Ils hurlent leurs noms, ils sont là, ils sont juste à côté, ils se rapprochent et c'est grisant, la décharge de chaleur qu'il ressent dans tout son corps complètement frigorifié. Tous les deux qui s'accrochent l'un à l'autre et encore plus au rocher, il ignore où la silhouette de l'une et ou celle de l'autre finit, mais ce qu'il n'ignore pas par contre, c'est qu'ils en sont vite à voir la possibilité d'en sortir indemnes. Rescapés. En vie, aussi, accessoirement.

"IVY LÂCHE CE FOUTU ROCHER NOM DE DIEU.”
"IVY JAAACK ! FAUT VRAIMENT QUE VOUS VENIEZ VERS NOUS MAINTENANT"
"JACK PRENDS LA CORDE!"
"Je vais pas pouvoir monter à bout de bras."

Chacun y va de son argument, certains sont plus censés que d'autres. Dans un grand sourire le plus rassurant dont il est capable Jack lâche la blonde d'un bras d'un seul pour attraper la corde que Loan lui lance à la volée. L'essai n'est pas fructueux la première fois et il passe à deux doigts de s'éclater les dents sur les récifs - à nouveau. Pourtant, y'a une vague violente qui le repousse vers l'avant, l'aidant cette fois-ci à empoigner la corde une bonne fois pour toute. Il l'entoure autour de son poignet, en fait rapidement un noeud nautique qu'Amos lui a appris, qui jamais ne va céder. Les caméras doivent filmer ça, il le pointera à celui qu'il considère comme son meilleur ami avec le torse gonflé de fierté, la totale de gamin bourré d'ambition à quelques secondes de crever noyé. On ne se refait pas.  

« Tu te souviens ce que je disais par apport à ne jamais me lâcher? » qu'il demande, heureux, soulagé, rassuré à Ivy. Sa voix porte par-dessus les flots, il serre autant qu'il peut la silhouette tremblante de la Waterhouse contre lui, une dernière et ultime fois avant que le plan de sauvetage ne réussisse. Il envisage absolument pas quel le plan ne marche pas et qu'ils se retrouvent dans le mal. « C'est le moment de faire tes preuves. » dans un rire, il fait signe à Loan, à Martin et à Kelly qu'ils sont prêts à retourner sur le raft.

"Surveille ton langage!" ne manqua pas Loan de la rappeler à l’ordre, usant des propos de Kelly contre elle-même. Elle fit mine de lui adresser un regard réprobateur, quand bien même ses lèvres réprimaient le sourire qu’elles voulaient afficher malgré elle. C’était de bonne guerre, et plutôt bien envoyé, elle devait l’avouer. Cependant la situation n’était pas propice à ce genre de plaisanteries et tous sur le radeau devaient rester concentrés. Grâce à ses indications et l’habileté de Martin et Loan, le canot fut immobilisé contre un rocher. "Kelly essaie de garder le raft le plus stable possible." ordonnait Martin, bien plus dans son élément que la sommelière qui, malgré toute la bonne volonté du monde, ne savait pas comment se rendre utile et appliquer cette consigne. “Et comment je fais ça ?!” Pas de réponse, les deux hommes étaient déjà en pleine élaboration d’une stratégie de sauvetage de Jack et Ivy. Kelly n’avait qu’à se débrouiller, et elle fit au mieux avec ce qu’elle avait. Le cordage lancé en direction des naufragés les invitait à bord, à condition qu’ils aient assez confiance pour avancer vers eux.

Le doyen attrapa la corde, Ivy saisit une main tenue, et tous deux furent tractés à bord à bouts de bras. Lee, elle, abandonna son poste pour se précipiter vers eux, aider à la dernière impulsion qui les fera tous tomber à la renverse dans le canot -mais sain et saufs. Plus de peur que de mal, à première vue, mais les candidats étaient tous frigorifiés, malmenés par les vagues. Ivy tremblait comme une feuille. Elle se tenait le poignet -peut-être que, finalement, une blessure était à déplorer. “On va demander au médecin de la prod de jeter un oeil à ça dès qu’on sera en bas.” fit-elle en passant une main sur le dos de la jeune femme afin de la rassurer et l’aider à retrouver ses esprits.

À la seconde où ils sont de nouveau grimpés sur le bateau, ce n'est que là que Jack arrive vraiment à respirer. Ses poumons le brûlent, bien plus que lorsqu'il se claque clope par-dessus clope et là, de suite, personne ne s'en étonnerait s'il avait envie de descendre un paquet au grand complet.

“On va demander au médecin de la prod de jeter un oeil à ça dès qu’on sera en bas.”

Le médecin qui apparemment a eu bien plus de facilité qu'eux à grimper sur le raft s'avance. Il se tapait la discussion avec Jack le capitaine qui a rien foutu de capitaine-like depuis le début du naufrage, n'en reste que Jack qui a envie de se faire appeler Jackary pour les besoins de la cause et de la narration de ce post n'est pas du tout en mode rageur là. Le poignet de Ivy a vilaine allure, elle a vilaine allure elle-même mais jamais il ne sera celui qui le lui soulignera quand la seule information qu'elle est toujours en vie lui suffit. Ils le sont tous les deux, le ukulele l'est un peu moins et le décompte des rames est pitoyable.

M'enfin, un peu de concret et un peu d'état de la situation, quand le médecin se penche à la hauteur de la blonde, qu'il prend de longues minutes pour scruter le membre d'un sens, de l'autre. Jack anticipe le moindre froncement de sourcil, le moindre soupir agressif de la part de la gamine qui a prouvé maintes fois depuis le début de Race of Australia qu'elle en a bien plus dans le ventre que qui que ce soit.

Ivy entre bonnes mains, son regard banquise dérive sur les visages paniqués de Loan, de Martin, de Kelly. Si eux deux ont eu peur dans les flots, il n'imagine pas comment le trio a dû lui aussi être terrifié de manquer quiconque à l'appel. « C'est pas des fleurs mais l'intention est là. » qu'il tente, la voix rauque d'avoir hurler toute l'ascension à la corde. Quand il tend vers Kelly une longue algue qui part dans tous les sens, aux jolies teintes de vert et de doré. C'est pas des fleurs et elle a toutes les chances d'être dégoûtée, mais si ça la fait rire un peu, c'est au moins ça de gagné.

Ils étaient là, ils allaient bien. La camionnette de la production continuait de les épier tandis que le canot dérivait lentement pour retourner dans les rapides. Une partie de Kelly voulait prendre le temps de s’assurer que tout le monde était en un seul morceau ; l’autre craignait que cet incident leur fasse perdre un temps précieux, possiblement fatal face à l’équipe de Grace et Isaac. Ils étaient si proches de la fin de ce rafting de l’enfer, il ne leur restait qu’un petit effort pour atteindre la fin des rapides et s’arrimer à la rive. Il était évident qu’Ivy ne pourrait pas échapper à une inspection médicale dans les règles de l’art, toute blessure grave n’étant pas vraiment de la bonne publicité pour l’émission. Kelly croisait les doigts pour que le poignet de la jeune femme ne l’empêche pas de poursuivre ce bout de finale. C’était la sienne, autant que c’était la leur ; c’était la finale à eux tous, et ils devaient finir ensemble.

« C'est pas des fleurs mais l'intention est là. » Dans l’attente du verdict du médecin, Jack s’approcha de Lee avec une… algue. Belles couleurs, mais forme douteuse, peu gracieuse, très mouillée. Un présent à la fois mignon et grotesque que la brune dévisagea avec perplexité. Elle ne savait qu’en penser si quoi en dire. Puis elle posa son regard sur le doyen. Elle ne pouvait même pas prétendre qu’il s’était joué d’elle ; elle s’était fait des films elle-même, comme une adolescente. La solitude, sûrement, imprégnée depuis son divorce, avait tendance à faire chavirer son coeur en guimauve face à la moindre gentillesse. “On va dire que c’est comme les fleurs de la mer.” elle murmura en haussant les épaules, acceptant le cadeau avec un sourire peu convaincu. Puis elle tendit l’algue à Martin ; “Tiens, un snack bio.” C’était gratuit, c’était cadeau.

C'est un peu raté au premier lancé, mais heureusement cette fois le courant semble vouloir jouer avec nous et pas contre nous. Jack est légèrement propulsé vers l'avant, juste assez pour que la corde lui passe sous le nez et qu'il puisse s'y agripper. Je sens son poids s'ajouter et cela me rassure maintenant il s'agit de les ramener sur le bateau sain et sauf. Ivy s'accroche toujours autant à Jack et on va pouvoir manoeuvre. "A trois, on tire..." Et tout le monde y met du sien pour tenter de ramener nos naufragés a bon port. C'est un peu catastrophique, ça manque d'équilibre, mais petit à petit on tire la corde vers nous et les deux candidats avec. Ivy semble épuisée et complètement gelée et je crains pour elle. Une fois ramener près du bateau, elle demande de l'aide et d'un seul homme on se baisse avec Martin pour passer une main sous ses bras et la hisser avec nous. On manque de perdre l'équilibre, mais elle atterrit saine et sauve dans l'embarcation. "Tu t'es fais mal?" que je demande inquiet alors qu'elle est en train se tenir le poignet. Déjà Kelly est sur le coup et je m'approche d'Epstein. "Plus jamais vous aller faire trempette." que je plaisante un brin, heureux surtout de les voir parmi nous à nouveau. Je suis rassuré et j'arrive a respirer un peu plus correctement.

Un médecin grimpe dans le radeau toujours coincé parmi les rochers et examine quelque peu Ivy. J'espère qu'elle va pouvoir continuer, mais surtout qu'on va réussir à la réchauffer la pauvre. Et alors que j'étais en train de me remettre de mes émotions, Kelly offre une algue à Martin, ce qui provoque un fou rire général au sein de l'embarcation. Les autres sont loin derrière nous, on a le temps de souffler, de se rassurer. "Vous vous sentez de finir?" Je ne forcerai jamais personne à aller au delà de ses limites. Ivy et Jack ont été gâté sur ce coup-là, ils ont peut être besoin de rejoindre la terme ferme. Et là... Tel un cheveux sur la soupe, Jack le pas si capitaine ouvre la bouche. "Il reste deux rapides et on est en bas." La fin se rapproche enfin.

Le coup d'oeil dédaigneux qu'elle laisse glisser sur l'algue arrache un éclat de rire à Jack, un peu entre le soulagement et le confort retrouvé. Mais surtout, en un souffle il est de nouveau rassuré. Rassuré que tout le monde reçoive l'onde de choc mais l'encaisse, rassuré que le raft tangue un peu moins, rassuré qu'ils aient à nouveau une minute pour s'arrêter et bien respirer tous ensemble.

Martin se penche au niveau d'Ivy, tente d'apporter son soutien aussi bien que le médecin qui lui-même établi différentes variantes de diagnostics. Il dit plein de mots que Jack capte pas, heureusement il dégage certaines possibilités (il est pas cassé! il est pas foulé!) ce qui lui arrache à chaque fois de longs soupirs soulagés. Mais ce n'est pas pour autant qu'il juge la situation réglée, quand Ivy continue tout de même de sembler souffrir quand bien même le gars est censé la soigner. "Plus jamais vous aller faire trempette." « T'as vu y'avait même de l'escalade à la fin. » qu'il pouffe, le con, le sourire solaire de Loan lui offrant une décharge de courage supplémentaire.

“On va dire que c’est comme les fleurs de la mer.” Kelly et son positivisme aussi, surtout, redonne envie plus que jamais à Jack de tout mettre en oeuvre pour les amener en finale. Ils le méritent. ils sont épuisés, ils sont vidés, ils se frigorifiés, et il se jure qu'il fera tout pour les faire gagner. “Tiens, un snack bio.” elle est adorable et il s'en fait encore une fois la note mentale, quand elle tente de nourrir à la blague (or is it, really?) Martin le végétalien de l'équipage. « Tu penses que laquelle lui donnerait un petit coup de remontant? » qu'il demande, complice, à l'intention d'une Kelly qui a savamment su garder en sécurité les quelques mini-bouteilles de vin pour une occasion qui lui espérait bien plus festive que celle-ci. Il prend ce qu'on lui donne, toujours, et aujourd'hui ne fait pas exception à la règle.

"Vous vous sentez de finir?" Loan ramène les troupes au but ultime, but ultime auquel il hoche de la tête de la plus vigoureuse et motivée des façons. C'est à croire qu'il va finir la journée avec le plus de courbatures possible. « Ouais, mon capitaine. » « Hey! » « Sorry Cap'tain Jack. C'est pas contre vous. »

Enfin ENFIN ils se lâchent putain ! Sérieusement j'y croyais plus et je nous imaginais déjà séparé à tout jamais ! Enfin Jack parvient à raisonner Ivy et enfin ils viennent tous les deux vers nous, le courant les aidant. Ivy est accrochée aux épaule de Jack et Jack parvient à attraper la corde. Loan et moi nous usons de nos force et les tirons vers nous, vers la bouée. J'entends la plainte d'Ivy qui demande de l'aide et Loan et moi nous nous penchons pour l'attraper sous les bras et la hisser à l'intérieur du bateau.

Elle est là, suffocante mais bien vivante allongé à l'intérieur du raft entrain de reprendre sa respiration. Moi-même je soupir, je souffle et je reprend peu à peu le contrôle sur ma respiration. "tout va bien ?" m'inquiètais-je, mon regard passant de Ivy à Jack. Je les observe tout à tour puis hoche la tête lorsque je me rend compte que tout semble aller bien.

Et puis il y a la bonne nouvelle qui tombe enfin. JACK le captain nous informe quil6ne reste plus que 2 rapides à passer et ça rassure les troupes. Je me redresse, me remet en place puis hoche la tête "on est prêt ?" demandais-je a l'assemblée. J'attends leur réponse puis Jack détache le raft et celui-ci vogue à nouveau au gré des tourbillons et des courants. Loan et moi pilotons comme nous pouvons, déjouant au maximum les pièges et les virages, évitant les pierres et les autres choses qui peuvent se trouver sur notre chemin. "ça à l'air plus calme" glissais-je à Loan "ou alors c'est juste que nous commençons à avoir l'habitude de travailler tous ensemble" je souris doucement et lance un coup d'œil à Ivy pour m'assurer qu'elle aille bien.

Qui l'eut cru, qu'ils repartiraient enfin, pour vrai? Jack a pris le temps de se repasser nerveusement une main à travers ses cheveux trempés, glacés, retrouvant un peu de sensations au niveau des bouts de doigts et déjà ça lui en dit long sur le reste et sur la motivation à poursuivre qui vient avec. Il bénit son enfance en terre canadienne, il bénit les longs hivers à courir dans la neige sans gants sans bonnet sans foulard sans rien, il bénit le vent glacial qui l'a porté toute sa vie, là-bas. Le là-bas lui manque, drôlement, quand la promesse d'y retourner une fois l'aventure terminée pointe toujours entre une et deux pensées, et qu'il se dit que l'a priori qu'il ressent en ce moment entre deux tremblements doit y être pour quelque chose.

Loan et Martin complotent, ils aident Ivy à se relever aussi. Apparemment, le poignet a été tordu, plié dans un sens où il n'aurait pas dû. Mais rien n'est broyé et si elle s'assure de ramer d'un côté plus que de l'autre, elle devrait arriver à terminer la course sans plus de heurts - si ils restent sur le raft aussi, accessoirement.

Les rapides sont droits devant eux, les vagues longent le raft et la période de répit est officiellement finie quand tous reprennent, sonnés mais éternellement motivés, leur place dans l'embarcation de fortune. Il a une pensée Jack, pour la leçon de ukulele avortée, pour le moment de douceur qu'il a réussi à se gratter aux côtés d'une Kelly qu'il se déteste d'avoir stressée avec son saut de l'ange inopiné. Un coup d'oeil un seul vers elle alors qu'ils s'installent devant, les places plus sécuritaires qui en ont bavé récemment. Il se revoit lui imposer un sourire aux lèvres son ukulele et il la revoit tenter de se dédouaner. La promesse d'apéro et de guitare classique reste, il s'y raccroche comme il se raccroche à sa pagaie, plus déterminé encore qu'il ne l'a été depuis le début de la journée.

« À l'abordage! » qu'il tente, comme cri de ralliement, absolument à côté de la plaque pour la signification du truc, tout autant que pour le jargon marin/pirate qui lui manque. L'instant d'après, la traditionnelle vague provoquée par de telles vociférations s'abat sur l'embarcation.

lolzie DES RISQUES SONT PRIS:

On remonte enfin. Je souffle, je suis incapable de faire un seul effort. Je crois que j'ai posé ma tête sur Martin avant que le docteur n'arrive sur le bateau pour examiner mon poignet. Je n'arrive même pas à dire où j'ai mal tant mes lèvres tremblent. Mais, je pourrais avoir une main en moins que je n'abandonnerai pas la competition. Voila, elle est revenue la Ivy faite pour la compétition. S'ils gagnent, je gagnent un peu aussi. Je vais pouvoir passer à la télé, et de m'afficher avec Jack, c'est tout bon pour rentrer dans mes plans ca. Les 1000 qu'il va devoir suivre sans résister. Je hoche simplement la tête quand on me demande si j'ai mal. Je vais tenir, mais il faut encore un avis médical. Ils auront été occupé pendant cette aventure. Je n'écoute pas, j'ai juste envie de me reposer mais visiblement ce n'est pas le moment. Je me rassis à ma place et me tourne vers Martin a plusieurs reprises pour lui assurer que ça va. On a pas le temps de discuter maintenant, on fera ça plus tard. Quand on sera sorti de ce putain de raft. 


Je ne vais pas abandonner là, même si le docteur fronce du nez en voyant que c'est mon pouce qui prend une couleur qui sonne pas naturelle. Je continue, et il n'a pas d'autre choix que de me laisser faire. Il le sait qu'un seul mot de travers et je relâche la furie. Je suis épuisée, mais jamais trop pour faire un scandale. "Plus vite on avance plus vite on est sorti de cette galère" On a l'air d'une équipe là, et ça c'est plaisant. Je n'oublie pas tout ce qui s'est passé avant le plongeons, mais je n'ai pas la force de me battre contre un Jack qui se refait déjà séducteur. Je rassure Loan et Martin, et on repart sans encombre cette fois. 

 

C'est qu'ils sont prêts à se relancer et c'est qu'ils sont prêts à le faire vite et bien. La vague qui tape derrière le raft encourage la prise de position contre les flots, et c'est avec un air confiant que chacun reprend sa position avec les quelques pagaies qui leur restent à disposition. Jamais il n'aurait pu penser que les troupes retrouveraient le sourire aussi vite Jack, ou du moins, il vit dans son monde et il vit dans ses grandes envolées héroïques, déjà prêt à les guider vers la ligne d'arrivée au fur et à mesure que sa rame suit le courant.

Droit devant, les rapides se dégagent mais ils ne lui font absolument pas peur. Il ne craint rien maintenant qu'ils sont passés par-dessus bord et qu'ils ont survécu. Il ne craint rien maintenant qu'ils ont réussi à revenir à bord du raft, que le poignet d'Ivy est relativement en sécurité et qu'ils le sont tous également. Il resserre les sangles de sa veste de sauvetage, un coup d'oeil qu'il perd vers les autres pour valider qu'autant casques que ceintures sont bien remis en place. Et c'est avec toute la vigueur que son vieux corps courbaturé mais déterminé donne le lead, donne le coup d'envoi, entraîne l'embarcation vers la dernière partie de leur descente.

Et tout allait bien, il jure que tout allait bien.
Tout va encore bien, en fait, rien à signaler, rien de majeur pour les faire paniquer.

Sauf peut-être pour le petit être aquatique qui décide de se négocier un aller simple vers les rapides, en sautant non seulement avec une agilité déconcertante dans le raft, mais en choisissant les cuisses d'Ivy pour finaliser son vol plané. Le hasard rend les choses hilarantes. Et bien sûr qu'il éclate de rire de voir à quel point on ne l'invente pas, le fait que le poisson s'agite maintenant de tous les sens sur les fringues déjà trempées d'une Ivy qu'il n'a pas le temps de cerner quand une nouvelle vague leur suggère que les rapides ne sont plus juste devant eux. Que maintenant qu'ils y sont en plein au centre, directement dans l'oeil.

Qu’il ne s’emballe pas, Jack. Une Kelly méfiante était difficile à débrider, et son sourire poli, quoique amusé, n’était pas le signe qu’elle était soudainement prise d’amnésie. Ce qu’elle avait vu, elle ne pouvait plus l’oublier. Une algue n’allait pas suffire. « Tu penses que laquelle lui donnerait un petit coup de remontant? » qu’il demandait, l’air de connivence, alors que son regard louchait sur les mignonnettes qu’il lui avait fourni avant qu’ils ne s’engagent dans les rapides. “Je crois que ça serait mal vu un shot de vodka en prime time.” lui répondit-elle, tout bas, en se penchant à son oreille comme lui-même l’avait fait plus d’une fois durant leur cours de ukulélé improvisé.

Ivy était réparée pour le moment, juste assez pour poursuivre la compétition. Martin avait raison sur un point à ce sujet ; elle avait la rage de vaincre, lorsqu’elle le voulait bien. "Plus vite on avance plus vite on est sorti de cette galère." qu’elle fulminait en remontant dans le canot. “J’aime entendre ça.” encourageait Kelly avec un sourire.

Tous à bord, le canot repartit. La brune avait retrouvé de l’entrain, Loan et Martin avaient repris les devants -et dans le bon sens-, le pseudo-capitaine ne servait à rien, Ivy ne hurlait pas (encore), et Jack… était Jack. « À l'abordage! » avait-il lancé, faisant doucement rire Kelly. Décidément, elle lui rendait la tâche facile.

Tout allait beaucoup trop bien, forcément. Et forcément, quelque chose devait déraper. Un poisson. Un poisson ? Vrai de vrai. Ces rapides étaient infernales. L’animal avait atterri sur les cuisses d’Ivy, éternelle victime du sort. La surprise avait fait hurler Kelly la première -ça, et les écailles poisseuses du bestiau qui venait de lui frôler la joue de tout son long, lui soulevant le coeur au passage. “Virez ça de là !” qu’elle s’écriait de ce timbre délicieusement suraiguë qui résonnait avec ses cris, quelques semaines plus tôt, lors de sa rencontre avec un serpent. Les bestioles à écailles n’étaient définitivement pas son truc.

Enfin, on récupère nos deux aventuriers. Ce n’est pas simple, on se bat clairement contre les éléments, mais on finit par hausser Ivy sur le bateau et de suite après c’est la silhouette de Jack qui se joint à nous. « T'as vu y'avait même de l'escalade à la fin. » Il est fier de lui et moi, je rigole, bon spectateur. Il a l’air entier, mais ce n’est pas trop le cas de la jolie blonde pourtant pas une fois elle ne hurle, pas une fois elle ne se plaint. Elle fusille même le médecin du regard et je comprends qu’il ferait mieux de ne pas la mettre sur le banc de touche. On pourrait avoir un mort. Je crois qu’on a fini par le trouver notre esprit d’équipe. Ce fut un peu laborieux, mais après une belle frayeur, nous voilà tous sur la même longueur d’onde. Et surtout, nous voilà prêt à repartir. Objectif : la ligne d’arrivée. « Plus vite, on avance plus vite, on est sorti de cette galère. » « J’aime entendre ça. » Voilà. Enfin, le dynamisme est présent. Je leur offre mon plus beau sourire à nos deux demoiselles, alors que chacun reprend sa place attitré. On va affronter les vagues, plus rien ne nous fait peur.

On maîtrise parfaitement le truc avec Martin. On se fait légèrement arroser, mais pas de problème de direction, personne a l’eau et surtout tout le monde semble travailler de concert. Je suis si fier de ma petite équipe. « Ca à l'air plus calme. Ou alors c'est juste que nous commençons à avoir l'habitude de travailler tous ensemble. » Je me tourne vers Martin, il a l’air de moins vouloir me tuer, c’est un peu rassurant. « Je crois qu’on bosse juste bien ensemble. » On est une bonne équipe.

Et voilà que Momo le poisson décide de s’incruster à la fête en atterrissant tout droit sur les genoux d’Ivy provoque un hurlement hystérique de la part des filles qui se mettent à s’agiter dans tous les sens. « Pousse le Ivy. » il suffirait qu’elle mette un coup de la main, mais je crois qu’elle est bien trop dégoûtée pour cela.

Je suis prête à aider à ramer malgré mon poignet. C’est le seul moyen de retrouver la terre ferme rapidement. Je souffle, toujours gelée. Je ne vais sûrement pas me réchauffer alors que de nouvelles vagues passent par dessus le bateau. J’essaie d’oublier les douleurs. Je ferme les yeux, je souffle, et je pagaie. Je n’ai jamais fait ça, et ça n’arrivera plus jamais. Mais pour le moment, je prends sur moi et je force pour pas qu’on ait plus de problème. Cette pagaie pliable n’a pas du tout l’air solide, quelle horreur. Je devrais essayer de la perdre dans le lit de la rivière, et je pourrais me cacher le visage en espérant qu’on arrive dans les minutes qui suivent. Tout se passe bien, pendant presque 5 minutes. C’est un record depuis le début de cette descente je pense.

Et j’aurais dû me taire dans ma tête, parce qu’il a fallu qu’un putain de poisson se jette dans l’embarcation. Mais pas n’importe où, il faut qu’il tombe sur mes cuisses. Je me retiens de vomir, c’est affreux. C’est gluant et ça bouge dans tous les sens. On peut rajouter la pagaie pliable aux pertes à enregistrer pendant la descente. Je lève les mains en hurlant, je ne suis pas seule cette fois, Kelly hurle elle aussi. Le poisson a frappé une fois sa joue et je n’ai pas l’impression qu’il décide de descendre de mes genoux. “MARTIIIIIIIIN” C’est pas lui l’expert en animaux ici ? J’espère que oui, et qu’il va me débarrasser de ça. “ENLEVE LE ENLEVE LE ENLEVE LE !” Je hurle et le tire par le bras pour qu’il passe devant moi, j’ai oublié les cordes qui nous attachent à la bouée quand je me lève pour qu’il passe devant moi alors que le poisson continue de sauter à mes pieds. J’emmêle les cordes, on les remettra correctement plus tard. “DEPECHEEEE” Ils vont certainement tous perdre leur audition vu les cris de plus en plus stridents.

“Je crois que ça serait mal vu un shot de vodka en prime time.” « Bien réceptionné. » qu'il pouffe, l'enfant, la terreur des bacs à sable, l'adulte immature pensant déjà à comment il pourra adapter l'angle pour que la caméra ne les grille pas lorsqu'ils seront en bas - sains et saufs, bien sûr - et prêts à célébrer comme il se doit.

Celui qui célèbre en ce moment en tout cas, c'est Momo aux nageoires fières et fortes. Il passe en trombe contre la joue de Kelly, atterrit en triple salto sur les cuisses d'Ivy, et la seule et à unique chose que Jack peut faire dans le moment, c'est éclater de rire de voir à quel point la nature a décidé de leur en mettre plein la vue. Personne n'a vu, d'ailleurs, au loin comment l'horizon est incroyable. Les vallées à perte de paysage, les forêts luxuriantes desquelles le soleil s'immisce sans aucune timidité. Ils sont dans l'un des plus beaux endroits qu'il a bien pu visiter de sa vie, et si les cris et les insultes envers le pauvre barboteur continuent pour sûr de l'amuser, il est ébahi Jack, il lui en faut si peu pour être émerveillé.

“Virez ça de là !”
« Pousse le Ivy. »
"MARTIIIIIIIIN”
“ENLEVE LE ENLEVE LE ENLEVE LE !”
“DEPECHEEEE”
« Avez-vous vu à quel point la lumière est incroyable aujourd'hui? » il se fait poète Jack, il se fait artiste, il se fait rêveur, il retrouve ses sources.

Il y retourne quand la nature l'a toujours fasciné, quand même après avoir survécu à des vagues déchaînées il arrive toujours à voir le beau partout. À admirer le spectacle à couper le souffle qui se dessine devant eux pour souligner que non seulement ils sont bien, mais surtout qu'ils ont tout pour être heureux.