when we'll discover the truth, we may discover each other all over again.
Il fallait reconnaître qu’être en première classe avec un enfant en bas âge, pour un voyage aussi long, était l’idéal. Hôtesses et stewarts étaient aux petits soins, prêts à intervenir à la moindre sollicitation. Joanne, au fond de son siège plus que confortable, regardait le comprimé qu’elle avait au creux de sa main. Un somnifère. Elle n’avait pas pu voir son médecin, il était en vacances. Et elle n’avait pas vraiment confiance aux autres. Joanne les avait emmené, au cas où. Et pour dire que. Mais elle n’osait toujours pas le mettre en bouche. Il faisait pourtant nuit, Jamie et Daniel dormaient tous les deux à poings fermés. Tel père, tel fils, il n’y avait pas plus belle vérité. Joanne se surprit même, après avoir veillé sur son fils, de regarder son ex avec une certaine tendresse. Elle repensait au ton mielleux qu’avait subitement adopté son supérieur dès que le beau brun lui avait fait comprendre que Joanne ne serait pas là. Il comptait sur elle pour avoir un rapport de ce voyage et de ses découvertes. “Miss Prescott. Voici une couverture.” dit le stewart en tendant l’objet en question à la passagère avec un sourire aimable. Joanne avait en effet froid et on lui en avait proposé une un peu plus tôt. Elle se sentait bien mieux avec cet épais tissu qui recouvraient ses jambes. Tout le monde savait que les hôtesses de l’air et stewarts étaient également choisis pour leur physique, ce jeune homme en était la preuve. “Merci beaucoup.” chuchota-t-elle tout bas afin de ne réveiller personne. Mais Joanne n’avait trouvé le sommeil qu’au petit matin, s’étant laissée bercée par les changements de couleurs du ciel. Comme d’habitude, quelques cauchemars, mais l’on avait quand même dû la réveiller lorsque l’avion était en approche. Enfin.
Ils furent conduit à l’hôtel en question. Joanne était surprise de voir qu’on lui avait attribué la plus belle suite de l’hôtel et que le beau brun avait préféré une chambre particulièrement simple. Elle était surprise de son choix et lui semblait bien décidé à ce que ce soit son choix. Le petit était assez grincheux avec le décalage horaire. Joanne l’avait gardé dans ses bras le temps de visiter un peu la suite. Celle-ci était bien plus grande qu’elle n’aurait jamais su l’imaginer. Impossible de ne pas se rappeler pourquoi cette suite avait été réservée en premier lieu. Joanne se dirigea vers la chambre et allongea son fils au beau milieu de l’immense lit deux places. Elle fermait rideaux et volets afin d’assombrir la pièce et isola le petit en fermant les portes accordéon. Il râlait quelques minutes jusqu’à ce qu’il se laisse sombrer. Même si c’était en plein milieu de l’après-midi, il avait grand besoin de sommeil. Joanne ne s’inquiétait pas vraiment pour le soir-même. On rapportait à Joanne une boisson de bienvenue. Une coupe de champagne qu’elle prit volontiers. Ce fut tout naturellement qu’elle se dirigea sur l’immense terrasse. Le temps était on ne peut plus radieux, il faisait même chaud. Aucun nuage à l’horizon et Joanne avait une vue imprenable sur tout Florence. Impossible pour elle de ne pas tomber amoureuse de cette ville bien qu’elle n’avait presque rien vu pour le moment. Elle s’approcha de la balustrade sur laquelle elle posa son verre et s’appuya juste à côté. Les employés avaient ramené entre temps ses affaires dans la pièce principale de la suite. Jamie n’avait pas lésiné sur les moyens, elle n’osait même pas imaginer le coût de la suite et des services à côté. Le room service devait lui-même être perturbé de voir une personne aussi simple que Joanne. Pas d'exigences particulières, pas de demandes extraverties ou surprenantes. Difficile d’ignorer le jacuzzi qui trônait royalement sur la terrasse, avec une vue imprenable sur le Duomo. Laissant un babyphone dans la chambre où dormait Daniel, Joanne sortit de la suite pour retrouver la chambre de Jamie. Elle toqua timidement à la porte, celle-ci s’ouvrit bien plus vite qu’elle n’aurait pu le penser. Elle sursauta même légèrement. “C...Ca va ?” demanda-t-elle, avec un faible sourire. “J’ai pensé que… si déjà tu m’as réservée genre la plus belle suite de tout l”hôtel, tu devrais au moins profiter de la vue autant que moi. Tu ne peux pas louper ça.” Joanne le lui avait dit, elle lui devait beaucoup désormais. Lui proposer de profiter un minimum de la suite était presque évident pour elle, c’était la moindre des choses qu’elle pouvait lui proposer. “C’est vraiment magnifique, je pense qu’on pourrait y rester des heures. J’ai hâte de voir le coucher de soleil de là, c’est… ça devrait te plaire, je pense.” Joanne le regardait dans les yeux. Bien que gênée et extrêmement timide, elle lui souriait. Peut-être que Jamie préférerait se reposer, ou être seul un moment après ce long voyage en commun, Joanne n’en savait trop rien.
Our lives are not our own. We are bound to others, past and present, and by each crime and every kindness, we birth our future.
D'un voyage passé endormi pour la quasi-totalité, je ne me souviens que de quelques étendues de nuages et des bouts de terre lorsque j'entrouvrais les yeux entre deux sommes. Cela est souvent mon lot lors des trajets, que ce soit en avion, en train, en voiture. S'il est question de ne rien faire ds heures durant, je m'endors. Une aubaine dans ce cas-ci, car le voyage me parût plutôt inconfortable, et mon sommeil n'était pas particulièrement serein. Pourtant, je n'avais pas à me plaindre de cauchemars. Daniel, comme moi, demeura assoupi. Le reste du temps, il était calme, même si l'exploration de son immense siège l'occupait bien. Je l'entendais jouer à cache-cache avec sa mère ou d'autres passagers, dissimulé par le dossier, et pouffant de rire dès qu'il se découvrait un peu et que son regard trouvait celui de son partenaire de jeu. L'avantage d'un bébé qui n'a jamais été particulièrement brailleur lorsqu'il est nécessaire de réclamer quoi que ce soit, c'est qu'il fait l'unanimité auprès des autres voyageurs. Sa bouille avait conquis également le personnel. Toutes les hôtesses fondaient à vue d'oeil. Le trajet ne fut donc désagréable pour personne. La gêne que je ressentais cessa une fois à terre, je suspectais alors le siège de manquer de confort. Il demeure entre Joanne et moi un silence qui n'était ni lourd, ni léger. Il semblait être question d'un temps d'adaptation visant à concevoir la manière dont nous devrions nous comporter l'un avec l'autre durant les prochains jours. Nous ne sommes pas là en qualité de couple, ni de famille ou d'amis, cela se rapproche officiellement du voyage professionnel, et officieusement… d'un très gros caprice. Quoi qu'il en soit, l'air est respirable, l'ambiance largement supportable, et il ne demeure qu'une légère nervosité environnante pour nous rappeler qu'il y a quand même quelque chose de bizarre dans ce séjour. Ce point, nous ne l'avons pas évoqué. L'hôtel est le même que celui où nous aurions dû passer cette fameuse lune de miel, et la suite de Joanne, celle où nous aurions dû dormir ensemble. Bien entendu, il n'était pas question de la partager, et il me parut tout naturel de la céder à la jeune femme et à notre fils qui ont plus besoin de place. Pour ma part, la chance m'a permis d'obtenir la dernière chambre du penthouse de l'établissement. Pour un voyage de dernière minute, il ne fallait pas espérer trouver une suite à mon goût à un prix raisonnable qui ne soit pas à l'autre bout de la ville. J'ai rapidement abaissé mes standards à des critères plus réalistes. Et puisqu'il restait cette place dans le même hôtel que Joanne et Daniel, autant sauter sur l'occasion. Sûrement ai-je dramatisé la baisse de mes exigences, car la chambre en question me surprend agréablement. Un peu petite, mais correcte, la décoration est agréable, l'agencement harmonieux, et le balcon offre une vue qui tient toutes ses promesses. Néanmoins, je n'en profite pas immédiatement. Après un texto général envoyé à tous les intéressés par mon absence, dont Emma et Jodie, je me laisse tomber sur le matelas -ni trop dur, ni trop mou- sonné par un décalage horaire radical. Il me semble être à peine parvenu à m'endormir lorsque l'on frappe à la porte. Il ne me faut que quelques pas pour traverser la chambre et atteindre la poignée, émergeant encore difficilement. Je passe une main sur mon visage afin de me réveiller et adresse un sourire à Joanne. « Oui, très bien, je terminais juste de défaire ma val-… Non, je terminais ma sieste à vrai dire. Et toi, bien installée ? » Toute attentionnée, sûrement parce qu'elle s'obstine à croire qu'elle m'est redevable malgré le demi-million de fois où je lui ai répété que cela n'est pas le cas, la jeune femme me propose de l'accompagner dans sa suite, admirer la vue du balcon. Nos chambres sont juste au-dessus l'une de l'autre, néanmoins la terrasse de celle de Joanne est largement plus grande et doit offrir de nombreux points de vue auxquels les entraves qui me séparent des balcons voisins m'empêchent d'avoir accès. « Allons voir ça alors. » dis-je avant de récupérer la clé de ma chambre et de fermer la porte derrière moi. Pour un seul étage, nous empruntons les escaliers ; la porte de ceux-ci qui mène au couloir de la suite présidentielle ne s'ouvre que sur présentation de la clé magnétique de la suite en question, ce qui rend tout l'étage particulièrement sûr. En pénétrant à l'intérieur, je ne suis ni surpris, ni déçu par la qualité de l'environnement où vivront Joanne et Daniel cette semaine. Le salon est agréable, la décoration dans les mêmes tons que celle de ma chambre, mais c'est évidement la terrasse qui est à couper le souffle. « Eh bien... » Je marche sur les dalles en long et en large pour ne pas manquer un morceau de paysage. Passant à côté du jacuzzi extérieur, je pense que la jeune femme saura tirer profit de pareil équipement pour prendre soin d'elle comme elle semble en savoir besoin. D'une certaine manière, cette terrasse donne l'impression d'être une bulle flottant au-dessus de la ville. « C'est superbe. » Je n'ai pas le temps d'en dire plus que mon téléphone sonne dans ma poche. Le numéro est celui du chef de l'équipe de chercheurs. « Allô ? ...Oui, nous sommes bien arrivés. ...Oui, merci. » Les grésillements du portable laissent deviner une voix d'homme avec un léger accent italien, mais à l'anglais irréprochable. Il souhaite simplement savoir si nous avons fait bon voyage, et quand nous souhaiterions le retrouver dans la fameuse maison qui recèle le trésor que nous sommes venus voir de bien loin. « ...Après-demain, si cela vous convient. Je préfère nous laisser le temps de nous remettre du voyage afin d'être pleinement prêts à voir tout ceci. ...Nous en parlerons à ce moment-là alors. Au revoir. » L'appareil remis dans ma poche, j'approche de Joanne et m'appuie à la rambarde à côté d'elle. « Nous aurons la journée de demain pour découvrir un peu la ville. Enfin, tu pourras aller de ton côté avec Daniel bien sûr, pour ma part je comptais juste me balader à pied. » Aller de place en place, de fontaine en fontaine, de parc en parc, profiter du soleil d'Italie et des températures encore douces. Une manière tranquille de m'adapter au changement de rythme, quitte à m'asseoir longuement ici, somnoler là, sans oublier de grignoter toute la journée. « Et le lendemain, nous irons à la villa voir les tableaux. Excitée ? »
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Joanne aurait très bien su se contenter de la chambre que Jamie s’était réservé, même avec Daniel. Le petit ne prenait pas beaucoup de place. Même en s’étalant, il restait de petite taille et lui n’aurait certainement jamais su profiter d’une terrasse ou d’un jacuzzi. Pour le moment, il dormait paisiblement dans la suite, ne demandant rien d’autre qu’un peu de calme. A défaut de savoir apprécier la suite pour elle-seule, la jeune femme était venue voir son ex pour lui proposer d’en profiter un peu avec elle. Il n’était pas étonnant de l’entendre dire qu’il piquait un petit somme pour se remettre du voyage. Joanne rit doucement quant au fait qu’il ait tenté de lui mentir pendant quelques secondes. “Il y en a aussi un autre qui joue les prolongations aussi, là en bas.” répondit-elle avec un regard amusé. “Mais je n’ai pas encore ouvert mes valises, non.” reprit-elle. “C’est… Vraiment grand, comme suite.” Elle rit nerveusement. Elle se demandait alors ce qu’elle faisait dans un hôtel, dans la suite qu’elle supposait être la plus chère - quoi qu’elle restait très impressionnable et ne se doutait jamais que ce type d’établissement était toujours capable de faire place. Mais celui-ci tapait particulièrement fort avec ses nombreux avantages – Joanne devait d’ailleurs en ignorer plus de la moitié. “A chaque fois, ça modifie un peu ma vision des hôtels.” dit-elle en se grattant nerveusement la tête. Pour elle, jusqu’à ce qu’elle rencontre Jamie, c’était surtout une pièce avec un lit, une télé, et une salle de bains qui pouvait être bien agencé. Elle n’allait jamais regardé ces suites, elle se disait à l’époque qu’elle n’y mettrait de toute façon jamais les pieds. Jamie acceptait volontiers de voir la vue de la terrasse et suivait la jeune femme de près. L’on voyait dans la pièce principale les valises qui étaient toujours là, encore bien fermées. Jamie avait un oeil bien plus critique que la petite blonde. Il en avait bien plus l’habitude qu’elle et c’était pourquoi, lorsqu’ils étaient ensemble, il lui laissait toujours choisir l’endroit le plus approprié. Il n’était pas plus impressionné que ça par la suite en elle-même, mais tombait sous le charme de la vue que la terrasse lui offrait. Joanne s’appuyait à nouveau contre la balustrade. Bien qu’éblouie par le soleil, elle n’avait pas très envie de faire ces quelques pas pour aller chercher une paire de lunettes adaptée. Jamie avait pendant quelques minutes son portable collé à l’oreille. Joanne supposa qu’il avait au bout du fil un des chercheurs. “Tu es donc si proche des chercheurs ou de ce généreux donateur pour que l’on se soucie autant de quel jour où tu viendras ?” lui demanda-t-elle d’un air taquin. A se demander comment elle faisait pour ne pas se douter – pas un seul instant – qu’il pouvait être ce mystérieux investisseur en question. Elle acquiesça d’un signe de tête par rapport au programme des deux prochains jours. “Si tu veux prendre Daniel avec toi, il n’y a aucun soucis. Ce n’est pas comme si je dois toujours t’avoir constamment à l’oeil.” suggéra-t-elle avec un vague haussement d’épaules. “Je peux comprendre que tu veuilles profiter de ces vacances pour passer un maximum de temps avec lui, alors c’est vraiment comme tu veux.” Bien que Jamie était déjà certainement très heureux d’avoir obtenu la garde du petit un weekend sur deux, mais elle se disait qu’il ne refuserait jamais de passer plus de temps avec lui. Et il était évident pour Joanne que le beau brun ne désire pas passer de temps avec elle. Mais elle tenait à lui offrir cette option là aussi, si c’était ce qu’il voulait. “Je suis étrangement nerveuse. Peut-être que j’y étais un peu fort en me comparant à Indiana Jones, la dernière fois.” dit-elle. Mais l’excitation était tout de même plus que présente. “Dieu sait ce qu’on va découvrir sur ces tableaux, peut-être même qu’il y aura d’autres choses. Je trouve ça tellement fascinant de mettre la main sur des secrets que les personnes de l’époque ont pris tant de mal à dissimuler, autant que possible. Et même, de base, rien qu’avec ce que je sais déjà, j’ai déjà de tas de questions. Pourquoi avoir condamné cette pièce? Qui l’a fait ? Qui l’a demandé ? Pourquoi dans cette villa, là ? Pourquoi Florence ? On n’a encore rien vu qu’il y a déjà des dizaines de questions auxquelles j’adorerai trouver les réponses.” dit-elle avec un regard quasi émerveillé. “Je me demande combien de tableaux il y a, ce qu’ils représentent. Parvenir à les dater, à savoir où ils ont été faits… Bon Dieu, je dois faire tellement d’envieux.” Joanne laissait échapper un rire. “Je trouve ça tellement fascinant de se dire qu’on est certainement à l’aube d’un bouleversement historique. Que ce l’on nous apprend dans les livres n’est pas si vrai que ça. J’avais un professeur à l’université qui nous disait ça. Il se penchait plus sur l’Antiquité, et nous disait toujours qu’il ne fallait pas s’arrêter à ce que l’on nous apprenait à ce moment là. Que c’est encore flexible, et que, comme certains le font à l’heure actuelle, il y en a toujours eu qui cherchait à dissimuler des secrets pour des raisons multiples. Je suppose qu’il a déjà entendu parlé de cette histoire et qu’il doit la suivre de près. Les spécialistes de la Renaissance Italienne doivent s’en mordre les doigts d’être passé à côté de ça. Parce que j’ai l’intime conviction que ce sont des secrets bien plus gros que l’on puisse imaginer.”
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Le coup de fil n'est pas long, mais le contenu de la conversation suffit à titiller la curiosité d'une Joanne qui, malgré les indices pointant en ma direction, ne semble toujours pas se douter qu'elle a devant elle celui qui finance une partie des recherches qui la passionnent tant. J'avoue qu'entretenir le mystère et détourner les hypothèses est particulièrement amusant et satisfaisant. D'un autre côté, j'ai une petite angoisse, une crainte sûrement irrationnelle, la peur de sa réaction lorsqu'elle le découvrira, sûrement durant le séjour. Si elle se désintéressera soudainement de tout ceci, et de moi qui lui rapportais les avancées des recherches, si elle m'en voudra de ne pas lui avoir tout dit depuis le début, et si elle comprendra qu'elle est la principale motivation de cet investissement -ce que je ne suis pas certain que je veuille qu'elle sache. Pour le moment, l'identité du donateur reste inconnue et gravite autour de moi, ce que Joanne ne manque pas de noter. Une fois encore, je cherche et trouve rapidement une explication logique et cohérente à ce coup de téléphone ; « Eh bien, l'endroit n'est pas ouvert au public, il faut bien que quelqu'un nous accompagne et s'assure que nous n’abîmions rien. » Un guide et un gardien à la fois. Peut-être que d'autres membres de l'équipe seront présents, et que tout aura déjà été mis en place pour sécuriser les œuvres vis-à-vis du soudain apport en oxygène dans la salle et de la lumière du jour. Il suffit d'un seul faux pas pour perdre une toile ou devoir investir dans de coûteuses rénovations. J'imagine que Daniel ne sera pas le bienvenue dans la pièce en question, trop dangereux malgré son tempérament calme. En dehors des moments passés dans la villa à découvrir les œuvres, le séjour sera l'occasion de faire un peu de tourisme dans cette ville que nous aurions dû découvrir à deux. Cela se fera finalement chacun de son côté, sûrement, afin d'éviter d'instaurer un malaise autant que possible. Puisque je n'ai normalement le droit de garde qu'un week-end sur deux et que nous ne serons pas dans ces jours-là, il me paraît normal que Joanne passe ces vacances avec le petit. Elle suggère que je le prenne aussi. « Disons un jour sur deux, d'accord ? » Elle aujourd'hui, moi demain, et ainsi de suite. Cela devrait convenir à tout le monde, et même à Daniel qui pourra passer du temps avec chacun d'entre nous. Il ne me traverse pas l'esprit que nous puissions passer du temps tous les trois, sauf éventuellement partager un repas de temps en temps. Ce ne sont pas des vacances en famille après tout, et il est inutile de tenter de les faire passer comme tel. Bien sûr qu'il me plairait de passer du temps avec Joanne, mais je doute qu'elle en ait envie. Elle l'a dit elle-même, il est difficile de nous entendre en ce moment, même si cet instant ne l'illustre pas. « Tu rends déjà ton chapeau d'aventurière ? » je demande avec un petit rire en voyant que la jeune femme angoisse presque face à l'imminence de c moment particulier où son regard pourra se poser sur le travail d'un homme entièrement rayé de l'histoire, un inconnu dont seul une poignée de curieux ont connaissance de l’existence, et dont son parcours se dessine tout doucement, s'esquisse comme un chapitre entier manquant dans l'Histoire d'un pays. « Nous verrons cela. » je souffle avec un sourire, observant Joanne avec une certaine tendresse, me délectant des étoiles qui brillent dans ses beaux yeux bleus. Avant que la durée de ce regard ne devienne trop suspect, je détourne mes yeux et les pose sur le paysage à nouveau. Je contemple, un long moment, les toits de Florence et ses couleurs chaudes sous le soleil couchant, ces rues chargées d'Histoire, et ce fleuve qui caresse son lit depuis des siècles. « C'est vraiment magnifique... » je murmure, songeur. Ce n'est pas si grave que cela ne soit pas une lune de miel, finalement. L'occasion reste importante. Et ce qui importe, c'est que nous y soyons tous les deux. C'est que cette ville nous réunisse et remette en lumière le meilleur de ce « nous » oublié. J'ai la certitude que sa magie nous permettra de vivre un séjour sans encombres, sans grands disputes, et que nous repartirons uniquement avec de bons souvenirs. Et c'est sur cela que se basent les relations ; les souvenirs communs. Peut-être que ce voyage deviendra l'occasion pour nous de redessiner les contours du lien que nous souhaitons avoir. Peut-être qu'il nous faut prendre de la distance, être loin de chez nous, pour y voir plus clair. Je soupire d'aise, mais je m'éloigne pourtant de la rambarde. « Je te laisse te reposer. Je dînerai dans ma chambre, je ne vais sûrement pas en bouger avant demain, si jamais tu as besoin de quoi que ce soit. » A vrai dire, je ne vois pas pour quelle raison ma présence serait soudainement nécessaire, mais à au moins, Joanne sait que je ne suis pas loin. Je fais encore quelques pas en arrière, gardant un sourire aux lèvres. « Profites bien du jacuzzi. » je lance de plus loin, avant de faire volte-face et quitter la Suite sans un bruit afin de ne pas réveiller Daniel. Je ferme à peine la porte dont le système de verrouillage manque particulièrement de discrétion sonore. Je rejoins ma chambre à l'étage supérieur, et puisqu'il faut inaugurer cette semaine comme il se doit, je balaye toute la carte hautement gastronomique pour ne demander d'une large pizza végétarienne à déguster devant un film sélectionné au hasard sur le service de location.
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Ainsi, la garde de Daniel était convenue. Un jour sur deux, cela semblait être équitable, pour lui comme pour elle. Le petit, lui, sera bien heureux de pouvoir profiter de ses deux parents et de les voir autant l’un que l’autre pendant la semaine. Ensuite, le principal sujet de conversation était la raison de leur venue en Italie. En dehors de cette surexcitation, il y avait cette dose de nervosité, un stress plutôt positif, mais suffisant pour que ça prenne aux tripes de la jeune femme. Sensations difficilement explicables. “Non, je ne veux pas vraiment le rendre.” répondit-elle avec un léger. Elle avait l’impression d’arriver un peu dans la cour des grands, à faire partie de ceux qui allaient découvrir de belles et grandes choses. Du moins, pour elle, et pour tout historien un tant soit peu intéressé, c’était à peine croyable. Jamie la regardait avec attention durant son récit, il y avait presque une certaine affection dans ses yeux verts que Joanne avait constaté. D’où venait tant de tendresse, elle n’en avait aucune idée. Mais l’espace d’un instant, c’était dans ses yeux, et ceux-ci étaient rivés sur elle. Mais le bel homme avait fini par détourner le regard et par admirer le paysage, qui ne manquait pas de beauté. C’était aussi bien différent de l’Australie, c’en était quelque peu déroutant pour elle. Elle souriait en l’entendant être si songeur et observait également l’horizon pendant de longues minutes. Jusqu’à ce que Jamie se décide à rejoindre sa chambre afin de dîner et de se reposer, afin que Joanne puisse en faire de même. Il fallait noter que ces vacances ne manquaient pas d’étrangeté. Il n’y avait pas véritablement de malaise, mais c’était étrange. Il lui rappela par la même occasion qu’elle pouvait profiter du jacuzzi. Une fois qu’il était sorti, la petite blonde ouvrit discrètement la porte de la chambre afin de s’allonger à côté de Daniel. Pour le réveiller tout en douceur, elle lui caressait délicatement la joue, embrassait son front, prononçait quelques mots d’amour. Le petit commençait à étirer ses membres et à ouvrir ces petits yeux encore bien fatigués malgré le fait d’avoir dormi pendant quasiment tout le voyage. Mais fatigué ou non, il regardait toujours avec autant d’adoration sa mère, qui lui esquissait un large sourire. Elle restait un petit moment allongée avec lui, avant de le prendre dans ses bras et de le lever. La tétine en bouche, il observait ce nouvel environnement et n’avait pas vraiment envie de le découvrir par lui-même. Etre dans les bras de maman, c’était beaucoup mieux. Joanne appelait ensuite le room service pour prendre une salade et demanda à ce qu’on prépare un petit quelque chose pour Daniel. En attendant, elle s’était installée sur la terrasse, toujours le bébé dans les bras. Il était particulièrement câlin lorsqu’il était fatigué, et il peinait toujours à émerger. Ce n’était que l’appel du ventre en voyant la petite assiette de pâtes qui le rendait plus vif. Un lit adapté pour Daniel avait été préparé une pièce connexe de la suite, elle ne l’avait remarqué que plus tard.Il n’avait suffi que d’une petite histoire pour qu’il s’endorme dans les bras de Joanne pendant qu’elle la lui racontait. Une fois changé et en pyjama, le petit pouvait commençait tôt sa nuit. Le calme était revenu dans la suite. Il fallait attendre encore un peu avant de voir peu à peu le soleil se coucher. Joanne était restée à l’extérieur, appuyée sur la balustrade, les yeux levés au ciel jusqu’à ce qu’il fasse, tant elle trouvait ce spectacle magnifique. Mais le deuxième acte fut d’autant plus joli. Tout Florence était éclairé par ses luminaires de couleur chaleureuse, le Duomo était amplement mis en valeurs, comme tous les autres monuments qui ponctuaient le paysage de cette ville. Cette vue faisait sourire Joanne, des heures durant. Elle arrivait à ne pas penser à tous ses soucis. Etrangement, elle avait réussi à tout laisser à Brisbane. Ses épaules lui semblaient plus légères, le coeur moins lourd. Bien qu’elle n’oubliait toutes les mauvaises choses qu’elle avait laissé là-bas. Ce qu’elle pensait être, vis-à-vis d’Hassan, ce qu’elle pensait avoir commis. Lorsqu’elle tournait la tête, le jacuzzi lui donnait envie. Sans trop attendre, elle enfila alors son maillot de bain deux pièces et ne se fit pas prier pour entrer dans l’eau chaude. La température et le bain à remoux étaient d’une certain efficacité sur ses muscles qu’elle avait mis à rude épreuve à longueur de temps. Tendue, stressée, épuisée, tout un tas de qualificatif n’ayant aucun effet bénéfique sur son corps. Joanne se demandait comment les choses se seraient passées, si cette suite avait été utilisée comme elle était prévue. Un dîner aux chandelles sur la terrasse, passer un moment à deux dans le jacuzzi. Le programme romantique au possible pour un couple fraîchement marié. L’image était quasi parfaite. Lorsqu’elle rouvrit les yeux après de longues minutes de détente, Joanne sortit de l’eau et enfila l’un de ses kimonos histoire de ne pas se promener en maillot de bain dans les couloirs de l’hôtel. Et elle toqua une nouvelle fois à la porte de la chambre de Jamie. Il y avait de très grandes chances qu’il se soit endormi, auquel cas il ne l’aurait pas entendu frapper. Mais la porte s’ouvrit une nouvelle fois. Sans attendre, Joanne le prit par la main. “Il faut que tu vois ça.” dit-elle avec un sourire, avant de l’entraîner avec elle. De retour sur la terrasse, elle lui laissait le temps d’admirer le même paysage, mais de nuit. Malgré la lumière que dégageait l’ensemble de la ville, le ciel étant dégagé, on pouvait voir plusieurs dizaines d’étoile dans le ciel. Autant dire que tout ceci ferait rêver n’importe qui. “Tu ne pouvais pas manquer ça, ça n’aurait pas pu attendre.” dit-elle en regardant avec lui. Il n’y avait que le bout des mèches de ses cheveux qui étaient humides à cause du jacuzzi, mais cela était suffisant pour qu’elle sente quelques gouttes tomber sur ses épaules. Un peu décalée, elle n’avait pas vraiment sommeil pour le moment. “Et j’ai profité du jacuzzi.” dit-elle avec un rire nerveux. “Et c’est particulièrement plaisant.” admit-elle ensuite. “Désolée, si j’ai ruiné ton programme pour ce soir en t’embarquant de nouveau ici… Mais je me suis dit que c’était bien, comme premier aperçu, par rapport à la semaine qui nous attend.”
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Être seul permet de profiter de petits plaisirs coupables. Une soirée passée à ne strictement rien faire. Un tête à tête avec la télévision, un film pas forcément très bon. Un dîner tout ce qu'il y a de moins diététique au monde, dégusté avec les mains depuis le lit. Les jambes couvertes par le drap, un vieux t-shirt sur les épaules pour se couvrir de la fraîcheur de la nuit. De temps en temps, un coup d'oeil à travers la porte-fenêtre qui donne sur mon bout de terrasse, et le soir qui tombe, avale, engloutit Florence. Cela n’est pas une lune de miel, mais cela pourrait être, bien pire. Le film touche à sa fin, la pizza n’est plus que miettes depuis longtemps entre lesquelles trône la serviette qui a recueilli la graisse sur mes doigts. J'ai la satisfaction d'un enfant à qui l'on a permis de veiller tard, et de faire tout ce que son éducation lui a toujours interdit de faire au nom de la bienséance. Et c'est un petit privilège. Avec un soupir d'aise, j'attrape la télécommande pour éteindre l'écran, et c'est alors qu'il tourne au noir que le bruitage du film pourtant disparu paraît plus vrai que nature -à moins que l'on ai réellement frappé à la porte. Au jugé du manque de motivation que j'ai à quitter ma confortable place au fond de mon lit pour aller ouvrir, je pèse un instant le pour et le contre de l'idée consistant à faire le mort, jusqu'à tomber sur l'argument fatal ; si j'ai fait comprendre un peu plus tôt que je suis disponible si Joanne -car ça ne peut être qu'elle- a besoin de moi, ce n'est pas pour me défiler par fainéantise. Avec un ronchonnement, je quitte le monde moelleux du lit et me traîne jusqu'à la porte ; derrière, la jeune femme, particulièrement enthousiaste, me saisit par la main pour me traîner jusqu'à sa suite. Quelque chose que je dois voir. Nous atterrissons sur la terrasse, offrant cette fois cette vue spectaculaire sur l’aura dorée émanant de la ville sous une nuit particulièrement noire, profonde. Et pourtant, malgré les lumières qui offrent un tout nouveau relief aux édifices, mettent en valeur les pierres qui ont traversé le temps, offrent une seconde vie aux rues qui accueillent les noctambules, cette poussière luisante ne vole pas la vedette au ciel étoilé, ni à la silhouette des reliefs montagneux qui forment d'imposantes ombres plus sombres encore que l'horizon. Mes bras croisés me tiennent à peine protégé de la fraîcheur du vent à cette hauteur, mais cela n'est pas important à côté de la vue. J'esquisse un sourire, pas tant grâce à la satisfaction que je tire de ma propre contemplation que pour l'enthousiasme qu'a ressenti Joanne face à ce paysage et sa volonté de m'attirer ici pour le partager, après avoir eu tout le temps d'observer la vue se métamorphoser petit à petit depuis son bain le jacuzzi. Je n'ouvre pas la bouche, je préfère balayer ses excuses d'un revers de la main avec un petit sourire et conserver l'harmonie du moment. Au bout d'une minute, je me rends à pas feutrés dans la suite pour récupérer le champagne qui a été ouvert à son arrivée, sa coupe, et une seconde sur le chariot. Sortie de la glace, la bouteille goutte sur le sol tout le long jusqu'à la terrasse. Je pose sur le tout sur la table basse de jardin entre les deux grands fauteuils en osier anthracite, tend un verre à la petite blonde et m'assois face à la vue. Nous trinquons. Le tintement des verres, discret, se perd rapidement dans l'air de cette bulle flottante au-dessus de Florence. Là où l'on se sent à la fois grands, et si petits. L'alcool m'est déconseillé, mauvais mélange avec les médicaments, mais j'imagine que même le psy m'accorderait le droit de siroter quelques gorgées de champagne afin de célébrer un break bien mérité. « Et qu'est-ce qui nous attend, Docteure Jones ? » je demande finalement avec un fin sourire Joanne. En plus de l'intérêt historique des découvertes, elle attend sûrement de ce voyage des preuves de toutes ses théories. A moi que ces convictions aient disparues avec son amour pour moi.
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Le dépaysement était total. Certes, il y avait bien d’autres paysages à contempler en Australie, mais le réel intérêt de Joanne pour l’Italie ne faisait qu’exalter la beauté de chaque détail qui se présentait à elle. Il lui était alors devenu primordial de montrer tout ceci à Jamie. Lui savait ce que c’était, de changer de paysage. Entre Londres et Brisbane, maintenant Florence. Il avait voyagé bien plus qu’elle, grâce à son métier, aussi. L’heure à laquelle elle était venue toquer à la porte lui importait peu, à vrai dire. Il fallait à tout prix qu’il voit ça, et sans attendre, elle avait pris sa main pour l’emmener avec elle dans la suite. Lui non plus, n’avait pas les mots pour décrire la beauté de ce qui se présentait sous les yeux. On avait l’impression d’être les maîtres de Florence, du haut de cette terrasse. Etrangement, la brise fraîche qui s’était levée ne gênait pas Joanne. Ses jambes étaient en grande partie dénudées, mais son kimono recouvrait le haut de son corps. Jamie préférait profiter de la vue dans un parfait silence, appréciant la sérénité de l’endroit, l’emplacement extrêmement bien choisi de l’hôtel et de ce que celui-ci pouvait offrir à ses clients. Après avoir pris le temps de contempler tout ce qu’il voulait voir, le bel homme fit quelques pas dans la suite afin de récupérer la bouteille de champagne et deux coupes. Il se fichait bien de voir des gouttes marquer le trajet qu’il effectuait jusqu’à un fauteuil où il s’installa après avoir servi les coupes et en avoir tendue une à la jeune femme. Elle le remercia d’un fin sourire mais elle préférait rester debout. Elle s’appuya sur la balustrade après avoir trinqué avec lui et bu une fine gorgée. Au bout de quelques minutes, elle s’installa sur un fauteuil à côté de Jamie. “Docteur Jones… Sur le coup, ça m’a fait surtout penser à la chanson d’Aqua.” répondit-elle avec un léger rire. “Mais… Je ne sais pas ce qui peut nous attendre. J’espère trouver des réponses à toutes les questions que je me pose.” Il y avait les interrogations qu’elle avait mentionné plus tôt. Bien que Joanne n’avait plus vraiment de sentiments pour Jamie –à moins qu’ils soient très bien enfermés quelque part dans son esprit ?–, elle avait des convictions qu’elle respectait. Elle ne croyait pas au hasard, ni aux simples coïncidences. Son esprit rêveur l’incitait à croire en toutes ces choses improbables. “Je me demande s’il y aura d’autres portraits, de cette Grace. Voir si cette ressemblance n’est due qu’à un mauvais coup de pinceau ou si, au contraire, c’est bien réel.” Elle rit doucement. “J’ai fait quelques recherches sur elle. Le début de sa vie est bien détaillée, et j’ai l’impression qu’il y a toute une partie qui fait très… brouillon, négligé. On a la date et le lieu de sa naissance, le nom de son frère, de son premier mari, de son premier enfant, et le reste semble flouté. On ne nie pas son existence, mais il y a une très grande partie de sa vie qui reste méconnue. C’est d’autant plus mystérieux.” Et ça éveillait encore plus sa curiosité, et ça ne lui faisait certainement pas perdre le sourire discret qui marquait ses lèvres roses. “Et toi, qu’est-ce que tu en penses ? Que penses-tu trouver, là-bas ?” Joanne avait grand hâte d’être le surlendemain. Même si visiter Florence était un programme plus qu’intéressant, elle voulait voir cette pièce si précieusement dissimulée, voir les secrets qu’elle recèle. Joanne but une gorgée de sa coupe de champagne. “Ce n’est pas très bien de jubiler et de se dire qu’il y a peut-être certains objets sur lesquels les chercheurs ont dû se tromper sur leur propriétaire par exemple, ou des oeuvres qui ont été mal interprétées à cause de cette donnée manquante, mais c’est le cas pour moi. Peut-être que certains musées détiennent déjà des trésors ayant appartenu à ce Celso sans même le savoir.” Elle rit doucement. “Cette découverte me prend tellement aux tripes.” C’était comme si on envoyait un enfant dans un parc d’attraction ou dans un magasin de jouets. “Il me tarde d’y être.” Joanne sirotait tranquillement son verre de champagne. Pourtant, elle avait des palpitations et peinait à contenir cette excitation qui bouillonnait en elle depuis le début du voyage. Il y eu ensuite quelques minutes de silence, chacun appréciant la sérénité qui régnait. “Je… Je pensais que...Si ça te dit, enfin, si un soir tu as envie de profiter de la terrasse, du jacuzzi, du paysage, je pourrais te laisser la carte magnétique de la suite et je… je trouverai toujours un moyen de m’occuper à ce moment là. Mais il n’y a pas de raison que tu en profites moins que moi.” proposa-t-elle en bégayant ici et là, d’un ton bien timide. “Tu dois aussi avoir besoin de te détendre un peu et tu ne pourrais clairement pas refuser une petite session dans le jacuzzi.” argumenta-t-elle avec un petit rire, vidant ensuite sa coupe de champagne.
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J’arque un sourcil. Un élément m'échappe pour que je puisse saisir la plaisanterie. Vu nos précédentes conversations, je ne sais pas comment Joanne en est arrivée à penser à une musique, mais admettons. « Tu pardonneras mon ignorance à propos de cette référence musicale. » dis-je en haussant les épaules, pas plus intéressé que ça par la découverte d'un groupe au nom douteux. Je reprends une fine gorgée de champagne. Joanne reprend le sujet qui nous occupe. Cette découverte soulève tant de questions qu'il semble impossible de les quantifier. Une partie resteront forcément sans réponses à jamais, d'autres seront floues, mais toutes ces incertitudes vaudront chacune des lignes d'histoire qui seront écrites grâce à ces recherches. Je ne doute pas qu'il y aura d'autres portraits de Grace dans la pièce que nous allons voir, et je ne crois pas que la ressemblance soit le fruit d'un mauvais coup de pinceau. L'artiste me paraît bourré d'un talent dont la renommée méritée a été ruinée par sa disparition de la circulation. Ce qui m'intéresse au contraire serait de trouver, par chance, un autoportrait. N'importe quoi nous permettant de mettre une bonne fois pour toutes un visage sur l'homme. Et s'il n'en est pas, quelques indices sur son parcours. « Et alors, si elle te ressemble ? » je demande par curiosité. En quoi est-ce important ? La question me permet de jauger à quel point la jeune femme a tiré un trait sur ses fantaisies ou non. En tout cas, son intérêt est inchangé. Sa quête de renseignements à propos de la Lady ne lui a sûrement rien appris de plus que ce qui est déjà su de tous. « Si elle a été mariée à Celso ça paraît logique qu'elle ait été effacée au même titre que lui. » je fais remarquer. Mais son passé en Angleterre la rendait impossible à complètement rayer de la carte. Elle a été, à vrai dire, l’unique élément permettant de conserver le nom de Celso écrit quelque part. Sans cela, nous ne saurions même pas ce que nous cherchons. Quoique cela est encore difficile. Un artiste ? Un prince ? Un menteur ? Un hors-la-loi ? Le flou demeure. C'est assez cyniquement que je réponds, lorsque Joanne me demande ce que moi j'espère trouver dans cette pièce cachée ; « Des tableaux, logiquement. » Ce qui est une autre manière de dire que je n'en sais rien du tout. Après tout, ce n’est pas pour moi que je fais tout ceci. La principale intéressée, en tout cas, est ravie de sa présence ici et de faire partie du cercle très fermé des hommes et des femmes qui savent que quelques lignes des livres d'histoire sont fausses. Un petit privilège dont elle jouit avec plaisir. Je ris légèrement en la voyant narguer des siècles de science, toute impatiente d’en savoir toujours plus. « Je vois ça. » dis-je avec un regard attendri. Joanne a cette moue adorable lorsqu'elle se passionne pour quelque chose ou en découvre une autre. Cela vaut toujours le coup de l'emmener dans un hôtel cher, un restaurant coûteux, de lui offrir une belle robe ou des bijoux brillants. Le regard qu'elle a alors vaut son pesant d'or. C'est timidement qu'elle change de sujet et me propose, contre toute attente, de profiter moi aussi du jacuzzi sur la terrasse un de ces jours. Celui qui paye a légitimement le droit de profiter de ce genre d'équipement, pourtant il ne me viendrait pas à l'idée de m'imposer ni de m’accaparer la suite de la jeune femme pour une heure ou deux, même si elle le propose. « Pourquoi pas. » je réponds avec un sourire reconnaissant afin de ne pas me montrer impoli, néanmoins il y a peu de chances que je réclame cette faveur. Je reste encore un instant avec elle, à observer la vue, buvant ma coupe de champagne de temps en temps. Une fois celle-ci vide, je me lève et quitte Joanne pour répondre à l'appel du sommeil. « Reposes-toi. Bonne nuit. »
La journée du lendemain n’a de notable que les kilomètres de marche effectués. Je réalise que malgré mon sentiment de solitude à Brisbane, je ne suis jamais véritablement seul, que ce soit à la maison, avec les chiens, ou au travail, dans la nervosité ambiante et constante du direct, subissant les aléas d'un monde en ébullition permanente. Il n’y a pas de calme plat, de repos, de silence. J'ai pris mon petit déjeuner seul au restaurant de l'hôtel, le nez plongé dans l’unique journal en anglais qui était proposé pour prendre des nouvelles du monde présent avant de me plonger dans le passé pour une semaine. Puis j'ai passé le temps dans les rues de Florence, à déambuler comme Joanne et moi adorions le faire avant. Je me souviens des longues marches sans but à Sydney qui nous avaient fait découvrir la ville sous un autre angle, plus secret. Je me rappelle aussi de nos promenades à Londres, des dizaines de boutiques visitées pour le plaisir des yeux. J’aurais aimé partager cette balade avec elle et Daniel, mais être seul n’est pas si mal non plus. Et j'imagine qu'ils sont bien, juste tous les deux, eux aussi. Je déjeune en terrasse non loin du pont Vecchio, m’offre une glace face à la fontaine de Neptune, et achète quelques souvenirs. Cela pourrait s'être résumé à moi et mes pensées dans Florence, si je n'avais pas remarqué que mes pensées s'étaient tues au profit de l'appréciation de la beauté de chaque minute de l'instant présent. Le soir, je rejoins la suite de Joanne pour passer un peu de temps avec Daniel. Il n’est pas tout à fait remis du voyage, un peu bougon, mais il demeure sage lorsqu'il est question d’être porté et câliné par son père. « Alors bonhomme, comment était ta journée avec maman ? »
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“C’est assez déroutant de savoir qu’il y ait pu avoir une personne qui puisse autant me ressembler. J’aimerais bien voir ta réaction si on te confronte un jour à un portrait avec ton sosie craché dessus, datant du XVIème siècle. Ca laisse perplexe, crois-moi. Tu ne peux pas te dire que ce n’est qu’une simple coïncidence.” rétorqua-t-elle avec un certain sourire. Après ces quelques échanges, Jamie finit par partir. Joanne était encore restée quelques temps sur la terrasse. Même si, à l’heure actuelle, ils étaient presque des inconnus pour l’un l’autre, elle devinait certains de ses petits réflexes qui traduisaient le fond de ses pensées. Elle savait par exemple que même s’il avait dit le contraire, il ne viendrait pas demander à passer quelques heures seul dans la suite pour profiter de tous ses avantages. Il était peu bavard, ses phrases étaient courtes. Cela ne l’empêchait pas d’être attendri face à la hâte l’impatience de la jeune femme, qui l’exprimait autant physiquement que verbalement. Peut-être était-ce le décalage horaire, ou quelques idées qui traînaient ici et là, mais elle n’avait pas sommeil alors qu’elle se sentait épuisée. Elle avait enfilé entre temps son pyjama et traînait sur la terrasse. Puis Daniel, lui aussi bien décalé, se réveillait durant la nuit. C’était extrêmement rare, il faisait parfois quelques mauvais rêves, mais dès qu’il était rassuré par la présence de Joanne, il se rendormait aussitôt. Là, le changement d’environnement le perturbait également et il refusait de quitter les bras de sa mère. A titre exceptionnel, celle-ci se dit qu’il était peut-être temps de se coucher et elle emmenait le petit avec elle dans son propre lit. Daniel soupira d’aise dès lors qu’il était allongé et que Joanne fit de même juste à côté de lui. Elle lui chantait quelques chansons et caressait son visage pendant de nombreuses minutes, jusqu’à ce qu’il se laisser sombrer par les gestes d’amour de sa mère. Celle-ci fermait les yeux, dormait un peu, mais son sommeil était loin d’être reposant. Elle somnolait principalement, toujours à l’écoute et sur le qui-vive. C’était Daniel qui déclarait qu’il était temps de sortir du lit le matin, après une bonne heure de jeu et de câlins dans le lit. Joanne, n’ayant pas vraiment envie de descendre au restaurant pour le petit-déjeuner, surtout avec un bébé qui était de moins bonne humeur que d’habitude, avait appelé le room service pour qu’on lui ramène de quoi manger. Petit-déjeuner sur la terrasse, bien évidemment. C’était les vacances, et ils prenaient largement leur temps – Daniel semblait avoir bien compris qu’il était inutile de se presser. Couverts de crème solaire, chapeau et lunettes de soleil sur le nez, ils étaient enfin prêts pour aller se perdre un peu dans les rues de Florence. L’avantage, c’était que le petit adorait se promener, il était toujours très calme dès qu’il était dans une poussette. Joanne ne pouvait certainement pas faire autant de kilomètres comme elle pourrait le faire. Par exemple, monter des escaliers étaient passablement plus compliqués. Malgré tout, le petit tenait à faire quelques pas de lui-même en tenant la main à la jeune femme. Elle fit alors un circuit en commençant par aller voir le jardin Torrigiani, puis celui de Bobili. Elle remonta plus tard vers le nord pour se rapprocher à nouveau de l’Arno, s’arrêtant dans un tout petit restaurant où Joanne prit une pizza qu’elle partagea avec le petit. Elle remerciait son intérêt pour la Renaissance italienne, cela lui permettait de se pencher un peu sur la langue du pays. Daniel avait tout de même un appétit d’ogre, elle ne s’attendait pas à ce qu’il puisse autant apprécier la pizza. Après quoi, elle traversé le pont Santa Trinita pour aller à un endroit où elle rêvait d’aller depuis de très nombreuses années : la Santa Maria del Fiore et son campanile. Même Daniel était impressionné par la grandeur de l’édifice, entièrement recouvert de marbre de différentes couleurs. Elle se rendit également à l’intérieur, afin de pouvoir avant admiré le duomo et ses riches peintures. Des oeuvres qu’elle avait du analyser des heures durant, lorsqu’elle était étudiante. Elle s’y penchait d’ailleurs un peu trop, mais cela l’émerveillait tant. Le petit, lui, s’émerveillait de l’écho qu’il y avait dans la cathédrale lorsqu’il parlait un peu plus fort que d’habitude. Souvent, les autres touristes le regardaient d’un air rieur, mais Joanne lui fit rapidement comprendre qu’il ne fallait pas parler trop fort dans une cathédrale. Et ensuite, dernier escale pour voir la façade de la Santa Maria Novella. Daniel avait fait sa sieste de l’après-midi sur le chemin du retour. Joanne n’avait évidemment pas oublié son appareil photo, elle avait emmené plusieurs cartes mémoire, juste pour être sûre. C’était tout de même avec plaisir qu’elle rejoignit sa suite et qu’elle enlevait ses chaussures pour traîner pieds nus. Elle avait pris une douche, enfilé une robe neuve. Jamie les avait rejoint dans la suite, pour pouvoir passer un peu de temps avec le petit. “Un petit peu ronchon toute la matinée, jusqu’au déjeuner, où il a découvert ce qu’était une pizza. Je suis certaine qu’il adorerait en remanger dans un futur très proche. Une semaine de pizza et de pâtes, ça ne se refuse pas.” commença-t-elle en regardant Jamie et son fils avec tendresse. “En bien meilleure forme cet après-midi. Il a plutôt de bons goûts, il était fasciné par la Santa Maria del Fiore.” Elle rit doucement. “Et il a dormi sur la fin de la promenade.” Le room service frappa à la porte; Joanne avait effectivement commandé quelques boissons fraîches pour se désaltérer. “Et toi, ça a été ?” lui demanda-t-elle en souriant, curieuse de ce que lui était allé voir – ou savoir ce qu’il avait fait. Joanne prit une bouteille de soda et se servit un verre en faisant quelques pas sur la terrasse. “Je me suis dit que… ça ferait certainement plaisir à Daniel qu’on mange tous ensemble, même si ce n’est qu’une fois dans la semaine. Ici, ou dans un restaurant, qu’importe, mais je me suis dit qu’on pourrait l’inclure dans le programme de la semaine. Pourquoi pas ce soir, même, peut-être ?” suggéra-t-elle avec un vague haussement d’épaules, notant bien que Daniel était largement plus souriant et heureux lorsque ses deux parents étaient là, en même temps, au même endroit. Et puis, peut-être qu’un dîner ensemble allégera cette petite étrangeté de cette semaine de vacances, qu’ils pourraient retrouver ainsi un semblant de complicité qu’ils avaient pu avoir par moment depuis leur séparation. Elle en avait assez d'avoir des conflits avec lui, ça la pesait, et elle adorerait avoir une relation un peu plus stable avec lui, qu'importe la façon dont elle pourrait être définie.
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Après avoir passé la journée en tête-à-tête avec sa mère, Daniel est particulièrement ravi de me voir, une fois bien émergé de sa sieste. La balade a sûrement été longue et pleine de découvertes. Dans mes bras, dans son langage de bébé aux babillements incompréhensibles mais très convaincus du sens propre de chaque son qu'il émet, le petit garçon semble raconter, mi-enthousiaste, mi-endormi, toutes les péripéties de son premier jour à Florence. Impossible de savoir ce quoi il parle, mais le travail d'un parent est aussi de savoir faire la comédie pour lui faire croire que nous sommes bilingues en bébé. « C'est vrai ? Tu as fait tout ça ? » je demande avec un large sourire, amusé par son long discours qui n'en finit pas, les petits gestes qui illustrent sa tirade, et les moments où sa voix se fait plus forte, peut-être pour évoquer quelque chose qui lui a particulièrement plu. « Un vrai globe-trotter. » Une fois qu'il a achevé son discours, je l'embrasse sur la joue, et Joanne prend le relais de la traduction du programme de leur journée. Leur exploration s'est concentrée sur le nord-ouest de la ville, tandis que je me trouvais plus au sud-est, néanmoins du même côté de l'Arno qu'eux. J'avoue que j'aurais aimé être présent pour la découverte de la pizza par mon garçon. Je l'imagine incapable de couper le fromage fondu avec ses petits quenottes, et faire partir toute sa garniture dans une bouchée avant de pouvoir déguster la pâte seule. En tout cas, cela lui a plu. « Il a bien raison. » Quand l'appétit va, tout va ; la pizza lui a donné des forces pour suivre sa mère dans les jardins et les églises, et bien entendu, il n'est pas étonnant qu'elle se soit ruée sur le Duomo. « On est amateur d'architecture, hm ? » je demande à Daniel, qui a donc été inspiré par l'édifice -ou plutôt l'acoustique de celui-ci. Pour ma part, je donne un bref résumé de ma journée ; « C'était très agréable, oui. J'ai marché le long de l'Arno la matinée, déjeuné face au Ponte Vecchio, puis j'ai gravité autour de la Piazza della Signoria. » Les statues qui ponctuent son pourtour sont magnifiques et ont retenu toute mon attention pendant que je dégustais un sorbet au cassis ; quelque part, avoir les papilles et les pupilles ravies est une certaine définition du bonheur. Alors que le room service apporte des rafraîchissements, je m'installe avec Daniel sur la terrasse, dans l'un des grands fauteuils. J'allonge le petit sur mes jambes, tête posée sur mes genoux, et gratte son petit ventre rebondi. « Alors on est ronchon avec maman ? » Pendant que Joanne nous sert, je le chatouille, esquive quelques coups de pieds hasardeux, et couvre son bidon et sa frimousse de baisers qui le font éclater de rire. Le garçon peut reprendre son souffle pendant que sa mère me propose de dîner tous les trois, un de ces soirs. Je me mords les joues pour m'empêcher d'avouer que l'idée m'était bien entendue passée par la tête et qu'elle fut concrétisée par une réservation effectuée dans un restaurant pour son anniversaire. Autant ne pas gâcher la surprise. Mais je suis assez certain que la manière dont ma voix dérape dans les aigus lorsque je lui réponds me trahit complètement ; « Bien sûr. Disons plutôt demain ? » Gigotant, Daniel trouve le moyen de se redresser, puis se tient à moi, bien agrippé à mes épaules, et malgré le manque d'équilibre que lui donnent mes cuisses, pour se mettre debout. Je passe un bras autour de lui afin qu'il ne tombe pas. « Je n'ai pas très faim ce soir. Papa a mangé trop de glaces. » Allez savoir pourquoi Daniel se met à rire. Les petits n'ont pas vraiment besoin de bonne raison pour cela. « Tu sais ce qu'on fait demain ? On va voir un trésor, très précieux. Maman va devenir complètement dingue, tu verras. Nous allons la perdre. » Je jette un coup d'oeil taquin à la principale intéressée avec un petit sourire malicieux. Je me demande si Joanne sera finalement particulièrement en retenue, contenant à l'intérieure toute son euphorie, ou si elle ressemblera à une adolescente mise devant son acteur préféré, hurlant et pleurant son fanatisme démesuré.
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Il y faisait bon vivre, sur cette terrasse. C’était ce que Joanne préférait de la suite, c’était indéniable. Ils avaient annoncé du beau temps pour toute la semaine, et des températures fidèles au printemps. En bref, la saison et le temps idéal pour profiter de cette petite semaine de l’autre côté du monde. Jamie avait pris le temps de visiter un tout autre coin de la ville. Il fallait dire qu’il y avait beaucoup à voir à Florence. Si l’on voulait fouiner dans les moindre recoins, une semaine ne suffirait certainement pas. Siège de la Renaissance italienne et de bien des drames, il y avait de nombreux trésors qui avaient le mérite d’être vus. Dont celui que Joanne allait découvrir dès le lendemain. “Il y a tant de choses à voir.” s’émerveilla-t-elle. “Il s’est quand même montré particulièrement patient lorsque nous étions dans la cathédrale. Nous y avions passé un certain temps, je l’admets.” dit-elle avec un rire nerveux. C’était un monument extrêmement riche et que Joanne trouvait véritablement magnifique. Jamie avait visité d’autres emblèmes de Florence, dans un tout autre coin de la ville. Joanne le fera un autre jour, lorsqu’elle n’aura pas Daniel avec elle. Oui, il avait été un petit peu de mauvaise humeur le matin. “Je le lui pardonne. Le décalage horaire, ça ne doit vraiment pas être facile à gérer, pour les bébés.” dit-elle en riant et en servant à boire. La jeune femme laissait père et fils jouer ensemble. Jamie trouvait toujours moyen de le faire rire en le chatouillant, en faisant de drôles de bruitages. La petite blonde, quant à elle, verre à la main, proposa au bout de quelques minutes de passer une soirée ensemble. Pourquoi pas le soir-même d’ailleurs.Elle s’installa sur le siège qui était encore libre et croisa les jambes. Jamie avait un peu changé de ton lorsqu’il répondit. Il acceptait, c’était déjà ça, mais pour le lendemain. Elle était surprise de cette proposition, à vrai dire. Le lendemain, c’était le grand jour, et elle ne parvenait pas à planifier quoi que ce soit d’autre que la découverte de la pièce cachée. Mais elle accepta tout de même, par un sourire ravi et un hochement de tête. Peut-être était-ce le décalage horaire ou le fait d’être loin de tous ses repères, mais Joanne ne se rendait pas compte que le lendemain était son anniversaire. A moins qu’elle ne voulait pas vraiment se rappeler de ce jour-là. “Ce sera demain, alors.” conclut-elle. “Je vais aller me commander quelque chose à manger. Daniel, mon chéri ?” Le petit tourna la tête en direction de sa mère. “Est-ce que tu as faim ?” Il acquiesça d’un vive mouvement de tête. “Tu veux des pâtes ? Avec la même sauce qu’hier soir ? Tu l’avais bien aimé, tu te souviens ?” La mémoire d’un bébé de cet âge commençait peu à peu à se développer, mais pas assez pour se souvenir de ce genre de détails. C’était encore précaire. Mais il avait une confiance aveugle en sa mère et accepta sans broncher. Elle appelait rapidement afin de prendre commande puis rejoignit Jamie et Daniel. Ils se parlaient, discutant du programme du lendemain. Le simple fait de mentionner le sujet faisait sourire Joanne. Elle avait tellement hâte, elle n’attendait que ça. Elle-même ne parvenait à anticiper sa réaction face à ces tableaux. Sa discrétion et son côté réservé allaient-ils l’emporter sur la liesse et la surexcitation, ou plutôt l’inverse ? “Je pense, oui. J’ai tellement hâte, je ne sais pas si j’arriverai à m’endormir ce soir. Même là, j’essaie de garder contenance, mais c’est particulièrement difficile.” répondit-elle avec un petit rire. Le dîner fut rapidement monter dans sa suite, l’on vint tout rapporter au niveau de la terrasse. Joanne s’était prise une salade composée. Après avoir cherché la bavette à Daniel, elle laissait Jamie se débrouiller pour lui donner à manger - ce n’était pas ce qu’il y avait de plus compliqué. Joanne, quant à elle, s’était assise par terre pour manger sur la table basse, n’ayant pas envie de se déplacer pour manger. Elle était bien installée comme elle était. “Eh, Daniel. Tu fais goûter à Papa ? Je suis certaine qu’il va adorer. ” Quelque chose qu’il aimait bien faire ces derniers temps, avec sa cuillère en plastique. Il voulait beaucoup faire goûter ce qu'il mangeait à Joanne, tout comme lui commençait à bien aimer piquer dans son assiette dès que l'occasion se présentait. Il trempait celle-ci dans la sauce et la porta maladroitement jusqu’à la bouche de Jamie. Forcément, encore peu habile, il en mettait un peu partout sur son visage, et Joanne manqua de s’étouffer de rire. Daniel en riait aussi, d’ailleurs. “Une douche sera de rigueur, je crois.” dit-elle en pouffant encore pour quelques minutes. “Regardez-vous, tous les deux. Incorrigibles, vraiment.” ajouta-t-elle en secouant doucement la tête, le regard pétillant d’amusement.
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Rien n'indique que Joanne ait deviné pourquoi j'ai suggéré de remettre le dîner tous ensemble au lendemain. J'imagine qu'elle se doute que je souhaite garder l'occasion pour son anniversaire, mais pas que la soirée a déjà été toute pensée à l'avance. Je pense qu'elle ne comprendrait pas. En tout cas, nous nous accordons sur ceci, et la jeune femme décide, sur ce, que si le dîner doit se faire sans moi, alors soit. Elle s'en va commander pour elle et Daniel seuls. Des pâtes pour le bonhomme qui semble ravi par qu'importe ce qui peut lui être proposé. Je crois qu'il sent l'atmosphère des vacances, ses parents plus détendus. Il a conscience que l'environnement n'a rien à voir avec ce qu'il connaît, et doit sûrement se demander pourquoi le matin est l'après-midi et l'après-midi le matin. Mais il y a ce quelque chose de différent en plus dans l'air. Une légèreté. Lui est trop jeune pour discerner l'étrange de cette situation, il s'en fiche bien d'ailleurs. Tant qu'il eut jouer et avoir des câlins de tout le monde, le reste importe peu. « Quelle alimentation équilibrée, dis donc. Pizza à midi, pâtes le soir. On te fera une cure de carottes quand tu viendras à la maison. » Facile de retenir le nom d'un aliment que l'on déteste. La sonorité du mot elle-même paraît presque dégoûtante. La grimace que tire Daniel me fait bien rire. « Oh oui, des carottes, mon bonhomme, et sans faire la grimace ! » Il marque son désaccord en mettant ses mains sur son visage, une technique dont l'efficacité reste à prouver, car je continue de pouffer malgré moi. Joanne nous revient en plein jeu. J'explique au garçon le programme du lendemain, même s'il est finalement plutôt question d'une taquinerie entre moi et sa mère. Nous ne connaîtrons sa réaction face aux œuvres qu'une fois que nous y serons. « J'avoue que j'ai hâte aussi. Je ne sais absolument pas à quoi m'attendre, quels éclairages cela va donner, mais je veux juste les voir. Mais je ne sais pas si je suis plus impatient à l'idée de voir les peintures, ou ta réaction quand toi tu les verras. » j'ajoute avec le même ton un rieur. Je reprends les chatouilles sur les côtes de Daniel le temps qu'il soit l'heure de dîner. Son petit plat m'a l'air particulièrement goûtu, et je devine dans son regard qu'il se souvient que cela est bien bon. D'ailleurs, il gobe les premières pâtes de bon coeur et les mâchouille gaiement. Sa bouche est déjà couverte de sauce. La mienne le sera bientôt également. Il suffit que Joanne donne le signal. Alors le petit saisit sa cuillère et tente la même manipulation que ses parents lorsqu'il faut lui donner à manger, mais cette fois, c'est à lui de nourrir un grand. Là encore, la technique manque de précision, et c'est ma joue qui est nourrie plus que moi. « Attends, je crois qu'il en manque par là. » dis-je en tournant la tête afin d'équilibrer la composition de mon fils qui, pouffant, me peinturlure l'autre joue avec joie. Lorsque, enfin, je peux goûter la goutte de sauce qu'il reste dans la cuillère, j'en profite pour m'en mettre sur les lèvres que j'appose sur le visage de Daniel ; « Voilà, parfait. Maintenant, un gros bisou. » Lui aussi est orné de bolognaise désormais. « On ne se moque pas, c'est de l'art. » dis-je à Joanne qui ne retiens pas ses rires en réprimant les miens pour faire preuve d'un peu de faux-sérieux. Fier de mon œuvre, je sors mon téléphone afin d'immortaliser le moment. « Ne bouge pas Daniel, fais un sourire. » Il y a un sacré contraste entre nos têtes de vainqueurs et la magnifique vue qui se devine derrière nous. Une fois mes joues essuyées, le reste du repas se déroule plus calmement. Au premier frisson de Daniel à cause de la fraîcheur de la nuit, je rentre dans la suite avec lui. Sur ses deux jambes, il gambade un peu partout, un peu trop en forme pour l'heure, sûrement à cause du décalage horaire encore et d'une sieste trop récente. Il s'amuse beaucoup à explorer les environs, sur ses pieds, sur sa couche, à quatre pattes. Il a la même énergie dans le bain, dans lequel il ne veut pas aller dans un premier temps, et qu'il ne veut finalement pas quitter une fois dedans. Néanmoins, l'eau semble l'avoir calmé. De retour dans le petit salon de la suite, il sait qu'il est l'heure de l'histoire, et se met en quête d'un de ses livres. « Qu'est-ce que tu veux que papa te lise ce soir ? » Il cherche, il cherche, et finalement se détourne de ses affaires pour attraper un papier sur une table basse et me le tendre. « Non, Daniel, ce n'est pas un livre ça, c'est le dépliant de l'hôtel. » Il ne comprend que la négation et laisse tomber cette première idée en remettant le flyer maladroitement sur la table. Il trotte un peu plus loin et revient avec un autre papier plastifié qui a l'air de lui plaire beaucoup. « Et ça c'est le menu du room service. » Rien à faire. Déterminé, il pose la carte sur mes jambes et entreprend d'escalader le canapé dans lequel je me suis assis -avec un peu d'assistance. « D'accord, si t'insistes. » J'installe le petit confortablement contre moi, le menu bien fac à nous, soupire un coup en songeant à ce genre de situations qui font la particularité du rôle de parent, et débute en essayant d'y mettre autant de bonne volonté que s'il s'agissait d'une vraie histoire ; « Entrées. Mozzarella Burrata, tomates et huile d'olive. Salade César avec laitue iceberg, anchois, œufs, croûtons et parmesan... » Le garçon sombre dans un profond sommeil lorsque j'attaque la liste des vins après m'être donné faim en récitant tous les desserts. Sa tête lourde glisse sur mon torse, et c'est en l'empêchant de tomber sur le côté que je remarque qu'il s'est endormi. « Je n'arrive pas à le croire. » je souffle avec des yeux ronds. Puis j'observe Joanne avec le même air désemparé et amusé à la fois, comme si j'attendais qu'elle me confirme ce qu'il vient de se passer. Je m'empêche de rire du mieux que je peux, ne voulant pas réveiller Daniel avec les spasmes de mon ventre ou un éclat de voix.
when we'll discover the truth, we may discover each other all over again.
"Ce sont des vacances pour lui aussi, après tout." répondit Joanne avec un petit rire. Ca n'allait pas être une semaine avec un léger laisser-aller qui allait le dénutrir ou le malnutrir. Joanne faisait suffisamment attention à la manière de l'alimenter pour ne pas trop en avoir sur la conscience si elle lui permettait quelques petits écarts. Ce n'était pas comme ces gamins gavés de pâtes aux ketchup ou de frites. Oui, il n'aimait toujours pas la carotte, mais mangeait tous les autres légumes. Il n'était vraiment pas difficile en matière de nourriture. Joanne rit lorsqu'elle voyait son fils grimacer en entendant simplement le nom du légume qu'il n'aimait pas manger. Bien sûr, Jamie ne faisait que le taquiner. Mais la réaction du petit était particulièrement drôle, elle ne retenait pas vraiment ses rires en le voyant ainsi. Si personne ne les connaissait, on pourrait presque croire qu’ils formaient une famille, une famille parfaite. Alors qu’il n’en était rien. Ils auraient pu l’être. Jamie exprimait également sa hâte à voir ces tableaux. “Tu ne sais pas à quoi t’attendre, mais qu’aimerais-tu y voir ?” demanda-t-elle alors, bien curieuse d’avoir sa vision des choses, ce qu’il peut s’imaginer ou ce qu’il peut désirer à ce sujet. Il ne cachait pas l’impatience qu’il avait à l’idée de voir la réaction de Joanne. Celle-ci rit nerveusement à sa remarque, surprise qu’il puisse autant s’intéresser à ce qu’elle allait ressentir à ce moment-là. Elle se gratta un peu les cheveux, ne sachant que répondre à cette remarque. Une fois les repas arrivé, Joanne voulait faire subir une certaine expérience au beau brun. Elle l’avait déjà vécu, elle savait à quoi s’attendre. Le petit s’y donnait à coeur joie, ça le faisait bien rire, et son père aussi d’ailleurs. Cela finissait par en être un jeu entre eux, à celui qui fera la plus belle composition avec de la sauce bolognaise. Joanne en riait beaucoup, incapable de manger quoi que ce soit au risque d’avaler de travers. Une photo souvenir était évidemment de rigueur avant de terminer le repas du soir avec une note bien plus tranquille. Lorsque l’air se fit plus frais, Jamie entrait dans la suite avec Daniel, pour lui faire prendre un bon bain. Puis, il était en quête d’un peu de lecture avant de devoir aller se coucher. Le choix du petit fut particulièrement insolite, il avait choisi le menu du room service et était bien fixé sur sa décision. Sans grande conviction, Jamie se lança dans cette lecture et il suffit d’énoncer quelques plats pour que la tête de Daniel se fasse plus lourde et qu’il sombre dans un sommeil profond. Joanne les avait observé, les bras croisés, le regard bienveillant. Joanne se pinça les lèvres, pour se retenir de rire. Ce fut d’autant plus difficile lorsque Jamie leva les yeux vers elle, à la fois désabusé et amusé par la singularité de la situation. Joanne finit par rire silencieusement, aux larmes même, et s’approcha pour prendre Daniel dans les bras, voyant bien que son ex peinait de plus en plus à se retenir. Elle mit un index sur sa bouche pour l’inviter à poursuivre son effort de rester silencieux pendant qu’ils faisaient changer le petit de bras. Sans attendre, Joanne le conduisit jusqu’à sa chambre pour l’allonger et le laisser commencer sa nuit. Elle fermait délicatement la porte derrière elle avant de se permettre de rire un peu plus bruyamment. “On ne peut pas dire que ce trait là peut venir de moi.” dit-elle en s’approchant de Jamie, en secouant la tête. “C’était énorme, vraiment. Il a vraiment fermé les yeux, mais d’un coup. Comme s’il n’y avait juste un mot précis qui avait déclenché son sommeil.” lui précisa-t-elle en riant, pendant qu’elle enfilait un gilet pour couvrir ses épaules dénudées. “Je lui lirai plus de menus, à l’avenir.” Joanne récupéra la feuille du menu pour le relire rapidement. “J’ai… bien envie de prendre un dessert, après ce petit instant de digestion. Et j’avais déjà repéré leur fondant au chocolat. T’es sûr que tu ne veux vraiment rien prendre ? Leur carte fait rêver tout de même.” dit-elle en lui tendant le papier pour qu’il le relise à son tour. “Avec peut-être quelque chose à boire pour nous remettre de nos émotions.” Parce qu’ils avaient eu tous les deux un bon fou rire. Joanne ne se rappelait plus de la dernière fois où elle avait autant ri, aussi longtemps. Cela remontait à des semaines, des mois. Bien sûr qu’elle riait avec Daniel, mais pas comme ceci. Il y avait eu ce moment de complicité entre eux deux, comme ils ne l’avaient plus eu depuis longtemps. “Heureusement que tu ne t’endors pas toi en lisant un menu, sinon notre premier rencard n’aurait pas duré bien longtemps.” dit-elle d’une voix amusée, quelque peu nostalgique de ce premier restaurant passé ensemble. Joanne lui sourit avec une certaine tendresse. Ce qui lui manquait, c’était de partager des moments comme celui-ci avec quelqu’un. Mais que ce soit tous les jours, toutes les nuits. Donner de l’affection à l’homme qu’elle aimait lui manquait tellement. “Alors, décidé pour un dessert ?”
Our lives are not our own. We are bound to others, past and present, and by each crime and every kindness, we birth our future.
Encore une fois Daniel démontre nos similarités dans toute leur splendeur. Endormi profondément, se laissant bercer plus par une voix que par les mots prononcés par celle-ci qu'il n'est pas encore en âge de complètement comprendre, il est imperturbable lorsque nous le déposons dans son petit lit. Ce n’est qu'une fois la porte fermée que nous pouvons nous permettre de rire de la situation qui a eu lieu. “Je plaide coupable.“ j'admets, en levant les mains, face à l'évidence que ma capacité à m’endormir partout et n'importe comment est décidément passée dans les gènes de notre fils. Joanne a pu assister mieux que moi à la manière dont le petit à sombré, et cela a visiblement été bien drôle. “Peut-être “tiramisu” ?” dis-je en faisant mise de chercher le mot déclencheur de l'endormissement du petit garçon. Je pouffe en imaginant la jeune femme lire d'autres menus à Daniel avant d'aller au lit, puisqu'il en semble si friand. “Varie les types de cuisine surtout, il fait l’instruire ce garçon.” j'ajoute avec une moue sérieuse qui n’est pas crédible pour un sou. L'hilarité passe doucement, l’air reste emprunt de cette légèreté qui met du baume au coeur. Les sourires, les regards échangés n'ont rien à voir avec ceux d'il y a quelques semaines. Il y a quelque chose, un peu de complicité. Et alors que je devrais profiter de cette atmosphère favorable pour entériner cette entente naissante, je me mets en tête qu'il est plutôt l'heure pour moi de partir, jusqu'à ce que Joanne aille dans le sens contraire en m'invitant à rester pour un dessert. Je ne sais pas vraiment pourquoi cela me rend soudainement nerveux. Ma gorge serrée m'empêche de répondre, je le contente d'un sourire pincé alors que la jeune femme fait son choix et propose même à boire. Il n’y a que son trait d'humour pour m'arracher à mon malaise et me faire réaliser que si elle veut bien de moi ici, alors j’aimerais rester et profiter de sa présence. “J’ai lutté, je l'avoue. “Carpaccio” est mon mot déclencheur.” je renchéris avec un sourire avant de jeter à mon tour un œil sur le menu -même si je l'ai lu à l'instant. “Je vais goûter leur Pinolata. Faire honneur à la gastronomie locale. Je les appelle.” Joanne peut retourner sur la terrasse le temps que je passe le coup de fil au service d'étage. De peur d'en faire trop, en matière de boisson, je ne demande rien. Il y a de l'eau, du vin et d'autres alcools dans le minibar, cela fera l'affaire. Une fois la commande passée, je rejoins la petite blonde dehors. Difficile de se laisser de pareille vue. Je ne dirais pas que cela est plus magique que Sydney, qui est un souvenir tout particulier ; cela est différent, mais incroyablement beau également. Appuyé sur la balustrade, je reste debout pour dégourdir les jambes après tous les jeux avec Daniel. J’observe les lumières qui s'allument petit à petit, et le ciel rose qui bleuit à nouveau. “Si on m’avait dit que j'aurais un garçon aussi facile un jour…” je murmure avec un sourire. Il est adorable. Joueur, taquin, malicieux comme tout, il est impossible de s'ennuyer avec lui. Et son regard bleu, le même que sa mère, inspire une telle satisfaction à chaque fois que nous lui faisons découvrir le monde. Il sait faire fondre ses parents, je le soupçonne d'avoir conscience qu'il peut nous mener à la baguette avec un simple sourire sur son adorable frimousse. Mais il n’en abuse pas. “Nous avons de la chance.” j'ajoute en adressant un regard de connivence à Joanne. Il reste ce petit miracle inespéré, et sa présence nous comble malgré tout ce qu'il peut arriver. Il reste notre trésor commun. Je ne saurais pas dire si le room service est particulièrement rapide ou si le regard que nous échangions était particulièrement long, quoi qu'il en soit la main gantée du groom frappe déjà à la porte. “Ca doit être l’effet Suite Présidentielle qui rend le room service aussi instantané.” dis-je avec un petit rire avant d'aller ouvrir. Je m'occuper d'apporter le plateau avec les desserts sur la terrasse, et dépose le tout sur la table du salon extérieur. Il y a une fleur sur le plateau pour la décoration, une rose, de quoi ajouter une touche d’un romantisme qui n’existe pas -et qui risque donc de provoquer un malaise plus qu'autre chose malgré la bonne intention à l'origine de cette fantaisie. Alors avant que la rose soit trop prise au sérieux, je la retire de son petit vase et la prend entre mes dents en prenant une expression ridicule. La fleur n’est plus qu'une blague, rien de plus, et s'oublie vite une fois que je cesse de faire le zouave. Alors nous pouvons attaquer ces desserts à la présentation impeccable, si beaux qu'il serait plutôt question de les encadrer plutôt que de les manger. Pourtant, il le faut bien. Je songe durant les premières bouchées, puis, avec un sourire nostalgique, reprend la parole ; “C’est drôle, je me souviens de la toute première fois où tu as mentionné ton envie de venir dans cette ville. C’était pendant ce premier rencart justement. Tu m’avais demandé… quelle serait ma destination de rêve, je crois. Et tu as tout de suite ajouté que, pour toi, ça serait Florence. Ca serait ici.” Et nous y voilà, deux ans plus tard. Le contexte est certes un peu étrange, mais au moins, c'est un objectif atteint, un rêve réalisé pour elle. Elle y est, elle voit Florence de ses yeux. “J’espère que c'est à la hauteur de tes attentes.” j’ajoute. À la première lecture, il ne s'agit que de connaître son avis sur la ville, les monuments, l'idée qu'elle s'en faisait et si elle l'idéalisait trop. Entre les lignes, dans les critères d'une éventuelle déception, il y a ma présence, il y a la raison de notre venue, et tout ce qui fait que cela n’est peut-être pas aussi beau, aussi parfait que cela aurait pu l'être si nous étions mariés comme prévu.
when we'll discover the truth, we may discover each other all over again.
Ils riaient ensemble de ce qu’il venait de se passer. Il était évident que le côté bon dormeur du petit ne venait que de son père. Quoi qu’avant son divorce, Joanne avait le sommeil léger, certes, mais elle n’avait jamais eu de soucis d’endormissement ou de réveils en plein milieu de la nuit sans arriver à sombrer à nouveau. Jamie leva les mains, comme s’il était coupable de ce gène hérité. Joanne riait face à cette réaction. “Si déjà il doit hériter de ses parents, il faudra que je lui lise un menu de cuisine française, qu’il prenne un peu goût à ce qu’aime sa mère.” répondit-elle avec le regard pétillant. Les rires allaient en decrescendo, mais les sourires restaient, ainsi qu’une certaine légèreté qui planait agréablement dans l’air. Autant profiter de l’occasion pour passer encore un peu de temps ensemble, se dit Joanne. C’était alors tout naturellement qu’elle lui avait proposé de rester pour le dessert, même si elle avait bien entendu lorsqu’il avait dit, plus tôt dans la soirée, qu’il n’avait pas vraiment faim. Mais on avait toujours de l’appétit pour un dessert. “Il faudra que j’évite de prononcer ce mot, alors.” répondit-elle en riant un peu. Une fois que Jamie s’était arrêté sur son choix de dessert, optant pour quelque chose de local, la jeune femme retourna sur la terrasse pour profiter de cette vue dont elle ne se lassait définitivement pas. Pendant ce temps, lui contactait le room service. “Le Jamie qui disait ne pas vouloir d’enfant est bien loin, désormais, n’est-ce pas ?” dit-elle avec un vague sourire, alors qu’elle se mit juste à côté de lui. “La plus grosse colère qu’il a pu faire, c’était en décembre.” Comme tous les bébés, il faisait des bêtises, il cherchait les limites. Mais Daniel était un bébé qui n’aimait absolument pas voir les sourcils de sa mère se froncer, ou entendre sa voix devenir plus ferme. La colère qu’il avait faite en décembre était exceptionnel et avait surtout blessé Joanne, de voir qu’il ne voulait pas d’elle à ce point là lui en avait donné un sacré coup. Malgré ceci, il était vrai qu’ils avaient beaucoup de chance, tous les deux. Impossible d’ignorer le nombre de fausse-couches qu’elle a pu faire à côté, le ratio était particulièrement inégal. Impossible pour elle d’oublier ces enfants là. Celui d’Hassan, comme ceux de Jamie. A cette pensée, elle sentait sa gorge se serrer. Elle échangea un regard avec Jamie, pendant de longues minutes. Difficile de savoir ce qu’ils se disaient, ce qu’ils faisaient, mais ils furent tous les deux surpris par l’arrivée du room service. Jamie s’en allait chercher le plateau pour le ramener sur la terrasse. L’on avait mis une rose entre les deux desserts. Jamie la mit entre ses deux, avec une expression qui amusa beaucoup Joanne. Elle récupéra délicatement la rose sans blesser le bel homme. Puis elle la porta délicatement à son nez afin qu’elle puisse la sentir pendant quelques secondes. Une fois la fleur déposée sur la table, Joanne saisit la petite cuillère afin de pouvoir déguster avec gourmandise son fondant au chocolat. Jamie disait qu’il se souvenait que Florence était la destination de rêve de la jeune femme. Elle était touchée qu’il se souvienne d’un détail qui remontait à si loin désormais. La petite blonde acquiesça d’un signe de tête. “C’est… encore bien plus que je n’aurais su me l’imaginer.” avoua-t-elle.“Je n’ai pourtant pratiquement rien vu de la ville, mais je pense en être amoureuse déjà.” Elle rit nerveusement.“C’est uniquement grâce à toi, que j’y suis.” Joanne lui sourit timidement. “Et je suis sincèrement contente que tu sois là. Je sais que ça peut nous paraître bizarre, l’endroit, la suite, les circonstances. Mais ce n’est pas un voyage que j’aurais pu faire seule, et je suis assez contente que tu m’y aies un peu poussée.” Elle haussa timidement les épaules. “Nous en aurions profité d’une manière différente si les choses avaient été différentes.” Dieu sait ce qu’ils auraient fait sur cette terrasse s’ils avaient été mariés. “Tu crois vraiment que c’est un hasard, que ces tableaux soient trouvés si peu de temps avant la date convenue pour le voyage que nous avions prévu ?” demanda-t-elle, alors bien songeuse. “Comme si on cherchait vraiment à nous faire venir coûte que coûte, c’est assez curieux.” La jeune femme rit nerveusement, toujours gênée de partager ses pensées fantaisistes à Jamie, qui lui y croyait beaucoup moins qu’elle. “Merci encore pour tout, Jamie. Tu savais que c’était mon rêve, et bien que nous ne soyons plus… en couple, tu as tout fait pour que ça se passe et que je me lance dans cette aventure.” Joanne le regardait d’un air tendre, profondément reconnaissante de ce qu’il avait fait pour elle, avec ce voyage. “Attends, bouge pas, tu as quelques miettes de gâteaux, juste là.” dit-elle avec un petit rire amusé, en portant son pouce au coin de sa bouche pour retirer ce qu’elle venait de remarquer. Son geste était tendre, elle-même ne saurait dire combien de temps il avait duré. Il y avait un nouvel échange regard, ce sentiment de complicité, d'affection, et plein d'autres choses qu'aucun mot ne pouvait définir. “Voilà qui est mieux.” dit-elle en retirant enfin sa main pour revenir à son dessert, après un sourire bien nerveux, se disant alors qu'elle avait été bien trop tactile sur le coup.