C’était bien parce qu’elle le lui demandait qu’il était encore là plutôt que de se servir de cette chute pour s’éclipser, mais surtout parce que passer du temps en compagnie de la brune serait toujours plus plaisant que retourner à ses dossiers. Non pas que passer des heures plongé dans ses dossiers le dérange, bien au contraire, mais il se saisissait de toutes les occasions de revoir la brune et de mettre peu à peu derrière eux les tensions qui s’étaient immiscées dans leur relation. “Il est probablement temps que je t’avoue que je n’avais pas le moins du monde l’intention de mettre les pieds ici, du moins avant que tu ne me suggères l’idée.” Son honnêteté était presque surprenante, et pourtant Clyde lui répondit d’un rire sec qui n’avait rien d’étonné. “Je sais.” Son sourire se fit plus amusé à son tour, alors qu’il jetait des coups d’œil régulier au sol qui lui paraissait toujours de plus en plus proche, même s’il avait réalisé l’exploit de ne pas retomber à nouveau. “J’suis désolé de t’apprendre que j’arrive encore à voir quand les idées sont pas les tiennes.” Et il avait suffit d’une seconde et d’une moue pensive sur le visage de la brune pour qu’il comprenne qu’elle ne comptait pas l’attirer sur la patinoire, mais qu’il venait lui-même de lui offrir l’idée sur un plateau d’argent.

Lorsque ses frissons se firent de plus en plus pressants sans qu’il ne les ait évoqués jusque là, il finit par se demander réellement si elle cachait bien son jeu, ou si elle était immunisée contre le froid glacial qui les entourait. Entre autres choses étonnantes concernant la brune, cela ne le surprendrait même pas tant que cela. “Pourquoi, tu me mettrais ta veste sur les épaules si c’était le cas?” Veste absolument hypothétique qui n’existait pas, raison pour laquelle il se saisit de la question tendancieuse pour prendre la tangente à son tour. “Si tu me le demandais. Quoi que, maintenant que je sais que tu m'as juste traîné ici pour te moquer...” Il y songerait bien évidemment à la seule vue des frissons de la jeune femme, mais l’hésitation serait présente quant à ce geste qui ne correspondait pas à ce dont ils étaient habitués. “Mais oui, j’ai froid. Parce que quelqu’un s’est dit que c’était une bonne idée de me faire tomber.” Clyde leva les mains en l’air pour se dédouaner de toute responsabilité, quand bien même la brune avait laissé échapper un rire plutôt qu’un ton de reproches. “Va dire ça au gamin là-bas” qu’il lâcha en pointant du doigt le même enfant qui continuait à slalommer et à embêter la moitié des personnes présentes sur la glace. “Faut bouger pour se réchauffer.” Il tenta alors de donner une impulsion supplémentaire sur ses patins et essayer de prendre un peu plus de vitesse, même si son équilibre précaire fut mis à rude épreuve avant qu’il ne se stabilise par miracle. Il aurait volontiers ajouté qu’il y avait d’autres moyens de se réchauffer, mais se tut avant que l’idée ne franchisse la barrière de ses lèvres, car supplier la brune pour son attention faisait partie des choses sur lesquelles il finissait par atteindre une certaine limite – question d’ego, avant tout.

“Je ne sais pas si je suis impressionnée ou déçue.” A en juger par sa moue, elle hésitait réellement entre les deux sensations, ce qui tira un sourire satisfait à Clyde. “Je prends les deux.” S’il pouvait éviter d’être celui qui se retrouvait dans la mauvaise position du début à la fin de cette excursion, il prenait même volontiers toutes les raisons susceptibles de redorer quelque peu son ego. “Et en sachant ça, pourquoi tu m'as suivie?” La version longue aurait tenu dans le fait qu’il mourrait d’envie de voir venir le jour où il n’aurait plus l’impression qu’une épée de Damoclès pesait au-dessus de leur relation, et qu’il attendait avec impatience des mots de la brune lui faisant comprendre qu’elle ne lui tenait plus rigueur pour ses erreurs passées. Néanmoins, il opta pour la version courte qui n’en demeurait pas moins vraie, quand bien même il laissait à nouveau planer un certain doute sur ses réelles pensées - que son sourire en coin trahissait pourtant en partie. “Si je dois être honnête à mon tour, j’espérais te voir terminer par terre aussi.” Et c’était fait. Clyde lui offrit un sourire ravi avant de continuer à la suivre tandis qu’elle prenait un malin plaisir à le titiller, allant même jusqu’à le pousser légèrement. Il était bien moins à l’aise qu’elle sur la glace - vérité qui n’était plus à établir - et il se sentit tanguer dangereusement, ne pouvant retenir un regard méfiant en sa direction. “On a que ce que l’on mérite, Wakefield.” Si l’idée qu’Halsey se faisait de sa vengeance tenait désormais dans le fait de se moquer de lui sur des patins, il pouvait s’y faire - et même régler le problème en ne remontant jamais sur des patins, chose qu’il s’était déjà promise à l’instant où il avait posé le premier pied sur la glace. “Oui, parce qu’on sait tous les deux que c’est lui qui m’a fait tomber.” Le brun hocha les épaules comme s’il n’avait pas d’opinion sur le sujet et se contentait de prendre pour acquis ce qu’il avait vu - un gamin leur fonçant dessus à plusieurs reprises. La jeune femme n’était pas dupe mais elle devait bien admettre que cela aurait été étonnant qu’il ne tente pas de la mettre en difficulté à son tour, pour ne pas passer pour le seul incapable au milieu de la patinoire - ou simplement pour la sentir contre lui quelques instants. Incapable ou pas, il n’en demeurait pas moins qu’il commençait à avoir réellement froid, et que si Halsey n’était pas décidée à le prendre dans ses bras pour remédier à cette situation - ce qui aurait pourtant été bien plus pratique - il fallait qu’ils patinent au lieu de rester sur place. “Alors bouge.” Il commença à avancer doucement alors qu’elle lâchait son bras pour s’élancer. Durant un instant, son regard la suivit tandis qu’elle prenait de la vitesse sur la glace - et la seconde d’après, il se vautrait à nouveau par terre en réalisant qu’arrêter de regarder où il allait était sans doute la pire chose à faire étant donné son piètre niveau de maîtrise. Il lâcha un râle d’agacement avant de tenter de se relever - au point où il en était, il n’avait même pas besoin de se dépêcher, car Halsey ne serait même plus étonnée de le voir par terre. Alors qu’il commençait enfin à se redresser, il la vit revenir vers lui rapidement, se préparant déjà à se prendre une nouvelle salve de moqueries non dissimulées.

forcer le destin:

“Et tu as réussi, en trichant. Je n’aurais jamais pensé ça de toi, Wakefield.” Evidemment, qu’il sembla lui répondre d’un sourire contrit où l’ironie ne laissait aucun doute. Si la tricherie ne faisait pas partie des bases de leurs vies mutuelles, ils ne se seraient peut-être jamais rencontrés, et n’auraient définitivement pas passé la dernière dizaine d’années à former le duo qu’ils étaient encore aujourd’hui. Surtout, Clyde ne serait pas indéniablement attiré par la jeune femme, dont les mensonges à répétition, les mystères et les moqueries avaient eu le don de le séduire au fil du temps, envers et contre toute raison.

Quand bien même il savait qu’elle n’était fâchée en rien, il la regarda se détacher de lui pour faire quelques tours de piste alors que lui se retrouvait encore bien plus mal que lorsqu’il avait le soutien de la main d’Halsey. Une fois de plus, il finit par terre en grinçant des dents alors qu’elle revenait vers lui à bonne vitesse, suffisamment rapidement pour qu’il finisse par écarquiller les yeux en réalisant qu’elle arrivait trop vite. Plutôt de lui foncer dessus, elle vint déraper et s’accrocher au bord alors qu’il espérait secrètement qu’elle viendrait manger la glace - par sa faute, cette fois. Il n’en fut rien, alors qu’elle se stabilisait pour l’observer désormais, lui, toujours assis par terre. “J’ai eu chaud.” “Très.” Il ne put s’empêcher de lâcher un rire signifiant très clairement qu’il aurait même espéré une fin bien différente à cette histoire. “Tu veux qu’on s’en aille?” “Je veux me relever, déjà.” Et accessoirement ne pas finir par terre une troisième fois, alors qu’il retrouvait enfin un équilibre suffisant pour venir agripper le bord à son tour. Ce fut le geste qui le sauva, lorsqu’il aperçut bien trop tard le gosse - terrible, à ce point-là - qui leur fonçait dessus après avoir perdu le contrôle de ses patins à son tour. Avant qu’il n’ait pu faire quoi que ce soit, il termina dans les jambes d’Halsey qui avait eu le malheur de lâcher la rambarde et qui s’effondra donc sur la glace. Plutôt que d’attraper le gamin par la peau du col, il pencha vers la jeune femme d’un air légèrement inquiet où la moquerie s’était effacée. “Ça va, t’as quelque chose?” A part des vêtements trempés à son tour, du moins.

Les yeux de Clyde parcourèrent rapidement le corps de la brune à la recherche d’une éventuelle blessure, mais elle écarta rapidement cette possibilité en lui offrant un sourire alors qu’elle se relevait rapidement. “Tout va bien, je dirais qu’on est à égalité toi et moi.” Maintenant qu’il était rassuré, le brun se délesta de son air préoccupé pour laisser apparaître un léger sourire en coin, réalisant qu’elle était en effet au moins aussi trempée que lui. “Comment tu dis déjà, on a que ce qu’on mérite?” Ses sourcils s’arquèrent en quête d’approbation, alors qu’il savait très bien qu’il risquait plutôt de se prendre un coup sur l’épaule qu’autre chose. “On se tire d’ici cette fois.” Il aurait aimé protester, l’embêter un peu plus, mais il avait plus qu’hâte de mettre les pieds hors de ce dôme glacé avant que ses lèvres ne commencent réellement à bleuir. Sans s’opposer aucunement à cette décision, il la suivit donc lentement avant de poser enfin un pied hors de la glace, ce qui lui tira un soupir de satisfaction. “Je reconnais qu’on a eu des meilleures idées que celle-là” lâcha-t-il en divisant soudainement la responsabilité en deux, dans la mauvaise foi la plus pire. Au moins, il n’aurait désormais plus à craindre de perdre l’équilibre à chaque pas, et profita donc du premier banc pour retirer ses patins, sans faire plus état de ses prouesses sur la glace. Ce n’était pas la première fois qu’Halsey le voyait en position difficile, après plus de dix ans passés à se côtoyer dans de diverses situations, mais son ego en prenait toujours un coup lorsqu’il perdait de sa superbe contre son gré - raison pour laquelle il préférait changer rapidement de sujet. “Si t’étais pas là pour la patinoire, tu faisais quoi?” Après tout, peu importe l’idée qui pouvait avoir traversé son esprit, il doutait que cela soit pire que ce qu’ils venaient d’affronter.

Plus la brune s’offusquait, plus Clyde prenait un plaisir non dissimulé à l’embêter davantage - habitude qui était désormais toute naturelle depuis les années, et assez représentative de leur relation. Le fait qu’Halsey s’en amuse autant que lui était bon signe, même s’il savait que le retour à la normale serait un parcours semé d’embûches, particulièrement étant donné l’ampleur du désaccord qu’ils avaient eu - et le caractère plus qu’affirmé de la demoiselle, qui n’avait d’égal que le sien. “Je n’ai fait que suivre ton envie d’aller faire mumuse avec la glace.” “On va dire ça comme ça.” Comme d’habitude, leur terrain d’entendre se trouvait exactement là où il n’y en avait pas, car chacun ne s’avouait complètement vaincu même s’ils finissaient mutuellement par laisser tomber la bataille - ce qui semblait en l'occurrence les soulager tous les deux, alors qu’ils retrouvaient enfin leurs chaussures et la terre ferme, par la même occasion. Maintenant que Clyde avait subi sa propre idée destinée à dérider la brune, ce qui avait été une réussite mitigée avec le recul, il ne savait pas réellement pourquoi Halsey lui avait demandé de venir en premier lieu. “Je voulais simplement qu’on se promène, rien d’extravagant.” La réponse fusa, aussi naturelle que son haussement de sourcil à la fois surpris et moqueur. “Toi, rien d’extravagant?” La jeune femme avait clairement un côté extravagant qui le faisait rire et l’agacait tout autant, même s’il exagérait quelque peu en laissant planer l’idée qu’elle ne savait rien faire comme tout le monde. “Avoue, tu t’ennuyais à mourir sans moi, ou alors t’as prévu de me faire subir pire que ça.” lâcha-t-il en la regardant, avant de pointer du doigt la patinoire. Il doutait fortement qu’elle n’ait aucune idée derrière la tête, car il la connaissait suffisamment pour savoir que ces moments étaient rares - mais pas inexistants, raison pour laquelle il n’aurait parié sur rien. En d’autres circonstances, il ne lui aurait laissé aucune échappatoire et se serait délecté de sa tête ne voulant certainement pas avouer qu’elle s’ennuyait de lui, mais il n’était pas encore assez sûr de lui vis-à-vis d’elle pour prendre cette liberté - qui lui retomberait certainement dessus s’il s’y osait.

“Je m’assagis avec le temps.” Ce n’était pas tout à fait faux, car avec les années passées à se complaire dans l’argent qu’ils avaient amassé petit à petit était venue une sorte de tranquillité d’esprit qui avait rendu la demoiselle un peu moins extravagante et impulsive - juste un peu, cela dit. Cependant, Clyde ne croyait pas un instant qu’elle lui ait demandé de venir pour le simple plaisir de sa compagnie, ou du moins, qu’elle ne l’avouerait pas en ces termes. Avant même qu’il ne passe derrière son dos et lui mente effrontément, ils se laissaient rarement aller à des confidences laissant planer l’idée que la simple présence de l’autre les réconfortait. Alors maintenant qu’elle semblait encore avoir une dent contre lui, il n’espérait pas une seconde qu’elle laisse tomber ses barrières aussi facilement. “C’est fou cette tendance à toujours t’attendre au pire avec moi, Wakefield.” Il aurait pu faire mine d’être étonné, mais lorsqu’il s’agissait du pire, il avait eu de nombreuses années pour s’y habituer en sa compagnie. “C’est réaliste, surtout.” Plutôt que d'apparaître offusquée, elle semblait amusée par la situation, ce qui laissait planer le doute qu’elle ait réellement quelque chose derrière la tête, à moins qu’elle n’essaie de se jouer de lui pour grappiller simplement quelques instants en sa compagnie. Qu’il s’agisse d’un cas ou de l’autre, il ne se plaignait pas, et finit d’enfiler ses chaussures alors qu’elle se relevait. “Tu viens? Je vais finir par croire que tu te plais vraiment ici.” Il s’y plaisait au moins autant qu’elle, à en juger par les frissons clairement visibles sur sa peau hâlée. “Ça va, j’arrive” qu’il lâcha en déposant les patins sur le comptoir avant de la suivre hors du dôme. “Tu veux des cours, comme cadeau de Noël?” “J’ai jamais été très cadeaux.” Une moue peu convaincue traversa ses traits, car à choisir, il préférait largement de rien recevoir que de se faire attirer une fois de plus dans un traquenard du genre. En réalité, il n’était même plus vraiment cadeaux de manière générale, du moins depuis qu’il était en âge de s’offrir lui-même ce qu’il voulait, et que les visites à sa mère s’étaient espacées au fil des années. “Me dis pas ce que tu veux toi, ça sera forcément trop cher ou impossible à trouver.”

Depuis qu’il avait été en âge de comprendre que si l’on ne choisissait pas sa famille, il était tout à fait possible de choisir de s’en éloigner, Clyde avait perdu son goût pour tout ce qui ressemblait de près ou de lui à une fête de famille. Alors désormais, il voyait seulement Noël comme une fête commerciale pour certains, une manière de se réunir pour d’autres, et quelque chose dont il se fichait quelque peu pour lui. Au fil des années, la carapace qu’il s’était forgée impliquait de ne pas s’arrêter devant ce genre de journées pour se poser mille et unes questions existentielles sur sa vie et les personnes en faisant partie - alors il se contentait d’y voir là un jour comme un autre, et continuait ainsi sa vie comme s’il n’en était rien. “En général ou juste quand il s’agit de te ridiculiser pour mon plus grand plaisir?” Il leva les yeux au ciel, mimant d’être excédé qu’elle avoue si facilement qu’elle aimait tant lui pourrir la vie. “Les deux.” Ce n’était même pas un mensonge, puisque l’une ou l’autre situation n’avait pas le moindre attrait à ses yeux. “Je peux m'acheter ce que je veux, j’ai pas besoin de cadeaux.” Il leva les sourcils tant cette remarque lui paraissait logique - à quoi bon espérer se voir offrir quelque chose qu’il pouvait avoir tous les jours de l’année s’il le voulait? Lorsque Clyde voulait quelque chose, il mettait tout en œuvre pour l’obtenir, et ne se reposait jamais sur l’approbation de quelqu’un d’autre - à part Halsey, lorsque l’affaire les concernait tous deux. “De toute façon, ce n’est pas comme si on prévoyait de passer Noël ensemble.” Il se serait presque attendu à qu’elle sorte son téléphone pour lui montrer la paire de chaussures la plus chère qu’elle aurait pu trouver sur internet - puisque le brun avait eu la mauvaise idée par le passé de lui faire quelques cadeaux lorsqu’ils menaient à bien des affaires, ou juste lorsque l’envie lui prenait, même s’il trouvait toujours un moyen de justifier cela autrement. Alors, le fait qu’elle ne compte pas sur le fait qu’il vide la moitié de son compte en banque pour elle n’était pas pour lui déplaire, si bien qu’il haussa les épaules, n’ayant pas réellement d’opinion sur le sujet. Il pouvait voir la brune la veille de Noël, le jour même ou le lendemain si cela lui chantait, et cela ne faisait pas grande différence à ses yeux, puisqu’il n’avait pas besoin d’une date pour avoir envie de l’avoir à ses côtés. “Tu vas faire quoi d’ailleurs? Rester là?” Puisqu’ils avaient déménagé à l’autre bout du pays, peut-être qu’elle prévoyait de rentrer à Perth pour les fêtes, après tout.