A mon arrivée à Brisbane, j'avais pris l'habitude de prendre une bonne heure pour le sport le matin, avant d'aller à la radio. J'avais trouvé une salle qui ouvrait particulièrement tôt, justement pour cet effet. Quand j'ai adopté Ben, je profitais de sa promenade matinale pour aller courir. Et puis le temps s'est fait de plus en plus rare. J'utilise le plus souvent la salle de sport qui se trouve au sein d'ABC sur mon temps de pause déjeuner, ou un peu plus tard dans la journée. L'endroit n'est pas terrible, mais cela suffit à se maintenir en forme. Avoir réduit mes horaires de travail me rend un peu de temps pour moi. J'ai renoué avec mon ancienne salle. Elle n'a malheureusement pas le même genre de vue que celle de l'hôtel. Celle de la salle de bains est également grandiose. La baie vitrée donne sur le pont et le port de Sydney. On en oublie rapidement l'eau qui s'écoule en se laissant happer par la paysage. Je ne sais pas combien de temps je reste sous le jet d'eau, au final. Cela me semble bien long. Quand j'en sors et me sèche un peu mollement, je comprends que toute la tension, la pression, la frustration et la peine du mois passé en ont profité pour quitter mes muscles. Ils sont sans beaucoup de force, fatigués, un brin douloureux, et pourtant cela laisse une impression de grand calme et d'apaisement. Il y a un poids en moins sur mon coeur, et cela se sent. Je noue ma serviette autour de ma taille et retire d'une main la buée sur le miroir. Définitivement, j'ai besoin d'un coup de rasoir. Mais avant, je laisse Joanne m'étreindre dans le dos et y déposer un baiser. Mon léger rire acquiesce l'idée du bain pour ce soir. Le défi serait d'être aussi sages que possible. Observant la jeune femme à travers le miroir, je la regarde se déshabiller et dévoiler son ventre rond avant de s'installer dans le bain. Pendant qu'elle se rafraîchit à son tour, je prends le temps de me raser et garder mes cheveux rejetés en arrière avec un peu de cire. On frappe à la porte juste quand je termine d'enfiler mes vêtements, et Joanne sort de la salle de bain en peignoir. Le temps qu'elle s'habille, je fais disposer le brunch à l'extérieur -à croire que nous ne quitterons jamais cette terrasse, mais puisqu'elle justifie sûrement à elle seule le prix de la suite, autant en profiter. A table, je me permets de me servir une première tasse de ce thé qui j'avais tant aimé la dernière fois en attendant ma fiancée. Je lève la tête quand elle se met derrière moi, attrapant son baiser du bout des lèvres. « Les brunchs et les hôtels de luxe. » je rectifie à la phrase de la jeune femme. Quand il sera assez grand, nous pourrons l'amener ici, un jour. Qu'il profite aussi de la vue qu'il manque actuellement. Une fois qu'elle est installée, je garnis mon assiette de choses et d'autres. Rien ne fera long feu tant j'ai faim. Je laisse Joanne dans ses pensées jusqu'à ce qu'elle veuille les partager. « Je t'écoute. » dis-je doucement, la sentant légèrement mal à l'aise à l'idée d'évoquer notre séparation et certains aspects de sa grossesse -dont elle n'a pas besoin de parler pour que l'on devine toute sa nervosité. Elle m'explique donc son idée d'être mère au foyer après la naissance de notre fils, afin de s'occuper de moi -et, à l'entendre parler, de moi aussi. Et bien sûr, des trois autres enfants qui sont dans nos projets. « Tu sais, à vrai dire... » Je passe rapidement ma serviette sur le coin de mes lèvres avant de poursuivre. « Je ne voyais pas les choses se passer autrement. » j'ajoute en haussant les épaules, un sourire un brin gêné. Cela était une évidence pour moi, mais je n'avais jamais osé la partager. « Tu peux me trouver trop conservateur, mais j'estime que la place d'une mère est près de son enfant. » Le genre de principes qui peut faire exploser de rage les working girls et les féministes qui n'ont pas compris que le combat se trouve ailleurs. Cela ne sert à rien de gagner indépendance et égalité si c'est pour abandonner les enfants dans les mains étrangères au foyer et se retrouver obligé de confier leur éducation à une personne qu'ils voient finalement plus que leur propre mère. « Même si ma famille est particulièrement traditionaliste, j'ai plus connu ma nourrisse que ma mère. Elle a toujours préféré sa carrière. » Ma nounou était une femme qui savait être aussi adorable que stricte, et sûrement la seule du foyer à savoir quoi faire de moi. Quoi qu'elle perdait souvent patience. D'ailleurs, mes parents devaient être terriblement soulagés d'avoir quelqu'un à qui me confier toute la journée. Elle restait à l'image de ma famille, dans le moule aristocratique, mais un brin plus affectueuse. J'imagine que passer plus de temps avec ma mère n'aurait pas changé grand-chose. Cela n'aurait fait que creuser le manque d'amour et de la chaleur à la maison. « Je suppose que, dans mon cas, ça a finalement été une bonne chose. Ca n'empêche que j'aurais préféré qu'elle soit plus présente. » Je ne pensais pas que Joanne soit de son genre, loin de là, mais juste qu'elle ne supporterait pas de rester plusieurs mois, ou encore années à la maison après une grossesse l'ayant déjà clouée sur place. « Mais tu es bien différente, et je ne me vois pas faire élever mon fils par une autre femme que toi. J'aimerais vraiment que tu sois à la maison pour le bébé. Et pour les autres, bien sûr. » dis-je avec un petit sourire, laissant sous-entendre que le programme n'a pas changé. « Je t'avoue que je craignais que tu veuilles immédiatement reprendre le travail. Et que tu me trouves trop misogyne si je te demandais de ne pas le faire. » Je repoussais cette conversation autant que possible, sans me douter que l'idée lui viendrait d'elle-même. C'est un soulagement, à vrai dire. Pas de bataille. Sur ce, je reprends une gorgée de thé, et me ressers d'un peu de tout. « Le shopping se fait pressant, hein ? » je demande avec un sourire amusé, observant Joanne pendant que je déguste. Je reconnais la robe qu'elle porte et je sais qu'elle l'a adopté uniquement parce qu'elle convient à son stade de grossesse. « On te trouvera de jolies choses, pas question que tu aies l'air ou que tu te sentes comme un sac pendant les prochains mois. » Je lui assure, sans trop savoir où nous trouverons cela, mais qu'importe.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Jamie savait que c'était son rêve, que de construire une famille, avoir une grossesse des plus normales, être mère. Il se doutait certainement que c'était la clé du bonheur de sa belle, et, qu'avec le temps, c'était aussi devenu la sienne. Joanne adorait son travail, elle restait une grande passionnée de l'histoire. Mais elle avait tout le temps de réfléchir à sa condition, à considérer les choses une fois que leur petit miracle aurait vu le jour. Elle savait qu'il y avait cette possibilité de rester à la maison, c'était l'avantage d'avoir un fiancé quelque peu fortuné, mais au fond, ça la gênait énormément de devoir puiser dans ses ressources lorsqu'elle renoncera à son emploi. Jamie avait cette idée en tête depuis l'annonce de la grossesse, vraisemblablement. Il avait sa propre expérience de la relation mère-enfant qu'il ne voulait certainement pas reproduire dans la famille qu'il était en train de construire. Elle souriait timidement, bien qu'elle était très soulagée de savoir qu'ils étaient sur la même longueur d'onde sur ce point. La jeune femme trouvait cela profondément triste que l'on puisse préférer son travail à son propre enfant, c'était quelque chose d'inconcevable pour elle. "Tu as l'air d'être certain que je serai une bonne mère." dit-elle à sa remarque, qu'il ne voyait qu'elle pour élever leur enfant. Joanne avait encore quelques doutes là-dessus, mais c'était certainement un sentiment normal, à ce stade de la grossesse, à douter de ses capacités. Cette sensation devait être accrue pour la belle blonde, qui, déjà à la base, n'avait pas une grande confiance en elle-même. "Initialement, je pensais reprendre le travail, mais bien plus tard. Je tiens à profiter de notre enfant, de cette chance que nous avons eu." dit-elle en lui souriant tendrement. Elle rit ensuite nerveusement. "Puis j'ai continué à y penser jusqu'à me dire que je ne voudrais pas manquer les étapes de sa vie, que nous puissions l'y guider. Qu'il ne soit pas privé d'amour, d'aucune manière que ce soit." Les valeurs familiales avaient toujours été ancrées dans la famille Prescott, mais c'était certainement Joanne qui y restait le plus attachée. Elle avait beaucoup de contact avec ses parents, mais beaucoup moins avec son frère et sa soeur, qui avaient décidé de s'y éloigner pour leur bien-être. Jamie était toujours aussi enjoué à l'idée de concevoir encore d'autres enfants avec sa fiancée. Bien qu'anxieuse à ce sujet, elle espérait de tout coeur que ce soit le cas, sans accident de parcours qui pourrait véritablement la décourager. "Et puis je ne comptais pas reprendre le travail de suite, je pense que j'aurai besoin de repos, et le temps de me trouver dans ce nouveau rythme de vie et... Selon comment les choses se passeront à l'accouchement. Que ça se passe bien, ou un peu moins bien." Elle n'écartait aucun danger, aucune possibilité. Son médecin ne lui en parlait pas trop pour le moment, mais elle se doutait bien que ça n'allait pas être simple. "Mais c'est parfait, si nous sommes d'accord sur ce point. Et je pensais que... pour éviter que je puise trop dans tes revenus, je pourrai mettre la maison en France à louer quand mes parents n'y sont pas. Je ne sais pas trop comment je peux m'y prendre, mais ça fera toujours un revenu de plus." dit-elle, pensive. Joanne finissait son assiette de mets salés, puis se servit en croissant, pancake, compote, et tous les accompagnements présent, ayant une faim de loup ce jour-là. Jamie revint sur le shopping, constatant qu'il était grand temps de renouveler sa garde-robe de grossesse. Elle rit, gênée. "Jusqu'ici, je me débrouillais très bien avec ce que j'avais, mais ça devient petit peu critique, là." Le côté un peu fashion du bel homme resortait grandement, tenant à revêtir sa fiancée comme il se doit, pas question d'acheter n'importe quoi - ce qui ne surprenait pas trop Joanne sur ce point, bien qu'elle n'était toujours pas très à l'aise à cette idée là. "Ca va te faire bizarre d'arpenter les rayons de vêtements pour grossesse." dit-elle en riant. Ils terminaient ensuite tranquillement leur brunch, et décidèrent ensemble de ne pas trop tarder afin de pouvoir profiter un peu de l'après-midi en ville. Ils étaient jusqu'au centre en taxi, histoire de ne pas épuiser la jeune femme à peine arrivés à destination. Il y avait un peu de monde, comme tout weekend. Joanne gardait bien la main de Jamie dans la sienne, se promenant de manière aléatoire dans les rues commerçantes de Sydney. La chance était sûrement avec eux, étant donné qu'ils ne tardaient pas à trouver une boutique entièrement consacrée aux vêtements de grossesse. Elle y entraîna Jamie. Les vêtements y étaient simples, mais raffinés. Ils correspondaient beaucoup aux goûts et à la simplicité de la jeune femme. Les essayages avaient été nombreux, elle avait été tout particulièrement bichonnée durant tout le temps passé entre ces murs. Elle se trouva évidemment un grand nombre de robes, toutes vues et approuvées par Jamie, puis des vêtements plus confortables pour la maison. Quelques hauts et pantalons traînaient aussi par là. En somme, Joanne était déjà bien rhabillée pour les mois à venir. Elle sortait de cette boutique là, les mains pleines. "Il faut te gâter toi, maintenant." lui dit-elle en lui volant un baiser.
Connaissant Joanne, elle est la seule au monde à avoir encore des doutes concernant le fait qu'elle puisse être une bonne mère. Et à la question qu'elle me pose, je devine que je suis proche de la vérité. On ne la changera pas. Mais c'est une crainte légitime, de mal faire les choses. Je ne peux pas le lui reprocher, j'ai moi même de très gros doutes sur mes capacités. Néanmoins, je suis certain que la jeune femme endossera son rôle à la perfection. « Bien sûr que je le suis. Comment ne pas l'être ? » dis-je avec un sourire. Et cela me soulage vraiment de savoir qu'elle sera auprès de notre fils pendant quelques mois avant de songer à reprendre le travail. Il est vrai qu'elle aura besoin de repos. Je devine aussi sa nervosité à propos de l'accouchement, mais je ne relève pas et n'aborde pas le sujet. Il est encore tôt, nous avons quelques semaines de répits avant de vraiment devoir nous inquiéter. Et puis, être inquiets ne sert à rien. Penser au malheur appelle le malheur. Je préfère me dire que tout ira parfaitement bien, et que s'il doit y avoir des complications, elles seront très bien gérées. Il y a des accouchements tous les jours, plus ou moins complexes. Des femmes de soixante ans survivent et deviennent mères d'enfants en pleine santé. Alors pourquoi pas Joanne, pourquoi pas notre fils ? Comme toujours, la jeune femme a le souci de ne pas être trop entretenue. Elle n'entends toujours pas que cela ne m dérange pas, et je ne veux pas la contrarier. Alors je me contente de répondre en toute bonne foi ; « Je m'occuperai de mettre la maison à louer. Aux dernières nouvelles, l'immobilier, c'est mon truc. » Enfin, c'est le truc de la famille, donc le mien par défaut. Je sais au moins comment le marché fonctionne, les leçons de mon paternel auront été utiles. Et puis je me dis qu'avoir la sécurité de ce loyer ne peut pas être une mauvaise chose. On a jamais trop d'argent, paraît-il. Joanne fait remarquer que l'état de sa garde robe est critique pour la poursuite de sa grossesse, et des emplettes seront particulièrement nécessaires. Même si cela risque de me faire bizarre de l'y accompagner. « Ca sera… une expérience de vie instructive, disons. » Et ça l'a été, plus ou moins. Oui, on se sent comme une grande tâche dans le décor quand on est un des seuls hommes -si pas l'unique par moments- dans le magasin dédié aux vêtements de grossesse sur lequel nous sommes tombés. D'ailleurs, je n'aurais jamais pensé qu'une telle boutique puisse exister, allez savoir pourquoi. L'air parfois dépité, je laisse mes doigts trains sur quelques cintres, de temps en temps, pour observer de haut en bas quelques unes des tenues proposées. Je me doute qu'on ne porte pas du Rabane ou du Marni tous les jours lorsqu'on ne sait qu'enfler de semaine en semaine, mais parfois je ne peux pas m'empêcher de soupirer en voyant la pauvreté des pièces. Ma foi, si Joanne y trouve on bonheur et que cela n'est pas trop vilain, je ne fais pas la fine bouche, elle est ravissante dans tous les cas. Mais il y aurait tant de manières de rendre encore plus belle une femme enceinte, pourquoi se border à la faire ressembler à un rideau, sans forme, sans couleur, sans saveur ? Quand on y pense, une femme atteint l'un des points culminants de la féminité lorsqu'elle porte un enfant, et rien n'est réellement fait pour sublimer cela. Dans les rayons, je ne cesse de me dire que je dois en toucher un mot à Jon. Il lui suffira de voir Joanne dans des vêtements de grossesse pour avoir envie de palier au problème. Quoi qu'il en soit, nous sortons de cette boutique avec de quoi habiller la jeune femme pour quelques semaines, et elle en semble satisfaite. Mon tour vient alors. Cette fois, retour dans le monde qui est le mien. Il est question de Diesel, d'Armani, de Levis, de Lacoste. J'épargne à Joanne une trop grande liste de boutiques, mais il est facile de m'y perdre pendant un long moment. Je passe rarement par la case des essayages, à moins qu'elle n'insiste. Je sais à peu près, à l'oeil, ce qui me plaît et me va ou non. On peut dire que le stock de tops se renfloue particulièrement bien. « Choisis-en, vas-y. Tu as carte blanche. » dis-je à la jeune femme afin qu'elle prenne pour moi des vêtements qui lui plairait de me voir porter et que je ne découvrirai qu'en caisse. Je suis curieux de savoir ce qu'elle prendra, et c'est le genre de surprise consentie qui m'amuse. « Si quelque chose te plaît dans l'espace pour femmes, n'hésites pas non plus. » j'ajoute, même si cela me semble évident -autant que le fait qu'elle n'osera sûrement rien prendre pour elle et très peu pour moi, ne voulant pas me faire trop dépenser. Je la laisse un peu vagabonder de son côté, et nous nous rejoignons dans la file d'attente pour le paiement. Il y a quelques personnes devant nous. « Tu as eu des nouvelles de Vee, au fait ? » je demande en attendant que notre tour vienne. Je ne verrai sa sélection que lorsque la caissière scannera chaque vêtement. Nous pourrons tout déposer à l'hôtel et retourner flâner sur le port avant notre tour en bateau.
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Joanne avait deviné que son fiancé ne semblait pas satisfait de ce que l'on pouvait proposer comme vêtements aux femmes enceinte, encore moins à celle qu'il comptait bien épouser. Mais il fallait bien que Joanne se rhabille et les plus grands couturiers ne pensaient pas trop à ces neuf mois où le corps d'une femme changeait de jour en jour. Et elle ne voulait pas se casser la tête à chercher des choses raffinées. Elle n'exposait pas autant que Jamie et pensait que ce n'était pas forcément nécessaire de se ruiner pour des vêtements qui ne seraient que portés très temporairement. Mais connaissant Jamie, il allait très certainement chercher des solutions par le biais de ses connaissances, et rattrapper tout ceci un peu plus tard dans la grossesse. Les boutiques dans lesquelles ils allèrent par la suite étaient des marques bien au deçà, plus adapté pour l'Anglais, qui avait tout de même ses petites exigences. Elle lui fit des yeux ronds lorsqu'il lui demanda de choisir quelques vêtements pour lui. Il devait sacrément faire confiance à ses goûts pour qu'il lui laisse carte blanche. La jeune femme se promenait lentement entre les rayons, ayant toujours un détail sur vêtement qui ne lui convenait, ou elle pensait que ça n'allait pas plaire à Jamie. Elle lui trouva finalement un polo beige, une chemise d'un bleu qu'elle aimait beaucoup, et deux t-shirts, relativement classiques. Joanne décida tout de même de s'aventurer dans la partie femmes, juste par curiosité. Les prix lui faisaient parfois tourner la tête. Mais il y avait cette robe-là. Rouge bordeaux, avec des manches courtes, très habillée, très classe. Le tissu était assez élastique, Joanne eut le loisir de l'essayer et d'entrer parfaitement dedans. Elle adorait les essayages mais son mal de dos commençait à se faire sentir. Ayant un véritable coup de coeur pour cette tenue, elle la choisit également, puis rejoignit Jamie près des caisses. Durant l'attente, Jamie demanda si elle avait eu des nouvelles de Vee. "Elle m'a contactée une fois depuis le début de l'année, mais c'était lorsque mes maux de dos commençaient à devenir persistants, et je devais limiter les déplacements. Elle va sûrement bientôt me rappeler." Mais elle n'était pas sûre de pouvoir accepter grand-chose si sa condition ne s'améliorait pas. "Elle semble persuadée qu'il y a quelques créateurs qui adoreraient confectionner des tenues adaptées aux femmes enceintes et que je serai un modèle parfait." dit-elle en reprenant mot pour mot ce que Victoria avait dit. Joanne avait un sourire un peu gêné, ne trouvant que le mot perfection vaille le coup de lui être attribué. La vendeuse rangea avec grand soin chaque vêtement, en l'entourant avec un peu de papier de soie afin de le protéger, puis les mit dans un grand sac qu'elle leur donna une fois que tout était réglé. Les dépenses faites, ils retournèrent à l'hôtel afin de tout y déposer. Désireuse d'avoir un petit moment rien qu'à eux avant de reprendre la route, elle entoura sa nuque de ses bras et l'embrassa tendrement. "Je t'aime." lui dit-elle tout bas, avant de le réembrasser. Elle passa une main dans ses cheveux. "Nous pourrions faire ce fameux tour en bateau tout de suite, si c'est possible." Entre chaque phrase, elle lui volait un nouveau baiser. "Et puisque nous connaissons déjà bien assez la qualité de la cuisine de cet hôtel, peut-être que ne pouvons essayer un autre restaurant ?" Ses yeux pétillaient d'excitation à la suite du programme de la journée. "Peut-être que ton fils voudra goûter les gaufres d'un autre chef, d'ici là." ajouta-t-elle en riant. "Et nous pourrons encore un petit peu nous promener, histoire de mériter pleinement ce bain." lui dit-elle, au bord de ses lèvres. "Et nous aurons une nouvelle fois l'occasion d'admirer la tombée de la nuit à Sydney, juste dans une pièce différente." Elle prit sa main et l'embrassa longuement au niveau de son bijou qui prouvait qu'il était à elle. "On y va ?" dit-elle en l'entraînant par la main, enthousiaste pour tout ce qui allait suivre.
Je me fais la promesse de trouver comment solutionner cette histoire de maux de dos. Ca ne doit pas être bien compliqué. Des heures de kiné, de massage, je ne sais quel traitement naturel à appliquer. Qu'importe le nombre et le prix, cela ne sera pas un problème, elle aura tout ce dont elle a besoin sur ce point. Il n'est pas question que cette douleur soit aussi handicapante pour elle. Il y a toujours une solution. C'est dans un coin de ma tête pour notre retour à Brisbane. Il me semble déjà bien trop proche. Les week-ends sont toujours si courts. D'après Joanne, Victoria insiste pour qu'elle se montre et inspire les créateurs. Je crois qu'elle et moi sentons que cela est une mode à venir, et une nécessité dont on aperçoit les prémices depuis que toutes les célébrités les plus en vogue ont décidé qu'il était temps pour elle de devenir mères. Il y a toujours un moyen d'adapter et faire sur mesure une robe pour un tapis rouge -car elles ne sont jamais crées uniquement pour cet effet-, mais ces femmes doivent sûrement haïr le moindre photographe qui les prend à leur insu dans leurs fripes de grossesse. « Elle a sûrement raison. » dis-je en haussant les épaules, comme si cela est une évidence. Parce qu'on ne remet pas en question l'avis de la directrice de Vogue Australie (ni d'aucune autre édition existante), ou rarement. Mieux vaut éviter son courroux, baisser la tête et se taire. Après tout, elle n'est pas à sa place pour rien, et comme toute personne de pouvoir, elle fait et défait le monde selon son bon vouloir. Elle reste une personne charmante à mes yeux. Après quelques minutes d'attente supplémentaire, nous passons en caisse. Je découvre d'un rapide coup d'oeil les articles choisis par Joanne, et ils me semblent de bon goût. Je suis surpris de voir une chemise dans le lot -il ne faudrait sûrement pas trop me dépayser. Il y en a aussi une dans ma sélection. Voyant le grand soleil au dehors, et me rappelant que j'ai oublié mes lunettes de soleil, j'en prends une paire rapidement sur le présentoir à côté de la vendeuse et l'ajoute aux achats. Nous reprenons un taxi pour filer à l'hôtel déposer nos sacs sans fatiguer Joanne. Cela fait, la jeune femme s'approche pour réclamer un moment de câlin, et je l'étreins contre moi, un bra autour de son petit corps et l'autre main posée sur sa joue alors qu'elle m'embrasse. « Je t'aime aussi. » je réponds aussi bas qu'elle, lui souriant tendrement. J'écoute, entre deux baisers, le plan qu'elle construit pour le reste de la journée. « Nous devons absolument mériter ce bain. » j'insiste comme si cela était une grande nécessité. Nous ne pouvons pas quitter une nouvelle fois cet hôtel sans passer par là. « Tu as un programme bien précis on irait. » Je laisse la jeune femme se saisir de ma main et me tirer vers la porte de la suite, acquiesçant d'un signe de tête ; « Allons-y. » Nous quittons donc l'établissement et longeons le port. J'hésite un long moment entre chaque type de bateau. Je n'ai pas envie d'avoir le bruit assourdissant d'un moteur résonnant dans les oreilles pendant des heures, ni la motivation de m'occuper d'une voile -même si je le pourrais en fouillant loin dans mes souvenirs de bord de mer lors des vacances dans la famille de ma mère, dans le sud de la France. Je trouve donc quelqu'un pour s'occuper de tout cet aspect technique, et nous montons sur un petit voilier tout ce qu'il y a de plus moderne qui file dans le port, sous le pont, et le long de la baie. Pendant ce temps, nous n'avons qu'à profiter du paysage. Pendant un petit moment, alors que nous sommes quasiment à l'arrêt, je m'installe tout à l'avant de la coque, allongé, les yeux fermés derrières mes lunettes de soleil et un bras qui laisse mes doigts frôler l'eau de temps en temps. Malgré les apparences, je ne risque pas de tomber. Je me laisse simplement bercer par la houle. Un bon nombre de souvenirs me reviennent ainsi. Quand j'estime avoir passé assez de temps seul dans mes pensées, je quitte le nez du bateau et retourne derrière les rambardes, m'y accoudant à côté de Joanne. « Est-ce que tu es pressée de rentrer à Brisbane ? » je demande au bout de quelques minutes de contemplation du port de Sydney. Nous n'en sommes pas loin, juste assez pour voir les buildings briller en reflétant les rayons du soleil. Au regard de la jeune femme, je comprends qu'il lui faut plus de détails, alors je poursuis ; « En fait, j'aimerais t'emmener quelque part avant que nous rentrions chez nous. Et ça peut prendre un ou deux jours supplémentaires. Peut-être trois, si nous prenons le temps. » Pour ma part, je peux bien m'absenter quelques jours du travail, du moment que je reste disponible sur mon téléphone et répondre aux mails de temps en temps. Ma collègue prendra le relais quelques heures supplémentaires. « Je ne pense pas qu'il y aura de meilleure occasion d'y aller dans un futur proche, alors je me dis que nous pouvons en profiter tant que nous sommes ''en voyage''. » Nous ne pourrons pas nous y rendre quand la grossesse de Joanne sera plus avancée, et ensuite, avec le bébé, il faudra attendre des mois avant d'aller là-bas tous les deux. « Mais je n'en dirai pas plus sur la destination. Ca doit rester une surprise. » dis-je avec un sourire malicieux, espérant qu'elle accepte de prolonger ce séjour avec moi.
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Joanne avait été toujours charmée par la mer, et tous ses attributs. Pourtant, elle n'avait jamais eu de réelles occasions à monter sur un bâteau et s'éloigner des rivages. Non, elle passait le plus clair de son temps les pieds nus dans le sable ou sur des rochers, à chercher des coquillages ramenées par les vagues ou à échapper à l'eau un peu trop fraîche par amusement. Ce n'était que pendant l'été qu'elle allait se baigner avec ses grand-parents, des heures durant. Elle n'avait jamais été adepte des eaux profondes, à vrai dire, elle n'aimait pas ne pas avoir pied . Elle fut totalement charmée à l'idée de choisir un bateau à voiles pour leur petite promenade. Un marin manoeuvrait le bâtiment sans faire de gestes brusques. Tout était si paisible, si agréable. Jamie s'était allongé à l'avant, peur de rien, ses lunettes le protégeant du soleil. Elle le trouvait tellement beau ainsi - comme à chaque fois. Discrètement, elle sortit son téléphone portable et prit une photo. Après quoi, la jeune femme admirait simplement le paysage, ou laissait sa main toucher la surface de l'eau. Elle gardait tout de même un oeil sur son fiancé, de peur qu'il ne termine à l'eau, même s'il était un excellent nageur. Au bout d'un moment, il finit par la rejoindre, posant une question qui lui semblait bien étrange. Elle lui répondit. "Pas vraiment, non." Il y avait des choses qu'elle craignait là-bas, et s'il y avait la possibilité que le rêve se prolonge. Elle sourit tristement, montrant son manque d'enthousiasme à cette idée. Jamie enchaîna de suite, disant qu'il voulait l'emmener quelque part avant de revenir à la réalité. Joanne était intriguée, essayant de dissimuler un sourire bien plus joyeux. "Pour quelqu'un qui n'aime pas faire des surprises, vous en faites tout de même beaucoup, Mr. Keynes." lui dit-elle tout bas, les yeux pétillants, avant de lui voler un baiser. Un peu inquiète sur le sujet, elle lui demanda. "Mais je croyais que tu étais très occupé ces derniers temps, tu peux tout de même te permettre de prolonger ce week-end ?" Ce n'était plus vraiment un problème pour elle. Et il avait raison sur un point, ils n'allaient pas pouvoir rêver de voyage avant un moment, alors autant en profiter tant que la jeune femme puisse encore se permettre de telles fantaisies. Malicieuse à souhait, elle lui sourit "Est-ce que j'ai le droit à un indice ?" lui demanda-t-elle au bord de ses lèvres. "Est-ce que cet indice peut se négocier en loukoums ? Ou peut-être en bain qui se déroulerait des plus normalement ?" Elle riait, même s'il avait clairement piqué sa curiosité. "Il faut juste définir ce qui est normal pour nous."Et on savait bien que c'était loin des conventions classiques dont ils se détournaient presque systématiquement. La jeune femme posa sa tête contre son torse, ses yeux se perdant à l'horizon jusqu'à ce que leur tour en bateau ne prenne malheureusement fin. Elle se réveilla d'une sorte de torpeur lorsqu'il fallut remettre les pieds sur le pont. "Merci beaucoup." lui dit-elle en l'embrassant au niveau du cou. "J'ai adoré cette promenade." Elle croisa ses doigts avec les siens, et ils commençaient à marcher lentement sur le pont, profitant encore de l'ambiance que dégageait le port. Après une dizaine de minutes de marche, Joanne s'arrêta soudainement. [color=#006699]"Attends."[:color] Elle resta figée un moment, avant d'esquisser un sourire et rire. Elle déposa la main de Jamie sur son ventre, il pouvait sentir son fils se manifester par de petits coups. "Qu'est-ce que ce sera d'ici deux mois ?" dit-elle riant. "S'il est aussi énergique et physique que son papa ?" Elle lui souriait tendrement, sachant qu'il craignait qu'il ne soit trop comme lui. Cela ne la dérangeait certainement pas. Elle arrivait à gérer le père, alors pourquoi pas le fils ? Elle n'avait pas d'inquiétude sur ce point là. Ils restaient là quelques minutes, jusqu'à ce que leur petit miracle se repose à nouveau. "Qu'est-ce que tu aimerais manger ce soir ? Une envie particulière ?" finit-elle par demander afin d'avoir une idée de quel restaurant ils pourraient aller. "Tu me laisses vraiment perplexe par rapport à cette surprise, tu sais." Ils sortaient du port et regagnaient les rues, marchant sans aucune précipitation. Bien qu'elle avait des dizaines de questions concernant leur retour à Brisbane, Joanne se gardait bien de les dire. Elle voulait profiter de leur petit nuage, leur bulle qui était à côté de tout, dans une certaine insouciance dont ils avaient tous les deux grandement besoin. Juste la nécessité d'être auprès de l'autre. "J'ai vu qu'il y avait un grand parc zoologique, le Wild Life Sydney Zoo. Ca te dit qu'on y fasse un tour demain ?" Elle emmènera ce qu'il faut pour ses maux de dos, et puis ils aiment tous les aller au zoo, c'est un moindre mal pour une belle journée qui se prépare.
L'idée de prolonger notre séjour en amoureux semble séduire Joanne qui a bien du mal à cacher son sourire ravi, même pour me taquiner. « Je n'aime pas qu'on me fasse des surprises, mais j'apprécie particulièrement en faire. Nuance, jeune femme. » je rétorque en tapotant le bout de son nez, lui rendant son sourire malicieux. Il est vrai que je suis plutôt injuste sur un point ; je ne supporte pas les surprises, cela peut profondément m'irriter, mais je ne peux pas m'empêcher d'en faire, autant que possible. Acheter une babiole ou prévoir une sortie sans prévenir, tout comme j'ai toujours été abonné aux visites intempestives. J'aime voir l'effet d'une belle surprise sur l'éclat du regard des autres, leur sourire s'élargir. Je suppose que c'est parce que je ne contrôle rien dans une surprise de la part d'autrui que cela ne me plaît vraiment pas. La jeune femme n'oublie pas que mon emploi du temps est chargé, et qu'il ne désemplit jamais. Il n'est pas vraiment raisonnable de m'absenter quelques jours, en réalité, mais je préfère occulter ce détail. Ce ne sont pas deux ou trois jours qui tueront qui que ce soit à partir du moment où je reste attentif à mes appels et mes mails. « J'admets que je risque de devoir garder le nez rivé sur mon téléphone, je dois rester disponible pour le travail. Mais ça devrait aller. » dis-je afin de rassurer Joanne. Ce n'est pas forcément agréable d'être auprès de quelqu'un qui a parfois l'esprit ailleurs et les yeux collés à un écran, mais je pense que c'est un moindre mal pour passer encore du temps en tête-à-tête. Nous pourrions aller à cet endroit le week-end prochain, ou celui d'après. En soi, il reste encore un peu de temps avant que nous ayons à tirer un trait sur les voyages pendant quelques mois. Mais comme toujours, je ne souhaite pas attendre. L'idée m'a traversé l'esprit, et je dois l'appliquer dans la seconde. Toujours impatient, et un peu borné. Joanne n'a pas vraiment les moyens de me tirer les vers du nez quant à cette destination. « Nope, pas d'indice. » dis-je, déterminé. Mais elle insiste en multipliant les moyens de corruption. « Pas d'indice, j'ai dit, et ce que n'est pas la peine de me prendre par les sentiments. » Je lui vole un baiser et la laisse chercher toutes les possibilités de lieux où je pourrais l'emmener. Pendant ce qu'il reste de la balade, je la garde tout contre moi. La journée s'avance et bientôt Sydney sera sous un ciel orange et rose. Notre petit bateau rentre au port. Je remercie chaleureusement l'homme qui l'a manœuvré pour ce moment des plus agréables -et gorgé de souvenirs pour ma part. Elle a également plu à Joanne, c'est le plus important. Main dans la main, nous reprenons notre marche sur les quais, flânant dans le port tant que la faim ne nous rappelle pas que l'étape suivante est de trouver un restaurant où dîner. Cela ne saurait tarder. La jeune femme s'arrête soudainement d'avancer, saisit finalement ma main sous mon regard intrigué, et dépose ma paume sur son ventre pour que je puisse sentir les mouvements du bébé. Ils sont plus distincts qu'à Noël. Des tout petits coups qui trahissent une vitalité certaine. Joanne sait à quel point je souhaite que notre garçon n'hérite pas de l'excès d'énergie dont je faisais preuve quand j'étais enfant -ni de quoi que ce soit d'autre. Pourtant, elle ne manque pas de souligner qu'il y a bien des chances pour que ce soit le cas. « Je ne te le souhaite pas... » dis-je tout bas en me forçant un sourire pour ne pas sembler trop dramatiser. Mais si elle doit s'en occuper à la maison tous les jours, elle finira par perdre patience face à un enfant aussi actif et turbulent que ce que j'ai été, elle aussi. Je dépose un baiser sur le front de ma fiancée et nous reprenons notre marche tranquillement, retrouvant les rues et les avenues de la ville. Alors on devine dans les odeurs qui embaument d'air que l'heure de dîner approche. « Oh, je me laisserais bien tenter par un steak tartare... » dis-je en haussant les épaules, le plus naturellement du monde. Je jette un coup d'oeil pour voir si Joanne tombe dans le panneau -pourquoi pas, après m'avoir vu avec un whisky en main. « Non, je n'en suis pas arrivé là. » je reprends. Je suppose que manger de la viande peut sembler moins important que de se mettre à boire de l'alcool ou se laisser tenter par une cigarette. Chacun ses priorités, disons. « Nous verrons. Quelque chose d'asiatique me plairait bien. Qu'en pense mon fils ? » Mon sourire s'élargit en posant cette question. La jeune femme, me connaissant bien, propose que nous passions un moment au zoo pendant la journée de demain. Forcément, mon regard pétille -il n'en faut jamais plus pour faire surgir l'enfant qui reste bien accroché dans un coin de ma tête, le passionné des pingouins. « C'est le genre de question qui ne se pose même pas. » J'avais tellement jalousé Hannah lorsque nous étions au zoo de New-York et qu'elle m'avait dit avoir pu toucher un des animaux. Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même, il ne m'est jamais venu à l'idée de demander la permission de le faire. On ne me l'aurait sûrement pas refusé. Je ne sais pas pourquoi je me dis que maintenant, il est trop tard. C'est un truc de gosse. « Et tu ne sauras rien de notre prochaine destination avant que nous y soyons. Mais je sais que ça te plaira. Beaucoup. » Je n'ai pas l'ombre d'un doute à ce sujet. Cela plaira moins à Winters qui pourrait désapprouver ce voyage supplémentaire, mais qu'importe. Je sais aussi que cela ne fera pas de mal à notre fils, bien en sécurité dans le ventre de sa mère. Au bout de quelques minutes de marche, j'attire Joanne dans le premier restaurant qui m'inspire, sans vraiment réfléchir, juste en bordure du parc où nous nous étions promenés la dernière fois. Asiatique, en effet, mais loin de l'établissement stéréotypé habituel. La salle principale se trouve dans une serre digne d'un crystal palace miniature où les grandes tables rondes sont entourées de larges chaises d'aspect fort confortable et de plantes tropicales aux hautes tiges. Nous sommes installés, à ma demande, sur une table très de la verrière, loin du centre. La carte est particulièrement minimaliste (le prix beaucoup moins, mais la jeune femme ne peut rien en savoir), un menu unique ne laissant quasiment aucun choix -et d'ailleurs, il n'est pas possible de prendre autre chose que ce menu. « Est-ce que tu es déjà venue dans ce genre de restaurant ? On s'en moque souvent, on dit qu'il n'y a rien dans l'assiette, mais c'est vraiment mal connaître. » Certes, l'assiette n'est pas débordante. Mais l'on vous en sert sept différentes, plusieurs entrées, plusieurs plats, fromages et desserts. Et chacune de ces bouchées ne laisse absolument rien au hasard. Oui, ce n'est pas vraiment le genre d'endroit où venir en t-shirt. Mais qui s'en soucie ? « Quand nous rentrerons à Brisbane, il faudra attendre que mes parents quittent la maison avant de pouvoir réinvestir les lieux. Je les ai laissés s'installer dans la chambre d'amis le temps de leur séjour. » Je sais que ce genre de préoccupations peut attendre notre retour, mais je ne veux pas mettre Joanne face à une mauvaise surprise. Mieux vaut qu'elle soit prévenue. « Je crois qu'Edward me fait les yeux doux pour que je lui cède la demeure familiale, mais… non. » Et ce nom n'a rien à faire ici, alors je le balaye d'un geste de la main comme pour demander à la jeune femme de ne pas y faire attention. « Qu'importe. Je me disais qu'une fois que la maison sera de nouveau notre maison, nous pourrions tout revoir ensemble. Histoire que tu mettes ta patte dedans, et que ça devienne un peu plus ta maison. Et que ça marque comme un nouveau départ. » Ca doit sembler idiot, vu de l'extérieur, ce moment où une question de décoration d'intérieur semble prendre une certaine importance. Pourtant, lorsque l'on vit à deux dans un cocon, c'est le cas. Il faut que cela soit chez nous, et non plus chez moi. « Je veux juste que tu t'y sentes vraiment bien. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Elle reconnaissait là bien Jamie. Autant, il était d'une impatience démesurée, autant, il savait se montrer particulièrement impassible lorsque c'était lui qui faisait la surprise. Joanne connaissait ses faiblesses, ces petites choses qui pouvaient le faire craquer, ne serait-ce que pour avoir un fragment d'indices, mais rien n'y faisait ce jour-là. Elle était à court d'idées et il ne fit que raviver sa curiosité grandissante. Seul bémol, il fallait que Jamie laisse son téléphone allumé dans la poche, risquant d'avoir un appel professionnel ou un mail important. Elle espérait tellement que durant ces jours-ci, on ne le sollicite pas plus que ça, qu'elle puisse encore profiter de sa pleine présence, sans qu'il ait l'esprit occupé par autre chose. Elle n'en était pas vraiment rassurée, mais elle lui souriait quand même. Jamie était moins enthousiaste lorsqu'elle dit qu'elle se sentait prête à accueillir une petite boule d'énergie chez elle. Il avait beau faire le plus large sourire qui soit, elle connaissait le fond de ses pensées, la signification de ses paroles. Elle devint alors un peu plus sérieuse, et lui dit, de sa voix douce. "Tout ce que je souhaite, c'est qu'il soit en bonne santé." Elle haussa les épaules et lui sourit tendrement. "Il peut être aussi actif que toi, aussi coincé que moi, avoir les yeux verts et bleus, ce ne sont que des détails. Juste qu'il ait la santé de son papa, pas de sa maman." C'était une de ces autres choses qui l'inquiétait beaucoup. Joanne passa une main sur sa joue, continuant de capter son regard. "Et s'il est aussi actif que toi, je trouverai des moyens de l'apaiser, comme j'en ai trouvé pour toi. Peu m'importe. Et je l'aimerai de tout mon coeur. Et il sera à jamais notre petit miracle." Elle rit, les yeux pétillants. "Avec un peu de chance, notre premier miracle." rectifia-t-elle, avant qu'il ne l'embrasse sur le front et ne reprenne la marche. Il fallait penser au dîner, et Jamie semblait vouloir faire réagir sa belle sur une envie qui ne lui viendrait jamais à l'esprit. Elle le regarda en souriant, ne tombant pas dans le panneau -bien que, connaissant Joanne, elle aurait très facilement pu y croire. "Tu ne m'auras pas, ce coup-là. Peut-être une prochaine fois." dit-elle, plus qu'amusée. Elle savait pour l'alcool, mais pas pour la nicotine, bien qu'elle aurait pu être plus observatrice que ça pour le constater d'elle-même. "Parce que tu ne demandes même plus l'avis de sa mère ?" lui rétorqua-t-elle gentiment ensuite, posant sa deuxième main sur le bras de Jamie. "Parce qu'elle, elle adore manger chinois." Joanne retrouva l'éclat enfantin dans les yeux de son fiancé lorsqu'elle mentionna le zoo de Sydney, comme elle aurait pu s'y attendre. Cela lui faisait tellement plaisir de le voir ainsi. Elle tentait encore quelques approches concernant cette fameuse surprise, mais il demeurait impassible. C'était peine perdue, elle abandonna l'idée d'insister sur le sujet. Après quelque minutes de marche, il l'attira dans un restaurant au hasard. Intriguée, elle observa avec attention les décorations sans dire mot. Ce n'était pas le genre d'établissements qu'elle connaissait, et elle préféra se laisser totalement guider par son fiancé. Installés à une table, on leur apporta rapidement des menus. Elle hocha négativement la tête. "Je crois que ce genre de restaurant n'est pas vraiment dans mes moyens." lui répondit-elle en souriant. "Mais ça m'a toujours beaucoup intriguée." Elle lui faisait totalement confiance là-dessus. S'il disait que ça valait le coup, eh bien, c'était le cas. Jamie aborda ensuite un sujet bien plus fâcheux. La jeune femme s'était gardée de poser n'importe quelle question pouvant avoir un rapport avec leur retour à Brisbane, histoire de conserver la bulle de ce weekend intacte. Mais Jamie pensait certainement que cela était nécessaire de préciser certaines choses. Il voulait juste bien faire. "Oh... Très bien." dit-elle tout bas. Ce fut sa première réaction. A vrai dire, elle n'avait pas encore considéré une seconde comment se déroulerait leur retour à Brisbane, comment reprendre ce train-train quotidien. Ca aussi, ça l'angoissait beaucoup. Il fallait qu'elle reste dans son appartement encore un certain temps, songea-t-elle. Elle resta silencieuse jusqu'à ce qu'il reprenne parole, mentionnant Edward - prénom qui ne lui rappellerait désormais que des mauvais souvenirs, et ceux de la tentative de viol restait particulièrement bien ancré en elle et la terrifiait toujours autant. Cela avait du certainement se voir, dans ses yeux, lorsqu'il mentionna juste son prénom. Jamie était des plus concernés du bien-être de la jeune femme. Il avait ressenti qu'elle ne s'était jamais réellement sentie chez elle depuis qu'ils avaient emménagé ensemble. Elle n'osait presque rien toucher, ne cherchait pas à le convaincre d'ajouter telle ou telle décoration, détail de toute sorte. Au contraire, elle ne laissait aucune empreinte de sa personnalité où que ce soit. Il fallait dire qu'elle adorait les goûts de l'Anglais et qu'elle ne changeait rien au monde, et il y avait toujours cette aspect financier qui entrait irrémédiablement en compte. C'était loin d'être un soucis pour lui, c'en était un énorme pour elle. Joanne lui fit un regard des plus attendrissants, profondément touchée par ses intentions. Mais au fond, elle restait très embarrassée. Elle prit délicatement l'une de ses mains, l'embrassant, et y aposa sa tempe contre, pendant quelques secondes. "Tu vas râler en m'entendant dire ça mais... Je suis très mauvaise lorsqu'il s'agit de réaménager une pièce, ou même en terme de décoration. Alors, pour une maison." Il lui fallait certainement encore beaucoup de temps avant qu'elle ne s'approprie chaque pièce, chaque mur, qu'elle puisse aussi dire que c'est la sienne. "Tu sais, quand on a l'image de comment c'était initialement, et vouloir tout changer. Je n'ai pas ce côté... visionnaire." expliqua-t-elle en regardant et caressant la main de Jamie. "J'apprécie vraiment cette volonté, que tu as. De bouleverser des pièces et des murs que tu connaissais par coeur pour que ça devienne plus un chez nous. Et je suis certaine que l'on pourra faire de cette maison quelque chose d'encore plus parfait qu'elle ne l'était déjà. Il faudra juste que... tu m'aiguilles un petit peu." Elle rit doucement, toujours aussi touchée. Cette conversation lui semblait étrangement en dehors du temps. Il y avait là-dedans cette bizarrerie, cette sensation de redescendre sur terre. "Mais la salle de bains est très bien comme elle est." finit-elle par dire, amusée. Il savait à quel point elle avait un coup de coeur pour cette pièce. Elle reprit ensuite ses termes, le regardant droit dans les yeux. "J'y serai bien tant que tu seras là, avec moi."
Il y a une grande différence, loin d'être négligeable, entre notre fils et moi. Une différence qui, bien sûr, change absolument tout. Il est voulu, malgré la surprise qu'il a été, et il est déjà aimé plus que tout. Il n'y a pas pire que d'apparaître dans une famille qui ne veut pas de vous depuis le commencement. Je suis heureux que leur conscience religieuse ait dissuadé mes parents de m'empêcher de voir le jour, mais je sais que s'il n'y avait pas eu cela, je ne serais pas là. Ils me l'ont toujours fait comprendre, et ont détesté chaque détail de ma personne. Notre fils, lui, est notre trésor, notre miracle. Il est déjà ce qu'il y a de plus merveilleux et précieux à nos yeux, et ce sentiment ne sera que plus grand lorsqu'il sera né. Joanne a toujours la présence d'esprit de rappeler ce qui importe vraiment ; que l'enfant soit en pleine santé. Vu l'amour que nous lui portons, nous saurons nous accommoder de tout le reste. Et s'il est trop comme moi, entre la patience de la maman et le vécu du papa, il y aura forcément un moyen de composer avec le moindre défaut. Alors j'adresse un fin sourire à Joanne, acquiesçant d'un léger signe de tête ; nous aimerons notre petit miracle quoi qu'il arrive, c'est tout ce qui compte. Cela me fait remarquer qu'après les premiers jours concentrés en reproches, mes parents en séjour à Brisbane pour quelques semaines n'ont jamais vraiment demandé de nouvelles de leur petit-fils. Ma mère ne s'est bien sûr pas réjoui de savoir qu'il se porte bien, et ne m'a pas plaint non plus d'en être tenu éloigné pendant ce mois-ci. Mon père, lui, m'a presque maudit pour avoir un garçon avec ma roturière d'ex-fiancée. Car quoi qu'il advienne, ce sera lui qui fera perdurer la famille avec une moitié de sang qui ne vaut rien, et lui qui aura le titre quand je ne serai plus là. Il n'en a pas demandé plus de nouvelles que ça non plus. Toujours dans leur étrange conception de ce grand principe fondamental qu'est la famille, ils se fichent bien du petit être qui ajoutera une ligne à l'arbre généalogique, de sa personnalité, mais ils seront toujours là pour lui si besoin, plus ou moins bienveillants. Dans mes pensées, je ne sors de ma rêverie que lorsque nous passons près d'un restaurant dans lequel nous nous installons. Quelques tables sont déjà prises par des membres de la haute de Sydney que je ne connais pas. Nous devons sûrement avoir les uniques places qui n'aient pas été réservées pour dîner. Ce genre d'établissement nécessite toujours une ou deux semaines de prévoyance. « Peut-être que tu n'aimeras pas, mais tu auras au moins essayé. » dis-je en haussant les épaules. Pas comme toutes ces autres personnes de la classe moyenne et des plus basses qui se complaisent dans la critique de ce qu'ils ne connaissent pas, tant que cela touche à ceux qui ont visiblement tout, à ce qui est trop cher pour qu'ils l'atteignent. Mais ils se montreraient soudainement moins critiques s'ils avaient le pouvoir de vivre comme nous. Leur hypocrisie nourrie par la jalousie et leur jugement facile me rend toujours malade. Quoi qu'il en soit, dans la catégorie des clichés à propos des riches que ceux d'en bas aiment démonter sans avoir la moindre idée de ce dont ils parlent, ces restaurants qui se veulent à la fois gastronomiques et modernes -et dont les goûts s'inspirent souvent de l'Asie- sont dans le haut du classement. Je ne sais pas si Joanne y sera sensible, mais je suis curieux de le découvrir. Nous n'avons pas besoin de le demander pour que nous soyons servis en eau. Expliquant vaguement et brièvement à Joanne ce qui nous attend à Brisbane à notre retour, je ne remarque même pas le serveur qui dépose la bouteille et remplit nos verres avec la discrétion d'un courant d'air. Je balaye rapidement le sujet de mes parents pour en venir à mon idée, devant permettre à la jeune femme de se sentir plus à l'aise à la maison. A sa réponse, un sourire particulièrement ironique se dessine sur mes lèvres. On s'habitue terriblement vite à la compagnie d'une femme de caractère, qui sait ce qu'elle veut et ce qu'elle vaut. Je me suis toujours entouré de ce genre de fortes personnalités, et peu sont ceux qui ont compris pourquoi j'ai jeté mon dévolu sur une demoiselle qui en est tout le contraire. Et pendant une seconde, moi non plus. Cette manie qu'a Joanne de se déprécier à la moindre occasion est un défaut qui ne m'avait pas manqué. Il fait partie de ces choses qui font que Joanne est Joanne, et je suppose qu'on ne la changera jamais à ce sujet. Je souris car je me demande pourquoi je n'avais absolument pas envisagé ce genre de réponse de sa part, et que je me sens bien bête. Elle a raison, elle me connaît, et je me retiens de râler en l'écoutant, même si je n'en pense pas moins. Elle y met du sien, à sa manière, on ne peut pas lui enlever ce mérite. Malgré tout, lorsqu'elle ajoute qu'il suffit que je sois là pour qu'elle se sente bien dans la maison, je ne peux pas m'empêcher de rétorquer sans hésitation, gardant une voix douce ; « Non, c'est faux. » C'est, je n'en doute pas, un de ces détails qui l'ont poussé à partir. Ca fait partie du tout, du monde auquel elle disait ne pas appartenir. Une trop grande maison, trop pleine de luxe, dans laquelle il n'y a pas sa patte, où elle n'a pas sa place, où elle n'est pas vraiment chez elle mais plutôt une invitée à long terme. Et je sais qu'il n'y a rien de plus important pour elle que d'avoir un chez elle. Je me souviens qu'elle me l'avait expliqué, il y a quelques mois maintenant. Un endroit où elle se sente bien, un point d'ancrage. Elle peut essayer de s'en persuader autant qu'elle le veut, ma présence ne suffit pas à tout mettre en ordre, à ce qu'elle ailel bien. Sinon, elle ne serait pas partie. Sentant que ces quelques pensées pleines de rancoeur font surface, je laisse aussi tomber ce sujet. « Nous verrons tout ça une fois rentrés. » dis-je alors avec un sourire, caressant le dos de la main de Joanne du bout du pouce. Le retour du serveur met un point final à toutes ces pensées qui gravitent autour de notre retour à Brisbane et qui laissent entrevoir les difficultés que nous pourrons avoir à retrouver notre vie de couple. Sans surprise, je lui demande à prendre l'unique menu de la carte, mais plutôt que de choisir entre les plats lorsque des propositions alternatives sont au choix, je demande à ce que nous ayons de tout. J'ajoute à cela un seul verre de vin pour moi, car s'il y a bien un endroit au monde où il ne faille pas manquer le vin, c'est ce genre de restaurant qui pense la totalité de sa cave afin que les millésimes s'accordent parfaitement avec les plats proposés. Je m'amuse beaucoup de voir dans le regard du serveur qu'il se fiche complètement de l'allure que nous avons. Ce n'est pas son affaire, tant que nous apprécions le repas et que la note est payée à la fin. Qu'importe si nous détonons à côté des autres clients qui, on le devine à leurs habits, ont majoritairement l'intention d'aller au théâtre au à quelque soirée après dîner. Quelques cliquetis sur la verrière m'interpellent, et quand ceux-ci se multiplient de plus en plus, je devine qu'il s'agit de gouttes de pluie. Il n'y a que quelques nuages clairsemés dans le ciel qui reste pourtant d'un beau bleu, mais ils suffisent à apporter un peu de pluie pour contrebalancer une journée chaude et ensoleillée. « Eh bien, il fallait bien qu'il pleuve un jour dans cette ville. » dis-je avec un sourire amusé. Nous n'avons toujours connu Sydney que sous un grand soleil. Maintenant que les vitres sont couvertes de pluie, notre vue du parc se brouille. Mais l'averse ne devrait pas durer longtemps. « Est-ce que tu te souviens de notre premier restaurant ? » je demande, un peu pensif en voyant les gouttes d'eau faire la course sur la baie vitrée. « Je me rappelle de chaque détail. » Je frôle légèrement et avec une certaine tendresse la main de Joanne, nous revoyant nous chercher de la sorte sans vraiment oser nous toucher pendant de longues minutes. Je me sentais si nerveux et maladroit – je l'étais sûrement. « De toutes les petites choses dont nous avons parlé. » Des banalités, parce qu'il fallait bien commencer quelque part. C'est ce soir là que j'ai su que la jeune femme a besoin d'un chez elle par dessus tout, qu'elle aime les crêpes, les gaufres, la couleur bleue (mais aussi le vert et le violet parce qu'elle ne saura jamais décider entre toutes), qu'elle souhaite aller à Florence. Des banalités qui ont suffi à mieux la connaître et créer une complicité. « Et de comment il avait commencé à pleuvoir. » j'ajoute avec un sourire nostalgique, retrouvant le regard de la belle. Nous nous sommes embrassés pour la première fois ce soir-là. Et en frôlant sa bague, je vois tout le chemin qui a été accompli depuis.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
La manière dont avait rétorqué Jamie avait été certes des plus douces, mais toute l'insinuation qu'il y avait derrière pesait énormément lourd, et Joanne en restait muette. Elle eut ce pincement au coeur, ce gros malaise qui l'envahit, se demandant s'il cherchait à la faire culpabiliser ou simplement lui rappeler ce qu'elle avait fait. Ce n'était pas nécessaire de faire cette piqûre de rappel, elle ne le savait que trop bien. Elle baissa ses yeux bleus, déglutit difficilement sa salive, sans dire mot. Il préférait mettre rapidement fin au sujet, ce qui était la meilleure chose à faire en cet instant. Mais il n'était pas sec, n'employait pas de ton agressif, bien au contraire. Il lui caressa doucement la main, jugeant mieux de traiter tous ces sujets fâcheux une fois qu'ils remettraient les pieds dans la réalité. Jamie prit rapidement commande, ce qui était loin d'être la tâche la plus compliquée. Le serveur était des plus discrets, et filaient comme le vent. Même l'ensemble de la pièce, malgré le peu de monde, restait incroyablement calme, ce qui était très agréable. Mais il fallait se tenir à cette règle de ne pas parler particulièrement fort. Joanne ne manqua pas de sourire lorsque son fiancé se permit de prendre un peu de vin. "Tu deviens décidément plus flexible sur les règles que tu t'imposes." dit-elle tout simplement. Elle n'allait pas l'empêcher d'aller dans un sens ou de l'autre. Avant d'être enceinte, elle consommait occasionnellement. Mais il y a certainement des choses sur lesquelles elle serait beaucoup moins tolérante. Soudain, le fond silencieux se dissipa pour laisser place au bruit de la pluie. C'était la première fois qu'il pleuvait à Sydney lorsqu'ils y étaient. Et ce temps maussade rappelait de merveilleux souvenirs au bel homme. Elle lui sourit tendrement. "C'est le genre de choses que l'on ne peut jamais oublier." dit-elle tout bas, gardant bien sa main logée dans la sienne. Elle le croyait lorsqu'il disait qu'il se souvenait de chaque détail, de toutes leurs conversation, qui traitaient de toutes leur banalité. "J'étais déjà tombée sous ton charme bien avant cette soirée-là, mais... Ce temps maussade, ces conversations, ce parapluie et ces baisers ont eu raison de moi." lui dit-elle tendrement. Ils avaient déjà vécu tellement de choses ensemble, connus tellement de tournant, peut-être plus que les plus longues vies de couple que l'on puisse connaître. "Que nous nous privions l'un de l'autre parce que ce n'était pas raisonnable." Notamment le soir où il était venu à l'improviste chez elle. Ils avaient déjà prévu d'aller à Londres ensemble, tout était si prématuré, mais ils ressentaient tous les deux ce besoin de se rapprocher de l'autre. Il avait dormi chez elle, ils avaient été tenté. "Que des souvenirs précieux." dit-elle pensive. Le serveur apparut pour déposer le premier plat, effectivement minimaliste. Mais en sachant que d'autres allaient suivre, cela était amplement suffisant. Ils commençaient à manger. "J'ai hâte de prolonger notre histoire. Qu'elle se bâtisse de ce mariage, de nos enfants." Elle rit, bouche fermée. "J'ai surtout hâte de toutes ces petites banalités. De mettre un couvert de plus à table, ou, tout planifier pour emmener l'un au judo, l'autre aux cours de batterie, etc. Et nous saurons encore plus profiter de nos moments d'intimité." Et ces instants là avaient une telle importance dans leur vie de couple, ça n'allait certainement pas être facile de jongler ça avec leur vie active (enfin surtout celle de Jamie) et leur vie de famille. Les parents de Joanne seraient certainement plus que volontaires pour garder les gamins durant de certaines périodes, pour le bon plaisir, et être mamie et papi gâteau bien comme il le fallait. Le premier plat se finit rapidement, on récupéra les assiettes sans trop attendre. "Ton fils a bien aimé ce premier met." dit-elle avec un sourire malicieux, reprenant les termes qu'il avait employé plus tôt. Pour une fois, Joanne se fichait bien de la manière dont elle était habillée pour rapport aux autres. Elle était comme elle était. Et la deuxième assiette arrivait sans tarder - le service était plus qu'efficace. Il pleuvait des cordes, à l'extérieur, cela ne semblait pas vouloir s'arrêter. "L'océan, vu de la suite, doit être tout aussi belle, avec toutes ces gouttes de plus que si jettent dedans." pensa-t-elle, songeuse. Cela ne lésait en rien leur programme.
Joanne ne manque pas de faire remarquer que je me permets bien plus d’entorses à mes propres règles avec le temps. Des règles qui finissent par n'être que des souvenirs, et des lignes de conduite un peu floues qui s'effacent petit à petit. Elles étaient comme des repères pour moi. Elles formaient le cadre, la base de cette personne que je voulais être, et quoi que je fasse je les suivais scrupuleusement. Alors que ces règles se perdent, je ne sais pas trop ce que cela signifie. Si je n'ai plus besoin de ces repères, que je peux avancer sans filet de sécurité, ou si c'est moi qui m'égare de plus en plus. Après tout, noyer la peine dans le whisky, ça ne me ressemble pas. Je souris toujours avec une certaine ironie, haussant les épaules face à la remarque de Joanne, l'air de dire ''si tu savais'', mais ma bouche se contente d'articuler un ; « On dirait, oui. » Alcool, cigarette, je n'ai plus qu'à me faire tatouer quelque chose pour avoir définitivement l'impression de m'être perdu à je ne sais quel croisement. « Mais j'ai une bonne excuse pour le vin ce soir. » j'ajoute avec un sourire plus franc. Je ne me pense toujours pas capable d'apprécier un grand vin à sa juste valeur, néanmoins, je sais plus ou moins reconnaître quand un goût se marie bien avec l'autre, et je sais qu'ici, l'accord sera parfait. Le millésime sublimera le plat, et inversement. On ne peut pas manquer ça. « D'ailleurs, j'espère que tu ne m'en veux pas de manquer de solidarité pour cette fois. » Après tout, cela ne doit pas être simple de passer quasiment un an sans une goutte d'alcool, même pour une buveuse occasionnelle. Il doit bien y avoir des moments où un verre ne serait pas de refus, où la Joanne que je connais aimerait bien un verre de muscat pour accompagner son plat. Et voilà que celui de nous deux qui est censé ne pas boire est celui qui nargue l'autre avec son verre dans la main. Je joue un peu avec le bord de mon verre, songeur en regardant à l'extérieur, où la pluie tombe. Impossible d'oublier notre premier rendez-vous de ce genre, notre premier baiser, là, sous les gouttes d'eau, comme on en voit dans les téléfilms du samedi après-midi. La jeune femme m'avoue qu'elle m'appréciait déjà avant cela. « Bien avant ? » je répète, un peu surpris. Parce qu'avant, il n'y a pas réellement eu d'occasion de tomber sous le charme de ce qu'elle avait pu voir de moi. Il n'y avait eu que le soir au commissariat, le gala du musée, et cette promenade au parc un après-midi. C'est après ce premier baiser que les choses se sont accélérées -et elles n'ont toujours pas ralenti. Elles ne risquent pas de ralentir. Sauf, peut-être, quand nous estimeront avoir assez d'enfants et d'animaux à la maison, alors nous mettrons un holà pour profiter de ce que nous avons bâti. Alors qu'on nous sert, j'écoute Joanne m'expliquer sa hâte des petits rien du quotidien qu'il faudra ajouter au train-train normal quand notre fils sera né avec un sourire en coin, attendri, voyant devant mes yeux défiler les petites scènes qu'elle narre. Je ris doucement quand elle précise que la rareté des moments d'intimité les rendront plus appréciables. « Encore plus ? Ca promet. » Qu'il risque d'être difficile de jongler avec tout ceci. Il faudra aussi que je mette un frein de mon côté à un moment donné pour profiter de mon foyer. Je ne veux pas que nous nous perdions comme tant d'autres couples. Le premier plat est rapidement dégusté et débarrassé. Je me demande à quel point le chef me déteste en sachant qu'il doit réviser en improvisation sa carte pour convenir à une personne qui ne mange pas de viande -mais à qui on ne saurait rien refuser, car un client est un client. D'après la jeune femme, le bébé a apprécié le plat. Je ris bouche fermée. « Et sa mère ? » je demande pour ne pas qu'elle fasse mine de s'offusquer comme tout à l'heure. Le second plat ne tarde pas. Tout comme les cinq autres. Et autant dire, pour mettre le cliché définitivement à la poubelle, qu'après autant d'assiettes et de diversité, il n'y a pas moyen d'avoir encore faim. Quoi qu'il se pourrait que mon fils réclame une gaufre, et si c'était le cas, on saurait nous en servir une dans le meilleur délai. J'ai pris mon temps pour déguster mon verre de vin, déterminé à n'en prendre qu'un. Ce n'est qu'une fois les dernières bouchées sucrées englouties que je bois le dernier trait du cépage. On nous débarrasse totalement. Dehors, la pluie n'a pas cessé, toujours fine et tombant avec une certaine douceur. « Je ne devrait peut-être pas demander mais… » Je m'en veux un peu de briser le silence, léger, qui s'était installé alors que nous avions tout les deux le regard happé par le paysage. Je m'en aussi à l'idée d'aborder un sujet qui peut attendre Brisbane. Mais en remontant à la surface, furtivement, il ne pouvait finalement plus attendre. « Qu'est-ce qui t'as fait changer d'avis ? » je demande sans trop oser expliciter mes propos, pensant que Joanne comprendrait aisément. Un jour elle me quitte pour des raisons qui semblent s'être ancrées dans son esprit au fil des mois, elle me fait comprendre que je ne suffit pas pour qu'elle soit pleinement heureuse. Un autre jour, elle m'avoue ses regrets. Et hier, elle me demandait en mariage. « J'ai compris que tu as pris peur, ce jour-là... » Il m'a fallu beaucoup de temps pour comprendre pourquoi. Il m'en faudra encore pour digérer tout ceci. « Mais qu'est-ce qui a changé entre temps ? » pas de reproche dans ma voix, pas d'animosité; je souhaite vraiment comprendre ce qui l'a fait passer du moment où elle a rendu sa bague, à celui où elle m'en a tendu une.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne vivait relativement bien le fait de ne pas consommer une seule goutte d'alcool depuis le début de sa grossesse. Parfois, il y avait des tentations, des petites envies, mais cela était tout de même très rare. Elle savait les enjeux qu'il y avait derrière, et elle ne voulait plus infliger quoi que ce soit à son bébé. Sa santé primait avant tout, elle n'avait presque que ça en tête. "Tu te trouveras toujours de bonnes excuses." dit-elle en riant, afin de le taquiner. Elle hocha négativement la tête, signifiant par là que ça ne la gênait absolument qu'il boive un peu de vin alors qu'elle ne le peut pas. Elle restait à l'eau et aux jus de fruits, et cela lui convenait parfaitement. Jamie fut des plus perplexes lorsqu'elle dit qu'elle était tombée sous son charme bien avant ce premier rencard. La jeune femme sourit, un peu gênée. Elle soupira, et finit par lui expliquer. "En y repensant, je ne pense pas que c'est ma simple volonté de t'être entièrement redevable qui m'a fait payer cette caution." Elle regarda le verre d'eau qu'elle tenait entre les mains. "Je ne pense pas non plus que c'était la seule volonté de Sophia que nous nous parlions le soir du gala, encore moins que j'accepte d'être invitée à boire quelque chose chez toi." Elle marquait de longues pauses entre chacune de ses phrases, plongée dans ses souvenirs. "Et je ne m'explique pas non plus ma propre volonté que de vouloir absolument te revoir au parc ce jour-là." Elle haussa les épaules, le regard rêveur et innocent, et ses iris bleus retrouvèrent enfin de celui de son fiancé. "Il y a de ces choses qui ne s'expliquent pas, tu sais ?" Que l'on conlut être du hasard, des coïncidences. "Et on cherche toujours des réponses. Et je me posais continuellement cette question : pourquoi as-tu tellement envie de le revoir ? Pourquoi acceptes-tu toutes ses avances, tu as bien vu la manière dont il peut se conduire sur les lieux publics. C'était ce que Reever ou Mia auraient dit. Je suppose qu'à force d'avoir été protégée par eux, tu finissais par deviner ce qu'ils penseraient de telle ou telle situation." Joanne but un peu de son eau avant de reprendre. "Et la seule réponse que j'ai trouvé, c'était cette sorte de magnétisme qui opérait dès le début. Tu m'intriguais dès le début. Tu aurais très bien pu être comme tous ces autres hommes ce soir-là, à simplement être témoin de la scène. Mais tu as fini par en être acteur. Je pourrais aussi te demander : pourquoi es-tu intervenu ?" Des questions qui paraissaient si simples, mais pourtant, les réponses restaient souvent introuvables, ou tout bonnement inexplicables. Jamie eut une expression des plus attendris lorsqu'il entendit la manière dont sa fiancée voyait les choses, rebondissant sur le fait que leurs moments intimes gagneraient en rareté. "Te connaissant, tu trouveras très bien un moyen de remédier à son problème là." dit-elle avec des sourires malicieux. Il savait se montrer patient et compréhensif, mais pas trop pour ce genre de choses. Un besoin naturel, on peut dire ça comme ça. "Sa mère apprécie tout autant." lui répondit-elle, en riant. Les plats s'enchaînaient, et chacun d'entre eux était mieux présenté que les autres, meilleur que les autres. Et à la fin, Joanne était largement repue. L'ambiance était légère, agréable malgré la pluie battante. Tout aurait pu très bien finir si Jamie n'était pas irrémédiablement tenté de poser ces questions sans réponse et qui alourdissaient l'atmosphère. C'était son droit, mais certainement pas le bon moment. Il ne pouvait pas se tenir à ce tout ce fiasco revienne seulement quand ils auraient remis les pieds à Brisbane. Selon Joanne, cela prouvait certainement que le pardon était loin d'être gagné, bien qu'ils étaient à nouveau promis l'un pour l'autre. Déconcertée et prise de court, la jeune femme restait silencieuse pendant de très longues minutes. Elle ne savait pas vraiment quoi lui répondre. Elle ne voulait certainement pas lui parler de la conversation qu'elle avait eu avec Hannah. "Au moment où j'avais rendu la bague, je savais que le mal était déjà fait. Même si Hannah m'avait laissé une chance de la récupérer, si je l'avais récupéré, tu aurais quand même fini par savoir. Je suppose qu'elle te l'aurait, comme tout bon ami. Et ça aurait abouti à une autre dispute. Elle aurait été pire que la précédente, comme c'était déjà le cas avant. Nous vivions tout intensément, et cet aspect là de notre couple n'était pas épargné. En dehors de toutes mes autres raisons, je sais que c'était ce qu'il y a de plus lâche, mais je savais que je ne supporterai que l'on se hurle dessus une nouvelle fois. Que l'un de nous deux hésite une nouvelle fois à rompre ses fiançailles." Sa voix s'était mise à trembler, mais elle restait étonnamment calme, contrôlant ce flot d'émotions comme elle le pouvait. Sa grosse erreur l'avait tout autant blessée, et devoir cicatriser ses propres plaies était loin d'être une tâche aisée. "Et puis mes parents sont venus, parce qu'ils savaient qu'ils étaient la seule chose qu'il me restait. Je n'ai aucune nouvelle de Mia et de Reever, Sophia et partie, et je m'étais sentie incapable de garder l'homme que j'aime près de moi. Et je me souviendrai toujours du regard que m'a lancée maman lorsque je lui ai tout raconté. Il y avait toute cette tristesse, toute cette déception, elle qui était plus que décidée à t'inclure dans la famille, à faire en sorte que t'y sentes bien. Je suppose qu'elle me connait bien et a su comprendre ma réaction bien qu'elle n'était pas certaine de l'approuver. C'est la première fois qu'elle me lançait un tel regard." Elle ne le regardait pas vraiment, tentant plutôt de voir comme les choses s'étaient passées pour en venir à organiser ce séjour à Sydney. "Puis j'avais des journées entières à faire une sorte de rétrospective sur ma vie. Mes années avec Hassan, le divorce, le temps passé avec toi. A chercher ce que je voulais vraiment, ce que je voulais faire de ma vie, ce que je voulais pour celle de notre enfant. Et tout ne se recentrait que sur une seule chose." Elle regardait ses doigts posés sur la table, qui étaient devenus étrangement nerveux. Elle rit, de la même manière "Une fois que tu rentres dans une tête, tu n'en sors plus. Et tout convergeait vers toi." Joanne peinait un peu à mettre des mots sur ses pensées. "On dit toujours que ce n'est que lorsque l'on perd quelqu'un qu'on se rend compte à quel point on l'aimait. Je savais déjà avant que je t'aimais, avec des proportions inimaginables, mais je ne pensais pas que ça pouvait être à ce point. Et je ne voulais pas être celle qui t'empêchait d'avancer pour la personne que je suis et le caractère que j'ai." Ils étaient bien aux antipodes de ce côté-là, à se demander comment ils parvenaient à s'entendre. "Il y avait tous ces signes qui pour toi ne relevaient certainement que du hasard, mais qui pour moi n'étaient que des preuves supplémentaires de l'absurdité de mon geste. Que l'on pouvait faire tout ce qu'on voulait, qu'il y aura toujours ce magnétisme pour nous rapprocher l'un de l'autre quoi qu'on fasse, et qui donne suffisamment de détermination pour faire en sorte de réparer, de prouver ce dont on est capable." Elle ne prenait que très peu son souffle, de peur de manquer quelques chose ou de tout simplement perdre le fil. "Ce n'était pas qu'un acte désespéré, Jamie. C'était plus que ça." Voilà que ses doigts pliaient entre eux la nappe. "Tu voulais que je fasse un peu mes preuves, que j'en veuille, que je puisse aussi faire en sorte que personne ne nous atteigne, pour nous protéger nous, et protéger notre enfant avant tout. La plus grande question était comment le faire. Mis à part ignorer les journalistes qui t'attendent patiemment près de l'hôpital, ou faire en sorte de me donner des opportunités pour que je puisse te voir, ou négocier ardemment avec l'ingrat qui avait aussi le grappin sur la suite de l'hôtel lors de la réservation, mis à part les cadeaux de Noël. J'étais juste... à court d'idées." Et il y avait aussi cette certaine impatience de mener à bien son plan. "C'est seulement dans ces situations là qu'on se rend compte jusqu'où on est capable d'aller par amour." dit-elle en tentant d'alléger l'atmosphère, malgré ces grosses larmes qui berçaient ses iris bleus. "Et quand on voit ce que l'on a accompli, tu as ce genre de révélations qui dit mais oui, je suis capable de faire encore plus."
Joanne semble mettre une bonne partie du début de notre histoire sur le compte du destin, et, sans doute, ces histoires d’autres vies dont nous aimons parfois nous bercer. D’après elle, il y avait plus que sa simple volonté derrière son envie de s’approcher de moi, et derrière tous les événements qui ont eu lieu pour que nous soyons ensemble. Toutes ces choses qui ne s’expliquent pas en dehors de l’hypothèse d’une sorte de prédestination à laquelle j’aime aussi croire. C’est un élément qui m’a beaucoup trotté dans la tête la veille, après avoir refusé sa première demande. Il n’y a pas de hasard, quelque chose nous pousse toujours l’un vers l’autre, nous rappelle que nous sommes faits l’un pour l’autre. Et puis il y a cette évidence ; il ne peut pas y avoir quelqu’un d’autre. Des histoires et des aventures peuvent avoir lieu, pour des mois, des années ou un soir, mais au final il n’y aura que Joanne pour inspirer l’amour d’une vie. A sa question concernant mon intervention dans ce bar le fameux soir de notre première rencontre –celle que nous n’aimons pas vraiment étaler aux yeux du monde- je ris doucement ; « Parce que je le pouvais. Un homme trop alcoolisé commençait à harceler une jeune femme, il fallait bien que quelqu'un fasse quelque chose. » Il y a toujours une majorité de personnes qui restent simples spectateurs, d’autres qui ne remarquent rien, et une petite proportion qui se décide à agir. Je l’aurais certainement fait pour n’importe qui, Joanne ou une autre jeune femme. « Désolé d'être beaucoup plus pragmatique. » En revanche, je ne mets pas sur les épaules du hasard le fait que nous ayons été dans le même bar le même soir et que cet individu ait attiré mon attention vers elle de cette manière. Je suppose que Joanne devait voir le pire de moi avant d’accéder à ce qu’il y a de bon. Au moins, elle savait dès le départ à quoi s’attendre de ma part. Et en effet, avec un peu de raison, elle aurait fui dans le sens inverse. Heureusement que cela n’a pas été le cas. Néanmoins, jusqu’à présent, je n’aurais rien jeté de nos hauts et de nos bas, même des pires moments. Aujourd’hui, si je pouvais effacer tout le mois passé, je le ferais. Pas que le temps passé avec Hannah n’ait pas été agréable, je sais que je lui serai à jamais reconnaissant d’avoir été là pour moi dans un moment aussi difficile –si elle me pardonne de revenir du jour au lendemain avec la bague au doigt, ce qui n’est pas gagné d’avance. En revanche je sais que reconstruire ce que nous avions pourra être laborieux par moments, et pour les difficultés à venir, je préférerais autant tout effacer pour revenir à un temps où tout semblait plus facile. Ce goût amer, ce brin de rancœur, cette blessure qui reste entrouverte en attendant que le temps fasse son œuvre… Je ne sais pas à quoi ressembleront les semaines ou les mois à venir depuis cet incident de parcours. J’ai encore des questions, des appréhensions, certaines qui peuvent se taire, d’autres attendre, ou qui surgissent en une seconde et nécessitent une réponse pour me rassurer. Je sais que je prends Joanne de court, qu’après ce moment, cette journée, elle ne s’attendait sûrement pas à ce qu’une interrogation à ce sujet fasse surface. Après un petit instant, elle y répond tout de même. Longuement, dans le détail, et je reste muet en l’écoutant avec attention, essayant de comprendre enfin ce qu’il s’est passé de son côté pendant que nous étions séparés. Je ne l’interromps pas une seule fois. Bien forcé d’avouer qu’une nouvelle dispute aurait mené à la rupture, je doute néanmoins que Hannah m’aurait parlé de leur discussion puisqu’elle aurait jugé que cela ne la regardait pas. Je suis assez touché que la mère de Joanne ne m’ait pas balayé d’un simple ‘’bon débarras’’. Je suis plus triste de voir qu’il était nécessaire pour la jeune femme que nous nous séparions pour qu’elle voie enfin ce que nous avions. Je n'ai pas plus avancé sans elle, aimerais-je lui dire. Loin de là. Tout s'est arrêté, ma vie s'est figée, et je n'ai pas su faire le moindre pas en avant. Si ce n’est professionnellement, comme toujours. Je me réfugie dans le travail à chaque fois que nous battons de l’aile, j’enchaîne les projets, je m’occupe l’esprit avec quelque chose qui ne me laisse pas une minute pour penser à moi ou à elle. J’ai envie de prendre l’une des mains de Joanne pour la rassurer, la calmer alors qu’elle ne se laisse pas souffler, mais elle est si nerveuse que je n’ose pas. Mon regard ne quitte pas ses doigts qui bataillent avec la nappe. Elle aura tout essayé pour m’atteindre et me faire comprendre ses regrets ou se montrer un peu plus forte qu’avant. Méritante d’une nouvelle chance. Il est encore tôt pour juger de ces résolutions, mais j’espère ne pas me retrouver avec sa bague entre les doigts à nouveau dans un futur proche. « Encore plus, hm ? » J’esquisse un sourire se voulant rassurant. Je cherche seulement des réponses aux angoisses qui perdurent, et non à tourner le couteau dans la plaie. J’ai besoin de comprendre pour tourner la page. Cette fois je prends une de ses mains, et sur un ton se voulant léger, je reprends ; « J'espère que tu dis vrai, parce que je passe à l'antenne en national et tous les jours à partir de la fin du mois. » Je lui en parlais depuis quelques temps. Être sur l’antenne locale était un tour de chauffe pour voir la viabilité de l’émission, il a toujours été question de passer au niveau supérieur. Ce qui est assez excitant et effrayant à la fois. Je me pince les lèvres, attendant une réaction qui pourrait suffire à en dire long sur tous les discours que Joanne m’a tenu. Puis je porte sa main à mes lèvres pour déposer un léger baiser. Je garde son regard dans le mien, aussi doux et sincère qu’on peut l’être. « Je t'aime. N'en doute jamais, ni de ce que je pourrais faire pour toi. Si je suis là, c'est parce que je sais que malgré tout ce qui peut arriver ou ce qui s'est passé, ça, ça ne changera jamais. Tu seras toujours la personne avec qui je veux faire ma vie. » Un autre baiser, tout près de la bague qui orne son doigt. « Je t'aime. » je répète tout bas. Le serveur fantôme refait son apparition, l’addition en main. Je paye sans tarder et nous pouvons quitter le restaurant. Nous trouvons rapidement un taxi au bout de la rue afin de nous conduire jusqu’à l’hôtel, évitant de longues minutes de marche à Joanne. Je reste silencieux, un peu pensif, un peu ailleurs pendant le trajet, jusqu’à ce que nous rejoignons la suite. Ce n’est qu’après en avoir passé la porte que je prends la main de la jeune femme pour l’attirer vers moi. Mes bras l’encerclent pour l’étreindre tendrement pendant quelques minutes. Mes doigts passent sur ses cheveux blonds, caressant sa tête calée sur mon torse. Puis je relève délicatement son visage pour l’embrasser avec cette même douceur.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Elle ne savait pas si tout son discours était celui qu'il voulait entendre, celui à quoi il s'attendait. Il ne laissait pas vraiment d'indices laissant présumer que ça l'avait apaisé, ou, au contraire, si la plaie ne s'en trouvait que plus béante. Et ignorer ceci travaillait beaucoup la jeune femme, qui restait dans ce flou, à ne pas savoir quelle direction prendre. Il ne voulait peut-être pas l'inquiéter davantage, lui faire comprendre que le chemin était encore bien long avant d'espérer de retrouver un semblant de leur relation avant qu'elle ne lâche tout. Rester dans une telle incertitude était loin d'être confortable pour elle, mais Joanne se doutait qu'elle allait devoir faire avec pendant un long moment. Le bel homme cherchait à l'apaiser un peu, en lui faisant un sourire qui se voulait rassuré, en lui prenant cette main qui ne cessait de torturer la belle nappe du restaurant. "Encore plus." répéta-t-elle. Elle ne s'attendait à pas grand chose venant de lui, mais certainement pas à ce qu'il venait tout juste de lui annoncer. Elle sentit son sang redescendre vivement dans sa circulation, avec cette impression de vertiges soudaine. Figée, elle le fixa longuement, le temps que l'information ne parvienne aux bons neurones. Son coeur était comme au ralenti. "En national ?" répéta-t-elle tout bas, comme pour concrétiser la chose. "Déjà ?" Car elle ne pensait certainement pas que ce serait si rapide. Il lui en avait déjà vaguement parlé quelques fois, mais elle pensait qu'ils laisseraient une année entière s'écouler avant de considérer à passer au niveau supérieur. Joanne tentait à plusieurs reprises de commencer une phrase, en vain. Quelques longues secondes passèrent, puis son coeur se remit soudainement à battre à sa vitesse habituelle, comme s'il sortait d'une certaine torpeur. Puis, spontanément, un large sourire vint se dessiner sur son visage, qu'elle dissimulait avec sa main libre. "Je suis... Je suis tellement fière de toi." dit-elle avec toute sa sincérité. D'une petite idée qui avait émergé, d'une envie de retourner dans les studioes, voilà que l'Australie entière allait l'entendre une fois par semaine. Elle se demandait si cela allait lui prendre plus de temps que lorsque l'émission n'était encore que locale. "C'est merveilleux." ajouta-t-elle une fois qu'elle avait un peu retrouvé de son calme, laissant tout de même échapper un rire. "Mais tu resteras sur Brisbane pour enregistrer l'émission, où va-t-il falloir que tu ailles ailleurs ?" demanda-t-elle, histoire de savoir si elle devait s'attendre à ce qu'il ne soit pas là de la semaine. Jamie avait toujours cette force de garder le regard de sa belle prisonnier du sien, même si elle fait des tentatives pour s'en détourner. Elle était presque surprise de son discours, de savoir qu'il n'avait jamais douté de ce genre de choses, que cela relevait d'une évidence pour lui, comme s'il n'arrivait plus à se mentir à lui-même par rapport à ça. "Je t'aime aussi." C'était les seuls mots qu'elle parvint à lui dire, hypnotisée par le baiser qu'il avait déposé près de sa bague de fiançailles, avant que le serveur n'apparaisse et que Jamie paie l'addition. Le retour fut des plus silencieux, sans que cela ne soit particulièrement lourd. Mais Joanne était perturbée par la fin de ce dîner, ce qu'il pouvait signifier pour lui, pourquoi cela était nécessaire qu'il pose cette question là à ce moment là. Elle n'était pas certaine qu'il l'ait crue, malheureusement. A peine Jamie ferma la porte de leur suite derrière eux qu'il l'a prit dans ses bras, l'attirant vers lui, avec cette envie de glisser sa main dans ses boucles blondes légèrement humidifiées par la pluie. Elle se laissait totalement faire, fermant les yeux et profitant simplement de son étreinte. Il lui releva ensuite un peu la tête, afin de pouvoir l'embrasser tendrement. Elle se demandait comment il arrivait si aisément à penser à d'autre chose. Que soudainement, après lui poser que de ces questions qui pouvait largement attendre Brisbane et la tester un peu, il retrouver l'envie de simplement l'aimer. Il y avait toujours cette note d'ambiguïté dans leur relation, surtout lorsque la nuit tombait. Joanne prolongea tout de même, avec autant de délicatesse, son baiser, goûtant avec attention ses lèvres. Puis elle lui sourit. "Je vais aller faire couler le bain." lui chuchota-t-elle en allant dans la pièce en question, activa le systême d'eau, puis fit en sorte qu'il n'y ait pas trop de lumière dans la pièce, afin qu'ils puissent voir aisément l'extérieur. Joanne ne profita pour se démaquiller, et se rafraîchir le visage, espérant que l'eau emporte avec elle ses affairements -en vain-, et qu'elle puisse profiter du reste de cette soirée sans repenser à la fin de leur dîner. Elle savait que ce n'était pas la dernière fois. Joanne se regarda longuement dans le miroir avant de se déshabiller. Pour le peu qu'ils en avaient fait, elle était tout de même un peu épuisée par cette journée. Elle laissait ses vêtements joncher le sol, se disant qu'elle prendrait le temps de les ramasser plus tard. La baignoire était très loin d'être remplie, mais elle entra tout de même dedans, l'eau chaude lui faisant le plus grand bien. Les genoux repliés sur elle-même, son regard se perdait à l'extérieur, sur les lumières de la ville. Elle avait laissé suffisamment de place derrière elle pour que Jamie puisse la rejoindre sans soucis. A vrai dire, elle aimait sentir le niveau de l'eau monter peu à peu contre sa peau. Elle était tellement plongée dans ses pensées qu'elle ne saurait dire quand Jamie était rentré dans la pièce.
Mon regard est attentif à la moindre expression sur le visage de Joanne, à la moindre fluctuation dans ses yeux, n'importe quel rictus au coin de sa bouche. Quand je lui annonce donc pour ce qu'on pourrait appeler ma promotion, elle ne réagit pas immédiatement. Elle assimile d'abord l'information, et je suppose qu'elle cherche à déterminer si c'est une bonne ou une mauvaise chose, un événement dont elle sera en mesure de faire face. J'acquiesce d'un signe de tête, silencieusement, alors qu'elle cherche à confirmer que oui, je passe déjà en national. Je ne suis pas le genre de personne qu'on garde dans un placard en local. J'ai écumé toutes les antennes radio de la BBC, sur les grandes et les petites ondes, je suis parti à l'étranger quasiment un an, et ma mère est (était, jusqu'à il y a peu) un poids lourd du métier sur les antennes télévisées. Il faudrait être idiot pour ne pas profiter de ce nom et de cette expérience à une plus grande échelle, et ABC n'est pas composé d'idiots. Il faut une bonne minute à Joanne pour finalement montrer une réaction, qui semble plutôt bonne. Je lui souris un peu plus largement. J'ai sûrement de quoi être fier. Je serai tous les jours au creux de l'oreille de tout un continent, et ce n'est pas rien. C'est une première pour moi, et j'espère que la jeune femme est sincère lorsqu'elle montre un certain enthousiasme. « Tous les studios pour les émissions nationales sont à Brisbane. Je vais juste monter un ou deux étages supplémentaires. » je lui réponds en haussant les épaules. Je ne vais nulle part, je rentre à la maison tous les soirs. Ca sera plus de travail et, elle s'en doute, plus de notoriété. Ce n'est pas forcément le but recherché, mais c'est une récompense, une reconnaissance en soi. Les heures de travail que je me suis ôté d'un côté s'ajoutent de l'autre. Mais vu le changement de statut de l'émission, l'équipe sur le coup s'agrandira et je ne serai pas débordé. Les journées seront simplement bien remplies, et les week-ends seront saufs. Je suppose que Joanne sait que j'attends ses réactions au tournant, je ne saurai vraiment ce qu'il en est que plus tard. Quand je pourrai constater, ou non, qu'elle se tiendra à sa parole et à sa volonté nouvelle d'être un peu plus solide. Etrangement, je ne m'attends à rien, cela évite la déception, s'il doit y en avoir, et rendra la surprise plus agréable si Joanne tient bon. Nous ne tardons pas plus avant de rentrer à l'hôtel profiter de ce bain bien mérité. La jeune femme quitte mes bras pour s'en occuper, et file dans l'autre pièce. La pluie n'en finit pas. Je pose mon front sur mon avant-bras, appuyé contre la baie vitrée. Sydney est complètement déformé par les gouttes qui courent sur la fenêtre, mais on devine toujours le pont, l'Opéra, le fleuve et les lumières de la ville qui dansent. Avec le contraste de température entre l'intérieur et l'extérieur, mon souffle sur la surface de la vitre dépose un peu de buée. Comme les enfants, du bout de l'index, j'appuie sur la buée à deux endroits puis fait un arc de cercle de l'un à l'autre de ces points pour forme un petit sourire. Et j'efface mon chef d'oeuvre d'un revers de la main. Alors je me redresse et retourne dans mes chaussures adultes, à la réalité. Joanne n'est pas sortie de la salle de bains, je suppose qu'elle y est encore. Quand je m'y rends, je la trouve dans la baignoire, repliée sur elle-même, les genoux sur sa poitrine et les bras entourant ses jambes pour les maintenir contre elle. Le regard dans le vide. Elle ne tourne même pas la tête lorsque j'entre dans la salle d'eau, sûrement ne m'a-t-elle pas entendu. Je me déchausse près de la porte puis approche des vasques des éviers. Je dépose ma montre sur le bord, mais mon regard ne quitte pas la jeune femme à travers le miroir. « Tu sembles loin, très loin. » dis-je tout bas avec un léger sourire. Loin d'ici, de moi, de tout, quelque part sur une île dans ses pensées, là où même moi je ne peux pas lire ce qui se déroule dans son esprit. « A quoi tu penses ? » je demande avant d'ôter mes vêtements un à un. Contrairement à Joanne, je les plie immédiatement et les laisse sur un tabouret qui se trouve là. Puis je m'introduis doucement dans l'eau. Le bain est assez chaud, seul un frisson agréable me traverse au fur et à mesure que je m'assied derrière la jeune femme. Une fois installé, je pose mes deux mains dans le bas de son dos et appuie avec mes pouces, à la fois délicatement et fermement, sur ses reins et ses lombaires, effectuant quelques massages afin de la soulager après notre journée.