Le temps de souffler, Joanne le passe à allaiter Daniel, et moi à préparer un peu tous les éléments nécessaires pour accueillir mes parents. Je mets l'eau à chauffer, sort quatre tasses, et dispose quelques biscuits variés dans une grande assiette afin que tout le monde puisse en picorer. L'heure du thé a beau être cliché, cela reste une habitude bien ancrée dans les mœurs dont les anglais, faisant fi des stéréotypes apparus avec le temps à ce sujet, se plaisent à faire perdurer. A vrai dire, j'aime beaucoup avoir mon heure du thé, même au travail. Toute la collection de boîtes d'infusions ou de tisanes qui envahissent les placards de la cuisine le démontrent bien. Il y en a pour tous les goûts, toutes les humeurs. Mais pour cette fois, un thé vert classique et juste parfumé fera l'affaire. Ma mère préfère ceux-ci tandis que mon père a toujours eu un goût opposé et ne souhaite avoir que du thé noir. Nous prétexterons qu'il n'y en a pas. Aujourd'hui, la personne qu'il est important d'avoir dans la poche, surtout au sujet du bébé, c'est bien Marie. Docile la plupart du temps, c'est elle qui a toujours le dernier mot quand cela concerne les d'enfants. C'est elle qui a accepté que je me tourne vers le journalisme plutôt que la politique, au grand damne de mon père. C'est elle qui a décidé que les jumeaux Rhodes seraient envoyés ici. Elle a toujours eu une fibre maternelle particulière très influencée par la vieille école catholique française, à la fois stricte, froide, parfois cruelle, mais aimante tout de même, sans toutefois montrer son affection. Tout le monde sait à quel point elle avait son premier fils, Oliver, en adoration. Mais cela était imperceptible au quotidien, derrière son épais masque antipathique, et même lors de ses funérailles, personne ne se souvient de la moindre larme sur ses joues. Il n'y a que Marie Keynes pour savoir à quel point Marie Keynes a été complètement détruite, dévastée par cette perte. Il n'y a qu'elle pour sentir ses orteils au bord de cet immense vide qu'a laissé sa mort en elle. Et toutes les fois où elle a prié pour le rejoindre au plus vite ne se sont jamais devinées sur son si joli sourire. Son beau visage à qui les années vont si bien est un merveilleux voile couvrant un champ de ruines dans lequel résonne tous les jours la question qu'elle se pose tous les matins ; à quoi bon ? Moi même, je ne connais que trop peu ma propre mère pour avoir la moindre idée de tout ceci. A mes yeux, elle se résume à ce montre de froideur qu'elle montre au monde. Son propre fils n'a pas idée de tout ce qui la hante et qui aurait si bien pu les rapprocher. Elle se résume à un atout stratégique pour éviter que son mari ne fasse un pas de travers. C'est son toucher léger qui frappe sur la porte de la maison. Ils ont un peu d'avance. Souriants, ils me font une bise polie, mais se penchent immédiatement sur le bébé, ignorant royalement la mère pour le moment. Forcément, la comparaison avec Oliver ne manque pas. Je m'attends à ce que la conversation tourne autour de lui. Je suis déjà prêt à laisser rebondir tous leurs commentaires. Je souris, amusé, face à la répartie de Joanne. Prenat la veste de ma mère pour l'accrocher dans l'entrée, j'ajoute ; « Entre Oliver et James, Edward et toi n'avez pas vraiment fait dans l'originalité non plus. Et puis, tu devrais aimer la sonorité française de Daniel. » Elle hausse les épaules, restant couverte de son indifférence. « Je n'ai pas dit que je n'aimais pas ce prénom, juste qu'il est classique. Je m'attendais à plus exotique pour un bébé australien. » Son regard se pose sur le rez-de-chaussée transformé pendant le séjour à la maternité de ma fiancée. « Vous avez tout refait par ici. C'est bien. » Dans son dos, j'ouvre de grands yeux ronds de surprise. Elle vagabonde dans le salon en regardant des détails par-ci par-là, et approuve d'un très léger signe de tête quand quelque chose lui plaît. Pendant ce temps, Edward s'attarde devant le petit. « C'est vrai qu'il a vos yeux. » dit-il en le scrutant, un sourire narquois pendu aux lèvres. « Ils sont magnifiques. » Je retourne immédiatement auprès de Joanne lorsque j'entends le ton doucereux de la voix de mon père. Intenable, même en laisse. Il s'apprête à frôler la joue de Daniel quand je l'interrompt. « Père, bas les pattes tant que vos mains ne sont pas propres. » Et Dieu sait que ce n'est pas prêt d'arriver. « Tu le surprotèges déjà trop. » se moque-t-il en entrant finalement dans la maison, avant de me confier sa veste. Leurs manteaux sont toujours bien trop épais pour le temps de ce pays, même si les températures deviennent plus douces. « Si c'était le cas, tu ne le verrais que par Skype. » On se croirait dans un western, à qui dégainera le plus vite. C'est Marie, agacée, qui intervient. « Cessez donc, vous deux. Les bébés sentent les conflits dans l'air et il n'est pas question que vos chamailleries angoissent mon petit-fils. Venez, Joanne. » Elle lui fait signe de la suivre jusqu'au canapé du grand salon afin qu'elles s'installent pendant que je termine de préparer le thé. Son regard ne quitte pas le bout de chou. « Il est si sage. Rien à voir avec son père. Si vous saviez le cauchemar qu'il m'a fait vivre les premiers mois de sa vie. » Elle rit doucement en ce souvenant de ce moment de sa vie. Elle a toujours aimé être mère, malgré les apparences. Il était plus chic de s'en plaindre auprès de ses amies et de confier ses enfants à une nourrice, voilà tout. « Mais son frère était un ange. » Son coeur se serre, alors elle occupe ses mains en les passant sur sa jupe pour lisser des plis imaginaires. « Daniel a le calme de sa mère, heureusement pour elle. » dis-je depuis la cuisine. A ce niveau là, je ne risque pas de me vexer des commentaires de mes parents, puisque j'ai toujours espéré moi-même que mon fils ne tienne pas de moi. Edward s'est ajouté au groupe qui s'est formé dans le salon. Je garde une oreille toute attentive à leur conversation pendant que je verse l'eau chaude dans la théière dans laquelle le sachet d'herbes infuse déjà. Les tasses vont sur un petit plateau, les biscuits sur l'autre. « Avec de la chance, il héritera surtout de vous, ma chère, ainsi que des bons gènes Keynes qui ont sauté la génération précédente. » Dans mon coin, je secoue négativement la tête. Ces piques récurrentes deviennent si lassantes. Ce n'est même pas comme s'il en renouvelait le stock. « Il m'a l'air d'avoir l'esprit vif. » fait remarquer Marie en voyant le regard pétillant du bébé qui se pose sur elle et son époux, brûlant de savoir qui sont ces nouveaux êtres humains qui ne sont ni maman, ni papa. Certains bambins pleureraient de peur devant des inconnus. Lui semble aimer tout nouveau visage se présentant à lui, gigotant ses petits membres sous l'excitation. « Peut-être qu'il fera la fierté de la famille de notre vivant, Marie. » Je soupire. « Edward, il a trois semaines, il est un peu tôt pour mettre l'avenir du blason familial entre ses mains. Estimez-vous déjà heureux qu'il soit né de votre vivant pour commencer. » dis-je en apportant les tasses et la théière sur la table basse. « Tu as raison, ça n'était pas gagné. » Seigneur, il n'en manque pas une. Je lève les yeux au ciel. « Sers ces dames en thé, veux-tu ? » Il s'exécute avec un sourire poli. Perfectionniste, il remplit toujours de manière parfaitement égale toutes les tasses présentes. Il ne manque pas de proposer du sucre à Joanne, et d'en glisser un dans le thé de sa femme, connaissant ses goûts. « Est-ce que je peux le prendre un peu ? » demande Marie à la jeune mère, l'air inoffensive. Ben et Milo, intrigués par tout ce monde dans la maison, s'approchent à leur tour. Le plus petit se prend de passion pour le reniflage de semelles tandis que l'autre apprécie les caresses prodiguées par Edward.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Jamie, comme Joanne, fut surpris que la mère Keynes apprécie la nouvelle décoration du séjour, approuvant les nombreux détails qu'elle regardait. Cela sonnait déjà presque comme une première victoire pour la jeune femme, qui ne put s'empêcher de faire un sourire satisfait en catimini à son fiancé. Edward s'approcha d'elle, toujours avec ce ton mielleux et détestable, n'en manquant pas une pour la draguer à nouveau. Il convoitait les femmes prises, vraisemblablement. Surtout une femme qui appartenait à son propres fils. Joanne resta parfaitement face à ses avances glissés dans la conversation sans délicatesse et s'apprêtait à effleurer la joue de Daniel. Jamie s'approcha immédiatement, protégeant son fils du contact de son grand-père. "Il exerce tout simplement son rôle de père." rétorqua-t-elle. "Et il le fait bien mieux que vous." Elle avait ce léger sourire qui était parfaitement impassible. Cela devait à la fois brusquer et satisfaire Edward, qui lui rendit un rictus bien plus vicieux, certainement content de savoir que la petite blonde avait toujours autant de réparti. Marie se permit également d'intervenir, outrée par ces tensions naissantes. A sa plus grande surprise, Joanne regardait Marie qui l'invita à l'accompagner. Elle échangea un bref regard à Jamie avant de la suivre jusque dans le salon, où elles s'installèrent sur le canapé. La belle dame semblait être totalement subjuguée par son petit fils. "Ca ne m'aurait pas gêné, s'il était de la même trempe que son papa." assura-t-elle. Daniel aurait pu avoir n'importe quel caractère, elle se serait adaptée à lui, et lui à elle sans soucis. Joanne gardait ce sourire serein lorsqu'elle regardait son enfant, curieux de voir tout ce qu'il se passait autour de lui. Jamie intervint depuis la cuisine, confirmant bien qu'il avait récupéré tout le calme de la mère. Edward rejoignit les deux femmes, ne manquant pas de rabaisser une nouvelle fois le dernier fils qui lui restait. "Il y a énormément de bon en Jamie, Edward, vous ne faites tout simplement pas l'effort de le voir." rétorqua-t-elle avec une certaine légèreté. Les interventions de Marie étaient toujours aussi surprenantes, ne se focalisant que sur Daniel, elle n'avait de cesse de l'admirer et de le complimenter. "Il reconnait déjà nos visages, lorsqu'on le regarde bien de face, ou même parfois les silhouettes de loin, même si ça reste encore très flou pour lui." ajouta Joanne en souriant amicalement à sa future belle-mère. Elle semblait bien plus douce et attendrie que d'habitude. Peut-être que ça se serait bien passé si Edward n'avait pas été là. Il n'en ratait pas une pour rabaisser son fils. Joanne le fusilla du regard à chacune de ses remarques jusqu'à ce qu'il se lève afin de servir le thé à tout le monde. Elle acquiesça d'un simple signe de tête lorsqu'il lui suggéra du sucre et Marie lui demanda si elle pouvait un peu porter Daniel. La jeune femme hésita longuement, perturbée de voir une Marie complètement différente depuis qu'elle avait vu le nouveau né. Elle ne savait pas si c'était un jeu, ou s'il y avait de sa branche maternelle qui réémergeait en voyant ce petit bout de chou. "Juste un peu." dit-elle tout bas, en tendant très délicatement Daniel, intrigué. Joanne l'invita par contre à bien s'adosser contre le dossier du canapé, qu'elle n'aille bien feinter la chute du petit. "Je ne le garderai pas longtemps, cela fait tellement d'années que je n'ai pas tenu un bébé si petit." Un sourire des plus sincères et des plus comblés se dessina sur ses lèvres, comme si elle retrouvait le bonheur que d'avoir un enfant. Elle ne le garda que quelques minutes avant de le restituer à la jeune maman. "C'est un très beau bébé, Joanne." dit-elle, en passant juste encore une fois sa main sur la joue du petit. Jamie vint ensuite s'installer aux côtés de Joanne, qui lui sourit. Elle passa une main libre sur son dos. "Pas la peine d'être aussi affectueux avec lui, il n'en a certainement pas besoin." grimaça Edward. Joanne soupira. "Laissez-moi donc gérer ma vie conjugale comme je l'entends et occupez-vous plutôt de la vôtre." rétorqua la jeune femme, gardant bien sa main où il était. "Si vous n'êtes venu que pour critiquer Jamie ou espérer avoir le contrôle sur mon fils, je vous invite à quitter cet endroit." ajouta-t-elle plus fermement. Edward haussa les épaules, et s'apprêta à donner de la réplique, mais il avait apparemment suffi d'un regard glacial venant de sa femme pour qu'il se taise. Marie semblait beaucoup plus intéressé par Daniel que par autre chose et elle ne voulait certainement pas que son mari ne vienne ruiner l'unique occasion de le voir.
A peine je suis-je assis à côté de Joanne que Milo grimpe sur le canapé et se cale sur mes jambes de manière à pouvoir voir le bébé de plus près. J'adresse un petit sourire à ma fiancée, ne faisant guère attention à la remarque de mon père. Celui-ci reste bien à sa place sur ordre tacite de sa femme. Toujours dotée de cet incroyable capacité à faire comme si de rien n'était en une fraction de seconde, Marie passe du coq à l'âne sans complexe ; « Tu as déjà repris le travail Jamie ? » J'acquiesce d'un signe de tête, le nez dans ma tasse de thé encore fort chaude pour en prendre une fine gorgée. Son très léger sourire est toujours nostalgique de ce temps où elle était jeune maman, et de toutes les joies qui allaient avec -même si cela la rendait plus exécrable avec son entourage et plus tyrannique au travail qu'elle ne l'était d'habitude. « Comme ton père, c'est le lot des hommes occupés je suppose. » La comparaison me met un sacré coup au coeur. Il n'y a sûrement rien de pire que de me dire que je ressemble ou fais quelque chose comme cet homme de quelque manière que ce soit. Déstabilisé, je bégaie et cherche mes mots quelques secondes. « Je… Il y a eu beaucoup de changements à la radio, l'émission est passée en national, et… je ne pouvais pas vraiment me permettre d'être absent. » Le regard de Marie est sans le moindre jugement, pourtant mon excuse me semble bien misérable. « Les audiences sont comment ? » demande-t-elle avec un certain intérêt. Ayant été mise à la retraite depuis des mois, évoquer un temps soit peu ce monde du travail qu'elle a bien bien connu et dont elle a jadis été une des reines fait remonter en elle une pointe d'exaltation bien cachée. « Plutôt bonnes. » Elle ne l'avouera jamais, mais à cet instant, Marie ressent un peu de fierté pour son fils délaissé. Elle aime savoir qu'il fait son chemin sans avoir besoin de personne, et qu'il rencontre du succès. Mais elle reste un coffre fort. Impossible de lire ses pensées dans ses yeux bleus. « Bien. » se contente-t-elle de dire. « Et vous Joanne, vous reprenez bientôt le travail ? » A l'expression de la jeune femme, elle comprend que non. « Vous savez, moi-même je suis retourné en plateau quelques semaines après la naissance de mes fils. » dit-elle comme pour lui assurer -et s'assurer elle-même- que mettre en travail en priorité ne ferait pas d'elle une mauvaise mère. Sauf qu'à mes yeux, c'est bien le cas, et c'est une décision que je n'excuse qu'aux familles qui n'ont vraiment pas le choix. « Nous préférons que Daniel puisse profiter de sa mère autant que possible plutôt que de le confier à une nourrice. » Le visage de Marie se fait encore plus fermé que d'habitude. Elle comprend sans mal la subtile critique de cette phrase et ne manque pas de la prendre pour elle. Mais elle n'est pas une femme sensible, non, et encore moins susceptible. Elle en a essuyé des critiques dans sa vie, car il est bien facile de critiquer et de juger. « Je vois. » De nouveau, elle reporte son attention sur Joanne et Daniel. « J'espère que mon fils vous traite bien, Joanne. Qu'il vous trouvera au moins une aide à domicile. Ca peut être épuisant d'avoir un enfant en bas âge et une maison à tenir. » Edward se décide à intervenir en pouffant sans retenue. Il a sorti un cigare de sa poche et de quoi en couper le bout, toujours très élégant. « Oh, je pense qu'il n'y avait même pas songé. » Tous les regards tombent lourdement sur lui, sauf le mien. Le mien s'est baissé. Parce qu'il a raison. « Jamie se croit trop bien pour avoir des personnes à son service. Notre cher fils aspire à plus de… simplicité. » Dans sa bouche, le mot ressemble presque à une insulte, et il le prononce en observant Joanne. Puis il me toise, un sourire moqueur sur les lèvres. « Malgré la grande maison, les voitures neuves, et sa dévorante ambition. » Cela pourrait être un comble de voir mon hypocrisie mise en exergue par pareil personnage, cela n'empêche pas de faire tout aussi mal. « On ne peut pas complètement renier ce que l'on est, n'est-ce pas jeune Lord ? » Je ne dis rien. Je me contente de caresser Milo sur mes jambes. Je pense que, celle-là, je l'ai bien méritée. J'ai toujours été victime de ma propre ambivalence à ce sujet. « Vous savez que ce titre reviendra à Daniel ? » Je lève les yeux au ciel. Voilà qu'il me voit déjà enterré. « Je ne suis pas encore mort, Edward. » dis-je sèchement. Et Marie nous coupe immédiatement. « Qu'est-ce que je vous ai dit ? » Loin du rapport père fils normal, on dirait deux gosses qui se chamaillent à la moindre occasion, toujours rappelés à l'ordre par leur mère. Celle-ci adresse un regard presque fier et complice à Joanne, l'air de lui dire que c'est comme ça qu'il faut s'y prendre avec ce genre de garnements et qu'elle aussi, elle arrivera à nous mater de cette manière. « Tout ce que je voulais dire c'est que miss Prescott a tout intérêt à élever notre petit-fils afin de l'en rendre digne. Il ne faudrait pas qu'un voyou dans la famille. » « Vu tes prouesses en tant que parent, je pense que nous nous passerons de tes conseils en matière d'éducation. Tu es sûrement le plus doué d'entre nous tous ici présents pour créer des voyous. » C'est sûrement la première fois que j'ose évoquer Oliver de la sorte. « James ! » s'offusque ma mère. Sans plus expression que d'habitude sur son visage de marbre, il ne suffit que d'un regard glacé pour me faire détourner les yeux comme un enfant que l'on gronde et imposer le silence.
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Changer de sujet de discussion si aisément semblait être si simple, lorsque ça sortait de la bouche de Marie. Ce n'était absolument pas le tempérament de Joanne, mais qu'importe. La mère Keynes voulait savoir si Jamie avait repris le travail. Il redevenait toujours un petit garçon lorsqu'il faisait face à ses parents et leurs remarques meurtrières. Il se pliait en quatre à chaque fois. Joanne le regardait d'un air inquiet lorsqu'il bégayait. Elle supposa d'elle-même qu'il n'avait certainement pas apprécié à ce qu'on le compare avec son géniteur. Marie s'intéressait un peu au travail de son fils, devenant nostalgique lorsque ça parlait d'antenne et d'audience. Elle posa vite la même question à Joanne. "Vu les quelques complications qu'il y a eu durant l'accouchement, les médecins ne sont pas très enclin à me laisser travailler à nouveau. Et ce n'était de toute façon pas dans mes projets." Marie haussa un sourcil. "Nous avons les moyens de nous permettre ce luxe que Daniel puisse avoir au moins un parent auprès de lui en permanence." "Enfin, c'est surtout Jamie qui a les moyens." dit Edward d'un ton cynique. Joanne se contenta de l'ignorer. "Et je ne me vois confier mon enfant à une parfaite inconnue." Jamie ne manqua pas de faire lui-même un pic de remords en mentionnant l'abandon de sa mère en le confiant à une nourrice. La belle blonde regarda Jamie d'un air tendre, craignant quelque part qu'il ne finisse par s'énerver. "Il s'occupe très bien de moi." dit-elle fermement juste après qu'Edward jugeait bon d'intervenir. "Vous vous rappelez, je fais partie de ces roturiers qui n'ont d'autres choix que d'être polyvalent, j'arrive très bien à gérer le tout." dit-elle sèchement en regardant le vieil, qui coupait son cigare. "Et avant de continuer de critique notre vie de famille, je vous somme de ranger ce cigare immédiatement. On ne fume pas dans cette maison, encore moins avec la présence d'un nouveau né dans la même pièce." "Vous pouvez bien aller le coucher un peu." "Mais vous êtes venu le voir lui, n'est-ce pas ? Alors pourquoi ne peut-il pas être dans la même pièce que vous ?"Joanne était ferme sur cette règle là. Edward soupira et rangea son cigare. "Et Jamie m'offre bien plus que nécessaire. Mais vous ne comprendriez pas, cela dépasse votre entendement." Edward arqua un sourcil, cherchant à cerner ce dont il s'agissait dans le regard bleu de Joanne, mais n'y parvint pas. Elle parvenait à être encore plus impassible lorsqu'elle le voulait, déjà qu'il n'était pas aisé de deviner ses pensées. Mais il en rajoutait une couche, ce qui ne fit que faire baisser davantage les yeux de Jamie. "Mais au moins, il est capable de cirer ses chaussures tout seul, ce dont je doute fortement vous concernant." Edward continuait, souhait que Daniel soit bien élevé, et Jamie renchérit la conversation d'un air mauvais. Marie intervint, la jeune femme comptait parler, mais on tenta de l'en empêcher. "Joanne, n'en rajoutez pas, s'il vous plaît." dit Marie, espérant calmer le jeu. "Si, je vais en rajouter, justement. Parce que je ne suis pas le genre de personnes à laisser traîner et ignorer toutes les infamies que l'on peut dire sur la personne que j'aime, à prétendre que rien ne se passe. Je suis peut-être dans le déni pour beaucoup de choses, mais certainement pas pour ça."Ses paroles étaient peut-être dures, mais elle en avait clairement assez. "Que vous ayez perdu Oliver, c'est une chose. Que vous fassiez de Jamie votre bouc émissaire en est bien une autre." "Retirez vos mots, Joanne. Vous ne savez pas ce que c'est de perdre un enfant." Joanne la regarda. "Pas la peine de me dire la même phrase que vous m'aviez dite à Londres. Et je vous répondrai la même chose : je sais ce que c'est de perdre un enfant. J'en ai même perdu deux, si vous voulez vraiment tout savoir." Marie ravala sa salive, regardant la jeune maman avec de grands yeux. "Donc vous non plus, vous n'avez aucun droit de me juger de la sorte. Mais il est clair que je ne traiterai jamais Daniel comme vous aviez pu vous occuper de Jamie, parce que, vraisemblablement, vous n'avez aucune idée de la chance que vous aviez eu en mettant au monde deux beaux garçons et que la seule chose dont vous étiez tous les deux capables, c'était de détruire leur vie. Reporter la faute sur le deuxième. Faire de sa vie un enfer. Ne vous permettez pas de vous qualifier de parents, parce que vous n'en êtes pas. C'est juste marqué sur le papier, sur son acte de naissance, mais ça n'ira jamais plus loin que ça." Joanne était si en colère que des larmes de rage bordaient ses yeux. Daniel devait le ressentir puisqu'il avait l'air beaucoup moins serein. Elle se tourna vers Edward. "J’élèverai mon enfant comme bon me semble, et je ne chercherai certainement pas à faire en sorte qu'il vous ressemble. Et il ne sera pas le digne héritier de votre famille, mais bien de la mienne. Il aura peut-être votre nom, mais ce sera bien la seule chose qu'il aura en commun avec vous." Daniel commençait à hoqueter un peu. La jeune femme se leva. "Je vais coucher Daniel. Cela nous vous autorise toujours pas à allumer votre fichu cigare. Et lorsque je redescendrai, vous serez sur le point de partir ou peut-être même que vous serez déjà parti." "Mais nous ne sommes arriver il y a si peu de temps..." dit Marie, tentant de grappiller quelques minutes pour certainement profiter de son petit-fils.[color=#006699] "C'était déjà bien de trop. Si vous ne venez que pour évaluer à quel point Daniel serait un enfant parfait pour votre descendance, pour vous complaire à abaisser encore et toujours Jamie et à critiquer notre mode de vie alors qu'il est bien plus sain que le vôtre, ça ne vaut même pas la peine de payer un vol pour venir à Brisbane." "Nous ne venions par que pour..." "Je me fiche bien de la raison de votre venue. Si vous tenez tant à aller détruire des familles, allez donc voir ailleurs, parce que vous n'atteindrez jamais la mienne. Marie, remerciez donc votre si aimable mari d'avoir rendu l'heure du thé tout simplement merveilleuse." Et Joanne tourna ses talons pour grimper à l'étage avec Daniel dans les bras. Elle ferma la porte de sa chambre derrière elle, serrant fort son bébé contre elle. "Je suis désolée, Daniel, je ne voulais pas te faire peur. Pardonne-moi, mon trésor." lui dit-elle tout bas en le berçant un peu. "Maman a juste terriblement peur pour toi, tu sais." Il suffisait de quelques paroles douces pour que l'enfant retrouve son calme. Joanne chantonna bouche fermée, doucement, jusqu'à ce qu'elle sente la tête de son bébé devenir lourde contre son épaule. "Je t'aime, Daniel, si tu savais combien je t'aime." lui chuchota-t-elle, en l'embrassant sur le front. Elle aurait pu le déposer dans le berceau, mais elle préférait encore le garder dans ses bras, car lui aussi, parvenait à calmer un peu sa maman.
La tirade de Joanne laisse tout le monde pantois. Un grand silence s'impose alors qu'elle monte les escaliers avec Daniel. Nous nous regardons les uns les autres en nous demandant quel genre de tornade vient de frapper dans le salon. Et dire que dans les joutes verbales que j'échange d'habitude avec mon père, le peu qui a été dit ne s'apparente qu'à des préliminaires. Mais je suppose que les hormones et la maternité rend la jeune mère encore moins encline que d'habitude à supporter ces genres de discours. Elle l'avait dit, qu'elle se ferait protectrice pour son fils et pour moi. Néanmoins, je pense que personne ne pouvait s'attendre à ce qu'elle morde aussi fort et se montre au moins aussi sans pitié que les parents Keynes peuvent l'être. Le choc est général. Marie ose à peine prendre la parole. « Jamie ? » Etrangement, je devine un peu de panique dans son regard. Est-ce que Joanne est sérieuse, faut-il déjà partir ? Est-ce que cela veut dire qu'elle pourra revoir Daniel un jour, ou bien est-ce fini à jamais ? En tant que chef de famille, je dois bien avoir le pouvoir de faire quelque chose. Et en effet, j'ai celui de prendre soin de Joanne et de mon fils, et de conserver un semblant d'harmonie sous mon toit. « Je suis désolé. » dis-je en toute sincérité. « Je ne veux pas de telles tensions ici, encore moins auprès de Daniel, et Joanne est trop fatiguée... » Je soupire. Cela me semblait presque bien parti pourtant. « Ca n'est pas le moment pour eux de supporter nos grandes problématiques familiales. » Et Dieu sait que nous avons des comptes à régler sur de nombreux sujets, dont ceux soulevés par ma fiancée. « Vous devriez partir. » dis-je finalement. Même si elle fait de son mieux pour tenir son masque impassible, une craquelure laisse deviner à quel point elle est dépitée et attristée par la tournure des événements. Edward, lui, ne dit rien. Il ne fait pas le fier. Il sait que sa femme lui fera amèrement payer son comportement, d'avoir gâché cette opportunité de voir leur petit-fils, et peut-être même de lui avoir arraché ce privilège pour des années. La queue entre les pattes, l'ancien grand homme quitte la maison et rejoint leur voiture. Marie, elle, reste encore un peu. « Vous avez vraiment un beau bébé. » dit-elle avec un faible sourire. Elle joue un peu avec ses doigts, comme pourrait le faire Joanne, ou les passe nerveusement sur sa jupe, quand elle ne glisse pas ses cheveux derrière ses oreilles, trouvant tous les moyens possible de les occuper. « Je l'ai déjà dit, mais il ressemble beaucoup à Oliver quand il est né. » Sa voix trahit bien plus d'émotion que cela n'a jamais été le cas. C'est comme si on lui avais permis d'avoir une dernière entrevue avec son propre trésor, et qu'on le lui prenait de nouveau. « Nous avons aussi donné son nom à Daniel. Daniel Oliver Keynes. » Son regard bleu se borde de larmes. Surpris, une telle image me laisse tétanisé. Je me retrouve parfaitement incapable de bouger ou de régir lorsque ma mère s'approche de moi et me prend dans ses bras. Je n'arrive pas à remettre de souvenir depuis les confins de mon enfance où j'ai déjà pu avoir ce genre de contact avec elle. Cette chaleur m'est parfaitement inconnue, complètement nouvelle. « Il me manque tellement. » Je peux l'ordonner aussi fort que je le veux à mes membres, je ne parviens pas à lui rendre son étreinte et la prendre dans mes bras. Je sais que je le regretterai quand le moment sera fini. « Je sais. A moi aussi. » Marie de détache de moi avec un sourire triste. Elle n'est jamais triste. Jamais. Elle ne ressent jamais rien. Elle n'a jamais été si faible. Il est si étrange de la voir dans pareil état que je ne sais pas comment réagir. « Tu crois que je peux l'embrasser avant de partir ? » « Bien sûr. » Joanne ne va pas aimer ça. Pourtant, je conduis ma mère à l'étage. Après avoir doucement frappé à la porte de la chambre du petit, je fais discrètement signe à ma fiancée de garder son calme, qu'il n'y a aucun danger. Marie se penche sur le petit et dépose un léger baiser sur son front. Cela ne dure qu'une seconde. Puis elle file rejoindre Edward. La porte de la maison se ferme derrière eux. Je soupire comme pour me décharger un peu de ces émotions inconnues qui me traversent. Je me sens un peu perdu. « Je ne suis pas certain qu'ils méritaient ça. » dis-je finalement à Joanne d'une voix douce. « Ma mère arrivait plutôt bien à gérer Edward, elle était plus aimable qu'elle n'a jamais été capable de l'être avec toi, et tu l'as chassée de la maison alors qu'elle ne souhaitait que voir son petit-fils. Je suis très bien placé pour comprendre ta colère et ton intolérance vis à vis d'eux. Mais ça, ça n'était pas mérité. » Mon ton est doux et calme. Sans colère, sans jugement, sans blâme. Je ne comprends que trop bien sa réaction. Je suis peut-être un peu déçu que cela ait si vite tourné au vinaigre, alors que pour une fois je découvrais un semblant de tendresse chez ma mère, un rien de fierté me concernant face au magnifique petit-fils que j'ai pu lui donner. Je crois que je n'avais jamais vu la moindre larme au bord de ses yeux de toute ma vie, et j'avoue en être encore retourné. Alors après avoir silencieusement terminé de ranger les éléments de la cuisine, je m'éclipse dans le jardin avec les chiens. Il ne suffit que d'un bâton à envoyer à l'autre bout du terrain pour qu'ils soient ravis. Je les observe jouer entre eux et se battre comme je pouvais le faire avec mon frère.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Alors qu'elle gardait encore Daniel contre elle, Jamie toqua légèrement à la porte de la chambre. Son coeur se soulevait d'un coup lorsqu'elle vit cette deuxième silhouette, méfiante au possible, mais son fiancé calma le jeu d'un geste de la main. Marie voulait tout simplement embrasser son petit-fils avant de partir. La jeune femme observa cette très brève scène sans dire mot, le visage parfaitement neutre quoi que ses sourcils étaient légèrement froncés. Une fois la femme partie, Joanne fit retomber toute son attention sur Daniel. Jamie rompit le silence, avec sa parfaite maîtrise de mots, en balançant des reproches avec la voix des plus douces. Parce que tout allait être de sa faute, maintenant. Joanne ne voulait pas répondre, elle aurait peut-être été un peu trop agressive à son égard, car la tension qui régnait en elle avait bien de mal à baisser, et ce qu'il venait de dire ne venait que de l'accroître. C'est vrai, ses parents s'étaient comportés comme de véritables anges, sur Edward, pensa-t-elle. Ils n'avaient fait de mal, ni rien dit de méchant. Ca la mettait hors d'elle. Jamie finit par descendre, certainement pour ranger les tasses qui devaient traîner au salon. Dans le fond, Joanne ne reprochait rien à Marie. Mais le comportement d'Edward avait fait que ce soit les deux qui en paient les frais. Joanne emmena Daniel avec elle dans sa chambre, où elle l'allongea bien au centre du lit, et elle, juste à côté, en position latérale. Le petit dormait à point fermé. Sa petite tête était près du visage de sa mère, elle l'embrassait alors régulièrement au niveau de la tempe. Elle somnolait pendant de longues minutes et ce fut le vibreur de son téléphone qui l'extirpa de sa torpeur. Intriguée, elle regardait qui lui écrivait, et répondit sans trop tarder. Il y avait encore quelques échanges avant qu'elle ne se décide à se lever et à laisser Daniel tranquille là pendant quelques minutes. Jamie jouait dehors avec les chiens. Elle le rejoignit en lui tendant son téléphone, pour qu'il le prenne et lise les messages s'il en avait envie - elle se demandait par la même occasion s'il s'était déjà permis de lire ses messages sans qu'elle ne le sache, mais c'était encore autre. "Je ne sais pas comment Marie a obtenu mon numéro de téléphone. Toujours est-il que nous avions convenu qu'elle repasserait un peu ce soir, après le dîner pour revoir Daniel." Son ton était des plus neutres. Joanne était épuisée, et ce genre de visites ne faisaient que la fatiguer davantage. Toute cette histoire pourrait certainement valoir une dispute entre eux, chacun des deux protagonistes le savaient très bien. "Elle s'est sentie obligée de s'excuser pour le comportement d'Edward. Je lui ai dit que je n'avais rien contre elle, et qu'elle pouvait revoir le petit. Mais je lui ai demandé de venir sans Edward. Elle m'a répondue qu'elle ne comptait pas revenir avec lui." Elle haussa les épaules. "De toute manière, je n'ai pas envie qu'il remette les pieds dans cette maison avant un bon moment, c'est tout ce qu'il mérite." C'était plus fort qu'elle de lancer un pic à ce sujet, à ce que pouvait mériter Edward, mais sa voix n'avait pas changé de tonalité. "Je lui ai dit de venir pour le dessert, je ferai un gâteau plus tard." Ce petit échange de textos entre Marie et elle était des plus corrects. La mère de Jamie n'avait de cesse de s'excuser platement de la manière dont tout ceci s'était passé et que tout ce qu'elle désirait était de profiter d'autant qu'elle le pouvait de ce nouvel arrivant dans leur famille. Après mûres réflexions, la jeune femme avait fini par accepter, se disant que les choses seraient bien plus différentes si Edward n'était pas là. Elle n'attendait pas forcément une quelconque réaction de la part de Jamie. "Mais d'abord, j'aimerais juste essayer de dormir un peu." dit-elle en tournant ses talons, afin de retourner à l'intérieur et de retrouver son fils dans sa chambre. Elle prit la même position qu'auparavant, et l'embrassant à nouveau sur la tempe. Joanne était fatiguée, cela allait sans dire, mais une nouvelle fois, elle prit énormément de temps à ne serait-ce que fermer les yeux. Mais le sommeil ne venait pas, elle était certainement tracassée par ce que Jamie lui avait juste après que Marie soit partie. Il avait beau avoir la voix la plus douce qu'il pouvait avoir, ses dires sonnaient comme de très lourds reproches. Il se sentait toujours obligé de prendre la défense de ses parents.
C’est complètement perdu dans mes pensées que je me rends compte être soudainement pris d’une bonne dose de fatigue émotionnelle et physique. Je n’arrive plus vraiment à me concentrer sur un sujet précis qui me traverse l’esprit. Et d’ailleurs, je n’ai même pas envie de penser à quoi que ce soit. Le comportement de ma mère m’a tellement pris de court et bouleversé que je ne parviens pas vraiment à m’en remettre. C’est un sacré choc de découvrir l’étreinte et la chaleur toute particulière de sa propre mère au moins trente ans après la dernière fois qu’elle s’est permise d’être aussi affectueuse. Autant dire qu’elle a cessé tout geste de ce type avant même que je me souvienne vraiment en avoir déjà eu. L’espace d’un instant, j’ai enfin eu tout ce que j’ai toujours demandé de la part de Marie. Je n’ai pas su lui répondre, j’ai sûrement gâché le moment. Et maintenant qu’elle m’a donné ceci, bien des années trop tard, qu’est-ce que j’en fais ? Les aboiements des chiens qui s’impatientent me tirent de ces pensées. Je ne m’étais pas rendu compte que je tenais le bout de bois depuis un moment sans leur lancer. Alors je l’envoie au fond du jardin, et les deux compères se courent après. C’est alors que Joanne revient vers moi, son téléphone dans les mains. On sent son agacement derrière ses traits bien trop neutres pour être naturels. Je regarde l’écran de l’appareil sans vraiment lire les messages. De toute manière, elle m’en dit le contenu, alors rien ne sert de voir le détail de l’échange. Que ma mère ait le numéro de Joanne ne me choque même pas. La tête ailleurs, j’assimile qu’elle reviendra plus tard ce soir et qu’elle aura le droit de voir Daniel de nouveau. Ce qui est plus étonnant, c’est que Marie se soit excusée. Personne ne s’excuse jamais dans cette famille. Il y a quelque chose de vraiment étrange qui a lieu en ce moment dans le crâne de ma mère, et je ne comprends pas quoi. Qu’elle laisse Edward derrière elle pour avoir le droit de passer à la maison lui ressemble bien plus. Je pense que de son côté, Edward ne pense pas non plus que Joanne mérite sa présence. Au moins, ils sont d’accords sur ce point. Marie sera donc présente pour le dessert. « Je vais le faire. Ca m’occupera. » dis-je d’une voix basse. La jeune femme sait que j’aime assez me vider l’esprit en cuisine quand le cœur y est. Et là, j’ai besoin de m’occuper. Joanne file en laissant un courant d’air froid derrière elle. J’avoue que sur le moment, l’énervement qu’elle veut dissimuler ne m’atteint pas plus que ça. Je sais qu’elle est agacée et fatiguée, mais mes parents font partie de ma vie, souvent bien malgré moi, ma mère veut également faire partie de la vie de Daniel, et tel est son droit. On ne fait pas toujours ce que l’on veut quand on le veut. Une fois Joanne repartie à l’étage, je rentre dans la maison et me met immédiatement en cuisine. Il y en a pour un long moment. Je récupère les biscuits de tout à l’heure et les émiette avec un peu de beurre avant de les faire tapisser le fond d’un moule. J’applique par-dessus une couche de crème de marrons incorporée d’éclats de noisettes pralinées. Et après avoir préparé le mélange de fromage blanc et de crème fraîche, j’en remplis le moule pour terminer ce cheesecake. Ca n’a strictement rien de diététique, mais je sais qu’il s’agit du péché mignon de ma mère. La gâteau sera petit, la moindre part sera déjà bien assez bourrative comme ça. Et puis, cela lui prendra moins de temps pour refroidir après sa demi-heure au four. Ce n’est qu’une fois le gâteau cuit et mis de côté que je me décide à monter à l’étage pour rejoindre Joanne. Je ne la trouve pas dans la chambre de Daniel, mais bien avec le petit dans la nôtre. Ses yeux sont fermés, je suppose qu’elle dort. Je retire mes chaussures sans un bruit et m’installe de l’autre côté du lit. Le bébé, tout calme, est entouré de ses deux parents et bercé par leurs souffles chauds près de son petit visage. Les yeux de Joanne s’ouvrent. Je reste un moment silencieux, sans trop savoir quoi dire, paralysé par son regard bleu. « Merci d’avoir accepté que ma mère revienne. » je murmure aussi bas que possible. Cela ne semble pas déranger Daniel. Je frôle très légèrement sa joue avec le dos de mon doigt. « Nous étions tous les deux dans le salon, tout à l’heure, Edward était parti, et elle… Elle m’a pris dans ses bras. Elle n’avait jamais fait ça. » J’en suis encore un peu retourné. Dieu sait les dégâts que ce genre de manque peut causer. J’avais cessé de lui en vouloir avec le temps, préférant simplement l’en croire incapable. « Elle avait les larmes aux yeux. » Joanne sait à quel point les yeux clairs de ma mère peuvent être froids ou indifférents. Ils ne trahissent pas d’émotion qui ne soit pas parfait contrôlée et dosée. « Elle m’a dit qu’Oliver lui manque alors que nous ne l’avons jamais évoqué une seule fois de cette manière depuis sa mort. » Les seuls moments où j’entendais son nom étaient toutes les fois où elle et Edward se plaisaient à me comparer à lui ou à le mettre sur un piédestal que je ne pourrais jamais atteindre. Il avait fini par n’être qu’un idéal, et non plus une personne. « Je ne l’ai jamais vu comme ça. Je ne sais pas ce qui lui arrive. » Je ne sais pas si je dois en être heureux ou inquiet. Je me demande si Edward est au courant de cela, si c’est de sa faute, qu’il l’a trop poussée à bout et que tout ce personnage qu’elle s’était créé pour être à la hauteur de ses attentes commence à complètement s’effondrer. Ce qui m’inquiète, c’est la réaction de son cher mari s’il la devine aussi faible soudainement. Toutes les années de mariage et de bons et loyaux services ne pèseront pas dans la balance. « Si c’est Daniel qui a cet effet sur elle, s’il lui permet enfin d’aimer à nouveau quelqu’un, je ne veux pas que nous l’en empêchions à cause d’Edward. Il lui a déjà fait bien assez de mal comme ça. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne haussa les épaules lorsqu'il dit qu'il ferait le gâteau lui-même. Elle retourna quand même à l'étage pour rester auprès de Daniel. Et le sommeil ne voulait pas d'elle, quoi qu'elle fasse. Elle fermait, rouvrait les yeux, admirait silencieusement Daniel. Puis elle les ferma une nouvelle fois, et lorsqu'elle sentit un peu de mouvement, ses iris bleus regardèrent ce qu'il se passait. Cette fois-là, Jamie apparaissait également dans son champ de vision. Il prit un certain temps avant de dire quoi que ce soit, comme s'il était pétrifié par quelque chose. Il finit enfin par parler. Joanne haussa les épaules, avec la même expression sur le visage. "C'est normal, je suppose." dit-elle en regardant Daniel. L'idée était loin de la réjouir, mais puisqu' apparemment, ils ne méritaient pas d'avoir eu affaire à sa réaction un peu plus, il était peut-être temps qu'elle fasse un effort de son côté. Et ce sera très certainement la seule fois. Jamie se mit ensuite à parler de sa mère, de ce qu'il s'était passé juste avant qu'elle ne parte. Elle avait eu de l'affection avec son fils, et ça l'avait complètement retourné. Joanne l'écoutait avec attention, mais elle ne savait pas quoi lui dire. C'était bien lui qui avait garanti que l'on ne notera même pas la visite de ses parents, et voilà qu'il en mentionnait l'un deux lorsqu'ils n'étaient pas là. "Ca doit être parce que Daniel lui rappelle tellement Oliver. Je n'en sais rien." Après tout, elle connaissait mal les parents de Jamie, sachant simplement qu'ils n'étaient pas sains d'esprit. Elle haussa les épaules, ne sachant que dire de plus. Elle ne savait pas ce qu'il recherchait en lui partageant cela, si c'est pour lui faire rendre compte qu'ils ne seraient pas de si mauvais grand-parents que ça, ou que Marie avait tout simplement un coeur. Ca ne changeait pas la vision qu'elle avait des choses, loin de là. Il aimerait que Marie fasse partie intégrante de la vie de son petit-fils. Joanne n'avait strictement pas changé sa façon de regarder son fiancé depuis le début de cette conversation à sens unique. Elle finit par légèrement soupirer. "Fais comme tu veux, Jamie."dit-elle simplement. Que même si elle n'était pas d'accord, il le ferait certainement dans l'espoir de retrouver ce semblant d'affection auprès de sa mère, et il n'allait certainement pas écouter Joanne sur ce sujet. Quelque part, ses parents primaient encore sur beaucoup de choses, malgré tout ce qu'ils lui avaient infligé depuis son enfance, ça la dépassait. "Ou peut-être est-ce une excellente ruse de la part de tes parents, comprenant bien que leurs pics ne menaient à rien, d'y aller autrement pour nous détruire et se débrouiller de nous prendre Daniel. Ca ne m'étonnerait même pas, puisqu'il ressemble tellement à Oliver." Joanne se doutait bien qu'elle n'était pas facile, ces derniers temps, et c'était tout à fait compréhensible. Elle ne se réjouissait pas de revoir Marie, et ces simples minutes passés avec les parents de Jamie suffisaient à ruiner tout le reste. Edward en tirerait certainement une très grande satisfaction s'il savait cela. Sachant que cette conversation ne mènerait à rien, et qu'elle n'arriverait pas à dormir jusque là, Joanne se redressa et s'installa au bord du lit. "Je vais promener un peu les chiens." finit-elle par dire. "Ils ne sont pas sortis de la journée." Les pauvres étaient enfermés une grosse partie de la journée, alors que le reste de la famille était allé prendre le grand air. C'était l'occasion ou jamais pour eux, et puis leur maîtresse avait aussi grandement besoin de s'aérer un peu. "A tout à l'heure." dit-elle avant de se lever et de descendre les escaliers. Elle enfila des chaussures plates et appela Ben et Milo qui comprirent rapidement ce qui était en train de se passer. Joanne prit les laisses au cas où, et sortit avec eux, comptant faire un petit tour au parc. Ca n'allait pas être une grande promenade, loin de là, mais c'était suffisant pour que Joanne évacue un peu ce trop plein de sentiments négatifs. Que Jamie fasse ce que bon lui semble concernant ses parents, ce qu'il juge meilleur pour Daniel. Mais il était certain qu'elle n'allait pas pardonner au moindre faux pas. Elle revint au bout de vingt minutes de marche, peut-être une demi-heure. Jamie est encore à l'étage, certainement avec Daniel. Ne sachant que faire de ses dix doigts, elle préférait se concentrer sur autre chose en allant préparer le repas du soir. Une salade de chèvre chaud, rien de bien sorcier, mais Joanne avait besoin de s'occuper un peu l'esprit.
Oui. Accepter que la grand-mère de notre fils fasse partie de sa vie et ait le droit de le voir est normal. Parce qu'elle n'a strictement rien fait jusqu'à présent pour ne pas le mériter. Et au contraire, elle a parfaitement prouvé qu'elle était digne de ce nouveau rôle. Ma mère s'est montré plus aimable, charmante, attentionnée et affectueuse avec Joanne qu'elle n'a pu l'être avec moi en trente ans. Mais ça, elle ne s'en rend pas compte. Elle ne peut pas le comprendre. Elle et sa famille parfaite, sans problèmes, sans gangrène. Elle et ses parents aimants qui n'ont rien à se reprocher. Je fronce les sourcils, de plus en plus choqué de voir ma fiancée se permettre d'avoir un tel jugement sur ma propre mère. A croire qu'elle oublie complètement qu'il ne s'agit pas de n'importe qui. On ne parle pas d'un collègue ou d'un vieil ami à moi, d'une personne lambda sans vraiment d'importance. On parle de ma mère. Et tout ce qu'elle a pu faire par le passé ne justifie pas ce droit que s'octroie Joanne de la juger avec une telle injustice, surtout après la gentillesse dont elle a fait preuve. Elle ne la connaît pas. Elle ne sait pas qui elle est, d'où elle vient, ce qu'elle a traversé, ce que Edward lui a fait vivre tous les jours, ni la douleur de perdre son fils préféré après avoir passé dix-huit années à le voir grandir, à l'élever, à l'aimer. Elle ne sait pas, et prétendre le contraire en se donnant le droit de faire preuve d'autant de froideur et d'antipathie est d'une prétention sans nom. Soudain la jeune femme a perdu toute sa bonté naturelle, sa générosité. En une fraction de seconde, elle s'abaisse non loin de ceux qui se sont permis de la traiter comme une roturière de bas étage au premier coup d'oeil, et adopte le même comportement que ceux sont elle fait la critique. Elle n'a pas tant besoin de plus de paroles pour faire comprendre ses pensées, le ton de sa voix suffit amplement, et son regard permet toujours aussi bien de lire en elle comme dans un livre ouvert. Tout ce que je vois me choque et me révulse. Je serre de plus en plus les dents. Mon regard la dévisage comme si je n'arrivais pas à reconnaître les traits de celle que j'aime. Je suis presque soulagé qu'elle quitte la pièce, car une partie de moi qu'elle ne souhaite sûrement pas revoir commence à perdre patience. Lorsque j'entends la porte de la maison claquer derrière elle, je me lève et file dans la salle de bains attraper l'un de ces cachets qui me tiennent en laisse. Mon rythme cardiaque s'est tant accéléré, mes poumons subissent une telle pression que j'en ai besoin pour espérer me gérer avant de détruire un nouveau miroir. Je loge son visage entre mes mains, tente de respirer. Mes doigts s'accrochent à mes cheveux et se serrent sur les mèchent brunes. Au bout d'une dizaine de minutes, l'effet de la médication prend le dessus, et mes membres se relâchent. La colère est toujours là, frappant sur les parois d'une boîte en verre. Sonné, je retourne auprès de Daniel dans le lit. Je m'endors dans la seconde. Je ne saurais pas dire combien de temps est passé lorsque je rouvre les yeux. Mes paupières sont terriblement lourdes. Ces trucs m’assomment toujours avec force. Le petit n'est plus près de moi. Sa mère a du venir le récupérer pour le nourrir ou le changer pendant que je dormais. Je me lève difficilement, les membres engourdis. Le temps de réfléchir à la suite des événements, je reste encore là quelques minutes. C'est une fois bien réveillé et déterminé que je descends l'escalier. Voyant Daniel dans son transat, je m'approche de lui et le prends dans mes bras. Je me dirige ensuite vers Joanne, et adoptant si bien la neutralité froide dont elle a su faire preuve depuis le début, je capte son regard pour ne plus le lâcher. « Tu ne seras pas là quand ma mère viendra. Tu lui diras bonsoir, et tu prétexteras d'être trop fatiguée pour rester. Alors tu iras à l'étage pour te reposer, parce que tu en as visiblement vraiment besoin. » Et vu son irritabilité et son comportement, cela n'est même pas un mensonge. Mieux vaut qu'elle parte plutôt qu'elle envenime la situation. « C'était ton plan de départ après tout. » J'aurais du lui dire de faire comme elle l'entendait dès le départ. Je ne l'ai jamais forcé à être présente, elle a choisi elle option seule. Mais j'aurais du la forcer à suivre son idée de s'absenter. « Je m'occuperai d'elle et de Daniel. Elle restera tout le temps qu'elle le voudra, avec moi et son petit-fils, tant qu'elle se comportera bien et que j'estimerai que sa présence n'est pas nocive. » Cela signifie qu'elle pourra rester des heures et des heures, jusqu'à ce que elle, moi ou Daniel soit trop fatigué pour continuer de veiller. Tant qu'elle sera là, il ne sera pas question que Joanne mette un pied au rez-de-chaussée. « Et si c'est pour être de mauvaise foi ou aussi pleine de jugements sans fondements, tu resteras mise à l'écart de cette partie de la vie de famille jusqu'à ce que j'ai décidé du contraire, parce que c'est tout ce que tu mériteras. » Ca, en revanche, peut durer des mois et des années, jusqu'à ce qu'elle se décide à être moins exécrable ou qu'elle se découvre la maturité d'être capable de donner une nouvelle chance à Marie. « De toute manière, tu ne veux pas la voir et tu ne veux pas la connaître, je l'ai bien compris, alors je suppose que tu vivras parfaitement bien cette situation. » Tout ce que j'ai pu dire à son sujet n'y a rien fait. Face à mon émotion à l'idée d'avoir enfin eu doit à un semblant de fibre maternelle de la part de ma mère, Joanne est restée froide et impassible. Elle s'en fichait bien. Elle s'est aussi montrée cruelle envers moi dans un sens. Oh, je suis capable de donner, de tout donner pour elle. Maintenant elle constate à quel point je peux tout reprendre.
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Daniel s'était réveillé depuis et Joanne l'avait vite descendu pour le nourrir et ensuite le mettre dans le transat afin de garder un oeil sur lui. Elle savait qu'elle n'avait pas été correcte avec Marie. Mais jamais elle n'oubliera les quelques regards qu'elle avait pu avoir sur la jeune femme qui se faisaient très clairement comprendre. Pendant qu'elle préparait la salade, Jamie descendit d'un pas déterminé, prenant Daniel dans ses bras au passage. Emprunté la même expression faciale que la jeune femme tout à l'heure, il lui ordonna de ne pas être là tant que Marie serait au rez-de-chaussée. Comme une enfant que l'on punissait dans sa chambre. Aux dernières nouvelles, Joanne ne dormait pas sur commande. Et ça n'allait pas être en mentant à Marie que ça allait l'aider en quoi que ce soit. La jeune femme resta de marbre devant les propos sec de son fiancé. Sur le coup de l'énervement, elle était parfaitement incapable de montrer à quel point elle était tout de même blessée par ses propos, même si ce n'était vraiment que tout ce qu'elle méritait de sa part. Mais la jeune femme restait, de manière assez improbable connaissant le personnage, sur la défensive. "J'ai même mieux à te proposer, Jamie." dit-elle en posant son couteau sur la planche. "Puisque je suis écartée de cette partie de la vie de famille, autant le faire correctement." dit-elle sans le quitter une seule fois du regard. "Je n'ai qu'à partir tout de suite, comme ça, si le coeur t'en dit, tu pourras même l'inviter à dîner sans te poser la question si je me suis endormie ou non, ou je n'aurai pas à vérifier si tu en es même allé à m'enfermer dans la chambre. Je n'ai pas faim, de toute façon." Un silence d'une extrême lourdeur s'imposa dans le séjour. Ca fusait des deux côtés. "Comme ça tu n'auras pas de Joanne à te soucier pour le reste de la soirée, c'est comme ça que tu faire les choses, non ?" Son ton restait tout de même calme. Elle se rinça rapidement les doigts sous l'eau du robinet avant de s'éloigner de la cuisine afin d'enfiler sa veste. "Et tu pourras penser ce que tu veux, que je fuis, ou... ou n'importe quoi. Je pense que c'est la meilleure solution qui se présente à nous pour cette incroyable soirée." Elle prit juste son porte-feuille et les clés de la maison qu'elle mit rapidement dans la poche. D'un ton bien plus sincère, et non sans tristesse, elle dit, avant de claquer la porte derrière elle. "Passe une bonne soirée avec ta famille." Puisqu'il ne voulait pas l'inclure pour le moment. Joanne n'avait pas pris la voiture, elle marchait d'un pas rapide, tout simplement. Et puis, elle ne savait pas encore si elle était en mesure de rouler pour rentrer ; si elle rentrait, diraient certains. Appelez ça de la lâcheté, appelez ça ce que vous voulez, mais Joanne n'avait certainement pas le courage de rester simplement enfermée dans sa chambre comme une gamine et à s'inquiéter pour son fils et son fiancé qui étaient à l'étage juste en dessous. La jeune femme n'avait même pas emmené son téléphone portable et c'était bien le cadet de ses soucis. Elle arriva plus vite qu'on ne l'aurait cru au centre de la ville. C'était bien plus animé, surtout un samedi soir. Pendant un moment, elle était restée statique, à observer, tout simplement. Elle ne sait plus à quand remonte sa dernière expédition en plein centre, comme ça, sur un coup de tête. Ca remontait à beaucoup de temps. Elle longea les vitrines des magasins, qui fermaient les uns après les autres. Joanne finit par se rendre dans un bar, au hasard. Elle n'avait jamais mis les pieds de dans. Une table était libre, elle s'avouait chanceuse en s'y installant, c'était assez isolé. Une serveuse, métisse avec des cheveux tout bouclés, vint rapidement prendre commande. C'était le genre de personnes à sourire en permanence, à déborder d'optimisme dans n'importe quelle situation. Lena, c'était son prénom. Joanne avait pris un cocktail alcoolisé qu'elle sirota longuement. Un inconnu se permit de s'asseoir en face d'elle, avec un large sourire. "Je suis fiancée, et j'ai un bébé." dit-elle en regardant son interlocuteur. "Il va falloir m'expliquer alors pourquoi vous vous retrouvez seule, là." Il était assez jeune, il devait être à peine plus âgé que la jeune femme. Des cheveux foncés, le teint clair, les yeux bruns, un beau visage. "Je suppose que la vie de famille ne va pas trop." dit-il, un peu embarrassé. Joanne baissa les yeux. "J'avais juste besoin de prendre un peu l'air. Ca faisait trop longtemps que je n'étais plus sortie de chez moi, ne serait-ce que pour boire un verre." avoua-t-elle. Il y avait une part de vérité dans ce qu'elle disait. L'inconnu rit doucement. "Je sais ce que c'est. A vrai dire, je suis aussi papa. Et je voulais profiter de la baby-sitter pour passer un peu de temps seul, prendre du recul, vous voyez ? Ca permet de se défaire de certaines futilités, mettre un peu d'ordre sur son esprit, reconnaître ses erreurs et chercher à l'améliorer. Et quand je me réveille le lendemain matin, je n'ai pas la gueule de bois, mais je repas sur un bon pied, avec de nouveaux objectifs, des trucs comme ça." dit-elle en s'étirant et en plaçant ses deux mains derrière sa tête. "Quand on reste trop fourré dans notre truc, sans vouloir vraiment sortir la tête de l'eau et voir ce qu'il y a autour, on se rend compte trop tard que c'était une mauvaise idée. C'était ça, avec mon premier gosse. Je savais pas quoi faire, et il avait l'attention de tout le monde, je me souciais pas trop du monde qui continuait de tourner à côté. Ca m'a fait louper pas mal de trucs." Il haussa les épaules. "Mais bon, c'est comme ça qu'on apprend, et je me suis pas fait avoir la deuxième fois." dit-elle d'un air pleinement satisfait. Joanne sourit très légèrement. Son interlocuteur était particulièrement loquace. "Et vous ? Pourquoi vous aviez besoin de prendre un verre ?" finit-it par demander, curieux. Joanne soupira, sirotant son verre à moitié plein. "Pour plein de choses. Ma vie de couple, ma vie de famille, mes tracas." "La belle-famille vous fait des misères ?" Il cherchait à plaisanter, c'était un cliché répandu dans le monde entier. "Pour faire court, ils ont été particulièrement odieux avec mon fiancé, et je ne vois pas en quoi ça changerait lorsqu'il s'agit de mon fils. Lui, est persuadé que ce ne sera pas le cas, et voulu décider de lui-même qui allait faire partie de sa famille ou non. Et depuis une poignée d'heures, je n'en fais plus partie." dit-elle sans respirer une seule fois. "J'avoue que je n'ai pas été correcte non plus avant, loin de là, mais ses parents ne m'inspirent absolument pas confiance." "Mmh... Compliqué tout ça." dit-il tout bas, ne sachant que trop dire d'autre. Ils discutèrent ensuite de banalités sans même avoir pris le temps de se présenter l'un à l'autre. Ca ne leur posait pas de problèmes. Et les heures passaient, jusqu'à ce que l'inconnu se rende compte qu'il était minuit et que la baby-sitter avait fait son quota d'heures. Il fila rapidement. Joanne ne savait plus combien de verres elle venait de boire. Il lui semblait que c'était son troisième. Toujours le même cocktail, elle n'aimait pas vraiment faire des mélanges. Pendant encore longtemps, elle restait là, à ne rien dire, mais à beaucoup penser - quoiqu'elle se sentait lessivée par absolument tout. Le bar se vidait peu à peu, jusqu'à ce que les serveurs se mettent doucement à ranger et à laver les tables. Lena arriva et dit à la belle blonde. "Excusez-moi, Madame, mais nous allons bientôt fermer." Joanne sursauta légèrement, et regarda la serveuse, toujours aussi souriante. "Je finis mon verre et je m'en vais." dit-elle doucement. Lena acquiesça d'un signe de tête, toujorus le même sourire dessiné sur les lèvres. "Vous avez l'air fatiguée, dis donc." dit-elle en récupérant le verre enfin vidé. "C'est comme ça, lorsque l'on a un bébé." lui répondit-elle en souriant. Les yeux de la jeune femme devinrent ronds, et elle s'installa immédiatement sur la chaise. "C'est vrai ? Vous avez un bébé ? Il a quel âge ?" Joanne lui sourit. "Il aura un mois la semaine prochaine." "Oh ! Il doit être encore si petit !" "La taille d'une crevette, oui." "Et vous ne voulez pas rentrer, pour le retrouver lui, et votre amoureux aussi ? J'veux dire, il est presque deux heures du matin, là." s'inquiéta la jeune femme. Joanne resta longuement silencieuse, avant de lui répondre ce que toute femme devrait répondre à cette question pour ne pas inquiéter qui que ce soit. "Oui, vous avez sûrement raison." Une poignée de secondes plus tard, elle se redressa et remit sa veste sur les épaules. Elle souhaita une bonne soirée aux employés avant de partir. Les rues de Brisbane étaient alors bien plus désertes. Il y avait ces quelques fêtards qui allaient se rendre en boîte de nuits. Mais sinon, même le centre ville était silencieux. Sans grande motivation, Joanne reprit sa marche afin de revenir sur Logan City. Elle n'avait pas vraiment envie de rentrer à la maison, Dieu sait ce qui l'y attendait.
Plusieurs fois déjà, Joanne m'avait ainsi donné des exemples de son égoïsme, de son intolérance, et de sa lâcheté. Je me dis que les expériences manquent grandement à sa vie pour justifier tels choix et tels comportements. A aucun moment je ne lui reproche de ne pas être capable d'empathie à mon égard et de se mettre à ma place, parce que je sais qu'elle ne le peut pas.Et qu'en plus de cela, la fatigue et les hormones en vrac n'aiment absolument pas -ce qui ne sera pas une excuse pour tous les dérapages de ce genre et cette manière de s'en prendre au monde entier. Je prends sur moi toutes les couleuvres qu'elle me donne à avaler, restant impassible et blasé. Oui, je pense qu'elle fuit. Je trouve sa décision grotesque et son comportement aussi détestable qu'inadapté. Je me dis que la seule personne qui aura réussi à gâcher le week-end, c'est telle. Que nous n'avions vraiment pas besoin de ce genre de crise d'ego de sa part alors que nous essayons de remonter la pente et que j'ai tout mis en œuvre toute la journée pour que nous poursuivions sur cette lancée. Parfois, je me demande si elle saura être heureuse un jour, ou je ne fais que me battre contre des moulins à vent, essayant de remplir un seau percé. Alors qu'elle claque la porte, j'espère qu'elle reviendra en ayant ouvert les yeux sur son attitude et avec des excuses à présenter. Elle reviendra dans une ou deux heures me dis-je. Je ne dîne pas, je n'ai pas faim. Jouer avec Daniel ne parvient pas à m'occuper assez l'esprit et me détourner de l'immense liste de blâmes que je jette comme des pierres sur Joanne. Je ne la comprends pas, pas une seule seconde. Ma mère frappe à la porte à l'heure donnée. Elle porte une de ses magnifiques robes de gala qui laissent si bien deviner ses jambes interminables et mettre en valeur son teint porcelaine. Je sais déjà ce qu'elle va me dire avant qu'elle n'ouvre la bouche, cette image suffit à me briser le coeur -une sale habitude des femmes de mon entourage ce soir. « Jamie, je ne fais que passer finalement. J'avais oublié que nous étions invités quelque part ce soir. » Je hoche légèrement la tête, essayant en vain de ne pas montrer que je suis dépité et particulièrement déçu. Je serre les dents pour retenir au fond de ma gorge la vague de reproches indignés dans lesquels j'aimerais la noyer. Un gala est forcément plus important. Forcément. « … Tu es très belle. » dis-je sans sourire. Me froisser ainsi ne semble pas l'atteindre. Je me sens comme le plus grand des idiots idéalistes. Je me sens orphelin. « Je peux ? » demande-t-elle en indiquant Daniel d'un signe de tête. Je le dépose délicatement dans ses bras et ne manque pas de vérifier qu'elle le tient bien. Qu'il ne tombera pas. « Joanne n'est pas là ? » s'étonne Marie, cherchant la petite blonde dans le salon. « Non, elle... » est à l'étage. Sauf que c'est faux, et que je n'ai pas envie de mentir pour l'épargner. Elle ne m'a pas épargné, elle, après tout. « Elle a préféré sortir. » dis-je donc avec un haussement d'épaules résigné. Je me demande ce que j'ai fait pour mériter pareil traitement ce soir. J'ai simplement voulu que les grands-parents de Daniel fassent partie de sa vie, comme dans n'importe quelle famille. J'ai voulu croire que ma mère était en train de changer. Non, je n'ai pas mérité pareil moment de solitude. « Elle apprendra avec le temps, Jamie. Toi aussi. Vous avez tous les deux beaucoup à apprendre. Vous allez commettre toutes les erreurs qu'il est possible de commettre en tant que parents, non seulement auprès de votre bébé mais aussi dans votre couple, et vous allez vous sentir misérables plus d'une fois. » Je garde les yeux baissés, tristes, rivés sur le bébé. « Je pense que tu étais mieux avec Hannah, tu sais. » ajoute Marie. Si ma bouche et mon coeur n'étaient pas aussi secs, j'aurais rétorqué quelque chose. Sauf que je ne me vois pas prendre la défense de Joanne. Ma mère me rend Daniel et l'embrasse une dernière fois sur le sommet du crâne. « Je dois y aller. Bonne soirée mon chéri. » Elle file sans attendre de réponse. De toute manière, j'ai déjà fermé la porte. Le petit sent sûrement ma tristesse à cet instant. Son regard a perdu tout son éclat. Je nous réinstalle dans le canapé, joue avec lui, regarde une nouvelle heure passer, et sa mère qui ne rentre pas. Bien sûr, le bébé commence à hoqueter. Il n'a pas mangé depuis quelques heures. Et Joanne n'est pas là. Je réalise que je n'ai strictement rien pour le nourrir. Sur le moment, je la déteste. Je la déteste tellement d'être aussi égoïste. J'attrape mon téléphone pour l'appeler. Cette colère à son égard explose quand je devine le vibreur du sien quelque part dans le salon. Dans un fracas de composantes électroniques, mon appareil se retrouve démembré au sol après avoir percuté le mur de l'autre côté de la pièce avec la force qui avait valu à James un court séjour aux urgences. Ca n'est que le second téléphone que je détruis en un an. Je ne cherche pas à me calmer. Si je contiens ceci, je pers la tête. J'attrape Daniel, le mets dans la voiture, et parcours Brisbane pendant une bonne heure avant de trouver une pharmacie ouverte pour acheter de quoi nourrir ce fils qui commence à pleurer plus qu'il n'a jamais eu à faire jusqu'à présent, qui ne comprend pas pourquoi maman n'est pas là, pourquoi papa dégage une telle aura de colère, pourquoi on le trimballe dans cet endroit aux néons trop forts et trop blancs. Le regard de la jeune femme qui m'encaisse est désolé. Le mien ne se pose pas une seconde sur elle. Je la remercie vaguement quand elle m'explique comment tout ça fonctionne. Le reste du temps, je m'efforce de calmer Daniel, mais rien n'y fait. Je jure que la prochaine fois que Joanne se permet le moindre commentaire concernant l'éducation de Marie, je lui jetterai avec joie cette nuit à la figure pour lui rappeler qu'elle est parfaitement capable de ne pas être mieux. Une fois rentrés, il ne faut que dix minutes pour préparer le biberon. Les pleurs cessent à la seconde où Daniel commence à téter. Je respire enfin. Epuisé par toutes ces émotions, je ne tarde pas plus longtemps pour le coucher. Je le prends avec moi dans le grand lit de la chambre parentale. Il est déjà minuit. Toujours pas de Joanne. Avant de me coucher à mon tour, je griffonne quelques lignes aux courbes énervées sur un papier que je lui laisse sur la table de la salle à manger. Je parviens à m'endormir profondément auprès de mon fils après un nouveau cachet, laissant une angoisse sans nom me tordre l'estomac.
« Joanne, J'espère que tu as profité de ta soirée. Marie n'est passée que dix minutes finalement. Dan a eu faim vers onze heures. Je ne te remercierai jamais assez de m'avoir fait découvrir la joie de chercher une pharmacie de garde un samedi de nuit pour trouver de quoi le nourrir, ou encore face au sang d'encre que tu m'as causé en quittant la maison tout ce temps sans même prendre ton téléphone. J'espère vraiment que tu as apprécié ta soirée, et que cela valait la peine de porter un tel coup à tous les efforts faits depuis des semaines pour aller mieux. J'ai sûrement mal entendu quand tu disais vouloir te battre pour ta famille car tu t'es évertuée à te battre contre elle ce soir. Comme signe de mon éternelle reconnaissance, je t'ai préparé la chambre d'amis. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
La maison était des plus calmes lorsqu'elle rentrait, bien que l'air était des plus lourds et des plus pesants. Pas besoin qu'ils soient dans la même pièce pour deviner que leur couple allait au plus mal, une nouvelle fois. Joanne ne faisait pas la fière. Elle était épuisée, mais ses yeux bleus restaient grandement ouverts et elle savait d'avance qu'elle n'arriverait pas dormir pour ce qu'il restait de la nuit. Elle n'alluma qu'un petit luminaire dans le salon, juste pour voir les obstacles, et remarqua que Jamie lui avait laissé un mot, où l'écriture laissait largement deviner la haine qu'il avait envers elle. Elle ne comptait pas dormir, de toute façon, à quoi bon avoir préparé la chambre d'amis ? D'un air las, elle s'installa sur le canapé, toute silencieuse. Elle ne voulait ni allumer la télé, ni lire un livre, ni faire quoi que ce soit pour lui occuper l'esprit. Joanne savait que lorsqu'elle était tout particulièrement fatiguée, elle était à fleur de peau, un rien se transformait en une montagne infranchissable. Peut-être que si elle était plus reposée, tout se serait passé différemment, mais elle avait un seuil de tolérance très bas, ces derniers temps, surtout concernant les parents de son fiancé. Elle ne comprenait comment il pouvait même imaginer que tout aille mieux d'un coup, à la première vue d'un bébé. Joanne savait que Marie ne la portait absolument pas dans son coeur, et soudainement, la jeune femme avait un bébé qui ressemblant étrangement à Oliver, et tout irait mieux ? Si Jamie et Joanne avaient un point commun, c'était bien qu'ils prenaient tous les deux énormément de temps à pardonner. Les maux ne s'effaçaient pas aussi facilement. Les heures passaient, et vers quatre heures du matin, elle se leva pour aller voir Daniel, allant d'abord vérifier dans sa chambre. Jamie l'avait pris avec lui. Pieds nus et à pas feutré, elle s'approcha de son fils pour voir s'il dormait encore. Le petit avait les yeux grand ouvert et commençait un peu à s'agiter. Elle le prit dans ses bras, et Danie se détendit de suite. Elle descendit au rez-de-chaussée avec lui afin de l'allaiter, toujours au calme. Même les chiens dormaient à point fermé. Joanne gardait ensuite Daniel tout contre elle, et s'endormait rapidement, blotti dans les bras de sa maman. Elle ne voulait pas s'en détacher, et ne se lassait pas de l'embrasser et de le faire profiter de la chaleur rassurante émanant du corps de la jeune maman. Celle-ci se sentait toujours aussi vidé. Vers huit heures, le bébé avait à nouveau faim, Jamie ne s'était pas encore levé. Après que Daniel fut repu, Joanne le prit avec lui afin d'aller à la boulangerie la plus proche, histoire d'acheter du pain frais et des viennoiseries. Ils rentraient à la maison quelques dizaines de minutes plus tard, et son fiancé dormait encore. Simple réflexe, ou geste spontané du weekend, elle mit en place sur la table de quoi faire un petit-déjeuner, voir même un brunch, des plus royal. Elle avait acheté bien trop de viennoiseries, mais peu importait. L'eau pour le thé était déjà bouillante, les oeufs étaient prêts à mis dans la poêle, tout comme le bacon. Et puis, elle avait peut-être tout simplement envie de lui préparer quelque chose. Seul bémol, elle n'avait pas mis de couverts pour elle, se disant qu'il ne voudrait certainement pas manger en sa compagnie. Et de toute manière, Joanne n'avait pas faim, reprenant de bien mauvaises habitudes malgré elle. Elle lui servit également un grand verre de jus d'orange fraîchement pressé, et une fois que tout était parfaitement disposé, prêt à être consommé, elle se réinstalla sur le canapé, ne quittant pas Daniel une seconde. Le temps semblait être totalement difformé parce qu'elle ne savait pas combien de temps s'était écoulé jusqu'au moment où Jamie descende les escaliers. Ce n'était certainement qu'une dizaine de minutes plus tard, tout au plus. "Bonjour." dit-elle dans un murmure. Elle sentait son coeur paniquer dans sa poitrine, se pincer au point d'en être douloureux. Elle s'éclaircit la voix en toussotant un peu, avant de dire un peu plus distinctement. "L'eau doit être encore suffisamment chaude pour le thé." Sa voix était bien plus apaisée que la veille, c'était certain. Joanne restait installée, parfaitement statique. Elle ne savait pas quoi dire, ou s'il fallait vraiment dire quelque chose. La veille, rien ne s'était passé comme cela avait pu être initialement prévu. Elle savait qu'elle était pleinement fautive, qu'elle n'avait qu'à s'en prendre à elle-même pour avoir effectivement ruiné tout leur weekend. Elle l'admettait, et s'en voulait, bien que sur le coup, Joanne n'aurait pas su comment réagir autrement. Elle avait peu de patience, elle avait accepté que Marie revienne, pour qu'elle ne reste que dix minutes. Ce weekend aurait tellement pu être tellement parfait, si elle s'était correctement comportée. Mais c'était certainement trop tard, et elle savait à quel point Jamie détestait lorsque l'on s'excusait ou que l'on demandait pardon. Il fallait trouver comment formuler les choses autrement, ce qui était loin d'être facile à trouver pour la jeune femme. Il était encore certainement debout, elle n'avait pas entendu le bruit de la chaise de la salle à manger. "Je regrette. J'ai ruiné à moi seule la totalité de ce weekend." dit-elle alors, songeuse, toujours dans la même position. "Si tu ne veux pas me voir de la journée pour ne pas gâcher ce qu'il en reste, je partirai ou m'isolerai, et ne viendrai que m'occuper de Daniel lorsqu'il en aura besoin, et tu seras tranquille le reste du temps." ajouta-t-elle, se faisant déjà à l'idée que ce dimanche ensoleillé allait se dérouler de cette façon. Elle se disait que c'était bien la seule chose qu'elle pouvait mériter à ce moment précis. "J'ai été lâche avec Daniel et toi. Je n'ai pas été correcte avec ta mère, et je ne suis pas en mesure de comprendre votre relation. " Elle n'y comprenait absolument rien, à vrai dire. Elle savait que c'était compliqué, que tout n'était qu'apparence et que Jamie avait un cruel manque d'affection et d'attention pendant toute son enfance. Joanne ne s'était pas posée plus de questions que cela. Elle restait ensuite longuement silencieux, s'attendant à ce que Jamie devienne aussi glacial que la veille, qu'il s'énerve vivement contre elle ou qu'il l'expulse de la maison. Elle s'attendait à peu près à tout, mais à rien de bon, elle s'était bien faite à l'idée. Pendant le peu de fois où elle parlait, elle cherchait des moyens de se rattraper, mais tout lui semblait vain, inutile, inefficace. Elle se tuait à se dire que quoi qu'elle fasse, ce ne sera jamais assez, et revenait même à se demander en quoi elle méritait d'avoir Jamie dans sa vie. Joanne se sentait bien misérable pour pouvoir être aimée par qui que ce soit, à cet instant précis.
La première fois que j’ouvre les yeux, il fait encore nuit. Je vérifie par automatisme que Daniel est bien là, bien installé, et dort à poings fermés. Je frôle du pouce ses longs cheveux bruns si fins, et ne tarde pas à sombrer de nouveau. Mon sommeil est toujours lourd, calme, sans rêves. Et apaisé par la présence de mon fils à mes côtés. Je peux entendre sa respiration tranquille, son odeur rassurante, et sa chaleur près de mon visage. Même endormi, une partie de mon inconscient reste assez en alerte pour être à l’écoute du petit, deviner s’il dort ou non. Il me permet de rester immobile, tout près de lui. En revanche, je suis trop fatigué pour m’étonner de ne pas l’entendre hoqueter au milieu de la nuit pour demander à être nourri. Peut-être qu’il fait sa nuit. J’ouvre les yeux une nouvelle fois. Les rayons du soleil ont envahi la chambre. Daniel n’est plus là. Joanne doit être de retour. Qu’importe. Je me rendors aussi sec. Je n’ai aucune envie de me réveiller, me lever, la confronter ou simplement vivre cette journée. Si je le pouvais, je dormirais jusqu’au lendemain. Je pourrais prendre un cachet à chaque fois que le sommeil tentera de m’expulser du pays des songes, et resterais aussi apathique. Puis j’irais au travail faire ce que je sais faire de mieux, et agirais comme si ce fiasco n’avait jamais existé. Oui, c’est un bon programme. Je m’éveille de nouveau seulement une heure plus tard. Le problème, c’est qu’il n’est pas dans ma nature de me tenir à ce genre de solution de facilité, cette fuite de la réalité. Je prends tout mon temps pour émerger. Je traîne dans le lit, me prélasse, observe le plafond comme s’il est ce qu’il y a de plus captivant dans cette pièce. Je ne force pas mon esprit à s’agiter, à penser, réfléchir. Non, surtout pas. Je somnole ainsi une heure supplémentaire. Quand je me décide enfin à me lever, ma tête et mes membres sont lourds. Je retrouve cette atonie qui m’agaçait tant quand le médecin m’avait prescrit mon traitement au début. Sûrement est-ce le fait d’en avoir pris deux la veille qui me fait cet effet. Au moins, je suis tranquille, et mes nerfs dorment encore. Je me change sans me presser, passe dans la salle de bains, puis vérifie si Daniel est dans son berceau. Joanne l’a pris en bas avec elle. Je soupire avant de me décider à descendre les marches de l’escalier. Mon regard plissé se pose sur la table garnie d’une grande quantité de nourriture, puis sur la jeune femme qui tient notre fils dans ses bras. Je ne réponds pas à son salut, je ne sais pas encore de quelle manière j’ai envie de me comporter avec elle. Histoire de ne pas rester paralysé, j’avance vers la table et attrape un raisin sur une grappe que je déguste en écoutant Joanne. J’arque un sourcil lorsqu’elle avoue regretter son comportement. Elle sait si bien être butée que je n’espérais plus qu’elle revienne à la raison à ce sujet. Et cela se serait ajouté à notre longue liste de tabous et de problèmes irrésolus. Elle se propose de jouer les nourricières pour le reste de la journée. Je lève les yeux au ciel. Je ne veux pas lui demander une chose pareille. Qu’elle reconnaisse ses torts permet au moins à la colère de s’apaiser. « J’apprécie que tu l’admettes. » dis-je enfin. Je me décide alors à m’approcher d’elle. Néanmoins, je ne me vois pas m’installer à côté d’elle sur le canapé, alors je m’appuie sur la table basse, lui faisant ainsi face. Mon regard triste laisse bien deviner que je n’ai aucune envie de me battre contre elle. J’en ai tellement assez de voir les efforts être ruinés constamment, de me prendre des revers injustes, d’avoir des espoirs déçus, et de ne plus trop savoir à quoi je peux me raccrocher pour sauver mon optimisme de la noyade. « J’espérais juste qu’elle était capable d’être plus… humaine, au contact de Daniel. » je murmure avec cette boule d’émotion qui se laisse monter jusqu’à ma gorge. J’ai vraiment eu une mère pendant trente secondes. Il est si cruel de présenter ainsi sur un plateau tout ce que l’on a désiré depuis toujours, nous le passer sous le nez, et remettre le couvercle dessus juste après. Quel mal y avait-il à vouloir y croire ? Je passe mes mains sur mon visage, rabat en arrière mes cheveux. Je suis un idiot. Tant pis. « Où est-ce que tu étais, Joanne ? » je demande au bout de quelques minutes de silence, le cœur si serré que cela en est douloureux. « Je me suis tellement inquiété. » Quelque part dans toute cette rage, derrière les débris de mon téléphone qui jonchent toujours le sol, il y avait cette peur panique qu’il lui arrive quoi que ce soit, ou qu’elle puisse chercher à se venger ou à se réconforter auprès de quelqu’un. Je retiens des larmes à cette seule idée. « Est-ce que tu as au moins dormi à la maison ? »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Il y avait encore tellement de sujets dont ils devaient certainement parler. De tous ses conflits qu'ils préféraient ignorer du jour au lendemain, et ce n'était que par amour. Ils restaient plongés là-dedans, et tout leur semblerait parfait jusqu'à la prochaine dispute. Discuter de tous ces sujets particulièrement sensibles leur étaient bien trop difficiles à supporter. Joanne avait toujours horreur des confrontations et quelque part, Jamie ne devait pas non plus les apprécier. Il finit d'ailleurs par dire quelque chose, après de lourdes minutes silencieuses. Joanne n'ajouta rien, elle se contentait déjà de savoir qu'il était un peu moins en colère contre elle. Joanne n'avait pas envie de conflit. Elle était bien trop épuisée et il y aurait des larmes bien trop facilement. Elle s'attendait à ce que leur conversation s'arrête là, qu'il se mette à table et profite de son petit-déjeuner. Mais non, il la rejoignit dans le salon, maintenant tout de même une certaine distance physique entre eux, en s'asseyant sur la table basse afin d'être en face d'elle. Joanne était surprise qu'il ressente le besoin de se justifier d'une quelconque manière auprès d'elle. Bien sûr qu'il espérait retrouver un peu de la fibre maternelle de Marie, vu qu'il n'y avait jamais eu droit. Joanne n'osait pas vraiment le regard, se disant qu'il devait encore être très en colère contre elle.[color=#006699] "Ca s'est passé comme tu aurais aimé que ce soit?" finit-elle par demander, ne sachant que trop dire d'autre à ce sujet. Peut-être tout s'est passé comme il aurait pu imaginer, peut-être que ça avait été un désastre. Elle était sortie suffisamment longtemps pour ne pas avoir eu à le deviner. Jamie évacuait ce trop plein d'émotions en se frottant le visage et mettant ses cheveux devenus bien longs en arrière. La jeune femme restait murée dans son silence, parfaitement immobile, toujours le regard baissé, comme une enfant qui attendait à être punie. Il finit par demander où elle était allée, la veille, avouant toute l'inquiétude qu'il avait à ce sujet. Elle ne saurait dire s'il cherchait simplement à renouer un peu en le glissant subtilement dans leur conversation, ou s'il s'était vraiment fait du soucis pour elle, parce qu'il n'avait pas vraiment l'air de vouloir s'intéresser à elle lorsqu'elle avait claqué la porte d'entrée derrière elle. La jeune femme leva les yeux sur son fiancé lorsqu'il lui demanda si elle avait au moins dormi ici. A quoi pensait-il ? Qu'elle était allée se réconforter dans les bras d'un autre ? Elle avait beau être en colère contre lui, Joanne ne l'avait pas trompé. L'idée ne lui avait jamais effleuré l'esprit, elle ne voyait pas en quoi cela changerait. "Je ne suis pas allée chez qui que ce soit." dit-elle, en toute honnêteté, d'une voix à peine distincte. "J'ai juste marché sans trop savoir où j'allais, puis je suis allée dans un bar et j'ai du boire trois ou quatre cocktails J'ai juste discuté avec un homme qui est parti assez vite parce qu'il devait libérer la baby-sitter qui gardait ses enfants." Elle haussa timidement ses épaules. "Il ne m'a pas touchée, pas une seule fois." préféra-t-elle ajouter avant que Jamie ne vienne à suspecter quoi que ce soit. "Et je suis restée seule jusqu'à la fermeture. Il était pas loin de deux heures du matin, je crois. Et je suis rentrée à pied ici." Elle marqua une pause, se doutant que Jamie allait lui reprocher d'être sortie seule et sans quoi la contacter, ou même d'avoir un peu discuté avec un parfait inconnu. "Je n'ai pas dormi." Une habitude qui la connaissait bien, elle haussa les épaules, indifférente concernant ce mal là. "Alors je me suis occupée de Daniel, et puis... voilà." Elle n'avait rien fait d'autre de ces longues heures. "Je n'avais rien d'autre à faire." Pas à cette heure là en tout cas. "Et je ne voulais pas rentrer trop tôt pour vous embêter de quelque manière que ce soit." dit-elle plus bas. Un nouvel instant de silence s'imposa, beaucoup moins lourd que les précédents, étrangement. "Tu devrais aller prendre ton petit-déjeuner. j'ai sorti les oeufs, si tu voulais en faire au plat, ou une omelette."
Mon coeur est bien trop lourd, et franchement, toute la fatigue et la lassitude m’empêchent de vraiment croire les paroles de Joanne. Qu’elle ne soit pas allée chez qui que ce soit, c’est elle qui le dit. Elle peut très bien m’avouer avoir eu la compagnie de cet homme pour sembler honnête et pouvoir dissimuler le fin mot de l’histoire. Elle peut l’inventer pour se venger, me faire du mal, connaissant très bien ma jalousie envers elle. Je m’embourbe dans une paranoïa difficilement tenable. Parfois les mécanismes logiques de Joanne sont si difficiles à comprendre que je me dis qu’elle aurait pu aller voir ailleurs pour me rendre la monnaie de ma pièce concernant Hannah et Nyx. Je n’en sais rien. Je n’arrive simplement pas à prendre ce qu’elle me dit pour argent comptant. Peut-être que cela sera le même refrain qu’avec James, et elle n’avouera que des mois plus tard, à un moment où je ne pourrai pas lui en vouloir, qu’elle avait en réalité flirté toute la nuit avec ce type. Je ne sais pas ce qui me rend plus fou entre ça, et toutes les manières qu’elle a trouvé de se mettre en danger en quelques heures. Partir sans son téléphone, à pied, rentrer en pleine nuit seule. Dieu sait ce qui aurait pu lui arriver, et que mon imagination ne m’ait pas déjà fait envisager pour me torturer. “Qu’est-ce que ça t’as apporté ?” je demande en haussant les épaules. A part de se donner mille occasions de se faire agresser. Je me demande si l’introspection intérieure alimentée par tous ces cocktails et la gardant si loin de la maison si longtemps en valait vraiment la peine. Si elle a appris quelque chose, si elle a réalisé quoi que ce soit. Si je dois m’attendre à ce que d’autres pensées empoisonnées commencent à germer dans son esprit jusqu’à ce qu’elle fuit de nouveau, mais cette fois avec mon fils sous le bras, et pas que pour une nuit. Si Joanne a peur de moi à cause de mes colères, j’ai moi-même peur d’elle depuis l’épisode de la bague. J’ai l’impression que même si le pardon a été donné, nous sommes constamment tous les deux dans un duel où nous nous tenons en joue l’un l’autre, le pistolet sur la tempe, menaçant de tirer au moindre faux pas. “Tu ne voulais pas rentrer trop tard ou tu ne voulais pas rentrer tout court ?” j’ajoute, à la fois plus dur et plus blessé. Parce qu’il était évident qu’à minuit au grand maximum, Marie serait partie et Daniel au lit. Dire qu’elle est restée dehors jusqu’à deux heures du matin parce qu’elle ne voulait pas rentrer trop tôt, c’est me prendre pour un imbécile. C’est qu’elle ne voulait pas rentrer avant. Je soupire. Elle m’épuise déjà. Entre toute la tension de la rage et de l’inquiétude qui s’apaise enfin et la médecine qui me garde bien engourdi, je n’ai qu’une envie, c’est déclarer que nous devrions oublier toute cette histoire et retourner me coucher. Après tout, nous ne serons pas le premier ni le dernier couple à se déchirer pour une histoire de belle-mère, et ça ne sera pas l’unique fois que cela nous arrivera très certainement. Ce sont les aléas de cette nouvelle vie de famille, qui n’a pas toujours que des bons côtés, et qui nous met à l’épreuve de cette période d’adaptation. “Laisse tomber. Ce n’est pas si grave au final.” dis-je en haussant les épaules. “Tous les couples finissent par se disputer à propos des beaux-parents, non?” Je m’efforce de sourire, avec toute de même une certaine sincérité. Ce n’est qu’une dispute banale comme il en arrive à tout le monde. Ce pas la fin du monde, ni la fin de nous. “Tu es là, tu vas bien, c’est le principal.” dis-je en posant une main sur le genou de Joanne pour avoir un semblant de contact physique avec elle. Je garderai mes suspicions et ma paranoïa injustifiée pour moi. Je finirai bien par me faire une raison. La jeune femme m’invite à aller prendre mon petit déjeuner. Mon regard se pose sur la table. Il est évident qu’elle ne compte pas manger. Et elle n’a pas dormi. Oh, parfois, j’aimerais la secouer, l'assommer, la bâillonner pour la forcer à se reposer ou la gaver comme une oie. Sa capacité à s’oublier m’échappe complètement. “Ce n’est pas vraiment comme ça que j’imagine un dimanche matin avec ma fiancée.” Elle punie dans un coin, et moi devant mon brunch de roi. Nous ne sommes pas chez les lions. “Les oeufs, le bacon, ça n’a pas le même goût quand ça n’est pas fait avec amour.” dis-je en espérant lui décrocher un petit sourire. Je me transfère dans le canapé et m’assois à côté d’elle, puis passe un bras autour de ses épaules. Je dépose un baiser tendre sur sa joue, puis au coin de ses lèvres. “Vous me feriez l’honneur de partager ma table, miss Prescott?”