Le lâcher prise, la perte de contrôle, ça aurait du devenir son fort depuis le commencement de l'aventure, et elle agait pendant longtemps cru qu'elle avait pris du galon sur cette compétence qui lui était auparavant si difficile à acquérir : accepter de monter dans la voiture d'inconnus, qui conduisaient parfois extrêmement mal, qui étaient plus ou moins louches voire plus ou moins défoncés ; se fier à des étrangers pour dormir dans des endroits parfois relativement décrépits voire inquiétants ; s'en remettre à la production pour les emmener à bon port et leur faire confiance pour ne pas les tuer... Et, oui, faire confiance à quelqu'un d'autre qu'elle-même, soit Isaac, pour prendre des décisions où parfois elle aurait fait tout l'inverse. Tant d'éléments qui faisaient que Grace pensait être passée maîtresse dans l'art du lâcher-prise, avec plus ou moins de subterfuges pour accentuer son côté détendu quand elle ne l'était absolument pas : imaginer qu'elle était dans un rêve et que rien n'importait, accorder sa confiance au premier venu en partant du principe qu'un psychopathe n'avait pas des CDs de Sonny et Cher plein sa voiture qui sentait la beuh, et faire la paix avec l'idée qu'elle puisse clamser à tout instant sans qu'elle ne puisse rien y faire.

Présentement, sa tentative au lâcher-prise, c'était de se distraire de sa propre impuissance en échangeant des histoires d'horreur avec les autres et en chantant Jolene d'une façon extrêmement fausse et très désagréable. Ça marche plutôt bien, jusque-là, parce qu'elle en oublie totalement de guetter l'horizon ou de surveiller l'état de santé de tous ses camarades. Elle se retrouve même surprise quand le bateau heurte quelque chose qui ressemble méchamment à un rocher un peu trop près de la surface... « Non non ! Ne commence pas ! Tout va bien se passer… » la réprimande Elias, visiblement peu enclin à parler de morts en rafting (comment ça, ça n'aide pas à relativiser ?). Kieran, lui, va tout droit dedans, plus intéressé que jamais face aux propos de la jeune femme, qui se retrouve penaude de sa connerie : “Euh, bah, c'était dans le journal.” Mais ça compte, n'est-ce pas ? Comme le cousin de l'ami de votre voisine qui vous promet que la deuxième vague de peste bubonique va se conjuguer au covid ? Grace se relève à nouveau et se penche avec Kieran, l'air renfrogné : “Toujours des cailloux. On fait quoi, on sort et on porte le truc jusqu'à la prochaine falaise ?”

Kane me révèle qu'il était le seul candidat présent dans son vol le menant de Brisbane à Perth et j'acquiesce, souriant doucement en gage de remerciement de son retour. La production de Race of Australia semblait mettre un point d'honneur à surprendre l’entièreté des concurrents sur tous les points possibles. Le pompier nous indique que Liam est aussi dans les parages et agrée avec ma conjecture qu'il puisse potentiellement être avec Kelly et Loan. Le loisir d'établir les aventuriers en renfort rencontre toutefois une halte, lorsque le bateau de rafting se coince malencontreusement dans un banc de rochers. Grâce au travail d'équipe et de la bonne volonté de chacun, nous parvenons toutefois à promptement s'extirper de la zone et reprendre le court des rapides courants. « Bien joué! » “Bravo !!!” « Yes! » j'ajoute dans la même lancée de réjouissance et félicitations, me retenant bien toutefois d'adresser un high five aux autres membres de l'équipe, celui-ci rimant férocement avec un saut dans l'eau ou un déplorable coup de pagaie involontaire. « On se débrouille pas trop mal je crois… On est devant les autres non ? » J'en ai aucune idée, mais ça me plairait bien.

Anticipant la suite, je questionne mes interlocuteurs sur la présence de zone à risques - ou plus forts risques - en approche. « J’aurai bien aimé pouvoir voir le parcours avant d’être lancé sur l’eau. Mais bon ça doit faire parti de la difficulté de l’épreuve. » Je hoche la tête, ROA n'était pas très réputée pour nous faire des cadeaux. « J'crois que la surprise c'est l'élément crucial et incontournable de la production. » « J’espère juste qu’on aura pas genre le choix entre deux directions à un moment… Faudra choisir au pif. A moins qu’on ait des indications en route mais… Ça m’étonnerait. » Je n'avais pas pensé à ça et c'est un air inquiet que j'arbore derechef. “T’as jinxé le truc, Kane.” Grace concrétise mes craintes. « Oh non tu déconnes? »

“On part à gauche toute !!! Ou à droite, au choix ! Mais pas devant.” « Peut être que ça veut dire qu’il faut aller devant si c’est celui qu’on voudrait pas. » Je ne peux m'empêcher de rire nerveusement et vu le rythme de plus en plus soutenu qu'emprunte le bateau, je ne suis même pas certain qu'on ait la main mise sur le choix de direction. « Mais oui oui à gauche, on va pas jouer avec le feu. Enfin. Le courant. L’eau. Bref. » Il est motivé Kane, et je donne toutes mes forces pour que le bateau s'oriente vers la gauche, lui accordant mon entière confiance sur ce coup-là.

Le moyen de locomotion infernal trésaille gaiement (et étonnement comme on l'espérait) dans la voie de gauche et un massage sauvage nous est gracieusement livré avec la multitude de cailloux sur laquelle le bateau se heurte. « Le bateau va finir par péter... » Je m'inquiète à voix haute, mais heureusement, le chemin évolue favorablement. « La gauche avait l'air d'être le bon call. » « Oui, bien joué sur ce coup-là, Kane, » je reconnais et félicite. “Hé, j'ai connu un mec qui est mort en rafting. Mais il était toxico et mineur, ça a pas dû aider.” « QUOI ? Mais il est vraiment mort ? Pourquoi ? Comment ? Personne l'a aidé ? Il était seul ? Ils étaient plusieurs et il a pas eu de chance ? Il était où ? » Je ne suis pas certain que c'est le moment idéal pour relater ce genre de fait, Grace. « J'ai pas envie de rejinxer le truc. Rechante nous une chanson Grace! » « Encore une bonne idée, » j'encourage avec un sourire aussi facétieux que complice.

Grace nous interprète Jolene de Dolly Parton, un tube qui a rythmé entre autres notre périple. Mon sourire s'élargit pour s'évanouir brutalement lorsque la photographe réclame des récits de naufragés et comme si elle avait aussi le pouvoir de jinxer, un raclement tout sauf rassurant tonne sous leur embarcation. « Non non ! Ne commence pas ! Tout va bien se passer… » J'approuve la version d'Elias et hoche la tête avec vigueur entre deux coups de pagaie. Kieran, opportuniste, interprète ce déboire comme un message de la production nous invitant à nous mettre à l'eau. “Toujours des cailloux. On fait quoi, on sort et on porte le truc jusqu'à la prochaine falaise ?” “J'pense qu'on peut tenter, avant de finir avec un bateau en rade...”  Toujours cette crainte de voir le bateau démoli par la course. Je ne faisais pas spécialement confiance à ROA sur le matériel.  

« Encore une bonne idée, » “D'accord, d'accord. Jolene, ça vous va ?” Et pour toute réponse, je me mets à chanter la chanson avec elle aussitôt. On est en train d’embrouiller l’univers tranquille. Je suis sûr ça marche. En tout cas j’aime beaucoup qu’elle ait suivi si rapidement avec une si bonne chanson en plus.  

“Mais sérieusement, vous avez pas des histoires d'horreur de naufrag-”
« JOLEEEENE JOLEEEEEEEENE !! »

Que j’enchaîne plus fort pour qu’elle arrête de parler de morts en bateau. Kieran n’est pas rassuré. Moi non plus. J’ai aussi de sales histoires sur des bateaux. Je vais les taire tant qu’on est pas sur la terre ferme. Ca a l’air de marcher puisqu’elle n’a pas fini sa phrase mais je me rends compte ensuite que la raison est en fait toute autre. Fuck. Elias n’était pas trop pour la chanson et au final il avait peut être raison. On est sûr de rien sur cette embarcation. Faut que j’arrête de penser que ce sont nos pensées et paroles qui guident notre destin. Un peu quand même. Je pense trop au karma et ce genre de chose. Je suis un petit peu superstitieux. Beaucoup. « Je suis à peu près sûr que pour réussir une descente en rafting, il faut un minimum d'eau, alors je présume que la production essaie de nous faire passer un message... genre, sautez à l'eau et c'est à vous de descendre à la nage jusqu'en bas, surprise. » Kiki n’a pas tort. Ca a l’air d’être un passage où il faut se mouiller pour retrouver de la profondeur et avancer plus vite.

“Toujours des cailloux. On fait quoi, on sort et on porte le truc jusqu'à la prochaine falaise ?”
« On pousse le radeau jusqu’à ce qu’il y ait plus de fond. »

Je dis ça en la reprenant bien vite pour ne pas que l’univers et donc le karma s’en prenne à nous parce qu’on aurait manquer de respect à notre embarcation comme ça. J’ajoute à l’adresse de Grace seulement. « Il a peut être des sentiments lui aussi. » Je parle bien sûr du bateau et j'ai très envie d'éviter une quelconque falaise s'il vous plaît elle pensait pas ce qu'elle disait. « J'pense qu'on peut tenter, avant de finir avec un bateau en rade... » J’hoche la tête et saute dans l’eau aussitôt pour ne pas abîmer l’engin plus que nécessaire. L’eau est fraîche. « Woooouh. » Une petite exclamation de surprise par ce fait mais ça va. Je commence à pousser le bateau même si y’a encore des gens dedans. Chacun son rythme mais je peux nous faire avancer déjà avec tous ceux qui sont déjà en train de diriger vers l’avent. Pas une falaise svp. Pas une falaise. Je dis pas non à un chemin compliqué mais pas une falaise. « Ca fait du bien l’eau fraîche. » J’essaie de montrer à l’univers que je suis reconnaissant de ce qui m’arrive à ce moment là. Histoire qu’ils m’envoient pas comme un boomerang une situation pourrie parce que j’ai été ingrat. Non. J’aime. Pas vraiment.  J’ai le gilet de sauvetage qui me créé quelques frottements qui ne sont pas forcément agréable sur certains parties mais ça va. Je me plains pas. C’est pas si douloureux que ça. Juste désagréable. « Baby I've got the feels yeah... » Que je chantonne. Je pense à l'eau si fraîche et les frottements. Je ressens tout ça très bien et c'est cette chanson de Ed Sheeran qui me vient du coup.

La crainte de briser le bateau et de devoir complètement finir à pieds, ou à la nage, commence à gagner les concurrents de l'équipe Grisy – après tout, Grace n'a pas menti : elle aura grand peine à nager dans des endroits plus profonds, a fortiori si courant il y a, et elle préfère autant ne pas s'y risquer. C'est donc elle qui lance l'idée de sortir de l'embarcation pour la porter le temps que les cailloux se tassent – à cinq (voire six, si Tim y mettait du sien), et en baskets en plus, ils devraient bien pouvoir s'en sortir, en tout cas suffisamment longtemps pour se tirer du pire des rochers qui menaçaient leur précieux bateau. L'idée ne lui semble pas forcément judicieuse, mais la première lui avait également paru complètement stupide après l'avoir prononcée à haute voix et pourtant, elle avait bien fonctionné. Comme quoi, peut-être qu'à tous, aussi candides furent-ils, ils pourraient conjurer le mauvais sort.

“C'est parti, alors”, déclare Grace en sortant les fesses du banc et en attendant que tout le monde se retrouve pieds dans l'eau pour prendre une partie du bateau matelassé. “Mais c'est lourd, ces choses”, se plaint-elle sitôt qu'ils en sont à leur premier essai.

La première idée avait beau avoir marché, la seconde semble de plus en plus conne à mesure que les secondes passent. “Bon allez ! On attrape tous une cordelette et à trois, on soulève.” De toute façon, il faudrait faire avec ce qu'ils avaient, c'est-à-dire absolument aucune autre aide que leurs muscles pas très gonflés – cerveaux compris. L'équipe plie les jambes, inspire un bon coup et à trois, tous soulèvent leur partie du bateau, sauf Tim, trop heureux de s'extirper des travaux sous prétexte qu'il doit filmer la scène. “Attention à vos pieds, quand même, si on se tord une cheville on est bons pour l'arrêt total de l'épreuve...”

win : ils arrivent à soulever le bateau jusqu'à un endroit plus calme
so close : une ou deux chevilles se foulent
fail : tout se passe bien jusqu'à une prochaine falaise, il va falloir vite remonter à bord

Kane s'affiche comme étant le yin du yang que compose Grace. Elle me plaît bien, cette dualité. De plus, si on se mettait à songer ondes, entre les différentes personnalités présentes sur le bateau de rafting, je pense qu'on a vraiment de quoi former un camaïeux exceptionnel.

La décision de déplacer le bateau de sorte à s'extirper de la nuées de rochers menaçantes est adoptée. Je m'extrais après le pompier du transport, subit tout comme lui un choc thermique aucunement agréable. “Mais c'est lourd, ces choses” « Y'en a qui peuvent peut-être rester à l'intérieur, » j'invite, dans l'ultime objectif de préserver au maximum la santé de chacun et ne voir personne se blesser dans cette action. Puis on a l'air de pouvoir bien gérer quand même avec plusieurs dizaines de kilos en moins et une prise plus ou moins solide sur le sol. « Ca fait du bien l’eau fraîche. » « Revigorant, » j'optimise. « C'est bon pour la circulation sanguine. On vous a dit qu'on avait eu le droit à un bain de boue ? » Parlons de ce que ROA fait pour nous.

« Baby I've got the feels yeah... » Kane débute du Ed Sheeran. Si on gagne ROA, j'investis dans un jukebox, c'est décidé, et j'y intègre toutes les chansons qui m'ont marqué dans la compétition. “Bon allez ! On attrape tous une cordelette et à trois, on soulève.” Docile, j'obéis. “Attention à vos pieds, quand même, si on se tord une cheville on est bons pour l'arrêt total de l'épreuve...” “Je propose qu'on donne un coup de collier pour essayer de passer cette zone de rochers. Ça a l'air plus calme, après,” branle-bas le combat pour atteindre la destination ambitionnée, mais ils y parviennent. Essoufflé, je repose le bateau contre l'eau, mon biceps menaçant d'exploser. “Bien joué ! On remonte un à un ?” Je propose, tenant solidement la cordelette. Ce serait quand même dommage que le bateau se fasse la malle en laissant certains d'entre nous sur le carreaux. D'ailleurs, je commence à me soucier de la prouesse que devra réaliser le dernier candidat pour reprendre place dans l'embarcation...

Il n'y a rien qu'il se passe comme prévu et même si Kieran en a l'habitude, il continue à être surpris. Dans sa tête, l'épreuve aurait dû être aisée : cinq dans le bateau, un bon rythme et une descente rapide et couronnée de succès. Dans les faits, c'est autre chose et le simple fait de parvenir à déplacer le bateau de plus de quelques centimètres semble déjà relever du miracle ; le temps passe, mais ils ne s'éloignent pas beaucoup du point de départ. Il a bien compris que le but était que le bateau soit emporté par le courant, mais comment faire lorsqu'ils n'arrivent déjà pas à atteindre une zone où le courant serait suffisamment important pour les emmener à destination ? C'est même tout l'inverse qui se produit et leur engin de fortune semble avoir une certaine préférence pour les rochers. Et pour ne rien arranger, comme si l'épreuve n'était déjà pas suffisamment compliquée comme cela, c'est bien Grace qui vient en rajouter une couche en s'apprêtant à raconter l'histoire du pauvre type qui a perdu la vie dans la même situation qu'eux. Est-ce vraiment le moment ? La réponse est évidente, pour autant Kieran ne peut s'empêcher de se montrer curieux (et probablement qu'il ne devrait pas). La réponse de la jeune femme ne lui apporte guère de satisfaction (comme s'il était supposé se souvenir de tous les articles qu'il lit), mais en vue du regard désapprobateur d'Elias, il préfère rester silencieux et ne pas poser plus de questions, même si celles-ci sont nombreuses à vouloir franchir le seuil de ses lèvres. Il acquiesce à la proposition de porter le bateau, c'est celle qui lui semble la plus logique compte tenu de la situation. « D'accord. » Il confirme en s'extirpant de l'engin, grimace et poussant un léger cri d'effroi une fois dans l'eau fraiche. Il n'est pas aussi optimiste que Kane, mais il se tait et se concentre sur son rôle de porteur, guidé par les indications de Grace et Isaac. À trois, il soulève le radeau, à quatre il laisse glisser son regard par terre, conscient que la question des chevilles blessées s'applique surtout à lui. « Vaut mieux aller doucement pour pas se blesser, on rattrapera notre retard après. » Il ajoute, façon de faire comprendre qu'il est désolé s'il est lent, mais il préfère ne pas se brusquer et risquer la blessure qui lui pend de toute façon au nez dès qu'il aligne plus de deux pas. « Oui, je pense qu'on peut essayer... » Il précise par la suite en jetant un coup d'oeil à Isaac, pour autant il ne se sacrifie pas pour être le premier, la peur d'être à l'origine d'une impulsion qui ferait repartir le bateau sans les autres l'empêchant de prendre cette initiative.

win : cette fois, c'est la bonne, ils remontent tous dans le bateau et sont sur le départ (le vrai, cette fois).
so close : toujours plus de secousses et quelques mises à l'eau avant de réussir à se réinstaller sur le bateau.
fail : le bateau s'emballe avant qu'ils n'aient tous pu remonter dessus, tels des enfants sur l'autoroute, un ou deux sont oubliés derrière.

“Bon allez ! On attrape tous une cordelette et à trois, on soulève.” « D'accord. » J’hoche la tête de nouveau et m’active pour me mettre dans la position adéquat pour se faire. J’aime beaucoup que Grace, la seule femme de toute l’embarcation soit celle qui tire les ficelles, qui prend les décisions. Bonnes ou mauvaises. Mais il faut dire qu’on l’écoute parce qu’elle a un avantage sur nous, elle observe mieux tout ce qu’il se passe puisqu’elle n’a pas besoin de s’occuper de diriger le radeau. Tout comme Isaac, j’aurai bien proposé que Grace reste dedans pendant qu’on pousse mais puisqu’il faut maintenant soulevé, c’est mieux que ce ne soit pas le cas. “Attention à vos pieds, quand même, si on se tord une cheville on est bons pour l'arrêt total de l’épreuve...” « Vaut mieux aller doucement pour pas se blesser, on rattrapera notre retard après. » J’hoche de nouveau la tête. Je faisais déjà attention sans m’en rendre compte mais comme l’environnement est complètement inconnu, on peut s’attendre à tout et cela n’importe quand. Un trou pendant qu’on marche même s’il n’y a pas d’eau. Un animal marin aussi. On sait pas. Y’a quoi comme bestioles qui vit dans ces eaux ? “Je propose qu'on donne un coup de collier pour essayer de passer cette zone de rochers. Ça a l'air plus calme, après,” Avec les autres, on. suit Isaac dans toute sa manip. On s’en sort pas mal.

“Bien joué ! ”
« Bien joué ! »
“On remonte un à un ?”
« Oui, je pense qu'on peut essayer... »

J’hoche la tête, maintenant que l’eau est plus à même à nous aider que nous ralentir. Il faut vite repartir. On galère un peu, ça bouge. Je monte le premier même si ça veut dire peut être être le seul dans le bateau à la prochaine falaise non prévu. Comme si on prévoyait les falaises. Je galère doucement à remonter, finissant à l’eau une fois mais pas deux. J’ai bien vu où ça glissait, où ça n’était pas facile de s’accrocher. Je monte à la force de mes bras - que j’ai à revendre merci le travail et le sport que je fais. C’est naturellement que je me penche vers Grace et Kieran pour les aider à remonter pensant qu’ils en auront peut être - sûrement - besoin.« Take my hand tonight, let’s not think about tomorrow. Take my hand tonight, we can find some place to go. » Que je rajoute par automatisme. Une chanson de Simple Plan que je connais sur le bout des doigts. Je ne sais pas fonctionner sans musique. Elles me viennent tout seul sans crier garde.

Chacun serrant solidement la cordelette du bateau de rafting, il est désormais envisagé de déplacer l'engin détestable de l'autre côté de la zone excessivement rocheuse. « Vaut mieux aller doucement pour pas se blesser, on rattrapera notre retard après. » « Oui, absolument. Soyez prudents. Pas de blessure, » Ça sonne comme un énième vœu pieu formulé à l'attention de l'entité veillant sur les candidats de Race of Australia. Je me demandais encore comment personne n'avait été sévèrement blessé au cours de cette aventure, mis à part Eve qui avait tout de même bien trinqué en première semaine. La pauvre malheureuse avait-elle pris pour tout le monde ce jour-là ?

J'émets la proposition de donner un dernier coup de collier afin de traverser les quelques mètres d'eau peu profonde et comblée d'obstacles pour notre embarcation. La manœuvre n'est pas des plus aisées, mais à force de communication et de volonté, une nouvelle fois, nous accomplissons notre objectif. Les félicitations et ravissements s'en suivent, avant que la prochaine épreuve ne se dessine : celle de reprendre place dans le bateau de rafting, en dépit du courant intense. Je tiens solidement la cordelette, m'évertuant à stabiliser au mieux le moyen de transport afin que mes coéquipiers s'y installent. « Take my hand tonight, let’s not think about tomorrow. Take my hand tonight, we can find some place to go. » anime Kane à mesure qu'il aide Grace et Kieran à le rejoindre dans l'embarcation. J'échange un regard avec Elias, encore à mes côtés dans l'eau à se faire fouetter les cuisses par les vagues. « Vas-y, monte. J'vais sauter. » Ça sonne tellement bien comme idée, n'est-ce pas ? Mais seul, je ne saurais pas retenir le poids du bateau contre l'attraction du courant, déjà qu'avec Elias, on galère bien. Puis, je soupçonne que ma chute en chameau m'ait arraché quelques facultés de jugement.

dé win : dans la tête d'isaac, il effectue un vol majestueux vers le bateau. en réalité, il s'écrase comme une masse à l'intérieur de celui-ci, mais il est sain et sauf dans l'embarcation.
dé so close : le corps d'isaac rebondit mollement sur un rondin. comme dans un mauvais ralenti de film, il demeure en suspens sur celui-ci, à mi-chemin entre l'intérieur du bateau et la chute dans l'eau.
dé fail : isaac ne parvient pas à sauter, sa main s'accroche désespérément à la cordelette et il suit lamentablement le bateau comme il peut (aka comme la force du courant le traîne).

“Je propose qu'on donne un coup de collier pour essayer de passer cette zone de rochers. Ça a l'air plus calme, après,” suggère Isaac, toujours maître de lui-même et de toute situation. Lui, par contre, il semble avoir bien intégré le concept de perte de contrôle, au point où il a géré les dernières semaines de façon absolument admirable. Tel un maître Zen, le jeune homme acceptait les situations les plus galériennes avec un pragmatisme enviable et les pires ennuis lui passaient au-dessus. C'était ce côté calme et maîtrisé qui inspirait toujours Grace à en faire autant, elle qui avait besoin de son leadership à tout prix – c'était aussi, et surtout, ça qui l'avait aidée à arriver à bout de la cinquième semaine sans se laisser démonter, et ce malgré ses handicaps incroyablement prégnants pendant le parcours du combattant. Il semble paré à tout, Isaac, toujours complètement apte à faire face à toute situation aussi dramatique soit-elle. Rien n'a l'air grave à ses côtés, et avec Grace en guise de casse-cou officielle, l'équipe avait jusque-là fait la paire dans les situations périlleuses.

Cette fois pourtant, Grace est contrainte et forcée de revenir dans l'embarcation la première après avoir porté pendant quelques centaines de mètres le bateau matelassé – elle ne sera d'aucune utilité à réactiver la marcher, avec sa jambe qui traîne, et elle risque davantage de retarder voire de faire foirer l'opération en restant à l'extérieur. Elle monte sans un mot, à l'image de Kieran, à qui elle adresse un sourire réconfortant, style t'inquiète, c'est des pros, ils ont fait ça toute leur vie, alors que personne ne savait exactement ce qu'il faisait. Kane, de son côté, soucieux de détendre l'atmosphère, se remet à chanter et la jeune femme l'accompagne, faute de mieux, massacrant les paroles qu'elle ne connaît pas suffisamment. Enfin, Isaac se propose de monter en dernier, et prend son élan malgré l'eau jusqu'aux mi-mollets – tout le monde lui fait entièrement confiance, jusqu'à ce qu'il s'écrase mollement sur un bors du bateau et se retrouve en travers entre deux mondes, pas complètement sorti d'affaire, ni dans un sens ni dans l'autre. “Merde ! Isy ! Monte vite ! Falaise, falaise !” qu'elle crie, soudain inquiète que ladite falaise n'arrive trop vite. Celle-ci ne fait peut-être qu'un demi-mètre, mais l'urgence est toujours présente dans son ton alors qu'elle passe au dessus de Kieran pour tendre sa main au jeune homme : “Vas-y, monte !” Et ce n'est pas dit que le poids de trois corps ne fasse pas complètement basculer le matelas dans la chute, mais elle ne prendra pas le risque d'abandonner Isy au milieu de nulle part.

J’aide tout ceux qui ont besoin à monter. Je sais d’avance que ce soir je vais dormir comme un bébé vu tous ces efforts physique mais aussi mental. J’essaie d’adoucir tout ça avec les chansons aléatoires qui me viennent en tête que j’ai visiblement envie de partager à chaque fois. Je chante plus pour moi que pour eux. Sauf le coup de prend ma main, j’avoue. Je suis en train de tourner l’épreuve en comédie musicale. Si on est assez épique et mythique, peut être que dans quelques années y’aura une version de notre exploit à Sydney sur les planches par un vrai cast. Je serai pas contre jouer mon propre rôle. Je pense avoir les capacités. Grace aussi. En tout cas elle a la motivation puisque depuis tout à l’heure on se suit sur les chansons. J’aime. Je sais que Isaac en est capable aussi. Souvenirs lointains de nos gardes d’ambulanciers ensemble. « Vas-y, monte. J'vais sauter. » Ah. Il me sort de mes pensées avec sa phrase. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée mais ok. Ca n’en rendra le tout que plus mémorable qu’il y arrive ou pas. Les fails on s’en souvient bien. Les so close aussi. C’est ce qui se passe, c’est super mitigé le résultat.

“Merde ! Isy ! Monte vite ! Falaise, falaise !”
« Falaise ???? »

Je me déplace vite pour aider Isaac à venir du bon côté afin qu’on se retrouve enfin tous à l’intérieur avant d’affronter la dite falaise ?? Je regarde et y’a effectivement un dénivelé non négligeable.  “Vas-y, monte !” Je vais le tirer par son gilet de sauvetage pour l’aider même si j’ai plutôt l’impression de le traiter comme un sac de patate. On a rien vu. On est dedans, c’est ce qui compte.

« Accrochez vous !!! » Parce qu’on avance sans pagayer. Y’a du courant, y’a du fond, y’a le demi mètre qu’on va descendre d’un coup d’un seul. Je suis quand même bien content que la première falaise soit un baby falaise. Est-ce que je devrais avoir plus peur d’elle que ce qu’elle parait ? Je ne sais pas, la réponse va arriver alors que ça y est… le bout du bateau est dans le vide… et ça penche… Je me tiens fort au bateau, coinçant ma rame aussi parce que si elle se barre au passage, on aura rien gagné pour la suite.

Win : Un beau petit saut qu'on a tous géré sans le vouloir
So Close : Une rame qui est pas loin de quitter le bateau!!
Fail : Y'a quelqu'un qui glisse complet dans le bateau et qui se fait mal avec une rame

Grace dirige, les autres rament, il observe et tente de ne pas tout faire échouer ; la dynamique qui s'est installée entre eux fonctionne plutôt bien, à l'inverse du bateau qui ne semble pas vouloir leur faire de cadeau. Les voilà désormais débarqués, n'ayant d'autres choix que de soulever leur radeau de fortune pour tenter de le remettre sur le bon chemin et (d'enfin) parvenir à se lancer dans cette descente. Il a l'impression qu'ils sont ici depuis des heures, pourtant le peu d'avancée lui fait réaliser que tout ceci ne fait que commencer et Kieran n'est pas prêt pour tout ce qui l'attend, c'est une certitude. Il fait de son mieux malgré qu'il soit un novice dans le domaine, écoutant et obéissant aux ordres donnés par-ci, par-là, sortant ainsi du bateau pour aider à soulever celui-ci. Ils vont doucement, de toute évidence leur retard pourra être rattrapé une fois qu'ils seront bien lancés dans l'eau et sans surprise, la proposition de Grace fonctionne à merveille. Glissant à plusieurs reprises dans l'eau, il finit par s'affaler à moitié sur Kane lorsque celui-ci lui donne un coup de main pour remonter dans le bateau, s'excusant à de nombreuses reprises avant de reprendre sa place et de rester immobile - il voudrait aider, il jure, mais il n'est pas certain qu'être l'appui d'Isaac (le dernier à devoir remonter) soit une bonne idée. Et c'est rassurant, dans un sens, de constater que même sans coup de pouce de sa part, les choses tournent mal alors que l'infirmier se retrouve dans une bien mauvaise posture. « Isaaa... » Il s'apprête à s’inquiéter, mais il n'a pas le temps de finir sa supplication qu'une Grace volante le fait basculer et le réduit au silence, trop accaparée par le fait de sauver son binôme (ce qui est parfaitement compréhensible, ceci dit). Cela fonctionne, même si Kieran s'est basiquement mangé deux candidats sur son frêle corps et qu'il a eu la nette impression d'être un tapis alors qu'il tente de se rasseoir après avoir été écrasé de la sorte, mais il voit cela aussi comme sa participation ; alors il affiche un sourire à Isaac maintenant parmi eux. Il s'accroche au bateau alors que la falaise est annoncée et que son cœur se serre ; cette fois ils vont plonger dans le vide. En tout cas, c'est l'idée. « LA RAME ! » Il hurle alors qu'il se penche pour tenter d'attraper cette rame déjà presque laissée derrière eux, y parvenant, mais à quel prix ?