L'amour a percé mon cœur et l'argent ne fait pas le bonheur, mais j'attends un être charmeur mon marin riche et sans peur. L'amour a percé mon cœur et l'argent ne fait pas le bonheur, mais j'attends un être charmeur mon marin riche et sans peur. Oh mes sœurs approchez sur l'heure et venez voir céans, vous qui aimez les marins sans peur, qui écument les Océans. Oui L'amour a percé mon cœur et l'argent ne fait pas le bonheur, mais j'attends un être charmeur mon marin riche et sans peur. L'amour a percé mon cœur et l'argent ne fait pas le bonheur, mais j'attends un être charmeur mon marin riche et sans peur (my jolly sailor bold )
☆ Zeke & Eve ☆
Comme à mon habitude depuis un mois maintenant, j’étais assise devant mon ordinateur et je peaufinai les derniers détails. Pour cause qu’à partir de maintenant, mes traditions allaient changer. Je n’irai pas à la fête foraine pour mon anniversaire, nous n’irons pas dans un parc quelconque pour celui de Lisa. Nous allions plus loin. Nous allions au parc national de Lamington où j’avais créé quelques petites initiatives pour rendre l’anniversaire de mon marin sans peur plus beau. Essayer de le rendre mémorable. Le psy m’avait demandé pourquoi je faisais tout ça. Parce qu’à mon sens, Zeke était une étoile oubliée et qu’il méritait que sa naissance soit dument célébrée. Je ne savais rien des coutumes australiennes, je ne savais rien des coutumes de la famille Blythe mais j’avais demandé à sa mère lors d’un séjour si je pouvais leur prendre leur fils ainé le temps d’un weekend. Juste un weekend. De l’avance pour lui, du retard pour moi. Mais je ne voulais pas qu’on célèbre mon jour, je voulais que cela soit celui de ma fille et de lui. Le sien, le leur. Acte désintéressé si ce n’était pour voir leurs sourires à tous les deux. Jacob resterait avec moi le temps des activités et nous aurons bien le loisir d’admirer les poissons. La complicité entre mon ainée et l’Australien n’était plus à démontrer et j’étais heureuse de l’éclaircie qu’ils nous avaient offert dans nos vies si mornes. Alors j’imprimai le tout, débranchai le lecteur pour aller me préparer. Date de mes vingt sept ans, vingt sept années où j’avais foulé cette terre comme la dame grise. J’avais donné rendez-vous à Zeke à ma grange pour lui donner son cadeau matériel. Car il ne pouvait pas être transporté dans la nature et que je voulais voir les avancés des travaux. Les enfants trépignaient d’impatience comme d’habitude alors que Lisa tournait avec la couronne de princesse que nous lui avions offert sur la tête. « Maman, tu dois mettre la tienne. » Je me baissais, posant mon genou à terre face à celle qui était ma reine alors qu’elle posa la lourde couronne d’or sur mes cheveux de la même couleur. Puis, je lui fis un sourire avant de me retrouver angoncé dans la petite Coccinelle avec les enfants et les chiens. Personne ne serait laissé derrière. Un café dans la porte-gobelet, des comptines dans les oreilles, je laissais le paysage défiler alors que l’on se retrouva bien vite devant la grange qui prenait allure. Le trépied était caché à l’intérieur avec le tableau peint pendant mes longues heures de solitude, ayant été mise à pied. Cernes violacés disparues, quelques kilos pris désormais grâce aux bons soins de la cuisine de Caleb et de l’insistance de Zeke. J’avais le sentiment d’être une baleine avec mes quatre kilos en plus. Plus que dix. Saurai-je accepter mon reflet dans mon miroir ? Saurai-je y faire face alors que Zeke n’était que finesse et que beauté ? Je regardai ma tenue qui n’avait rien de celle de reine du jour. Une salopette tâchée de peinture, un bandeau blanc pour cacher la naissance de mes seins, couettes dans les cheveux. Véritable tenue de travail. Je me baissais vers mon cadet pour lui mettre sa casquette Spiderman sur la tête avant de lâcher les chiens. « Tu vas chercher Zeke, crapule ? » J’inclinai la tête sur le côté alors qu’il opina en chef et que Lisa le suivit, enfants trop impatients. Puis, je pris une profonde inspiration avant d’aller chercher la toile. Cette fameuse toile qui m’avait demandé des heures et des heures de travail. Une hésitation me prit cependant. Et s’il n’aimait pas ? Et si je m’étais trompée ? je n’aimais pas acheter des cadeaux. Celui de Lisa était à l’arrière, serre vide pour le moment. La gamine ne l’ayant pas encore vu. Alors celui de Zeke était entre mes mains. Absorbée par le dessin, je me posai sur le sol poussiéreux pour venir admirer les imperfections de ce tableau. On pouvait y discerner le dos de trois silhouettes. Celle massive, qui représentait Ezechiel sans l’ombre d’un doute, avec deux enfants à ses côtés. Les têtes blondes reposant sur son épaule alors qu’au loin, en arrière-plan, on voyait six canidés se courir après. J’avais tenté de par mes coups de pinceaux irréguliers de capturer l’essence même du grand Blythe et du monde qui l’entourait. Ayant retranscrit avec exactitude le perron de sa ferme. Cette ferme qu’il aimait tant. Je pris une profonde inspiration, avant de venir serrer le dessin contre moi, étant aux prises du silence. Un silence que je ne connaissais pas. Un oiseau par-ci, un bruissement par-là. Je me mis donc debout, réajustant cette couronne trop lourde et ridicule sur le sommet de ma toute petite tête avant d’aller m’asseoir sur le perron. Le soleil venant caresser ma peau de ses rayons, cette peau qui était désormais légèrement hâlée, pas totalement colorée à force d’avoir travaillé sur ce lieu de vie pourtant si vide. Mon cœur se mit à battre à tout rompre, le lecteur MP3 brûlant ma poche gauche, l’itinéraire masqué dans la voiture. Oui, un weekend. Un weekend qui nous ferait du bien. Et où je célébrais deux des anniversaires des trois êtres qui m’étaient le plus chers au monde. Ma main se porta à mon collier, à cette figurine faite de moi, mise ce matin pour me le rappeler. Que je n'étais plus seule. Et qu'il était mon marin sans peur.
Il ne faisait pas attention aux dates, lui qui était pourtant si terre à terre, finalement on ne pouvait pas dire qu'il passait beaucoup de temps devant le calendrier. Zeke ne faisait pas particulièrement attention à sa date d'anniversaire, il n'était même pas certain de connaître son âge tant ses centres d'intérêts étaient ailleurs. S'il avait fêté sa naissance jusqu'ici, c'était toujours sur la demande expresse de ses parents, sa mère était quelque peu sentimentale, contrairement aux hommes de la famille apparemment. Alors, il mangeait le gâteau et soufflait la bougie dans la toute petite cuisine de la ferme et il oubliait bien vite toute l'affaire pour aller se perdre dans des bottes de foin. Toute sa vie était une énième répétition de ce genre d'instants et Zeke avait encore du mal à concevoir que la quarantaine approchait quand il n'avait même pas eu le loisir d'en avoir réellement dix. Trop mature pour son âge, c'était ce qu'il avait toujours été et, a priori, ce n'était pas maintenant qu'il allait changer avec son sens aigu des responsabilités qui le poussaient à travailler comme un acharné, peu importe les circonstances et les périodes de l'année. La preuve, Zeke était perdu dans le salon, un magnétophone entre ses doigts alors qu'il écoutait pour la centième fois de la journée le contenu du dossier concernant son frère, un cadeau d'Alex qui avait accepté de lui envoyer un fichier audio avant la nouvelle audience. Blythe paraissait renfrogné en terminant un nouveau discours, mais il n'eut pas le temps d'approfondir cette étrange humeur qu'un ouragan atterrit devant lui, Jacob ayant apparemment couru jusqu'ici pour l'attraper par la main et le forcer à se lever pour l'emmener vers la grange que sa mère avait acquis récemment. "Doucement, bonhomme." Zeke avait vraiment peur qu'il se blesse en courant à vive allure, à croire que son âme de papa ours n'était jamais très loin, le brun refermant les boutons de sa chemise de bûcheron tout en suivant l'enfant jusqu'au lieu dit, là où Eve attendait, juste à côté de la voiture. "Hey, toi." Il déposa un baiser sur sa joue, quelque chose d'intime mais pas trop car Zeke détestait faire preuve de quelconques marques d'affection devant les mômes. Il avait une réserve exceptionnelle, une qualité autant qu'un défaut alors qu'il fronçait les sourcils, sans forcément comprendre tout ce qui se passait. "T'as chargé la voiture, dis." Il était un idiot de première catégorie, le fermier, mais ces derniers temps, il était clairement beaucoup trop préoccupé pour faire attention aux jours qui passaient et il s'en voulait déjà, d'être l'homme le plus pourri de toute cette planète.
J’avais tout préparé à la minute près. Sauf le gâteau car nous allions en pleine nature et je ne voulais pas attiser les bêtes sauvages. A vrai dire, depuis la naissance de Lisa, j’avais une tradition, une triste tradition qui voulait que je passe mon anniversaire seule avec mon enfant à souffler sur un cupcake que nous avions acheté dans le commerce. A Paris, nous n’avions rien. Nous étions sans le sou et j’ai dû faire de concert. A l’orphelinat, il y avait trop d’enfants pour qu’un jour unique soit célébré et j’ai toujours été invisible. Donc en soi, cela ne me gênait pas. je préférai faire plaisir aux autres que de penser au mien. Et puis, je l’avais lui. Mon étoile. Mon étoile du nord, celui qui me guidait dans mes heures les plus sombres. Qui m’ancrait dans la réalité mais à qui je cachai tant de choses. Sur mon mal être, sur ce fameux jour où l’on m’a craché tant de mots au visage. Enceinte de neuf mois, seule, sans personne à mes côtés. j’ai appris à m’effacer. Alors, je me suis murée dans ce petit projet que j’avais pour nous. Lui qui m’avait un jour confié, alors que nous étions assis dans notre cabane en admirant la ferme qu’il n’avait rien vu d’autres. Certes, le parc n’était qu’à deux heures de route. Mais cela constituerait un vrai voyage en soi. J’en avais discuté avec la matriarche Blythe entre deux vaisselles et deux séances de tricot de ce projet. Je ne saurai dire si la femme m’appréciait mais le fait étant que j’avais décidé de voir grand. Louant un bungalow, nous inscrivant à des activités diverses et variées. Mes enfants n’étaient pas au courant, mise à part que nous allions dans un parc. Lisa a trépigné d’impatience alors que Jacob parlait de poissons. Véritable chasse au trésor, j’ai passé du temps, assise sur le sol de cette grange pour la faire, pour essayer de palier au fait que mon grand brun était dyslexique. Enregistrant des messages via mon lecteur MP3, dessinant les insectes que je trouvais dans des manuels. Avec des petits containers. Me rendant sur place pour prendre en photos les arbres, tombant trop souvent en m’écorchant les genoux. Ramassant des feuilles, des fleurs. Voulant rendre le tout ludique. Mon imagination et ma créativité n’avaient pas de limites. Mais je devais me reposer alors de temps à autre, j’allais trouver refuge dans ses bras massifs, j’oubliais tout et je me laissais porter. Je me sentais bien à ses côtés. Mais aujourd’hui alors que j’allais souffler une bougie de plus, j’étais nerveuse. Et si cela ne lui plaisait pas. les activités. La chasse au trésor. Et si j’en avais encore trop fait. Mon cerveau ne cessait de surchauffer alors que je regardai le tableau. Je ne m’avais pas dessiné volontairement. Mon psy dirait que cela était représentatif de comment je me voyais. Mais je ne pouvais pas. je ne serai jamais objective. Et n’aimant pas mes nouvelles formes. Je retournai donc m’asseoir près de la Wolsvagen alors que Lisa arriva en courant avec une coccinelle dans les mains. Ainsi cette petite serait le premier habitant de la serre. Encore un projet titanesque. Puisque ni Zeke, ni les enfants n’en surent rien. je l’ai aménagé avec Caleb. Amenant des plantes, la construisant de mes mains alors qu’il était au travail, les rejetons à l’école. Mes doigts bandés en témoignaient mais j’allais bien. Et nous allions construire un petit refuge rien qu’à nous. Pour nous quatre. Ou nous dix, si nous comptions les 6 chiens. Une centaine avec les moutons, les chevaux, et les deux cochons que je m’étais achetée pour mon anniversaire. Un petit présent de moi à moi. Encore bébés, ils n’arriveraient que dans quelques semaines. Il faudrait d’ailleurs que je propose à un de mes amis de venir avec moi, ne voulant pas gêner Zeke. Lui qui semblait m’échapper peu à peu. Je le sentais. Au fond de moi. Il me cachait des choses. Et mon cœur de névrosé avait cette peur qu’il ne veuille plus de moi, qu’il veuille me quitter sans doute pour une autre ou parce que j’étais trop étouffante. Son baiser me sortit de ma torpeur alors que je serrai le tableau contre mon cœur. "T'as chargé la voiture, dis." Je levai le regard vers lui, ne comprenant pas. Je lui en avais parlé. J’étais certaine de lui en avoir parlé. Je restai sans voix alors que Lisa arriva près de nous avec le cupcake, nous analysant de ses yeux bleus. « Tu souffles la bougie, maman ? » Non. Je n’en avais pas envie. Pas vraiment. Je baissais la tête avant de venir ôter la couronne de ma tête. Objet clinquant qui n’avait aucune signification à part pour la fillette qui se tenait entre nous, le cupcake avec la bougie allumée. « Peut-être plus tard. Je… » Je collai la tableau contre le torse massif du grand brun avant de ravaler ma honte. « Si tu veux me quitter, t’aurais pu choisir un autre jour. Bref bon anniversaire, maugréai-je entre mes dents. » Comment aurais-je pu deviner qu’il avait seulement oublié ? Ou autre ? Je passais devant Lisa qui me fixait, la bouche entrouverte. « Mais maman… ? » Sa petite voix se perdit alors que Jacob semblait trop pris avec les chiens. Je partis me mettre dans un coin, là où trônait mes couleurs, mes tubes de peinture avant de venir m’asseoir pour prendre la plaquette et mettre du noir ainsi que du blanc. Peindre. Oui, j’allais peindre. Le jour n’était pas spécial. Le weekend non plus. « J’aurai jamais cru que je deviendrai invisible, dis-je pour les ombres qui hantaient cette maison. » Et soudain, je fondis en larmes. Les pleurs dévalèrent sur mes joues, inconsciente que je n’étais plus ancrée dans le présent. Mais je revivais la scène encore et encore. cette scène humiliante où petite fille, je voyais les autres enfants souffler des bougies sur de gros gâteaux alors que je n’avais que du pain. Que je m’invitais des gâteaux en les dessinant. Qu’adolescente, je regardai les filles se faire offrir des cadeaux par leurs amoureux. Qu’adultes, mes compagnons oubliaient cette date que j’ai fini par maudire. Et que seule ma fille a réussi à y mettre un peu de lumière. Sans réellement avoir de prise, sans réellement comprendre pourquoi je réagissais ainsi. Névrosée, me chuchota le monstre tapi qui faisait surface. Véritable crise d’angoisse, assaillie par cette eau nouvelle. Un secret. Ce secret. Celui de cette invisibilité latente qui me faisait pleurer la nuit, qui me faisait douter, qui voulait m’effacer de cette existence. Comment aurais-je pu savoir ? Alors que Lisa se mit à tempêter contre Zeke dehors, que sa petite voix me parvint aux oreilles sans réellement que je n’en saisisse le sens. « Tu vas calmer maman, maintenant ! » Voix autoritaire d’une enfant de sept ans. « Elle fait des crises, maman. Elle le dit pas mais elle fait des crises. Donc tu prends le gâteau et tu vas la calmer. Elle croit que tu l’aimes plus. Donc tu vas la calmer ou c’est moi qui t’aimerai plus. » Pauvre enfant, pauvre Zeke. Pauvre de nous. Pauvre folle que je suis. C’est ça, folle. Perdue avec ce monstre latent qui ne demandait qu’à sortir. Et à exploser. Mais personne ne verrait cette fichue explosion. Car j’étais et je resterai… Invisible.
Il était suffisamment idiot pour ne pas comprendre, du grand Ezechiel forcément. Il allait rester là, planté comme un piquet à attendre que le beau temps se transforme en tempête géante, ou quelque chose de cet ordre parce que le ciel venait très clairement de lui tomber sur le sommet de son crâne. Il reçut le gâteau d'Eve et sa réplique cinglante avant de la voir partir à mille à l'heure, sans même avoir le temps de décrocher sa mâchoire. Il se sentait juste complètement paumé, son anniversaire, ah oui? Le pauvre avait totalement oublié et là, tout de suite, Blythe avait juste envie d'aller se cacher à cent pieds sous terre, là où la terre ne pourrait pas le reconnaître. C'était définitivement trop tard pour se rattraper, n'est-ce pas? Au lieu de réfléchir d'ailleurs, le grand homme aurait déjà dû être en mouvement pour rattraper Zimmer dans sa fuite mais il ne pouvait que rester interdit, en état de choc. Tout lui revenait en mémoire désormais, le week end, les anniversaires, les promesses, le fait qu'il n'avait même pas appelé Eve pour son grand jour et là, il était déjà à deux doigts de craquer lui-même, tout seul comme un grand. Sauf qu'il ne montrait jamais la moindre émotion devant autrui et il ne le pouvait définitivement pas alors que la petite fille lui hurlait dessus pour qu'il aille réparer les dommages causés. Bon, la situation était clairement chaotique et Eve pleurait à côté d'un arbre, Zeke se munissant du cupcake en marchant à pas de loup, comme s'il avait peur de se prendre un parpaing dans la face en s'approchant trop brusquement. A vrai dire, il aurait mérité toutes les briques de la planète après un tel oubli mais que la blonde puisse croire qu'il désirait tout arrêter ou qu'il puisse la tromper, c'était quelque chose de parfaitement inconcevable pour Blythe. Il lui semblait qu'il avait été clair sur la question à de multiples reprises jusque là, tout ceci n'était qu'une gigantesque méprise dont il était l'instigateur, rien d'autre. Alors, il s'agenouilla devant la jeune femme, sans oser la toucher, incapable de savoir comment réagir en réalité parce qu'il avait toujours été trop gauche en société, Ezechiel, pour s'en sortir face à une telle urgence. "J'ai oublié. Je suis nul, Eve. Un gros raté." Il déglutit, franchement peu à l'aise dans cet exercice: parler lui demandait tant d'efforts qu'il n'avait clairement pas l'habitude de fournir. La preuve, il tendit le petit gâteau avec un sourire contrit, mauvais jusqu'au bout. "Bon anniversaire en retard. C'est toi qui vas me larguer plutôt là, non?" Parce qu'il n'avait aucune intention de ce genre de son côté, lui et son regard de chiot battu face à elle. Il ne savait pas combien d'années il allait devoir se repentir mais Zeke était prêt à accepter n'importe quelle punition, pourvu qu'elle sourit à nouveau. Qu'elle arrête de trembler, please.
J’ai toujours été trop sensible le jour de mon anniversaire. Sans doute parce qu’il me rappelait la dure réalité en plein visage. Je suis une enfant perdue. J’aurai dû vivre au pays imaginaire ou dans une autre dimension, mes parents n’ayant pas voulu de moi. Abandonnée, malmenée dans un orphelinat où il y avait trop d’enfants. Je me suis sentie comme Harry Potter, allongée face contre terre, à dessiner un gâteau dans la poussière pour souffler les bougies. Sauf que ma lettre à Poudlard s’est perdue en court de route et qu’Hagrid n’est jamais venu me sauver. Je me suis contentée de revivre encore et encore la même scène. Seule l’arrivée de Lisa m’a amenée un peu de baume au cœur. Je me rappelle encore de mon vingtième anniversaire. J’étais seule dans mon appartement à regarder la pluie tomber, car il pleuvait averse et je me suis jurée de ne plus être seule. De ne plus être seule le jour de ma conception. Que je me construirai une famille. Que je la ferai envers et contre tout. Ce petit être que j’ai tenu dans mes bras et que j’ai aimé tout de suite. Elle n’est pas ma princesse, elle est ma reine. Lisa m’a sauvée de bien des façons alors que j’étais égarée. Et je me suis perdue, encore et encore en chemin. Je pensais que Zeke serait différent des autres. Je pensais que lui n’oublierait pas le jour de ma naissance. Mais quoi attendre d’un homme qui vivait reclus dans une ferme ? Cependant, je peux le sentir. Cet éloignement. Le fait qu’il me cachait des choses. Ses parents se murant dans une silence pesant alors que je parlais pour eux tous. Et que je ne comprenais pas. Il avait des parents, il avait un toit au-dessus de la tête et il semblait si malheureux. Je voulais lui apporter un peu de lumière dans cette vie. Voilà pourquoi j’ai pris tant de soin à m’intéresser aux méthodes de divertir des personnes ne sachant lire, des dyslexiques pour ne pas lui rappeler son handicap. Car même s’il se considérait comme un abruti, il était bien plus intelligent que la moyenne. Et il n’en avait pas conscience. Alors, je me suis plongée dans mon travail, dans ma peinture, dans les enregistrements vocaux. Essayant de dire un texte clair, de ne pas me perdre dans les méandres de mon esprit. J’en suis venue à lui raconter mon histoire. Au grand complet. Même quand les noirceurs des tréfonds de mon cœur. Cette noirceur qui prenait maintenant possession de moi alors que je me retrouvais acculée à un arbre, à pleurer de tout mon saoul. Le visage enfouie dans mes mains, mes couettes signifiants encore cet esprit perdu qui était maintenant morcelé et certain qu’il allait s’en aller. Comme les autres, me susurra le spectre du serpent qui avait un peu repris du chemin depuis quelques temps. Je ne vis pas Zeke approcher de moi alors que mon corps était toujours pris de tremblements. Je peinai à relever la tête alors que Lisa nous regardait au loin, une lueur dans le regard. Elle qui se battait trop souvent. Les cheveux tressés étaient en bataille et je pensais que j’avais mis du temps à la coiffer. Que tout était fichu par ma faute. Je déglutis alors que Zeke s’agenouilla devant moi. Je me mis à dodeliner dangereusement alors que mon esprit menaça de basculer. Mon regard s’attarda sur la silhouette massive qui se trouvait en face de moi alors que mes lèvres demeurèrent closes. A vrai dire, je ne le voyais pas vraiment tant mes yeux étaient embués de souvenirs grotesques et de meurtrissures passées. "J'ai oublié. Je suis nul, Eve. Un gros raté." Je le fixai me tendre le cupcake. Je n’avais pas la force de le rassurer. Alors, je mis les mains dans ma poche pour sortir le lecteur mp3 rose fuschia déniché sur une brocante quelques semaines plus tôt. Je sélectionnais le morceau qui s’appelait le cupcake avant de m’approcher de lui timidement. "Bon anniversaire en retard. C'est toi qui vas me larguer plutôt là, non?" Toujours ce fichu silence alors que ma petite main se posa sur sa joue. J’en vins à renifler, summum de l’élégance avant de dégager son oreille d’une mèche de cheveux pour venir y glisser l’écouteur. Encore une fois, j’ai passé des heures à lui enregistrer des épisodes de mon histoire. Comme des sortes de mini-contes que je voulais lui narrer. « L’épisode du cupcake. Tu as dû trouver ça bizarre non ? Commença ma voix désincarnée, que je souffle un cupcake. Que ma fille arrive avec un tout petit gâteau pour le souffler. Vois-tu, toute ma vie, on m’a oubliée. Mes parents n’ont jamais voulu de moi. A l’orphelinat, nous étions trop nombreuses. Et je ne parlais même pas de Pierre, ni de Jacob, ils ont leur morceau dédié que tu écouteras en temps voulu. Mais le cupcake, le cupcake, il s’agit d’une autre histoire. »
Paris, 18 septembre 2016 J’avais vingt-trois, ce jour-là. Comme tous les ans, je passais cette date sous silence. Lisa venait allait avoir trois ans. et je pense que tu as un aperçu de son petit caractère. Elle est assez vive et me cause bien du souci à l’école. Nous nous promenions dans les ruelles de Paris. Peux-tu fermer les yeux pour que je les décrive ? Est-ce que tu l’as fait ? Les rues étaient bondées de femmes, de gens en tout genre. Des gens pressés, d’autres touristes. Lisa avait des petites couettes et elle aimait déjà les couronnes. Elle avait insisté le matin même pour que je porte celle que j’ai sur la tête aujourd’hui. Ridicule à souhait. Je sais. Un lutin avec une couronne, on fera plus ridicule non ? Je la tenais par la main alors qu’elle s’est arrêtée devant une boulangerie. La rue était pavé de blanc et les magasins étaient propres. On pouvait voir la tour Eiffel en arrière-plan. « EvE gâteau. » Je ne saurai dire pourquoi mais elle a montré de son petit doigt potelé le petit cupcake coloré. Affreusement chimique. Nous n’étions que toutes les deux, il n’y avait pas encore Debussy, ni Chopin. Elle n’avait pas encore sa passion pour les insectes. Mais elle riait. Son rire était si beau, tu comprends ? Ma petite reine. Je suis donc entrée pour lui acheter le cupcake. Je n’avais pas d’argent à l’époque. Je travaillais les week-end et la semaine, j’avais mes cours. Je me suis baissée pour lui tendre mais elle me l’a remis en main. « Anniv’saire. » La boulangère nous a tendu une bougie et je l’ai soufflé. Depuis ce jour, ce tout petit cupcake me rappelle que pour une personne, enfin deux avec Jacob, je ne suis plus la petite fille invisible. Que je compte au moins pour mes enfants. Et tu le sauras quand tu en auras un jour. Je veux que ton anniversaire soit spécial cette année pour que tu vois qu’à mes yeux, t’es pas invisible. Mais c’est une autre histoire. En tout cas, tu connais tout de la petite tradition du cupcake. Je sais, c’est ridicule. mais nous n’avions que ça à l’époque. Et comme tout le monde oublie. Tout le monde m’oublie à part eux, je garde ce petit cupcake pour me souvenir que j’existe. Au moins pour deux petites personnes. Et que je suis désirée. Mais ça, pareil, c’est une autre histoire.
La réalité reprit son court alors que je lui ôtais l’écouteur de l’oreille pour venir glisser le mp3 dans ma poche. Mes yeux ne quittaient pas les siens alors que je baissais la tête pour venir souffler le cupcake. Je n’avais pas répondu à sa question. D’un geste, je fis signe à ma fille de nous rejoindre, vacillant sous le lourd poids du tableau. Je le tendis à Ezechiel. Je fronçai les sourcils. Puis d’un geste, je le montrai sur la peinture, entouré par les enfants. Mon absence était notable. Les chiens comme il me l’avait demandé une fois, les enfants, lui. Mais pas moi. « Deux mois. A peindre environ trois heures tous les soirs. Soit 180 heures, soit 10 800 minutes, soit… » Ma voix fut interrompue par Lisa qui tapa du pied avant de soupirer. Puis elle décampa pour aller rejoindre son frère. « J’offre jamais de cadeaux. Je les fabrique. Comme ça. Comme ça. » Je lui montrai le MP3 où il y avait les enregistrements. « Je veux pas que tu m’en fasses. Je veux juste que… » Je levai un peu les yeux alors que des larmes continuaient de s’échapper malgré moi. « je voulais que tu me voies. Que toi t’oublies pas. Je sais pas c’que tu me caches. Mais je voulais que tu me voies et tu m’as pas vu. » Après tout, ne lui avais-je pas dit que je saurai aimé pour deux ? « C’est pas grave si tu m’aimes pas, mais je veux pas être invisible pour toi. Pour les autres encore, j’eus un haussement d’épaules, mais pas pour toi. » Ma main se posa sur sa silhouette massive que j’avais dessiné de dos. Avec les détails d’une chemise trop souvent portée. « Moi, je te vois. » Je n’osai soutenir son regard, incapable d’y faire face et d’y lire quoique ce soit. « C'est pas grave. ça va passer. Je fais cette crise tous les ans. C’est juste que ça m’a rappelé mon existence insignifiante à part celle de mettre deux beaux enfants au monde. Ça va passer et on va pouvoir y aller. » J’ai juste besoin de digérer la lame de rasoir. Ou je ne sais quoi. Comme pour essayer de l’apaiser. Car dans le fond, ses sentiments comptent plus que les miens, je me baisse pour venir déposer un baiser sur sa mâchoire. N’osant aller plus loin. Me montrer plus expressive pour la première fois depuis que nous étions ensembles. N’ayant jamais fait preuve de pudeur en sa présence. Et le fait que j’en manifeste autant ne voulait dire qu’une seule chose… J’avais besoin qu’il me rassure, qu’il esquisse un mouvement même le plus infime sur le fait que je ne me faisais pas des idées. Et que je me trompais allégrement. Même si le monstre veillerait à ce que je pense toujours le pire, perfide et omniprésent.
Il s'en mordait déjà les doigts dans les grandes largeurs: ce n'était qu'un simple oubli pourtant, rien de très grave sur le papier mais Zeke ne connaissait pas encore le conséquences de telles affaires sur une relation. Le pauvre n'avait pas l'expérience car il avait toujours été seul puis, il fallait le dire, il s'y complaisait grandement. Rien à penser, juste à sa ferme, les soucis de son frère et de sa famille en général, rien d'autre ne semblait avoir d'importance. Là, néanmoins, sa vie avait pris une toute nouvelle envergure le jour où il avait laissé Eve et toute sa petite bande prendre une place singulière dans ce qu'il était, ce qu'il faisait, ce qu'il allait devenir. Ezechiel n'avait pas pris le temps d'anticiper ce genre de réactions si jamais il fautait, non il n'avait jamais pensé à rien d'autre qu'à sa petite personne, qu'au mal qu'il pourrait ressentir, lui, si on le laissait de côté. Cette fois, au moins, il était l'égoïste suprême et par conséquent, l'homme le plus détestable de cette planète. Blythe ne savait clairement pas comment il allait bien pouvoir réparer le tort causé: il n'avait jamais été dans cette situation, ce n'était même pas la peine de le préciser, Zimmer devait l'avoir bien noté dans un coin de son crâne. Cependant, est-ce que de se le dire blessait moins? Sûrement pas, Zeke aurait dû le savoir, le comprendre et l'accepter. Il n'avait donc pas les mots pour faire taire les pleurs chez la petite blonde, il la laissa donc lui poser des écouteurs dans chaque oreille, prenant le temps de fermer les yeux pour laisser les mots prendre part au fond de lui. Oui, elle avait même fait cet effort-là parce qu'il ne savait pas lire et qu'au lieu de se moquer comme tant d'autres, Eve avait mis du coeur à la tâche, se perdant dans des minutes d'enregistrement pour qu'il comprenne bien l'importance que chaque anniversaire pouvait avoir à ses yeux. Elle avait ses expérience, il le constatait bel et bien en entendant ce récit de Lisa et elle, le début d'une tradition qu se perpétuait chaque jour mais que cette fois précisément, il avait gâché. "J'aurais dû t'en acheter un, moi. Pas l'inverse." Tant d'actes manqués, tant de mal qui irradiait tout son être maintenant qu'Ezechiel captait toutes ses fautes et il ne se le pardonnerait pas de sitôt. Encore quelque chose qu'il ratait, après les nombreux épisodes avec son frère, voilà qu'il était le petit ami le plus lamentable de l'histoire. Eve devait le détester, oui, elle en avait tous les droits alors qu'elle ouvrait la bouche de nouveau, exprimant encore et toujours toute sa déception. Zeke, lui, était muet comme une tombe un long moment, incapable de trouver les bons mots comme à l'accoutumée. Il ne pouvait parler qu'avec les yeux, exprimer tous ses remords dans ce simple geste de venir soulever le menton de Zimmer pour qu'elle croise ce fichu regard aussi détruit que le sien. "J'ai oublié parce que je suis un abruti, Eve. Que je sais déjà pas lire alors comprendre un calendrier, je dois pas savoir faire non plus." Bien entendu, il n'avait pas de téléphone ni de carnet puisqu'il évitait tout ce qui se rapportait de près ou de loin à la lecture ou l'écriture, quelle honte il constituait. "Je t'avais quand même fait un cadeau. Mais je l'ai pas fini." Nul jusqu'au bout. Même pas apte de rendre quelque chose en temps et en heure, misérable ver de terre qu'il était. "T'es pas invisible. Au contraire. Je suis juste perdu dans mes conneries et... Je vais pas me pardonner pour ça, crois moi." D'avoir tout fait exploser, d'avoir gâché leur week end, d'avoir brisé le coeur d'Eve. "Tu veux que je m'en aille?" Ce serait sûrement mieux pour elle que de supporter sa face après tout ce qu'il venait de manquer. La chance de sa vie d'être un meilleur homme, pas pour cette fois apparemment.
Dans le fond, je savais que je ne lui en voulais pas vraiment. C’était juste que je pensais qu’il serait différent des autres. Mais tout le monde n’est pas à mettre dans le même panier. A vrai dire, j’avais mes amis qui ne m’oubliaient pas. Comme Caleb, comme Irina. Zeke ne pouvait pas savoir que je réagirai ainsi, que je ferai une crise devant lui. Et le monstre se fait plus vivace, me susurre des mots difficiles à entendre, des mots que je connais déjà. Je ne suis qu’une sombre folle, une névrosée qui veut désespérée attirer la lumière sur elle. Pendant des années, j’ai veillé à être invisible. J’ai tout fait pour qu’on ne me remarque pas. et depuis quelques semaines, je voulais qu’on me voit plus brillante que jamais. Je faisais attention à mon alimentation, j’essayai de dormir un peu plus. Pour lui. Pour eux. Parce que mes enfants méritaient que j’aille bien et Zeke méritait tellement plus. Au gré des conversations avec sa mère, de recherches faites sur internet, j’avais réussi à comprendre comment fonctionnait la dyslexie. Que la façon oralisée était la plus douce des manières et donc j’ai fait les brocantes. J’aurai pu lui acheter un téléphone portable mais il fallait lire pour se servir d’un tel engin. Quoiqu’avec l’assistant vocal, nous n’en avions plus réellement besoin avec les alarmes et Siri qui s’amusait à nous raconter sa vie dès qu’on disait la fameuse phrase. Seulement, à force de côtoyer le grand brun, je savais qu’il fallait y aller step by step comme disaient les australiens. Donc j’ai commencé avec des mémos. Et d’autres supports plus ludiques pour la chasse au trésor en binôme avec Lisa. Alors que je lui glissai l’écouteur dans les oreilles, j’examinai les traits de son visage alors qu’il demeurait les yeux fermés, l’air si calme. Si je n’étais pas aussi triste, folle à lier, je pense que j’aurai pu dessiner ses traits tant je captai sa beauté par sa position. Le récit s’acheva de lui-même et je rangeai le petit appareil dans la poche de cette salopette trois fois trop grand. "J'aurais dû t'en acheter un, moi. Pas l'inverse." Comme si le poids du monde était trop lourd à porter, j’en vins à incliner la tête alors qu’une grosse larme roula sur mes joues. Pour simple réponse, il n’eut droit qu’à un haussement d’épaules. Car après tout, que pourrais-je dire ? Il ne pouvait pas savoir pour le cupcake, ni pour la couronne, ni même pour les fêtes foraines. Je pris soin de lui montrer l’appareil rose bonbon, consciente que les iPod étaient devenus plus rares avec l’ère du smartphone. « T’as tout là-dessus. Mon… mon… mon… » Je ne bégaie que quand je suis gênée. Frustrée, je serrai le poing pour me rappeler ce que m’avait dit mon orthophoniste avant de venir prendre une profonde inspiration. Sujet, verbe, complément, intonation. Sujet, verbe, complément, intonation. « M… m.. mon hi… hi… histoire. » Putain de merde. C’est qu’elle était violente celle-ci. Je ne saurai m’exprimer avec des mots convenablement. « Tarée. Et… et… et co… co… combien je… je… je ssss…. Suis tarée. » Mon TDA expliqué en règles, ma souffrance face à mon incompréhension. Le bégaiement. La timidité. Ce besoin de vouloir s’effacer. Et la pire maladie d’entre toutes. L’anorexie mentale. Le fait que je ne voulais pas manger car je souhaitais disparaitre et devenir invisible. Je le laissais mettre ses doigts sous mon menton délicat sans oser croiser son regard. J’avais honte. Oui, c’est ça. J’avais honte de m’être conduite comme une gamine égoïste, égocentrique en face de lui. De vouloir faire de ce jour le mien. "J'ai oublié parce que je suis un abruti, Eve. Que je sais déjà pas lire alors comprendre un calendrier, je dois pas savoir faire non plus." Je fronçai les sourcils. Je lui avais dit pourtant. Plus d’une fois. La date encore et encore, le jour. Un vendredi. Ce vendredi. Je secouai donc la tête à la négative alors que ma petite main se posa sur sa joue avec tendresse. Je n’aimais pas qu’il se déprécie de la sorte. « Tu… tu… » De nouveau, je poussais un grognement alors qu’une larme solitaire roula sur ma joue. « tu n’es… n’es… n’es pas un a… a… abruti. » On va s’arrêter là, hein. Parce que le restant serait aussi laborieux. Et pour une fois, il serait celui doué de paroles et pas moi. "Je t'avais quand même fait un cadeau. Mais je l'ai pas fini." De nouveau, j’eus un haussement d’épaules. Il me l’avait dit que les anniversaires c’était pas son truc. « On… on… » Respire. Je pris une profonde inspiration alors que ma main dériva de son visage vers son poignet pour venir le serrer, essayant de me caler sur sa pulsation cardiaque. "T'es pas invisible. Au contraire. Je suis juste perdu dans mes conneries et... Je vais pas me pardonner pour ça, crois moi." J’inclinai doucement la tête sur le côté alors que les enfants continuaient de jouer dans leur coin. Comprenant que nous avions ce qu’ils appelaient : une discussion de grands. Je déglutis alors pour quitter son regard d’un instant, regardant mes pieds. "Tu veux que je m'en aille?" Je redressai vivement la tête pour le regarder, dans la totale incompréhension. De nouveau, je fis un petit pas en avant de venir prendre le cupcake d’entre ses doigts. « Jamais.» J’avais dit ceci avec plus de sincérité qu’il n’en aurait fallu. Après tout, ce n’était pas si grave en soi mais ma diction ne me permettrait pas de lui confier ceci. « C… c… c’est p… p… pas grave. » Et ça ne l’était pas. La crise, je l’aurai faite dans tous les cas. Sauf que je l’aurai faite seule. Alors, comme pour lui faire comprendre la chose, je pris le petit cupcake entre mes doigts avant de venir sortir mon briquet du fond de ma poche. Doucement, j’allumai la mèche déjà noircie précédemment avant de la souffler. « Le cupcake. Quand… quand tu le verras… tu sauras. » Il serait sans doute un point d’ancre pour lui terminer une date. « Je… » Mes yeux se contentèrent d’observer la flamme vacillante au gré de la petite brise qu’il y avait autour de nous. « Je le laisserai sur la table de la cuisine, un jour avant. Et tu sauras. » Mes doigts vacants se nouèrent aux siens alors que je le portai à hauteur de nos visages. « Souffle-le avec moi. C’est ton weekend d’anniversaire, celui de Lisa aussi. Pas le mien. » Je lui adressai un petit sourire, comme pour essayer de le convaincre, plongeant mon regard océanique dans le sien alors que mes lippes se retroussèrent de plus belles, l’invitant à le faire avec moi d’un hochement de tête. Car dans le fond, ce n’était pas si grave. Mes lèvres ne l’articulèrent pas. Mais mes yeux le hurlaient. Que j’étais désespérément amoureuse de lui et que ce n’était pas pour une si petite erreur que j’allais lui demander de partir. Il s’agissait de notre première erreur et sans doute pas de la dernière. Comme pour le rassurer, je laissais mes lèvres venir effleurer les siennes, sans lui laisser le baiser. Il me le donnera de lui-même. S’il en avait envie bien entendu.
Ils étaient radicalement différents, un fait indéniable et dont Zeke avait pris compte dès les premiers instants. Eve était toujours à fleur de peau, lui taisait constamment toutes ses émotions, incapable d'en exprimer une seule autrement que dans des sculptures diverses et variées. Elle parlait, il ne disait rien, ou presque. Avaient-ils ne serait-ce qu'un point commun? L'amour de la simplicité peut être, l'art aussi, dans ses envergures les plus larges et surtout, ils s'appréciaient mutuellement. Il n'y avait là aucun jugement parce qu'ils avaient su accepter ce qui les séparait pour construire quelque chose en commun, dans une bulle qui n'était qu'à eux, toujours loin de tout mais pas totalement hors du monde pour autant. En effet, il y avait les enfants, leur besoin de se faire une place dans l'univers, l'élément où Ezechiel avait grandement échoué durant sa propre enfance mais il ne tenait pas à ce que les Zimmer passent par les mêmes étapes de désillusion. Non, ils devaient faire mieux que lui et pour cela, ils avaient besoin de l'aide intemporelle de leur mère. C'aurait pu être merveilleux, oui, mais Ezechiel l'avait mise à terre justement et les enfants ne pouvaient rien faire d'autre qu'attendre patiemment qu'il agisse afin de réparer ce qu'il venait de briser par une omission regrettable. Il y avait un peu de nervosité en s'accroupissant devant elle, relâchant les écouteurs pour retrouver les bruits des oiseaux et autres animaux qui passaient toujours de bons moment autour de la forêt. Regarder Eve en face, l'écouter et attendre peut être un signe du destin pour trouver les mot qui apaiseraient la peine causée... Rien. Il n'était pas doué pour cela, entre autres choses, et à l'intérieur, Ezechiel se flagellait ardemment, incapable jusqu'au bout de paraître humain ou bien simplement sensible. "T'es pas tarée." Son air était devenu encore plus sérieux, relativement inflexible, pour lui montrer à nouveau à quel point il pouvait abhorrer qu'elle use de ce genre de termes, autant devant lui que loin de lui. Il était clairement temps qu'Eve fixe son problème d'image, pas envers les autres, non, car elle ne devait rien à personne mais envers elle-même. Bien sûr, Zeke n'irait pas lui dire cela en utilisant ces termes, surtout qu'il était très mal placé vu la piètre opinion qu'il pouvait avoir de ce qu'il était... La preuve avec les mots qu'il utilisa à son tour. Eve n'était pas spécialement d'accord à son tour mais il ne réagit pas. L'urgence était de la calmer, pas de parlementer autour de leur caractère respectif. Il ne put que la laisser attraper son poignet, geste désespéré pour retrouver le contact avec la réalité. Blythe ne savait pas si le stratagème fonctionnait réellement mais il sentit, en tout cas, que la blonde paraissait plus cohérente au moment d'exposer le cupcake face à ses yeux ambrés. Il souffla sur l'unique bougie, hochant la tête face à cette proposition car il était évident que Zeke n'y penserait pas tout seul, son cerveau n'était juste pas calibré pour maîtriser le temps. "C'était le tien juste avant nous." Il ne fallait pas qu'elle s'oublie dans l'affaire alors qu'il était question de quelques jours, tout au plus. Ses lèvres vinrent se presser délicatement sur les siennes, l'affaire de quelques précieuses secondes avant qu'Ezechiel ne retrouve sa position debout, tendant la main vers la petite silhouette blonde. "Toujours prête pour ce week-end? Les enfants ont l'air impatients." En effet, ils couraient dans tous les sens en attendant que les adultes se taisent pour revenir vers eux. Zeke, lui, était prêt, même s'il continuait de se maudire intérieurement, il le ferait tout le long du voyage. Naturellement.
Je ne saurai expliquer à Ezechiel que de toute façon, je l’aurai faite quand même. Encore une fois, tout le fonctionnement de mes crises étaient expliquées sur le petit iPod. Quand j’ai dit que j’ai mis des heures, j’ai vraiment pris mon temps. Je voulais faire les choses biens. Mais à mon avis, je ne devrais même pas être étonnée qu’il ait oublié. Tout le monde finit par le faire. Ma vie a déjà mal commencé ce jour-là, pourquoi en serait-il autrement vingt-sept ans plus tard ? Je ne sais pas trop, j’aurai aimé qu’il soit différent. Mais il l’était de bien d’autres manières. Devrais-je lui tenir rigueur de son oubli ? Ce n’était rien dans le fond. Mais une fois que le monstre est réveillé, il est quasi presque impossible de le faire sortir. Il mettait des heures et des heures à se calmer. J’essaie cependant de ne pas le montrer devant les enfants même si Lisa n’est pas dupe. Cette gamine est plus perspicace que moi. Preuve en est qu’elle a sommé de par son petit caractère de merde, Zeke de venir réparer ses conneries. Il n’y était pour rien. C’était moi la fautive. "T'es pas tarée." J’osai lever vers lui, un regard sans doute trop blessé pour être conciliant. Bien sûr que si, je suis tarée ? Je le sais sinon je ne ferai pas de thérapie, je n’aurai pas d’antidépresseurs, je ne ferai pas de crises à tout bout de champ. Et je n’aurai pas eu ce besoin de m’isoler pendant presque trois ans, par peur du monde. Je choisis cependant de ne pas lui expliquer tout ceci parce que cela ne servirait à rien. Et encore une fois, tout est mis l’iPod. J’avais pris soin de ne pas mettre de mots, juste des smileys. Un nombre conséquent selon les chapitres. J’ai eu l’idée en écoutant un audiolib pour me calmer après une angoisse particulièrement redoutable. Dans ce grand lit qui demeurait vide. Je me suis dit que lui expliquer de manière sonore sans que je sois là serait une bonne idée. J’ai donc réfléchi à la meilleure façon de le faire. Histoire de rendre tout ludique et pas seulement triste. De même que je comptais filmer chaque instant -après ceci- pour qu’il garde un souvenir de ce moment. Même si notre histoire ne durerait sans doute pas puisqu’il prendrait la fuite quand il se rendrait compte de la malédiction et de la présence d’un monstre au fond de moi. Visualiser ses angoisses et leur donner un nom. Je ne sais pas s’il s’agit là d’un trait de génie ou bien d’une folie ? Je ne saurai dire alors que ma main reste sur son poignet alors qu’il souffle le cupcake. Un petit sourire passe sur mes lèvres alors que je rentre la tête dans mes épaules. "C'était le tien juste avant nous." Je demeurai grave alors que je dodelinai un peu de la tête. « Et on est censé fêter quoi au juste ? Demandai-je d’une voix éraillée. Le fait que ce jour-là doit me rappeler mon abandon ? Que mes propres parents n’ont pas voulu de moi ou ne m’ont pas jugé digne d’intérêt. » Je levai les épaules comme pour signifier que cela n’avait pas d’importance. « Je suis vraiment venue au monde le 20 septembre 2013. Avant, c’était rien. Et ça l’est toujours d’ailleurs. » J’avais sorti cette tirade avec un certaine pessimisme qui ne me ressemblait pas car j’essayai toujours de voir le verre d’eau à moitié plein. Zeke avait une famille, il ne pourrait jamais réellement comprendre ce que ce jour maudit représentait à mes yeux. et je ne lui demanderai pas. Je lui rends son baiser très furtif avant d’aviser sa main. "Toujours prête pour ce week-end? Les enfants ont l'air impatients. Je fixe le tableau qui est resté au sol. Je prends donc cette main tendue pour glisser la mienne. Doucement, j’amène mon corps contre le sien. Mes petits bras passent autour de lui et je tente de calmer ma respiration. « On… on… on doit aller… je dois donner son cadeau à Lisa. » Je m’écartais doucement, baissant la tête, chassant mes larmes. « C’est moi qui suis bête. Je t’ai trouvé distant et j’ai cru que tu… que tu voulais plus de moi. » Je me baisse donc pour venir ramasser le tableau et souffler dessus. Je l’inspectai. « Tu le mettras où tu veux. Oh et… » Je fouillai dans ma poche pour sortir le petit baladeur. « Je t’expliquerai le fonctionnement car dans la voiture tu dois pas entendre où on va ni même le voir. C’est une surprise. Finalement, mon mois de mise à pied m’a été utile. » Je lui fis un petit sourire enfantin. Comme j’en avais l’habitude avant de glisser mes doigts dans les siens, une tendresse non feinte et l’emmener près de l’imposante serre. Enfin elle fait deux mètres de haut quoi. Donc pour moi, elle paraît géante. « C’est du polycarbonate, soufflai-je à Zeke, on l’a monté avec mon meilleur ami. Je voulais pas t'embêter. LISA TU PEUX VENIR S’IL TE PLAIT. » Je me calais contre mon géant de marbre avant de venir poser ma tête contre son bras, les yeux perdus dans le vague. Tentant de me rassurer en interne, il n’allait pas partir. Non, il n’allait pas faire comme les autres. Zeke était différent. Oui, c’est ça. Il était unique.
Il n’aimait pas cela, qu’elle se trouve aussi insignifiante, quand elle constituait un univers tout entier pour les personnes qui faisaient partie de son entourage. Voir la vie tout en noir, ce n’était définitivement pas quelque chose que Zeke cautionnait de son côté parce qu’il avait toujours décidé d’être un réaliste, plutôt qu’un pessimiste. Cette fois, néanmoins, il était le seul et unique responsable du mal-être de la jolie Eve et les mots qu’il entendait n’étaient présents que parce qu’il avait fauté, homme au rabais, petit ami plus médiocre qu’un autre, à croire qu’il ne saurait jamais se comporter décemment en société. Ezechiel aurait dû enregistrer l’information dans son cerveau, oui, il aurait dû car il s’agissait du jour de la naissance de celle qui partageait sa vie depuis bien des semaines mais il y avait un fait à ne pas oublier sur lui malgré tout: son trouble entraînait des oublis importants. Outre les difficultés de déchiffrage, il avait bien du mal à gérer le temps. Les jours qui passaient, Blythe s’en rendait compte mais il n’était vraiment jamais en mesure de dire ce qui viendrait le lendemain, pas plus qu’il ne connaissait le nom du jour de la ville. Tout ceci constituait un lot de notions abstraites qui le perdaient et c’était ce qui lui était arrivé au moment de fêter l’anniversaire de Zimmer. Il s’était détaché de toute réalité, se laissant happer par les problèmes inhérents à sa propre vie, que ce fut les problèmes financiers de la ferme ou bien les soucis de justice de son frère, Blythe avait de quoi faire en la matière. Alors, il avait mis de côté les choses importantes, cette nouvelle relation qu’il aurait dû chérir plus avant parce qu’il était un homme plutôt romantique et sensible derrière ses airs de garçon impénétrable. Oui, il avait failli et oui, il l’avouait sans aucune honte parce qu’il avait toujours été honnête avant toute chose, c’était une promesse qu’il s’était faite alors qu’il n’était encore qu’un enfant, prendre garde au moindre mensonge, ne pas se laisser entraîner dans de mauvais comportements et pour ainsi dire, ne pas se chercher la moindre excuse. Zeke n’en avait aucune qui comptait réellement, tout ceci n’était rien à côté du chagrin qu’il avait créé chez Eve, une Eve qui voyait le mal partout et qui se donnait l’air de n’être plus qu’une ombre pour le monde autour d’elle. ”Arrête de parler comme ça.” Un point, c’était tout. Elle n’avait pas le droit de minimiser sa présence dans ce monde, pas alors qu’elle avait eu deux enfants merveilleux et qu’un certain nombre de personnes avaient besoin d’elle dans leur vie. Zeke en faisait partie, malgré ses maladresses. Il l’aida à se relever délicatement, toujours aussi doux quand la situation le nécessitait parce qu’il ne voulait pas la blesser qu’il ne l’avait déjà fait ce jour-là. ”Si je parais contrarié, ça n’a rien à voir avec toi, ou nous deux, d’accord?” La rassurer encore et toujours avec de piètres mots mais que pouvait-il ajouter en réalité? Bien vite, il se retrouva face à l’offrande d’Eve, ses yeux pétillant d’une gratitude extraordinaire parce qu’il n’avait clairement pas mériter ce cadeau. Une toile pareille méritait d’être exposée dans une galerie avec une belle réputation, pas de se trouver entre les mains d’un fermier mais il était ému, c’était une évidence qu’il ne tut pas en offrant un joli sourire à l’allemande. ”Merci.” Rien d’autre parce qu’il portait son regard vers la construction qu’Eve lui avait caché, hochant bien vite la tête face à ses explications. Il avait clairement été absent, n’est-ce pas? Encore une bonne dose de culpabilité supplémentaire qu’il terra au plus profond de lui-même parce qu’Eve était collée à lui, que Lisa accourait pour son cadeau et qu’Ezechiel ne voulait pas gâcher un moment aussi tendre et important, il en avait déjà trop fait pour le week end entier. ”Tu m’aurais pas embêté, mais ça rend bien.” La petite fille s’approcha et Zeke se fit tout petit (si c’était possible avec une telle carcasse), c’était son moment, pas le sien et le grand homme avait juste envie de s’enfoncer six pieds sous terre, s’écartant de la petite famille un moment, faisant semblant d’aller chercher quelques affaires, un beau prétexte pour se perdre au milieu du salon familial des Blythe et refermer le dossier de son frère, conservant celui des finances de la ferme dans son sac à dos avec le magnétophone laissé par sa mère pour l’aider à déchiffrer toutes ces affaires. Il put sortir dehors en espérant qu’il ne couperait pas un merveilleux moment, sentant que sa vie toute entière lui échappait soudainement. Et s’il n’était plus à sa place ici? Maintenant?
J’étais trop sensible. L’éternel boulet qu’on trainait derrière soi. J’ai mis des années avant d’apprendre à faire confiance aux gens au niveau amical. A l’école, on ne se moquait pas de moi à cause de mon physique mais parce que je ne possédais pas de famille. Des parents. Je n’ai jamais été jalouse pour la simple et bonne raison que cela gangrène le cœur. Mais il demeurait pincé quand je voyais les autres souffler leurs bougies en compagnie de parents ébahis. J’aurai aimé que ce jour soit spécial mais non, le 18 septembre demeurerait un jour comme les autres. Un vendredi matin où je me suis levée sans me sentir réellement différente. Où j’ai mis mes habits de travail par réflexe, où je n’ai pas pris le temps de me maquiller, où mes enfants sont allés à l’école avant que je n’aille les chercher pour aller à ma grange. Ma peine ne reposait pas tant sur le fait que Zeke ait oublié mais sur le fait que pendant une fraction de seconde, j’ai cru que cela serait un jour différent. Mais la réalité était tout autre. Que pourrions-nous bien fêter ? Mon abandon ? Ma venue au monde ? Ridicule. Personne n’a jamais voulu de moi et je n’ai jamais réussi à construire de famille. Certes, j’avais les enfants mais c’était mon rôle de faire des gâteaux et de sourire, de m’émerveiller parce qu’ils déchiraient des cadeaux. Pour moi, ce luxe ne sera jamais mis en avant. Je ne serai jamais spéciale aux yeux des autres. Comme si Zeke lut dans mes pensées, sans doute étais-je un miroir ouvert, il prit le temps de me rappeler à l’ordre. ”Arrête de parler comme ça.” Il savait bien que cela ne serait pas le cas. Pour cause qu’il avait agi exactement comme tout le monde. Alors, je fermai la bouche pour me terrer dans un mutisme qui ne me ressemblait pas à nouveau. je pense que si nous étions dans un cartoon, je me serai à coups sûrs trouvée toute petite devant un géant. Ainsi allait le monde, j’étais gommée de cette existence et je ne reposai qu’à mon rôle de maman. Une mère. Je n’étais pas une femme, je n’étais pas une petite-amie, je n’étais qu’une mère. Et à cet instant précis, j’aurai aimé dire que cela me suffisait mais pas réellement. J’aurai pensé que cette année serait différente mais elle suivait le même cheminement. Sans doute aurai-je dû aller à la fête foraine finalement plutôt que de bousculer mes plans ? Ce week-end était-il une si mauvaise idée ? Je le laissais me relever, toujours absente pour venir me coller contre lui. D’ordinaire, sa chaleur aurait pu m’apaiser mais c’était différent. Je fermais néanmoins les yeux pour calmer les tressautements de mon palpitant bien traitre. ”Si je parais contrarié, ça n’a rien à voir avec toi, ou nous deux, d’accord?” Je me contentai de hocher la tête. Mes mots me brûlèrent les lèvres et je voulus ouvrir la bouche pour dire quelque chose mais je la refermais aussitôt. Je lui tendis la toile, gênée, guettant une quelconque réaction. Je pus saisir son œillade émue avant de lui faire un sourire. « Ce n’est pas grand-chose, répondis-je dans un haussement d’épaules, le… le reste du week-end est… enfin c’est mieux. » Si tu veux toujours venir, largement insinuée. Je déglutis pour aller jusqu’à l’imposante serre que nous avions construit. Tu m’aurais pas embêté, mais ça rend bien.” Bien sûr que si. A la place, je lui fis un petit sourire avant de venir caresser sa joue du bout de mes doigts avec tendresse. Je laissais Lisa venir jusqu'à nous, en sautillant avant de hurler de joie face à l'imposante serre. Je laissais à contrecoeur Zeke partir chercher quelques affaires avant de suivre les enfants dans la petite structure que nous avions faite. "Je pourrais avoir un lézard ?" J'eus un petit rire avant de m'asseoir par terre pour les regarder tout scruter avec émerveillement. "On t'a fait un cadeau, murmura mon ainée en revenant vers moi." Je la laissais donc s'approcher avant de me tendre un paquet bien emballé. On remerciera Ivana plus tard. Je déchirai l'emballage avant de regarder le cadre de nous trois, photo prise l'année dernière. J'eus un petit rire en constatant le rajout collé de Zeke. Puis la blondinette partit vers le géant qui était revenu avant de lui tendre un cadeau elle aussi. "Toi aussi t'as un cadeau. Et merci pour la couronne. Maman m'a racontée mais je t'aimerai seulement si tu me trouves un lézard." Oh ce chantage qui m'arracha un éclat de rire. Sans doute avait-il le même cadre que moi mais avec une photo différente. "On a pris une photo de nous tous à la ferme. Après tout tu fais parti de la..." Jacob s'approcha de moi. "fa'ille." Oui, ou famille en langage Jacob. "Bon on y va ? On a fait un gâteau avec mamie pour ce soir." Forcément. Je me relevai pour venir à hauteur du géant et planter mon regard dans le sien. Doucement, je me mis sur la pointe des pieds avant de venir porter sa large main à mes lèvres avant de la glisser dans mon cou pour le laisser attraper la fine chaîne où la statuette trônait fièrement au bout. "C'est mon totem. Contre le monstre." Je mordillai la lèvre inférieure avant de regarder mes pieds. "Barjo et collante. On fera pas pire comme petite-amie nan ?" J'eus un petit rire avant de rappeler les chiens pour embarquer dans ma petite voiture. Trop petite pour tout le monde à bien y réfléchir. Et merde.
Faire preuve d’optimisme, c’était certainement le seul trait de caractère qu’il avait dû conserver pour se sortir de la tourmente. Le passé d’Ezechiel n’était pas plus enviable qu’un autre, bien au contraire parce qu’il n’avait vécu que dans la solitude, douce ironie pour un homme qui prenait tant de place. Physiquement, certes, c’était le cas mais Blythe n’avait pas de réelle existence en dehors de cela, il n’était qu’un corps, pas une voix, encore moins une âme. Non, il n’avait pas grand chose pour lui et c’était ce qui avait sûrement justifié pour lui qu’il avait passé tout le début de sa vie sans être d’un intérêt pour quiconque. Il avait eu quelques camarades de classe, des voisins proches de la ferme qui étaient devenus des amis avant de rejoindre la grande ville qu’était Brisbane mais en dehors des évidences géographiques, qu’avait-il obtenu? Absolument rien, Zeke était resté dans son coin de terre, sans chercher à voyager, pas plus à rencontrer d’autres âmes vivantes, une tristesse assurément, un sacré drame pour être honnête. Puis, il avait aperçu Eve au beau milieu de ce refuge, femme à terre face à la cruauté du reste de l’univers, le grand homme en avait sûrement été ébloui parce qu’elle était aussi douce que fragile, un genre de personnes que le fermier n’avait pas croisé depuis un long moment. Il avait beaucoup plus l’habitude des mauvais traitements de ses congénères, les moqueries, les insultes, les coups, rien qui ne semblait viable et agréable. Elle ne faisait pas partie de cette catégorie d’individus, Zimmer était clairement comme lui, une victime idéale parce qu’elle était réservée, qu’elle se contentait d’une place minuscule au sein de ce monde sans jamais chercher à grappiller plus d’espace que nécessaire. Quelque part, c’était ce qui les avait rapproché, malgré leurs différences de caractère, ce point de vue restait identique. Alors, il était simple pour Ezechiel de laisser les mots rappeler à Eve qu’elle n’était pas rien, qu’elle avait tout à fait le droit d’être triste que des gens ne demeurent pas à la hauteur de tout ce qu’elle avait à proposer. Lui n’avait pas été à la hauteur en tout cas et il ne pourrait jamais arranger ce joli moment, forcé de revivre dans ses souvenirs les larmes et la crise de la blonde jusqu’à la fin de ses jours. Il s’y ferait, Zeke vivait depuis des décennies avec les peines qui s’étaient accumulées, même si jusque là, aucune d’elles n’était de son fait. Il fallait un début à tout et cette fois, c’était lui qui avait été le bourreau. ”Au contraire, c’est beaucoup de travail.” Elle était une artiste et elle le prouvait à nouveau, dans ce cliché extraordinaire d’une famille tout aussi unique. Ezechiel en souriait avant de s’éclipser pour regrouper le peu d’affaires qu’il avait pu trouver sur son chemin. Il ne savait pas où ce week end les mènerait mais il y aurait probablement de bien beaux moments, en témoigna la réaction sans équivoque de Lisa dès lors qu’il retourna près du reste du groupe. ”Tu sais que j’en ai plein dans ma grange?” C’était la cachette des lézards de la région apparemment et Ezechiel les laissait évoluer en paix, attrapant la photographie sans se départir de son sourire, gai luron de première catégorie maintenant que la tempête semblait passer. Il laissa Eve attraper sa main, le guider vers la figurine qu’il avait sculpté de ses dix doigts, clairement heureux de constater qu’elle avait gardé son bibelot, mieux encore qu’il ait pris une place aussi importante dans son apparence. ”J’espère qu’il fonctionnera mieux à l’avenir.” Elle devait se faire confiance, croire qu’elle pouvait diriger ses chagrins et les malmener plutôt que l’inverse, mais c’était une question de travail acharné contre soi-même. ”De nous deux, on a la preuve que c’est moi le plus mauvais, non?” Il avait oublié, il n’avait pas fini son cadeau, il était juste présent, un don bien misérable alors que Zeke installait Jacob dans la voiture, sans avoir grand chose à dire de plus. Habituel avec lui. ”Je vous ferai monter tous à cheval ou à dos de mouton pour me faire pardonner. En revenant.” Pas maintenant, non, puisqu’il s’installait à son tour, n’ayant aucune réelle idée de la destination mais ce n’était pas cela qui comptait franchement, non, c’était le bien joli voyage qui débutait.
Je ne pouvais pas m’empêcher de gesticuler alors que Zeke admirait son cadeau. Oui, j’en avais passé du temps dessus mais j’avais cette tendance à minimiser les choses. Alors, à la place, je me contentai de hausser les épaules à sa réponse tout en regardant mes pieds. Je n’étais pas à l’aise avec la reconnaissance ou les compliments bien que j’en aurai sans doute besoin aujourd’hui. Comme l’avait dit Caleb dans son sms d’anniversaire, c’était mon big day mais je ne voulais pas retourner le couteau dans la plaie concernant Zeke. Le pauvre se sentait déjà suffisamment mal comme ça. Alors, je le regardai s’éloigner son cadeau sous le bras avant de retourner à mes enfants. Lisa gesticulait, piallait dans tous les sens alors que je vins m’asseoir sur le sol rugueux de la serre. Les plantes nous entouraient et elle était encore vide de tout signe de vie. Du moins jusqu’au retour du géant. Je posai un regard dénué d’intérêt sur la photographie que m’avait offert les enfants. A vrai dire, mon esprit était déjà ailleurs puisqu’il était dans la voiture à essayer de revoir mentalement l’itinéraire. Comment allais-je m’y prendre pour faire rentrer tout ce beau monde dans ma Volkswagen de 1968. Cette vieille décapotable en avait connu des vertes et des pas mûres venant sur le continent. Déjà car je conduisais à l’européenne et pas à l’australienne où tout était inversé. Un vrai miracle que Beetle n’ait pas fini dans le décor. Je me levais avec une lenteur qui m’était propre pour retourner près de mon compagnon, un doux sourire sur les lèvres. ”J’espère qu’il fonctionnera mieux à l’avenir.” J’avisai mon pendentif, caressant au passage les doigts du bûcheron avec une tendresse non feinte. « Il n’a pas besoin de fonctionner. » Je me sentis rougir de nouveau, gênée sans aucun doute par l’aveu qui allait suivre. « Vu que tu es là. » Je voulais croire que la crise était désormais loin et que le weekend n’en serait que plus radieux. Les enfants couraient déjà jusqu’à la voiture et je m’autorisai à me tendre un peu. Délicatement mes lèvres trouvèrent la joue du géant. « Il n’y a pas de bon ou de mauvais dans l’histoire. Ce n’est qu’un oubli. » J’avais murmuré ses mots, nouant nos doigts pour aller jusqu’à la voiture. Laissant le soin au géant de s’occuper des enfants pendant que j’appelais les chiens. Les gros avaient l’habitude mais qu’allais-je faire de Mozart ? J’aurai pu laisser les chiens à la grand-mère de Jacob mais je ne voulais pas la gêner outre mesure. ”Je vous ferai monter tous à cheval ou à dos de mouton pour me faire pardonner. En revenant.” Je pris le chiot sous le bras avant d’aller me mettre derrière le siège conducteur, posant le beagle sur les genoux de Zeke. « Tu vas devoir le garder sur toi tout le voyage. Et je suis certaine que tu trouveras comment te faire pardonner. Mais avant… Désolée tu ne dois pas voir ni entendre où nous allons. » je me saisis d’un masque de nuit que je passe autour de sa tête, lui occultant la vue avant de glisser les écouteurs dans les oreilles. Je n’avais pas fait cet iPod dans un but précis mais plusieurs. Dessus, je lui parlais de tout. De ma solitude face à l’orphelinat, de ce que j’avais ressenti durant ma première grossesse. Deux heures(enfn une avec une voiture normale) de route à tuer, cela risquait de prendre un peu de temps.
***
Une fois que Beetle eut passée le contrôle du Springbrook National Park, je me garai devant l’endroit où nous allions dormir, coupant le moteur. « Lisa, caméra. » Mon ainée s’exécuta avant de prendre le petit objet pour qu’on puisse capturer la réaction d’Ezechiel face à la beauté du lieu. Je me penchai pour lui rendre sa liberté avant de choper le chien qui avait semblé étonnamment sage pendant toute la durée du voyage. Nerveuse, je m’accoudai au capot de la voiture, les joues en feu. « J’ai… On va passer le weekend au Springbrook national park. J’ai loué un chalet. Je me suis dit que ça serait… enfin nous ne sommes pas trop loin si jamais il y a un souci, balbutai-je plus écarlate que jamais. » Je baissais les yeux alors que les enfants étaient déjà entrés dans l’endroit où nous allions dormir, suivis par les chiens me laissant seule avec Ezechiel, en attendant sans aucun doute sa réaction.
Il passerait certainement le prochain millénaire à se repentir pour cet oubli mal avisée. C'était du Zeke tout craché de ne pas faire attention aux événements, il n'était même pas réellement au courant quand le jour de son propre anniversaire arrivait alors, pourquoi s'attendre à autre chose qu'à un désert infâme pour celui des autres? Il avait juste envie de creuser sa tombe, là, au fond du sable et n'en ressortir que lorsqu'un millénaire serait passé. Le pauvre homme n'avait pas grand chose à dire ou à faire pour s'excuser dans l'immédiat alors il essaya de se rendre utile en chargeant la voiture et emmenant les enfants jusqu'à leur siège respectif, de quoi laisser Eve se concentrer sur l'aspect pratique de l'itinéraire à venir. De toute évidence, elle ne tenait pas à ce qu'il gère un rôle de copilote quelconque puisque, bien vite, elle s'autorisa à venir lui bander les yeux et lui boucher les oreilles avec son ipod, le grand fermier ne broncha pas, forcément. Il n'aurait pas été à sa place en n'agréant pas aux termes du contrat, il avait déjà bien tiré sur la corde pour les mois à venir alors Blythe ne ferait plus la moindre vague. C'était en tout cas ce qu'il s'était promis, écoutant très attentivement tout le récit que la blonde avait préparé à son encontre. S'il avait su écrire et lire correctement, Zeke aurait assurément pris quelques notes sur un carnet pour se servir de tous ces petit détails dans un avenir plus ou moins proche mais le bûcheron n'allait devoir compter que sur ma mémoire. Le trajet fut assurément rapide pour Ezechiel, lui qui était clairement coupé du monde pendant plus d'une heure, son contact avec la réalité se réduisant au chien prostré sur ses genoux. Durant tout ce temps, le fermier lui avait prodigué quelque caresses réconfortantes car ce séjour jouait forcément sur le naturel avenant des bêtes quand on leur retirait leur zone de confort. Heureusement, Zeke avait un talent certain pour apaiser les animaux, si seulement il en avait été de même avec les humains mais il s'avérait qu'il était très mauvais dans toutes formes de communications avec ses pairs. Le silence, voilà ce qu'il faisait de mieux et il s'y perdit jusqu'à ce qu'on lui retire le bandeau de ses yeux ébène, l'invitant à sortir du véhicule pour découvrir que toute la petite tribu était perdue en plein milieu du parc, pas si loin de Brisbane, finalement. Des hectares à n'en plus finir d'une bien jolie végétation et au milieu de toute cette immensité, un petit chalet qui les attendait. Les yeux de Zeke brillaient face à tant de beauté, il ne se rendit donc pas compte qu'on l'avait pris en photo, il ne faisait jamais très attention à ce genre de détails en règle générale. "C'est parfait. Je pourrais même vous montrer comment allumer un feu." Il pensait forcément au bois en premier parce que Zeke maîtrisait cet art mieux que personne, le seul talent qu'il semblait posséder de manière générale. "Te connaissant, y a pas que ça, hein?" Elle en faisait tellement et lui si peu que Zeke se retrouva à baisser les yeux, excessivement gêné de son attitude atroce du matin même. Il n'allait pas pouvoir continuer à s'excuser durant des heures mais le grand brun l'aurait clairement voulu. "Si tu me laisses deux heures, je peux revenir avec un cadeau digne de ce nom." Pour le pardon, pour prouver qu'elle comptait malgré son aberrante nullité à tenir un calendrier. Pour tout cela, et plus encore.
J’étais assez nerveuse d’emmener Zeke dans la réserve naturelle. Car pendant ma mise à pied, j’avais passé plus de temps dans ma « ferme » ou dans ce parc à m’entretenir avec les guides qu’à me reposer à proprement parler. J’ai toujours été doué pour camoufler ma fatigue ainsi que ma maigreur. Mais depuis mon passage chez le médecin à la suite d’un malaise impromptu, je redoublais d’effort. Certes, j’avais l’impression d’être obèse ayant pris quatre kilos mais la fatigue ne s’amenuisait pas. Il y a encore deux jours, j’avais fait la route avec Beetle et Jacob pour aller voir le parcours de la chasse au trésor. A vrai dire, quand on y pense et qu’on se positionne dans la tête d’un adulte de trente-sept ans, cette entreprise serait sans aucun doute ridicule pour lui. Chasse au trésor, accrobranche avec tyrolienne à l’appui ainsi que balades pour découvrir les cascades et les piscines naturelles. J’avais d’ailleurs choisi ce chalet pour un but bien précis, parce qu’il y avait une piscine naturelle non loin. Et que je savais Jacob à l’aise dans l’eau. Le matin même, Ivana était venue m’aider à charger la voiture, ne cessant de me rappeler que c’était mon weekend à moi aussi. Mais je me contrefichais de ma petite personne. A vrai dire, je me sentais totalement sereine lorsque je verrai le sourire sur les lippes de ma fille et de mon compagnon. Lisa avait eu droit au même traitement que Zeke concernant la surprise. Sauf que pour elle, il s’agissait de chansons que j’avais enregistré pour qu’elle puisse s’endormir sereinement. Jacob lui était toujours calme et babillait à l’encontre de Chopin qui lui répondait de temps à autre. Mais le voyage s’est plutôt bien déroulé et Beetle n’est pas tombée une seule fois en panne. Ma vieille Coccinelle de 1968 qui avait traversé la moitié de la planète dans un cargo. Je l’aimais trop ma voiture, un vrai petit bijou. Une fois garée, je pris la caméra des mains de Lisa pour filmer leurs réactions alors que ma fille demeurait extatique à tout admirer de ses grands yeux bleus, similaires aux miens et que Jacob courait déjà loin devant avec les trois chiens. "C'est parfait. Je pourrais même vous montrer comment allumer un feu." J’eus un petit sourire, dirigeant l’objectif vers lui. Le véritable cadeau en soi était un film que je ferai de ce weekend pour qu’il puisse s’en rappeler. J’ai toujours aimé filmer, photographier, peindre. Immortaliser le monde. « Faire un feu de camp et se raconter des histoires en faisant griller des brochettes ? Vendu. » Je cherchai dans mon programme mentalement pour essayer de caser ça afin que nous puissions la mettre en œuvre. Ce soir, nous avions le repas de princesses. Et je me sentirai d’autant plus ridicule au moment venu mais demain cela pourrait être possible. "Te connaissant, y a pas que ça, hein?" La voix grave de mon compagnon me tira de ma rêverie et me fit redresser la tête. « Je ne vois pas du tout de quoi tu parles, balbutiai-je en rosissant de plus belle, et tu n’auras pas d’infos avant demain matin. » A vrai dire, il allait sans doute avoir du mal à me tirer du lit car je me rendis compte que j’étais épuisée. Mais je n’en montrai rien, n’osant m’approcher de lui. Ce n’était pas par pudeur puisque les enfants étaient dans la maison en train de se battre pour les lits mais parce que je voulais que ça soit lui qui prenne l’initiative. "Si tu me laisses deux heures, je peux revenir avec un cadeau digne de ce nom." Je ne pus m’empêcher de rouler des yeux avant de sautiller d’un pied à l’autre. « Je n’ai pas… bon d’accord. De toute, on a… enfin on doit faire des choses. » Des choses ridicules sans doute. Je lui fis un petit sourire, levant la main pour tenter de caresser sa joue avant de me raviser. « Nein. C’est mon jour aujourd’hui donc c’est à toi de me donner de l’affection et pas l’inverse, rétorquai-je en fronçant le nez. » Battant des cils outre mesure. Je lui glissai un clin d’œil avant de retourner dans la cabane où la ligne de front avait été établi.
***
Les balises avaient été posées pour la chasse au trésor du lendemain alors que je vérifiai toutes mes indications sur l’iPod que j’avais entre les mains. Pour cela soit clair, pour qu’il ne se perde pas même si Lisa aurait le document écrit. Il fallait qu’elle travaille sa lecture J’arrivai près d’une cascade où nous nous retrouverions le lendemain avec Jacob en les attendant. Les chiens seraient de compagnie pour Zeke et Lisa avec leur harnais à Go Pro sur le dos tandis que nous garderions Mozart. « Maman, m’interpella Lisa qui était restée en arrière, faut te transformer en princesse. » Oh putain, oui, je n’avais pas vu l’heure. Et le soleil commençait à décliner. Je suivis donc les enfants, non sans me prendre une énorme branche au passage, pour retourner au chalet où étaient restés les molosses pour monter le garde. La salle de bain était assez austère donc je pris ma douche en même temps que Lisa avant de venir la coiffer. Une couronne tressée et de lui poser son diadème. Je ne savais pas si Zeke était parvenu à ce passage sur l’Ipod. Celui où nous nous déguisions en princesses le jour de nos anniversaires en nous rendant à la fête foraine. J’allais avoir l’air ridicule dans cette lourde robe arc-en-ciel qui mettait en valeur ma taille fine. Lisa se contentait de coller des paillettes sur mon visage alors que Jacob crayonnait mes cheveux de la même couleur que ma robe. Une robe de gala en pleine forêt, voilà qui n’était pas courant. Pas du tout. Mais je tenais à faire confiance aux enfants. Restée seule dans la salle de bain, je me regardai dans le miroir pour replacer les paillettes sous mes yeux. Avec mes cheveux arc-en-ciel et ma robe, je ressemblais à la fée dragée dans Casse-Noisette. Tandis que Lisa était définitivement en Elsa. Je vins me poster dans l’encadrement pour regarder Jacob patauger dans l’eau avec son chiot, les bras croisés sur ma poitrine. « Tu ressembles à une fée, maman, me dit Lisa qui se tenait à côté de moi jouant avec une coccinelle. » J’eus un éclat de rire. « Une fée bas de gamme alors. » Je me laissais retomber la tulle du jupon autour de moi alors que ma fille posa la couronne sur mes cheveux. « T’es la reine des fées. » La reine Mab, sans aucun doute. Je fixai le soleil qui déclinait, espérant qu’il revienne vite. Peu importe qu’il revienne les mains vite, tant qu’il revenait vers moi. Mon étoile.