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- premiers jours de l'épidémie

Nous prenons la route, en silence sans que je ne sache réellement pourquoi lui s’y astreint. Moi de mon côté je ne sais que dire, je ne sais comment réagir face à tout ça, face à ce brusque retour à la réalité que nous vivons bien malgré nous. Je ne regrette pas et je ne pense pas qu’il regrette non plus, nous n’aurions pas replongé ce matin dans le cas contraire, mais nous sommes tous les deux conscients que la situation demande à présent plus de gravité. « Ok. Allons par là. » Alors qu’il s’engage sur la petite route de campagne je jette des regards autour de moi, m’attendant à voir surgir des survivants ou des créatures. Leur présence serait presque rassurante tandis que leur absence est oppressante. Elle m’inquiète parce que je ne sais ce qu’elle cache. « Je dirais même beaucoup trop. Je ne sais pas quoi en penser. Où ils sont ces monstres ? Et les survivants ? » Sont-ils rentrés chez eux ? C’est là-dessus que je parie, que chacun s’est enfermé à double tour et a barricadé toutes les issues de sa maison pour ne pas voir ces créatures débarquer. Et les monstres ? Se sont-ils attroupés autour des zones d’habitation ? Au contraire errent-ils plus loin, là où nous nous dirigeons ? « Je vais allumer la radio, on ne sait jamais. » Je hoche la tête, mais les nouvelles que crachent les haut-parleurs de la voiture ne sont que des rediffusions de ce que nous avons déjà écouté ce matin. Je suis la première à te tendre la main vers la radio pour l’éteindre, elle nous apprendra rien. « C’est presque angoissant en fait. J’en viendrais presque à regretter… Qu’il n’y ait pas un tout petit peu plus d’agitation. » Je n’irais peut-être pas jusque là. « Qu’est-ce qu’on fait ? On s’arrête ? On continue ? On n’a pas grand-chose en médicaments… je sais pas où tu nous emmènes, mais… » Je réfléchis un instant. Il n’a pas tort, mais nous sommes encore trop proches de Brisbane pour nous arrêter dans tous les villages que nous croiserons. « Je sais pas, j’ai tendance à penser qu’on a pas assez roulé. » Et surtout que nous sommes plus en sécurité dans la voiture. « Tu crois pas qu’on ferait mieux de rouler plusieurs heures avant d’envisager le premier stop ? On est mieux équipés que la moyenne, on devrait en profiter. » Nous avons été rapides à nous organiser, et je suis certaine que ce sera un avantage. J’attrape mon téléphone et le brun le remarque rapidement. « Toujours pas de messages ? » Je pousse un soupir avant de le reposer. « Non, rien. » Je ne veux pas me rendre à l’évidence. J’ai contacté tous ceux que j’ai pu, et je n’ai aucun retour. Tant pis, il est trop tard pour faire demi tour de toute façon. « Non. Mais qu’est ce que ça changerait ? On doit partir. » Il n’a pas rebranché le sien, de téléphone, ou il l’a fait sans que je m’en aperçoive. « Et toi ? Y’a personne dont tu veuilles prendre des nouvelles ? »

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C’est oppressant, ce silence. Pas tant celui qui régnait entre nous. Discuter n’est pas une nécessité en soi, pas quand il faut se montrer vigilant à tout ce qui nous entoure. C’est le mutisme ambiant qui me dérange. Nous n’entendons que les oiseaux et, jusqu’à ce qu’elle l’éteigne, les informations crachées par une voix mécanique sur les ondes. Dois-je préciser que ce calme me crispe ? Conduire n’est pas suffisant pour m’empêcher de ressasser, car je le fais. C’est la troisième fois que je revis ce que nous avons vécu entre tragédie. Nos ébats ? Aussi intenses furent-ils, ils ne parviennent pas à éloigner mes idées noires. Je me dis que nous dégourdir les jambes ne nous fera pas de mal. Fumer une cigarette aussi, mais combien nous en reste-t-il ? « Alors, roulons. » Parce qu’au fond, je sais qu’elle a raison. je sais aussi que je devrais profiter de ce que nous ne soyons pas assaillis par des monstres ou des dissidents. Sauf que la tempête est souvent précédée par la tranquillité. « Si, si tu as raison… mais il ne faut pas prendre de risques par rapport à l’essence. A la moitié du plein, je m’arrête dès qu’on croise une pompe. » ai-je affirmé sans préavis. « Je n’ai pas envie qu’on tombe en panne et de devoir avancer à pieds avec nos jerricanes sous le bras. » Seul a priori. L’un de nous deux serait forcé de jouer les sentinelles. Or, rester ou marcher sera aussi dangereux. Tout comme nous séparer d’ailleurs. En plus d’être imprudent – tant que nous ne savons pas comment les choses évolueront – c’est risqué de subir une perte catastrophique pour le moral, une perte à l’image de ceux que nous laissons derrière nous, ceux qu’elle n’arrive pas à joindre, ceux que je n’ai même pas essayé de contacter. « Rien, en effet, à part que ce serait rassurant de savoir où ils seraient et comment ça se passent pour eux. » ai-je remarqué parce que ça me rassurerait, moi, d’avoir des nouvelles du cœur de Brisbane. « Si. Je crois que oui. » Mes frères, mon ex-femme, Kelly, Olivia ou Lola. « Mais, je ne le ferai pas. » J’ai soupiré, me demandant si préciser le fond de ma pensée était utile ou si je l’ai fait, par la suite, parce que le prononcer à voix haute, m’a aidé à accepter mon choix. « Appeler, c’est prendre le risque qu’ils ne répondent pas et j’ai eu mon compte pour…. » Deux semaines ? Une vie entière ? « Pour un sacré bout de temps. Il nous reste quoi en clopes ?» C’est plus évasif : le résumé est parfait.

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« Alors, roulons. » Je hoche la tête et ne réponds rien. Roulons, c’est un bon résumé de ce qui nous attends pour les heures à venir et de ce qu’il convient de faire. Rouler sans savoir où nous allons, vers quoi nous nous dirigeons. C’est terrifiant, mais moins que de rester enfermés, surtout pour moi en tout cas qui n’aime pas laisser le danger venir à moi en l’attendant les bras grands ouverts. « Si, si tu as raison… mais il ne faut pas prendre de risques par rapport à l’essence. A la moitié du plein, je m’arrête dès qu’on croise une pompe. » Un pompe. Quand seront-elles à sec ? « Je n’ai pas envie qu’on tombe en panne et de devoir avancer à pieds avec nos jerricanes sous le bras. » D’ici quelques jours tout au plus nous ne pourrons plus faire le plein aux stations essence. Et après ? « Avec l’un des deux gros poignards qu’on a volé il faudra sectionner une partie du tuyau. On en aura besoin quand il faudra vider les réservoir. » Ceux des voitures abandonnées par leurs occupants, pour siphonner le réservoir.

Je jette quelques coups d’oeil à mon téléphone mais finalement, j’ai presque envie de le jeter par la fenêtre, il ne m’apporte que des tracas en plus que je n’ai pas envie d’affronter. « Rien, en effet, à part que ce serait rassurant de savoir où ils seraient et comment ça se passent pour eux. » Sauf si cela se passe mal. Et vu les circonstances, je doute qu’Alec ou Mitchell soit en train de se dorer la pilule sur une plage de Gold Coast. « Je vais le garder chargé pour avoir des informations sur l’épidémie. Pour le reste... » Je suis presque sûre qu’il ne sert plus à rien d’espérer. « Si. Je crois que oui. Mais, je ne le ferai pas. » Je l’observe quelques secondes, contente malgré tout que le dialogue soit renoué entre nous, que ce silence pesant ait pris fin. « Appeler, c’est prendre le risque qu’ils ne répondent pas et j’ai eu mon compte pour…. » Je grimage et réalise que j’ai peut être été indélicate. Oui, ses parents les plus proches, il n’en attend plus de nouvelles… « Pour un sacré bout de temps. Il nous reste quoi en clopes ? » Je ne m'appesantis pas sur le sujet et accueille avec soulagement son changement de sujet. « J’avais un paquet sur moi, on l’a presque pas touché, et il reste la moitié du tiens. Tu en veux une ? » Il nous faudra bien nous sevrer, de toute façon.

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Siphonner l’essence qui viendrait à nous manquer : l’idée me plaît. Je me suis béni d’avoir pensé à nous munir de jerricanes au supermarché que nous avons en partie dévalisé. « Tu sais faire ? » l’ai-je interrogé, curieux. Je ne sais rien du passé de Raelyn. Hormis les quelques rumeurs auxquels je n’ai pas prêté la moindre attention, ce que j’ai appris de sa bouche tiendrait sur un post-it et, avant cette escapade dans la maison de mon enfance, la réciproque était vraie. Mais, qu’est-ce que nos mystères d’hier à présent ? Lassé par ce silence, je me dis qu’il vaut mieux se faire la conversation. Quand bien même une créature surgirait-elle que nous avancerions plus vite grâce à la voiture, quoique je veille à respecter une vitesse convenable afin de consommer le moins possible. « Si on a encore des infos, fraîches, je veux dire. » Les mêmes tournaient en boucle. « Je pense que les chaînes de télévision et de presse ont été désertées. » Plus assez de survivants que pour alimenter les réseaux journalistiques. Et, qui risquerait sa peau pour quelques auditeurs et spectateurs finalement quand moi, je ne propose pas de faire demi-tour pour m’enquérir de la santé de la mère de ma défunte fille ? Elle serait la première sur la liste de mes appels si je m’autorisais à la contacter. Or, je ne le ferai pas. Ma décision est prise et je suis persuadé, au vu de la grimace de Raelyn, qu’elle comprend aisément ma position, tout comme elle saisit à pleines mains mon brusque changement de conversation. « Alors donne-moi en une, s’il te plaît. » ai-je réclamé après qu’elle ait fait le compte des cigarettes qu’il nous restait. « ça aussi, je ne suis pas sûr de pouvoir m’en passer. » Je sens déjà les muscles de mon corps devenir douloureux à cause du manque d’alcool. Je ne saurais me priver de nicotine sans être irascible. J’ai le sentiment qu’elle m’aidera à tenir le coup si, d’aventures, les tremblements qui ne tarderont pas à survenir m'empêcheront de conduire sans picoler un peu. « Et, si tu peux attraper sur le siège arrière la bouteille de vin qu’on a entamée hier, tu me ferais plaisir. » S’exécuterait-elle que selon sa position je ne pourrai retenir une tape sur sa fesse un sourire amusé. Pour le moment, tout se passe pour le mieux. A quoi bon verser dans le mutisme troublant, dans cette presque indifférence trop froide.

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Récupérer de l’essence pour le réservoir plein, dans les faits cela ne doit pas être si sorcier que ça. « Tu sais faire ? » Non, je ne l’ai jamais fait. « Non, mais théoriquement, ça doit pas être si compliqué. Le seule risque c’est de se retrouver avec un peu d’essence dans la bouche. » Et ce risque là, il est faible aujourd’hui en comparaison aux dangers auxquels nous nous exposerions si nous n’avions plus de véhicules. Sans ça nous n’irions pas bien loin.

Récupérer des nouvelles fraîches nous aiderait à savoir comment nous préparer à ce qui nous attend dehors. Mais comme ce matin devant la télé j’ai eu l’impression de ne voir que des images en boucle probablement tournées plusieurs heures auparavant. Comment expliquer ce nombre aberrant de survivants qu’ils donnent alors que nous avons jusqu’ici croisé personne ? « Si on a encore des infos, fraîches, je veux dire. Je pense que les chaînes de télévision et de presse ont été désertées. » Je hoche doucement la tête. « Je pense que t’as raison. Ce que je vais faire c’est que je l’allumerai une fois par jour pour vérifier. » Je décide de ne plus me torturer et d’éteindre mon téléphone, joignant le geste à la parole.

Il y a beaucoup de choses dont nous allons vite manquer, et comme Amos je sais que j’aurai du mal à me passer de cigarettes. Je devine que nous n’aurons pas le choix et que nous devrons a minima nous rationner du mieux que nous pouvons. Je me voile toujours la face quant à mon addiction à d’autres substances, mais elles finiront par me rattraper elles aussi. « Alors donne-moi en une, s’il te plaît. » J’attrape mon paquet que j’ai glissé dans la poche de la veste en cuir, avant d’allumer une première cigarette et de la lui tendre, et de m’en allumer une pour moi en ouvrant ma fenêtre. « ça aussi, je ne suis pas sûr de pouvoir m’en passer. Et, si tu peux attraper sur le siège arrière la bouteille de vin qu’on a entamée hier, tu me ferais plaisir. » Je lève un sourcil, amusée, et je réalise que moi aussi j’aurais bien besoin d’une dose de courage liquide. Alors je me détache et me retourne sur mon siège pour attraper ça.

Que sa main claque ma fesse, je ne m’y attendais pas. Je me laisse tomber sur mon siège et le dévisage avec de grands yeux ronds l’espace d’un instant, avant d’éclater de rire. « On prend ses aises ? » Je débouche la bouteille et la lui tend. « Fais gaffe, je pourrais m’indigner. » Plus sûre que l’ère #metoo soit encore d’actualité. « Dis moi... » Je porte ma cigarette à mes lèvres en surveillant attentivement les alentours, avant de me reconcentrer sur lui. « Pourquoi ça t’as pris tant de temps ? » Il sait de quoi je parle. Pourquoi m’avoir tant résisté ? « C’est ma question, évidemment. » Celle à laquelle il n’est pas obligé de répondre, même si je préfèrerais qu’il le fasse.

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De l’essence, dans la bouche, pas de quoi fouetter un chat. Nous devrions pouvoir nous en remettre quoique j’imagine que le goût doit être incommodant et rester longtemps dans l’arrière-gorge. Il devait, à peu de choses près, ressembler à celui qui y traîne depuis que j’ai le sentiment que le monde nous a abandonné. Le téléphone est inutile. Les informations sont condamnées à tourner sans fin, en rond, comme un chien qui se mordrait la queue. Que faire, si ce n’est, hocher de la tête lorsqu’elle propose de l’éteindre, de le ranger et de ne le rallumer qu’une seule fois par jour. La décision est sage, bien plus que cultiver mon addiction à la nicotine ou à l’alcool. Chaque chose en son temps cependant et, sur l’heure, même s’il faudra tôt ou tard nous rationner, je n’en ressens pas la moindre envie. Je lui en réclame donc une qu’elle me tend, au préalable allumé et je jette un regard reconnaissant dans sa direction. J’essaie de ne pas me laisser distraire, de rester concentré sur la route, mais dès lors qu’elle se penche pour récupérer la bouteille de vin que je lui ai demandée plus tôt, je ne peux m’empêcher de jeter une œillade dans le rétroviseur et de gifler sa fesse, sans lui faire mal pour. Loin de moi cette idée, c’était simplement tentant, terriblement et du même acabit qu’une plaisanterie, quoiqu’elle soit plus intrusive. Mon sourire s’est élargi face à son expression qui respire l’incrédulité. Je crois d'ailleurs avoir ri aux éclats et ça m’a décrispé. « Que veux-tu que je te dise ? » ai-je avancé en haussant une épaule, l’air coupable, en portant la bouteille à mes lèvres. « Je suis faible devant le corps des femmes. » J’aurais bien ajouté : comme tous les hommes, mais ça aurait manqué de crédibilité au regard de ces longs mois à l’observer, à refuser ou a à participer à son manège, pour ensuite me dérober. « Est-ce que je me suis indigné, moi, ce matin ? » Non ! Évidemment que non. « Mais, tu peux essayer. » J’ai tiré sur ma cigarette en lui rendant la bouteille. Nous nous détendons peu à peu, ce qui colorera le voyage : il sera moins long – si tant est qu’il ait une fin – et plus agréable, à condition qu’elle évite ce genre de discussions. Je ne sais pas quoi rétorquer. J’ai dit l’essentiel et la vérité ? Elle n’a plus d’importance. « Oh, si c’est ta question, je suppose que je n’ai pas d’autres choix que te répondre. » J’ai soupiré, cherché mes mots. « Parce que… parce que ça ne me ressemble pas. » De tromper ma femme avant d’avoir la certitude que mon mariage était bel et bien ruiné. « Tu va te contenter de cette réponse ou… ? »

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e qu’ils ressentent le besoin d’une cigarette, cela me semble tout naturel puisque moi aussi elle pourrait m’aider à calmer mes nerfs. Qu’il ressente le besoin d’un verre d’alcool je le comprends également et je compte bien boire quelques gorgées avec lui pour renouer avec des sensations plus familières que la peur et l’instinct de survie. Je suis par contre obligée d’admettre que lorsqu’il claque ma fesse je suis totalement surprise. Je ne m’offusque pas de ce geste, il est bien moins intime que tout ce que nous avons partagé cette nuit et ce matin, mais le prétendre m’amuse si bien que je me rassois en le détaillant avec de grands yeux ronds et un air profondément choqué. « Que veux-tu que je te dise ? Je suis faible devant le corps des femmes. » je me lève un sourcil pour lui signifier qu’il faudra un argumentaire un peu plus solide pour se défendre. Pendant des mois il m’a résisté, assez pour que n’importe quel autre femme moins sur d’elle se pose des questions sur son orientation sexuelle, alors je n’y crois pas une seule seconde. « Tu n’as pourtant pas eu l’air si faible ces cinq derniers mois… » Et finalement cette remarque introduit la suite de la conversation, puisqu’alors que je la prononce la question qu’il m’a promise prend forme dans mon esprit. « Est-ce que je me suis indigné, moi, ce matin ? » « Tu m’avais tout l’air consentant ce matin… » C’est moi qui l’ai embrassé, c’est moi qui ai approché mon corps du sien, mais c’est lui qui a glissé les mains sous mon T-shirt, lui également qui le premier a descendu ses lèvres dans ma nuque. « Oh, si c’est ta question, je suppose que je n’ai pas d’autres choix que te répondre. » une moue d’adolescente sur le visage, je lui renvoie un sourire désolé. Évidemment qu’il va devoir me répondre. Je ne suis pas du genre à me laisser distraire, aussi charmante soit la distraction. « Parce que… parce que ça ne me ressemble pas. » Je fronce les sourcils, et je suis bien obligé d’admettre que j’ai du mal à voir où il veut en venir. « Tu va te contenter de cette réponse ou… ? » Mon sourcil qui se lève immédiatement lui indique clairement que non. Ai-je l’air d’être du genre à me contenter d’une réponse évasive ? « À ton avis ? » Il connaît la réponse à cette question. « Ça n’avait pas l’air de te déranger ce matin… Tu n’avais pas l’air d’être quelqu’un d’autre… » Ça ne me ressemble pas, c’est bien ça qu’il a dit. « Qu’est ce qui ne te ressemble pas ? De te laisser aller ? De profiter des occasions qui se présentent ? »

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Bien sûr que m’imaginer plus fort mentalement que la moyenne devant une femme comme Raelyn et flatteur. Sauf que je n’ai pas résisté de gaieté de cœur. Résister, ça signifie que j’ai lutté contre une force qui m’a quelques fois dépassée. Au contraire, Je ne l’aurais pas dévorée des yeux plus souvent qu’à mon tour et cinq mois plus tard, apocalypse ou non, baiser ou pas, je serais resté sur cette même ligne de conduite. « Mais je l’ai été le soir où tout a commencé. » Autrement dit, ce matin est un phénomène à part. Il était la prolongation de cette nuit avortée. « Je l’étais. » ai-je dès lors affirmée en réponse à sa question délicate sur le consentement. Cette main, qui a claqué sur sa fesse, l’aurait-elle vraiment froissée ? Ce n’était jamais qu’une blague qui, somme toute, n’a plus rien de grave : c’est bien moins intime que la découverte du corps nu de l’autre. Suspicieux, j’ai grimacé et, à mon tour, j’ai levé un sourcil. « Très bien. Si j’ai froissé madame, je ne toucherai plus madame. » J’avance, mais parce qu’il m’est difficile de déterminer dans quelle mesure ce qui m’aura amusé l’aura réellement vexée. Alors, pour appuyer le propos, j’ai haussé les épaules à la faveur de la fatalité. La situation actuelle ne met pas en position de m’attirer une ennemie. Elle ne m’autorise pas non plus à conserver bien gardé des secrets que j’aurais jalousement préservés si l’ambiance n’embaumait pas ce parfum de fin du monde. Puisque ma pirouette n’a eu aucun effet, je m’attèle à m’engager sur le chemin de la sincérité. « Ce n’est pas parce que ça ne me ressemble pas que j’étais quelqu’un d’autre ou même que je n’en avais pas envie. » Il y a d’autres vérités qui sont générales : le besoin qu’ont les femmes de mettre des mots sur tout, ou presque, quand leur ego s’est senti attaqué. « Ni que ça m’a dérangé d’ailleurs. » L’épisode de la douche n’aurait jamais existé si je m’étais forcé la main pour de mauvaises raisons, comme oublier que la nuit précédente m’a émotionnellement heurtée. Je n’ai pas fait d’elle mon pansement. J’ai simplement lâché prise sur ce qui m’a chatouillé durant des mois. « Tu n’as pas l’habitude et ça t’agace de savoir que tu me plaisais et que je n’ai pas saisi l’opportunité de… » Elle me plaît toujours, sans doute un peu plus, mais ce n’est pas le sujet qui nous préoccupe. « Pourquoi ? » Je lui retourne une question, mais je n’oublie pas mes explications pour autant. « Et j’imagine que c’est tout ça à la fois.» ai-je poursuivi, conscient qu’une fois encore, elle ne se contentera pas de cette pantalonnade. « Techniquement, je suis toujours marié. Je suis séparé, mais marié et la frontière entre les deux n’a pas toujours été très claire pour moi. »

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« Mais je l’ai été le soir où tout a commencé. »
« Et c’était quand ça ? »
« Je l’étais. »
« Je sais que tu l’étais. »

Je n’imagine même pas l’idée d’avoir des relations avec un homme qui n’est qu’à moitié là, dans mes bras, alors en avoir avec un homme qui est là parce qu’il se croit obligé de l’être pour une raison ou une autre… L’idée me faire rire tant elle est à l’opposé de ce que nous avons partagé cette nuit, parce qu’il l’a sentie la passion, j’en suis persuadée. Moi je l’ai mise sur le compte de ces circonstances particulières, mais je ne cherche pas à la nier. « Très bien. Si j’ai froissé madame, je ne toucherai plus madame. » Je lève un sourcil, cherchant à déterminer s’il me penser réellement offusquée, s’il pense réellement que je puisse être choquée par ce genre de chose. Il l’aurait fait au Club devant les autres, évidemment que je l’aurais été, mais là, je suis plus amusée qu’il résiste plus à son attirance et à se laisser aller avec moi. Amusée et satisfaite. « T’en es pas capable. » Je me penche vers lui, sans pour autant m’y coller, et précise à voix basse, sur le ton de la confession. « J’ai pas envie que t’en sois capable. » Plus de malentendu possible.

Ce n’était pas lui ? Qu’est ce qui n’était pas lui ? Cette nuit ? Etant donné l’ardeur de nos ébats j’ai du mal à y croire. « Ce n’est pas parce que ça ne me ressemble pas que j’étais quelqu’un d’autre ou même que je n’en avais pas envie. Ni que ça m’a dérangé d’ailleurs. » Je penche la tête sur le côté et, d’un sérieux déconcertant, je réponds. « Je pense au contraire que ce matin t’as été plus toi même que pendant les cinqs derniers mois. » Je ne l’ai plus sentie cette fichue retenue. « Mais c’est que mon avis. » Je hausse les épaules finalement.

« Tu n’as pas l’habitude et ça t’agace de savoir que tu me plaisais et que je n’ai pas saisi l’opportunité de… » De quoi ? Il n’ose même pas le dire ?
« Je te plaisais ? » Je test, je joue, mais je ne pense pas être sortie de la tête du brun, pas si j’en crois son attitude quelques secondes auparavant.
« Pourquoi ? »
« Je croyais que c’était mon tour de questions ? »

Bon ok, on a peut-être parlé d’une question, mais il n’y a pas réellement répondu. Il l’évite encore. « Et j’imagine que c’est tout ça à la fois. » J’ai l’impression qu’il tourne autour du pot, alors je me tais, je sais que c’est le meilleur moyen pour qu’il finisse pas me dire ce qu’il a à dire. « Techniquement, je suis toujours marié. Je suis séparé, mais marié et la frontière entre les deux n’a pas toujours été très claire pour moi. » Je hausse un sourcil, sérieusement surprise cette fois ci. Pas outrée, pas choquée, surprise. Qu’il soit marié ne me heurte pas, qu’il ne soit pas auprès d’elle en ce moment beaucoup plus. Techniquement, c’est certainement le mot clé pour répondre à ma question. Je ne relève pas, c’est son histoire, pas la mienne, et il ne me doit rien. « Je n’aime pas vouloir quelque chose et ne pas l’obtenir. » Il a répondu, à mon tour d’apporter une réponse à son pourquoi ? Il l’a méritée en étant si honnête. « T’aurais préféré que je lâche l’affaire ? » Là par contre y’a qu’une seule bonne réponse.

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Quand ? La question est difficile. D’instinct, l’allusion concernait ce moment où j’ai dérapé, celui qui nous a poussé jusqu’à ma voiture pour emprunter la direction de son loft. Mais, à bien y réfléchir, je ne suis pas convaincu qu’elle n’a pas fait naître chez moi de l’envie bien avant ça. Au contraire, il n’y aurait jamais eu de baiser volé par frustration, pas de plaisanterie ou de réponse à ses rentre-dedans éhontés pour finalement me rétracter quand je fus tenté de perdre le contrôle. Pas de détachement presque surjoué le soir suivant non plus. « Je n’en sais rien. » ai-je admis, l’incertitude appuyée d’une grimace. Je l’ai troquée pour une promesse que j’ai bien l’intention de tenir, non pas qu’elle ne me plaise plus, mais parce que nous préserver de la mort réclamera toute notre vigilance. Je ne peux pas me laisser déconcentrer par l’appel de la chair, par celui de ce corps que je méconnais encore trop à mon goût et du sien également. Elle s’est penchée vers moi, m’a défié de parler pour ne rien dire, j’ai haussé un sourcil, désolé qu’elle n’ait pas réalisé que le défi est mon moteur, avant que mes lèvres se rehaussent d’un sourire malicieux. « Pourtant, je le suis. » Capable de la déshabiller des yeux sans que mes mains ne redessinent ses courbes parfaites. « Il me suffirait de me convaincre que, par les temps qui courent, je ne suis plus qu’un lot de consolation et l’affaire est pliée. » Et, c’était proche de la réalité. Mon ego s’en vexerait et j’en deviendrais froid. Ma morosité est l’une des facettes de ma personnalité. Elle s’est imposée à moi par la force des choses. La conséquence, c’est la retenue justement. A me sentir coupable du décès de ma fille et de la mort de mon couple, je vouais à Sarah une sorte de déférence qui n’a plus court, pas tant parce qu’elle est probablement morte, mais parce qu’elle m’a jeté par deux fois quand j’avais le plus besoin d’elle. « C’est vrai. Tu vois juste. » Psychologiquement défait de mon engagement, résister n’avait plus aucun sens. « Tu me plaît toujours. » ai-je précisé en roulant des yeux. « Et tu le sais très bien. » Au contraire, pas de claque sur les fesses. « Et ça l’est, tu as posé, c’est à mon tour. Non ? » Si elle refuse cette logique, c’est qu’elle n’a pas le sentiment que j’ai joué le jeu. J’ai laissé traîner un non-dit et je m’emploie à le lever. Techniquement, je suis toujours marié. Pragmatiquement, je suis tout ce qu’il y a de plus célibataire, même si à ce jour, ça n’a plus d’importance, même si dans les faits, il m’a fallait des années pour l’accepter. « Non ! Et ça aussi, tu le sais. J’ai détesté te voir partir avec Epstein. J’ai détesté me dire que tu l’avais peut-être fait justement. Et, j’ai détesté d’avoir été sournois au point de te coincer contre un mur et te laisser derrière moi tout de suite après justement parce que je n’avais pas envie que tu lâches l’affaire. » J’en dis trop, je retiens tout de même le plus éloquent : je suis contente que tu aies insisté. « Et maintenant ? Maintenant que tu as eu ce que tu voulais ? Qu’est-ce qui est supposé se passer ? » Ou l’aurait été… « Je serais devenu transparent ? » me suis-je enquis, curieux et persuadé de connaître la réponse à cette question.

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« Je n’en sais rien. » La réponse me semble honnête, il n’en sait rien, il ne sait pas quand il a définitivement abandonné ses réserves pour verser dans le désir. Je soupçonne l’envie de s’être insinuée de façon pernicieuse dans son esprit au point qu’il s’en soit rendu compte alors qu’il était trop tard. « Pourtant, je le suis. Il me suffirait de me convaincre que, par les temps qui courent, je ne suis plus qu’un lot de consolation et l’affaire est pliée. » il suffit donc de froisser son ego, il me donne les clés pour qu’il me laisse tranquille mais je ne suis pas certaine d’en avoir envie. Et en tout cas je n’ai pas l’intention de mentir. « j’ai jamais dit que t’étais un autre consolation. C’est pas le cas. » Je sens que l’on touche à un sujet sensible et je ne veux pas qu’il se méprenne, allez savoir pourquoi. « C’est vrai. Tu vois juste. » À ce sujet je n’avais que peu de doute, il est impossible de simuler ce qu’il s’est passé ce matin entre nous. « Tu me plaît toujours. Et tu le sais très bien. » « Oui, je sais. »Mais quoi ? Ai-je réellement besoin de flatter mon ego en l’entendant l’avouer ? Je ne m’explique pas ce besoin qu’il confirme, alors je me contente de simplement hausser les épaules. « Et ça l’est, tu as posé, c’est à mon tour. Non ? » Il sait parfaitement que ce qu’il m’a répondu ne me suffira pas, il s’agit à peine d’une vraie réponse. « Je sais que les règles t’imposaient pas de répondre, mais si tu veux une autre question alors moi je veux ma réponse. Une vraie réponse. »

Et finalement il me la donne, il décide de s’habiller d’un peu d’honnêteté et j’apprends qu’il est marié, sur le papier en tout cas d’après ses dires. Cela ne fait naître aucune émotion particulière chez moi si ce n’est le besoin de lui répondre franchement puisqu’il la fait. « Non ! Et ça aussi, tu le sais. J’ai détesté te voir partir avec Epstein. J’ai détesté me dire que tu l’avais peut-être fait justement. Et, j’ai détesté d’avoir été sournois au point de te coincer contre un mur et te laisser derrière moi tout de suite après justement parce que je n’avais pas envie que tu lâches l’affaire. » Je n’avais pas fait le rapprochement jusqu’à ce jour, mais je suis satisfaite d’apprendre que de me voir partir avec un autre réveiller ce genre de pulsion. « J’ai pas détesté moi. La première partie en tout cas. » Qu’il s’en aille par compte m’a effectivement laissé un goût amer sur le bout de la langue. « Et maintenant ? Maintenant que tu as eu ce que tu voulais ? Qu’est-ce qui est supposé se passer ? Je serais devenu transparent ? » C’est donc de ça qu’il a peur ? De perdre tout intérêt à mes yeux maintenant que j’ai eu ce que je voulais ? « Pourquoi, tu crois être devenu transparent ? » je vais répondre, mais je veux d’abord comprendre ce qui motive cette question. Je veux comprendre ce qu’il croit avoir vu en moi.

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Elle ne l’a jamais dit, c’est vrai. Peut-même qu’elle ne l’a pas pensé. Sauf que les circonstances biaisent le discours. Je vois peu d’homme à la ronde susceptible de lui plaire. Les derniers croisés n’étaient plus que des choses gémissantes à la chair putréfiée. Rien d’engageant. Rien qui fasse réellement envie. « Je n’ai pas dit que je l’étais dit, j’ai dit qu’il me suffirait de m’en convaincre, ce qui ne serait pas bien difficile. Regarde autour de toi. » J’ai englobé la route, les lacs et le décor qui défile sous les vitres de la voiture de ma main tenant ma cigarette. J’ai tiré une bouffée et elle m’a semblé meilleure que toutes les autres. Je ne pourrais bientôt plus fumer à la même fréquence qu’à l’accoutumée, mais je m’y habituerai, je n’aurai pas le choix. Tout comme ma parole m’empêche de me garder d’une réponse franche. Je tors les règles à ma guise, mais l’enjeu d’un pari est à respecter sous peine de perdre toute crédibilité. Je suis de mauvaise foi, mais pas mauvais joueur. « Si au contraire, les règles l’imposaient. Toi, tu as décidé que non, mais les miennes, oui… » Raison pour laquelle j’ai abordé la question de mon mariage, de ma séparation et de mon divorce qui n’avait pas été prononcé : je l’avais tout nettement refusé. « Tu m’étonnes que tu as kiffé partir avec lui. Et le reste aussi d’ailleurs. » Sauf l’épisode où elle est restée sur le carreau avec, en tête – j’en étais persuadé – une multitude de questions pour lesquelles elle cherche, à présent, des explications. Est-il trop tard ? Non ! C’est simplement différent, aussi bien au niveau des circonstances de la situation. C’est à cause d’elle que je hoche négativement de la tête. Comment pourrais-je lui devenir insignifiant ? Elle a besoin de moi pour survivre. L’inverse est en partie vrai, parce qu’elle a de l’idée et que ma santé mentale affronterait moins bien cette apocalypse sans une partenaire fiable et qui a du cran, mais sur l’heure, je suis mieux entraîné, physiquement plus fort et je conduis. Ça fait beaucoup d’atout dans une seule manche pour que Raelyn et sa volonté de vivre – survivre - ne prenne le risque de se passer de moi. « Non ! Mais, je te l’ai dit, regarde autour de toi… » Trouverait-elle plus fort et plus séduisant – si tant est que je le sois, ce dont je n’ai jamais eu aucune certitude et vérité éventuelle qui a tendance à m’échapper – qu’elle ne gênerait peut-être pas pour m’inviter à prendre la porte. Je suppose. Je ne suis sûr de rien. Je n’y crois pas vraiment d’ailleurs, mais serais-je bête de le chasser de ma tête sans y avoir réellement réfléchi. « Et ça ne répond pas à ma question non plus, d’ailleurs. » Et si rien ne l’y oblige, j’espère qu’elle saura faire preuve d’autant d’honnêteté que moi.

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Bien sûr, les circonstances particulières rendent les choses plus compliquées. Je n’ai pas d’autre choix que de m’accrocher à Amos, ne pas me lasser de lui et rester à ses côtés parce qu’on le veuille ou non : nous sommes une équipe à présent. Notre attraction ne doit pas interférer là dedans. « Je n’ai pas dit que je l’étais dit, j’ai dit qu’il me suffirait de m’en convaincre, ce qui ne serait pas bien difficile. Regarde autour de toi. » Il n’y a plus personne, et alors ? Ne lui ai-je pas couru après inlassablement quand j’avais pourtant l’embarras du choix ? Il l’a dit lui même, je n’ai pas abandonné, comment peut-il penser que ce matin, j’étais dans ses bras parce que d’autres n’étaient pas disponibles ? « J’ai passé cinq mois à user de mes charmes que tu succombes. J’ai du mal à voir comment ça peut faire de toi un lot de consolation. Moi en revanche... » Je ne suis pas vexée, je suis joueuse comme en atteste le sourire sur mes lèvres. « Moi en revanche tu ne me voulais pas avant ce matin. C’est peut-être moi après tout le lot de consolation. » Je provoque, parce que je sais que c’est faux. Je ne sais pas pourquoi il se retenait, mais je sais qu’il m’a désirée ardemment à de nombreuses reprise. « Tu m’étonnes que tu as kiffé partir avec lui. Et le reste aussi d’ailleurs. » Je secoue la tête en laissant échapper un rire. « Je parlais du baiser. Je parler de cette fois où tu m’as coincée contre le mur, pas de lui. » Je m'embarrasse de peu de choses, mais je ne suis pas aussi indélicate que ça tout de même. Jamais je n’aurais parlé en ces termes de mes ébats avec un autre face à lui.

Il pique ma curiosité par contre. Est-ce comme ça qu’il m’imagine ? En gamine qui se lasse aussi vite qu’elle décide de s’offrir ? « Non ! Mais, je te l’ai dit, regarde autour de toi… Et ça ne répond pas à ma question non plus, d’ailleurs. » Touché « Très bien, je vais répondre. » Un sourire mutin sur les lèvres, je fais mine de réfléchir, quand je sais déjà ce que je ressens. « Je me lasse c’est vrai. Mais je suis capable de m’attarder un peu quand quelqu’un m’intéresse. » Le mot est faible, il me plait, il m’attire, et c’était déjà le cas avant que la reconnaissance ne vienne biaiser notre relation. « Alors non. Tu n’est pas transparent. Je te vois parfaitement. » Je lui adresse un clin d’oeil. « Ça te va ? » Ça répond à ta question ?

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Et mes lèvres se fendirent d’un sourire. Elle n’était pas mon lot de consolation. Elle n’a pas non plus eu d’attrait que ce matin. « Et c’est parce que j’ai continué à te regarder droit dans les yeux qu’on a renversé cette… chose… » J’ai hésité sur le mot. Comment les qualifier ? Des malades ? Dans ces conditions, nous étions de fieffés assassins. J’optai donc pour “chose“ qui veut tout dire et rien à la fois. « Et qu’on s’est retrouvé coincé tous les deux. Je n’ai pas cédé ce matin. J’étais trop fatigué hier soir et trop occupé avant ça. » Tout comme elle d’ailleurs : nous avons pataugé et pataugeons toujours dans la même mélasse, une bien plus compliqué que cette attirance contre laquelle je me suis battu ardemment. Elle représente si peu aujourd’hui. Elles sont aussi futiles que ce Jack et ce que je tire en conclusion de ses aveux. Elle aura beau dire le contraire, j’ai du mal à imaginer que sa frustration de ne pas partir avec le bon gars ou celui qui éveille son côté capricieux - autrement dit, moi – l’ai empêché de passer une bonne soirée. Je ne suis pas naïf. « Il ne m’a pas déplu. » Bien au contraire. « C’est l’intention qui m’a dérangée. » Parce qu’elles n’avaient rien de grand. Elles étaient plus proches de la manipulation affectée que d’une réelle envie de lui tomber tout cru entre les lèvres. Ce fut néanmoins le début d’autre chose, d’un autre émoi qui, bien des semaines plus tard, m’aura conduit jusqu’à son loft, bien que nous n’y soyons jamais arrivés finalement. Sans doute avons-nous trop tardé, tout comme cette réponse. Avalant au goulot une autre gorgée de vin et tirant sur ma cigarette, je lui jette un coup d’œil intéressé tandis qu’elle s’apprête à lever le voile sur ses manies aux allures de lubies. De sa révélation, je ne sais que penser. Elle se lasse : je l’aurais parié. Elle est capable de s’intéresser à quelqu’un d’autres qu’elle-même et son plaisir ? Je peux l’entendre aussi. Sauf que je n’y crois que sous certaines conditions. J’aurais perdu tout le mien si je lui avais cédé le premier soir. Et, qui plus est, ce n’est plus ce qui risque d’arriver ou non aujourd’hui qui attise ma curiosité. « Ce que je veux savoir, c’est pas ce qui se passera maintenant. C’est ce qui se serait passé si le monde n’avait pas changé. Là de suite, c’est plutôt clair. Tu t’offusques pour une claque sur les fesses, comme une ingénue, comme si nous en étions là. » A persister à jouer les hommes froids et elle, se réinventer dans un rôle qui ne lui ressemble pas et qui ne lui pas non plus.

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« Et c’est parce que j’ai continué à te regarder droit dans les yeux qu’on a renversé cette… chose… » Touché. Il a raison, je ne peux pas dire que ce sont les circonstances qui ont changé quoi que ce soit. L’autre soir, au bar, dans la voiture il ne jouait plus. Il ne soufflait plus le chaud pour ensuite s’échapper, il ne se serait pas enfui et les choses se seraient terminées chez moi, c’est une certitude. Une qui me plait plus que le raisonnable ne le permet. « Et qu’on s’est retrouvé coincé tous les deux. Je n’ai pas cédé ce matin. J’étais trop fatigué hier soir et trop occupé avant ça. » L’idée ne lui est donc jamais sortie de la tête ? Ce matin, était-ce bien comme je le pressens la finalité, le résultat d’un jeu auquel nous jouions depuis des mois et donc la partie s’était intensifiée l’autre soir. « Qu’est ce qui a changé alors ? » J’ai conscience que ça fait deux questions, et qu’il pourrait tout aussi bien m’envoyer sur les roses, mais je prends le risque, je suis joueuse. « On a qu’à les appeler les Autres ? » J’ai senti qu’il avait hésité sur le terme pour désigner ces créatures. A mon sens c’est plutôt éloquent. Il y a nous, les vivants, et il y a les autres. « Il ne m’a pas déplu. » Le baiser ? Le contraire m’aurait vexée, je ne suis pas du genre à être piquée au vif pour des idioties, mais j’espère bien qu’il ne l’a pas laissé de marbre. Moi, il m’a laissée pantoise, le souffle coupé et le coeur qui battait la chamade. Parce que ce baiser n’avait rien de sage, et il n’était pas de ceux qui sont censés être donné aux yeux et à la vue de tous. Au contraire, c’était un baiser qui appelait à plus, et moi il m’avait laissée sur le carreau. « C’est l’intention qui m’a dérangée. » A-t-il cédé avant de se rétracter ? Ou bien me rendre la monnaie de ma pièce était son objectif dès le début ? « C’était volontaire ? Tu l’as prémédité de faire ça pour pouvoir me laisser là, contre le mur comme une idiote ? » C’est de la curiosité pure et simple : depuis que j’ai eu ce que je voulais et d’une façon magistrale, l’amertume s’est retirée comme une vague à marée basse. « Ce que je veux savoir, c’est pas ce qui se passera maintenant. C’est ce qui se serait passé si le monde n’avait pas changé. Là de suite, c’est plutôt clair. Tu t’offusques pour une claque sur les fesses, comme une ingénue, comme si nous en étions là. » Je fronce les sourcils, et analyse ses paroles qui me révèlent plus d’une chose. Il a d’une part pris au sérieux mon faux air offusqué, et d’autre part, c’est cette crainte de devenir transparent qui l’a retenue tout ce temps, en partie tout du moins. « Je peux pas te dire ce qu’auraient été les choses. Mais ce qu’il s’est passé ce matin… J’aurais pas eu envie de ne plus jamais y goûter. » Il aurait continué à m’attirer, parce qu’il m’attire toujours autant et que ça n’a rien à voir avec la fin du monde. « Et je sais qu’on en est pas là. » Mais cela me laisse avec une question. « On en est où ? »

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