Trouver les mots n'était clairement pas la spécialité de Wren alors, il ferait peut être mieux de se taire. Du moins, c'était ce qu'il pensait car il allait forcément être maladroit ou pire encore, froid et Lizzie ne méritait pas ce genre de traitement. Elle était bien trop géniale pour qu'il puisse faire preuve d'une telle condescendance alors, il caressa son visage d'un doigt, la regardant dans les yeux en sentant tout le stress qu'elle avait encore au fond d'elle. Ne pas être à la hauteur, voilà ce qui l'effrayait et Doherty ne connaissait pas spécialement ce sentiment en retour. Il était une tête brûlée, un garçon qui tentait de jouer avec les limites sans se rendre compte qu'il faisait n'importe quoi. Sa première fois avait été des plus naturelles et il n'avait même pas essayé de demander ce qu'il en était de sa performance parce que, au fond, il s'en fichait totalement. Tout ce qui comptait à ses yeux, c'était que c'était fait, qu'il allait pouvoir embraser la planète de son joli baratin pour amener le plus de filles possibles dans son lit. Ce désir était vite devenu une réalité au fil des années et après cinq ans, il en était là, à regarder Lizzie Potter et se dire qu'il avait peut être agi comme un con durant tout ce temps. Enfin, il le savait d'avance tout cela et on lui avait maintes fois répété: le sexe, c'était agréable, oui, mais sans amour, il n'y avait rien de plus abrutissant. On finissait par ne plus y trouver un quelconque intérêt et il était clair que Wren était tombé dans ce genre de travers récemment. Il passait ses nuits avec des filles quelconques, oubliant la plupart du temps ce qui s'était passé lorsqu'il se tirait au petit matin, sans un mot, sans une note. Il n'y pensait plus dès qu'il passait la porte, le moment était alors à conjuguer au passé et il oubliait le moindre visage. Était-il capable d'agir ainsi avec la jolie brune, cependant? Elle lui avait tout donné ce soir-là et les émotions qu'il avait ressenties avaient été particulièrement exceptionnelles, uniques même. Bien sûr, Doherty était incapable de l'exprimer parce qu'il n'était pas doué avec les mots et il ne les appréciait pas tellement, considérant que des gestes parlaient mille fois plus que n'importe quel discours. Cela dit, il ne pouvait pas rester muet à la regarder s'inquiéter de la sorte pour tout ce qui venait de se passer. Ils avaient été deux dans cette affaire, deux à vivre ce moment avec la plus grande des intensités et Wren aurait menti s'il avait osé lui narrer que rien de tout cela n'avait la moindre importance. Lizzie en avait à ses yeux, tout ce qu'il aurait aimé éviter d'ailleurs. Alors, il finit par se retirer d'elle, s'allonger à ses côtés, l'exiguïté de la couchette le poussant à la coller totalement contre lui avant de reposer ses yeux verts d'eau dans les siens. "C'est plutôt à toi que je devrais demander ça, Lizzie. Bien sûr que ça a été pour moi, t'as pas à douter de ça, Lizzie." C'était peut être la première fois de sa vie qu'il se volait rassurant, cherchant vraiment à libérer la jeune femme de ses angoisses. Effectivement, il vint déposer un baiser sur son épaule, ses yeux toujours plantés dans les siens, n'osant pas parler tout de suite, même si l'interrogation lui brûlait la langue. Pour une fois, il n'attrapait pas ses fringues pour quitter les lieux, pour une fois, il restait ancré là, fermement. "Et maintenant quoi? Qu'est-ce que tu envisageais pour tout... ça?" Une manière comme une autre de lui demander si elle voulait que tout cela reste le fruit d'une soirée alcoolisée ou s'ils opéreraient différemment. Bien évidemment, Wren avait entendu les mots de la jolie brune pendant leurs ébats mais il savait à quel point les émotions étaient exacerbées dans ce genre d'instants et pas forcément en accord avec des intentions profondes. Alors, il cherchait Lizzie du regard, sans savoir ce qui adviendrait de leur duo des plus uniques.

Une expérience qu’elle peut rayer de sa to-do list. Les yeux rivés sur le plafond sombre et terni de la cabine, Lizzie est en train de contempler l’état dans lequel elle se trouve. Ou plutôt, elle fait le bilan sur le ressenti de chaque parcelle de son corps. Analyser les fourmis qui parcourent ses jambes, ses bras engourdis, le calme après la tempête. Récolter le poids de Wren sur elle, espérer qu’il ne parte pas – même si est-ce que cela la surprendrait ? Non, peut-être pas. Mais ça la désolerait. Enormément. Plus qu’elle n’aurait pu le penser avant. C’est aussi le moment où elle réalise qu’elle n’attendait qu’un geste de sa part. Jeune effrontée, s’enticher d’un type que sa mère ne voudra jamais voir. Elle le sait, Lizzie, maman n’acceptera jamais que Wren passe le palier de sa si précieuse demeure. Parce que maman sent ce genre d’individus, les étrangers, les parias, ceux qui attirent les problèmes. Elle a essayé d’avertir sa fille plusieurs fois, maman. Mais rien à faire. Lizzie se gratte furtivement l’arrière de l’oreille tout en réalisant qu’elle est juste une autre abeille autour de lui. Le miel qui les attire toutes mais qui finissent par être rejetée. Il y a une incertitude sur son visage, des doutes qui perlent son esprit, de savoir où ils vont allés à partir de là. Elle espère juste pouvoir continuer à faire parti de son monde. De près ou de loin, elle s’en fout. Elizabeth veut juste qu’il ne s’écarte pas de son chemin.
« C'est plutôt à toi que je devrais demander ça, Lizzie. » Comme s’il en a besoin. Comme si la fille inexpérimentée qu’elle est serait capable de lui dire si ce qu’il a fait, comment il l’a traité, la façon dont il l’a tenu avait été faux. Elle n’en sait rien, Lizzie, elle n’a pas d’élément comparatif. Dans une autre vie, peut-être que ça n’aurait pas été suffisant. Une autre qu’elle aurait été déçue. Pire, dans un autre contexte, il serait déjà en train de s’habiller et de s’envoler ailleurs, tant que c’est loin d’elle.  Mais l’univers dans lequel elle vit, il reste près d’elle. Et ça la contente amplement. Pour l’instant. Non, ne commence pas à rêver plus haut. On connait que trop bien ce que provoque une chute du ciel jusqu’à la terre sans parachute ni matelas gonflable. Les ailes abîmées, c’est aussi son égo qui s’en retrouve amoché. Lizzie ne veut pas que ça se reproduise.

Mais quand il la maintient dans ses bras après avoir ôté son poids d’elle, Lizzie se dit une énième fois que le risque en vaut la chandelle. Même si la chandelle se brise, chavire et fout le feu partout sur son passage. Alors la gamine, elle le regarde comme s’il est la huitième merveille du monde et elle fout ses pensées négatives au placard. « Bien sûr que ça a été pour moi, t'as pas à douter de ça, Lizzie. » Cette dernière eut un léger sourire, naïve qu’elle est, à boire ses paroles comme la première des imbéciles. Il l’embrasse sur l’épaule et il y a comme un flottement, un truc incertain que ni l’un ni l’autre semble vouloir briser. Lizzie n’a pas envie de le braquer d’une quelconque manière, d’oser le faire fuir avec des paroles qu’elle ne connait pas vraiment. Elle a envie de hurler devant son incompétence devant cette situation. « Et maintenant quoi? Qu'est-ce que tu envisageais pour tout... ça? » Oh god. Wren lui jette la patate chaude dans les mains là et ça brûle, putain que ça brûle.
« Je… Je sais pas, Wren, c’était pas prévu tout ça. Je sais pas ce qu’on est censé faire, ce que tu as l’habitude de faire dans ce genre de situation. » Elle lève une main pour le stopper dans des paroles qu’il pourrait dire – et qu’elle ne veut pas entendre car elle sait comment il réagit normalement. « Ce que j’ai dit, je le pense. Ce que je veux, c’est plutôt limpide. Mais toi… Qu’est-ce que tu comptes faire de tout ça, Wren ? Ce que tu m’as dit, ça nous mène où ? » Lizzie baisse les yeux, les mains se torturant entre elles. Eviter de le regarder et de le toucher pour ne pas plonger plus profondément si jamais elle se fait salement rejeter. Parce que Wren reste le genre de type qui sait charmer et qu’il l’a eu. Qu’il l’a toujours corps et âme. Parce qu’elle est stupide, avec un esprit de rébellion ancré en elle. Une adolescente qui découvre ses premières passions, ses premiers amours, ses premières tentations. Et ses premiers choix. « J’espère juste que ça n’a pas foutu en péril ce qu’on avait déjà. Je suis attachée à toi, je m’en voudrai si ça chamboule tout. » Elizabeth se pince la jour intérieure. « Dis moi et on fera. Je m’adapterai, je te le jure. » Même si elle doit ramasser sa fierté – et son cœur comme les vêtements qui traînent un peu partout. Lizzie s’en remettra, tant qu’ils ne tombent pas trop loin. Tant qu’il est encore temps de se relever et de se dire que c’était sympa mais que ça appartient au passé.
(Même si elle sait que ça lui briserait le cœur plus cruellement que n’importe quel autre rejet, honteuse et dégoûtée.)