On l’a fait.

Après un saut à l’élastique et un dîner dont je me souviendrais pour le reste de ma vie, nous voilà sur le point d’arriver à Leonora. On est revenu à nos premiers amours, un trajet en auto-stop pour atteindre la ligne d’arrivée de cette semaine. Le trajet est tout ce qu’il y a de plus silencieux. Je crois que Kelly n’a pas vraiment envie de partager. Il ne reste plus que l’aventure entre nous, rien de plus. Cela me rend triste, mais j’ai fait la paix avec cette idée. Je ne veux rien forcer sur la brunette. Elle n’aime pas la personne que je suis, elle ne supporte pas l’idée que je puisse aimer un homme. Tant pis pour elle. Je ne vais plus me battre avec des gens de son espèce. Elle est celle qui est perdante dans cette histoire, pas moi.

« Je vois la ligne d’arrivée. » Et encore une fois, j’aurais dû me taire. Notre voiture nous dépose devant May Glitters habiller d’un treillis militaire, l’air plus sérieux que jamais. « Ce n’est pas totalement fini, il vous reste une épreuve. » Oh non… Je m’apprête à crier que je ne mangerai plus rien de vivant, mais je n’ai pas le temps. On nous demande de nous préparer et voilà que l’on arrive sur une ligne de départ, devant nous, un véritable parcours du combattant. Visiblement, il va falloir ramper, grimper à des cordes et autres trucs dans le genre. Je hoche la tête et me baisse afin de resserrer les lacets de mes boots. « Ça devrait pas être trop compliqué, on donne tout, okay ? » que je dis tout en croisant le regard de Kelly. Un nouveau sourire pour tenter de la motiver alors que j’inspire longuement.
Coup de sifflet et c’est parti.

« Go go go Kelly ! » Et je plonge à plat ventre pour m’engouffrer sous le filet, je tente de garder la tête légèrement surélever afin de ne pas avaler de la boue. Il paraît que c’est bon pour la peau pourtant, mais pas le temps de penser à tout cela, il faut avancer. Je suis réellement déterminé, on va gagner cette épreuve. On va arriver en finale !

Cette fois, le jogging n’allait pas être suffisant. Devant le parcours du combattant qui les attendait, Kelly se sentit frêle comme une crevette, à peine capable de passer la première épreuve sans se casser quelque chose. Ramper dans la boue ? Elle aurait dû s’y attendre, cela allait forcément tomber sur les candidats à un moment donné. Qu’était-ce que l’esprit d’aventure sans quelques cordages, quelques câbles, quelques périls ? Si le thème de la semaine était de pousser les limites, de se mettre à l’épreuve, la production avait décidé de terminer en apothéose. C’était ce qu’il fallait, pour espérer atteindre la finale.

« Ça devrait pas être trop compliqué, on donne tout, okay ? » Lee acquiesça, retournant à Loan son fin sourire. Elle ne savait pas elle-même si elle était à nouveau capable de le considérer comme un ami, mais une chose était certaine ; c’était un excellent partenaire. A eux deux, ils avaient ce qu’il fallait pour terminer cette course. Elle en était confuse, perturbée, mais les questionnements n’avaient pas leur place à cet instant. Tandis qu’elle jetait un oeil au parcours dans sa globalité, elle s’imaginait trébucher, se cogner, s’égratigner plus d’une fois. Ses lèvres se pinçaient ; ROA l’avait arrachée à sa zone de confort tant de fois, mais chaque semaine, Kelly se découvrait de nouvelles limites, de nouvelles barrières à abattre pour avancer.

“Premier arrivé ?” lança-t-elle à Loan sur un air de défi, le regard taquin au coin de ses yeux plissés par la concentration. Elle resserrait la queue de cheval en haut de son crâne. L’australienne n’avait pas besoin de la perspective de le battre à cette course pour se motiver à aller jusqu’au bout, mais elle songeait que cela ajouterait du piment. Quitte à suer sang et eau sur cette dernière étape, autant s’en amuser. Cela était, en revanche, le seul moyen pour elle de se convaincre de se jeter dans la boue sans hésiter. Et une fois que le coup de sifflet retentit, elle se lança, ventre à terre -déjà une éclaboussure vint projeter de la boue au bord de ses lèvres. Délicieux.

« Premier arrivé ? » Oh je l’aime cet esprit de compétition. A peine le temps de hocher la tête que déjà Kelly se lance à plat ventre. Et dire que je la prenais pour une princesse qui n’oserais jamais se mouiller comme cela. Pourtant, elle n’hésite pas une seule seconde et commence à ramper. Le rythme est soutenu, on galère un peu, ça glisse et puis le filet est bien plus long que ce que j’avais imaginé, mais au final tout glisse comme sur des roulettes. Ce n’est rien de bien compliqué. Pour le moment.

Lorsque l’on arrive enfin de l’autre côté de ce filet, ramper c’est avérer être assez simple même si je dois avouer que s’enfoncer à moitié dans la boue n’aide pas vraiment pour avancer d’un rythme soutenu. Je me suis créer un nouveau tee-shirt, 100% gadoue. Est-ce que l’on va créer un nouveau style avec ça ? « On est si beau. » Et en riant je viens étaler un peu de boue sur la joue de ma partenaire. Je n’ai pas réfléchi et tente de me persuader que non, elle n’a pas eu un mouvement de recul, lorsque je me suis approché d’elle. Je passe une main dans mes cheveux, au moins, la boue pourra les tenir en place. Pas le temps de niaiser nous voilà devant la nouvelle épreuve. Une échelle en corde et de l’eau. « Okay faut pas se louper… » Je regarde un peu la distance qui nous sépare de l’échelle et décide que prendre de l’élan reste la meilleure des décisions. « Passe en première. » Et Kelly n’hésite même pas, elle se jette, attrape l’échelle faite de corde et commence à se balancer tel un petit singe agile. Je suis abasourdie et me met à applaudir comme un gamin.

« A mon tour. » Je prends mon élan et me jette pour attraper la corde. Je crois glisser, mais mes mains se renferment sur la prise pour ne plus la lâcher. Je prends le temps de me positionner et traverse au-dessus du bassin sans trop de difficulté. Okay, si toute l’épreuve pouvait continuer comme ça. Mais nous voilà devant la prochaine et je pâli quelque peu. On dirait des barbelés, mais électrifié. « Oh oh… Ca sent pas bon ça… »

Elle est pleine de boue, de la tête aux pieds, littéralement. Et ça la dégoûte. Lorsqu’elle aperçoit la plan d’eau, quelques mètres plus loin, la perspective de faire exprès de se laisser tomber de l’échelle s’avère particulièrement tentante -avant d’être balayée au profit de l’esprit de compétition. Ce n’était pas le moment de se laisser emporter par ses élans princiers et son addiction aux bains, ils n’avaient pas de temps à perdre. Alors Kelly, déterminée à poursuivre en faisant de son mieux, passa son avant-bras sur sa bouche afin de se débarrasser d’une partie de la boue qui s’y était glissée. C’était oublier que ses bras étaient l’outil qui lui avait permis de ramper dans cette même boue, et qu’elle venait donc de s’en étaler partout, du nez au menton. Quelle sotte.

L’échelle paraît relativement haute, mais pas hors de portée. Lee était connue pour ses jambes de gazelle, et elle-même les décrivait souvent comme la seule chose dans son corps qui avait subi la puberté de plein fouet. Il était temps que cela lui serve à quelque chose. Loan lui laissait la priorité. De visu, elle conclut que prendre trop d’élan n’était pas la meilleure option, que cela augmentait les chances de rater l’échelle et d’atterrir dans l’eau. Elle sauta, saisit l’échelle ; le plus facile était derrière elle. Désormais, c’était à ses bras en baguettes chinoises de faire le travail. Un barreau après l’autre, grimaçant de douleur, Kelly tint bon malgré ses paumes glissantes et ses épaules rapidement fatiguées par l’effort. Au bout, un dernier petit saut, et ses pieds étaient de retour sur la terre ferme. D’un coup d’oeil, elle vit Loan s’en sortir tout aussi bien, alors elle ne l'attendait pas plus longtemps ; elle n’oubliait pas leur inception de course dans la course. Direction le tunnel électrique.

Si les deux premières épreuves n’étaient pas si insurmontables que cela. Après tout, on les a traversés avec brio, tels les véritables aventuriers que nous sommes devenus. Oui je nous jette des fleurs, ET ALORS ?! C’est bon pour le moral… Enfin… Je dois dire que le champ de mine m’enchante bien moins. Enfin… Le tunnel électrique plutôt. On doit rester trop longtemps comme deux idiots à fixer l’engin car un homme vêtu d’une tenue militaire viens se poster devant nous. « Aller les mauviettes, plus vite que ça ! » Je relève la tête vers lui et son regard me fait comprendre qu’il n’est clairement pas là pour rigoler. Oh non… Lui il veut qu’on souffre et surtout que l’on garde le rythme. On n’a pas trop le choix, va falloir se lancer. Je déglutis lentement et jette un regard vers Kelly. « Quand faut y aller… » Je soupire une nouvelle fois et me redresse. « Je te dis si ça fait mal. » que je plaisante alors que le sergent me fixe comme si allait finir par me pousser pour que j’entre dans le tunnel. « ALLER CHOP CHOP ! » « Chef, oui chef ! » Je fais un petit salut militaire et me lance dans le tunnel. Je préfère ne pas partir trop vite et avance avec précaution. Les premiers pas se déroule plutôt bien, mais je perds quelque peu l’équilibre et finis par toucher l’un des fils électriques. « OUTCH ! LA PUTAIN DE TOI ! » Je secoue ma main comme un idiot et manque de toucher un autre fil. Okay… Garde ton calme Loan et reste concentré sur la sortie du tunnel. Inconsciemment, j’accélère légèrement le pas, mais finis par m’en sortir sans toucher un autre de ces fils de malheur. Arriver au bout, je préfère ne pas voir la prochaine et étape et me tourne afin d’encourager Kelly. « Ça fait un peu mal, mais ça va. » que je lui crie pour tenter de la rassurer. « Tu peux le faire girl ! »

Et finalement, la curiosité prend le dessus et je regarde la suite. Un mur immense se dresse sous mes yeux et comme moyen de le passer, une simple corde. Ça promet.

« Aller les mauviettes, plus vite que ça ! » leur hurlait dessus un instructeur dans un pantalon cargo à motif camouflage interdit par la brigade de la mode depuis la moitié des années quatre-vingt dix. Cependant, il avait bien raison de ne pas laisser redescendre la pression ; ils perdaient du temps à se demander comment diable ils allaient passer là-dedans. Loan se dévoua pour y passer la tête le premier, et en dehors d’une décharge à mi-chemin, il sembla s’en tirer aussi bien que pour les obstacles précédents. Kelly lui adressa un pouce levé de loin, en signe d’encouragement et de fierté. « Ça fait un peu mal, mais ça va. Tu peux le faire girl ! » Heureusement que lui, il y croyait.

“AÏE!” s’écriait-elle dès le début du tunnel, attaquée par une première décharge électrique. Plus de peur que de mal bien entendu, mais le claquement sur sa peau l’avait laissée hébétée, dans un état de choc. Le regard noir, furieux, lançant des éclairs, elle se tourna vers May Glitters ; “MAIS VOUS ÊTES DES MALADES ?” Rhétorique, pléonasme. Les gens de la télévision avaient tous un grain, c’était bien connu. De là à électriser les candidats au nom de l’audimat, Lee trouvait que l’on marchait sur la tête. “TE TROUVE PAS DES EXCUSES ET AVANCE.” lui hurlait dessus l’instructeur, la laissant pantoise. Elle se sentait comme une enfant que l’on venait de gronder. Bien, bien. Fort bien.

Grommelant entre ses dents tout son mécontentement, l’australienne entreprit la traversée. Malgré toutes ses précautions qui tendaient à la ralentir, cela ne fut pas suffisant pour lui épargner une seconde décharge et un cri supplémentaire. “AAAAAH. JE VOUS DETESTE TOUS.” lâchait-elle sans un début de crise de nerfs, couverte de boue, les bras engourdis -elle qui ne perdait jamais son calme. A la sortie, elle aperçut le mur qu’ils devaient traverser à l’aide d’une corde. D’un coup de coude, elle s’imposa devant Loan et entreprit immédiatement de grimper. Y’en avait marre, et plus vite elle serait à la ligne d’arrivée, le plus vite irait-elle prendre un bain.

« MAIS VOUS ÊTES DES MALADES ? » Elle hurle Kelly et je commence à grimacer pour elle. Première décharge mais elle continue à avancer. Et voilà que le militaire lui hurle dessus et je me sens mal pour elle. « VA Y KELLY, JE CROIS EN TOI. » « AAAAAH. JE VOUS DETESTE TOUS. » Je grimace à nouveau, mais au final Kelly s’en sors pas trop mal. Bon elle touche les fils deux fois, crie un peu, mais elle n’a pas fini complètement griller sur place. C’est déjà un bon début, non ? Lorsqu’elle arrive vers moi, je lui lance le plus grand sourire qui soit. « Tu peux être fière de toi ! » On ne sait même pas combien d’obstacles nous attendent, on fonce tête baissée. Et cette fois, il va falloir tirer sur les bras. Je suis pas le gars le plus musclé de la planète, mais je devrais pouvoir m’en sortir. On est fatigué après près de 5 semaines d’épreuves intenses, mais ce n’est pas le moment de baisser les bras, il faut tout donner. Je sais que je ne vais pas abandonner. Je ne me le pardonnerai pas et je crois que Kelly aussi. « Un peu de grimpette encore. » que je plaisante alors que l’on arrive au pied du mur – dans tout les sens du terme. La boue a eu le temps de sécher sur notre peau et on ressemble clairement à des aventuriers cette fois.

Sans vraiment avoir le temps de dire quoique ce soit, Kelly me passe sous le nez et se jette sur la corde. Elle essaye de grimper, mais se manque et tombe. « Tu peux le faire Kelly. ». Elle tente une nouvelle fois, mais tombe encore et voilà que le militaire hurle encore derrière nous, alors je prends les devant. La corde est légèrement en hauteur et n’étant pas très grand, je suis obligé de sauter pour l’attraper correctement. Aller, c’est comme le pire cours de gym du collège. Monter en haut de la corde devant l’Australie entière sans trop se ridiculiser. Je me souviens d’une méthode que m’avais enseigner Martin et cale la corde sous mes pieds avant de commencer à grimper. A mi-chemin, je commence à légèrement fatiguer. Mes bras fatiguent et je glisse quelque peu reculant sur ma progression. « Ça va, je lâche pas. » que je cri autant pour rassurer Kelly que pour me rassurer moi. « PLUS VITE QUE CA GAMIN. » Eh il me les casse vraiment le militaire. Je l’entends frapper dans ses mains comme s’il attendait à ce que j’avance à son rythme. Je me reprends et finis par franchir le mur pour mieux retomber, sans aucune grâce, de l’autre côté.

Un soupire s’échappe d’entre mes lèvres lorsque je remarque que l’on va prendre un nouveau bain de boue. « Ils veulent qu’on est une peau de bébé pour mieux passer à la télé ! »