J’avais demandé au room service de faire quelques achats pour moi et de tout monter dans la chambre en même temps que le repas. Voilà que je n’avais même pas besoin de sortir de la chambre pour avoir mes nouveaux vêtements sous la main. Sorti de la douche – chaude et illimitée – à mon tour je me couvrais du peignoir mis à disposition pour rejoindre Elise sur le balcon. Une piscine donnait plus bas et au premier coup d’œil, pas grand monde pour en profiter. « Tu arrives juste à temps pour le coucher du soleil. » je me glisse derrière Elise pour envelopper sa taille de mes bras, posant mon menton sur son épaule. « On dirait la cerise sur le gâteau. » que je glisse en observant la couleur du feu dans le ciel. Le bleu laissait place à du rose et de l’orange, bientôt la nuit et les étoiles prendraient le relai. « Ca fait bientôt faire 24 heures qu’on est ensemble. » je lance, comme si c’était un record battu. Exceptionnel. Je lâche mon emprise un moment en voyant le verre de vin entre ses mains, il me manque quelques chose à moi aussi. Je rentre rapidement, voyant qu’un verre m’attendait déjà là, je le prends pour la retrouver à nouveau, cette fois, je m’installe à ses côté, prenant la même pose qu’elle, face à la forêt, surplombant la piscine. « y a jamais rien qui se passe comme prévu, avec toi. » que je lance, tournant doucement mon visage vers le sien. « Ce matin encore, j’aurai jamais pensé finir la journée ici. » je lui souris, faisant un pas de côté pour être au plus proche d’Elise. « Je serai pas là, la semaine prochaine… » cette fois ci, j’avais décidé de tenir la promesse que j’avais faite à ma mère. « J’vais rendre visite à ma mère. » tout était déjà calé, je sais pas pourquoi j’avais ressentie une culpabilité grandissante de me dire que ça faisait déjà bien trop longtemps que je n’étais plus allé la voir.« C’est à Port Macquarie. C’est la bas que j’suis né, que j’ai grandi. Jusqu’à venir m’installer à Brisbane quand j’avais 29 ans. » Pourquoi j’raconte tout ça ? pas sûre qu’elle soit vraiment intéressée… « Ca fait longtemps que j’l’ai pas vu. » je conclu, comme pour me justifier d’avoir une raison pour voir ma mère. « tu crois que tu vas t’en sortir sans m’avoir dans l’coin ? » C’est bon enfant et bien sûre, qu’elle va s’en sortir et en même temps, j’ai bien envie qu’elle me réponde qu’il y a une petite chance pour que j’finisse par lui manquer. Parce que si je lui en avais voulu et que j’étais en colère contre elle, ces derniers temps, pourtant y a pas un seul jour où j’avais pas pensé à elle, ça en était d’autant plus énervant d’ailleurs.

« On dirait la cerise sur le gâteau. » Ta main se glisse sur ses bras qui viennent s'enrouler autour de ta taille par derrière. Tu te laisses bercer par l'étreinte alors qu'il pose son menton contre ton épaule. « Ca fait bientôt faire 24 heures qu’on est ensemble. » Aussi surprenant que ça puisse être oui. Vingt-quatre heures sans se crêper le chignon, c'est presque un miracle. Pourvu que ça continue sur cette lancée encore quelques heures au moins. Plus, ce serait encore mieux. Il disparaît quelques secondes pour revenir se poser à tes côtés avec sa coupe entre les mains. « y a jamais rien qui se passe comme prévu, avec toi. » C'est bien ? C'est mal ? « Ce matin encore, j’aurai jamais pensé finir la journée ici. » « Moi non plus. » C'était pas si bien parti. Même s'il t'avait laissé partagé ses draps, ça ne voulait pas dire que la paix était déclarée. Loin de là. T'as de la chance que, finalement, il est peut-être pas si rancunier que ça. Il a passé l'éponge quand même facilement. « J'suis contente. » D'être ici avec lui. Qu'il t'ait invité à passer cette journée avec lui.

« Je serai pas là, la semaine prochaine… » Tu te redresses alors que ta tête se retourne vers lui. Alors, vous en êtes là ? À rendre des comptes à l'autre ? À se dire où on sera à quel moment ? « J’vais rendre visite à ma mère. » Sa mère dont il ne faut pas parler et la laisser où elle est si tu te fis à votre dernière conversation. Il te dirait la même chose sur elle aujourd'hui ? Et elle est où au juste ? Au Chili ? Ici, en Australie ? « C’est à Port Macquarie. C’est la bas que j’suis né, que j’ai grandi. Jusqu’à venir m’installer à Brisbane quand j’avais 29 ans. » « C'est moins exotique que le Chili. » Presque décevant même. C'aurait été plaisant de découvrir un jour le Chili au travers de ses souvenirs d'enfance. Port Macquarie, un peu moins. « Ca fait longtemps que j’l’ai pas vu. » Il n'a absolument pas besoin de se justifier pour aller voir sa mère. Il va où il veut, quand il le veut. Tu lui as déjà dit que tu ne comptais pas le priver de faire quoique ce soit. Encore moins si ça concerne la famille. C'est sacré, la famille - même les plus désastreuses. « C'est une bonne idée. » que tu ajoutes comme pour lui demander la permission qu'il semble attendre. À moins qu'il espère que tu lui demandes de rester pour s'éviter une corvée qu'il ne veut pas faire ? « tu crois que tu vas t’en sortir sans m’avoir dans l’coin ? » Il le dit sur le ton d'une plaisanterie, mais c'est quand même facile d'y voir qu'il y a un peu de sérieux derrière tout ça. C'est plutôt étrange en fait d'avoir quelqu'un qui se fait réellement du soucie pour toi. T'as pas l'habitude. « T'inquiète pas pour moi. Ça va aller. » que tu lui réponds en lui offrant un sourire qui se veut réconfortant. Il peut partir en paix. Ce n'est qu'une semaine à l'entendre parler, peut-être même moins que ça. Et puis, Port Macquarie c'est pas si loin que ça non plus. Il peut revenir quand il veut. Mais, tout ira bien, pas vrai ? Le pire est derrière toi. Les mauvaises nouvelles ont fini de s'abattre sur toi. « Tu vas lui parler de moi ? » que tu lui demandes avec un sourire en coin. En temps normal, ce serait normal de parler de sa femme à sa mère - ce devrait être fait même avant que ce soit sa femme, mais bon. Pourvu que cette question là ne se retourne pas contre toi. Dinis n'est pas prêt à faire une entrée dans ta famille. Il le sera sûrement jamais.

Madame est contente, madame est servie. Hier encore j’étais prêt à plus jamais la revoir, aujourd’hui j’suis prêt à la revoir quand elle veut. Je comprends toujours rien à ce qu’il se passe. Pas plus aujourd’hui qu’il y a quelques semaines. Je comprends pas bien cette attirance soudaine, cette ascension rapide en si peu de temps. Je sais juste que c’est bon d’être la et que c’est mieux quand ça se passe bien. Quand y a pas de colère. Je sais que je préfère être dans son camps que contre son camps, comme ça a plus souvent été le cas. J’me dis encore qu’à tout moment ça finira par se retourner contre moi , que j’ai peut être pas raison de lui faire confiance à ce point, qu’elle pourrait utiliser absolument toutes les informations qu’elle a sur moi contre moi. Mais j’ai pourtant bien envie de lui accorder cette confiance, de prendre le risque. Le risque de venir parler de ma mère, de lui dire où elle habite même. Nan, je vois pas ça comme un risque, j’crois que c’est presque normal d’en parler. « C’est moins exotique que le Chili. » ça me fait sourire. « elle est née ici aussi » l’autre promesse c’était aussi de l’emmener dans le pays qui avait vu naître sa propre mère. Son rêve, le rêve que mon père a jamais cru bon d’exaucer. « C’est une bonne idée. » j’ai l’impression que la famille, c’est un sujet assez sensible pour Elise et quand j’y repense c’est pile quand elle a abordé le sujet de son fils qu’elle a commencé à vriller sur le bateau. C’est cette histoire de mariage ? Franchement, j’ai pas envie d’aborder le sujet. J’prefere que nos discussions restent centrées sur elle et moi, on peut dériver sur ma mère si elle veut mais j’irai pas dans son camp. C’est un terrain miné, j’ai l’impression. « T’inquiète pas pour moi. Ça va aller. » j’suis presque déçu tien. J’me retourne, calant mon dos contre la barrière, sans jamais quitter Elise des yeux. « Tu vas lui parler de moi ? » ok, j’ai chaud et j’vais sans doute transpirer plus que de raison avec cette simple question. Qu’est ce que j’suis censé répondre ? Elle attend quoi de moi la ? « J’devrais ? » Le coup de pression pour gagner un peu de temps. « j’suis censé dire quoi ? Que j’suis marié et que je l’ai même pas invité à la cérémonie ? Elle me tuerait pour ça… » pas mal non ? « Un moyen pour plus jamais me revoir… »

« J’devrais ? » Non. Il devrait sûrement pas, mais tu vas pas lui dire tout de suite. C'est plutôt un sourire amusé qui se dessine sur tes lèvres de le voir soudainement si mal à l'aise. Il ne devait pas s'attendre à ça comme question. Il veut sûrement faire un faux pas avec sa réponse. Il ne veut pas dire non, parce que ça ne se fait juste pas. « j’suis censé dire quoi ? Que j’suis marié et que je l’ai même pas invité à la cérémonie ? Elle me tuerait pour ça… » Qu'est-ce qu'elle préférait ? Qu'il ne l'ait pas invité à la cérémonie ou qu'il l'ait invité à assister à son mariage célébré par un Elvis louche avec une mariée pas trop sobre ? Elle est sûrement contente de ne pas être venue en vrai. C'était ni romantique, ni touchant. C'est plutôt triste quand même. Tu n'aurais pas été fier d'assister au mariage de ton fils dans des conditions pareilles. « Un moyen pour plus jamais me revoir… » Ah, alors c'était aussi facile que ça de "divorcer" ? Avoir su avant, tu ne te serais pas donné autant de mal. « Hm, vaut mieux pas lui en parler alors. » que tu lui réponds simplement. Ce serait quand même dommage de ne plus jamais le revoir. Ton sourire vient se masquer derrière la coupe de vin que tu portes à tes lèvres. Respire Dinis. Respire.

« J'compte pas parler de toi à ma mère non plus. » Si ça peut le rassurer sur le fait qu'il ne le fasse pas la semaine prochaine non plus. Qui sait si vous allez pas vous remettre à vous détester le mois prochain ? Peut-être que tu en glisserai un mot à Damon par contre quand il sera de retour de sa lune de miel. Ça vous laisse encore quelques temps pour voir où cette histoire va avant qu'il ne soit de retour. Enfin, il a pas besoin de savoir ça tout de suite. C'est pas parce que tu en parles avec ton fils que vous en êtes au présentation officielle non plus. Tu veux juste pas qu'il soit surpris si jamais il passe à la maison et que Dinis soit là lui aussi. « J'vais attendre de voir si tu vaux la peine que j'sois déshéritée. » Tu sais pas trop comment il prendrait ce mariage, tes parents. Mais vu qu'ils ne se sont toujours pas remis du divorce avec Saül, ça passera sûrement pas très bien. Ça te surprendrait pas vraiment que ton père ait une liste de prospect-futur mari à te proposer - dommage que la place soit déjà prise. Enfin, tu préfères ne pas affronter ça tout de suite. Tu veux pas imposer ça à Dinis non plus. C'est Lucy qui sera contente. C'est plus elle qui aura le pire mari de la famille. Qui aurait cru que ce serait toi un jour ?

En voyant le sourire d’Elise, je comprends bien vite que sa question est pas serieuse et qu’elle ne l’a posé que dans le seul but de me mettre mal à l’aise, c’est sans doute bon enfant, ça suffit à me détendre. A charge de revanche. Au final, j’ai pas mal fait de contourner la réponse. De toutes façons, elle se doute bien que c’est pas le moment de présenter ma mère. Que ma mère a jamais rencontré aucune des femmes que j’ai fréquenté, qu’elle prendrait ça bien trop au serieux et qu’elle serait bien trop curieuse. Et puis, qu’est-ce que penserait Elise d’une ménagère de soixante-trois ans qui vit seule dans un appartement aussi et qui passe son temps à regarder des films de Noël et des émissions culinaires ? Ma mère qui a tendance à se prendre pour une cheffe étoilée lorsqu’elle regarde MasterChef, qui s’inscrit à une nouvelle activité chaque année en se lassant bien trop vite pour finir le premier trimestre : poterie, paniers en osier, tissage, peinture, sculpture, je crois que tout y est passé. Il manque plus que scrapbooking et c’est le grand chelem de toutes les activités proposées à Port Macquarie. Elise trouverait sans doute tout ça bien trop ennuyant. « Hm, vaut mieux pas lui en parler alors. » nous voilà donc une bonne fois pour toute sur la même longueur d’onde. Surtout que j’imagine qu’à aucun moment, me présenter à sa famille n’aura été une éventualité pour elle – tout comme ça l’est pour moi. On s’entend sur ce sujet-là, au moins.
« J'compte pas parler de toi à ma mère non plus. » tiens, dans l’mile. « J'vais attendre de voir si tu vaux la peine que j'sois déshéritée. » attendre de voir. Ma main droite glisse au-dessus de la rambarde pour venir se poser sur sa taille et l’attirer devant moi. « tu serais prête à attendre combien de temps pour ça ? » pas sûre que je vaille la peine d’un déshéritage non plus. « Est-ce que t’es en train de me dire que ça vaudrait la peine ? » Pourquoi cette conversation légère me parait soudainement prendre un tournant que moi-même, j’ai envie de considérer comme sérieux ? Mon étreinte se ressert autour d’Elise après avoir posé mon verre de vin un peu plus loin, en équilibre sur le balcon. Mes lèvres se posent doucement sur le front de ma femme et s’en vient un sourire contre sa peau. « Tu peux aussi venir avec moi la semaine prochaine… » je recule mon visage pour baisser les yeux vers elle. « Ca veut pas dire que j’te présenterai à ma mère. » qu’elle se rassure. « Je dors jamais chez elle, on se marcherait dessus. Et elle supporte jamais de me voir trop longtemps. Parait que j’ai mauvais caractère. » une main vient se poser dans sa nuque, mon pouce détaillant les traits de sa mâchoire. « Je dors toujours à l’hôtel. Je la vois une ou deux journées, de temps en temps et après, on passe le temps qu’il reste ensemble ? » j’en ai aucune idée, si c’est une proposition alléchante. Port Macquarie c’est petit, mais c’est plutôt sympa à voir quand même. J’veux pas non plus qu’elle pense qu’elle devrait m’attendre à chaque fois que j’ai décidé de passer un peu de temps avec ma mère. « j’sais pas si c’est une bonne idée. »

« tu serais prête à attendre combien de temps pour ça ? » Il vient t'attraper par la taille pour te ramener devant lui. Combien de temps ? Dure à dire. Ça peut prendre deux semaines comme plusieurs semaines/mois. C'est moins long de comprendre que ça ne fonctionnera pas que le contraire. « Tu seras jamais prêt pour ça. » Ce n'est pas vraiment répondre à la question ça. Même si un jour tu viens à vraiment révéler l'existence de Dinis à tes parents, il ne sera jamais prêt à les rencontrer. Son univers est trop à l'extrême du tien. « Est-ce que t’es en train de me dire que ça vaudrait la peine ? » Est-ce que c'est dans ta tête ou ça lui ferait plaisir que tu lui répondes que oui, ça vaudrait la peine ? Ça te fait sourire. « Je dis que j'ai pas encore décidé. » Tout ce que tu sais, c'est que si tu développes de vrais sentiments pour lui, oui, ça en vaudrait la peine. Tu as passé ta vie à vivre pour les autres. Aujourd'hui, tu tentes de te choisir.

Dinis resserre doucement son étreinte pour venir poser un baiser contre ton front avant de se reculer légèrement pour te regarder. « Tu peux aussi venir avec moi la semaine prochaine… » Heu, quoi ? Pour un type qui était complètement terrorisé par l'engagement il y a deux secondes, il semble avoir fait tout un pas en avant. Tes sourcils se froncent doucement et il semble comprendre ton questionnement. « Ca veut pas dire que j’te présenterai à ma mère. » Ah. Ça veut pas dire, mais il dit pas non plus qu'il ne va pas le faire. Pourquoi tu irais là-bas si ce n'est pas pour les voir de toute manière ? « Je dors jamais chez elle, on se marcherait dessus. Et elle supporte jamais de me voir trop longtemps. Parait que j’ai mauvais caractère. Je dors toujours à l’hôtel. Je la vois une ou deux journées, de temps en temps et après, on passe le temps qu’il reste ensemble ? » Ça devrait être inquiétant que sa propre mère n'arrive pas à le supporter trop longtemps ? Probablement. Il a mauvais caractère. Sûrement pas autant que toi. « j’sais pas si c’est une bonne idée. » C'est pas l'invitation la plus convaincante que tu as reçu. Mais non, ce n'est sûrement pas une bonne idée. Il profitera pas bien de son séjour s'il s'est que tu es autre part à "attendre" qu'il ait fini sa visite chez sa mère. Il va là pour la voir elle, qu'il en profite. Vous deux, ça attendra son retour. Ce ne sera pas très long de toute manière. Et puis, ce n'est pas comme s'il s'en allait au fin fond des bois là où le signal ne se rend pas. Vous pourrez vous écrire tous les jours si vous en avez envie. « Va voir ta mère. On se reverra quand tu seras de retour. » Voilà qui est beaucoup plus raisonnable. « J'suis un peu occupé la semaine prochaine de toute façon. » que tu ajoutes par la suite. Tu peux pas encore faire faux bond à ta soeur. Tu repousses les rencontres trop souvent, depuis trop longtemps. « Tu viens dormir ? » que tu lui demandes en l'attrapant par le menton pour lui voler un nouveau baiser. Tu sais plus trop quel heure il est, sûrement pas si tard que ça, mais tu es crevé.

J’ai jamais été prêt à rencontrer qui se que soit. Jamais ouvert à rencontrer ni la sœur, ni la meilleure amie encore moins le père. Jamais prêt à ce que tout soit aussi concret et aussi sérieux. La seule chose réellement sérieuse entre Elise et moi, c’est le papier qui nous lie devant la loi pour un engagement réciproque, se devoir un respect mutuel, être présent dans les bons et les mauvais moments, apporter assistance en cas de danger, supporter les coups durs de l’autre, tout ça. C’est aussi des impôts à payer non ? Comment ça fonctionne d’ailleurs, cette connerie ? J’devrais quand même me renseigner auprès de mon avocat. Suffirait que j’doive donner à Elise de l’argent parce qu’elle travaille pas alors qu’au final, d’elle à moi, on sait qui s’en sort le mieux. C’est maintenant que j’me pose ce genre de question ? Quel bel idiot je fais. Pour pas changer.
Et puis, c’était vraiment très con de mettre cette discussion sur le tapis. Tout comme c’était très con de proposer à Elise de venir avec moi pour la semaine suivante. Ca ferait rêver personne, moi le premier. « Va voir ta mère. On se reverra quand tu seras de retour. » un hochement de tête me suffit à lui répondre. C’est mieux comme ça. Attendre dans une chambre d’hôtel que j’ai terminé mes affaires avec ma mère, ce serait correcte ni pour l’une, ni pour l’autre. Presque trois quand j’avais pas vu cette dernière, bien sûre qu’elle mérite mieux qu’un fils qui n’a qu’une hate, c’est de repartir à chaque fois qu’il passe un peu de temps avec elle. Pourtant, c’est quand même comme ça que ça va se passer. J’aime ma mère, mais on a vite fait le tour des conversations à chaque fois et elle va encore vouloir trop me faire manger, trop me faire plaisir pour un oui ou pour un non, comme si j’étais toujours le gamin de dix ans qu’elle devait protéger. « J'suis un peu occupé la semaine prochaine de toute façon. » a deux doigts de lui demander ce qu’elle avait prévu au programme mais elle poursuit tout de suite en proposant d’aller dormir. Le soleil était à peine couché mais peu importe, je récupère le verre de vin sur la rambarde et entre à l’intérieur de la chambre, laissant Elise suivre et fermer la baie vitrée derrière elle.

*****

J’ai rarement aussi bien dormi que dans ce lit. Elle a sans doute raison Elise, je néglige peut être un peu trop mes nuits et mon dos. Ce serait pas de trop d’investir dans un nouveau lit et surtout, plus grand. Bon, à voir pour plus tard. Quand j’me réveille, Elise dort encore et j’ai pas tellement envie de bouger, j’vais attendre la, somnolant encore un peu jusqu’à ce qu’elle ouvre l’œil.
Mon téléphone posé sur la table s’allume et illumine le plafond au-dessus de nous, j’me tourne doucement pour tenter de le chopper sur bout du doigt et le ramène à moi, fermant un œil, éblouie par la lumière vive au réveil. Trois appels manqués, cinq messages, trois notifications. C’est quoi ce bordel ? Une capture d’écran ouverte, je vois cette photo de Lexie et moi entrant dans une voiture alors qu’elle est complétement éteinte. Cette soirée date d’y a quasiment deux semaines, pourquoi ces images sortent que maintenant ? Mais ce qui manque de me faire étouffer, ce sont les gros titres qui les accompagnent. « Lexie Walker se paie Oz, le paparazzi. » mais quelles conneries. Pas l’temps de m’emmerder avec ces histoires, je fous mon téléphone en silencieux, me cale à nouveau contre Elise et fini par me rendormir, la conscience bien tranquille…

Quand tu ouvres les yeux, tu peux entrevoir les rayons du soleil en travers des rideaux de la baie vitrée. Tu peux sentir le souffle de Dinis se casser contre ta nuque et son bras qui se trouve par dessus toi. Tu t'étires un peu avant de te retourner dans le lit pour te retrouver face à lui. Ses yeux sont ouverts. Il vient tout juste de se réveiller à l'instant où il est réveillé depuis longtemps. Un sourire vient rapidement tapisser tes lèvres alors que tes yeux détaillent son visage. « J'vais finir par y prendre goût. » À se réveiller avec lui à tes côtés. Ta main descend le long de son torse jusqu'à venir se glisser dans son dos. Tes lèvres viennent rapidement dérober les siennes dans un baiser chaleureux. Tu te retournes contre lui, vient passer ta jambe par-dessus lui pour te retrouver en califourchon sans que tes lèvres ne quittent jamais les siennes. Ce n'est que lorsqu'il y a une petite sonnerie, rien de très long, mais qui se répète trop souvent. Comme une quantité trop élevée de messages qui entrent l'un après l'autre. Au début, tu les ignore. Ça va bien finir par arrêter. Mais non. Et si c'était important ? Pourquoi quelqu'un s'acharnerait autant si ce n'était pas important ? Et si c'était Damon ? Bon, juste un petit coup d'oeil rapide. « Désolé, j'vais l'éteindre. » Tu te redresses, puis quitte la chaleur de son corps pour retourner du côté droit du lit là où se trouve ce magnifique petit appareil qui n'arrête pas de sonner.Jet À deux doigts de juste, l'éteindre et ne pas regarder. Ce qui attire ton oeil, c'est une pièce jointe. Pourquoi il met une pièce jointe dans son message ? Bon, ok, ça prendra deux secondes de plus de simplement regarder. Tu lui répondras plus tard. T'es occupé.

L'expression de ton visage a dû changer tout d'un coup quand l'article est finalement apparu sur ton écran. Tu jettes un regard vers Dinis avant de regarder de nouveau ton écran avec beaucoup plus d'attention. Ça date de quand ça ? Pas hier. Vous étiez ensemble hier. C'est pas supposé sortir directement le lendemain un pareil scoop ? C'est sûrement récent. T'as pas le droit de lui en vouloir, mais c'est plus fort que toi. Tu lui en veux et tu es même blessée. « Sympa de se retrouver de l'autre côté de l'objectif. » que tu lui dis simplement en lançant ton téléphone sur ses jambes avec l'article toujours bien en vue. « On t'a jamais appris à payer les paparazzis ? » Toujours payer les paparazzis si on ne veut pas que nos saloperies se retrouvent en première page. Le sérieux de ta voix clash sûrement avec la romance d'il y a à peine quelques minutes. Tu as soudainement envie de juste ramasser tes affaires et de t'en aller. Mais bon, tu peux bien lui laisser la chance de s'expliquer. Tu es bien placer pour savoir que ces magazines racontent toujours des conneries. Ce qui en est pas une, c'est Dinis-Oz qui embarque une fille qui a la moitié de son âge dans un taxi. « Tu faisais quoi avec la Walker ? » Il pourrait pas s'envoyer en l'air avec des filles qui ne sont personnes ?

J’ai aucune foutu idée de combien de temps encore j’ai dormi. J’me suis réveillé quand quelques rayons du soleil se sont mis à chauffer directement sur mon visage. C’est quoi ces chambres d’hotel où c’est pas foutu de faire nuit noir ? J’m’étire doucement et me tourne vers Elise en me contentant de l’observer avec son air paisible sur le visage. J’appose doucement mon bras sur son flanc quand elle commence à bouger et doucement ouvrir les yeux. Je sais pas si c’est mon geste qui l’a réveillé ou si c’est juste l’effet d’une longue nuit de sommeil réparateur. Elle a pas l’air surprise de me voir à ses côté, elle a pas l’air énervé de me voir à ses côtés, la journée commence bien, encore mieux avec le sourire qu’elle affiche de sitôt. « J'vais finir par y prendre goût. » et j’lui jetterai pas la pierre, semblerait qu’on soit deux. J’accepte son baiser et la laisse en quelques secondes prendre déjà le contrôle. Elle se retrouve à califourchon sur mon, me laissant présumer qu’elle était réellement en forme… j’ignore le téléphone qui sonne à plusieurs reprises, sure que c’est pas le mien puisque je l’avais mis en sourdines bien plus tôt. Elise a pas l’air de trop s’en inquiéter jusqu’à ce que ses lèvres me sont arrachées. « Désolé, j'vais l'éteindre. » je la suis du regard, impatient qu’elle me revienne déjà mais rapidement l’expression qui trône sur son visage change du tout au tout. Ca a l’air grave, mais j’reste silencieux, attendant qu’elle veuille bien dire quelques chose, si elle en a l’envie…
« Sympa de se retrouver de l'autre côté de l'objectif. » le téléphone arrive sur mes jambes et mon regard s’y pose de travers. Je m’y reconnais rapidement et ma tête se laisse tomber sur l’oreiller derrière moi. C’est pas vrai. « On t'a jamais appris à payer les paparazzis ? » c’est pas l’moment d’en rire, hein ? Je me redresse et cherche à retrouver sa main pour l’attirer vers moi. Comme un gamin pris sur le fait qui cherche à s’excuser. Elle a peut être vu un autre article, ou peut être même le même que celui qu’on m’avait envoyé à plusieurs reprises. L’un ou l’autre, ils étaient tous autant bullshit. « Tu faisais quoi avec la Walker ? » j’attrape son téléphone de ma main libre pour le poser sur la table de nuit à côté de moi. On éloigne les mauvaises ondes d’abord. « Je l’ai ramené en lieu sûre. » je souffle. Le lieu sur, c’était chez moi, pas la peine de préciser. « Elle avait consommé de la drogue. J’ai fais en sorte de la sortir de là. » à l’aise de mes coudes, je remonte pour m’adosser contre la tête de lit, un air totalement dépité sur le visage. « C’est pas la première fois qu’on se paie ma tête aussi. Sauf que j’ai rien à prouver à personne et qu’ils peuvent bien en dire autant qu’ils veulent. C’est pas moi qu’il cherche à atteindre avec ça, mais c’est Lexie. »

Pourquoi il est même pas surpris ? Il savait déjà ? Il aurait pu te le dire avant que tu tombes là-dessus par toi-même. Il aurait pu essayer de désamorcer la bombe avant qu'elle explose. Dinis essaie d'attraper ta main, mais tu t'en dégage au même moment. Il faisait quoi avec Lexie Walker ? C'est ça que tu veux savoir. « Je l’ai ramené en lieu sûre. » « Où ça ? » C'est où ça en lieu sûr ? Il lui a payé une chambre d'hôtel et il a veillé sur elle toute la nuit ? Il répond qu'à moitié à ta question. Des moitié de réponse, c'est une vérité dissimulée. Alors ? Il a dormit avec elle à l'hôtel ou avec elle chez lui ? « C'est à elle les fringues chez toi ? » Celles qu'il garde pourquoi d'ailleurs ? Ce sont ses trophées de chasse ? « Elle avait consommé de la drogue. J’ai fais en sorte de la sortir de là. » Il se redresse sur ses coudes. Il a l'air totalement honnête, et presque bouleversé par les souvenirs de cette soirée dont tu ne sais toujours pas elle date de quand. « C’est pas la première fois qu’on se paie ma tête aussi. Sauf que j’ai rien à prouver à personne et qu’ils peuvent bien en dire autant qu’ils veulent. C’est pas moi qu’il cherche à atteindre avec ça, mais c’est Lexie. » Et ce n'est sûrement pas la première fois qu'on se paie de la tête de Lexie Walker. Elle a l'air d'une deuxième version de Ivy Waterhouse. Peu importe ce qu'on raconte tant qu'on parle d'elle. C'est sûrement ce qui lui plaît. C'était pas à lui de jouer les héros parce qu'elle se poudre le nez. Elle est assez grande pour accepter les conséquences de ses actes. « Encore heureux qu'ils n'atteignent ni elle, ni toi. » Il n'y a que toi finalement que ça affecte. Vrai, pas vrai, cet article a quand même réussi à gâcher ton matin et possiblement ta journée au complet.

Tu t'assois sur le bord du lit. Tu étires ton bras pour ramasser ton sac avec tes vêtements dedans que tu enfiles en moins d'une minute. « J'vais chercher des cafés. » J'ai besoin d'air. Voilà ce que ça veut vraiment dire. Parce qu'en un coup de téléphone tu pouvais déjà avoir tout ça sans bouger du lit. C'est peut-être ce que tu aurais dû faire. Quand tu sors de la chambre pour te rendre au petit restaurant de l'hôtel au rez-de-chaussée, les gros titres, ils sont partout. Géniale. Tu as soudainement l'impression que tout le monde sait que ce charmant Oz partage ta chambre et que tout le monde se dit que toi aussi, tu l'as payé pour qu'il soit là - il s'en passe des choses dans sa tête alors que la vérité est que tout le monde s'en fout et que personne ne sait rien. Ça reste ancré dans la peau ce fichu besoin d'apparence parfaite. Tu sais pas trop si un jour tu arriveras à t'en défaire.

Finalement, t'es revenue plusieurs (trop) de minutes plus tard dans la chambre, les mains vides. À croire que tu as eu le temps d'oublier ta tâche. « J'veux rentrer. » Déjà ? Hm, on dirait bien oui. C'est pas vraiment négociable. S'il veut pas, tu trouveras un autre moyen de rentrer sans lui.

Elle retire sa main aussitôt que mes doigts touchent les siens. Très bien, rester à distance, le code rouge, c’est maintenant. Elle a raison, y a pas besoin d’un mot particulier, suffit de voir comment elle se comporte. Est-ce que j’dois lui rappeler que jusqu’à hier, enfin, avant-hier, on s’était pas revu depuis quelques jours ? Qu’elle avait pété un câble et que la seule façon de communiquer, c’était de s’adresser à nos avocats mutuels ? Non, c’est pas le moment, par contre, j’ai bien compris qu’il y avait toujours une brèche, plus tard, pour dire les choses. Quand la tempête est passée et qu’il est temps de faire du ménage. « Où ça ? » j’ai l’impression d’être un môme qui s’fait engueuler par sa mère, c’est plutôt désagréable comme sensation. Le pire ,c’est que j’vais répondre. « J’l’ai emmené chez moi. » j’vois pas pourquoi j’allais lui mentir alors que c’était la vérité et que surtout, y avait rien eu de mal après ça. « C'est à elle les fringues chez toi ? » fallait vraiment que j’lui parle de ces fringues ? Faudrait les brûler, qu’on en parle plus. J’esquive la réponse en expliquant simplement le contexte de ces photos et ce qu’il s’était passé pour devoir l’exfiltrer de cette soirée. « Encore heureux qu'ils n'atteignent ni elle, ni toi. » il pourrait y avoir 15 photos de moi qui sortent tous les jours, avec n’importe qui et dans n’importe quelle situation ,que j’en aurai rien à foutre. Pour Lexie, ca m’emmerde plus, elle voulait s’ranger, elle voulait plus attirer l’attention, je comprends toujours pas pourquoi elle a fait ça. Mais maintenant, ça la regarde.
« J'vais chercher des cafés. » elle sort de la chambre en trente secondes. Elle a dit des cafés, c’est qu’elle va tous les boire toute seule ou alors elle compte quand même partager ? Ce serait pas si mauvais signe, si elle revenait avec un café pour moi ? J’la laisse partir, y a pas besoin de lui courir après, qu’elle se calme toute seule, j’vais en finir de me faire du soucis pour ces conneries quand je sais que dans moins de vingt quatre heure elle s’en mordra les doigts. La stratégie, c’est de la laisser capter seule qu’elle a pas besoin de vriller comme elle le fait. J’espère qu’elle me fera pas le coup à chaque fois, parce qu’à un moment, j’vais finir par en avoir ras l’cul de ça.
J’profite qu’elle soit partie pour aller me rhabiller. Sortir sur le balcon pour aller fumer une clope, la première bouffée est dégueulasse, les suivantes font du bien. C’est toujours avec le même dégout que j’allume la première cigarette de la journée, puis j’m’en accommode trop facilement ensuite. Tout ça pour emmerder mon père, lobbyiste dans les clopes. Quelle connerie. J’en fume deux, j’aurai surement eu le temps d’en fumer quatre, le temps qu’Elise revienne. Sans café. Merde. « J'veux rentrer. » adieu la piscine, c’est con, elle me faisait bien de l’œil. « Range tes affaires, je passe à l’accueil. » payer les suppléments des fringues que j’avais acheté hier, les coupes du soir. J’ai pas envie de luter et de me battre, j’vais la ramener chez elle et quand elle l’aura décidé, elle saura où me trouver, ça sert à rien d’aller au front, ca risque encore de mal finir.
Mes affaires à mon sont rapidement prêtes aussi, je récupère les deux casques et conduis Elise jusqu’au parking, nos affaires sous le siège de la moto, installés, on peut y aller. « Tiens toi bien, s’il te plait. » j’suis obligé d’insister, parce qu’elle serait capable de se mettre en danger juste pour pas à avoir à me toucher. C’est con, y a mieux que la moto, quand on fait la gueule à quelqu’un. Je pousse la moto d’un coup de pied, allume le moteur et nous voilà repartis en direction de Brisbane. Jusqu’à ce que, pris d’une pensée suicidaire, j’me surprends à changer d’itinéraire et conduire Elise vers la côte. J’ai pas envie de rentrer et c’est pas parce que là, elle l’a décidé, qu’il fallait lui dire amen. Elle va sans doute rapidement se rendre compte que c’est pas la bonne route, je sais pas si elle a l’sens de l’orientation, mais les paysages changent, petit à petit et c’est au bout de trente minutes de route que je m’arrête sur le bas-côté, sur une route très peu fréquentée. « J’ai pas envie de rentrer… » que je lui lance en retirant mon casque, toujours sur la moto, en espérant que ces quelques dizaines de minutes avaient fini par la calmer. A cogiter avec elle-même, sait-on jamais. « pas comme ça.»

« J’l’ai emmené chez moi. » Évidemment. Ça y'est. Tu lèves les yeux au ciel. Encore heureux que tu es un minimum de dignité et que tu gardes pour toi la prochaine question; il a partagé son lit avec elle ? Tu connais déjà la réponse à cette question, mais parfois, quand les émotions sont trop fortes, t'es incapable de réfléchir convenablement. Qu'il se considère déjà chanceux que tu sois pas en train de faire une crise, une vraie. Il frôle la ligne rouge en ignorant la prochaine question. Ouais, ce sont ses fringues à elle qui sont chez lui. Sinon, il aurait répondu le contraire. Pas vrai ? Tu n'attends pas une seconde de plus et tu te sauves, carrément, les futurs cafés comme alibi que tu n'iras jamais vraiment chercher.
Tu veux partir. C'est la seule chose que tu dis en revenant quelques minutes plus tard. T'es déjà prête à te trouver un autre moyen pour rentrer toi-même, tellement t'es convaincu qu'il voudra pas, qu'il va chercher à s'obstiner, qu'il va revenir sur le sujet et que t'as pas le droit de lui dire de fermer sa gueule. C'est la règle. « Range tes affaires, je passe à l’accueil. » Ah. Bon. Tant mieux. Il part à son tour. Il n'a rien à ramasser, lui. Il n'a rien amené. Toi ? Tu t'es presque pas étalé dans la chambre, donc ça te prend à peine quelques minutes pour tout remettre dans ton sac et aller rejoindre Dinis à l'extérieur. Quand c'est le temps de se tirer, t'es plutôt rapide. Le silence est lourd alors qu'il s'occupe de tout ranger sous le siège. Il remet son casque. Tu fais pareil avant de t'installer derrière lui. « Tiens toi bien, s’il te plait. » Tes bras s'enroulent autour de lui sous ses ordres. Ça va, t'es pas encore rendu au stade de même plus vouloir le toucher.

Tu as un peu perdu la notion du temps entre le moment où vous êtes partie et maintenant. Tu sais pas si c'est parce que tu as fermé les yeux trop longtemps ou si c'est parce que tu as tellement les pensées ailleurs que tu n'as même pas remarqué qu'il n'allait pas dans le bon chemin. T'es à deux doigts de lui pincer la cuisse - c'était ça le signal, non ? - mais tu te rends compte qu'il ralentit et se stationne sur le bord de la route. À quoi il joue ? Y'a quoi ici ? Tu regardes rapidement autour de toi. Y'a rien. C'est quoi son problème ? « J’ai pas envie de rentrer… » Ah ouais, évidemment. Fallait qu'il dise ça maintenant et pas avant de partir. Comme si, ici, au milieu de nul part, tu ne pouvais pas te sauver par tes propres moyens. Y'a sûrement quelqu'un dans tes contacts avec un hélicoptère qui te doit un service. « pas comme ça.» Pas comme quoi ? Il pouvait pas juste tenir ça mort et t'envoyer un bon matin demain à son réveil et faire comme s'il s'était rien passé ? Il veut vraiment régler vos comptes ici ? Tu souffles un coup. Très bien. Allons-y. « Il se serait passé quoi si j'avais été à cette soirée avec toi ? » Sauf évité la catastrophe sur le yacht tu veux dire. C'est sûrement pas à ça qu'il s'attendait comme début de phrase. Et il comprend sûrement pas où tu veux en venir. « J'y serais allée avec Dinis ou avec Oz ? » T'as jamais vraiment compris cette invitation là en fait. Il ne mélange pas les affaires et sa vie privée et tu n'as aucun problème avec ça. Le hic, c'est que les deux ne peuvent plus coexister si vous finissez par vous afficher ensemble, pour de vrai. « Donc, quoi ? Je vais être la connasse qui a ruiné Saül et celle qui se paie un paparazzi pour combler ses nuits blanches, c'est ça ? » C'est pas comme si c'était sa faute à lui les rumeurs qui se propagent beaucoup trop rapidement dans ce monde doré. Tout le monde aime raconter des saloperies sur tout le monde. C'est pas comme si tu ne l'avais jamais fait de ton côté. Tu mérite amplement ce qui t'arrive. « Ton monde et le mien, finalement, c'est le même. » Version de luxe et version de pauvre. Il y en a un qui arrive à mieux le vivre que l'autre. « J'suis pas fâché Dinis. J'veux juste rentrer s'il te plaît. » que tu insistes pour que vous repreniez la route dans la bonne direction cette fois. Il y a rien d'autre à ajouter de toute manière.

« Il se serait passé quoi si j'avais été à cette soirée avec toi ? » je vois pas où elle veut en venir avec sa question et l’expression de mon visage traduit sans doute mon incompréhension. « J'y serais allée avec Dinis ou avec Oz ? » Y a aucun Dinis qui compte quand j’suis dans ces soirées là, j’suis pas là pour qui je suis, je suis là pour ce que je représente, pour mon taf, pour la notoriété que j’ai dans ce milieu. Pas pour me donner bonne conscience de donner du fric à une bonne cause alors qu’à côté de ça, je le dépense dans de la merde sans m’en vanter. « Donc, quoi ? Je vais être la connasse qui a ruiné Saül et celle qui se paie un paparazzi pour combler ses nuits blanches, c'est ça ? » y a que ça qui compte du coup, pour Elise. L’image qu’elle pourrait renvoyer aux autres ? Mais est-ce qu’elle croit un instant que la presse pourrait réellement s’intéresser à ça ? Elle le dit, elle est plus que l’ex de Saül, c’est lui qui intéresse, pas elle. Qu’on se le dise, elle pourrait se taper n’importe qui maintenant, personne le publierait ni sur sa presse papier, ni sur un site internet. C’est pas racoleur les ex et les paparazzis encore moins. Lexie a droit a son article parce qu’elle est présentatrice télévisé, parce qu’elle veut se faire une place dans le showbiz et que sa jeunesse et son physique intéressent les gamins aussi. Elle représente un modèle pour les milléniales, pour les jeunes générations. Elise est déjà trop vieille pour faire le buzz. Ferme ta gueule Dinis, elle a pas besoin d’entendre ça et toi non plus, t’as pas besoin d’lui dire. « Ton monde et le mien, finalement, c'est le même. » c’est pas parcequ’ils se côtoient que ce sont les mêmes, elle le sait très bien. Y aura toujours une excuse pour tout foutre en l’air, c’est ça ? « J'suis pas fâché Dinis. J'veux juste rentrer s'il te plaît. » je souffle, secoue la tête et refoue mon casque par-dessus mon visage. Mon cul, si elle est pas fâchée, j’demande à voir quand elle l’est. J’la comprends pas, vraiment.
J’ai rien à ajouter, ça sert à rien, j’crois que c’est bon, moi aussi, j’ai envie de rentrer, finalement.
C’est en reprenant la bonne route que je nous conduis à Brisbane, sans avoir rien ajouté à ce qu’elle venait de dire. Pourquoi ? J’aurai du lui répondre, parce que je cogite bien trop au guidon de cette moto jusqu’à arriver chez elle. J’la laisse descendre et récupérer ses affaires en me levant à mon tour pour soulever le coffre en dessous de nous. « En quoi c’est si important, s’il devait y avoir un article à propos de nous ? » ça n’arrivera jamais, de toute façon. « Qu-est-ce qui t’embête le plus ? » je retire mon casque pour mieux m’adresser à elle. « C’est pas Oz ou Dinis qui compte, hein? » c’qui compte, c’est qu’au final, cette relation soit rendue publique et qu’on sache qu’elle se tape un pauvre type comme moi. J’suis sûre qu’elle peut déceler toute la déception dans ma voix et la lire dans mes yeux aussi. « laisse tomber. » j’ai même pas envie d’entendre la réponse. Je remet le casque et récupère celui qu'elle avait pour le glisser sur mon avant bras. Elle voulait rentrer, elle est chez elle, qu’elle s’en aille. Jusqu'à ce qu'elle en décide autrement.

Ton regard n'a jamais quitté le sien et l'inverse est aussi vrai. Tu veux juste rentrer et il semble soudainement plus avoir envie de discuter davantage. Il n'ajoute rien. Ça devrait suffire à comprendre que t'as encore merdé, mais tu apprécies plutôt le fait qu'il relance pas et que ça ne tourne pas en engueulade pour rien. Personne n'est fâché. Pas vrai ? Il fait demi-tour. Vous reprenez la route en direction de Brisbane. Un peu plus d'une demi-heure plus tard, il se stationne devant chez toi. Tu débarques de la moto. Tu as encore plus mal au cul qu'après la première balade. Il débarque à son tour simplement pour te remettre tes affaires dans le coffre. Tu tends le casque vers lui alors que tu prends ton sac de ton autre main. « Tu- » « En quoi c’est si important, s’il devait y avoir un article à propos de nous ? » Et tu es vraiment qu'une idiote d'avoir pensé que le sujet était clos. Depuis le temps qu'il a eu à tourner cette conversation dans sa tête, ça risque de mal sortir. Tes sourcils se froncent. « Y'en aura pas. » T'es pas si conne. Et c'est pas parce que tu vas aligner les billets pour pas qu'il en est. Il n'y en aura pas c'est tout. T'es personne. Tu n'es même plus femme de. Pas besoin d'un article pour entendre (ou lire) des saloperies à son sujet. Il suffit d'avoir l'oreille un peu attentive pour écouter les bruits dans le couloir. « Qu-est-ce qui t’embête le plus ? » À part le fait qu'il se soit tapé une gamine ? Que ce soit partout dans les journaux ? Rien. « C’est pas Oz ou Dinis qui compte, hein? » Où est-ce qu'il veut en venir ? Que y'a que toi qui compte ? Tu gardes pour toi le commentaire que Oz c'est un connard. C'est que tu t'améliores presque à savoir réfléchir avant de parler. La mine de déception qui passe sur son visage y est sûrement pour quelque chose.

« laisse tomber. » On laisse tomber quand c'est toi qui est fâché. On ne laisse pas tomber quand c'est lui qui l'est. Il est déjà prêt à repartir. Il ne va pas repartir. Pas tout de suite. « Non. » Tu fais un pas devant pour retirer la clé du contact. Tiens, il ne pourra pas aller très loin sans ça. Toujours toi qui décide. « Pourquoi tu t'énerves pour rien ? » Oui, oui, bien sûr. C'est lui qui fait une montagne avec rien du tout. C'est pas toi. Toujours la faute de l'autre hen. Évidemment. « Ce qui m'embête c'est d'avoir encore l'impression d'être en compétition avec une gamine. » Saül qui te largue pour Ariane. Jack et son histoire tordue avec Ivy qu'il nourrissait volontairement. À croire que tu es condamné à avoir une gamine pour te faire de l'ombre. « J'ai plus envie d'être deuxième. Même pas aux yeux des autres. Ils s'en foutent les autres que ce soit pas vrai. Ils aiment bien mieux se dire que j'suis pathétique et que tu t'fout de ma gueule. » Qu'il est là pour le fric tiens. C'est ce que tout le monde se dira de toute manière. Ah les langues sales, elles se font aller si rapidement. Tu ne pensais pas que Dinis aussi aurait matière à les faire aller. « Écris-moi quand tu seras chez ta mère, que je sache que t'es pas mort. » Ah tiens, tu arrives quand même à t'inquiéter. On dirait pas ça au ton énervé que tu emploi et à la manière impatiente que tu remets sa clé dans le contact. Tu lui tournes dos en avançant dans l'allée qui mène jusqu'à ta maison.

« Y'en aura pas. »  c’est bien, elle reste lucide sur ce point. Alors, il est où le problème ? Oz, Dinis, qui des deux elle voudrait voir sur l’affiche ? Elle a eu son temps d’parole, le compte à rebours est terminé, pour elle et pour moi aussi. Y a rien à tirer de ça. Sauf qu’au moment où je m’apprête à tourner la clé du moteur, sa main se dérobe juste sous la mienne pour la retirer du contact. « Non. » A quoi elle joue ?  « Pourquoi tu t'énerves pour rien ? » j’suis pas énervé, j’ai pas l’air énervé, j’suis surtout fatigué, plutôt agacé, contrarié, ce qu’elle veut, pas énervé. « Ce qui m'embête c'est d'avoir encore l'impression d'être en compétition avec une gamine. » personne a parlé de compétition, y a rien avec Lexie, et les titres peuvent dire ce qu’ils veulent. J’allais pas la laisser se faire bouffer par des vautours alors qu’elle était en danger au milieu de cette salle. L’overdose allait pas tarder à pointer son nez et tout l’monde l’aurait laissé crever la bouche ouverte par terre, attardé à prendre des photos pour rien louper. Surement sa chance qu’on ait déjà couché ensemble ouais, parce que si ca avait pas été l’cas, j’aurai fais partie de ceux qui prennent les clichés aussi. C’est que quand ça m’arrange que ceux qui font ça sont des connards. Oz, le pire de tous. Faudrait peut être que je capte que Oz et Dinis font qu’un, finalement. Toujours trop facile de séparer l’homme du pro. Cette conversation me gonfle. « J'ai plus envie d'être deuxième. Même pas aux yeux des autres. Ils s'en foutent les autres que ce soit pas vrai. Ils aiment bien mieux se dire que j'suis pathétique et que tu t'fout de ma gueule. » plus envie d’être deuxième, faudrait déjà qu’elle me dise clairement qu’elle veut être première. Elle dit tout et son contraire, Elise. J’y comprends rien.
Elle a l’air de me donner l’autorisation de repartir à nouveau quand les clés se retrouvent dans la serrure. « Écris-moi quand tu seras chez ta mère, que je sache que t'es pas mort. » je la regarde partir dans l’allée pour rentrer chez elle. J’bouge pas, j’me contente de la regarder, mâchoire serrée quand j’ai l’impression que ses mots prennent place correctement dans mon esprit et que j’y comprend des choses. C’est peut être une interprétation qui m’est propre ou c’est peut être ce que j’voudrai comprendre… « Attends. » je marmonne dans mon casque encore alors qu’elle a surement rien entendu d’où elle est. Est-ce que ça m’arrange qu’elle se retourne pas ? Je retire mon casque à nouveau après avoir posé l’autre derrière moi. « Attends ! » cette fois, c’est plus fort, cette fois, je hurle presque pour être sûre que le son arrive à elle. Je descends de la moto et m’approche d’un demi pas de course, trop pressé pour un mec qui s’en fou. « tu voulais pas que nos deux mondes se rencontrent. » pour moi, ça voulait dire qu’il fallait pas s’montrer en public non plus, que c’était okay de se voir, juste elle et moi, le plus discrètement et le plus intimement possible. « T’es en concurrence avec personne, Elise. » j’approche encore, un pas de trop pour elle peut être. « Y a pas de classement… » pas de classement parce qu’elle y a pas de numéro deux ou quoi. « Dis moi juste c’que tu veux. » un truc clair, pas dit à demi mot, où j’suis censé traduire c’qu’elle veut m’faire comprendre. J’ai une boule dans l’bide qui m’tord absolument toutes les tripes. Encore un pas…