Jameson et Soren sont enfin dans notre ligne de mire, d'ici une heure nous devrions etre à leur hauteur afin de les retrouver et reformer un groupe plus conséquent.

« Tu croix vraiment que j'aurais joué ce jeu alors que je morfle et que je ne suis même pas sur de pouvoir zigouiller des méchants ? » Jameson croit que nous les avons utilisés comme appats, ce qui n'est pas totalement faux puisque l'occasion s'est présentée, mais ce n'était pas un geste volontaire de ma part. De ma position allongée au sol j'espère qu'elle ne me fichera pas un coup de pied mal placé, je la comprendrais... c'est la deuxième fois que ça lui arrive aujourd'hui. Kyeran sonne le glas de notre moment de repos en nous avertissant du danger qui rode toujours. Meme si je souhaite rester allongé là je comprends son intention. « Moi aussi je suis heureux de vous retrouver – encore. J'aurais probablement besoin d'un bisou magique de maman canne. » et je commence à rire comme un benet avant de m'arreter, rompu par la douleur de mon épaule.

Pourtant elle ne rigole pas quand elle menace le zigoto que nous avons ligoté. Elle est féroce, Jameson. " Et elle est sérieuse, en plus. Si j'étais à ta place je la prendrais au sérieux, cette fille est une vraie lionne. Les connards, elle les mange tout les jours pour son petit-déjeuner." je le préviens d'avance.

L’ambiance avait radicalement changée autour d’eux, c’était comme si il n’y avait plus que tensions et rancoeur. Soren le premier d’ailleurs. Il avait agressé rapidement le mec qui après tout n’y était peut-être pour rien et n’était peut-être pas du même camp que les autres. Enfin, cette hypothèse ne tint que jusqu’au moment où le méchant vint insulter Jameson. Qui ne le prit pas dut tout bien d’ailleurs, et Soren se délecta du spectacle qui suivit. Voir Jameson menacer cet homme était beaucoup trop jouissif. En même temps, il l’avait bien mérité. Et lorsqu’elle le mentionna pour avertir l’autre connard qu’il était prêt à lui sauter dessus pour lui donner une bonne leçon de vie - voire d’écourtage de vie, il fallait faire ce qu’il fallait pour rester en vie, Soren hocha très lentement et avec un sourire plutôt carnassier sur le visage. « J’me ferai même un malin plaisir à te faire souffrir autant que vous l’avez fait pour moi… Et pour toutes les personnes qui souffrent encore en ce moment à cause de vos conneries. » Ethan ne fit qu’appuyer leurs paroles, ce qui prouva à Soren qu’ils étaient tous les quatre en phase - et ça faisait du bien, de se sentir comme une part entière d’une équipe de super-héros. Jameson vint ensuite tenter de lui soutirer des informations, non sans lui avoir déjà dégommé le nez au passage. Soren se dit qu’il trouverait bien cette excuse pour ne pas parler, alors il se rapprocha de l’homme, bras croisés sur le torse. « T’as intérêt à parler gros tas de fumier, sinon ta descendance s’arrêtera aujourd’hui. » Soren se permettait de déverser sa colère sur lui - pour une fois que ce n’était pas Jameson qui prenait. Le mec les regarda à tour de rôle avant de venir leur faire un sourire qui était presque aussi carnassier que celui de Soren quelques instants plus tôt. Par la suite par contre, il cracha sur Soren qui était maintenant à portée le sang qu’il avait dans la bouche. Pinçant ses lèvres de fureur, Soren se retint pour ne pas lui exploser la face sur place. « J’vous dois rien à vous, bande de merdeux, pourquoi j’vous parlerai ? » Soren soupira, essayant les gouttes de sang qu’il avait sur le bas du visage. Il soupira, las. « Il n’a rien compris celui là. » Et son poing vient s’abattre dans son abdomen, juste sous le sternum et le diaphragme, là où ça coupait bien la respiration et où ça faisait bien mal. Soren s’écarta directement après, juste au cas où l’abruti déciderait de rendre son dernier repas aux yeux de tous.

« J’vous dois rien à vous, bande de merdeux, pourquoi j’vous parlerai ? » Comme il fallait si attendre se fit Kyeran réflexion. Cela aurait été trop facile et malgré les menaces de Jameson, l’homme n’était pas du tout impressionné. Leurs mots semblaient être des blagues destinées à le faire marrer, comme si le con était venu assister à un show de comique. Et Kyeran était à bout de patience, parce que ça les retardait, autant cela était son intention au départ, les ralentir alors que les autres s’organisaient pour se tirer. Il devenait parano mais on parlait du temps qui s’écoulait trop rapidement à leur goût, de personnes prises en otage, de gars armés jusqu’aux dents, tout ce bordel donnait à Kyeran l’envie de péter des câbles. Il n’en tirerait rien, et le frapper semblait plus l’amuser qu’autre chose, de quoi frustrer le cadet Lloyd plus encore. Il leur fallait une technique beaucoup plus efficace et plus expéditive parce que contrairement à lui, eux, n’avaient pas tout leur temps. « Jameson, t’as toujours de l’eau dans ta gourde ? » L’idée qu’il avait nécessitait beaucoup d’eau et même s’il n’était pas fier d’avoir recours à cette pastiche de technique interrogatoire utilisée par la CIA selon plusieurs journaux, elle s’était avérée très efficace dans le temps et après ce que Soren venait de lui administrer, il était certain que cela servirait.

Alors que Jameson allait récupérer la gourde, Kyeran s’approcha de leur prisonnier et sans lui laisser le temps de retrouver ses sens le tira vers l’arbre le plus pour y appuyer ses jambes en hauteur. S’il se souvenait bien, il fallait qu’elles soient surélevés par rapport au reste du corps « il va falloir les lui tenir » Le plus simple aurait été de pouvoir les attacher l’une à l’autre « A moins que t’aies une corde dans ton sac magique » la question était pour Jameson, il n’avait jamais vu une personne aussi bien préparer qu’elle et autant aurait-elle pu sortir une tronçonneuse de son sac qu’il n’aurait pas été surpris. Il récupéra la gourde d’eau qu’il posa à ses pieds. Il n’arrivait pas à croire qu’il était en train de procéder à cette technique qu’il avait pourtant trouvé inhumaine en passant en revue les dénonciations faites sur la CIA et la prison de Guantanamo. Il essayait de se convaincre en s’assurant que c’était nécessaire, que ces hommes avaient sûrement fait pire et le méritaient amplement. Ils gardaient prisonniers pas mal de personnes pour des raisons obscures et il se doutait qu’ils avaient beaucoup de cadavres dans leur placard on ne finissait pas armés sur une île perdue au milieu de l’océan par hasard. « Si t’as aussi une serviette, je suis preneur » son t-shirt pourrait servir mais il n’était pas assez épais à son goût, la sensation de noyade serait donc beaucoup plus brève.

Cette fois-ci, ma patience commence à atteindre sa limite. Avec du recul, je me demande même comment j'ai pu tenir jusque là sans finir par me mettre hors de moi. Les galères s'enchainent depuis le drame du naufrage, et rien ne semble vouloir aller en notre faveur. La radio est officiellement HS après la tentative du message de détresse et je suis en train de baisser lâchement les bras. Je jette un regard à mes collègues aventuriers à la recherche d'un soutien, en vain. Sohan est le seul à continuer d'espérer, encore et toujours, prêt à tout pour trouver une solution de repli. Il se décide à continuer l'exploration du bateau tout seul. « On se retrouve à l'entrée du bateau alors. » Je ne suis pas rassurée à l'idée de nous séparer, mais on doit mettre toutes les chances de notre côté. « Sois prudent. » Nous nous retrouvons toutes les trois, déterminées à vouloir quitter cette carcasse au plus vite et entamer la remontée du bateau. Le retour en sens inverse s'annonce acrobatique pour ne pas perdre l'équilibre dans l'eau. Blake entame la marche avec sa lampe torche suivie de près par Jordan. Quant à moi, je suis en dernière position.

Il s'agit maintenant de faire parler l'homme ligoté dans le but de trouver leur campement et les disparus. Nous prenons la solution de la menace, espérant qu'il nous prendra assez au sérieux pour dégobiller toutes les informations que nous demandons. Quatre naufragés contre un mercenaire, ça pourrait etre le titre d'un bon bouquin. La solution que propose Kyeran me fait horreur. Je sais exactement ce à quoi il pense en demandant une serviette et de l'eau, et ça ne me plait pas. Les souvenirs se bousculent encore une fois, prenant en otage ma conscience tiraillée. Est-ce que nous pouvons vraiment le torturer de cette manière ? Je l'ai vécu de l'intérieur en Afghanistan, c'est sur moi que cette technique était utilisée pour connaître les positions des équipes en mission et les noms des agents infiltrés. Je sais à quel point c'est horrible de se sentir partir, sentir l'eau envahir les poumons tandis qu'on se dit que nous ne survivrons pas. Mais ils ma ranimaient. A chaque putain de fois. « On ne va pas faire ça. » dis-je d'une voix ferme en laissant tomber la jambe que je maintenais. « C'est inhumain, et aussi cruelles soient leurs pratiques, on est pas comme eux, c'est ce qui nous différencie. » Je ne peux meme pas croire que j'ai pensé une seconde à faire ça, et que les autres y aient pensé aussi. La révolte et le dégout coulent dans mes veines. « Est-ce que vous vous voyez dire en revenant que vous avez torturé un pauvre connard en le tuant, encore et encore, jusqu'à ce qu'il prie pour mourir ? » Moi en tout cas, ça me pose un problème.
« On a qu'à suivre ses pas. Quand tu lui as demandé la direction il a regardé vers l'Est, à mon avis c'est par là qu'on doit se diriger. Surtout qu'il est encore bien sapé, il doit avoir pris son quart il y a moins d'une heure. On ne doit pas etre si loin de leur campement. »

Jo et les filles parviennent jusqu’à la cabine, arrivent à arranger la radio, et là elle sent une vague d’espoir lui parcourut le dos. Peut-être qu’ils ont bien fait de venir ici, peut-être qu’ils vont finalement s’en sortir, peut-être que…peut-être que…non finalement, la radio tombe en panne. Mais jo essaie de rester positive, peut-être qu’ils ont reçu le message. Ca en fait beaucoup de peut-être, mais blondie, elle s’en fiche, il faut qu’elle garde le sourire, parce que c’est mieux, ça leur apportera rien de paniquer, maintenant. Finalement, les filles se décident à retourner à l’extérieur, y aura rien de plus pour eux ici et faut se l’avouer, jo est pressée de se tirer de là. Avec ce bateau qui tangue autant, il y a des chances qu’ils finissent au fond de l’océan et jo, elle, elle sait pas nager, mort assurée. Le chemin du retour se passe bien, sans accroche, sans doute la perspective de sortir du rafiot. Soudain, jo, elle sent quelque chose s’accrocher à sa jambe et pousse un petit cri de surprise. Elle se débat vivement pour s’en débarrasser avant de se retourner pour braquer sa lampe torche dans la direction de la chose –elle n’aurait pas dû. Elle passe sa main libre sur sa bouche pour couvrir un hurlement les sinistres « les…filles… » elle balbutie maladroitement. Un cadavre.

Kyeran prit quelques secondes de réflexion pour peser le pour et le contre. Il était vraiment en train de faire ça, et bordel c’était d’ailleurs son idée. A la guerre comme à la guerre lui dictait sa voix intérieure, cette voix qui essayait le conforter dans ce choix. Oui, on ne leur avait pas laissé le choix, ils n’avaient pas cherché à se retrouver dans pareil merdier. A situation désespérée, mesure désespérée. Ils agissaient avec les armes qu’on leur avait procurées. Ce raisonnement parvint à le convaincre un instant, vous avez, cet instant décisif où il se sentit prêt à faire le grand saut, tant pis s’il venait à se détester après, tant qu’ils parvenaient à sauver les autres. Néanmoins, Ethan eut l’éclair de raison qu’il fallait et ce au bon moment. Il avait raison, Kyeran le savait mais il n’aimait pas cette sensation d’être démuni et livré ainsi à cet homme qui se foutait allègrement de leur gueule, il y avait trop en jeu « t’as raison » le dégoût qu’il ressentait pour lui-même était réel, palpable autant que celui qu’il avait eu en lisant les agissements de la CIA sur leurs prisonniers, mais lui avait ses raisons, la situation l’exigeait… tous comme ces hommes, après tout n’était-ce pas pour prévenir le terrorisme ? Une menace effarante qui avait fait de dizaines de morts. Kyeran laissa Jameson et Ethan s’éloigner, le laissant ainsi en tête avec Soren. Il poussa un soupir en se relevant, c’était la merde. L’homme se mit d’ailleurs à ricaner, trouvant visiblement tout ça très drôle, de quoi taper sur les nerfs du surfeur. Really ? Attrapant l’arme de l’homme, il l’assomma sans plus de cérémonie « c’est mieux quand tu la fermes » C’était certes contraire à ses principes de torturer quelqu’un, mais un petit coup pour remettre les idées en place était plutôt conseillé. Il balança l’arme dans un coin, ça n’avait jamais été sa tasse de thé.

Nous remontons la pente doucement mais surement, tentant de s’accrocher aux parois du bateau du mieux possible pour ne pas tomber. La pression de l’eau nous oblige à faire de grandes enjambées, toutes aussi difficiles les unes que les autres. La fatigue se fait sentir dans mon corps tout entier alors que ma tête commence à se mettre à tourner. Les symptômes de la maladie ne sont jamais loin. D’autant plus présents lorsque l’adrénaline se fait ressentir. L’épuisement moral, physique, et le manque de sommeil. Tous les ingrédients sont réunis dans un cocktail dramatique. Mais je prends sur moi, tentant de passer au dessus de la douleur intense qui frappe sur mes tempes. Je suis le mouvement, la respiration saccadée, au moment où Jordan s’arrête brusquement, un cri s’échappant d’entre ses lèvres. Je sursaute de surprise alors que mon cœur rate un battement. Qu’est-ce qui se passe encore, bordel ? Elle utilise sa lampe torche pour nous montrer quelque chose. « AHHH ! » Le cadavre d’un homme est en train de flotter au dessus de l’eau, juste devant moi. « Mon dieu, faut vraiment qu’on sorte de là. » Cette vision me tord les boyaux et me donne envie de vomir. Les muscles de mon corps sont tétanisés mais il faut continuer notre avancée si nous ne voulons pas y rester nous aussi comme ce malheureux passager. D’autant plus que c’est à ce moment là que le bateau décide à nouveau de tanguer, dans un bruit tout aussi fracassant que la première fois.

Je manque de me dégager et d'immobiliser Jameson à mon tour lorsqu'elle me prend le bras de façon agressive, c'est du moins comme tel que je le prends. Cependant j'ai des idées à défendre, je ne laisserai pas une telle chose se produire sans tout faire pour l'en empecher, si il le faut je ferais tout pour les immobiliser à leur tour. Mais me retourner contre ma propre équipe n'est pas dans mes projets, alors tachons d'y aller par la négociation. Je la suis donc sans broncher. Ses arguments n'en sont pas réellement, si on trouve une bonne cachette nous pouvons observer leurs tactiques, les tours de garde, l'endroit où sont cachés les prisonniers et les armes dont ils se servent pour se battre. « Ces mecs nous auraient tués cents fois sans hésiter si jamais tu ne les en avait pas empêché ! Ce ne sont pas des citoyens innocents ! Nous sommes en guerre et ils sont l’ennemi ! » Je ne reconnais pas Jameson dans ces paroles, elle qui me paraissait si douce et raisonnée. Elle semble se rendre compte elle-meme de son erreur, heureusement. Je la prends par les épaules et lui assène quelques paroles : « Et tu veux devenir comme eux ? Tuer sans remords ? Torturer jusqu'à obtenir ce que tu veux ? » Mon ton est agressif, presque violent. Les émotions que j'ai trop longtemps bridées manquent de me submerger. La guerre, je l'ai connue. Elle ne nous donne pas d'excuse à ce que nous faisons, après coup nous devons toujours assumer nos actes. Je n'ai pas besoin d'admettre que moi aussi, je l'ai vécu, ce serait avouer ce que je prends encore comme une faiblesse. Quand j'étais à sa place, j'ai fini par vouloir mourir, par les supplier de m'achever plutôt que de subir ça encore une fois. Il est évident que je ne souhaite pas le même sort à celui qui est devant nous, quoi qu'il aie fait. « Ok. On fait ça à ta manière. Après tout tu es celui qui a le plus d’expérience dans ce domaine. Qu’est-ce que tu proposes ? » En voilà une bonne question ! Je me retourne vers notre prisonnier, m'accroupis à ses cotés avant de le regarder droit dans les yeux. « Combien de persones se relaient sur le campement en continu ? » Il ricane, encore. Mais il ne la jouera pas comme ça avec moi. « 5 ? 10 ? 15 ? » Le signe qui m'indique ce que je veux savoir le trahit. Quel con.  « Tu apprendra à ne pas lever les yeux quand je sors la bonne réponse, imbécile. » Puis je me retourne vers mes compagnons. « Ils sont 10 à se relayer, on a toutes nos chances je pense. On devrait y aller et agir en fonction de ce qu'on voit. » Ledit con écarquille les yeux. Touché coulé. Il me tape clairement sur les nerfs, sauf qu'il nous est indispensable... Ce mec a des informations que l'on guette, ce pour quoi il est toujours là. « La seule raison pour laquelle tu es encore en vie, c'est que tu nous es utile. Si j'étais toi je ferais tout pour me rendre utile. Parce que même si j'ai de la misère à te laisser te faire torturer comme ça, te faire mal ne me fera ni chaud ni froid. J'ai hâte de te voir te pisser dessus quand tu verra les cadavres que j'ai semé derrière moi, parce qu'on va devoir passer par là pour rejoindre le campement. »