Il y a quelques jours, j'avais reçu une invitation, ou plutôt nous avions reçu une invitation à la radio. Il s'agissait de la soirée d'inauguration du nouveau restaurant de Hungry Jack. Ils s'étaient lancé dans le pari fou d'ouvrir un fast food flottant. J'étais curieuse de voir ce que ça pouvait bien donner mais à la base, je n'étais pas partante du tout pour participer à cette soirée. J'étais persuadée que parmi tous les jeunes qui travaillaient à la radio, il y aurait bien une personne qui voudrait s'y rendre pour couvrir l’événement et marquer notre présence. Il semblerait que je me sois trompée sur toute la ligne. Milena avait finit par me dire que ca ne pourrait pas me faire de mal et que d'après le programme - qui restait tout de même très vague - je m'amuserai sans doute plus qu'en restant enfermée chez moi à attendre qu'Antony ne rentre du travail. Certes. Sur ce point, c'était sûr.

J'avais plutôt l'habitude de me rendre dans des soirées mondaines, là où toutes la haute société de Brisbane et d'Australie se rencontrait pour montrer aux uns et aux autres leurs plus grandes réussites. Cette fois il s'agissait bien d'une réussite, mais dans un tout autre registre. Je m'étais pourtant promis de ne porter aucun jugement malveillant sur les personnes que j'allais croiser ce soir. Pour cette fois, j'allais me mettre à leur niveau et me fondre dans la masse.
Je me rends avec mon carton d'invitation à cette grande soirée qui s'annonçait pleine de surprise. Je m’attendais à voir beaucoup de jeunes et beaucoup de personnes bien trop imbibées d’alcool même une demie heure après l’heure d’ouverture. Mais me voilà quand même surprise de voir que le panel des invités était très hétérogène. Des jeunes certes mais des plus âgés aussi. Toute la population de Brisbane semblait être représentée ici. Je me demandais comment ils avaient pu accéder à une soirée d’inauguration comme celle-ci. En tout cas, je dois noter l’effort pour la décoration et le luxe de ce bateau. L’odeur des burgers et de l’huile me chatouillaient déjà le nez, me mettant alors l’eau à la bouche. Quitte à être sur un bateau toute une soirée, autant en profiter.

La soirée était annoncée depuis quelques semaines, l’information avait tournée dans l’hôpital au compte gouttes pour venir jusqu’aux oreilles de la jeune femme. La soirée du nouveau restaurant de Hungry Jack sur un bateau, un nouveau concept lancé par la marque qui cherchait des bénévoles pour tenir l’infirmerie et prodiguer les premiers soins en cas de besoin - ce qui ne manquerait sans doute pas sur un bateau ou l’alcool allait probablement couler à flot. Si à première vu ce type de soirée n’était pas le dada de l'algérienne, l’idée de faire un tour en bateau gratuitement et d’avoir à gérer les situations dans un cadre comme celui d’un bateau en plein milieu de l’eau lui semblait intéressante. Puis elle ne l'avouera pas mais, les quelques burgers promis à la clef et l’engouement de sa collègue de travail avaient fini de la decider.

C’est comme ça qu’elle était arrivée avec quelques minutes d’avance sur le fameux bateau, un paquebot plutôt magnifique qui l’avait laissé bouche-bée pendant quelques secondes. Quelques minutes plus tôt sa collègue l’avait informé de son état de santé lamentable et donc de son absence ce soir, et c’est donc seule qu’elle s'était rendue au poste pour faire connaissance avec les quelques autres bénévoles de la soirée et prendre place près des tables de secours installées sous la grande pancarte « infirmerie ». Petite à petit le bateau avait commencé à se remplir sous le regard de la jeune femme. Une diversité de personnes qui avaient de quoi étonner et se demander aussi comment les invitations avaient été envoyées. L’odeur sur le bateau était alléchante et ouvrait déjà l'appétit à Yasmine. Le bateau encore au port et les invités plutôt sages pour le moment Yasmine avait jeté un regard à son portable avec un sourire quand le message d’Hassan lui souhaitant bonne chance pour cette soirée s’était affiché sur son portable. Le rangeant dans sa poche elle avait à nouveau relevé le regard pour observer les gens, certains habillés chiquement, d’autre en mode plage, il y a avait vraiment de tout et tous là pour la même raison sans doute. Un bon burger à la clef. La voix de ce qui devait être le capitaine se faisant entendre dans le grand interphone au dessus d’eux. « Mesdames et Messieurs, bienvenue à la soirée d'inauguration du nouveau restaurant de Hungry Jack, je suis Henry votre capitaine pour cette soirée. Nous lèverons l'ancre d’ici 10 minutes. Profitez bien de votre soirée. » Les applaudissements s’étaient fait entendre après cette annonce et les gens - rapidement - étaient revenus à leurs occupations premières soit boire et manger en profitant de la légère musique qui était encore calme pour le moment.

« Allez quoi, t’es pas drôle vieux ! »  Huit mois qu’ils étaient colocataires, et Vittorio ne semblait toujours pas avoir appris que sous-entendre à Bob qu’il était rabat-joie n’était pas la manière la plus propice d’arriver à ses fins. Le réalisateur ne s’était d’ailleurs pas laissé intimider par si peu, et avait campé sur sa position habituelle « J’ai une montagne de boulot à finir. Et puis tu n’as pas besoin de moi pour te chaperonner, si ? »  Probablement pas, non, mais Vitto n’espérait pas tant un chaperon que la perspective d’une soirée entre potes. Mais constant que ni son air boudeur ni ses négociations ne feraient flancher Bob, il avait soupiré en s’avouant vaincu. Ou presque. « Ça va, ça va … Mais tu ne pourras pas dire que je ne t’avais pas prévenu, quand je reviendrais au petit matin avec du soda qui coule dans les veines et une fille en bikini à chaque bras. »  Rien que ça, oui.

Résigné à se rendre à Bayside seul – mais pas non plus la mort dans l’âme, il ne partait tout de même pas à l’abattoir – l’italien s’était payé le luxe d’un taxi, principalement pour ne pas avoir à abandonner son vélo toute la soirée dans la marina sans aucune garantie de le retrouver à son retour. Une quinzaine de jours plus tôt il avait trouvé dans leur boîte aux lettres un prospectus vantant l’ouverture prochaine du premier fast-food sur l’eau, une initiative à ne surtout pas mettre entre les mains de ceux qui n’avaient pas le pied marin, et pour la déconne il avait tapé l’adresse internet menant au tirage au sort et s’y était inscrit … Parce qu’après tout, qu’avait-il à perdre ? Rien, exactement. Si ce n‘était une double – voir triple – séance de cardio dans les jours prochains pour éliminer tout ce qu’il risquait d'engloutir ce soir, mais puisque la salle de sport représentait déjà un élément majeur de son temps libre il n’était plus à cela prêt.

Avec ses tongs et ses lunettes de soleil, Vittorio avait appris à pousser ses airs de touriste à leur paroxysme, et si après tout les concurrents directs d’Hungry Jack annonçaient fièrement « Venez comme vous êtes. » l’italien espérait que la marque à la couronne en fasse de même. Son carton d'invitation – un peu froissé d’avoir servi de dessous de verre pendant quatre jours sur la table basse du salon – à la main il avait pourtant été autorisé à monter, son esprit déjà accaparé par l’odeur de nourriture qui prenait aux narines, mais également par la faune féminine locale. Rappelé à l’ordre par HENRY, puisque c’est ainsi que le Capitaine du bateau s’était présenté en leur demandant quelques secondes d’attention, il n’avait malgré tout pas pu s’empêcher de questionner à voix basse la personne à côté de lui « À votre avis, c’est un vrai matelot, ou simplement un cuistot à qui on a filé une casquette de Capitaine pour la soirée ? Je ne suis pas certain qu’on conduise un bateau comme un fait griller un steak. »  en adressant à son interlocuteur(trice) un sourire gentiment moqueur.

J’ai trois jours off et rien de spécial prévu, ce qui signifie qu’une chose. Repos. Il fait tellement bon que je décide de sortir en bord de mer ce soir pour profiter du paysage et du soleil. Ca fait longtemps que je suis pas sorti comme ça, à marcher tout seul sans avoir rien de prévu. Ca fait du bien parfois se laisser aller au gré du vent. J’arrive près du port et un jeune arrive vers moi avec un petit carton dans la main.

« Bonjour j’ai une invitation en plus pour la soirée Hungry Jack, ça t’intéresses ? »

Je regarde son carton et lis les instructions. Repas Hungry Jack et boissons gratuite, en présence d’un invité de marque, c’est vrai que c’est tentant. Je regarde le bateau qui est juste à côté et ça a pas l’air d’être une blague le truc. Super classe. Et je dis jamais non à de la bouffe gratuite, surtout que je commence à avoir faim maintenant que j’y pense et je comptais manger dans un petit resto non loin du port. J’ai toujours eu un faible pour le fast food, c’est parfait.

« Pourquoi pas ouais. Ca commence maintenant ? »

« Oui oui c’est à partir de maintenant, le bateau va pas tarder à partir. »

« Je suis arrivé au bon moment on dirait. »

L’inconnu me laisse le carton et monte déjà dans le bateau. Je regarde l’heure sur mon téléphone, pas de message, personne qui a besoin de moi ce soir, allé hop je suis déjà en route sur le bateau à mon tour. Je ne suis pas sapé, non j’ai un bermuda et un tshirt, baskets, ainsi que mes lunettes de soleil sur la tête. A peine j’arrive sur le bateau que j’entends une annonce nous disant de profiter de notre soirée. Je sors mon téléphone et je prends une photo avec une bannière Hungry Jack et la vue de la mer. Je la poste aussitôt sur facebook indiquant ma présence sur le port avec la mention « free food ». Je relève les yeux de mon mobile quand j’entends quelqu’un (@Vittorio Giovinazzo ) qui me parle du capitaine du bateau. Sa remarque me fait doucement rire.

« J’espère pour nous que c’est un vrai capitaine. Sinon je ne sais pas où on va terminer la soirée. Non ils ont l’air d’avoir fait les choses bien, c’est super classe. »

Je regarde encore un peu autour de moi.

« Et du coup c’est un fast food flottant ? Moi j’ai cru que c’était juste pour la soirée. Je débarque un peu, on m’a filé l’invitation y’a cinq minutes. J’ai pas eu le temps de lire les petites lignes. Vous en savez un peu plus ? »

Le capitaine, Henry, étonnant, lança les hostilités. Nous étions donc prévenu, ceux qui avaient le mal de mer pouvaient dès à présent quitter le navire, si non, ils seraient pris au piège ici jusqu'au retour à la terre ferme. D'ailleurs, j'ignorais jusqu'à quelle heure la soirée allait durer. Ce qui voulait dire qu'une fois le bateau partie, toutes les personnes se trouvant ici allaient être obligée d'attendre la fin. Autant dire qu'ils avaient intérêt à mettre le paquet pour maintenir l'ambiance à un haut niveau.

Je m'étais bien sûr bien renseignée sur l'organisation de la soirée. J'avais tenté de contacté la société et j'étais tombée sur le hotline dans un premier temps. J'ai fini par trouver un numéro de ligne direct des organisateurs de cette soirée.  Je n'avais pas eu droit à quelques avant première, notamment sur le nom de quelques invités d'honneur, soit disant, ni même sur les autres surprises de la soirée. Mais on m'avait bien briefé sur la sécurité au sein du bateau et sur les membres de l'équipage. Donc, forcément, quand j'entends à coté de moi des jeunes hommes qui se questionnent sur le capitaine et sa formation, la réponse me vient tout de suite en tête. J'avais presque envie de m’immiscer dans leur conversation mais je me retiens, je ne les connais pas. Seulement, quand le blondinet repose une seconde question, je ne peux pas me retenir de garder en moi les réponses qui me viennent toutes seules. En fait, c'est un vrai capitaine oui! je dis en revenant sur leur première interrogation. Ils ont pas interet à rigoler sur ce point. Je m'insère entre les deux jeunes hommes pour faire ma place. Au passage d'un serveur qui vient un plateau sur bout de ses doigts, je saisi une coupe de ce qui s'apparente à du champagne, mais je doute que ce soit vraiment ça. Ce soir, on a droit à un staff de sécurité qu'il n'y aura pas d'habitude quand le restaurant sera officiellement ouvert au public. Mais comme on va faire une balade en mer, ils ont mis le paquet. Infirmerie, capitaine,
personnel de service. je dis en montrant chaque sujet d'un signe de la tête. Si non, à partir de demain, le bateau larguera son ancre et sera immobile. Et pour le reste de la soirée, c'est surprise surprise apparemment.  

Tommy ne saurait pas vraiment expliquer comment il s’était retrouvé embarqué – littéralement – dans cette histoire, mais une chose était en tout cas à peu près certaine : il n’était pas là de son plein gré, ou pas totalement. À une époque pourtant, cette lointaine époque où il n’était encore qu’un petit con ignorant et qui n’avait jamais foutu un orteil en dehors de Brisbane, il aurait été parfaitement à son aise dans ce genre de soirées, aurait fait partie de ceux qui s’amusaient le plus, riaient le plus fort, s’empiffraient le plus et recherchaient déjà activement avec laquelle des demoiselles présentes ils seraient susceptibles de pouvoir terminer la soirée … À une époque, oui. Aujourd’hui il se complaisait plutôt dans le fait de tirer la gueule dans son coin, avec l’envie latente de demander s’il n’était pas possible de rajouter une lichette de Whisky dans ces litres de soda coupé à l’eau et à la glace qu’ils servaient à tour de bras depuis que l’accès au bateau avait été ouvert. Et l’envie d’une cigarette, il pourrait tuer pour une cigarette à cet instant … Mais cela aussi, il devait faire une croix dessus, tout au plus pourrait-il espérer grappiller deux ou trois frites froides à la fin de la soirée, et une casquette Hungry Jack qu’il offrirait à Moïra pour se faire pardonner d’être encore une fois absent sur l’un de ses soirs de congés. Casquette qu’elle laisserait traîner dans un coin après avoir fait mine de s’en satisfaire, toujours partagée entre le fait de savoir que son père faisait cela pour eux, chercher l’argent là où il pouvait, et sa frustration d’enfant qui en plus d’avoir perdu sa mère voyait à peine son fantôme de père.

« La pause est finie, les frites ne vont pas se cuire toutes seules ! » Levant les yeux au ciel de façon à peine voilée – ce n’était pas comme s’il comptait conserver ce job après ce soir, de toute façon – Tommy avait attaché à la va-vite ses cheveux avec l’élastique autour de son poignet, et remis sur sa tête la casquette rouge de son uniforme d’Hungry Jack employee. « Un dindonneau prêt à passer à la casserole aurait l’air moins saucissonné que toi dans cet uniforme. » lui avait alors fait remarquer son acolyte d’un ton railleur « Ils avaient plus ma taille putain, tu crois que t’es mieux avec le tien ? Tu nages tellement dedans qu’on dirait un bédouin sous sa tente. » Un partout, balle au centre. « Bah, au pire on échange ? » Le toisant d’un drôle d'air, Tommy ne pouvait malgré tout pas nier que l’idée était pertinente « Amène-toi alors. » S’éclipsant dans un coin, les deux hommes avaient entrepris de retirer leurs vêtements à la va-vite et regardaient sans cesse par-dessus leur épaule de peur d’être à nouveau houspillés par le responsable. Une fois que le bateau serait en mer il ne serait plus temps de les virer, mais en attendant … « Ça n’est pas DU TOUT ce dont ça a l'air. » En lieu et place du responsable, l’un des invités qui s’était éloigné du groupe se retrouvait maintenant nez à nez avec eux. Et bien sûr, deux hommes à l’écart, les fringues à leurs pieds et vêtus de simple boxers sans raison apparente, ce n’était pas du tout ce dont cela avait l’air.

C'était encore une journée médiocre. Je ne faisais que passer mon temps au travail. Depuis la mort d’Hal, l’entreprise connaissait des hauts et des bas. L’instabilité due à l’absence d’un réel dirigeant se faisait de plus en plus ressentir et qui était le premier dans la ligne de mire ? Le directeur financier, moi. On me demandait de faire des efforts, mais c’est plutôt compliqué d’être motivé quand on passe ses journées à voir des chiffres, je commençais même à en rêver la nuit. À la maison ce n’était pas vraiment mieux, l’appartement restait toujours vide, malgré les efforts que voulait faire Ginny, je n’avais toujours pas plus de nouvelles d’elle et Noah depuis notre petite discussion. Le seul point positif ? J’ai fait la rencontre d’une charmante femme qui n’a pas l’air de se laisser faire et l'on peut dire que je m’en suis pris plein la gueule, non pas pour me déplaire, ça avait au moins le mérite de rajouter un peu de piquant dans mes journées plus qu’ennuyeuses. C’est d’ailleurs aussi à ce moment que j’ai reçu une invitation pour l’ouverture d’un tout nouveau restaurant sur bateau. Je fus étonné, ce n’est pas le genre d’invitation dont j’avais l’habitude de recevoir. Participer à une soirée de ce genre, me mêlant à la classe populaire ? Ce n’était vraiment pas mon genre. Les brunchs, soirées mondaines, ça c’était intéressant, on pouvait surtout y faire la rencontre de jeunes femmes partageant les mêmes pensées que les miennes. Mais, j’ai tout de même accepté de m’y rendre. Comme je l’ai dit, mes journées étaient ennuyeuses et je ne pensais pas que ça pouvait être pire. C’est tout de même habillé d’un costard Armani que je me suis rendu à cette fameuse soirée.

Une fois sur le bateau, je me suis souvenu du pourquoi je ne participais pas à des soirées de ce genre. C’était d’un ennui, finalement, c’était peut-être pire que mes journées de travail. J’y suis resté pour une seule et unique raison, je me suis dit que je pourrais peut-être faire la rencontre d’une jeune femme que je pourrais manipuler à ma guise avec mon charme, histoire de mieux finir la soirée. La capitaine du navire prit la parole quelques minutes pour se présenter avant de repartir dans son coin, un petit groupe de personne qui ne se connaissait pas et qui parlait plutôt fort, s’était réuni, se posant des questions sur le programme de la soirée. Une jeune femme y était présente et je dois dire qu’elle attira facilement mon attention. Je me suis donc décidé à les rejoindre et à m’incruster dans ce petit groupe improvisé. « Vous avez l’air d’en savoir beaucoup sur cette soirée. » Dis-je à la jeune femme. « Excusez-moi de m’incruster, mais j’ai écouté votre conversation et je commençais à avoir un peu peur. Cette soirée m’a vraiment l’air ennuyante, j’espère que quelque chose de plus croustillant va arriver. » J’ai accompagné mes mots d’un large sourire charmeur, j’aurais peut-être pu finir ma soirée avec elle.

C’est sur facebook que j’ai vu cette pub pour la soirée Hungry Jack sur un bâteau. C’était noté alcool à volonté, je n’ai pas cherché plus loin. Ok des burgers gratuit c’est cool, mais j’ai pas envie de prendre trois kilos dans la soirée. Je préfère me préserver pour l’alcool. En plus sur un bateau c’est sympa comme principe. Je sais pas si ils vont faire fureur parce que une fois monté dessus tu peux pas en redescendre mais je trouve que c’est original. Je me suis inscrit sous plusieurs adresses emails afin d’être sûr de recevoir une invitation et ça n’a pas loupé ! J’ai même pris mon jour off le lendemain pour pouvoir décuver en paix. Bref ça laisse présager une très bonne soirée. Je m’habille bien pour l’occasion, pantalon blanc, chemise rose bien ouverte avec quelques beaux colliers fantaisie, chaussure en cuire. Je sors même les lunettes de soleil bien qu’il fasse déjà nuit, c’est pour me donner un genre. J’avoue que je détonne bien avec ma tenue, je ne vais pas passer inaperçu. J’espère que les gens là bas ne seront pas des pro de la xénophobie. Je n’ai pas envie d’être bloqué sur un bateau avec ce genre de personnes. Enfin je noierai mon chagrin dans l’alcool. Ouais je me dis que j’ai peut être abusé niveau tenue mais je me sens bien alors fuck tout le monde.

Une fois sur le bateau je me dis que j’aurai dû venir accompagné. C’est pas l’ambiance de folie. Je me dis que c’est sûrement que le début, on est encore au port après tout. Le capitaine fait une annonce et je me prends une coupe de je ne sais quoi qu’un serveur m’a apporté. Je m’approche du bord bateau pour avoir une belle vue quand on quittera le port. Je bois un peu de ma coupe et je grimace.

« C’est pas du champagne ça ! »

Je m’attendais à quoi de la part d’une chaîne de fast food ?

« J’espère qu’on aura quelque chose de meilleur quand la soirée commencera réellement. Enfin, de meilleur, n’importe quoi d’alcoolisé fera l’affaire. Je ne vais pas faire mon difficile. Moi j'ai vu alcool à volonté sur l'annonce, j'ai eu de hautes attentes. »

Je parle à la personne qui est non loin de moi, je lui fais d’ailleurs un petit sourire poli.

L’infirmerie était calme, quelques personnes arrivées un peu plus tôt semblaient déjà bien alcoolisées mais pas assez pour faire appelle au staff médicale et une ou deux personnes étaient venues pour des petites coupures bénigne et des maux de mer - alors pourtant que le bateau n’avait pas encore démarré. La première vraie urgence était un serveur qui s'était méchamment coupé avec un bout de verre - mais qui aurait encore le temps de se faire évacuer avant que le bateau ne parte. Un bandage qui avait permis de se rendre compte d’un manque pourtant crucial dans leur équipement. « Il n’y a pas de ciseaux ? » Tout le staff un peu interloqués face à cette découverte Yasmine avait pris l’initiative d’aller en demander un en cuisine. On repasserait pour la stérilité de l’objet mais au moins ils pourraient couper des bandes et autres pansements. Puis avec un peu de désinfectant ça ferait son affaire. Elle avait alors pris le chemin de la cuisine se perdant un peu avant de déboucher enfin - sans aucun doute pas par le chemin principal - sur cette dernière. Ouvrant un porte pour se retrouver face à deux hommes à moitiés nus, ses yeux s’arrondissant comme ceux d’un souris qui se rend compte qu’elle vient d’être piégée dans une souricière. « OH c’est pas vrai ! » Posant un main sur ses yeux choqués, elle avait fait volte face en répétant inlassablement. « Désolé, désolé, désolé… » Entendant à peine l’un des deux hommes tenter de s’expliquer avec un :  « Ça n’est pas DU TOUT ce dont ça a l'air. » Très franchement elle avait de la peine à imaginer ce que ça pouvait bien être d’autre. « Je n’ai pas besoin de savoir ce que c’est vraiment… Vraiment pas besoin. » Elle n’avait rien contre l’homosexualité, son propre frère étant lui même homosexuel, c’était bien plus la vision soudain de deux jeune homme à moitié nu qui l’avait un peu chamboulé. Certes des hommes nu selle en voyait tous les jours avec son travail mais une fois sortie les portes de l’hôpital c’était une toute autres histoire et son côté réservé et pudique reprenait très vite le dessus. « Je veux juste… Je voulais juste un ciseau je peux… Passer ? » Franchement elle s’en passerait mais vu comme elle avait peiné à trouver cette entrée vers les cuisine elle n’imaginait pas retourner dans la labyrinthe des couloirs pour trouver un autre accès - promis après ils pourraient tous deux faire leurs petites cochonneries sans qu’elle ne les arrête plus. Attendant toujours le dos tourné que les deux hommes s’habillent, elle avait senti le bateau bouger sous ses pieds… C’était parti pour plusieurs heures en mer - plus de retour en arrière maintenant. Et elle n’avait pas imaginé que sa croisière commencerait avec deux hommes à moitié nus et elle dans un même pièces.

Couleurs :

Ça n’était pas quelque chose qui avait un jour arrêté Vittorio, le fait de ne pas connaître quelqu’un pour se donner malgré tout le droit d’entamer la conversation. Au contraire, il avait même fini par se faire un devoir de procéder ainsi pour se montrer sous un jour avenant, que les personnes les plus impressionnables ne soupçonnaient pas forcément toujours en se basant sur les tatouages qui recouvraient entièrement ses deux bras et lui donnaient un air « peu recommandable » … L’ironie étant qu’il l’était peut-être un peu, peu recommandable, mais soit il se voilait la face soit il tentait d’inverser la situation, suivant les périodes. Reste qu’ayant l’amabilité de ne pas laisser son trait d’humour prendre l’eau, son voisin de gauche (@Kane Williamson) avait ensuite fait valoir qu’il débarquait tout juste et ne savait visiblement pas bien où il avait mis les pieds. Est-ce que Vitto en savait un peu plus ? « Manger, bateau, nanas … j’vois pas ce qu’il y a à comprendre de plus. » avait-il répondu en haussant les épaules, forçant un peu son accent déjà à couper au couteau. S’invitant dans la conversation, une femme (@Eva Adams) avait finalement adopté un ton professoral pour leur expliquer les tenants et les aboutissants de la sécurité sur le navire « Vous travaillez pour Hungry Jack ? Vous ne sentez pas la frite froide, pourtant. » Adoptant l’air du bonhomme fier de sa connerie, l’italien s’était fait couper le sifflet par l’irruption d'un quatrième larron (@Edward Fitzgerald) visiblement toute ouïe dehors face aux connaissances de Miss Sécurité Sanitaire. Il attendait quelque chose de plus croustillant de cette soirée, paraît-il, et arborant un sourire narquois Vittorio avait cru bon de lire entre les lignes à voix haute « Je crois que par croustillant il sous-entend faire des choses cochonnes dans la cabine du Capitaine … » tout en scrutant des pieds à la tête le costume visiblement luxueux du bonhomme. Vittorio et lui l’un à côté de l’autre, c’était définitivement l’illustration parfaite du Venez comme vous êtes. « Messieurs dames ! » s’était alors à nouveau exclamé le Capitaine « Cette fois-ci nous levons l'ancre. » et quelques secondes plus tard les moteurs du bateau s’étaient mis à vrombir et le sol à trembler de façon légère.

@Vittorio Giovinazzo me dit trois mots qui sont apparemment toute l’explication de la soirée. De la bouffe, un bateau et des filles. Je vais pour lui répondre quand une jeune femme (@Eva Adams ) nous confirme qu’il s’agit bien d’un capitaine et que c’est genre du sérieux. Elle a l’air d’en savoir plein des choses, elle parle de la sécurité, elle nous indique les gens qui bossent sur le bateau et je regarde au fur et à mesure. Elle explique que le bateau sera ensuite immobile pour vendre sa bouffe. Ce qui est déjà plus compréhensible, comment vendre des burgers en pleine mer ? Pour les surfeurs ? Je crois pas non. Je vais pour faire une remarque comme quoi la jeune femme est bien renseigné mais un type fait irruption dans notre conversation et lui dit la même chose.

« J’allais le dire ! »

@Edward Fitzgerald s’excuse de s’incruster et je fais « non » de la tête, pas dérangé pour un sou, au contraire. Plus on est de fou plus on rit. Il s’attend à quelque chose de plus croustillant. Moi ça me suffit d’avoir un repas gratuit sur un superbe bateau. J’hausse très haut les sourcils quand l’un parle de faire des choses pas catholique dans la cabine du capitaine. D’ailleurs ce dernier reprend la parole et annonce qu’on a levé l’ancre.

« Combien de temps ça va durer cette soirée vous pensez ? »

Je demande vu que la jeune fille a l’air d’être bien au courant. Je chope une coupe d’un serveur, plus pour m’occuper les mains qu’autre chose, je n’ai pas vraiment soif, mais ça fait bien pour une soirée de ce genre.

« Au fait moi c’est Kane. »

J’aime bien savoir le prénom des personnes à qui je parle.

« C’est pas dit que je me souvienne de vos prénoms à tous mais je peux essayer. »

Je ris légèrement.

« Comment vous avez entendu parlé de cette soirée vous ? Moi on m’a filé une invitation alors que je me baladais sur le port. »

D’un point de vue totalement extérieur Tommy avait bien conscience que la situation dans laquelle la jeune femme (@Yasmine Khadji) venait de les découvrir son collègue d’un soir pouvait porter à confusion, et même donner envie de tirer tout un tas de conclusions hâtives … Et le fait qu’il se sente en plus de cela obligé de le souligner ne faisait en fin de compte qu’enfoncer un peu plus le clou sur la situation. Bafouillant d’ailleurs avec autant de gêne que si elle voyait un sous-vêtement masculin pour la première fois de sa vie – mais qui sait, après tout – et devait en plus gérer avec non pas un mais deux exemplaires du méfait, la brune s’était confondue en excuses, t andis que Tommy lui tenait en équilibre sur une jambe pour tenter d’enfiler au plus vite le pantalon tendu par son collègue. « On échangeait juste de fringues … Vous voyez ? Je prends son pantalon, et il prend mon … voilà. » Comme pour illustrer ses propres l’autre homme avait en effet récupéré le pantalon trop petit pour Tommy et avait entrepris de l’enfiler à son tour. Ne semblant pas l’écouter ou qu’à moitié, la brune avait vaguement marmonné à propos d’une paire de ciseaux qu’elle était censée récupérer dieu sait où, et tapant la paume de ses mains contre les poches de son pantalon comme s’il espérait réellement qu’une paire de ciseaux s’y soit glissée d’un seul coup, il avait secoué la tête « Des ciseaux, hm, j’ai pas ça sur moi. Toi ? » L’autre non plus, évidemment. « Mais en cuisine je pense qu’ils doivent bien avoir ça, hm ? Vous savez où c’est … ? » Il était tout à fait disposé à l’y accompagner, mais puisqu’elle n’osait déjà pas à le regarder dans les yeux il doutait fortement qu’elle accepte une telle proposition, aussi innocente soit-elle. « Mais, heu … Pas un mot à propos de ça, hu ? Enfin on faisait rien de mal mais … Bon, on n’a pas envie que le boss nous jette par-dessus bord avant la fin de la soirée, v’voyez ? » Et puisqu’ils en étaient à mentionner ce bateau, le sol s’était d’un seul coup mis à trembler sous leur pieds, indiquant qu’ils quittaient enfin la marina. « On va se faire allumer, grouille ! » Moins patient que lui, et terminant d’attacher les boutons de sa chemise, l’autre homme avait vissé sa casquette sur sa tête et pris les devants sans attendre Tommy « Ah, les cuisines donc, vous descendez l’escalier là, et c’est la deuxième porte à droite, d’accord ? » Lui non plus n’avait pas envie de se faire allumer, et pas plus envie de tenir la jambe à elle qui semblait vouloir disparaître dans le sol. Sans plus attendre il avait donc rejoint le pont principal à son tour, sa casquette de travers et une mèche de cheveux lui gênant la vue.

En réalité, je viens de comprendre que j'avais fais l'intervention la plus chiante et la plus snobinarde que je pouvais faire. Moi qui voulait me mettre au même niveau que mes pairs ce soir, c'était mal partis. Comment pouvais-je m'incruster dans une discussion, qui plus est entre mec, en ramenant ma science. J'étais renseignée c'est un fait, mais eux se contentait de faire des blagues et j'avais rétorquée sur un ton si sérieux. C'est d'ailleurs cet Nième jeune homme qui lui aussi s'incrustait dans la conversation qui me le fit remarquer. Je travailles pas pour Jack non... D'ailleurs, j'étais ici aussi inconnu que ne l'était le plus célèbre des rappeurs australien ne l'était pour moi. Je serai bien sur incapable de donner son nom ni même de le reconnaître dans la rue ou à la télé. Je retombais dans un anonymat total, personne ne m'avait interpellé pour me parler de politique ou de l'actualité ou encore des dernières acquisitions et folies de mon père.
J'avais préféré taire mon réel métier et les raisons qui m'avaient poussé à venir ici. Et si pour une fois, je ne pouvais pas être madame tout le monde? Après tout, je n'avais encore croisé personne qui pourrait me trahir et j'imagine que ca n'allait pas se présenter d'ici la fin de la soirée.
La petite remarque sur les ébats cochons dans la cabine du capitaine étira un sourire sur mon visage. Et si finalement, j'allais m'amuser ce soir? Pour une fois que j'étais face à des personnes qui n'étaient pas étriquée et pas trop coincées. A croire que ça pourrait me plaire. Toute fois, je ne vois rien à y ajouter vraiment. N'étant pas non plus reine de la répartie en ce qui concerne ce sujet. Ca y est, on est partie... dis-je après l'annonce du capitaine Jack au micro. Une légère secousse et le bateau semble s'éloigner du port. Aucune idée en ce qui concerne la fin de cette soirée. Nous verrons bien qui sera encore là au petit matin! Je me décide enfin à gouter le fameux verre que j'avais pris plus tôt sur le plateau. Et sans surprise, il ne s'agit pas de champagne mais surement un vulgaire vin pétillant. Moi c'est Eva. Et ne goutez pas ça, immonde. Autant prendre un alcool pur. Vodka ou Rhum. Qui me suit? lançais je à ces trois hommes comme si je les défiais. L'un voulait que ca bouge? Alors bougeons!  Si non, je me suis inscrite sur facebook et j'ai été tirée au sort. Oui, c'est un mensonge, mais c'était le début de ma nouvelle identité, pour ce soir.