Il s’était sacrément emmêlé les pieds dans la corde qui servait pour tendre la corde, Ezra. Il ne s’était même pas aperçu qu’il en était si proche jusqu’au moment où il perdit l’équilibre. Il n’y était pour rien, pour de vrai. Il s’était simplement retrouvé nez à nez avec un animal qui, à ses yeux, était le plus vilain d’entre tous. L’araignée en question elle, n’avait pas bronché et surtout n’avait même pas pris la peine de changer de direction. Les pas d’Ezra avaient pris un virage dangereux de leur côté, et son corps vint percuter la toile de la tente de plein fouet. Tous ses os se mirent à lui faire mal directement, sans crier gare. Et les personnes présentes désormais sous son poids ne mirent pas longtemps à se manifester de leur côté. Des cris se firent entendre, des mots plus que pas polis également, alors que les coups commençaient à pleuvoir sous Ezra. Le jeune homme se faisait martyriser pour quelque-chose dont il n’était pas réellement responsable. « AH ! AH ! » Il venait couiner à chaque fois que quelqu’un venait le frapper… et sur ce dernier coup, celui qui fut véritablement bien placé, il ne sut quel mot employer cependant. Même, le souffle ne lui vint plus, et son corps dut comprendre qu'il était temps de changer de place car il vint tomber à côté de la tente. Là où, l’instant d’avant, une araignée des plus hideuses se tenait fière - mais la douleur était tellement intense que le Beauregard n’avait plus le temps ni la présence de venir vérifier le sol. Ses deux mains venaient servir à appuyer sur son entrejambe qui semblait bien en peine, et qui le lançait des impulsions dans tous les nerfs de son corps. Comment était-ce possible qu’une chose si simple puisse autant souffrir ? Finalement, l’un des occupants de la tente vint s’accroupir à ses côtés, alors qu’il tentait de respirer comme un petit chien pour faire passer la douleur. Ses joues avaient viré à une couleur à mi-chemin entre la tomate et l’aubergine. L’autre homme vint s’excuser et lui demander si tout allait bien. Il aurait bien répondu TU CROIS QUOI mais il n’avait pas l’air pour se le permettre alors il vint simplement hocher la tête, le temps de pouvoir formuler quelque-chose de concret. Quelques respirations supplémentaires et il put enfin prendre la parole avant que les deux autres personnes qui les avaient rejoint ne daignent faire quelque-chose. « Pas le médecin, ça va aller. » Sa voix partait un brin davantage dans les aigus. « Le temps que je respire un coup, t’inquiètes. » Et que je ramasse ma virilité, il aurait pu rajouter, mais le souffle était toujours trop court. Alors, il se contenta de répondre par petite phrases, par petits bouts. « Me suis pris les pieds. » Inspire, Ezra. « Dans la corde. »

La rivière, c'est ça son Graal. Quand il entend les autres se gueuler dessus à gorge déployée il bifurque le plus volontairement du monde du campement pour aller vers le courant. La tente est dans un piteux état, y'a des coups et des claques qui se donnent, des nouveaux qui sont parmi eux - ou du moins un nouveau - et lui, il sifflote. Dénote le feu ou du moins les vestiges de ce qu'il en reste, se dit qu'y faire griller du pain sur la braise serait une excellente idée.

Le pain est loin, dans sa tête, quand plus il avance dans la clairière entourant les lieux que les vagues et autres flots attirent son attention. Il est pas pudique pour deux sous Jack, bien sûr qu'il en a rien à battre qu'on le voit à poil maintenant ou jamais vraiment. Les caméras sont certainement occupées à filmer la (les) scène de ménage au campement, il esquisse même un sourire compatissant à personne mais à surtout tout le monde. Si loin dans l'aventure et si proche du but, ça sert à rien de se tirer les cheveux ni même de se hurler à la tête les uns les autres. Ils allaient gagner, il en est persuadé, le sent jusque dans ses vieux os.

L'eau est bonne, putain qu'elle fait du bien. Il s'immerge au grand complet, de la tête aux orteils, profite des ondées glacées qui réveillent ses sens et nettoient sa peau. Ses fringues laissées sur la rive prennent l'eau elles aussi et ça a rien pour le déranger quand il se dit que tout finira bien par sécher au soleil. La journée est parfaite et la baignade l'est encore plus. Y'a comme une couche de crasse qui part parmi les vagues, quand reste tout de même le goût de l'herbe sur ses lèvres, sur sa langue. C'était juste un joint et c'était juste une fois. Il recommencera pas qu'il se dit, concis. Vous savez aussi bien que moi qu'à la seconde où on lui met de nouveau une clope verte sous les yeux, il sera incapable de la refuser. À nouveau, encore, toujours.

Je n’avais pas prévu de hurler sur tout le monde. Comme personne n’avait prévu de se faire écraser dans son sommeil au petit matin par un étranger qui hurle et gesticule. En quelques secondes, tout s’enchaîne bien trop vite, Martin nous demande de ne plus nous agiter dans tous les sens et je crie aussi fort que lui. Je ne suis pas du matin et ce genre de réveil alors que la fatigue accumulée ces dernières semaines se fait de plus en plus ressentir. Well… Disons que le mélange est explosif et lorsque l’on réussi à enfin s’extirper de la toile, je vois rouge. Mes mots dépassent ma pensée et je vois sur le visage de Martin que ce n’était pas la bonne façon d’envisager les choses. Une grimace, mais pas le temps de m’excuser que déjà, il jette son pull à Ivy et s’éloigne pour aller à la rencontre de celui qui est venu nous réveiller en fanfare.

« Loan ? Tu peux demander à la prod' s'ils ont de la glace ? Ou appel l'équipe médicale. » Il m’adresse la parole, c’est déjà un début, non ? Je fais un signe à Parker qui venait de débarquer caméra au poing. « Je crois qu’on a un blessé. » que je souffle alors que déjà, il dégaine son téléphone pour faire passer le message. C’est en retournant vers Martin que je réalise que notre étranger est en réalité Ezra, un de ceux qui nous viendra en aide durant la semaine. Il souffle comme un bœuf, se tenant l’entrejambe. Réalisant que Martin l’avait frappé à ce niveau, je grimace de douleur. Le pauvre. « Rien de cassé ? » que je demande alors que déjà mon regard passe à mon ami. Ezra semble pouvoir survivre puisqu’il ne veut pas de médecin. « Désolé Martin… » Je baisse le regard, pas franchement fier de mon coup. Un petit sourire et je le laisse tranquille, il ne faut pas forcer.

Je cherche Kelly du regard et la trouve assise sur l’herbe, l’air complètement hagard. Je m’approche d’elle en douceur. « Tout va bien ? » Elle me lance un regard approximatif et je comprends, qu’il va falloir lui donner un peu de temps pour qu’elle puisse émerger. « Je vais vers la rivière. » J’ai la bouche pâteuse et le besoin de me jeter un peu d’eau sur le visage. Martin est encore vers Ezra. Ivy semble vouloir bouder même si je lui fais un signe de loin pour qu’elle me suive.

Je longe le chemin et me rapproche de l’eau fuyante. Arrivé sur le rivage, je trouve Jack qui barbote tranquillement. « Elle est bonne ? » que je demande en espérant ne pas l’effrayer.

J’aime pas qu’on me réveille, je déteste ça. Et là, tout était horrible. J’ai dormi dans une tente, presque sur le sol. J’étais sur un matelas gonflable avec Martin, et peut-être aussi Loan. Je ne l’avais pas vu cette nuit, mais mon état était déplorable. J’ai mal à la tête, j’ai froid, j’ai faim aussi et je me demande si la production nous a préparé un truc à grignoter. Je l’espère, parce que je suis assez méchante quand je suis fatiguée, et que j’ai faim. Je râle mais je suis Loan alors que j’ai les yeux qui viennent tout juste de s’ouvrir. J’aimerais me blottir dans mon lit pour dormir pendant des jours et des jours. Je ne me concentre pas sur ce type qui a l’air de souffrir, je l’ai déjà vu quelque part. “Oh ça va arrête de râler fallait faire attention à où tu mettais les pieds.” Et j’aurais pu dormir pendant quelques heures de plus.

Martin me lance son pull et je l’enfile. Je mets la capuche sur ma tête et croise les bras avant de m’asseoir. Je reste toute seule pendant que Loan s’excuse auprès de Martin et que l’inconnu maladroit gémit de douleur. Il peut pas la fermer ? J’ai bien assez mal à la tête comme ça. Et Loan bouge, Kelly a l’air d’être encore dans un autre monde. Cette beuh était vraiment forte, et je sais que le caméraman en a encore quelques uns sur lui. Je vais les récupérer et les fais glisser dans la poche du sweat à capuche. Il fait encore nuit, sérieusement il était obligé de tomber sur la tente aussi tôt ? Je regarde autour de moi et Loan me fait signe de le rejoindre. Martin a l’air occupé à soigner le type alors je bouge, au moins là-bas je l’entendrai plus.

Jack est dans l’eau, et qui ça étonne qu’il ait l’air aussi heureux alors qu’il est bien trop tôt. “Mais t’es complètement taré.” Je grogne et me renferme un peu plus dans le pull. “L’eau doit être glacée.”

« Elle est bonne ? »
“Mais t’es complètement taré.”
“L’eau doit être glacée.”

L'accalmie fût de courte durée quand il redresse sa silhouette perdue à travers les flots, qu'il se détourne au passage. Loan vient d'aboutir sur le côte, Ivy n'est pas très loin, chacun y va de son pronostics et lui, il vit sa meilleure vie. Il en a rien à faire d'avoir un public quand même lui a oublié que ses fringues sont laissées lâches sur la rive, qu'il est aussi nu que les vers qui ont dû manger les restes de leur lunch de fortune cette nuit près du feu qui crépitait encore quand il est passé devant.

« Oui. » elle est bonne.
« Oui. » il est taré.
« Et oui. » elle est glacée.

Le reste, ça leur appartient. Qu'ils viennent ou qu'ils ne viennent pas, jamais Jack insistera. Quand il retrouve pour l'instant une bribe de son adolescence, même de son enfance limite. Attrapant volontairement la tasse (contrairement à la veille, les rapides et le rafting nous saluent), la crachant tout sourire vers eux. Jamais il n'arrivera à les atteindre mais ça le fait rire comme le con qu'il est en permanence, le taré comme l'a si bien souligné avec vigueur et condescendance Ivy.

Et le jour, il tarde à se lever. On en voit déjà quelques bribes à travers les arbres, à travers les branches qui se laissent guider par la brise australienne de bon matin. Mais le soleil en lui-même est encore loin, n'est devant eux que l'aube et encore, à peine pointe-elle dans la pénombre. Ce n'est pas plus pour rire qu'il se détourne de nouveau Jack, laissant ses prunelles bleutées parcourir la rivière et par-delà l'orée des bois. C'est qu'il est désormais à la recherche du meilleur angle, du meilleur endroit, du meilleur repère pour - « Le lever du soleil sera impeccable, vu d'ici. » ah, le voilà.

Je m'en veux d'avoir gueuler sur Loan et Ivy dès le réveil, mais qui peut m'en blâmer ? Mon meilleur ami apparemment, alors qu'il aurait tout autant -sinon plus- paniqué. Alors certes, il s'excuse assez rapidement et mes ressentiments commencent déjà a s'évaporer, mais je l'aurais encore en travers de la gorge pendant quelques minutes. Ou secondes ? Je n'en sais trop rien. Tout ce que je sais c'est que m'inquiéter pour notre coéquipier Ezra m'occupe l'esprit. Je ne répond au ton désolé de mon meilleur qu'avec un hochement de tête puis me concentre sur le jeune homme qui semble vraiment souffrir. En attendant que Parker revienne avec une poche de glace, Loan et Ivy sont déjà partie vers la rivière dans laquelle se prélasse sans doute Jack.

 « Tien» dis-je en déposant la glace devant Ezra  «ça devrait te soulager » je lui tapote l'épaule  «on va aller voir le lever de soleil, rejoins nous y dès que tu te sentiras capable de te lever et marcher » je me redresse  «Et désolé encore, vraiment » m'excusais-je à nouveau avant de me lever et me diriger vers la rivière.

Je m'immobilise toutefois rapidement en passant à côté d'une Kelly qui est toujours assise là, le regard dans le vide.  « Kelly ? Ça va ?» demandais-je en m'accroupissant à côté d'elle, posant une main sur son épaule. Je ne sais pas ce qui s'est passé hier, mais je en crois pas qu'il n'y ait eu que de l'eau en jeu. Alors, me levant, je retourne vers la tente, fouille un peu à l'intérieur de mon sac et en sort un plaid ainsi qu'une bouteille d'eau que je met dans les mains de la sommelière  «vas-y bois, ça te fera du bien  » assurais-je et souris lorsqu'elle ne se le fais pas dire deux fois.  « Allez vient, faut t'activer maintenant aussi» j'attrape son bras, le place autour de mes épaules puis passe mon autre bras autour de sa taille et me redresse avec elle.  « Oui oui je sais, c'est un effort surhumain que tu fais là» souriais-je en l'entendant grommelé quelque chose d'inaudible.  « Mais tu vas voir, tu ne seras pas déçue du résultat»

Et je me met lentement en route, m'adaptant à son rythme et la tenant fermement pour assurer son équilibre qui est quand même un peu précaire. L'espace d'un instant je me demande comment elle compte continuer la course, mais je me dis qu'elle en sera sans doute facilement capable. Elle nous prouvé à plus d'une reprise la veille qu'elle avait beaucoup de ressource. Et puis ce n'est pas pour rien qu'elle est arrivé en finale, non.

Après avoir rejoint les autres, je m'avance vers Ivy et Loan, installés à même le sol, et lui indique silencieusement de prendre ma place. Une fois Kelly bien calée contre  mon meilleur ami, je dépose le plaid sur ses épaules et offre un sourire à Loan, lui ébouriffant les cheveux avant de passer de l'autre côté pour m'asseoir entre lui et Ivy.

 «Merci » dis-je finalement après quelques instants de silence  « De nous avoir permis de revenir en course» je me tourne vers Loan et Kelly  «quoiqu'il arrive, vous êtes les gagnants de mon coeur » et je souris sous la niaiserie de mes paroles qui ne sont qu'une grosse guimauve informe. Mais je n'en pense pas moins.  « Et merci à tous pour la journée de hier»

Il fait encore bien trop sombre. Ce n’est vraiment pas une heure pour se lever ou être réveillée par qui que ce soit. “Qu’est ce que tu fais déjà debout ?” Je fronce les sourcils en regardant Jack qui a l’air d’être dans l’eau depuis quelque temps déjà. Le lever du soleil, pourquoi pas. On est tous réveillé de toute manière. Je m’assois au bord de l’eau, il est hors de question que j’aille me baigner alors que je commence tout juste à me réchauffer. La capuche est toujours sur ma tête et j’ai glissé les mains dans les poches du pull pour jouer avec les clopes vertes que je n’ai pas encore sorti. Les minutes passent et je regarde l’eau, ou le ciel qui s’éclaircit très lentement. Je remonte mes genoux sur ma poitrine pour passer le pull par dessus mes genoux et être entièrement au chaud. Je pourrais sûrement m’endormir comme ça si Martin ne faisait pas du bruit dans mon dos en ramenant Kelly.

Il s’assoit entre Loan et moi et je le laisse faire, ma tête qui se tourne vers lui. Il parle à Loan et déjà j’ai l’impression qu’il y a bien moins de tensions. “Si on gagne pas je détruis la production.” Oui j’écoute ce qu’ils racontent et je m’incruste dans la conversation sans y être invitée. Je les laisse discuter avant de récupérer l’attention de Martin. “Je suis épuisée.” Et lui va encore râler parce que je me plains trop. Mais il est certainement moins de 6 heures du matin, j’ai dormi dans une tente et on est au milieu de la forêt. J’ai totalement le droit de râler autant que je veux. “Je pense que je vais dormir pendant 3 jours en rentrant.” Parce que, oui, on va tous devoir rentrer et reprendre nos vies comme elles étaient avant. “On va faire quoi après tout ça ?” J’ai l’impression que c’est comme si le temps s'était arrêté. Et je pose la question à tout le monde en fixant le soleil qui commence doucement son chemin pour nous éclairer un peu plus après chaque minute.

On vient l’emmerder, Jack alors qu’il est en train de faire trempette. En pleine communion avec la nature, gêner de rien, il vit sa meilleure vie et cela me fait sourire. Je crois que je m’entendrais bien avec un homme comme lui, la tête dans les nuages, mais les pieds sur terre. Il est heureux d’un rien et tel un enfant s’amuse à répondre à chaque une de nos questions, avant de retourner barboter comme si rien ne pourrait jamais venir le déranger. Timidement, le ciel change de couleur et accompagne notre réveil. Il fait frais, la nuit a été courte, mais là, au milieu de nulle part avec ces personnes qui m’entourent, je me dis qu’il n’y a pas d’autre endroit où je rêverais d’être. Mes pensées se dirigent vers Clément. Il aurait aimé l’aventure, je n’en doute pas. Il adorerait cet endroit. Encore quelques jours et je pourrais le retrouver pour lui conter mes aventures et nos déboires. Grincheux, Dame Tuk-Tuk, les chameaux, les plats affreux, le rafting, Momo et son ukulélé. On en aura des choses à dire.

Derrière les autres s’approche petit à petit. Ivy qui ne cesse de renfermer ses bras autour de son corps frêle pour tenter de se réchauffer. Martin qui a abandonné Ezra pour venir au secours de Kelly qui ne semble toujours pas tant réveiller que cela. Mes pas me guident vers le rivage et je m’accroupis au bord de l’eau. Main tendue, je laisse le liquide glacé courir entre mes doigts. Il est courageux Jack. Je me contente de passer un peu d’eau sur mon visage, pour tenter d’émerger. Ça fouette le sang.

De retour au rivage, je m’installer près d’Ivy qui semble bouder encore un peu. Je lui mets un petit coup de coude, léger, pour lui sourire. J’espère lui tirer un tout petit rictus, malgré tout. Martin arrive avec une Kelly complètement fatiguée, ce qui risque d’être complexe pour notre prochaine étape. Je passe un bras autour de ses épaules et frotte doucement son dos. « Repose toi encore un peu. » On a le temps, on ne repart que vers le début d’après-midi, le soleil se lève à peine. Je lance un sourire à Martin alors qu’il défait encore mes cheveux déjà dans un sale état. Les tensions s’évaporent déjà. « Le lever du soleil sera impeccable, vu d'ici. » « On bouge plus. »

Et nous voilà, en rang d’oignon, Jack encore dans l’eau, le nez lever vers le ciel, à observer les couleurs changeantes. « Merci. De nous avoir permis de revenir en course. Quoiqu'il arrive, vous êtes les gagnants de mon cœur. » Oh. Je n’avais pas prévu de verser dans l’émotion dès le réveil. Avec la fatigue accumulée, je ne suis pas certain de pouvoir retenir les larmes. « Merci à vous. » Je regarde Martin, Ivy, puis Jack toujours à l’eau. « Vous avez été si cool. » Et le mot est si faible en réalité, mais à défaut de trouver mieux pour le moment. « Si on gagne pas je détruis la production. » J’éclate de rire face à la franchise d’Ivy. « On leur fera vivre un enfer. » que je souligne en fronçant le nez. Parker nous verra le hanté pour le reste de sa vie, on a beaucoup appris chez Dame Tuk-Tuk. Elle est fatiguée la blondinette, cela se voit sur ses traits et elle l’explique sans détour. « Ce sera amplement mérité. » On risque de dormir pendant une semaine avec Kelly. Ou plus. Le retour à la normale va être étrange. « On va faire quoi après tout ça ? » Je hausse les épaules, incertain de pouvoir donner une réponse. « Vous pensez que l’on se reverra ? » que je demande à la volée. Il y en a un qui ne quittera jamais ma vie dans ce groupe, mais les autres ?

Je ne pensais pas qu'après ce réveil en panique nous nous retrouvions tous là, face à une rivière sur laquelle se reflètent doucement et joyeusement les couleurs bleutées et rosées du levé de soleil. Je pensais encore moins que je serais à l'origine d'une séquence émotion. Et pourtant me voilà, là, assit à côté de mon meilleur ami et celle qui a été ma binôme pendant 4 longues semaines. Peut-être est-ce le calme de ce début de journée et l'énergie singulière de la forêt et de l'eau qui me donne envie de déverser un peu d'amour sur ce groupe que j'ai l'impression de connaître depuis des années ? Peu importe après tout car je le fais sans vraiment m'en rendre compte. Je remercie tout d'abord Loan et Kelly de nous avoir choisi pour participer à la finale avec eux, leur disant que dans tous les cas ils sont vainqueurs de mon cœur, avant de faire une déclaration de remerciement qui concernent tout le monde.

Jack, sa bonne humeur, son âme d'enfant et son ukulele.
Ivy, que j'ai appris à connaître et adoré et avec qui je partage une relation singulière.
Loan, qui m'a encore une fois prouvé sa loyauté et le fait que notre amitié est bien trop solide pour être brisé par quoique ce soit.
Kelly, que j'avais jugé bien trop rapidement et qui est une femme unique en son genre mais Ô combien adorable.

J'ai aussi une pensée pour River et Moon, me demandant ce qu'ils font et dans quelle contrée ils sont maintenant, pour la famille à qui j'ai gâché le dîné, pour les chameaux qui, je l'espère, sont heureux là où il sont. Pour Sienna et Gregory aussi sans que je ne sache pourquoi. Pour Coleen qui malheureusement n'a pas pu être des notres. Et le pauvre Ezra qui n'a rien demandé mais qui se retrouve dans une bien mauvaise posture par ma faute.

Je sens Ivy qui se rapproche de moi et passe mon bras autour de ses épaules pour qu'elle puisse blottir contre moi, alors que je pose mon regard sur Loan qui dit que nous avons été cool, éclate de rire lorsqu'Ivy dit que s'ils ne gagnent elle détruit la production et souris, attendrit quand mon meilleur ami souhaite savoir si on se reverra.  « Entre nous, la question ne se pose pas. Ça fait plus de 25 ans que t'es a moi et tu le resteras» je lui adresse un clin d'oeil complice avant de baisser le regard sur Ivy qui semble me demander silencieusement si on se reverra, elle et moi.

 « En ce qui concerne les autres» soupirais-je en reportant mon attention sur Jack qui se prélasse encore et toujours dans la rivière  «J'ai envie de dire oui » hochais-je la tête  «J'ai pas envie de vous dire au revoir une fois de retour à Brisbane donc ... » j'hausse les épaules et lance un coup d'oeil amusé vers ma coéquipière puis vers Kelly  «désolé les filles, mais je crois que vous avez pas finies d'entendre parler de moi » déclarais-je en pouffant de rire. Enfin, si elles veulent. Si elles ne veulent pas de moi, je ne m'imposerais pas. Mais je ne veux pas leur dire adieu à notre retour à Brisbane.

Je suis vraiment épuisée, la lumière du soleil m’aiderait à me réchauffer mais il tarde encore un peu à se montrer. J’ai envie de dormir alors je profite de la présence de Martin à côté de moi pour poser ma tête sur son épaule. Il m’aide un peu à me réchauffer en posant son bras sur mes épaules. “L’enfer c’est même pas assez.” Mes yeux tournent vers Loan qui a l’air de se prendre au jeu en riant. Il n’y a pas de tensions ce matin, pas d’engueulade. Au moins jusqu’à ce que le soleil soit au zénith.

Loan demande si on se reverra, et je n’en ai aucune idée. Je sais que je reverrai Jack, on a des plans, des dizaines, et je sais qu’il ne m’abandonnera pas et je ne le ferai pas non plus. C’est le seul que je suis sûre de revoir. Kelly me ressemble un peu, mais on ne peut pas dire qu’on a vraiment eu l’occasion d’apprendre à se connaitre après que j’ai remarqué qu’elle draguait bien trop Jack à mon goût. Loan est le meilleur ami de Martin, donc je suppose que si je continue à en voir un je vois l’autre aussi. Et je tourne la tête vers Martin, est ce que lui compte me revoir en rentrant à Brisbane alors qu’on a des vies bien différentes. On en a pas parlé, et je n’y ai pas vraiment réfléchi. “J’en sais rien, tout va être différent à Brisbane.” Je n’ai pas cette vie là, et je ne ressemble pas à ça quand je suis dans cette ville. Je suis sûre que Martin ne supporterait pas mon mode de vie. Mais les détails des explications de Martin me font sourire. “C’est toi qui vas regretter d’avoir dit un truc pareil.” Je hoche la tête en restant contre son épaule. Il a proposé un road trip et m’a abandonné au bord de la route. Qu’est ce qu’il compte faire à Brisbane si je le fais chier ? “Loan tu dois me montrer tes studios de danse je te rappelle.” Je me souviens de notre conversation.

« Tout va bien ?.. Je vais vers la rivière... »
Kelly grogna quelque chose, acquiesça vaguement, s’en fichait beaucoup. Étalée au sol, l’herbe marquant sa joue, la terre dans les cheveux, son matelas naturel n’était pas confortable mais elle ne parvenait pas à s’en défaire. Quand s’était-elle endormi ? « Kelly ? Ça va ? » Elle ouvrit difficilement un oeil, puis l’autre. Oh, Martin. “Ca va. Il est quelle heure ?” Sa voix grinçait comme une vieille porte mal huilée. Toutes ses articulations lui faisaient le même effet. Un joint ? Plus jamais.
Un coup d’oeil autour d’elle lui donnait la réponse dont elle avait besoin. Il était tout bonnement beaucoup trop tôt pour être réveillée dans ces conditions. Il lui semblait bien avoir entendu des cris. Ezra était là. « Vas-y bois, ça te fera du bien. » Une bouteille d’eau apparut dans ses mains, et des étoiles dans ses yeux, comme si on lui avait confié la fontaine de Jouvence. En quelques grandes gorgées, elle engloutit le tout et se sentit déjà un peu plus vive, comme arrachée de la mort. Délicatement, Martin aida la sommelière à se lever, puis il l’emmena auprès du reste du groupe. La tête de la sommelière s’égara sur l’épaule de Loan, ses yeux sur l’horizon.

«Quoiqu'il arrive, vous êtes les gagnants de mon coeur. » Il lui arrivait d’être adorable, Martin. Kelly faisait une moue à la fois amusée et touchée par sa confession. Et s’ils avaient hérité d’un groupe différent pour cette finale ? Dieu seul savait comment cela se serait déroulé. « Vous pensez que l’on se reverra ? » La question se posait. Lorsque la bulle ROA aurait éclaté et que chacun retournerait à sa vie d’avant, avec sa routine, ses obligations, auraient-ils l’envie et le temps de se recroiser ? Est-ce que la vie le leur permettrait ? “J’ai une idée.” fit Kelly, encore sonnée mais plus lucide. Phrase fétiche que Loan l’avait entendu dire au moins une fois par semaine, cela présageait généralement de bons instincts de la part de l’australienne. “Vous devriez tous venir à la maison pour la première.” Son chez elle était assez grand pour accueillir toute la petite équipe. Kelly recevait régulièrement, en bonne femme sociale, un brin mondaine, ayant soif de la présence de ses amis. Et elle en avait trouvé plein, ici.

Elle est calme, la nature. Elle l'est un peu moins quand les autres arrivent, mais il n'est pas là pour se plaindre Jack, il profite plutôt. “Qu’est ce que tu fais déjà debout ?” un haussement d'épaules, un sourire avec. Ce serait mentir de dire qu'il avait envie de se réveiller, mais entre rester à tuer son vieux dos sur un amas de feuilles, de roches et de terre humide ou avoir the time of his life dans un ruisseau naturel, l'équation était évidente et sa réponse l'était toute autant.

Ils parlent, ils refont le monde. Ils sont tous là aussi, quand il détourne la tête et les voit un par un, chacun pour qui ils sont. Quand des promesses sont faites autant avec des mots qu'avec des gestes, lui, il admire. Ce sont pour des moments comme ça qu'il ne regrette rien de rien Jack. Pas même le parfum d'herbe encore bien présent dans sa barbe de plusieurs jours.

« On va faire quoi après tout ça ? »
« Vous pensez que l’on se reverra ? »
« Vous voudriez? »
“J’ai une idée.”

L'enchaînement se fait le plus naturellement du monde. Il tente d'avoir pied, se retrouve d'instinct à finir par nager. Ses oreilles sont toutes ouïes et évidemment qu'il l'est lui aussi. “Vous devriez tous venir à la maison pour la première.” ils étaient tous des inconnus ou presque, au début. Il y a même à peine une poignée d'heures certains des visages autour de lui n'étaient que des prénoms ; maintenant ils sont pléthores d'anecdotes et de rires, d'aventures. Ils ont tous apporté un grain d'unique dans sa vie à Epstein, tous et chacun. « J'apporterai les meilleures mignonnettes que t'as jamais goûtées. » le cadeau d'hôte à Kelly qu'il dévoile sans tenir sa langue ni le moindre secret, tout sourire dans sa tenue d'Adam enfoui dans l'eau jusqu'au menton.

« Ça commence. » qu'il finira par ajouter, une minute, une heure après, il sait même pas. Le soleil se lève, il le voit déjà. Il voit aussi un peu mieux l'état du campement, entre les branches. « Qu'est-ce qui s'est passé avec la tente? »

C’est tout naturellement du monde que Kelly se blotti contre moi, pour laisser sa tête se poser sur mon épaule. J’ose à peine bouger, la laisse trouver la position la plus confortable avant de venir enrouler mon bras autour de ses épaules. On se retrouve tous là, au milieu de la clairière, à regarder le soleil se levé, à se remémorer les derniers événements passer. Tout semble si simple. L’instant est suspendu dans le temps. On oublie les caméras, la pression de la compétition. A juste devenir nous, une bande d’inconnue qui se sont soutenu dans les épreuves, qui auront un million d’anecdotes en commun à ramener dans leurs bagages.  

« Entre nous, la question ne se pose pas. Ça fait plus de 25 ans que t'es à moi et tu le resteras. » Mon visage se tourne vers Martin et je lui souris. C’est qu’il serait capable de me faire pleurer le con. Une main sur son épaule en signe de remerciant, je ne vais pas ouvrir la bouche, sinon ça va trembler et je vais bégayer.

« Vous voudriez? » Plus que tout.
« J’ai une idée. » Et dans un geste tout ce qu’il y a de plus synchrone, quatre têtes se tourne vers Kelly.
« Vous devriez tous venir à la maison pour la première. »
« J'apporterai les meilleures mignonnettes que t'as jamais goûtées. »
« On tient un deal. »

Ce ne sont pas des paroles en l’air. Je le sais, je le sens. Quelque chose c’est tisser entre nous, un lien qui ne s’explique pas, une rencontre que l’on n’oubliera pas, malgré la distance, malgré nos vies si différentes. Race of Australia a été bien plus qu’une simple aventure télévisée. Pour beaucoup d’entre nous ce fut l’occasion de bien des découvertes. Et même si, certains m’était encore inconnu avant de monter dans ce bateau, ce matin ils tiennent tous une place un peu spéciale dans ma mémoire.

Le soleil se lève timidement, chacun se perds dans ses pensées. « Qu'est-ce qui s'est passé avec la tente? » « Ezra a voulu nous étouffer. » que je plaisante alors que le fameux nous rejoins. Il a l’air un peu mieux quand il s’assoit aux côtés de Ivy. « Vous repartez ce soir ? » que je demande, un peu triste à l’idée de ne pas finir avec eux. Peut-être que la production nous fera la surprise sur la ligne d’arrivée ?

On est bien là, non ? Face à la rivière, face à Jack qui barbotte joyeusement, à côté des meilleurs coéquipiers de la course. La douceur de la situation, l'air frais et revigorant de cette mâtiné hivernale, les jolies couleurs dans le ciel, tout cela réveille en moi des sentiments assez puissants. Cette fois-ci c'est vraiment la fin. Et cette fois-ci la fin est presque belle. Car je sais que cette fois-ci nous avons tous tout donné, nous nous sommes débattu, nous nous sommes dépassé et malgré nos caractères diamétralement opposé nous avons réussi à nous entendre, à nous comprendre et à nous accepter, nous et nos erreurs, nous et défauts.

En ce qui me concerne personnellement, je suis fier de moi. Fier d'avoir réussi à me prouver que j'étais encore capable de faire ce que j'aimais faire, fier que ne me sois laisser abattre et que je me suis battu jusqu'au bout. Ce ne fut pas facile, il y a eu de nombreuses embûches et des moments où j'ai cru que tout allait s'arrêter pour moi, et pourtant je suis là, avec la personne que j'aime le plus au monde et ceux que j'ai apprit à connaître et à aimer.

Alors non, je ne veux pas que tout s'arrête. Je ne veux pas qu'aujourd'hui soit la dernière soirée que nous passons ensemble et je ne veux surtout pas perdre le contact avec toutes ces belles personnes. Même si Ivy et moi nous nous prendrons obligatoirement la tête, même si Kelly et moi auront sans doute besoin d'un peu de temps pour nous apprivoiser, que je risque de peut-être développer une once de jalousie envers Jack, qu'Ezra m'en voudra sûrement encore longtemps et que Loan reste Loan, je ne me vois pas tout abandonner en quittant Perth.

Et c'est alors que Kelly propose l'idée du siècle : le visionnage de la première tous ensemble chez elle. Loan scelle le deal et Jack promet d'apporter les meilleures mignardise du monde  « Je vous ramène le humus, mes meilleures salades de quinoa, le tofu et les algues alors» dis-je avec le plus grand des sérieux avant de laisser échapper un rire amusé  « je rigole » mais juste pour le tofu que je remplacerais par le Tempeh en fait  «Ce sera avec plaisir Kelly ! Merci de ta proposition »

Et Jack qui dit que ça commence. En parfaite synchronisation, nous nous tournons vers l'horizon où apparaît le soleil qui donne une jolie teinte orangé au ciel. Et c'est à ce moment là que Loan demande si nous repartons ce soir.  « Je ne repars pas avant d'avoir fêter votre victoire» assurais-je. Et je ferais des pieds et des mains pour rester à Perth jusqu'à l'annonce des résultats.

Je reste blotti dans ce pull qui risque rapidement de devenir le mien. Mon regard est attiré par les premières couleurs dans le ciel qui annonce l’arrivée des premiers rayons du soleil. Je soupire, je vais passer une longue journée, et j’espère que je pourrai faire une longue, très longue sieste quand Kelly et Loan seront repartis dans l’aventure. Ma tête est toujours posée contre Martin et j’attends que le soleil se lève en écoutant les autres discuter. Ca devient une séquence émotion que les caméras se feront une joie de passer à la télévision quand ce sera la fin de l’émission. Ils demandent si on va se revoir, et il faut dire que c’est une question que je me pose aussi. Et Kelly donne une idée, une bonne idée. “J’apporterai l’alcool.” On finira donc par se retrouver tous ensemble pour la première émission. Je sors une des cigarette verte de ma poche pour l’allumer, il faut bien que j’arrange un peu ce réveil. Je partage avec qui veut, et je regarde rapidement Jack du coin de l’oeil, pour savoir s’il est intéressé.

Les questions s’enchainent, et je regarde rapidement la tente quand Jack demande ce qu’il s’est passé. Loan me devance dans les explications. J’aurais été un peu plus violente dans l’explication mais je soupire et me cale de nouveau correctement. Il nous rejoint, et j’essaie vraiment de me souvenir de son prénom, mais impossible. Tant pis, je reste sans rien dire, mais l’inconnu a l’air de souffrir encore un peu. “J’aime cet état d’esprit.” Et je compte bien passer du temps à fêter leur victoire. Parce que c’est évident qu’ils vont arriver premier, je n’en doute pas une seconde. “T’as une idée en tête ?” De comment on pourrait fêter ça. Il a proposé l’idée donc c’est qu’il devrait avoir des plans. “Vous avez encore quelques jours à tenir avant de fêter ça.” Et tout le monde profite du ciel qui devient de plus en plus lumineux.