We are the end of the world
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor - premiers jours de l'épidémie

Ce n’est pas une blague et il n’a pas tort : si j’aurais été déçue qu’il choisisse des techniques de drague appartenant à l’âge de pierre, cela aurait été moins dangereux qu’un vrai problème mécanique sur la voiture : le destin commencerait-il à se dire que nous avons eu la vie un peu trop facile depuis le début de l’épidémie alors que nous ne le méritons pourtant guère ? Qu’il est temps de nous mettre des bâtons dans les roue ? Je l’ignore, mais j’aurais préféré qu’il se réveille à un autre moment qu’à présent que la nuit tombe. « Un dérailleur. Mais, qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre… » Je suis plus préoccupée par la situation dans laquelle nous nous trouvons que par ma mauvaise connaissance de la mécanique, mais je lui renvoie quand même un sourire insolent alors qu’il plonge la tête au dessus du moteur. Je prie pour une broutille, une fausse alerte. « Ça l’est, mais pas tout de suite, pas maintenant. Il y a au moins deux heures du boulot si je me trompe pas de diagnostic. » « Je suis sûre que tu l’as. » Non, mais je tente de m’en convaincre moi plus que lui. « Il va faire nuit bien avant. » Je comprends en même temps que lui : pour l’instant nous ne pouvons rien faire et il va nous falloir dormir dans les environs. Peut-être que le zoo aurait été un bon choix, finalement. « Je vais la pousser jusqu’au taillis là-bas. » Je hoche la tête en regardant l’endroit qu’il désigne : de toute façon nous ne pourrons pas la pousser sur des kilomètres, c’est le mieux que l’on puisse faire. Moi, j’ai déjà remonté mes manches pensant devoir l’aider à pousser le véhicule.« Pas le choix de toute façon. Prête ? Réflexe. » Je lève la main pour attraper les clés qu’il me lance et, sans y être préparée je ne les attrape que de peu. « Joli lancé, parfaite interception. Mais qu’est ce que je dois en faire ? » Je fronce les sourcils. « Tu vas pousser seul ? » J’ai beau avoir pas mal de carte dans ma manche et être débrouillarde, je suis démunie lorsqu’il s’agit de véhicules à moteur.

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Si mes réflexes me poussent à lever le bras pour attraper au vol les clés de la voiture, je fronce les sourcils en me demandant ce qu’il attend de moi. Je m’attendais à devoir pousser la voiture avec lui, j’avais déjà remonté mes manches mais il semblerait qu’il en soit autrement. « Bien joué. Et, tu dois la guider, la voiture. » La guider ? J’observe l'habitacle un instant avant de réaliser qu'effectivement, il faut quelqu’un pour diriger, tourner le volant pour nous faciliter la tâche et que cela ne peut être que moi. L’inversion des rôles aurait quelque chose de cocasse mais de peu efficace. « Rassure-moi, tu as déjà mis les mains sur le volant d’une voiture ? » J’esquisse un sourire avant de relever mon visage vers lui en me mordant la lèvre. « Le jour de mon permis. » Et c’est pratiquement vrai. Je n’ai conduit qu’à de rares occasions depuis mon arrivée en ville. « Si tu la guides pas vers là où on veut aller, on va se faire du mal pour rien. » « Je devrais être capable de tourner le volant. » Je suis une piètre conductrice, je manque d’expérience mais j’ai appris sur des routes comme celle ci : droite et sans la moindre difficultés. « Le taillis doit être à cinquante mètres et c’est pratiquement tout droit. Je vais m’en sortir. » Je fais le tour de la voiture pour m’installer du côté conducteur. J’avance le siège pour pouvoir me saisir du volant, avant de lui faire un signe de la main - un pouce levé en l’air - pour lui signifier qu’il peut y aller. « N’oublie pas le frein à mains. » « J’ai pas oublié le frein à main. » C’est faux, et je le retire immédiatement. « Réfléchis déjà à comment tu peux me remercier pour ce sacrifice. » Derrière le volant, mes lèvres s’étirent en un sourire amusé alors que je jette un coup d’oeil dans le rétroviseur.

Amos commence à pousser la voiture - qui n’est fort heureusement qu’une citadine - et je la guide du mieux que je peux. Le silence est si religieux que j’ai l’impression de l’entendre respirer fort à cause de l’effort et, lorsque nous atteignons notre destination je me retourne à la fenêtre. « C’est bon là ? » J’attends sa confirmation avant de mettre le frein à main. Notre timing n’aurait pas pu être meilleur : le jour commence à décliner dangereusement. « On nous voit encore de la route ? » Je sors de la voiture pour faire quelques pas en arrière et observer notre cachette de fortune.

Le dé   :

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« Ce sera bien suffisant pour ce que j’attends de toi.» Je hoche la tête, je décide de lui et surtout de me faire confiance et je me dis que, pour l’avenir, il faudra que je lui demande de m’enseigner ça, en plus du maniement des armes. Si je me retrouve seul ou s’il est blessé et ne peux pas prendre le volant, je ne veux pas que cela signe notre arrêt de mort. Pour l’instant je ne dis rien, je me contente de m’installer côté conducteur et de guider la voiture vers le taillis : ce n’est pas compliqué, à cause de son poids il avance lentement et j’ai largement le temps d’anticiper les quelques mouvements de volant nécessaires. Je remets le frein à main avant de descendre et d’observer la voiture. Amos lui s’est effondré au sol en sueur, et j’espère que demain il parviendra à la faire redémarrer. « Si ce n’était pas bon, ça restera là. Je n’en peux plus. Tu me filerais une cigarette ? Et la bouteille ? » « Non c’est bon. On la voit presque pas depuis la route, faudrait vraiment s’arrêter à un mètre du taillis et observer avec insistance. » Finalement, nous nous en sortons bien. Je me dirige vers la voiture pour attraper un paquet de cigarette et la bouteille entamée. « Tu l’as bien mérité. » Je me laisse tomber à côté de lui, et je résiste à l’envie de glisser ma main dans son cou. « Après, il faut qu’on se planque dans la voiture. La nuit tombe. Les choses sérieuses commencent maintenant. » Doucement je regarde autour de nous : il a raison, d’ici dix minutes nous ne verrons plus à dix mètres de distance. « On peut pas dormir en même temps non plus. Et… celui qui reste éveillé doit être armé. » Je m’estime capable de nous défendre sans risquer de nos blesser l’un ou l’autre alors j'acquiesce en silence. « J’aurais préféré qu’on trouve une maison. » J’aurais eu l’illusion d’être en sécurité, plus que sur la route. « Faudra que tu m’apprennes à conduire correctement. » J’ai toujours refusé de l’envisager, mais aujourd’hui je n’ai plus ce luxe.

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« J’aurais adoré avoir un lit, prendre un bain, un super long bain. » Je me laisse tomber à côté de lui dans la terre rouge, mais j’aurais imaginé un tout autre contexte pour cette seconde nuit après notre première étreinte. J’y pense alors qu’il me parler d’un bain et, lorsque je tourne la tête dans sa direction, je surprends son sourire mutin. « Oui ça t’aurais fait du bien, un bain juste pour toi tout seul... » Je le provoque, je souris, on sait tous les deux que je n’aurais pas résisté à l’envie de le rejoindre. On sait tous les deux que si nous nous étions endormis dans le même lit ça n’aurait pas été juste pour se tenir chaud et compagnie.

« Il faudra oui, mais pour ça, il faut qu’on soit certain d’être en sécurité. C’est pour ça que l’idée du zoo me plaisait… sans le risque des animaux bien sûr. » Je hoche la tête. « On pourra trouver un parking. Ou un terrain vague. C’est pas urgent. » Pas aussi urgent que de m’apprendre à me défendre. « Il faut un endroit clos, derrière lequel on peut se cacher. Avec des grandes grilles qu’on peut fermer et de l’espace. Beaucoup d’espace. Peut-être même une cantine. » J’ai du mal à suivre son raisonnement : si je comprends facilement les avantages procurés par un espac clos et grillagé, j’ai du mal à voir l’intérêt d’avoir un autant de place pour deux un une cantine. Une maison, c’est tout aussi bien non ? « Une école peut-être. Il y a des écoles tout près ? » « Oui sûrement. Je regarderai sur la carte. » Je marque une pause, avant de tendre la main vers la bouteille et d’y boire au goulot. J’avale quelques gorgées puis je la lui rend. « Pourquoi beaucoup d’espace ? Tu penses à quoi ? » Autant que nous soyons tous les deux sur la même page, alors j’accepte d’être plus impuissante et j’admets mon ignorance. « Allez viens. On rentre… dans la voiture… Toi ou moi ? » « Je suis pas fatiguée. » J’ai peur, j’aurais bientôt faim mais je ne suis pas fatiguée. Je crois que je suis trop paniquée à l’idée de m’endormir dans la voiture pour trouver le sommeil. « Si tu veux que je prennes le premier tour de garde, je peux. » Je me redresse, epoussette mon jean avant de monter dans la voiture côté passager et d’incliner mon siège autant que je le peux avec tout ce que nous avons entassé à l’arrière.

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« Bien sûr. Pour pouvoir m’étendre de tout mon long, choisir moi-même la température... Sauf si tu t’étais dévouée pour me frotter le dos. Là...j’aurais pu faire preuve de compromission. » Mes lèvres s’étirent en un sourire sincère. « Tu parles, c’était la routine pour toi aujourd’hui non ? C’est moi qui aurait besoin d’un peu de réconfort pour me remettre de mes émotions. » Je joue de mon côté princesse dans sa tour d’ivoire quand la réalité est plus compliquée : j’ai de la ressources et je n’ai pas peur de remonter mes manches et de me salir les mains, mais je ne nierai pas que je n’ai jamais vécu journée plus éprouvante que celle là. « Ouais. Je te laisse te charger de nous trouver ça. Si elle est isolée, c’est encore mieux. » Je hoche la tête : j’ai toute une nuit à veiller pour m’en occuper et quelque chose me dit que je ne suis pas prête à l’ennui, à veiller avec la peur au ventre. « Et je veux de l’espace, parce que ça nous donnerait un avantage stratégique. Je t’en parlerai plus quand ce sera pleinement abouti et quand tu seras capable d’utiliser une arme à feu sans que j’aie peur que tu te blesses. Faudra plus qu’on traîne d’ailleurs. S’il y a un silencieux, on pourra essayer demain à l’aube. » Je hoche la tête sans rien trouver à redire à ça : je ne me sentirais pas en sécurité tant que je ne serais pas certaine de ne pas pouvoir me défendre, nous défendre. « Tu veux qu’on s’enfonce encore beaucoup ? De combien de kilomètres ? Je trouve qu’on est encore trop proches de la ville, tant qu’on peut avancer... » Autant le faire, sauf si nous tombons sur un endroit providentiel. « Va pour le premier tour de garde donc. Après vous ma sentinelle... » Je me redresse et, tandis qu’il m’ouvre la porte comme un gentleman, je me glisse à l’intérieur de la voiture sur mon siège. « Tu crois que je peux utiliser la lampe torche ? Pour étudier la carte pendant que tu dors. Ou bien cela risquerait de les attirer ? » Peut-être puis-je le faire tant que le jour n’est pas encore totalement tombé, après ce sera comme épingler une cible sur notre front. « Je veux pas nous mettre en danger mais… Je veux pas être un poids. » Je veux être utile. Apprendre à tirer, à mieux conduire, chercher l’endroit qu’il rêve apparement tant pendant qu’il nous y mène.

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« Non ! ça fait trop longtemps que j’ai quitté l’armée. Mais ça revient vite. » Je hoche la tête et nos enfantillages s’envolent dans l’air. La réalité nous revient au visage, trop brusque pour que nous puissions nous en dépêtrer. Il est temps de s’enfermer dans la voiture et si je la trouve plutôt bien dissimulée, surtout étant donné les moyens à notre disposition, je ne suis pas complètement persuadée que cela nous protège d’une mauvaise visite. « Je ne sais pas. J’hésite. Plus on est isolé, plus on est exposé. J’ai tendance à penser que tout le monde aura le même réflexe et que parfois, le meilleur moyen de se cacher, c’est d’être plus ou moins à vue. Je pense qu’il faut trouver le juste milieu et j’ai confiance en ton instinct et au mien. On le sentira. » Je réfléchis un instant, je penche la tête sur le côté et, tandis que j’installe mon siège en l’inclinant au maximum - dieu que la position va être insupportable, je répond d’une voix fatiguée. « Je sais pas si je peux encore faire confiance à mon instinct aujourd’hui. » Parce que personne n’est prêt à ce genre de chose. « Je pense qu’on est pas assez loin. On a roulé quoi, quatre cent, cinq cent kilomètres ? J’ai fait plus pour quitter ma campagne. J’ai envie de m’éloigner et de me terrer dans un ferme, un endroit isolé, en tout cas tant qu’il n’y aura pas de solution de décontamination. » Nous ignorons s’il s’agit d’un virus ou d’une maladie et je me fais une réflexion que je partage avec le brun. « On devrait trouver une radio, pour se tenir au courant. » Un modèle ancien, quelque chose qui survive à l’effondrement de la société moderne.

« Je ne crois pas. En tout cas, il faudra l’éteindre quand la nuit sera tombée. » Je m’en doutais et, prise d’un doute, je l’éteins même tout de suite : je peux encore discerner les noms et les annotations sur la carte en plissant les yeux et en me penchant dessus, et c’est ce que je fais. « Mais, tu peux aussi lâcher la carte. Je ne sais pas si j’arriverai à dormir aussi. » Je la referme doucement avant de m’allonger - façon de parler - sur mon siège, le corps dans sa direction. Je tends une main vers lui, pour caresser son avant bras et sous épaule, passant sous son t-shirt. « Tu proposes quelque chose ? »

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« Tu en serais certaine que ça ne serait pas sain. Et c’est parce que tu te poses la question que tu peux encore t’y fier. » Je me rends compte tandis qu’il me rassure de quelques phrases simples à quel point j’ai de la chance de l’avoir lui et pas un autre à mes côtés dans ce bordel. Il garde son calme dans des situations où peu l’auraient fait, et il m’aide à en faire de même. « On ira plus loin dans ce cas. Je n’ai pas de problème avec ça. Je te l’ai dit : ce que je veux moi, c’est de l’espace et la possibilité de monter des barricades. » Je hoche la tête. Il me donne un objectif, il nous donne un objectif puisque nous sommes une équipes à présent et c’est rassurant que de ne pas simplement rouler sans but en attendant de trouver quelque chose sans trop savoir quoi.

Installée dans la voiture, je me dis que nous aurions bien besoin de mettre la main sur un vieille radio, une qui continue à fonctionner, une qui ne dépendent pas du courant électrique mais qui marche à piles. « Oui ! Il nous en faudrait une. Je ne sais pas où on va trouver ça aujourd’hui, mais ça doit pas être trop compliqué. Il y en avait peut-être une dans le cagibi de l’horreur de la station service, qui sait ? » Amusée, je lui donne une légère tape du dos de la mains sur le torse et je secoue la tête, amusée. « Plus on s’enfonce, plus on va atterrir dans des bleds ou la moyenne d’âge est élevée et la probabilité de trouver ce genre d’antiquité avec. » Comme qui finalement, la technologie. En tout cas je note l’idée dans un coin de ma tête : au delà du fait que nous avons besoin de savoir comment avance l’épidémie, cela me semble vital de garder un contact avec nos semblables, au cas où.

Mais sur l’heure il me signifie qu’il ne veut pas dormir et qu’il préfèrerait que je lui tienne compagnie et je mettrais ma main au feu de deviner facilement ce qu’il a en tête. « Oui j’en avais bien une oui. Mais, toi aussi apparemment… » Mon regard court sur son bras, sur son cou, ses ses lèvres et finalement, mutine, je le plante dans le sien. « Hum, peut-être. » « Raconte. Peut-être que je peux t’aider cette fois. » Je lui souris et, plutôt que de lui raconter, je décide de le lui montrer en faisant de mon mieux pour l'enjamber et m’installer sur ses genoux. La tâche n’est pas aisée et je suis presque sûre que l’opération manque de grâce, mais je suppose qu’il me pardonnera. « Je sais pas… Je me dis juste qu’on a pris une douche ce matin et que ce serait dommage de pas profiter d’être encore un tant soit peu propres. » J’enroule mes avant bras autour de son cou tandis que ses mains se posent sur mon flanc. « Et puis, tu sais, il y a l’adrénaline aussi... » Que des excuses, que des jeux pour ne pas dire tout de go qu’il m’attire diablement.