C’est “Comme un homme” qui résonne dans sa tête tandis qu’elle s’empare de la corde pour franchir le mur de plus deux mètres qui lui barre la route, sa détermination biberonnée à la frustration, l’envie de gagner doublée par sa Karen intérieure qui exige de parler au manager. Mais l’entrain de la musique et l’esprit de Mulan ne suffisaient pas à injecter assez de force dans les bras de phasme de Kelly. Ses mains brûlaient, son absence de biceps la faisait souffrir.  Loan, lui, était déjà arrivé en haut, profitant que la sommelière reprenne son souffle pour ne pas leur faire perdre plus de temps et passer à la suite.

Non, elle n’y arrive pas. A sa troisième tentative, elle songe à laisser tomber. “Fais le tour, soldat, t’as assez handicapé ton équipe.” Oh, merci de le lui rappeler. Lee lança un regard noir à l’instructeur, tapa du pied au sol. C’était un échec, mais le seul et unique de cette épreuve, elle se le promettait.

Comme Loan l’avait prévenue, de la boue était à nouveau au programme. Il s’était lancé le premier cette fois, et, comme un lourdaud, s’était rapidement étalé par terre -ou plutôt, dans la terre. “Elle est bonne ?” se moqua gentiment Kelly. Elle n’en menait pas large néanmoins, et avec un esprit aussi agité par les émotions, elle doutait de parvenir à traverser également. Il était temps de se reprendre, de respirer un grand coup. C’était exactement comme la course de chameaux, songeait-elle ; en étant doux avec les animaux, elle et Colleen avaient atteint l’arrivée, tandis que ceux qui avaient hurlé sur les bêtes n’étaient désormais plus là. Elle irait hurler sur la production plus tard. Pour le moment, elle devait cesser d’être un poids pour son équipe.

J’ai mal au bras, je me demande combien d’obstacle on va devoir encore passer. Kelly ne m’as toujours pas rejoint et je finis par entendre le sergent lui dire : « Fais le tour, soldat, t’as assez handicapé ton équipe. » « EH vous lui parlez pas comme ça ! » que je la défends alors que Kelly arrive à mes côtés. « C’est rien, t’en fais pas. » C’est pas le moment de lui taper sur le moral, bien au contraire. Une nouvelle fois, je lui souris alors que l’on se tourne vers le prochain obstacle.

Il nous reste un bain de boue encore. Un peu différent cette fois-ci puisqu’il va falloir jouer à l’équilibriste. « Je suis pas doué pour ça. » Non pas que je n’ai zéro équilibre, mais quelque peu. J’ai déjà essayé une fois ou deux alors que l’on faisait les idiots au théâtre, mais clairement ce n’est pas mon truc. Je m’agite trop dans tous les sens, je sais pas quoi faire du poids de mon corps. Un drame pour un danseur me direz-vous. Je souffle une nouvelle fois, il n’est pas question de perdre du temps. « Je me lance. » Parce que si je réfléchis trop, je vais jamais y arriver, je me connais.

Je finis par m’avancer vers la corde. « Okay, tout doucement. » C’est le genre d’épreuve où il ne faut pas y aller comme un bourrin, bien au contraire. Je prends une inspiration, tends les bras pour gagner le plus d’équilibre possible. Je posse mon pied sur la corde, prends appui, tente un premier pas et m’étale comme une merde dans la boue. « Outch. » J’ai plongé tête la première et j’entends le rire de Kelly derrière moi. « J’aurais tenté. » que je réplique alors que le sergent se dresse devant moi. « C’était pathétique soldat, vous finirez dans la boue. » Oh génial. Non vraiment. Je me redresse comme je peux et regarde Kelly s’élancer. C’est avec une véritable grâce qu’elle s’élance sur la corde alors que je galère à marcher à ses côtés. Elle traverse tout sans jamais trembler et je suis admiratif. « Alors là bravo ! » Je lui souris à nouveau et sors de mon bain. Il va falloir trois douches pour enlever toutes les couches de boue qui recouvre ma peau. « Ah je crois que c’est la dernière. » que je dis alors que l’on nous tend un arc à chacun. « Allons challenger notre inner Robin des Bois. » Et cette épreuve-là on la fera ensemble, côte à côte. C’est peut-être notre dernière et je veux la vivre pleinement.

Son calme retrouvé après quelques respirations, Kelly se lança dans cette traversée. Non, il n’était pas question qu’elle finisse un peu plus couverte de boue. Oui, elle allait montrer à cet instructeur tout droit sorti des geôles de l’enfer que non, elle n’était pas un boulet. Délicatement, son pied se posa sur la corde. Elle avait regardé bien assez de spectacles de voltige par des artistes de cirque -à la télévision- pour savoir que la clé, c’était d’incliner le pied au maximum afin de faire reposer son poids sur la plante et la voûte plantaire. Ainsi, le corps était plus stable. Le premier pas fut timide, le second incertain, et Lee cru l’espace d’un instant qu’elle perdrait l’équilibre. Elle devait se tenir droite, oui, ça aussi. Penchée, en avant ou sur le côté, elle basculerait. Une fois sa posture stabilisée, ses bras tendus de part et d’autre de son corps, il ne lui suffisait plus qu’à avancer -et c’est ce qu’elle fit. Arrivée au bout de la corde, elle adressa son large sourire retrouvé à Loan, ainsi qu’un salut digne d’une gymnaste. La sommelière manquait peut-être de force dans les bras, mais pas dans son mental.

Loan, recouvert de boue fraîche, la rejoignit finalement. « Ah je crois que c’est la dernière. Allons challenger notre inner Robin des Bois. » En effet, non loin d’eux étaient disposées des cibles, des carcans et des flèches. “L’astuce c’est de pas fermer les deux yeux.” taquinait-elle. En réalité, Kelly n’avait jamais tiré à l’arc de sa vie, elle n’était même pas certaine de savoir comment s’y prendre proprement -et cela commençait déjà à la frustrer de nouveau. Non, elle devait garder son calme. Cela avait fait ses preuves. Ses mains usées par les cordes attrapèrent l’arc. La première flèche bordant sa pommette, un oeil fermé, elle expira doucement en comptant jusqu’à dix. La corde tendue s’échappa de ses doigts, décochant le premier projectile.

Je me sens légèrement idiot, lorsque je me retrouve avec un arc et une flèche entre les mains. Je n’ai jamais tiré à l’arc. Le seul exemple de démonstration que je pourrais avoir en tête c’est Katniss dans Hunger Games. Elle est clairement la queen du tir à l’arc. Moi ? Je galère complètement. Il me faut près de cinq minutes pour comprendre comment tenir l’engin. J’insère la flèche alors que le sergent se tiens à nos côtés. « ON TOUCHE LA CIBLE ! » Sans déconner ? « Je pensais que c’était lui qu’il fallait planter sans se rater. » que je murmure à Kelly avant de me redresser. Les deux cibles sont à quelques mètres de distances devant nous. On a le droit à quatre flèches. Je suppose que chaque rater entraîne un malus pour notre pomme.

« L’astuce c’est de pas fermer les deux yeux. » Je ris et hoche la tête. « Je devrais pouvoir le faire ça. » On se met en position, je souffle en même temps que je tire sur la corde de l’arc – Katniss approuved. Je tente de me concentrer sur la cible face à moi et relâche la corde. La flèche vient frôler la cible et finis sa course dans le pourtour blanc. Zéro point. A mes côtés, Kelly exécute un premier tir tout ce qu’il y a de plus parfait. Okay, je veux faire pareil. Je prends une deuxième flèche et inspire une nouvelle fois. Je ne veux pas me louper. Petit jésus, viens nous en aide. Une inspiration, on tire sur la corde, on lâche. Et en pleins dans le mille. « YES ! » que j’exulte de joie. Pour Kelly ça ne passe pas loin. On ne perd pas espoir.

Ma troisième flèche finis encore une fois hors du cadre, mais Kelly réussi de nouveau avec brio. « Tu fais très Katniss. » que je plaisante alors que l’on vient attraper notre toute dernière flèche. « Aller… Pour la victoire. » Les deux pieds planter dans le sol, je tire sur la corde, amenant les plumes de la flèche tout contre ma pommette. Un œil fermé, une nouvelle inspiration et je relâche. Ma flèche part plutôt bien, mais perds de la vitesse et se plante dans l’herbe. « FAIT CHIER ! » Pour Kelly, se sera une nouvelle fois en dehors du cadre et je soupire. « On aura tout donner. »

« Bravo tous les deux vous avez terminé ! » que nous explique May Glitters que je n’avais pas vu arriver. Les dés sont jetés, que le sort puisse nous être favorable. « J’étais heureux de faire cette semaine avec toi, tu sais… » que je murmure à Kelly alors que nos regards se croisent.

« Je pensais que c’était lui qu’il fallait planter sans se rater. » plaisantait Loan, faisant rire Kelly tout bas comme deux mauvais élèves du fond de la classe. La première flèche atteint sa cible, filant dans l’air droit vers le milieu. Hardie par ce succès, Kelly se précipita sur la flèche suivante, la décocha trop vite, et, moins concentrée, l’envoya en bordure de la cible. Pour la troisième, elle reprit la stratégie de respirer doucement, de viser légèrement plus à gauche puisque le vent semblait corriger la trajectoire dans ce sens. A nouveau, le carreau se planta dans le centre. La sommelière adressa un sourire victorieux à Loan, certaine de parfaitement maîtriser la technique désormais. La dernière flèche ne devait être qu’une formalité. « Tu fais très Katniss. » soulignait-il. “Qui ça ?” Nul besoin de préciser que Lee était sérieuse, elle n’avait jamais entendu parler de Hunger Games. Elle avait réalisé son tout premier visionnage d’Harry Potter seulement quelques mois plus tôt. Avant cela, sa religion l’interdisait.

Lee avait crié victoire trop vite, et un peu plus de vent envoya sa flèche voler fort loin de la cible. Terminer sur pareille faute laissait un goût particulièrement amer à la brune. La déception est palpable du côté de Loan également. Elle avait la sensation de ne pas avoir été à la hauteur, cette fois. Si proches du but. « J’étais heureux de faire cette semaine avec toi, tu sais… » lui intimait son partenaire. Kelly força un sourire. “Moi aussi.” répondt-elle avec sincérité. Elle avait conscience que sans Loan, elle n’aurait jamais sauté à l’élastique. De cette semaine d’épreuves, c’était cet immense pas en avant qu’elle retenait. Ils avaient bien des choses à se dire désormais, loin des caméras. Mais avant toute chose : UN BAIN.

Leonora. Après une nouvelle semaine de compétition mouvementée, Jack et Colleen y étaient enfin parvenus. Ils en avaient traversé, des émotions, pendant cinq jours : l’appréhension, l’effroi, la honte, le dégoût, l’épuisement… La production de l’émission leur avait bien fait comprendre qu’une finale de Race of Australia, ça se méritait. Colleen demeurait dubitative quant à la capacité de son binôme à se hisser dans le dernier carré final, mais son sempiternel optimisme avait tendance à lui faire voir le verre à moitié plein. Et surtout, l’enjeu principal à ses yeux n’était pas le gros chèque promis aux vainqueurs de l’émission, mais le plaisir qu’elle avait pris tout au long de ces cinq semaines de compétition. Colleen s’était fixée des objectifs en rejoignant la course, et elle jugeait les avoir largement atteints. Cette aventure lui avait permis d’apprendre à se découvrir, de dépasser ses limites mais surtout de nouer une belle amitié avec son partenaire, Jack. Une complicité qui, elle l’espérait, ne s’arrêterait pas à Race of Australia et se poursuivrait une fois qu’ils seraient de retour à Brisbane.

Fatiguée, le ventre noué par la faim et les nerfs à vif, Colleen songeait avec envie au week-end détente qui l’attendait et qui lui permettrait de recharger les batteries, au mieux avant une dernière semaine de compétition, au pire avant de rentrer à Brisbane. Le repas du vendredi soir était toujours celui dont elle se délectait le plus, car en plus de lui redonner de l’énergie, il lui permettait de mettre les pieds sous la table sans devoir négocier le dîner au préalable avec son hôte. Pourtant, quand Jack et Colleen parvinrent enfin sur la ligne d’arrivée de l’étape, ils eurent la surprise de découvrir May en tenue militaire devant ce qui semblait être un parcours du combattant. Quand la présentatrice leur expliqua cette dernière épreuve, Colleen ressentit l’irrépressible envie de jeter les armes, faire demi-tour et renoncer à la demi-finale. Pourtant, elle s’était entraînée avant l’émission. Elle en avait fait, des efforts, pour se montrer à la hauteur de ce type d’épreuve. La jeune femme avait suivi un programme fitness strict précisément dans cette éventualité, ainsi que pour s’assurer d’avoir l’endurance nécessaire pour l’autostop. Mais dans l’état actuel des choses, serait-elle seulement capable d’affronter une épreuve pareille ?

Comme toujours, elle se retourna vers Jack et chercha dans ses yeux clairs la motivation nécessaire pour continuer. Car s’il y avait bien une chose qu’elle refusait, c’était de le décevoir. « Tu te sens prêt à affronter tout ça ? » Fit-elle en désignant le parcours d’un geste de la main. De son côté elle en doutait, mais avait-elle vraiment le choix ? Alors elle pensa au week-end qui l’attendait, songea au repos dont elle pourrait bénéficier lorsqu’elle arriverait enfin à l’hôtel, au repas qui serait son réconfort après tant d’efforts, à la vie qui était trop courte pour passer à côté d’occasions pareilles de se dépasser. Viser plus loin, frapper plus fort. C’était bien ça le thème de la semaine, n’est-ce pas ?

Sans y réfléchir davantage, Colleen releva ses mèches brunes en un chignon et fit quelques petits sauts sur la ligne de départ, rassemblant le peu d’énergie qui lui restait pour appréhender la course dans les meilleures conditions possibles. Et puis, elle s’élança, direction le premier obstacle : le bain de boue sous un filet de cinq mètres de long à ras le sol. L’Anglaise ferma la bouche et les sourcils froncés, rampa le plus vite possible, poussant sur ses bras et ses jambes en ignorant la boue qui macula sa peau et ses vêtements. Le regard fixé devant elle, son attention rivée sur le bout du parcours, elle ne relâcha pas ses efforts et progressa au même rythme que Jack, qu’elle encouragea à mi-voix. « Allez Jack, allez, on peut le faire, je sais qu’on peut le faire ».

Spoiler:

Il se laisse pas abattre Jack, quand son regard est trop occupé, amusé, à détailler l’air que fait May dans son uniforme de G.I Jane. Il a des flashbacks de son père et de la base militaire sur laquelle il a vécu une bonne partie de son adolescence qui le narguent, qu’il nie facilement, lui qui n’en a rien à battre finalement. Les souvenirs sont flous quand il s’en crée de si beau que présentement, et il n’a jamais vraiment tenu au passé surtout celui qu’on lui a imposé toute sa jeunesse. L’air est bon le soleil tape, la boue est à la portée et la journée est leur.

Le parcours a l’air corsé mais il se concentre sur la première étape d’abord, lui qui y va au jour le jour depuis qu’il est né, lui qui fait exactement la même chose avec l’aventure depuis les premiers instants. Il aura tout le temps du monde de voir ce qui se dresse devant eux après, pour l’instant, ce sont le tranchées de boue qu’il capte, quand une idée de merde (une autre) lui vient à l’esprit et qu’il se penche à hauteur de sol, hilare.

En souvenirs de leur première vraie aventure à deux et des moines qui ont pris en pitié le binôme crotté sur le palier de leur église communautaire. Il s’installe à terre le grand gamin dans un corps de vieux sage, grattant le sol pour s’en faire une ligne horizontale sur chacune de ses joues, s’amusant à faire de même sur les joues rosies par l’adrénaline et par l’enthousiasme de Colleen la seconde d’après.

Puis, ils s’élancent, et ils rampent, ils se creusent leur propre chemin à travers la boue qui s’étalent de tous les côtés. « Allez Jack, allez, on peut le faire, je sais qu’on peut le faire » c’était comme une mélodie à ses oreilles. De la voir confiante, c’était tout ce dont il avait besoin pour lui donner un véritable dernier regain d’énergie avant la fin de la semaine – et peut-être même la fin de l’aventure. « C’est la boue ou le sable qui exfolie la peau déjà ? » qu’il lui hurle, hilare, complètement à côté de la plaque des potentiels traitements de beauté qu’ils seraient ironiquement en train de se donner. Il rit comme un con le canadien, assez pour gober la tasse en boue, assez pour s’en foutre complètement de ses dents tartinées de brun lui donnant l’air d’avoir la bouche cariée à la caméra.

« C’est la boue ou le sable qui exfolie la peau déjà ? » Colleen s’esclaffa. « La boue » Répondit-elle avant de se ressaisir, de peur de perdre sa concentration. Quand elle se redressa après avoir rampé sur cinq mètres de distance dans la boue, elle se releva et s’élança avec une telle précipitation vers le deuxième obstacle qu’elle trébucha sur le sol glissant et, incapable de contrôler sa chute, tomba la tête la première dans la gadoue. A défaut de mordre la poussière, c’est bien la boue qu’elle avala et fut prise d’un haut-le-cœur en se relevant tant bien que mal. A l’exception de ses deux yeux clairs que l’on parvenait toujours à distinguer sur son visage, elle était méconnaissable. La boue s’étalait sur ses traits, dans ses cheveux, s’était infiltrée dans son décolleté et couvrait son corps entier – elle était même presque certaine d’en avoir jusque dans sa culotte. Pourtant, elle n’eut pas le temps de s’attarder sur ce constat peu réjouissant, sa chute lui ayant fait déjà perdre plusieurs secondes précieuses. Si elle voulait rester dans la course elle avait tout intérêt à rattraper son retard car Isaac, Grace, Kelly et Loan étant plus jeunes que Jack et elle, elle ne doutait pas de leur capacité à se surpasser sur ce type d’épreuve.

Elle prit de l’élan et courut de nouveau vers l’échelle qu’elle parvint à saisir du bout des doigts. Elle ne s’estimait pas toujours heureuse de mesure un bon mètre soixante-quinze, mais dans ce genre de situation sa taille était un atout qu’il ne fallait pas sous-estimer. Elle parvint à avancer sur plusieurs mètres, ne pouvant plus compter que sur la force de ses bras à présent pour progresser. A mi-parcours, elle sentit ses forces la lâcher et grogna sa frustration. Trop tard cependant, ses doigts pleins de boue glissèrent sur les barreaux et elle tomba dans l’eau dans un PLOUF bien sonore. Et avala la tasse. Le seul avantage de l’opération ? L’eau avait nettoyé la boue de son visage.