. Puis des bras m’ont attrapé et m’ont violemment poussée dans ce qui s’apparentait être un fourgon. La police.
Je continue à mâcher mon chewing-gum en fixant un point dans le vide. Cela fait déjà une bonne vingtaine de minutes que nous sommes là, et le silence est pesant. Voire même d’une lourdeur époustouflante. Je décide enfin de tourner la tête vers mon voisin de droite. « Vivement la fin de ce cauchemar… » Je soupire et lui lance un faible sourire. Je n’ai même pas eu le temps de prévenir Taylor, on m’a confisqué mon téléphone portable. Quelle galère.
Dernière édition par Janis Cavendish le Lun 2 Mai 2016 - 0:51, édité 2 fois
J’ai qu’une envie : Pleurer. Qu’est-ce que je fous derrière les barreaux d’une prison ? Moi, Kenneth Wheeler, qui n’a jamais rien fait d’illégal dans sa vie, sauf télécharger de la musique parfois illégalement, se retrouve en prison. Oh, je ne suis pas seul pour autant, on est dans ce qui s’apparente à une gigantesque sale, bien qu’il s’agisse d’une cellule et on est au moins une quinzaine. Comment tout ceci a commencé ? J’étais tranquillement chez moi lorsque Ellie m’a demandé de l’accompagné à une manifestation. Je n’ai jamais fait de manifestation, donc à part celle que j’ai pu apercevoir à la télé, je ne savais pas trop à quoi m’attendre, mais ma sœur m’a promis que je pourrais tenir une pancarte avec un slogan trop cool. Et puis, la cause homosexuelle, ça me tient assez à cœur parce que j’ai beaucoup d’amis qui le sont et qui ne peuvent pas jouir de la même liberté que nous. C’est pourquoi, une heure après, je me suis retrouvé au milieu de milliers de personne qui défilait dans les rues de Brisbane. Je suis plutôt content, on marche avec ma sœur sans vraiment savoir où tout ceci va s’arrêter et puis ma pancarte, c’est vraiment la plus belle. Mais le problème, c’est que Ellie n’a pas pris le temps de me dire que lors de ce genre de manifestation, il y a toujours une partie qui ne sont pas là pour la manifestation en elle-même, mais tout simplement pour faire le bordel. Un pétard explose non loin de nos pieds et là, ça devient un pur bordel. Ellie et moi sommes séparés, car des gens me poussent pour s’enfuir et je vois un rang de policier. Sauf que le problème est que je suis déstabilisé par quelqu’un qui me pousse et ma pancarte qui est quand même assez lourde tombe en plein sur le nez d’un des policiers. « Oh, je suis vraiment désolé, j’ai trébuché et … » Et je n’ai pas le temps de finir ma phrase que deux autres policiers m’attrapent rapidement et me jette dans leur grosse fourgonnette. Et voilà comment je me suis vite retrouvé entouré de toutes ces personnes dans cette cellule. En ayant marre de l’attente, je me lève et secoue les barreaux, essayant même de faire passer ma tête à travers, sauf que j’ai l’impression que si j’insiste, je risque de rester coincer. « Au secours … Pourquoi je suis là ? Je n’ai rien fait ! » J’ai beau crier comme je peux, personne ne vient. Il se fiche complètement. Ne voulant pas énerver mes compagnons de cellule et ayant peur que l’un deux s’en prennent à moi, je me rassois sur le banc disponible, mettant mon visage entre mes mains, d’une moue boudeuse. « Je veux sortir d’ici. » dis-je plus pour moi que quelqu’un d’autres sans trop avoir pris le temps de voir qui était également dans la cellule pour savoir si je connais quelqu’un ou pas.
ujourd’hui était un grand jour pour les petits citadins de Brisbane. Il y a environ deux semaines de cela, j’avais entendu parler sur les médias sociaux d’une manifestation qui aurait lieu au centre-ville de Brisbane. Une manifestation pour le mariage gai. Je crois que j’ai sauté de ma chaise ce soir-là, je dois avoir trébucher sur quelques livres éparpillés, crier quelques mots à la va-vite avant de courir informer Ayame. Ma femme de ménage n’avait pas réagi devant mon enthousiasme beaucoup trop prononcé, et j’avais déguerpi dans ma chambre comme une enfant à qui on donne un nouveau jouet. Cela faisait presque un an que je n’avais pas participer à une manifestation, et je dois avouer que cela me manque terriblement.
Aujourd’hui est un grand jour. Je marche parmi les manifestants, ayant beaucoup de difficulté à gérer l’excitation que je ressens. Il est vrai que je n’avais jamais vraiment pensé à la condition homosexuelle ici à Brisbane étant donné que cela fait déjà quelques années que le mariage gai est légal au Québec. Maintenant que j’ai décidé de devenir citoyen australien, cet enjeu est au centre de mes priorités. En fait, elle l’est devenue en voyant les informations concernant la manifestation. L’an dernier, la manifestation à laquelle j’avais participé avait mal viré : nous avions eu le droit au poivre de cayenne, à quelques coups de bâton et deux nuits au poste de police. Ce n’était pas la première fois que j’avais été embarqué dans une souricière, mais la sensation n’est jamais très agréable. Pour le moment, la manifestation semble se passe en toute tranquillité, ce qui me retire un certain soulagement. C’est alors que je l’entends. J’entends un homme crier un commentaire haineux envers les homosexuels. Je ne suis pas la seule à me retourner, et cela ne prend que quelques instants avant qu’un grand blond costaud sorte de la fille de manifestants pour aller mettre une droite à l’homme en question. Je me retourne en croisant les doigts. Non, non, non, ce n’est pas bon signe. J’observe les alentours pour réaliser que l’atmosphère devient de plus en plus tendue. Si cela persiste, nous allons probablement avoir le droit à un petit tour de souricière. Je tente de sortir de la file de manifestants, me disant que ce serait plus sécuritaire de continuer de marcher à partir du trottoir. Mais voilà, l’agitation est telle que je ne peux sortir dans rangs. Je vois quelques coups volés, quelques bonbonnes de cayenne et des bombes assourdissantes et je sais que c’est la fin. Quelques minutes plus tard, nous nous faisons entourer par les gendarmes. Une dizaine de minutes plus tard, je suis assise dans un autobus, en avant du beau blond qui a cogné l’abruti. Je me retourne pour l’observer dans le blanc des yeux, incertaine si je dois être fière de lui ou si je dois être fâchée de m’être fait embarquer par sa faute alors que je n’ai même pas encore ma permanence australienne.
- T’es brillant toi de l’avoir cogner! Si ce n’était pas de toi, nous ne serions pas ici! Première règle pour faire une manifestation en règle : aucune violence! Je n’attends pas sa réponse et je me retourne pour fixer le chauffeur. Nous sommes amenés au poste de police une vingtaine de minutes plus tard. Je m’installe dans un coin plus éloigné de la cellule et j’observe mes camarades de cellule. Je me retourne vers un jeune homme aux cheveux bruns qui commence à se lamenter. Je dois détendre l’atmosphère ou nous allons passer une soirée pénible.
- Hey toi! Tu veux sortir d’ici? Présentement, c’est impossible. Je sais que tu trouves cela injuste de te retrouver mêler à tout cela mais tu n’y peux rien. Te lamenter n’y changera rien.
Je réalise alors que je parais très dure avec lui, je décide donc de me lever pour parler au reste des manifestants dans la cellule.
- Écoutez, ce n’est pas la première fois que je me fais embarqué dans ce type d’histoire. Nous devons garder un bon moral sinon on pourrait bien finir en bain de sang ici…
Je ne dois pas être très convaincante. Je me retourne vers le jeune brun à qui je viens de parler. Je lui souris en lui tendant la main
- Je m’appelle Adaline, et toi?
Écoutez la femme d'expérience, je sais comment sortir d'ici...Mais je garde le silence, ce n'est pas le moment de dire cela. Pas tout de suite.
- Hey Scott! T’as entendu parler de la manif’ pour le mariage égalitaire qui va se passer à Brisbane la semaine prochaine?
J’observe mon ami barman d’un œil intrigué. Je suis assis sur un tabouret, une bière à la main. Je prends une gorgée tandis que j’analyse ce qu’il vient de me dire. Nous parlons depuis une trentaine de minutes étant donné qu’il n’y a pas beaucoup de clients ce soir. Il me prend tout de même en surprise en me disant cela car je n’aurais jamais cru que la question puisse se poser, ici à Brisbane. Nous savions très bien que pour nous marier nous devions nous marier dans un autre pays, alors qu’il y ait une manifestation pour ce droit me surprend et m’excite en même temps. Je n’ai pas une très grande ferveur des manifestations, mais je dois avouer que c’est une cause qui m’importe beaucoup étant donné que je ne suis toujours pas casé. Si ma vie continue ainsi, je risque très fortement de terminer avec un mari. Et si celui-ci veut se marier un jour? Nah, j’irai à cette manif’, même si je ne crois pas que nous puissions changer grand-chose à notre condition actuelle en faisant de telles pressions. Mon ami me sort de mes pensées, et je prends une autre gorgée en l’écoutant
- Vas-tu y aller?
Je prends quelques instants avant de lui répondre. Dans quoi j’allais m’embarquer exactement?
- Ouais, je crois bien que je vais y être…
…À la manifestation, à travers plusieurs centaines de personnes. Voilà où je suis présentement. J’écoute les slogans que les gens crient, je regarde les drapeaux qui s’élèvent au-dessus de nos têtes et je ne peux m’empêcher de sourire. Ici, je me sens bien. Je sens que peut-être les choses pourraient enfin changer. Je commence à rejoindre les cris, heureux de contribuer de la meilleure façon possible. Il a beaucoup de passants qui nous observent. Un d’eux attire mon attention tandis qu’il crie des paroles qui montent le feu à ma tête. En quelques secondes seulement, je perds l’once de bien saillance qui m’a parcouru quelques instants plus tôt pour retrouver l’imminente colère qui m’habite en permanence. Je me dégage du groupe en quelques mouvements furtifs avant de m’élancer vers l’homme. Il est costaud, certes, mais il ne me fait pas peur. Avant même qu’il puisse émettre un son, je lui décoche une droite à la figure. Il recule de plusieurs pas en se tenant la figure. J’avance dans sa direction, sans remarquer l’agitation autour de moi. Non, je ne vois que le reflet ensanglanté du morron devant moi.
- C’est qui la tapette maintenant huh?
Je crache à ses pieds, avant de me retourner vers la manifestation avec la ferme intention de rejoindre le reste des manifestants et d’oublier cet idiot. C’est alors que je réalise que les gens autour de moi se sont agités, et commencent à se bousculer. Des insultes se déploient parmi la foule et les passants, et je ne peux m’empêcher de me maudire. Avant même que je puisse comprendre ce que j’ai fait, je me sens emporter par deux policiers. Je tente de résister, mais ils me menotte et me font monter à bord d’un autobus. Je m’assois, les mains toujours attachées dans le dos. Une femme se retourne vers moi. Ses yeux semblent me lancer des éclairs. Ce qu’elle me dit ne fait que me mettre de mauvaise humeur. Mais de quoi se mêle-t-elle à la fin?
- Et toi, tu penses qu’on va régler les problèmes avec des mots? La société est foutue d’avance pauvre hippie!
La femme ne se retourne pas. Tant pis! Nous faisons le reste du chemin en silence. Curieux, je réalise qu’il nous apporte au poste de police. Je tente de me débattre pour m’enfuir mais un policier finit pour me maitriser par derrière sans que je puisse répliquer d’avantage. Je dois avouer que la police a certaines bases d’autodéfense qui dépassent la force brute de la boxe. Vaincu, je me laisse emporter par monsieur le policier jusqu’à notre cellulaire commune. Nous sommes beaucoup, ce qui me rend un peu anxieux. Je remarque alors une figure que je reconnais. J’ai rencontré Emily dans un bar il y a environ une semaine de cela. Je vais m’installer près d’elle. Je remarque alors qu’elle ne semble pas très bien. Je m’approche d’elle pour pas que les autres ne puissent entendre ce que je lui dis
- Ça va Emily? T’es blanche comme un drap?
Avant même qu’elle puisse me répondre, la femme chiante de l’autobus se lève pour faire un speech. Je grogne, mécontent. Mais pour qui elle se prend? Je décide de prendre la parole en premier.
- Je m’appelle Scott. Mais tu te prends pour qui au fait, une dictatrice? Relax, personne n’est sous tes ordres…
Elle me jette un regard mauvais, que je me fais un plaisir de lui retourner. Elle me tape déjà sur les nerfs. Pourvu que nous sortons vite…
Milena soupira. L’avocate était une fois de plus dépassée par les événements. Elle venait de terminer sa journée de cours en tant que professeur et elle se retrouvait à présent avec une pile de copies à corriger qui lui semblait être insurmontable. « Tu peux le faire, Lena banana. » Elle sourit en se remémorant les beaux et doux souvenirs que ce surnom lui avait apporté. Elle se rappelait de son enfance à Londres, lorsque ses parents étaient encore bien présents dans sa vie. Puis elle se souvint de son adolescence tumultueuse dans les quartiers chics de New-York. Elle avait déjà vécu beaucoup de choses, et si elle voulait encore avoir la chance de construire de nouveaux souvenirs, il fallait qu’elle s’y mette. Et sérieusement. Elle attrapa la première copie et se mit au travail durant deux longues heures. Elle hocha la tête de satisfaction lorsqu’elle déposa le dernier dossier sur la pile. « Bien joué. » Elle avait presque envie de s’applaudir mais se retint, attrapant son portable au passage pour consulter ses emails. Elle resta ainsi dans son bureau durant quelques minutes, avant de se faire interrompre par l’un de ses collègues qui passa sa tête à travers le battant de la porte. « Hey, tu comptes dormir ici? Je crois que le concierge s’impatiente… Il vient de me faire dégager de mon propre bureau, t’imagines? » Milena releva la tête et lui lança un léger sourire, avant de jeter un oeil sur l’horloge murale à sa gauche. « Oh, non, je suis sur le point de partir. Merci de m’avoir prévenue! » Elle secoua la tête et le collègue referma la porte d’un air penaud. La jeune Anglaise savait qu’il en pinçait pour elle, à en juger par ses bégaiements et sa maladresse incontrôlée lorsqu’il se trouvait à sa proximité. Et pour tout dire, cela amusait l’avocate. Elle aimait jouer de ses charmes pour le déstabiliser. Mais ce jour-là, elle était simplement trop exténuée. Elle attrapa alors ses escarpins pour y glisser ses pieds endoloris et se releva, avant d’attraper son sac et la pile de copies. Elle sortit du bâtiment universitaire et prit la direction de sa voiture, une massive Range Rover qui lui procurait une incroyable sensation de sécurité. Elle fit ensuite vrombir le moteur et se perdit dans ses réflexions. Elle se réjouissait de rentrer chez elle, dans son vaste appartement du centre-ville. Elle pensait à se faire couler un bain, une bouteille de Chardonnay à proximité, à écouter les plus beaux succès de Nina Simone. Elle en arrivait même à soupirer d’excitation. Mais elle fut rapidement arrêtée dans son élan lorsqu’elle arriva aux abords du centre de la ville Australienne. Un policier vint à sa rencontre et lui conseilla de laisser sa voiture en dehors de l’épicentre. Il lui expliqua qu’une manifestation avait lieu, et qu’aucun véhicule n’était autorisé dans la zone. « Sauf votre respect, monsieur le policier, il se trouve que j’habite là! J’ai eu une très longue journée de travail, j’aimerais juste rentrer chez moi… vous comprenez? » Le policier hocha la tête, mais ses instructions étaient claires. Aucun véhicule ne pouvait passer, l’évènement était bien trop important. L’avocate leva les yeux au ciel et se décida après quelques minutes de négociations acharnées de garer son 4X4 sur le parking du supermarché. Elle sortit de sa voiture et fit claquer ses talons sur le bitume avec une rage non-dissimulée, après avoir lancé un regard noir au policier. Elle avait abandonné ses copies sur le siège passager et s’était contentée d’attraper son sac. Elle passa le barrage et se retrouva alors au milieu de centaines de personnes qui brandissaient des pancartes et des drapeaux en hurlant à tout-va. Elle se rappela alors que la manifestation en question était organisée par des mouvements anti-gay. Elle haussa les épaules, elle n’avait pas vraiment d’avis sur la question. Ces phénomènes de société, elle ne voulait pas y prendre part. Elle considérait qu’elle avait assez de travail comme ça, et surtout assez de problèmes. Elle s’essaya à marcher en contre-sens du mouvement de foule en longeant les bâtiments lorsqu’elle se fit surprendre par des bruits de pétard et de la fumée rouge qui lui brouilla instantanément la vue. Elle ne comprit pas ce qu’il se passa ensuite. Elle fut bousculée, poussée puis finalement attrapée par des bras forts qui l’embarquèrent dans un bus. Elle tourna la tête dans tous les sens et se rendit compte qu’elle se trouvait dans un fourgon de police. Grandeur nature. Accompagnée d’une quinzaine de personnes. Elle ne distinguait pas leurs têtes, elle était bien trop mortifiée. Ses jambes en tremblaient. Le véhicule s’arrêta et un policier emmena la petite troupe dans une salle qu’il ferma à double-tour. Ils étaient enfermés, ni plus ni moins. L’un des détenus s’approcha des barreaux et cria: « Au secours … Pourquoi je suis là ? Je n’ai rien fait ! » L’avocate observa la scène, consternée et prit sa tête entre ses mains. Une femme brune prit alors la parole, expliquant qu’il fallait qu’ils gardent le moral. Puis un homme, blond, grand et musclé, lui rétorqua que le groupe n’était pas sous ses ordres. Le ton montait et Milena prit une grande inspiration avant de se lever à son tour. « Quelqu’un peut-il m’expliquer ce qu’il se passe ici? Je suis avocate, je peux tenter de nous sortir de là… » Elle regarda ensuite tour à tour ses compagnons d’infortune avant de reconnaître une tête familière, dans le fond de la cellule. « Ja…James? Qu’est-ce que tu fais là? » Elle fit clapoter ses talons sous les regards ahuris de ses co-détenus pour s’installer près de lui. Elle lui murmura ensuite: « Je t’en supplie, dis-moi que tout ceci n’est pas vrai… C’est une blague, hein? » Elle le regardait d’un air profondément apeuré.
« Merde… Je suis en retard. » J’avance d’un pas relativement rapide dans la rue, Taylor qui court presque derrière moi. « Je suis désolé James c’est ma faute, j’aurais pas dû t’accaparer aussi longtemps. » Un léger signe de main pour lui indiquer que c’est okay et je m’engouffre dans une nouvelle ruelle, observant au loin une masse de gens qui défilent. « Pas de problème Taylor on avait des choses à régler et je content qu’on ait pu le faire. Je suis sûr que tu vas assurer à ton entretien d’embauche. » Taylor est une de mes clientes, une fille un peu paumée qui sort de prison et dont je m’occupe. Et si je tente toujours de rester professionnel dans mon travail je dois bien avouer que je l’ai pris sous mon ail comme je le peux, parce qu’elle est touchante. Et une fois de plus je me suis mis en retard. Ce n’est pourtant pas dans mes habitudes. Et autant dire que je déteste ne pas tenir mon timing. « Tu devrais pas passer par là il y a une manifestation apparement… » Je regard le bout de la rue en haussant les épaules. « Je vais prendre encore plus de temps si je contourne. Je vais y aller à contre sens il peut rien arriver de mal… » Je suis si loin de la réalité si je savais… Mais pour le coup c’est mon fils qui m’attend et plus particulièrement sa baby-sitter et je ne compte pas la faire poireauter. Je commence à remonter la foule de gens qui me regardent d’un air un peu agacés. « Désolé… Je suis vraiment désolé mais je… » Je regarde l’un des panneaux que la foule brandit au dessus de ma tête avant de continuer. « Je vous soutiens, ouais… Vive les droits des homosexuels. » Je me sens vraiment con et pas du tout à ma place. Surtout quand je vais à contre sens de la foule. J’aurais sans doute du écouter Taylor sur ce coup. Je vais finir par me faire frapper – il suffit que quelqu’un me prenne pour un homophobe qui manifeste à contre sens du courant. Ce qui n’est pas le cas. Clairement, je voudrais juste aller chercher mon fils.
Ca commence d’ailleurs à pousser un peu violemment à ma gauche. Il me semble que j’entends quelqu’un crier un truc et sans comprendre pourquoi ni comment je me prends un poing dans la figure avec une telle violence que je mets un moment à me rendre compte de ce qui vient de m’arriver. Mon nez saigne et je le tiens en retenant les larmes de douleur qui perlent à mes yeux. Puis je sens deux bras me saisir et m’embarquer dans une fourgonnette. « Non j’ai pas… J’ai rien fait je veux juste aller chercher mon fils. » Evidement personne n’en a rien à faire de ce que je dis et je me retrouve aussi vite entouré de gens en colère et le nez plein de sang en direction de la prison. Cette journée est au top. Vraiment au top. Dans la fourgonnette une femme me tend un mouchoir et je le tiens pressé contre mon nez pour arrêter le saignement. Une fois arrivé en cellule je vais me mettre dans un coin tranquil, bien décidé à ne pas attirer l’attention et à sortir de là au plus vite. Je connais du monde dans la police, il me faut juste attendre ma chance de m’expliquer. Certains dans la cellule semblent encore bien excités. D’autres un peu inquiets ou carrément paniqués. Mais c’est une voix connue qui attire mon attention. « Quelqu’un peut-il m’expliquer ce qu’il se passe ici? Je suis avocate, je peux tenter de nous sortir de là… » Je relève la tête pour reconnaître Milena qui elle aussi semble me voire. « Ja…James? Qu’est-ce que tu fais là? » Je lui offre un sourire un peu embêté avant qu’elle ne vienne se poser à côté de moi. « Si seulement je le savais ! Je me suis pris un poing dans la figure et après j’ai été embarqué ici. J’aurais clairement pas du couper par la manif. » Je rigole un peu parce que je me sens stupide maintenant. « Mais et toi ? Tu étais là au milieu ? » Je dois l’avouer ça m’étonne un peu d’elle. Mais on ne sait jamais. « Je t’en supplie, dis-moi que tout ceci n’est pas vrai… C’est une blague, hein? » Je baisse les yeux ne sachant quoi lui dire. « T’inquiète ça va s’arranger… On a une bonne avocate parmi nous. » Je lui fais un léger clin d’œil et un regard calme avant de grimacer légèrement parce que mon nez me fait souffrir et je dois être dans un piteuse état. « Réponds moi sincèrement. Est-ce que ça ressemble à un nez cassé ? » Manquerait plus que ça. Défiguré parce qu’il a voulu gagner du temps… Une histoire à raconter à mes petits enfants un jour quand ils me demanderont pourquoi mon nez est de travers.
Danny n’a pas besoin de me le dire dix fois. « Tu viens à la manif ? » Je lui envoie ma veste avant d’enfiler mes bottines. « Et comment ! » Marcher pour les droits de homosexuels, ça me semble normal. J’aime autant les homme que les femmes, et il me semble évident que les personnes du même sexe doivent avoir le droit de pouvoir s’aimer et se marier, comme le reste du monde. Je me lève de mon canap’ et saute sur mes deux pieds pour rejoindre ma meilleure amie. Je commence à aller bien mieux, il faut dire que ma période de passage à vide a été un peu compliquée, mais grâce à Elio, tout va beaucoup mieux. Il m’aide beaucoup, malgré ce qu’il veut bien croire ou penser. Sur le chemin, je discute avec Danny, je prends des nouvelles sur son histoire avec Eilidh. Une fois sur place, nous nous fondons dans la masse et scandons les slogans qu’on vient de nous apprendre. Assez vite, je reçois un caillou en plein sur le visage, m’ouvrant l’arcade sur un petit centimètre et laissant couler pas mal de sang sur mon haut tout neuf. Je fais volte face et trouve le coupable, un espèce d’abruti qui hurle sur le trottoir qu’on est tous des ‘sales pédé’. « Je vais le buter ! » « Kyrah arrête y’a les flics ils vont s’en charger ! » « Je vais le buter cet enfoiré ! » Elle essaie de me retenir mais évidemment, je n’en fais qu’à ma tête. Je quitte le rang de la manif et saute carrément sur le mec pour lui hurler dessus tout un tas de noms d’oiseaux. Je le pousse, le provoque, jusqu’à ce qu’il en vienne à me bousculer, assez fort pour que je me rétame par terre. Ni une ni deux, je me relève et commence presque à me battre quand un policier m’attrape par l’arrière de mon t-shirt tout neuf, m’envoyant tout droit vers son collègue qui, ce dernier, me jette dans un fourgon. « Non mais vous êtes sérieux là ? Il m’envoie un caillou en pleine gueule, j’ai le visage en sang mais vous allez me coffrer là ? Sérieux ? » Je m’excite dans le fourgon alors que je ne suis pas seule. Evidemment, personne ne me répond, et je me retrouve dans une cellule avec une dizaine d’autres jeunes et moins jeunes. « Putain je rêve ! » « Au secours … Pourquoi je suis là ? Je n’ai rien fait ! » Je sursaute presque en remarquant Kenneth en train d’essayer de passer sa tête à travers les barreaux. Je lâche un rire nerveux. « C’est une blague, une grosse blague ! » « Hey toi! Tu veux sortir d’ici? Présentement, c’est impossible. Je sais que tu trouves cela injuste de te retrouver mêler à tout cela mais tu n’y peux rien. Te lamenter n’y changera rien. » Je lève un sourcil en la regardant celle là en train de se la jouer mama qui sait tout. Et là voilà qui nous fait son speach. Et en voilà une autre qui dit qu’elle est avocate. Cette fois, c’est un rire cynique et grinçant qui quitte mes lèvres. « C’est la cour des miracles ici ou comment ça se passe ? » Mon regard se pose finalement sur James. JAMES ! « Réponds moi sincèrement. Est-ce que ça ressemble à un nez cassé ? » Je soupire. « Clairement oui ! ». Oh, bien sûr, n’oublions pas la pétasse blonde canonissime sur ses talons vertigineux qui regarde tout le monde de haut avec son chewing-gum là. MAIS JE SUIS TOMBEE OÙ PUTAIN ??
Je chantai, hurlai, rigolai, marchai. J'étais en plein milieu de la foule et je me sentais bien. Jamais je n'aurais pensé pouvoir recommencer ce genre de manifestation, mais quand j'avais su que l'Australie n'était toujours pas en faveur pour le mariage homosexuel et qu'une grande mobilisation avait lieu à Brisbane, il ne m'avait pas fallu longtemps pour rejoindre une association LGTB. Plusieurs soirées de préparation plus tard, je connaissais par cœur les chants en anglais et je portais fièrement une pancarte pour essayer de convaincre les passants. Sauf que ceux-ci n'étaient pas toujours très sympathiques et des remarques cinglantes vinrent perturber les rangs. Je pouvais sentir la colère chez d'autres manifestants, mais ils essayaient de se contenir pour ne pas faire une mauvaise publicité à notre cause. Moi-même, je me sentais me crisper au fur et à mesure qu'on avançait, les mauvaises langues devenaient de plus en plus cruelles. « Eh mad'moiselle ! Pourquoi tu marches avec eux ? Tu devrais v'nir avec nous plutôt ! » « Peut-être parce que je suis lesbienne. » Je dévisageai le jeune qui m'avait interpellée avant de détourner le regard. « Non, mais n'importe quoi ! C'est juste que t'es tombée sur des cons. Viens avec nous, tu vas changer d'avis. » Il se rapprocha et plaça un bras dans mon dos, la main sur ma hanche. Je le repoussai immédiatement et sentis que ma pancarte penchait dangereusement sur le côté. Je la retins de justesse avant qu'elle ne touche la tête des autres marcheurs. « Non, c'est bon. Je suis très bien où je suis. » Mais il ne semblait pas prêt à lâcher l'affaire. Je le vis se rapprocher de nouveau, se mettre à mon rythme. Je crispai ma mâchoire et essayai de l'oublier.
Et il décida de faire l'erreur de sa vie. Il posa sa main sur mon fessier, glissant ses doigts dans l'une des poches. « Dégage ! » Je me reculai vivement, lâchai ma pancarte et lui giflai violemment. La vibration du coup se répercuta dans tout mon avant-bras et ma main me brûlait, mais je n'eus pas le temps d'y réfléchir. Je me fis bousculer par un petit groupe et je me pris les pieds dans les jambes de mon agresseur. Trébuchant, je m'agrippai à une personne un peu plus loin. Un panneau bascula dans le désordre et, s'il tomba au départ sur un homme, celui-ci ne tarda pas à le repousser dans ma direction. Je sentis le bord dur m'enfoncer dans le thorax et ma respiration fut coupée net. La foule se mit à hurler, plus fort, plus plus brutalement, les gens courraient partout, mais je ne bougeai pas, j'étais pliée en deux à essayer de retrouver mon souffle. « Ça va pas… la tête ?! » Je tentai de me redresser vers l'homme en question, sans succès. Je le vis s'approcher du coin de l’œil et il attrapa mes mains pour les menotter dans mon dos. Je grimaçai alors qu'il me forçait à me remettre droite et je ne pus réagir quand il me poussa vers un fourgon.
Quand la douleur s'effaça enfin, j'étais enfermée dans une cellule du poste, impuissante. Je posai ma tête contre le mur et fermai les yeux dans un souffle. Je n'avais même pas regardé mes codétenus, j'étais quasiment sûre de ne connaître personne. Je les entendais commencer à s'agiter, mais je ne faisais pas attention à leurs paroles. Si c'était pour me retrouver dans une nouvelle dispute, ce n'était pas la peine. « Réponds moi sincèrement. Est-ce que ça ressemble à un nez cassé ? » « Clairement oui ! » Cette fois-ci, j'ouvris les yeux, mon rôle de médecin reprenant le dessus sur la mauvaise humeur du moment. Je cherchai du regard celui qui avait parlé et me relevai pour aller m'asseoir à côté de lui. « Je suis médecin, laissez-moi regarder. » Je décalai le mouchoir qu'il tenait dessus et appuyai mes doigts au niveau de l'arrête de son nez. Je vérifiai différents points sensibles en essayant de lui faire le moins mal possible. « Non, c'est bon, vous n'avez rien. La douleur devrait passer d'ici quelques jours. » Je lui fis un petit sourire avant de me relever et de marcher jusqu'à la porte. Ce ne fut qu'à ce moment-là que je reconnus Kenneth. Il semblait aussi paniquée que la première fois que je l'avais rencontré. « Eh, dis-toi que ça ne peut pas être pire que la dernière fois ! »
Je ne peux décocher mon regard d’Emily. Elle semble pâlir de plus en plus, la mâchoire crispée et le regard lointain. Étant donné qu’elle ne me répond pas et refuse de me regarder, je tente de faire de même. Je me retourne lorsqu’un gars demande si son nez est cassé. D’expérience, je dirais que non. Étant boxeur professionnel, j’ai souvent eu le nez cassé. Je peux dire que celui du gars n’est pas assez déformé pour cela. Mais il ne m’a pas posé la question, je décide donc de ne rien dire, et j’observe la scène en silence. Une femme plutôt canon décide d’intervenir, disant qu’elle est médecin. Elle confirme ce que je pensais, et je croise mes bras sur mon corps en hochant de la tête. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression que la situation pourrait dégénérer si nous ne trouvons pas une façon de nous entendre. Mais je n'ai aucunement l'intention de m'entendre avec aucun d'entre eux, hormis Emily. Je tente de me remémorer ce que les personnes se sont dit depuis tout à l’heure, ce qui me donne une idée plus ou moins terrible. Méchant Scott. Je me rappelle avoir entendu le nom du gars au nez-qui-n'est-pas-cassé alors qu'il parlait avec ses-filles-qu'il-a-surement-ramener-dans-son-lit
- James! Arrête ça, les filles aiment ça les nez cassés!
Je me détourne de James pour regarder la grande hippie
- Hey! Adaline!
Je m’adresse à la fille prétentieuse de tout à l’heure. Je veux la piquer au maximum pour qu’elle se plante devant tout le monde.
- Tu vois bien que ça peut dégénérer ici…
Elle plante ses yeux dans les miens. Je soutiens son regard d’une façon provocatrice. Je n’ai pas peur d’une femme qui se prend pour une autre. Ah, si seulement je connaissais la vraie Adaline. Mais qui dit inconnu dit préjugés ! Je pèse chacun de mes mots en m’empêchant de cligner des yeux. Notre contact s’intensifie.
- Dit donc, toi qui sait tout, comment nous pouvons sortir d’ici…
Je me tourne vers la femme qui se dit avocate
- Si t’es avocate, pourquoi t’as peur d’une prison ? Les gens dans ton genre, c’est des lèche-culs qui ont toujours tout ce qu’ils veulent !
Oui, c’est vrai. J’hais les avocats. Ils ne veulent que l’argent et non la vérité. En réalité, je ne ressens aucune émotion en tant que tel, en dehors d’un profond mépris pour plusieurs des personnes autour de moi. J’hais les pleurnichards, les faibles, les fainéants et les riches. J’ai l’impression de n’être entourer que de pauvres âmes au bucher dont au moins 3 lèches culs riches, un pleurnichard et plusieurs femmes incompétentes. Nous sommes seulement dans une cellule pour 48h au gros maximum. J’ai déjà passer plusieurs semaines en prison, et pour des raisons beaucoup plus sévères qu’une simple manifestation qui a mal viré. Ils ne savent pas de quoi ils parlent. Je décide de pousser plus loin dans mon mépris de plus en plus intense pour mes camarades de cellule.
- Et toi le braillard, tu n’as pas de couille ? Chialer comme ça alors que t’es homme ? Ou en fait…T’es juste un gamin dans un corps d’homme…Honte à toi.
Je me détourne de ses yeux globuleux avec une grimace de mépris. Mépris…Je devrais faire plus attention à ce que je dis. Ou plutôt, je devrais faire plus attention au genre de mépris que je peux m’attirer. Avant même que je puisse me retourner vers Emily pour vérifier si elle supporte le coup ou si elle est sur le point de m’évanouir, je sens une violente claque sur ma joue droite. J’entends le son strident résonner dans la pièce. Je me lève en un bond pour faire face à Adaline. Comment a-t-elle osé ? Je grince des dents, me mord la langue au sang et presse mes poings au point de me faire des marques avec mes ongles dans ma peau. Je ne peux pas frapper une fille. Je ne peux pas frapper une fille… Je ne peux pas… Mais mon poing part avant même que je puisse penser au fait que celui-ci voulait partir. Ah, est-ce que je suis compréhensible dans ce que je dis ? Bref, je crois que j’ai eu un certain moment d’hésitation (je ne frappe pas les filles, mais là…) car Adaline réussit à éviter mon coup et se place à ma gauche. Elle m’assène un violent coup de pieds dans les parties, ce qui me fait cambrer en deux. C’est un coup bas ça ! Un coup bas qui me fait tomber par terre, plié en deux par une douleur brûlante dans mon entre jambe. J’entends Adaline baragouiner des phrases que je ne prends pas la peine d’écouter. J’hais cette fille, j’hais profondément cette fille. Elle va me le payer. Si ce n’est pas ici, ce sera une fois que nous serons libérés. Mais elle va payer pour les spermatozoïdes qu’elle aurait pu abîmer. Je m’asseye de peine et de misère aux côtés d’Emily, et je serre des dents tandis qu’Adaline termine son discours de dictateur.
vec les années, j’ai développé une capacité d’analyse et d’écoute. Je ne dis rien depuis tout à l’heure, mais j’analyse. J’analyse chaque parole, chaque comportement, chaque atout. Si nous voulons sortir d’ici, nous allons devoir travailler en équipe. Nous n’avons plus aucun moyen de communiquer avec l’extérieur, tous nos appareils avaient été confisquer. Nous devons donc trouver une façon de collaborer si nous voulons sortir avant 48 heures. Je sais que certains d’entre eux ne pourrons pas survivre à un séjour de 48 heures en prison. Je sais que je dois trouver un moyen de nous sortir d’ici, et j’ai l’impression que je suis la seule qui a l’esprit assez clair présentement pour figurer un plan d’attaque. J’analyse donc tout ce qui se passe, au moindre détail prêt, et je me prépare mentalement. Je remarque que certaines personnes se connaissent déjà, d’autres semblent seules ou refusent de parler. Ils ne m’ont pas écouté la première fois, aucun d’eux ne s’est nommé en dehors de Scott. Comment puis-je travailler avec eux si je ne connais pas leurs noms ? Je dois les appeler par des numéros ? L’idée m’amuse, et je souris malgré moi. J’observe le médecin se diriger vers James (ah ! Au moins un nom en dehors de Scott !). En parlant de Scott…
Il pose ses yeux sur moi alors qu’il vient tout juste de lancer un commentaire à James. Je ne veux pas lui répondre. J’ai déjà l’intention de leur parler, mais je ne me plierai pas aux ordres d’un débile sans tête. Ah, si, un gars aux gros bras petite tête ! Mais voilà, il continue. Il continue à s’enflammer et persiste dans son mépris de la terre entière. Je ne sais pas si c’est le fait d’être enfermer qu’il l’énerve autant, mais je commence à avoir de la difficulté à le supporter. Supporter son caractère odieux, méprisant et colérique. Les gens qui me connaissent savent très bien que je suis une personne douce et sans rancune. Ou en fait, les gens qui me connaissent savent très bien que je suis bipolaire, dans un sens. Je n’ai rien contre les bipolaires, détrompez-vous ! Je rigole à moitié lorsque je dis ça : je peux être aussi douce et frivole que furieuse et enragée. Quoi que je crois que tout le monde cache un brin de colère en soi. Le miens est enfui relativement loin dans ma conscience, tandis que celle de Scott domine sa personnalité en entier. Et puis, il commence à s’attaquer au pauvre petit homme de tout à l’heure. Je vois sa face se défaire devant le commentaire haineux de Scott, ce qui me fait exploser.
Si, la douce et gentille Adaline, la confiante et réfléchie Mlle Rousseau vient d’exploser. Comment ose t’il s’en prendre à quelqu’un de plus faible que lui ? Mais cet homme n’avait-il aucun honneur ? Je m’avance vers lui, bouillante d’une colère noire qui dépasse de loin le mépris qu’il peut avoir contre la terre entière. Il se rassoit en vainqueur, convaincu que personne n’osera se rebeller contre lui. Mais je suis un mouton noir. Un mouton noir qui lui assène la plus violente claque de mon existence. Je grimace de douleur tandis que je tiens ma main entre des mains. Ça fait vachement mal ! Je ne sens même plus mes doigts !
- Mais ça suffit à la fin !
C’est la seule chose que je suis capable de placer avant qu’il se relève, furieux. Je vois dans son regard toute la violence du monde, ce qui me fait regretter rapidement de l’avoir frappé. Il avait vraiment dépassé une limite que je ne pouvais me permettre de passer sous silence, est-ce que je viens tout juste de franchir la sienne ? Je me mords les lèvres tandis qu’il tente de me frapper d’un point hésitant. Je peux voir qu’il détient une bonne technique, mais son hésitation le ralenti considérablement. Je réussi a esquiver son coup pour me placer à sa gauche. Dans un élan de désespoir pour le contrôler, je lui assène un coup dans l’entre jambe. Je sais très bien que c’est un coup déloyal. Hey, on ait pas en boxe ici! On parle d’un coup efficace qui peut me sauver deux semaines de bleues au visage. Si, je préfère éviter. Tandis qu’il s’écroule de douleur au sol, je me retourne vers les autres prisonniers. Je ne crois pas donner une très bonne impression de moi-même présentement Je dois faire un effort. Je prends quelques inspirations le temps de reprendre le contrôle de ma personne, et une fois ma colère oubliée, je tente de sourire. Un demi-sourire qui reste figé sur mes lèvres. Je tente de faire comme si cette scène de violence ne vient pas de se produire.
- Je vais vous expliquer ce qui vient d’arriver. Nous avons été pris en souricière. C’est le terme que nous utilisons lorsque la police fait une saisie de manifestants dans une manifestation. En général, cela permet d’effrayer les autres manifestants et la manifestation fini par se dissiper d’elle-même après quelques souricières. En dehors de rester enfermer dans cette prison pour peut-être 48 heures, vous ne risquez rien. Aucun dossier, aucune amende. Seulement un moyen de vaincre par la terreur…
Je joue avec une mèche de mes cheveux en me tournant vers la femme avocate
- Tu pourrais bien essayer d’appeler un de tes collègues pour tenter de nous faire sortir, mais tu dois tout d’abord attirer l’attention d’un garde pour qu’il puisse te passer un téléphone. Par la suite, bonne chance de convaincre qui que ce soit de te faire sortir d’ici pour seulement 24-48h…Mais si cela ne marche pas, j’ai deux plans de secours…
Je laisse ma phrase en suspens, espérant que je puisse apporter un peu de réconfort aux quelques personnes qui en ont de besoin. Si, j’ai un plan B et un Plan C. Mais pour que je puisse faire mon Pan B (car je sais très pertinemment que l’appel de l’avocate ne va aboutir à rien), j’ai besoin de l’aide de quelqu’un. Quelqu’un qui se retrouve comme par hasard dans la même cellule que moi. Je me dirige nonchalamment vers Jerryka et je m’assois à ses côtés. Je lui souris, avant de me pencher vers son oreille pour lui chuchoter
- Si son appel ne fonctionne pas, je vais avoir besoin de toi pour mon plan B…
Comment étais-je arrivée à me retrouver dans une situation comme celle-ci encore ? Henry avait l’habitude d’essayer de me faire sortir de notre appartement pour ne pas que je passe mes journées à essayer de survivre, mais pour que je recommence à vivre. Et puis, aujourd’hui, il avait fait les beaux yeux parce qu’il sait que je le défendrais contre tous s’il le fallait et qu’il allait gagner sa cause en utilisant le prétexte que c’était pour la défense de ses droits. Plus précisément ceux du mariage homosexuel. Comme je n’avais pas la force de lui dire non, je me laissai entrainer dans cette aventure qui n’avait pas pris la tournure espérée.
Nous venions à peine de sortir dehors, Henry vêtu de son fier sourire et moi de toute la motivation que je pouvais recueillir, que nous nous sommes vite retrouvé entourés de tous ces manifestants qui criaient à pleins poumons leurs désirs de voir le droit du mariage gay se réaliser. À la vue du nombre de personnes présentes, je sentais déjà que cette journée n’allait pas être parmi l’une de mes préférés, mais je n’allais pas abandonner Henry quand il avait besoin de support. Cependant, l’instinct que j’avais ressenti s’est avéré se réaliser sous nos yeux lorsque l’ambiance de la manifestation avait changé. On voyait les cris de solidarité se transformer en cris de colère. Ce qui eu pour effet de me mettre en alerte, mais avant même d’avoir pu réagir, je m’était fait transporté par des extrémistes manifestants qui ne demandaient que revanche sur les quelques citoyens qui s’opposaient à cette manifestation. Malheureusement, la police ne fit pas la différence entre ceux qui causaient le trouble et les innocents. Ils avaient embarqués plusieurs personnes qui se trouvaient dans le même secteur sans poser de questions. Ceux-ci ont mis très peu de temps pour à me placer avec d’autres personnes qui semblaient être aussi innocents que moi à vu d’œil, mis à part ceux qui s’étaient blessés.
À partir de là, je commençais à ne pas me sentir bien. La dernière fois que j’avais utilisé des tactiques d’auto-défense aussi intenses que celles-ci remontait à bien loin. Soit, durant cette mission où j’avais tout donné pour essayer de sauver mes camarades, Ethan et moi-même. Tout me ramenait à cet épisode de ma vie. Je me faisais petite, parmi tout ces gens, jusqu’à ce que les policiers nous transportent au poste de police. Tous emprisonnés dans la cellule, sans que personne ne sache réellement quoi faire. Le chahut commençait tranquillement à s’installer alors que je reculais jusqu’au fond de la cellule pour m’assoir sur le sol. Je commençais à paniquer intérieurement. Un regard à gauche et un à droite me confirment qu’il n’y a aucun moyen de sortir d’ici. Le reste de la cellule montrait des barreaux, exactement comme ceux de la prison dans laquelle je m’étais fait enfermé en Afghanistan. Je ressens un malaise, ça ne va pas. Je dois absolument trouver un moyen de sortir de la cellule. J’étouffe. Des images floues défilent dans ma tête, un mélange de ce qu’il s’est passé il y a quatre ans et ceux d’aujourd’hui. Je n’arrive pas tout-à-fait à saisir lesquelles se situent vraiment dans le présent. J’essaye de repasser les images dans ma tête. À la fois pour me convaincre que je n’étais pas folle et pour me rappeler que je n’étais plus en Afghanistan et que ce n’était pas la même situation. Cependant, tout ce que j’arrivais à voir avec la cacophonie de la cellule était des flashbacks de ce terrible évènement jusqu’à ce qu’une voix que j’avais déjà entendu auparavant me ramène dans le présent. Je lève mes yeux et reconnais Scott, l’homme du bar. Je ne pouvais que le remercier de s’assoir à coté de moi. Ça l’avait eu un effet relaxant jusqu’à ce qu’il se mette à crier après une des prisonnières de la cellule et que ça avait dégénéré. Encore plus de cris. Il fallait que ça cesse sinon elle craquerait. Ce n’était pas vraiment le moment devant toutes ces personnes. L’ambiance était déjà assez médiocre pour ne pas que j’alerte tout le monde. Je me retournai vers Scott, le regard encore effrayé par toutes ces images qui m’étaient revenues par la tête à la vue de ce petit endroit de confinement, et lui adressais quelques mots.
- Scott, s’il-te-plait.
J’essayais de lui dire de ne pas s’énerver, mais tout le monde savait que de dire cela à quelqu’un amplifiait sa rage. J’avais, donc, arrêté en plein milieu de ma phrase et le suppliais du regard. J’étais tendue. Tout ce que je voulais c’était de sortir d’ici avant de redevenir folle et d’halluciner des coups de feu.
Je regarde Adaline pavaner comme une reine devant son auditoire. Ah si! Tu as l’air bien fine maintenant que tu m’as donné une volée! Et que vas-tu faire une fois que les autres vont avoir réalisé que tu n’es qu’un imposteur qui ne fait que parler et qui n’agit pas? Ouais, je connais les gens comme toi. Ils finissent toujours par tomber de leur podium un de ses jours.
Alors que je rumine (sachez que je suis presque convaincu qu’il doit y avoir de la fumée qui sort de mes oreilles), je sens une main tirer sur la manche de mon chandail. Le contact d’Emily me ramène à la réalité, et je détourne mon regard pour porter mon attention sur elle. Ou plutôt, le restant d’Emily. Elle me supplie du regard de m’arrêter, de me calmer. Elle n’est plus que l’ombre d’elle-même, tentant de se dissimuler à travers les barreaux et le sol, fondant comme une glace au soleil. Quelque chose ne va pas. Je vois bien qu’elle est apeurée. Pendant quelques instants, je crois que c’est moi qui l’aie apeuré. Je commence à me sentir coupable, à me sentir mal et je me mords les lèvres pour m’empêcher de dire des bêtises sous l’effet de la colère que je ressens à mon égard. Et puis, une bride de conversation s’échappe de ma mémoire. Une conversation que nous avons eu moi et Emily lorsque nous étions complètement défoncés sous l’effet de l’alcool. Elle est une ancienne militaire, ça je m’en souviens. Alors pourquoi ai-je l’impression qu’il me manque un bout? Si, nous avions beaucoup bu ce soir-là. Ce n’est pas une raison d’oublier des choses aussi importantes. Allez Scott, pense un peu.
Tandis que je tente de me rappeler la conversation que nous avions eu au bar, ou du moins ce qu’il me reste de cette soirée, je décide de venir m’asseoir sur le sol près d’elle. Je m’étais assis sur un banc juste à côté, mais je décide qu’un peu de proximité et de chaleur corporelle ne peut pas lui faire du tort. Pas à la blancheur de sa peau. Une fois côte à côte, je dépose une main sur son bras. Elle tremble.
- Hey Emily, ça va?
Question niaiseuse! Bien sûr qu’elle ne va pas bien! Mais quelle question ridicule Scott! Allez, pense un peu! Rappelle-toi de ce qu’elle t’a dit ce soir-là! Militaire, mission… Une mission. Oui c’est vrai. Elle m’a dit qu’elle avait quitter l’armée après être revenu d’une mission qui avait mal viré. J’avais fini par lui demander ce qui c’était vraiment passer…Elle était rester vague mais…mais elle m’avait parler d’une prison…Une prison! Une cage! Emily a une peur bleue des cages depuis son retour d’Afghanistan.
Je sens mon cœur faire un bond et ma vision s’embrouille pendant quelques instants. Comment ai-je fais pour oublier un détail si important? Je suis convaincue qu’Emily se rappelle ce que je lui ai dis sur ma propre mission, alors comment ai-je fait pour oublier? De toute manière, ce n’est plus important! Je dois aider Emily avant qu’elle ne commence à paniquer sérieusement. Je sais ce qu’est ce genre de panique, et aucune des personnes présentes, pas même Adaline, ne veut en être témoin. Non, c’est une panique qui déchire une âme. C’est une blessure de vieux vétéran qui ne peut guérir totalement.
Je m’approche encore plus d’Emily, passant une jambe entre ses jambes repliées et mon autre jambe derrière son dos. De cette façon, elle se retrouve coincée entre mes jambes. Je l’enlace de toutes mes forces et dépose mes lèvres dans ses cheveux. Je commence à la bercer doucement en lui disant des mots doux.
- Ça va aller, je suis là. Essaie de penser à autre chose. Pense à la mer, à la plage. Pense à des enfants qui rient dans un parc. Des fleurs. Pense à quelque chose d’heureux.
Je commence à jouer dans ses cheveux tout en continuant de lui murmurer des paroles réconfortantes. Je ne peux m’empêcher de trouver qu’elle sent bon. Je vois une silhouette s’approche de nous, mais je lance un regard mauvais dans cette direction et je fais un signe de tête pour qu’elle comprenne qu’elle ne doit pas intervenir. Je sais que tout le monde nous regarde. Je sais tout ça, mais je m’en fou. Personne ne peut comprendre un cœur de vétéran troué de balles. Personne sauf moi.
Franchement j’en ai connu des situations loufoques, voir folles, mais ça, ce serait surement à placer dans les annales de mon annuaire. Venir en urgence aider la fille de ma voisine dans besoin qui m’appelle car elle est tombée et me retrouver en un rien de temps au poste car la manif où elle se trouvait a dégénéré, en voilà une qu’elle était bonne. Surtout qu’avec tout cela je n’avais pas trouvé la gamine de ma voisine et me retrouver au poste à quatre heures du début de ma garde. Le pire c’est qu’on ressemblait à des sardines dans une boite, ici le coup de filet n’avait pas attrapé que moi et fort heureusement, ou originalement, je me retrouvais là, piégée avec une de mes élèves de dance.
Adaline : - Si son appel ne fonctionne pas, je vais avoir besoin de toi pour mon plan B…
Amusée par sa petite voix féline, je détournai le regard de la somme des prisonniers et plantai mes iris dans les siennes.
« Explique-toi. » Murmurais-je au même titre qu’elle en s’adressant à moi.
J’avais dans l’idée que si la jeune femme était venue à moi de cette façon, elle n’allait pas me demander de faire une analyste médicale à tout ce beau monde ou aux gardiens qui semblaient se foutre royalement des crabes qu’ils avaient collés dans leurs besaces. Bref à bien y songer, et voir son air malicieux, je n’avais pas besoin de plus d’explications pour savoir ce qu’elle semblait attendre de moi et je me demandais comment elle compter faire pour que nous ne passions pas pour deux allumées avec des poursuites pires encore que trouble sur la voie publique.
« Laisse tomber les explications, de ton plan passe directe au déroulement s’il te plait. » Je n’avais pas dit oui, pas refusé, mais je n’allais pas me coller dans une merde noire pour un plan pourris, j’ai une gamine a élever seule et un job de médecin qui m’a coûté bien trop cher pour simplement tout ruiner pour une idées sans réelle possibilité de fonctionnement.
« Clairement oui ! » Je me retourne en entendant quelqu’un me répondre alors que je pensais que personne ne nous écoutait et c’est Kyrah qui me regarde. « Hey mais… » Je suis bien tenté de lui demander ce qu’elle fait là mais soyons honnête… J’ai ma petite idée. Puis ce n’est pas comme si c’était la première fois qu’elle avait un souci avec les autorités, sauf que cette fois je vais avoir plus de peine à la sortir de là. Puis une femme vient se poster devant moi sans que je ne comprenne trop ce qu’elle fait là. Après un vague mouvement de recule elle prend enfin la parole pour me dire qu’elle est médecin et je la laisse tapoter sur mon nez non sans grimacer légèrement. « Non, c'est bon, vous n'avez rien. La douleur devrait passer d'ici quelques jours. » Je hoche la tête reconnaissant. « Merci… » Bien heureux qu’il y ait un docteur dans les environs, ça peut toujours servir. Surtout que déjà un grand blond avec son air de fouteur de merde prend la parole. « James! Arrête ça, les filles aiment ça les nez cassés ! » Je ne sais pas trop de quoi il se mêlent celui là - puis on ne se connait pas pourquoi il m’appelle par mon prénom ? Plus il continue de parler et plus je le trouve désagréable. Et quand il commence à attaquer Milena je hausse légèrement la voix pour me faire entendre. « Un peu de respect s’il te plait. Je ne sais pas où tu te crois mais c’est pas un basse-cour ici ! » C’est tout ce que je dis. Je ne suis pas le genre bagarreur loin de là. Et je ne vois pas l’intérêt de monter plus en symétrie avec lui. Au contraire ça lui ferait plaisir. Puis de toute évidence je ne suis pas le seul qu’il agace puisqu’à la fin de sa tirade il se prend un grand coup dans les parties intimes. Je me tourne vers Milena, ne souhaitant pas plus que ça me faire remarquer et être sur le devant de la scène. « Je crois qu’on devrait plutôt rester calme, une deuxième bagarre ici ne va pas arranger les choses… » Puis je continue à observer les gens sans un mot. Apparemment tout le monde en va de sa petite théorie pour sortir d’ici et dans combien de temps et je soutiens les propos d’une petite brune qui a pris la parole. « Elle a raison, il y a peu de chance que ça dure plus de 48h, j’ai été de l’autre côté des barreaux et croyez moi, ils n’ont de toute façon pas la place nécessaire pour nous garder tous plus longtemps que ça. » En tout logique ils vont tenter de savoir d’où est parti la baston et qui était impliqué et les autres devraient vite pouvoir sortir. Sauf que pour moi 48h c’est bien trop long. Il faut absolument que je trouve un moyen pour que mon fils ne soit pas abandonné par sa baby-sitter au bord de la route. Je me garde pour le moment de leur dire qu’il est fort probable que je finisse par connaître un des flics – même si mon intervention a parlé pour moi. Si je pense pouvoir me faire sortir d’ici il n’en est pas de même pour tout le monde. Et honnêtement je suis plus ou moins persuadé que certains méritent bien de croupir un peu par ici. Tout le monde ne c’est pas fait embarqué juste par erreur. Je me rapproche un peu de l’oreille de Milena pour lui chuchoter quelques mots. « Faut que je me rapproche un peu des barreaux, je vais essayer d’attraper quelqu’un que je connais. » On ne sait jamais.
Je tournai le dos à la sortie et me posai contre les barreaux. J'observai distraitement le petit couple qui s'engueulait à grands cris. Je ne savais pas trop ce qu'ils cherchaient, mais ça commençait à en devenir agaçant. S'ils avaient vraiment envie de mettre du piquant dans leur vie quotidienne, ils pouvaient au moins faire l'effort de ne pas le faire en notre présence. Je me détournai d'eux et posai les yeux sur une femme un peu plus jeune que moi. Le fou furieux semblait être inquiet pour elle et sans doute avec raison. Elle semblait beaucoup trop pâle, comme si elle était sur le point de s'évanouir. Je fis un pas dans sa direction, mais le bruit d'une claque monumental m'obligea à me tourner vers les rageurs. Je vis l'homme se relever d'un coup, une marque rouge sur sa joue. Je n'aimais pas la vue de ses poings serrés et je sentais que la situation allait dégénérer. En même temps, je ne faisais pas le poids face à lui et je n'avais aucune envie de finir à l'hôpital parce que j'avais voulu m'interposer. Le temps que je fasse la liste des pour et des contre, le poing avait été envoyé et la femme avait su l'éviter avant de lui mettre un bon coup dans ses parties. Au moins, il était à terre pendant un long moment maintenant, il nous laisserait peut-être tranquille.
Toujours au milieu de la cellule, je me focalisai de nouveau sur la malade. Je pouvais entendre Adaline faire un petit discours, mais j'avais vite décrocher sur le contenu. Je savais très bien pourquoi j'étais là et ce qui allait se passer ensuite, c'était exactement la même chose en France. Par contre, l'attitude de Scott me perturba, dans le bon sens du terme. Je m'avançai vers eux, doucement, mais je me fis vite repousser par un regard noir. Je n'hésitai pas longtemps avant de faire marche arrière pour retourner à ma place contre les barreaux. Il avait beau être violent, il était plutôt bienveillant avec cette jeune femme et très protecteur. Il devais savoir ce qu'elle avait et ce qu'il devait faire pour l'aider. Sauf que je n'aimais pas rester sans rien faire quand je voyais quelqu'un de mal. Je commençai à pianoter des doigts sur mon bras, regardant dans le couloir pour essayer de voir s'il y avait du nouveau.
Quand je vis un gardien s'approcher, je me tournai aussitôt pour l'interpeller. « Excusez-moi. Monsieur, excusez-moi. Est-ce qu'il serait possible de parler à un de vos supérieurs ? Ou au moins faire un appel ? » « Pas d'appel pour vous, désolé. » Il nous regarda à peine, on n'était pas assez intéressant à ses yeux. Pas démotivée pour autant, j'aperçus un magasine dépassé de la poche de sa veste. Je compris rapidement quel type de lecture il avait et, surtout, comment le manipuler. S'il aimait les personnes idiotes, il allait être servi. Je pris la voix la plus niaise possible, appuyant plus que nécessaire mon accent français et lui fis les yeux doux. « Même pas pour moi ? Vous savez, je suis connue en France. Si vous m'aidez, vous pourriez devenir une star là-bas. Vous connaissez les anges ? The angels ? L'émission de téléréalité ? » Il s'arrêta à côté de moi et me regarda d'un air complètement perdu. Il réfléchit quelques instants, si on pouvait appeler ça réfléchir, et secoua négativement la tête. « Vous ne connaissez pas les anges ? Non mais allo quoi ! C'est genre l'émission la plus regardée au monde quoi ! » Je dus me forcer à ne pas éclater de rire en voyant sa tête se défaire. Il ne devait pas comprendre un seul mot de ce que je racontais. Je continuai avec mon ton outré, la main sur la hanche. « Non mais je suis super célèbre quoi ! Tout le monde connaît mon nom là-bas ! Même ici, les gens me reconnaissent dans la rue, me demandent des autographes ! S'ils apprennent que je suis enfermée dans ce trou à rats, ils vont être choqués. Ils vont vous poursuivre et vous serez la risée de la France. Je demande à parler à mon avocat ! Sur le champ ! » Je l'avais perdu, définitivement. « Je ne sais pas si… J'ai des ordres et... » « Je ne suis pas australienne, je n'ai pas les mêmes droits ! Demandez à cette charmante demoiselle, elle pourra le confirmer. Elle ira même lui parler pour moi, je suis trop célèbre pour me promener dans ces couloirs sales. Allez, dites oui ! Vous deviendrez célèbre vous aussi ! Je vous inviterai dans les plus grandes soirées de la ville ! Vous serez reconnus dans toute la France. »
HJ : Eden parle en français quand c'est en italique