La descente est délicate et nous nous accrochons à tout ce que nous pouvons trouver sur notre passage pour ne pas tomber. La remontée sera sans doute encore plus difficile, mais je ne préfère pas y penser. « Step by step, my friend. » Depuis le naufrage, les évènements arrivent un par un et s’enchainent rapidement sans qu’on puisse s’y préparer. C’est sans doute ce qui rend la situation encore plus dramatique, d’ailleurs. De ne pas pouvoir être conscient de la suite des évènements. De ne pas savoir comment toute cette histoire va bien pouvoir se finir. Nous entrons à présent dans la cabine, jetant des regards aux alentours à la recherche d’une petite merveille. Mais rien. Tout ce que trouve Blake, c’est une flasque d’alcool. « Je comprends mieux pourquoi le bateau s’est planté. » Un rire nerveux s’échappe d’entre mes lèvres alors que je serre légèrement la mâchoire. Je me dirige à présent vers les commandes du bateau. La radio de bord n’émet évidemment aucun signal. « Et merde... » Ce n’est pas comme si j’y avais vraiment cru, mais je gardais quand même un infime espoir au plus profond de mon être. Je ne sais absolument pas quoi faire avec toutes les commandes de la radio. Certains fils ressortent en apparence mais aucune idée de leur utilité. J’examine de plus près ces derniers avant de me tourner vers mes collègues d’aventure. « Vous croyez qu’on peut en tirer quelque chose ? » Entre la radio mobile que nous avons entre les mains et la radio de bord du bateau. Après quelques essais hasardeux sans grand succès, je ne suis pas vraiment convaincue. Il faudrait vraiment pouvoir ouvrir le boitier avec un tournevis ou quelque chose qui puisse réussir à faire levier sans endommager le reste.

« Mieux vaut ça qu’un psychopathe armé d’un AK-47 près à nous dégommer la face, non ? » Soren haussa les épaules. « Surement, mais j’aurai préféré que ce soit un survivant tu vois. » Ils s’aidèrent mutuellement à se relever et reprirent la route - il ne fallait pas trainer après tout. « Pour ce que tu me disais tout à l’heure, je sais que c’est pas drôle. Mais c’est juste que vu le ton que tu as pris, je m’attendais à quelque chose de carrément plus dramatique. » Il eut un petit rire moqueur. « Des choses dramatiques, je pourrai t’en raconter plein si tu veux. Mais ça n’a rien à voir avec mon comportement de merde de tout à l’heure. » Jameson lui fit un clin d’oeil avant de commencer à escalader les rochers qui leur permettraient de commencer à prendre de la hauteur. « Et t’as gagné ton pari, je ne fume pas. Cela dit je crois que je te comprends sur un truc… j’ai tellement envie d’avocats que si c’était possible, je ferais moi aussi un stock digne d’une guerre nucléaire. Sauf que pas de chance pour moi : c’est une denrée périssable. » Soren commença à grimper à son tour tout en écoutant ce qu’elle lui disait. Et sa phrase sonna bizarrement à ses oreilles. « Quoi ? » Il se figea, les yeux ronds. Jameson dut comprendre que quelque-chose n’allait pas car elle s’arrêta aussi pour se tourner vers lui, les yeux aussi gros que ceux de Soren. « Et je parle bien évidemment du fruit… » Alors Soren partit dans un rire qu’il essayait de contenir pour ne pas qu’il fasse écho dans toute la vallée - ce qui serait dommage aussi près du repère des méchants. Il réussit cependant à se calmer assez pour répondre et reprendre ses esprits. « Tu collectionnes les avocats que tu veux hein, je vais pas te blâmer, qu’importe le sens de ta phrase ! » Et souriant, il dépassa Jameson dans cette ascension au sommet - sur lequel il finit par bientôt arriver. Ou presque, c’était plutôt un plateau mais bon ils avaient gagné un peu de hauteur c’était déjà pas mal.

Elle éclate de rire lorsque Callie mentionne que le naufrage est peut-être dû à cette fichue flasque. Pas faux, pas faux. Elle semble avoir repéré la radio du bateau, mais celle-ci est complètement submergée, et par le même cas, complètement foutue. Elle s’y attendait, à dire vrai vu l’état de cette carcasse complètement pourrie, elle se demande si la radio fonctionnait alors que le bateau flottait toujours. « On peut sans doute récupérer quelques fils, non? Qui sait, ça pourrait être utile. » Qu’est-ce qu’elle en sait? Rien du tout. De toute façon, les fils doivent être abîmés par l’eau salée. Mais qui ne risque rien n’a rien, et mieux vaut ne pas revenir les mains complètement vides. En fouillant dans une petite trousse de premiers soins qui flotte près d’elle – il faudra d’ailleurs penser à la ramener sur la plage, ça peut toujours servir – elle trouve une lime à ongle en métal, et examine le bout un peu pointu. « Vous pensez que ça pourrait faire office de tournevis? », demande-t-elle en priant pour que ses compagnons répondent par l’affirmative. Elle meurt d’envie de sortir d’ici, de regagner la place bien plus rassurante. D’ailleurs, il lui semble que le sol tangue un peu, et elle ne serait pas surprise qu’elles soient victimes d’une autre mauvaise surprise.

« On peut toujours essayer. » Je laisse Sohan tenter sa chance avec l'embout métallique. Et après un certain acharnement de sa part, le boîtier de la radio finit par céder sous la pression. Première victoire dans cette expédition du malheur. A noter dans les annales, chers amis. Nous essayons à présent de bidouiller certains fils entre eux pour réussir à allumer la radio et caresser l'espoir d'un éventuel signal. Nos gestes sont approximatives, hasardeux, mais on a le mérite de ne rien lâcher et d'y croire jusqu'au bout. Ce qui s'avère être un acharnement payant lorsque la radio finit par émettre un bip sonore de soulagement. La batterie ne tiendra sans doute pas longtemps, et je m'empresse alors de diffuser un appel de détresse. « SOS, notre bateau s'est naufragé sur l'île, on a besoin... » Bip, bip, bip. Je n'ai pas le temps de finir mon message. La  radio s'éteint alors que la batterie vient de rendre l'âme. Nous venons de perdre officiellement notre dernière chance de communication avec l'extérieur. Et je ne suis pas convaincue que mon message de détresse soit entendu, à une heure pareille, en plein milieu de la nuit. De rage, je tape un grand coup dans l'eau qui nous entoure, éclaboussant mes collègues aventuriers au passage. « Fais chier. » Cette fois-ci, nous n'avons plus vraiment d'autres alternatives sous la main.

« C’est magnifique. « Reprenant son souffle, Soren ne pouvait quand même d’approuver ce que disait Jameson. La nuit faisait qu’ils ne voyaient surement qu’à peine le quart de la beauté que pouvait offrir l’endroit, donc Soren surement encore un peu moins, mais toutes fois c’était quand même magnifique. « Tu sais, si t’as envie de me raconter ces trucs dramatiques, n’ai pas l’impression que tu ne peux pas avec moi. » Soren eut un petit rire moqueur. « Je suis pas sur que t’aies envie de savoir à quel point ma vie a été merdique ces dernières années. » Soren ne voyait vraiment pas comment elle pouvait vouloir. Enfin, sa vie à lui n’était pas au point de ce qu’on pouvait voir dans les films, mais parfois il se demandait si le karma n’oubliait pas de changer de cible parfois. « Soren, regarde ! » Il tourna de nouveau son regard vers la jeune femme qui semblait être contente de ce qu’elle voyait en contre bas. Il s’approcha alors d’elle et du bord, attendant qu’elle lui explique ce qui la rendait dans cet état. « On dirait que le GPS d’Ethan n’est pas si mauvais que ça en fin de compte. » Soren plissa les yeux pour se concentrer. Apparement, deux de leurs trois pots disparus étaient en bas. Mais il faisait vraiment trop noir en contre bas pour que Soren puisse y distinguer des silhouettes. Soupirant, il haussa les épaules. « Je vais te croire sur paroles parce-que je vois rien. Ils ont l’air d’aller bien ou y’en a un qui traine anormalement la patte ? » Il valait mieux pas qu’ils se soient encore fait quelque-chose ce n’était vraiment plus le moment. « Inutile de continuer sans eux, autant attendre qu’ils nous rejoignent pour poursuivre notre route. » Il fit une petite moue. Elle n’avait pas tord, ça ne servait à rien de partir une nouvelle fois à la rencontre leurs amis si c’était pour se perdre de plus belle. Même si Soren avait hâte de rentrer sur la plage, au final, ils allaient devoir attendre. « Oui, il vaut mieux attendre… » Et alors que Jameson venait se rouler en boule sur le sol pour s’autoriser un petit temps de repos, Soren se contenta de venir s’asseoir à ses côtés. Il avait déjà fait la sieste tout à l’heure lui. « On devrait profiter de ce moment de répit pour se reposer. Je sens qu’on va avoir besoin de forces tout à l’heure… » « Je vais monter la garde, j’ai eu mon quota de sommeil pendant que j’étais dans les pommes. Mais profites en toi. » Il regarda Jameson quelques instants avant d’avoir un petit rire. « Ma cuisse peut toujours servir de coussin si tu veux, sois pas ridicule. » Il tapota sa cuisse pour que la jeune femme vienne s’y poser. « Je te réveille quand il y a du bruit. » Une petite heure passa avant que Soren doive légèrement secouer Jameson par l’épaule. « En espérant que ce soit nos deux loustiques, mais en tous cas quelqu’un monte. » Il avait pris soin de chuchoter pour le cas où ce n’était pas Kyeran et Ethan qui étaient en train de les rejoindre. En tous cas, il commençait à comprendre le principe de la planque quand vous étiez en cavale.

Jameson ne mit pas à longtemps à émerger. Et pourtant, Soren avait l’impression qu’elle avait dormi du sommeil le plus profond qu’on pouvait trouver. Elle l’avait mérité, ceci dit. Elle avait passé la journée à courir dans tous les sens pour aider tout le monde, elle avait affronté les épreuves des aborigènes, elle méritait de se reposer un peu. Lorsqu’elle lui fit un petit signe de tête pour lui dire qu’elle était opérationnelle pour la suite de l’aventure, ils se levèrent tous les deux pour se tapir rapidement dans l’ombre de leur planque. Parce-que si c’était Kyky et Ethan qui arrivaient, ce n’était pas grave qu’ils soient à découvert. En revanche, si c’était les tarés avec les flingues, Soren n’était pas sur que ce soit une bonne idée qu’ils le soient. Ils finiraient surement en steak haché si c’était les méchants qui débarquaient, alors que tapis dans l’ombre ils auraient une chance de survie plus élevée déjà. Enfin, selon la théorie, c’était ce qui était censé se passer. Et comme en théorie, tout se passait toujours très bien… Sauf quand vous faisiez naufrage sur une ile déserte. Là, tout partait dans tous les sens et tout vous semblait irréaliste sur le coup. C’était à ça que Soren pensait lorsque les bruits de pas ont commencé à se rapprocher du haut des rochers, par là où Jameson et lui étaient arrivés une heure plus tôt à peine.

Fausse alerte finalement. Un animal égaré et une paranoïa à son paroxysme, au moins, grâce à ça, ils survivront. Ils se mirent donc en route, en silence, la fatigue commençait déjà à se faire sentir, on peut remercier l’adrénaline qui redonnait un peu peps à l’organisme de Kyeran. Ils n’avaient pas le temps pour une pause, peut-être Ethan mais il semblait aller bien, d’ailleurs il pressa le pas, sans doute conscient de l’enjeu de cette mission. Mission, voilà qui se prenait pour un héros de films ou de jeu vidéo. Le chevalier Kyeran Lloyd sans arme et sans armure, il n’irait pas tellement loin comme ça. Selon Ethan, il ne leur restait plus que cette montée et normalement ils rejoindraient les autres, selon toute logique, ils étaient en haut, c’était l’endroit le plus stratégique et qui ne devait pas non plus échapper à leur poursuivants, aussi Ethan intima à Kyeran de ralentir lorsqu’ils furent en haut. Il lui fit un signe discret vers deux hommes leur faisant dos, armés. L’idée était donc de jouer sur l’effet de surprise et les attaquer. Kyeran hocha la tête et Ethan lança le compte avec ses doigts. A zéro, tous deux foncèrent en étant le plus discrets possible, kyeran s’occupa de celui qui était sur la gauche, lui assénant un coup rapide au niveau des reins ce qui provoqua une perte d’équilibre immédiate de l’homme et le cadet en profita éloigner son arme de lui et le plaquer face contre terre, enfonçant son genou dans son dos. Un cri lui parvint de la droite où Ethan semblait avoir opté pour un coup au niveau des jambes, de quoi déplacer les rotules, pour finir par l’assommer avec sa propre arme, histoire de pas attirer plus d’attention sur eux. Celui que Kyeran était encore bien conscient et pourrait ainsi servir pour rejoindre plus facilement le campement. Il ne leur restait plus qu’à trouver Jameson et Soren qui devaient dans le coin au vu de la présence de ces hommes.

Soren remarqua aussi bien que Jameson les deux paires de pas, au final, qui avançaient pas très loin d’eux. Jameson fut plus rapide que lui à comprendre ce qu’il se passait et elle était déjà partie à la guerre avec son couteau en main lorsque Soren se décida à sortir de leur planque. Lorsqu’il arriva, deux hommes des autres étaient allongés par terre, dont un qui semblait faire une bonne sieste. « Contente de vous revoir. » « En vie surtout. » La petite remarque, Soren ne put s’empêcher de la dire. Après tout, ils avaient frôlé le danger et la mort un nombre incalculable de fois ces dernières heures. Jameson s’approcha du mec qui était encore conscient, et vient lui attacher les mains dans le dos. « Sers bien le noeud hein, qu’il comprenne sa souffrance. » Soren lança un regard noir à l’homme et Jameson n’hésita pas trois secondes pour le noeud - à croie qu’elle avait prévu ça depuis le début. Soren se pencha par la suite vers l’homme, il était à deux doigts de lui foutre un coup pour l’assumer, mais il se retint car il savait où étaient les disparus. Donc c’était une source d’information. Et on ne tape pas sur une source d’information. Il plissa les yeux tout en soupirant. « T’as de la chance qu’on puisse potentiellement avoir besoin de toi, p’tit connard, parce-que sinon t’aurais mangé du pavé dans les trois prochaines secondes. » Il avait pris un ton bien envenimé pour montrer à quelle point il ne riait pas avec ses paroles. Il se releva, mais garda un oeil sur lui pour être sûr qu’il ne parte pas en courant.

Une bonne chose de faite se dit Kyeran lorsque Jameson s’approcha pour s’occuper du gars sous lui, d’ailleurs s’en écarta, se laissant tomber sur le côté pour reprendre sa respiration. Avec la tension, il en avait presque oublié comment on respirait, bon ils avaient quelques minutes de répit, minutes qu’il mettait à profit pour éteindre l’incendie de ses poumons « On vous utilisait pas comme appâts, dès qu’on est arrivé, on les a trouvés ici, ils ont eu la même idée que nous faut croire » répondit Kyeran en jetant un coup d’œil à Ethan, lui aussi installé au sol. De ce qu’il savait, rien n’avait été fait dans ce sens mais autant le policier avec sa formation de superman avait prévu plus de choses qu’il ne le laissait croire. Bof, tant pis, ça avait fonctionné c’était l’essentiel « Bon va pas falloir s’attarder ici, les cris de l’autre –il fit un signe en direction du corps inconscient- a du attirer l’attention sur nous » parlant, il se remit debout et étira ses muscles quelques un instant avant de forcer le deuxième homme à en faire de même, ce serait leur ticket jusqu’au campement « On compte sur toi pour nous montrer la voie » son ton calme bien que menaçant, laissant entrevoir toutes les promesses qu’impliqueraient une bavure de sa part. Il était épuisé donc à bout de patience, et avec les conseils d’Ethan, ils parviendraient certainement quelque part, de préférence pas dans une cage, ou pire, une tombe.