Al monte à l’étage s’occuper de Joanne qui est prête à se laisser pomponner. Chacun dans une partie de la suite, nous prenons le temps d’être vêtus et parés de manière impeccable. Une dizaine de minutes plus tard, mon costume est fin prêt. Toutes les coutures sont terminées, la coupe est bonne, les longueurs précises. Le tailleur s’occupe de mon nœud de cravate, et le tour est joué. J’ai tout loisir d’observer le résultat dans un miroir du petit salon de la chambre, convaincu par les finitions de l’ensemble et appréciant assez la manière dont le costume tend à me mettre en valeur. Son travail terminé, le tailleur range tranquillement ses affaires et Al réapparaît, satisfait de son œuvre sur le visage de Joanne. Visiblement, sa nervosité est palpable. Je ne prie que pour qu’elle ne nous fasse pas une crise de panique une fois sur place. « Je sais bien. Je crois que la fondation lui tient à cœur désormais et elle veut se montrer à la hauteur. » Elle se sait attendue au tournant, la roturière australienne sans expérience à un poste de ce genre et au joli minois. Elle doit convaincre, et ce n’est pas une tâche facile. « C’est quelqu’un qui se met beaucoup de pression très facilement. » j’ajoute, ce qui ne signifie pas que cette pression n’est pas justifiée. « Et puis, elle n’a jamais été vraiment au contact du gratin anglais, en dehors de moi et mes parents, encore moins dans un cadre aussi officiel. Et c’est tout un monde, toute une culture, vous savez bien. » Tellement d’habitudes, de codes qu’elle ne connaît pas et qu’elle devra apprendre sur le tas. J’ai l’impression que j’aurais pu faire plus pour la ‘’former’’, lui expliquer certaines choses, m’assurer qu’elle ne mette pas les pieds dans le plat. Je m’inquiète un peu, mais je suis optimiste. « Ca va aller. J’ai toute confiance en elle. Elle vous a déjà ébloui, je le vois bien. C’est un charme qui opère à tous les coups. » D’ailleurs, cela se confirme lorsque tous les regards se retrouvent aimantés vers la silhouette rougeoyante qui descend les escaliers. Le regard illuminé et un immense sourire aux lèvres, je l’admire de la tête aux pieds. Elle est tout droit sortie d’un rêve. Je jette un coup d’œil à Al et au tailleur dont les mâchoires se décrochent. « Vous voyez ? » Elle fait tourner les têtes, et ce n’est pas que le fait de son allure. C’est un tout. Sa présence est magique. J’approche d’elle et dépose un baiser sur sa main libre. « C’est parfait. » Elle confirme son choix de costume pour moi, trouvant qu’il me sied. « Merci. La qualité fait tout, il n’y a pas de secret. » Un costume bien taillé met n’importe quel homme en valeur. Il suffit d’avoir le bon tailleur. Je me permets de faire tourner Joanne sur elle-même, admirant par la même occasion le dos nu de la robe. C’est à la fois sobre et très majestueux. Elle n’a pas son allure de poupée habituel. Elle en impose, on ne voit qu’elle. « Je savais que tu allais prendre cette robe. Elle est superbe. Et tu la sublimes un peu plus. » Je dépose un baiser sur sa joue, conquis. Afin de congédier le tailleur et le visagiste, je leur fait chacun un chèque personnel qui récompense leur bon travail. « C’est pour vous. » Et il n’est pas nécessaire de le déclarer à leurs employeurs respectifs. « Merci encore pour tout. » Avec leur matériel sous le bras, les deux hommes quittent la suite. Après avoir fermé la porte derrière eux, je retourne auprès de Joanne et prends son visage entre mes mains pour lui donner un baiser bien plus passionné que je n’aurais pu le faire en présence de qui que ce soit d’autre. « Eh bien, je crois que je suis le cavalier le plus chanceux qui soit ce soir. » Honnêtement, qui pourrait penser lui aller à la cheville ? « N’oublie pas de taper ton discours à l’ordinateur. Nous partirons dès que ce sera fait. Et tu as bien ton médicament ? » On ne sait jamais. Je veux croire qu’elle n’en aura pas besoin, mais ne tentons pas le diable. J’embrasse Joanne sur le front et la laisse à sa dernière besogne. Je ne lui propose pas d’écrire son discours pour elle car je sais bien que je serai tenté moi-même d’y apporter des modifications, et je passerai du temps que nous n’avons pas à vouloir l’aider à le perfectionner en retirant toutes les petites erreurs qu’elle a pu commettre. Non, c’est son moment, c’est à elle de le faire. Cela ne prend qu’une dizaine de minutes. Nous descendons ensuite à l’accueil avec la clé USB afin que le discours soit imprimé. Les feuilles pliées sont glissées dans la pochette de la jeune femme. La voilà parée. C’est étrange, à chaque fois que mon regard se pose sur elle, j’ai une petite seconde de surprise, comme si je découvrais à chaque fois à quel point elle est magnifique, et la chance que j’ai de l’avoir à mon bras. Cela ne me rend qu’un peu plus fier. Notre chauffeur nous attend déjà, visiblement aussi charmé par Joanne. Je sens que je vais pouvoir me délecter de bon nombre de regards envieux ce soir.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Les regards, subjugués, ne voulaient pas se détacher d'elle, pas une seule seconde. Jamie ne put s'empêcher de sourire, dès qu'elle était réapparue dans son champ de vision, dans une tenue de soirée, pomponnée par les mains d'un professionnel. Il était certainement on ne peut plus satisfait d'être le cavalier de cette créature que le visagiste avait à peine sublimé. Au pied des escaliers, il fut le premier à s'approcher pour lui embrasser tendrement la main, n'ayant rien à redire sur la prestance et l'apparence de sa belle. Celle-ci, par timidité, baissa les yeux. C'était toujours très flatteur d'être ainsi complimentée par l'homme que l'on aimait. C'était d'ailleurs ce qu'il y avait de plus important pour elle. Il la fit mit tourner sur elle-même, afin qu'il puisse l'admirer sous toutes les coutures. ."Tu es sûr que ce n'est pas plutôt la robe qui me sublime un peu ?" rétorqua-t-elle tout bas en riant nerveusement. ."Je... me suis dit que le rouge et le gris pouvaient aller bien ensemble, lorsque tu hésitais pour le costume, alors..." Elle haussa les épaules avec un sourire timide. A ses yeux, ces deux couleurs s'associaient parfaitement. Jamie remercia ensuite les deux professionnels, avec un petit chèque glissé dans la poche. Ayant désormais totalement leur intimité, il se précipita sur elle pour l'embrasser longuement et langoureusement, gardant précieusement son visage entre ses mains. Joanne fit de même avec les siennes. Cela lui semblait être une éternité, depuis la dernière fois où ils s'étaient embrassés ainsi. Entre la fatigue, la visite de la fondation. Jamie s'avouait être le plus chanceux qui soit que d'être celui qui l'accompagnerait pour le gala.. "Vous êtes bien plus que mon cavalier, my Lord. Vous êtes mon fiancé." lui répondit-elle tout bas, au bord de ses lèvres. Le grade de cavalier n'était pas assez important à ses yeux, non, il état bien plus que ça pour elle. Jamie lui rappela doucement qu'elle devait encore mettre au propre son discours.. "Oui oui, je les ai bien sur moi." lui assura-t-elle, avec un faible sourire. ."Mais je n'en ai pas pris encore. Tu as dit que je pourrais peut-être m'en passer pour une fois, alors..." Alors elle voulait se donner une chance. Elle faisait bien plus confiance en Jamie qu'à elle-même, il était un pilier pour elle, autant pour sa santé physique que mentale. Il l'embrassa tendrement sur le front avant de la laisser aller sur leur ordinateur portable afin d'écrire son discours. Celui-ci lui semblait catastrophique en le lisant, mais il était un peu tard pour songer à tout songer. Le fichier sur la clé USB fut ensuite imprimé à la réception, comme c'était prévu. La jeune femme le plia et le mit dans sa pochette, avec tout le reste. Franck les attendait déjà à la sortie de l'hôtel, prêt à conduire le couple pour la salle de réception du Royal Opera House. Durant le trajet, Joanne jouait nerveusement avec sa pochette, qu'elle ouvrait et fermait constamment. Elle avait l'espoir que regarder à l'extérieur la détendrait, mais il y avait cette énorme boule à l'estomac qui l'empêchait d'être sereine. Elle sentait son coeur s'affoler et sa gorge se serrer, à se demander si elle serait capable de parler durant la soirée. Joanne ne se rendit même pas compte que la voiture s'était arrêtée, qu'ils étaient arrivés. Franck dut la solliciter pour la sortir de ses esprits. "Miss Prescott ?" demanda-t-il, en se retournant. Joanne bégaya un peu, angoissée au possible. ."Juste encore quelques minutes, Franck, s'il vous plaît." demanda-t-elle la voix tremblante, tout en se torturant les doigts. ."Franck ?" dit-elle au bout de quelques minutes. "Oui ?" ."Je peux vous demander d'être franc avec moi ?" Franck arqua un sourcil, et échangea un bref regard avec Jamie. "Bien sûr, oui." ."Comment vous me trouvez ? Enfin... Est-ce que je suis crédible ?" Franck sourit doucement. "Puis-je être honnête avec vous, Miss Prescott ?" Elle acquiesça d'un signe de tête. "J'ai déjà conduit de nombreuses illustres personnes à ce même genre de soirées. Et... vous êtes l'une de ces perles rares, Miss Prescott. Non seulement, vous êtes d'une grande beauté -et ma femme me damnerait si elle m'entendait dire tout ça-, mais il n'y a pas que ça... C'est une vraie beauté, c'est la classe quoi. J'espère ne pas vous offusquer, my Lord." Franck ne voulait pas qu'il croit qu'il avait des vues sur elle, il ne voulait que se montrer honnête avec Joanne. "Mais je pense que vous êtes bien plus crédible que la majorité des personnes déjà présentes dans cette salle. L'une des plus vraies. Et j'espère pouvoir compter sur vous pour ne le dire à personne, sinon je perdrai la moitié de ma clientèle." conclut-il avec un rire nerveux.."Je ne dirai rien, Franck." lui assura Joanne. Elle s'efforça de sourire, mais son regard se baissa. Elle prit la main de Jamie et soupira. Elle hésitait à prendre son médicament, ou à ne pas le prendre. Sa bouche embrassait les doigts de son fiancé. Malgré elle, l'angoisse bordait ses iris bleus de quelques larmes.. "C'est ridicule, de n'avoir plus aucune envie d'y aller, soudainement, pas vrai ?" dit-elle en regardant Jamie avec un sourire un peu forcé. Elle ravala ses larmes et expira un bon coup, les yeux rivés à travers la vitre, gardant précieusement le main de Jamie entre les siennes. ."Tu resteras bien avec moi, hein ?" demanda-t-elle à Jamie. ."Ne me quitte pas d'une semelle, ne me laisse pas toute seule." Pas devant toutes ces personnes. "Je t'aime, Jamie. Je t'aime de tout mon coeur." Elle avait l'impression de signer son arrêt de mort. Franck finit par sortir de la voiture afin d'ouvrir la portière à Jamie, puis à Joanne.
« Qu'importe l'emballage, c'est ce qu'il y a dans le paquet qui compte. » je réponds à Joanne avec un clin d'oeil. Et mon trésor est emballé avec goût. Comme elle le disait à la boutique, les deux costumes choisis auraient pu convenir avec sa tenue, mais une carte aurait été plus sobre que l'autre. C'est une option plus originale qu'a choisie la jeune femme. Je la suspecte d'avoir envie que je sois plus visible qu'elle afin de pouvoir se cacher derrière moi. « Je pense que nous formons un bien beau duo. » Parfaitement assorti. J'aime assez l'idée que le rouge de ma cravate rappelle celui de sa robe. C'est un petit détail qui a son charme, une manière de souligner le fait que nous sommes l'un avec l'autre. Pour elle, je suis quand même plus qu'un simple cavalier ce soir. « Alors je suis le plus chanceux des fiancés. » je murmure, frôlant ses lèvres. Puisqu'il ne faut pas trop tarder, les derniers détails sont pliés rapidement. Joanne a bien ses médicaments avec elle, sait-on jamais si finalement il s'avère qu'elle en ait besoin, mais elle n'y touche pas encore. « C'est bien, donnes-toi une chance. » Même s'il y a des chances qu'elle finisse par se jeter dessus à un moment de la soirée, je préfère l'encourager à croire qu'elle peut tenir la soirée sans y avoir recours. Je sais qu'elle sera on ne peut plus fière d'elle si elle y arrive. Néanmoins, plus nous approchons du lieu du gala, puis les chances semblent minces. Une fois la voiture arrêtée, Joanne est véritablement dans une panique intérieur qui la noie lentement. Je la laisse serrer ma main. Elle trouve un peu de réconfort dans les paroles du chauffeur, que j'approuve d'un signe de tête et avec un sourire. La jeune femme ressemble à un agneau envoyé à l’abattoir. « C'est normal d'avoir peur. » je lui assure. « Tu n'es pas née là-dedans. » Contrairement à moi et à bon nombre de personnes ci-présentes. Joanne, c'est une jeune femme normale, d'une famille normale, à la vie, jusqu'à présent, normale. Tout ça, ce n'est pas son univers. Elle est un poisson rouge jetée de son bocal dans un grand lac. « Bien sûr que je serai avec toi. » Je ne compte pas la laisser. « Allons. Un peu de courage, mon ange. C'est ta soirée, essaye d'en profiter. » Il n'y a pas de quoi dramatiser, personne ne va mourir ce soir. Nous allons célébrer son bon travail de ces derniers mois et tout ce qu'elle accomplira pendant les suivants. Elle va séduire par sa présence tous ceux qui ne sont pas persuadés qu'aider les jeunes et les familles en détresse n'est pas une cause qui mérite de dégainer son chéquier. Frank m'ouvre la portière ; je fais le tour de la voiture pour m'occuper moi-même d'ouvrir celle de ma fiancée que j'aide à descendre du véhicule. « Je t'aime. » je lui murmure avant de déposer un rapide baiser sur sa tempe. Puis je prends son bras et la guide le long du tapis jusqu'à l'intérieur. Le hall accueille un photocall que je ne compte pas imposer trop longtemps à Joanne. Les invités les plus enthousiastes se chargeront de lui demander de poser avec eux plus tard, après quelques coupes de champagne. Au bout de longues dizaines de secondes sous les flashs, l'éternelle question se pose ; « Miss Prescott ! Qu'est-ce que vous portez ? » « Ca s'appelle une robe, notez-le bien. » je réponds avant qu'elle ne perde son temps, car une question en amène une autre et encore une autre. « Nous avons fini. » j'ajoute avec un signe de la main aux photographes qui continuent d'appuyer sur la gâchette frénétiquement jusqu'à la dernière seconde. Après les grandes portes, nous trouvons Ewan à côté des hôtesses. « Lord Keynes, Joanne, bienvenue à votre gala ! » Voilà qu'il a retenu la leçon, ça mérite un compliment ; « On dirait que vous avez fait du bon travail, Ewan. » Et ce n'est pas vraiment forcé. Il a dégoté un lieu prestigieux de Londres et fait décorer le tout avec goût, la disposition des éléments de la salle est impeccable et même la musique n'est ni trop basse, ni trop forte. « Quand est-ce que vous avez prévu le discours d'ouverture ? » je demande, histoire de savoir dans combien Joanne sera débarrassé du plus gros de son calvaire. « Dans une demi-heure, quand la grande majorité des invités seront là. » « Bien, le plus vite se sera fait, le mieux ce sera. » Ainsi, la jeune femme sera plus tranquille dès le début de la soirée. Ou peut-être pas… « Et celui de Joanne aura lieu juste avant le dîner. » Mes yeux s'écarquillent. « Pardon ? » Je n'ai pas entendu ce que j'ai entendu, et je n'ai pas compris ce que j'ai compris. Pas moyen. Ewan a prévu deux discours ; l'un de ma part pour débuter la soirée, l'autre de Joanne après avoir fait durer le suspens jusqu'au dîner. « Le président de la fondation s'occupe toujours du discours d'ouverture... » Je serre les dents. Il y a toujours des imprévus, mais rarement de ce genre. « C'est le genre de tradition dont j'aime être au courant. » Histoire de pouvoir préparer un discours, ce genre de futilités. « Eh bien, ça sera au talent. » J'ai une demi-heure pour cogiter. « Est-ce que je peux vous présenter à quelques uns de nos principaux donateurs ? » ose à peine demander Ewan, qui ne souhaite que faire son job.
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Jamie avait toujours été le plus optimiste des deux. Il semblait être confiant, lorsqu'il pensait qu'elle était tout à fait capable de passer la soirée sans avoir recours à son traitement. Il semblait être sûr de lui en disant qu'il n'y avait de raison que ça se passe mal, à moins qu'il ne cherchait qu'à la rassurer, à dédramatiser. Mais cet événement n'était pas des moindre pour la jeune femme. Bien qu'elle ait déjà été invitée à une soirée Valentino, là, elle était celle que tout le monde attendait de voir. Des centaines de regards rivés sur elle prêts à la juger et la jauger pour savoir à quel type de roturière ils avaient affaire. Les regards, c'était ce qu'elle craignait le plus. Les messes basses, les reproches, les jugements. Un tout qui la fit complètement angoisser juste avant de se jeter dans le bain. Elle avait de prendre les jambes à son cou et de ne pas y aller. Songer à être dans cette immense salle lui donnait des vertiges, peut-être même la nausée par moment, elle voulait juste rentrer à l'hôtel et s'isoler. Jamie lui assura que c'était tout à fait normal d'avoir tant peur, surtout que ça devait être décuplé parce que ce n'était pas son milieu. De tout ce qu'elle entendait dire, elle avait l'impression qu'elle allait se plonger dans un nid de vipères. Des hommes élégants sachant faire de belles tournures pour menacer avec classe, des femmes portant bien trop de bijoux pour attirer les regards et espérer être enviées de tous. Il ne comptait pas la laisser toute seule de la soirée de toute façon, cela sonnait comme une évidence pour lui. "J'avoue avoir soudainement perdu tout mon courage, d'un coup." dit-elle en souriant nerveusement, séchant rapidement ses larmes avant qu'elles ne viennent gâcher son maquillage. Sur le coup, il lui semblait bien difficile de profiter de quoi que ce soit. Jamie fit rapidement le tour de la voiture, tenant à aider lui-même sa belle de sortir du véhicule en lui tendant grâcieusement une main. C'était peut-être idiot, mais ce genre de petits détails faisait toujours craquer Joanne ; c'était un peu romantique, il fallait l'admettre. Après qu'il l'ait embrassé sur la tempe, elle lui demanda tout bas. "J'ai juste à rester moi-même, c'est ça ? Je ne dois pas porter de masque, ou... ou faire semblant, c'est ça ?" De toute façon, Joanne était très peu douée pour ce genre de choses, il ne fallait pas trop qu'elle s'essaie à ce genre de choses dont elle n'avait jamais eu besoin. Passage obligé devant la multitude de photographes, mais c'était quelque chose pour lequel Joanne commençait tout doucement à manier. La présence de Jamie à son bras l'aidait beaucoup, et ses yeux furent toujours aussi agressés par le mur de flash, mais il était certain que les photographes avaient largement trouvé leur compte parmi les dizaines de clichés pris. Ils pénétrèrent ensuite dans l'immense salle, somptueusement décoré. Joanne eut un léger vertige en notant la grandeur de celle-ci, elle ne fit que serrer légèrement le bras de Jamie avec ses doigts avant de se détendre à nouveau. Ewan était non loin de là, prêt à accueillir les personnes centrales de cette soirée. Le visage de la jeune femme se décomposé tout autant que celui de Jamie lorsqu'ils apprirent que ce dernier devait également faire un discours. "Je l'ignorais totalement, je n'ai jamais eu cette information là." dit-elle tout bas à Jamie, vraisemblablement agacé par cette mauvaise surprise. Joanne avait l'impression que c'était de sa faute. Ewan les guida alors à un groupe de deux hommes, entre la cinquantaine et la soixantaine. Leur âge ne les empêchait pas d'être particulièrement classe, ils avait déjà une coupe de champagne en main. "Lord Bailey, Lord Grant, permettez-moi de vous présenter la nouvelle directrice de la fondation Oliver Keynes, Miss Joanne Prescott. Et, bien sûr, le président, Lord Keynes, mais je pense que vous le connaissez déjà." De fins sourires sur leur visage, Joanne eut droit à un baise-main des deux hommes titrés, semblant ravis de mettre enfin un visage sur la fondation. "Lord Keynes, pardonnez mes flatteries, mais je me dois de me dire que vous avez trouvé le plus beau des bijoux, sur les terres australiennes." dit l'un d'eux. "Je suis allé visiter la fondation la semaine passée, et je trouve que même si vous n'en êtes à la tête que depuis quelques mois, nous sentons largement le véritable coup d'air frais entre les murs." constata l'autre. "Mais dites-moi, Miss Prescott, avez-vous suivi une quelconque formation pour pouvoir gérer tout ceci ? Des études dans l'administration, peut-être ?" La jeune femme bégaya un petit peu, brouillée par la timidité et l'embarras. "Non, à vrai dire." leur avoua-t-elle, comme s'il s'agissait d'un méfait. [color=#006699]"J'ai étudié en faculté d'histoire à l'université de Brisbane, pour devenir conservatrice."[/olor] expliqua-t-elle. Sa nervosité était encore palpable, mais Joanne s'efforçait d'être le plus loquace possible, et parvint même à ne pas trop bégayer ou prendre trop de temps pour trouver ses mots. "J'ai du renoncer à mon poste, il y a quelques mois, après avoir accouché de notre petit garçon. Et suite à... ces malheureux événements, Jamie m'a avouée qu'il ne voyait personne d'autre que moi à la fondation. Ewan, m'a beaucoup aidée, a pris beaucoup de temps pour m'expliquer les bases même d'une telle organisation. C'était par ailleurs une bonne occasion de tout remettre à plat afin de lancer plus clairement divers projets." "Je dois dire que le résultat est bien plus qu'encourageant en ce moment. Je suis même surpris qu'Edward Keynes n'avait pas pensé à cette idée de crèche et d'halte-garderie." dit l'un des Lords. On pouvait parfois deviner dans leur ton qu'ils n'avaient pas l'air d'apprécier le père de Jamie. Mais il donnait certainement tout cet argent parce que c'était une cause qui leur tenait à coeur. "Et d'autres projets en tête ?" demanda l'un. Joanne finit par trouver peu à peu ces aises, s'attendant à bien pire d'une conversation avec des hommes de la haute société anglaise. "Pour le moment, j'aimerais achever les travaux pour la crèche et la halte-garderie, à côté, j'aimerais renouveler du matériel, certains commencent à devenir obsolètes... Comme vous l'avez dit tout à l'heure, à donner une bouffée d'air frais. Il y a quelques rénovations à planifier, des programmes thérapeutiques à retravailler. Mais j'avoue avoir un autre grand projet en tête, mais je ne sais pas si je peux en parler..." dit-elle d'un air gêné en se tournant vers Ewan. Celui-ci lui assura, avec un sourire encourageant. "C'est vous la directrice, c'est vous qui décidez." La jeune femme s'octroya un temps de réflexion avant de reprendre la parole. "J'aimerais beaucoup élargir les horizons de la fondation en déployant ses aides dans l'autre hémisphère, en Australie." "Vous comptez mettre en place une seconde structure dans votre pays natal ?" demanda l'un, semblant vivement intéressé. Joanne acquiesça d'un signe de tête. "Le projet est encore en cours d'élaboration, mais c'est ce que j'aimerais faire, oui." dit-elle en souriant. Les Lords semblaient assez satisfaits de cette première image donnée par Joanne. Celle-ci ne savait pas trop quoi en penser. "Je ne voudrais pas vous interrompre, j'aimerais présenter Miss Prescott à d'autres invités, si vous le permettez." dit Ewan. "Bien sûr, je comprends. Mais j'ose espérer que nous aurons l'occasion de discuter de ces projets, Miss Prescott." dit l'un des Lords. Puis les deux tendirent la main afin de celle de Jamie, à échanger quelques mots avant de poursuivre les salutations. En quelques minutes, la salle s'était déjà bien remplie. La jeune femme accepta volontiers la coupe de champagne proposée par un des serveurs. "Il y a vraiment beaucoup de monde..." dit-elle tout bas, bien pensive. Joanne venait à se demander si elle allait devoir saluer et discuter avec chacun d'entre eux. "Il faut que j'aille tous les voir ?" demanda-t-elle à Jamie, perplexe.
Je me doute bien que Joanne n’était pas au courant pour le discours qu’il m’incombe finalement de prononcer dans quelques minutes. Elle n’aurait pas oublié de m’en parler. Je pense que c’est une initiative de la part d’Ewan dont la logique lui semblait transcender tout besoin de partager l’information à qui que ce soit. « Ce n’est pas grave. Je devrais pouvoir m’en sortir. » Ce n’est pas comme si mon travail consistait à improviser à longueur de journée. Je pourrais grandement me remettre en question si je n’arrivais pas à sortir un discours digne de ce nom dans une demi-heure. Je sais déjà ce que j’ai à dire, ce que les invités attendent d’entendre. Rencontrer quelques personnes me permettra d’en savoir plus sur leurs interrogations, et je n’aurai qu’à y répondre tout à l’heure. Ewan nous guide jusqu’à deux hommes, coupe de champagne en main. J’avoue qu’un verre ne serait pas de refus. « Si je voulais la perle rare, il fallait que j’aille la chercher à l’autre bout du monde. » je réponds avec un sourire aux flatteries d’un des invités à l’intention de Joanne. Les deux Lords semblent emballés par le travail de la nouvelle directrice, et même prêts à lui donner une chance et bien du crédit malgré son manque d’expérience. Ses idées lui valent déjà des compliments. « Edward avait une vision trop limitée de ce que la fondation pouvait et devait faire. » j’ajoute. Il ne voulait aider que des Oliver en puissance, alors que nous souhaitons aider le plus grande nombre désormais. « Joanne est là pour ouvrir notre champ des possibles, elle a une vision bien plus large avec un grand souci du détail. » Ce dont j’ai pu m’apercevoir durant notre visite du château. Les projets de la jeune femme récoltent des hochements de tête d’approbation, et l’idée qu’une aile de la fondation puisse ouvrir en Australie enthousiasme beaucoup. « Je ne doute pas que cela aboutira. » Quitte à trouver un second directeur pour reprendre le flambeau à Londres afin que Joanne se concentre sur cette nouvelle branche. Il sera plus simple pour elle d’administrer celle-ci plutôt que celle de l’autre bout du monde. Pressés par Ewan, nous sommes forcés de quitter nos deux invités. « Nous allons essayer de revenir vers vous plus tard. Merci beaucoup d’être là. J’espère que vous passerez une agréable soirée. » dis-je en serrant leurs mains avec un sourire de circonstances. Une fois éloignés, nous avons enfin droit à notre coupe de champagne. La salle se remplit peu à peu, bon nombre de personnes ont répondu à l’invitation. Autant de personnes dont Joanne devra aller à la rencontre. « Autant que possible. Les invités aiment être vus au cas par cas, avoir un mot avec l’invité d’honneur. Tu ne pourras pas voir tout le monde, mais la soirée sera assez longue pour que tu puisses en saluer la majorité. » Ce sera à base de très courtes conversations. Comme des électrons libres, nous devrons aller d’un cercle à l’autre, échanger des banalités, prendre des photos, et repartir pour le groupe suivant. « Et puis, il y en a à éviter. Par exemple, ces hommes, là-bas, ne sont venus que pour le champagne gratuit et leur misogynie les pousse à espérer que tu te vautreras en beauté pour qu’ils puissent en rire lors de leur prochaine réunion au Club. Ne leur donne pas ce plaisir. » Malgré tout le manque de classe et de distinction qui va avec ce titre, il y a en effet des pique-assiette absolument partout. « Le groupe qui s’est formé, par-là, ne cherche qu’à être vu. Ils se fichent d’à peu près tout, excepté eux-mêmes. Ils sont beaux, ils le savent, et se pensent indispensables à la décoration et au bon goût de tout événement qui se respecte. C’est un compliment en soi qu’ils soient là, mais tu perdrais ton temps en allant les voir. » Et d’autres petits duos et trios de ce genre sont à éviter un peu partout, à moins que Joanne ne tienne absolument à serre le plus de mains possibles ce soir juste pour faire plaisir. Nous arrivons auprès d’une femme du même âge que Marie et d’un homme venant de passer la trentaine, particulièrement propre sur lui et flirtant avec le mètre quatre-vingt-dix. « Monsieur Crawley et Lady Heston… » Celle-ci coupe immédiatement la parole à Ewan et ouvre grand les bras pour me donner une chaleureuse accolade. « Oh grand Dieu, James, qu’est-ce que tu as changé ! Regardez-moi ça, qu’il est grand et fort. Je n’étais pas prête pour pareil coup de vieux. » Amie de la famille, la Lady fut auparavant mariée à un proche de mon père avec qui elle eut deux enfants, avant de rencontrer un Lord par son biais et de troquer l’un contre l’autre. Elle rit légèrement de son manque de courtoisie vis-à-vis de Joanne. « Excusez-moi, je n’ai pas vu ce jeune homme depuis bien des années. Plus le temps passe, moins tu ressembles à ton père, c’est incroyable. Absolument rien à voir. » Gêné, je ne sais pas trop où me mettre. Je suis celui qui cherche à se faire petit et discret, cela me rend peu réceptif à ce genre d’effusions, alors je tente de détourner le sujet. « Lady Heston… » « Julia. » « Julia, je vous présente Miss Prescott, nouvelle directrice de la fondation. » Elle se décide enfin à lui adresser un regard plus long et un magnifique sourire. « La fameuse ! Ravi de mettre un si joli visage sur ce nom. Voici mon grand garçon, Allistair. Apolline n’a pas pu venir malheureusement. » Le jeune homme à l’élégance naturelle se penche sur Joanne pour un galant baisemain. « Je connais la fondation depuis ses débuts, j’ai travaillé à l’administration auprès d’Eward Keynes il y a quelques années. Aujourd’hui, je me contente de venir faire la lecture quand je le peux. » On a compris, il est beau et parfait. Merveilleux. « Les employés m’ont déjà dit beaucoup de bien à votre sujet, et Ewan ne tarit pas d’éloges. » S’il pouvait cesser de plonger son regard dans celui de ma fiancée avec autant d’insistance. Sa mère reprend la parole avec l’air snob de tous les aristocrates qui savent qu’ils vont être désagréables. « La seule chose qui m’étonne, James, c’est que tu n’aies pas repris toi-même la fondation. » Je hausse les épaules. « J’en reste le président, elle m’appartient et les grandes décisions passeront par moi. » Même si, en soi, Joanne sera bien plus impliqué dans tous les processus décisionnels que moi. Vivre ensemble lui permettra d’avoir mes accords on ne peut plus facilement. « Je ne pense pas que ton père aurait apprécié que tu la mettes entre des mains étrangères à la famille. » « Joanne sera bientôt Lady Keynes. Si ce n’est qu’un souci de nom, il sera vite réglé, et peut-être que vous vous pencherez plus sur ses compétences. » « Quitte à confier ton héritage à quelqu’un d’autre, je suis certaine que tu aurais pu trouver plus compétant immédiatement. Est-ce que tu as pris la peine de te pencher sur d’éventuelles candidatures ? » Facile de comprendre qu’elle songe à celle de son propre garçon si parfait. « J’ai pleine confiance en Joanne. Ce dont cette fondation avait besoin n’était pas un énième aristocrate ou petit bourgeois déconnecté des réalités. Non, ni votre fils, ni votre fille n’auraient fait l’affaire, pas même vous, pas même moi. Vous devriez venir à la fondation pour voir que mon choix est le bon. Je sais très exactement ce que je fais. » Une atmosphère étrange règne sur cette joute verbale. Il n’y a pas de colère ou d’animosité, et l’on peut voir que ni la Lady ni moi ne nous tenons rigueur de nos propos qui ne manquent parfois pas de piquant. Je crois qu’elle s’amuse de me voir sûr de moi, et me titille pour essayer de trouver des limites. Même si elle pense ses critiques, elles ne sont pas prononcées avec l’intention de nuire ou de vexer. Son avis se respecte comme n’importe quel autre et ses questions sont compréhensibles. Je suppose qu’un grand nombre de personnes ici sont dans l’incompréhension en voyant ce nom inconnu à la tête d’un organisme réputé dans les hautes sphères. Je pense que la Lady s’est vue comme un échauffement avant d’autres éventuelles critiques plus acides, et cherchait surtout à savoir si ma démarche est solide. Nous échangeons un sourire, presque affectueux. Puis je prends sa main pour déposer un baiser à quelques millimètres de ses doigts. « Excusez-nous, Julia, nous avons d’autres invités à aller saluer. C’était un plaisir, merci à vous. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Aller se présent à près de deux cents invités semblait inconcevalbe pour la jeune femme, ce pourquoi elle préféra demander à Jamie s'il fallait vraiment tout les voir. Il expliqua d'il fallait en voir au maximum, avec des salutations, de brèves discussions, montrer un intérêt pour chaque personne présente. Elle se dit alors qu'il y allait certainement avoir beaucoup de répétitions et de redondance. Il lui indiqua également certains groupes qu'il valait mieux éviter, parce qu'il n'avait pas de grand intérêt, en soi. Mais un élément de pression supplémentaire s'ajouta à tout le reste, c'était de savoir qu'il y avait des personnes qui n'attendaient qu'à ce qu'elles se loupent pour pouvoir se divertir. Certains s'attendaient donc à un véritable échec de sa part, c'était un fait qui était loin d'être encourageant. En dehors des présentations officielles, Joanne n'était pas spécialement bavarde, acquiesçant simplement la tête pour faire comprendre à Jamie qu'elle avait bien entendu ce qu'il pouvait lui dire. Ewan les fit s'approcha d'une dame, et d'un homme qui avait l'âge de Joanne mais qui était beaucoup plus grand qu'elle. La belle blonde fut assez surprise de l'étreinte chaleureuse qu'on fit à Jamie. Lui était subitement mal à l'aise, préférant rapidement recadrer la situation. Ce que Lady Heston ignora franchement, ne cessant de complimenter le beau brun. Jamie préféra que toute l'attention se porte à nouveau sur Joanne, ce fut à ce moment là que la Lady lui accorda un regard et un sourire, la belle blonde se demandant si c'était véritablement sincère. Son fils, en véritable parfait gentlemen, prit en toute délicatesse sa main, comme s'il s'agissait de porcelane, afin d'y déposer un doux baiser. Suite à quoi, il lui était impossible de détacher son regard de celui de Joanne. Cette dernière était assez embarrassée. Il ne manqua pas de faire part de son implication dans la fondation, ce qui ravit immédiatement Joanne. Mais elle désenchanta en entendant les critiques de la mère du dénommé Allistair. Jamie avait un sens parfait de la réplique, elle, elle aurait certainement incapable de lui rétorquer quoi que ce soit. Allistair lançat régulièrement des regards compatissants à la petite blonde, sa mère allant à l'encontre de ses propre propos. Jamie finit par conclure la discussion après un bref échange de sourires avec la Lady, que Joanne ne comprenait pas. Elle eut droit à un second baise-main d'Allistair, qui ne manqua pas d'ajouter qu'il espérait avoir une autre occasion dans la soirée pour pouvoir passer un peu de temps avec elle. Ewan les guida vers un autre petit groupe de personnes, Joanne en profita pour boire plusieurs gorgées de champagne. "Lord et Lady Hepburn, bonsoir et bienvenue à vous. Permettez-moi de vous présenter Miss Prescott, la nouvelle directrice de la fondation, et Lord Keynes, son fiancé." Les politesses se firent et Joanne n'eut droit qu'à un regard dédaigneux et lourd de sens venant de la femme titrée, bien trop maquillée. Elle devait avoir une quarantaine d'années. "Nous avions été quelque peu surpris du choix que vous avez fait, Lord Keynes, pour la direction de la fondation. Nous nous attendions à quelqu'un de plus... local je dirais, et peut-être avec un peu plus d'expérience en la matière. Non pas que je remette en cause votre savoir-faire, Miss Prescott, loin de là. Votre courrier nous informant de tous les travaux et projets concernant l'établissement était tout aussi surprenant. Je ne m'attendais pas à un tel engagement." Joanne ne savait pas si elle devait prendre tout ceci comme un compliment ou non, elle se contenta de sourire. Lady Hepburn, quant à elle, soupirait. "Je ne pense pas que ce soit nécessaire d'arrondir les angles à ce point, Charles, il faut bien que Miss Prescott se rende bien compte du scepticisme général de tous les donateurs." Vu le ton qu'elle employait, il y avait déjà eu une certaine consommation d'alcool avant de venir. "Anne, s'il te plaît." "Lord Thompson l'a dit lui-même, l'autre jour, que fait une roturière, australienne qui plus est, n'ayant aucune formation en administration ou management. Elle était conservatrice, franchement." "N'écoutez pas ma femme, Miss Prescott, elle ne sait plus vraiment ce qu'elle dit." Ils finirent par s'éloigner, sous prétexte que Madame avait besoin de prendre un peu l'air. Joanne n'avait pas les mots. Figée sur place, elle avait retenu chacun de ses phrases, et c'était particulièrement difficile à digérer. "Nous devrions peut-être continuer, Joanne." suggéra Ewan en espérant la faire passer à autre chose. "Une petite minute, s'il vous plaît." dit-elle en finissant son verre de champagne. "Ca va être comme ça toute la soirée ?" finit-elle par demander, déjà bien découragée. "Si ça se trouve, les deux hommes que nous avons rencontré en début de soirée sont bien les seuls à croire un tant soit peu à moi."conclut-elle, peut-être un peu trop hâtivement. "Je suis juste un bouc émissaire pour les autres, un instrument parfait avec lequel ils peuvent s'amuser pendant toute une soirée. C'est tellement facile d'atteindre une petite roturière australienne inexpérimentée." Elle attrapa une nouvelle coupe de champagne à la volée lorsqu'un serveur passait par là. "Tu vas passer ta soirée qu'à me défendre." Peut-être qu'il n'était venu que pour ça, dans le fond. "Je ne suis qu'une vulgaire bête de foire." "Ils vous testent, Joanne. Reprendre les rennes d'une telle fondation, ce n'est pas rien. Ils veulent savoir à qui ils ont affaire, si vous êtes capable de la tenir sans faillir." "Mais ça fait des mois que je m'y efforce, que je les informe, et..." "Et il vous faut continuer sur cette voie-là. C'est plus facile pour eux parce qu'ils savent que vous êtes dans un milieu que vous ne connaissez pas. Utilisez la même force que vous avez lorsque vous travaillez si ardemment sur l'un de vos projets." dit Ewan, en voulant se montrer encourageant. Elle acquiesça d'un signe de tête, mais Joanne n'était pas en état d'être convaincue. "Nous devrions continuer." dit-il au bout d'un moment. La jeune femme restait agrippée à Jamie, soit en lui tenant la main ou en s'accrochant à son bras, hors de question de se défaire de son contact.
Les commentaires de la Lady aux yeux vitreux à cause de nombreuses coupes de champagne ingérées avant l'heure semblent avoir touché Joanne. La jeune femme, après avoir essuyé deux salves de critiques amères, se retrouve bien démoralisée. Je la laisse prendre fortement mon bras, je sais que ce n'est pas facile pour elle. Les encouragements ne suffisent pas forcément. Mais je ne me vois pas lui dire que oui, toute la soirée sera ainsi, faite d'éloges et de critiques. “Ne te laisse pas abattre. Il faut leur laisser le bénéfice du doute, ils ne te connaissent pas.” Mais ils ont le jugement facile, certes. Je suis là pour remettre ces personnes à leur place. Cela fait partie de mon rôle de prendre sa défense et prouver sa crédibilité, je le sais depuis le début, et cela ne me dérange pas. Ewan et nous avançons vers la dernière personne d'importance que nous aurons le temps de voir avant que je n'aille sur l'estrade. A distance, je reconnais immédiatement cette silhouette. “Jodie!” je m'exclame en approchant. Il s'agit d'une jeune femme un peu plus âgée que moi, d'allure frêle, naturellement très maigre, aux cheveux et aux yeux noirs. Elle a toujours cet air un peu malade et pâle, et pourtant, elle respire une certaine joie de vivre, de reconnaissance, d'une manière qui lui est propre. “Mince, je te pensais restée à Tel-Aviv!” “Je suis rentrée l'année dernière. Mon père devait venir à cette soirée, mais j'ai demandé à être présente à sa place. Je me suis dit que ça te ferait une surprise. Et je voulais absolument rencontrer cette Miss Prescott.” Jodie adresse un beau sourire à la petite blonde, très doux et affectueux. Son regard glisse sur elle de haut en bas, sans jugement aucun. “J'adore votre robe, vous êtes magnifique.” finit-elle par dire de sa voix fluette et monocorde, comme un murmure. “Les Patterson ont été les principaux investisseurs auprès de votre père lors de la création de la fondation, ils ont notamment aidé à acquérir le château.” Je ne suis pas étonné qu'ils aient tenu à s'investir dans le projet. C'est la taille de l'investissement qui me laisse muet. Cela prouve tout leur attachement. “Depuis que père se fait vieux, j'ai repris le relai des donations. Ça me tient à coeur.” Je m'en doute. Mais je me tourne vers Joanne pour le lui expliquer ; “Jodie était une amie d’Oliver.” Elle hausse les épaules timidement, un peu gênée. “Un peu plus qu'une amie.” précise-t-elle. “C'est vrai.” Nous échangeons un rictus presque désolé. Mon frère et elle étaient très amoureux, sa mort l'a aussi énormément affecté. Je reprends sur une note moins sombre ; “Et nous nous sommes croisés à Cambridge, puis nous avons avons travaillé ensemble à la BBC. Nous avons été envoyés ensemble à Gaza comme reporters, et quand il a fallu rentrer, elle a décidé de rester pour aider les victimes.” Elle a tout bonnement tout plaqué pour y vivre. Mais c'est un travail qui ne prend jamais fin, il faut mettre un stop soi-même. Cela lui a pris donc six ans. Jodie ne cesse de sourire à Joanne avec bienveillance, presque tendre. Elle inspire un calme olympien, les mains jointes devant elle quasiment religieusement. “Je suis sûre que Jamie a mis la fondation entre de bonnes mains, j'ai confiance en son jugement. Il a toujours eu un très bon instinct. C'est ce qui nous a évités plusieurs fois de nous faire canarder sur le terrain.” Elle rit légèrement. Dieu sait tout ce qui nous est arrivé là-bas, tout ce qu'il s'est passé. “Et de ce que j'ai vu, vous prenez votre rôle très à coeur et vous vous donnez beaucoup. C'est ce dont ces jeunes ont besoin. De quelqu'un qui se bat pour eux, qui croit en eux et veut leur donner une chance.” On sent en elle une grande dévotion pour ce genre de cause, sans peur de tout donner de soi. Une ouverture d'esprit sans bornes, et uniquement de la bienveillance pour tout ce qui l'entoure. Difficile de l'imaginer, si frêle, sur le terrain, près de drames. Le souffle seul d'une explosion semble suffire à la briser comme une allumette. “Vous avez l'air d'être quelqu'un de bien, Miss Prescott. Vous avez une belle présence et un regard sincère. Ça change de voir ça dans le cadre d'un gala anglais.” Surtout auprès de brochettes d’aristocrates et autres personnalités importantes à ne plus savoir où donner de la tête. Tous ces gens qui attendent d'être convaincus, séduits par sa personne. Jodie prend délicatement une main de Joanne entre ses longs doigts anguleux. “Je sais que les autres donateurs sont sceptiques. Ils ont peur du changement et de l’audace. Vous deux, vous représentez les deux. Mais ce sont les gens comme nous qui allons refaire le monde qu'ils nous ont laissé dans un piteux état. Eux, ils vont disparaître sans avoir fait la différence pour qui que ce soit. N’ayez pas peur du jugement de cette bande d’anciens d'un autre monde. C'est eux qui ont peur de vous.” Peur qu'une roturière étrangère venue de nulle part s'impose plus qu'eux dans le paysage, vole leur place. Ils devront, pour certains, être ceux qui suivent, et non plus ceux qui sont suivis. “Ne perdez pas ce joli sourire.” conclut-elle tout bas. Son regard se pose ensuite sur l'estrade. Sans que nous ne nous en soyons rendu compte, Ewan s'est esquivé là bas. “Ils testent le micro, je crois que c'est bientôt à toi.” Même Jodie semble plus au courant que moi. Je soupire.
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Dépitée au possible, Joanne n'avait qu'une envie, et c'état de prendre ses jambes à son cou et partir loin de cette salle majestueuse et de ces invités miteux qui ne rêvent qu'à cracher sur elle. "Il n'y a plus vraiment de bénéfice de doute, ils ont d'avoir déjà leur avis bien tranché me concernant." rétorqua-t-elle peut-être un peu trop sèchement, mais c'était totalement involontaire de sa part. C'était tout cet inconfort, cette impression de ne pas être à sa place ; et beaucoup le lui rappelait d'ailleurs; qui l'irritait et qui mettait à mal sa respiration. Elle commençait à avoir une légère sensation de manquer d'air. "Pas la peine de prouver quoi que ce soit, il semblerait qu'ils ne veulent même pas me laisser une chance." soupira-t-elle, buvant ensuite une gorgée de sa coupe de champagne. La jeune femme ne voulait plus vraiment aller à la rencontre de qui que ce soit, découragée. Mais son fiancé semblait reconnaître une femme qui lui était certainement chère, et Joanne fut plus ou moins contrainte de le suivre. Elle gardait tout de même une certaine distance, non sans rester attentive à ce qu'ils pouvaient se raconter. Elle ignorait qu'il avait été à Tel-Aviv. Sur le coup, la petite blonde ne croyait qu'à moitié l'enthousiasme pourtant sincère de la dénommée Jodie, lorsqu'elle dit avoir eu hâte de rencontrer la nouvelle directrice de la fondation. Même si le regard de Jodie se glissa sur elle, Joanne sourit trop timidement, préférant être effacée du paysage sur le moment. "Merci beaucoup." dit-elle tout de même tout bas, suite à son compliment. Patterson, ce nom de famille était plus que familier pour Joanne, persuadée de l'avoir lu plus d'une fois dans toute cette paperasse. Lorsque Jodie rappela leur investissement, elle se souvint de suite où elle avait pu le lire. Elle ne se souvenait par contre pas qu'ils aient pu autant investir dans la fondation. Cette générosité n'était mis en valeur nulle part, ni honoré de quelque manière que ce soit dans l'établissement même. Joanne se rappela ceci et le nota dans un coin de sa tête, afin de rectifier un peu le tir. Jamie se décidé à donner un peu plus de détails sur sa relaton avec Jodie, et il s'avéra que cette dernière n'était qu'autre que sa petite amie, plus ou moins. Elle avait donc aussi connu Oliver. Ceci expliquait certainement le grand investissement dont sa famille avait fait part pour la fondation. Ils avaient ensuite été supporters sur le terrain ensemble. Joanne était déroutée par un tel élan de gentillesse au milieu de ce nid à rat. Jodie devait certainement être sincère, mais sur le coup, elle ne savait pas s'il s'agissait d'un quelconque stratagème pour la tester sans qu'elle ne le voit venir, ou si ce n'était vraiment que de la pure franchise de sa part. Le fait qu'elle ait été proche d'Oliver la touchait aussi. Une valse d'émotions qui la rendaient particulièrement muette, le regard perdu, parfois presque en détresse. Jodie avait certainement du le remarquer, vu qu'elle n'avait de cesse de l'encourager et de préciser qu'elle croyait en elle. "Je ne suis pas une personne audacieuse." répondit-elle d'une voix presque inaudible, tant sa gorge était serrée. "Pour eux, si. Ils ne voyaient pas venir qu'un petit bout de femme comme vous parvienne à reprendre totalement en main une fondation créée par Edward Keynes, ce n'est pas rien. Même si pour le moment, vous ne pensez pas avoir fait grand chose, mas vous avez osé creusé, bousculer un peu leur cheminement, ajouter des services que personne d'autre n'avait songé auparavant." Jodie gardait la main de Joanne dans la sienne. "Ils ne veulent tout simplement pas admettre que vous êtes capable de faire mieux, en gardant bien dans le viseur cette envie d'aider tous ces gamins. Mon père a été impressionnée, et moi dont, de la précision fournie de chacun de vos courriers, de l'avancement de chacun de vos projets." L'amie d'Oliver finit par lui demander de ne pas arrêter de sourire, de ne pas laisser qui que ce soit le lui enlever. Joanne ne sut que lui faire un sourire plutôt attristée sur le coup. Jodie et Jamie regardèrent ensemble l'estrade, indiquant que c'était bientôt au tour du bel homme de monter sur scène. Joanne ne préférait pas encore regarder cette partie de la pièce, sachant qu'elle ne se voyait absolument grimper sur l'estrade. Elle restait longuement dans ses pensées, s'en voulant soudainement de ne pas avoir été plus loquace que ça. "Vous êtes devenue bien pâle, Joanne, tout va bien ?" demanda Jodie lorsqu'elle la regarda à nouveau, véritablement inquiète. "Juste quelques vertiges, ça va passer..." dit-elle tout bas, avec un sourire gêné. "L'air manque un peu, par ici, mais ça va aller." Ses poumons peinaient un peu, à cause de tous ces facteurs qui étaient là de tourner en sa faveur. "Jamie, je t'emprunte ta fiancée, je pense qu'elle a besoin d'un bol d'air frais avant de poursuivre la soirée." dit Jodie, avec un large sourire, semblant ravie d'accompagner la petite blonde à l'extérieure. Elle posa une main amicale sur l'épaule de Joanne et la guida jusqu'à l'une des portes menant vers l'extérieur. "Je te la pique pas plus de deux minutes, c'est promis." ajouta-t-elle en faisant un clin d'oeil à Jamie. L'air était assez lourd à l'extérieur, mais cela lui semblait bien plus supportable qu'à l'intérieur, au milieu de tous ces aristocrates qui avaient les yeux constamment rivés sur elle. "Pardonnez-moi, je vous ai appelé Joanne tout à l'heure, je viens à peine de me rendre compte de mon étourderie. Peut-être que vous préféreriez que je vous appelle Miss Prescott..." "Non, non, Joanne, c'est très bien. Je garde le Miss Prescott pour..." "Pour ceux avec qui vous préférez garder une certaine distance ?" compléta Jodie, avec un petit sourire amusé. "Je fais pareil, c'est assez efficace, je trouve." ajouta-t-elle avec un petit rire. "Vous êtes sûre que ça va, Joanne ?" "Oui, oui... Ca va bien finir par passer." dit-elle entre deux grandes inspirations, en espérant sentir son coeur se calmer un peu et ses poumons se remplir pleinement d'oxygène. "C'est de l'asthme, c'est ça ?" demanda-t-elle timidement. "Non, non, pas vraiment non." "C'est plus grave que ça ?" Joanne haussa les épaules, préférant ne pas entrer dans les détails. "C'est assez compliqué, et long à expliquer. Je ne veux pas me faire passer pour une personne malade alors que ce n'est que... dans certaines circonstances." tenta-t-elle d'expliquer. Joanne commençait à sérieusement paniquer par rapport au discours, tout s'embrouillait dans sa tête. Jodie prit ses deux mains. "J'aimerais que vous me fassiez confiance, Joanne, lorsque je vous dis que quoi que vous disiez, vous en allez impressionner plus d'un. Si vous êtes tout aussi fidèle que dans toutes les lettres que vous nous envoyez, ils ne trouveront presque rien à vous reprocher. Ils vous en voudront juste que vous voyez une meilleure personne qu'eux. Il y a Jamie, je sais qu'il fait tout son possible pour éviter le pire, mais sachez qu'il y a moi. Ma famille étant celle qui donne le plus, j'ai l'honneur d'être à la même table que vous. Si vous vous sentez paniquer, regarder la personne en qui vous avez le plus confiance, vous trouverez ce dont vous aurez besoin, dans son regard. Alors séchons ces grosses larmes, on respire un bon coup - on peut boire aussi une bonne gorgée, et on y va. J'ai confiance en vous, Joanne." dit Jodie, en essuyant de ses pouces les débuts de larmes de la petite blonde. "Je sais que je ne vous connais qu'à peine, mais... Je pense qu'Oliver vous aurait adoré. Il aurai beaucoup aimé vous avoir dans sa famille, comme belle-soeur. Il serait heureux de savoir qu'il existe quelqu'un rende Jamie si comblé." dit-elle tout bas, avec un brin de tristesse dans sa voix. Un sourire plus franc s'afficha sur son visage avant de l'entraîner avec elle à l'intérieur, ne souhaitant pas lui faire manquer le discours de Jamie. "Je le reconnais, c'était un peu plus de dix minutes, et je n'ai pas réussi à lui faire retrouver toutes ces couleurs, mais... Elle est là, et elle va y arriver." dit-elle avec un sourire satisfait avant de s'installer à la place qui lui était attribuée, à côté de Jamie. La majorité des invités était à leur place, prêts à poursuivre les festivités. La jeune femme vola un baiser à Jamie. "Je t'aime." lui dit-elle au bord de ses lèvres. "Peut-être que tout le monde n'est pas si monstrueux que ça par ici, finalement. Il y a Jodie." dit-elle avec un faible sourire. Ewan s'approcha de Jamie pour lui annoncer qu'il serait sur scène d'ici deux à trois minutes.
Il semblerait que rien ni personne ne puisse redonner du courage à Joanne, ni ma présence, ni les mots pleins de gentillesse de Jodie. Je lui adresse un sourire, lui demandant de ne pas prendre le silence de ma fiancée pour elle. La jeune femme n'est pas du genre à s'en offusquer, il en faut bien plus pour mettre à mal sa patience. Malgré toute cette bienveillance, la petite blonde se laisse submerger par un début de panique. Jodie le voit bien et se propose de lui faire prendre l'air. J’acquiesce d'un signe de tête. Seul, je rejoins notre table, terminant mon champagne en marchant pour ne pas avoir à adresser la parole à qui que ce soit. Je suis rapidement rejoint par les deux jeunes femmes. “Courage, mon ange.” je murmure à ma fiancée un peu pâle, prenant sa main dans la mienne sous la table. Jodie ne s'installe pas tout de suite, elle échange quelques mots avec d'autres donateurs, et au regard furtif que nous échangeons je comprends qu'elle s'occupe de faire l'éloge de Joanne auprès du plus grand nombre. J'ai aussi droit à un sourire d'encouragement en vue de mon discours. “Oui, c'est vraiment quelqu'un de bien…” Petit à petit, chacun trouve sa place. Je caresse tendrement les mains de Joanne et l'embrasse avec délicatesse. Suite à mon discours, nous aurons le temps de faire plus ample connaissance avec les quatre autres invités à notre table, avant que ce ne soit à la nouvelle directrice de prendre la parole. Alors pour le moment, j'essaye de la rassurer et lui montrer que je suis bien présent pour elle. Je lui souris affectueusement, le front apposé au sien. Jusqu'à ce qu’Ewan me fasse signe discrètement. Je soupire. “Bon… à tout de suite. Souhaite moi bonne chance.” Mes doigts passent dans ses cheveux blonds, je l'embrasse sur le front et quitte ma place pour rejoindre l'estrade. J'ai à peine le temps de souffler un coup lorsque je suis annoncé, que je me retrouve devant ces centaines de personnes aux nombreux visages familiers. Tous m'ont connu traîné dans la boue par Edward, qualifié de moins que rien. J'imagine que peu ont une haute estime de moi, pour ceux qui ne juraient que par le jugement de l'ancien Lord. Je reste silencieux quelques secondes, mettant mes idées en place, et un peu nerveux. Finalement, je prend une grande inspiration et débute. “Merci à tous de vos joindre à nous ce soir. Je suis très heureux et impressionné que la fondation Oliver Keynes reçoive autant de soutien de la part de personnes illustres. Ca représente beaucoup pour moi, pour Miss Prescott, et tout le personnel qui donne de sa personne chaque jour.” Une nouvelle pause. J’appréhende tout ce que je sais que l'on attend que je dise. Parler d’Oliver sans trembler. Mais le silence seul est un traître suffisant. “Oliver Keynes était mon frère. Vous l'avez peut-être connu, ou vous avez entendu parler de sa très courte vie. Vous devez savoir que c'était un garçon brillant. Mais malgré tout ce qu'il avait pour lui, mon frère n'était pas un garçon heureux. Il s'est trouvé des vices bien trop tôt à force de souffrir de la pression d'une existence d'apparence si parfaite. Je l'ai trouvé pendu dans sa chambre le 5 septembre 1996. Ca fera vingt ans cette année.” Je me garde bien de mettre la culpabilité de cet acte sur les épaules de mon père, il n'y a pas de mérite à s’en prendre à un mort et cracher sur sa mémoire. Même si c'est la vérité, on ne me le pardonnerait pas. Je ne blâme pas non plus ma mère. Personne n'est là pour m'écouter régler mes comptes après tout. “A sa mort, j'ai retenu une chose : le nombre de personnes se penchant vers moi pour me dire à quel point ils étaient désolés. Il y en a certains parmi vous d'ailleurs, je n'en doute pas. Autant de personnes qui n'ont rien fait pour lui quand il en avait besoin, qui ne l'ont pas aidé et qui ne lui ont pas tendu la main. Des personnes qui voyaient sa détresse, et d'autres qui ne l'avaient même pas remarquée, ou qui ne voulaient pas la voir. Le problème, c'est qu'à ce moment-là… peut-être qu'aucun d'entre nous n'avait les moyens de l'aider. Peut-être que personne ne pouvait faire quoi que ce soit. C'était écrit.” Je ne cherche peut-être qu'à me consoler, mais je préfère trouver une raison à sa mort. Je prends un peu d'eau du verre devant moi, ma gorge est sèche et cela me permet de réfléchir à la suite. “C'était écrit pour mettre notre fragilité dans la lumière. Nous avons la prétention de dire le contraire, mais les problèmes humains ne nous épargnent pas. La vie nous a donné, et nous reprend parfois au centuple.” Mais même entre nous, alors que nous pourrions nous comprendre les uns les autres avec nos problèmes que le commun des mortels ne nous autorise pas à avoir pour cause de trop plein d'aise, nous ne disons rien, nous jouons leur jeu et maintenons cette impeccable façade. Plus par fierté que par humilité. Oliver a matérialisé la manière dont tout cela nous consume. Bien sûr, ce n'est pas qu'une question de classe sociale. Mais il fallait que l'un des nôtres, l'un des meilleurs, en meure pour que nous aidions les autres. “C'était écrit pour que, aujourd'hui, cette fondation évite qu'il y ait d'autres affaires Oliver Keynes qui brisent des familles. Il faut parfois un sacrifice pour sauver de plus nombreuses vies. Vous avez désormais le pouvoir de faire plus qu'être désolés pour ces jeunes. Vous pouvez les aider, concrètement. Et pour cela, je vous demande d'avoir autant foi que moi en Miss Joanne Prescott.” Évidemment, tous les regards se posent sur elle ou la cherchent, et elle est plus que visible dans sa robe rouge. Pour ma part, je lui adresse un fin sourire. “Il arrive d'avoir des certitudes dont rien ne peut vous faire douter. La fondation Keynes est tout ce qui m'a été légué, et il a immédiatement été évident pour moi que je devais la lui confier. Je lui ai déjà confié mon coeur, et je compte lui confier ma vie, parce que je sais qu'elle belle personne elle est. Quelqu'un qui se dévoue pour le bien être des autres, qui s'oublie pour ceux qu'elle aime, et qui sait se donner corps et âme dans ce qui lui tient à coeur. Quelqu'un d'une générosité et d'une bonté sans limite. Une véritable source d'inspiration. Je mets aussi entre ses mains le souvenir et l'héritage de mon frère, la fondation. Elle n'a ni les études, ni le CV adéquats. Mais elle a la vision terre-à-terre et cohérente de tous les problèmes de notre génération et des suivantes qui manquait cruellement jusqu'à présent. Elle met la famille au coeur de tout, avec raison, car la famille est le pilier d'une vie. Elle a déjà commencé à s'investir, réformer, rénover, faire bouger les choses. Ceux qui y sont allé le disent; il y a un vent nouveau entre les murs du château. En seulement quelques semaines, Miss Prescott a fait un travail formidable et a changé des vies.” S’ils avaient pu voir toute la reconnaissance dans le regard de Charlie et de sa mère, ils comprendraient mieux. Ils comprendraient tout. Mais pour le moment, ils ne peuvent que se fier à ma parole. “Je vous prie de croire que ce n'est qu'un début.” je conclus avec un sourire, confiant. Après un court silence, je fais signe à un serveur de monter sur l'estrade pour me donner une coupe de champagne. Son passage furtif et nerveux en fait légèrement rire quelques uns. “Assurez-vous d'avoir un verre en main, s'il vous plaît, car j'aimerais les voir tous levés.” Je porte moi-même ma coupe au niveau de mon visage, tourné vers ma fiancée qui ne doit décidément plus savoir où se mettre. “À la santé de Joanne Prescott et de la fondation Keynes.” Les coupes s’élèvent, et cela suffit à considérer que nous avons trinqué. “Merci beaucoup.” Je reste pour accepter les applaudissements un court instant, puis quitte l'estrade. Sorti de la lumière, je prend une bien grande gorgée de champ et bois ainsi toute la nervosité qu'il ne fallait pas laisser paraître tout ce temps. Nailed it. Enfin, je retourne à notre table et retrouve ma Joanne. Je lui vole un baiser avant de faire un rapide tour de table pour serrer la main de tous les invités qui ont été placés ici avec nous, lançant des “bonsoir” et des “merci”à qui le veut, l’éternel sourire de façade sur le visage alors que je rêve que de m'asseoir et souffler un coup. Quand je le peux enfin, je récupère les mains de ma fiancée dans les miennes et l'embrasse plus longuement. “Jodie a déjà fait les présentations? Non? Alors, nous avons ici Sir Lloyd -vous représentez la banque d’Angleterre ce soir, je suppose?-, son épouse, puis Lady Lauren Kane et Lord Terrence Gray de la Chambre des Lords, et enfin Monsieur Hoper à côté de Jodie, que tu connais.” Je suppose que ce sont tous les plus importants donateurs et bienfaiteurs de la fondation, mais j'avoue que je n'en sais pas plus. J'aurais sûrement dû me renseigner un minimum.
CODE ☙ LOONYWALTZ
Dernière édition par Jamie Keynes le Lun 8 Aoû 2016 - 16:44, édité 1 fois
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Jamie rappelait constamment à sa belle blonde qu'il était là pour elle. Si ce n'était pas par les mots, c'était par les gestes d'affection qui se multipliaient. Il prit même sa main sous la nappe de la tables, avec tendresse. Joanne lui sourit, pleine de reconnaissance. Elle n'aurait jamais pu faire face à tout ceci toute seule, elle n'aurait pas tenu le coup. Elle aurait certainement fait un malaise, et les urgences auraient été là l'heure qu'il est. Jamie l'embrassa, se fichant bien des photographes qui pouvaient passer par là et immortaliser le baiser. Son front collé au sien, il lui souriait, il semblait tellement serein. Une poignée de secondes qui permit à Joanne de s'évader quelques secondes avec lui, recréant une bulle éphémère leur permettant de décrocher un peu. Même elle, s'était mise à lui sourire. Jusqu'à ce qu'ils étaient obligés de redescendre sur Terre, car Jamie devait monter sur l'estrade pour son discours improvisé. "Bonne chance, mon amour." lui dit-elle tout bas en parvenant à lui voler un dernier baiser avant qu'il ne s'éloigne. Joanne le devinait nerveux, d'être devant tous ces gens, sans avoir de papier sur lequel était écrit chaque phrase qu'il devait prononcer. L'émotion était vive lorsqu'il s'était mis à parler d'Oliver. Tout le monde attendait certainement cela, mais il n'avait pas idée de la douleur que ça pouvait lui infliger. Les mains jointes devant son visage, elle le regardait droit dans les yeux, lui apportant tout son soutien d'où elle était. Le cinq septembre allait être une date particulièrement difficile pour lui. Déjà vingt ans, se dit-elle. Joanne sentit ses pommettes reprendre des couleurs lorsqu'il mentionna son nom et que tous les regards se rivent sur elle. Jodie lui fit un rapide clin d'oeil avec un sourire complice. Joanne la regarda très brièvement avant de reposer ses yeux sur Jamie, qui lui lui souriait et la contemplait amoureusement. Il continuait de lui verser des éloges, elle finit par ne plus savoir où se mettre. Il cherchait tellement à la mettre en valeur, à demander que chacun des personnes présentes lui accordent une chance ou au mieux, sa confiance. Il finit par porter un toast pour elle avant que la salle entière n'applaudisse pour ses mots. Il ne resta que quelques secondes sur scène avant de descendre, vider sa coupe de champagne et revenir à sa table pour embrasser rapidement sa belle avant de ne saluer le reste de sa tablée. Assis à sa place, Jamie récupéra immédiatement les mains de sa fiancée avant de l'embrasser longuement. "Tu as été parfait." lui assura-t-elle avec un sourire, le regard tendre. Puis il se chargea de présenter les invités présents à leur table. Joanne adressa à chacun d'entre eux un franc sourire et quelques salutations. Ils souriaient, eux aussi, et Jodie semblait particulièrement confiante quant aux choix des invités qui étaient assis à la table principale. Les mêmes questions revenaient régulièrement, surtout concernant le parcours de la jeune femme. Mais elle y répondait avec tout autant de franchise et de détails qu'avant. Elle n'avait pas grand chose à cacher. Mais ils étaient tous intéressés par l'art, et cela faisait un point commun avec l'ancienne conservatrice, qui avait alors pas mal de bagages dans ce domaine. Joanne se sentait presque à l'aise en discutant avec eux, cela ne l'empêchait de garder précieusement sa main dans celle de Jamie. Les serveurs arrivèrent avec l'entrée, d'autres venaient servir le vin blanc dans les verres. Joanne n'avait vraiment pas d'appétit, se répétant incessamment qu'à la fin de ce premier met, ce serait à elle de monter sur l'estrade. Par contre, son verre de vin lui, se vidait bien. Lorsque les assiettes furent presque vides, un homme d'une table voisine s'approcha de Jamie, ignorant totalement la présence de Joanne. Jodie le regarda d'un air presque désinvolte, attendant de voir ce que cet aristocrate leur voulait. "Bonsoir, Lord Keynes. Je suis Lord Gillford. Je suis heureux de savoir que vous ayez repris en main la fondation de votre père - une noble cause." Il devait avoir quarante ans, pas plus. Il tenta de parler plus discrètement, mais cela n'empêchait pas au reste de la table ce qui était en train de se dire. "Je ne doute pas de vos compétences et à qui vous attribuez votre confiance, mais moi, et certains de mes amis, avions pensé qu'il fallait peut-être reconsidérer la personne se trouvant au poste de la direction ?" Et c'était reparti. Joanne s'efforçait de faire comme si de rien n'était, les autres invités fronçaient légèrement les sourcils, insatisfaits d'être ainsi interrompu durant leur repas, même s'il s'agissait également d'un Lord. "Nous pensions à une autre personne qui vous est très proche, Miss Hannah Siede ? Nous avions vu sa représentation de Macbeth qui était tout simplement somptueuse. Sa prestance, sa classe et son assurance convaincront tous les donateurs de la fondation, il n'y aurait pas meilleure représentante qu'elle." Joanne croirait rêver, à croire que son ombre la suivrait éternellement, quoi qu'elle entreprenne. Elle était débarrassée de bien des émotions la concernant, mais la mentionner ainsi durant une soirée qui était supposée être la sienne ne faisait que lui prouver qu'elle n'avait définitivement pas sa place ici. Elle avait envie de hurler, de partir loin d'ici. Ce Lord Gillford ne lui accord même pas le bénéfice du doute. Jodie regardait Joanne avec compassion, lui demandant de ne pas se soucier de ce qui se disait juste à côté d'elle, sachant bien que ça devait être très difficile pour elle de faire la sourde oreille. Ewan annonça soudainement la suite des festivités, invitant Joanne à venir sur la petite estrade. Elle était décomposée, le moment étant bien mal choisi. Elle finit par se lever, sans dire mot, après avoir cherché dans son sac la feuille du discours, qu'elle tenait fermement. Ewan partageait ensuite quelques mots qu'elle n'entendit absolument pas, ce n'était qu'un écho lointain. Elle avait l'impression que ses jambes allaient céder subitement, qu'il n'y avait plus beaucoup d'oxygène dans la salle. Oui, se dit-elle, Hannah aurait été parfaite. Elle ne serait pas à l'état de flaque comme moi, la robe lui irait bien mieux qu'à moi, elle parlerait avec plus d'aisance que moi. Elle finit tout de même par se convaincre que ce n'était pour rien que Jamie l'avait choisi, et uniquement elle pour ce rôle. Joanne finit par s'approcher du micro, posant sa feuille sur le support. La vue quelque peu brouillée, elle n'arrivait plus à lire ce qui était écrit, malgré les grands caractères et le fait que ça a été tapé à l'ordinateur. Joanne ne se souvenait que du paragraphe souhaitant la bienvenue à tous les donateurs et représentants, ce qu'elle dit en premier lieu, d'une traite. C'était bien la seule partie de son discours qu'elle n'avait remodulé. Le reste c'était le flou total. Après quelques secondes de silence, elle se dit qu'elle n'arriverait de toute façon pas à lire ce qui était écrit sur sa feuille. Elle se disait que c'était du à l'émotion de l'instant. Elle se rappelait qu'elle ne devait être qu'elle-même, qu'il n'y avait de toute manière pas de masque. Alors elle se lança un petit peu à l'aveuglette, n'ayant que des fragments de ce qu'elle s'écrit qui lui revenaient. "Depuis toute petite, ma grand-mère me disait toujours qu'il fallait donner des chances autour de soi. Qu'on ne pouvait pas tout réussir au premier coup, et qu'il fallait donner l'opportunité de se prouver pour montrer que l'on est capable de réussir. Elle me disait que je devais faire partie de ces personnes là, parce qu'il y en avait de moins en moins dans notre monde. On m'a laissée beaucoup de chances dans ma vie. De nouvelles occasions de me prouver, de montrer que j'en étais capable. Et grâce à toutes ces opportunités, j'ai aujourd'hui tout que j'ai pu désirer ou rêver : une famille. J'ai un fiancé des plus attentionnés, et un fils adorable, qui l'a bien compris d'ailleurs, et qui se complait à faire du charme à la moindre personne qu'il voit. Le pire, c'est qu'il fait ça très bien." dit-elle avec un rire nerveux. Même quelques personnes rirent sa remarque, faisant un bruit de fond très léger. Peu à peu, Joanne retrouvait ses mots, elle se rappelait de tout ce qu'elle avait écrit, mais elle préférait peut-être reformuler certaines phrases sur le coup. Elle était moins dans son papier, et plus en interaction avec les invités "Il est vrai que dans notre société actuelle, on ne veut pas donner cette nouvelle chance. Dès qu'il y a eu un écart, ça rentre tout de suite dans les stéréotypes. Il est drogué, il va forcément replonger. Il a essayé d'attenter à sa vie, c'est sûr, il va retenter. Si son mari l'a abandonné, ce n'est pas pour rien. Et dans ces temps de crise, les premières excuses qui viennent, c'est le manque de temps, le manque d'argent de s'occuper de ces personnes là. La fondation Oliver Keynes leur accorde ce temps qu'on ne veut pas leur donner. Grâce à vos dons, grâce aux connaissances, au savoir-être et savoir-vivre de chaque personne qui se dévoue à cette cause, il y en a beaucoup qui ont eu cette chance, qui l'ont prise, et qui font de leur rêve une réalité. Il y en a beaucoup qui y ont vus une issue, une lumière, un nouvel essor pour se relancer dans la vie active et être comme tout le monde. Et je vous assure, que de voir tous ces sourires, sur ces visages d'enfants, de parents, d'adolescents, ça vaut tout l'or du monde. Ils apportent, grâce à vous, un message d'espoir pour un monde qui me semble un peu trop triste à mon goût." Joanne avait la bouche sèche, elle avalit difficilement sa salive. "Je sais que vous avez des attentes, que vous voulez tous que je fasse mes preuves. Vous savez que la fondation a été réformée, remaniée, afin de partir sur de nouvelles bases et aspirer au progrès. Actuellement, nous travaillons principalement sur la rénovation des locaux, le renouvellement du matériel mis à disposition, et la petite nouveauté de la saison sera l'ouverture de la crèche et de la halte-garderie. Il y a également un partenariat qui est en train de se créer avec un centre de formation professionnel en alternance. On m'a beaucoup demandée, depuis que je suis à la direction de la fondation, si je voyais plus grand, si j'allais faire preuve d'audace." Elle sentait son coeur battre à toute allure, c'était assez inconfortable. "J'aimerais apporter cette même source d'espoir dans un pays qui est cher à mon coeur, et ce n'est autre que mon pays natal, l'Australie. La fondation a apporté beaucoup et continuera d'apporter beaucoup aux personnes étant dans le besoin ici, et j'ai envie que cette même dynamique se créée chez moi, parce qu'il y a tout autant de problèmes, d'enfants et d'adolescents qui crient à l'aide sans que personne ne les entende. Ce n'est encore qu'au stade d'élaboration, le projet est en cours de rédaction, mais il se fera. Je donnerai autant de chances que je puisse en donner à toutes ces personnes, si vous me laissez une chance de diriger cette fondation qui est devenue très chère à mon coeur. Merci à tous."
crackle bones
Dernière édition par Joanne Prescott le Lun 8 Aoû 2016 - 21:36, édité 1 fois
Enfin assis, mes jambes me semblent un peu moins lourdes. La pression redescend lentement. Joanne ne manque pas de me complimenter sur mon discours improvisé, et même si j’avoue être assez fier de ce que j’ai articulé sans préparation, plus j’y pense, plus je me dis que j’ai fait un bon paquet d’étourderies. « Merci, mais j’étais très loin d’être parfait. J’ai fait au mieux en tout cas. » Au moins, ce n’était pas un fiasco total. Pour ma part, la nervosité m’a ouvert l’appétit. L’entrée est la bienvenue sur la table, avec un verre de vin aux arômes parfaitement mariés avec l’assiette. Je pique volontiers de la fourchette et acquiesce aux compliments sur la cuisine. Les discussions allant bon train autour de la table, majoritairement centrées sur Joanne, je ne me rends absolument pas compte qu’un homme s’approche de moi. Les regards posés sur lui ne semblent absolument pas l’arrêter, même s’il est évident qu’il dérange. L’alcool l’a sûrement un peu désinhibé. Il semble presque sympathique malgré tout, au premier abord. « Merci beaucoup, c’est en effet une cause qui nous tient à cœur. » je lui réponds avec un sourire qui s’efface bien vite. Certaines personnes ont de réelles lacunes en matière de savoir-vivre, même dans les hautes sphères de la société. Comment ose-t-il ? C’est sûrement la question qui se pose dans tous les esprits autour de cette table. « C’est un peu tard pour ce genre de suggestion, et très inconvenant. » dis-je aussi bas que lui pour ne pas donner l’impression de chercher sciemment à l’humilier auprès de tous les invités nous entourant. Je suis surpris que l’homme vienne pour me suggérer de choisir Hannah plutôt que Joanne pour le poste de directrice. Il n’a décidément rien compris, et ce manque de pertinence est presque choquant. Cette fois, je lui parle haut et fort. « Lord Gillford, ce dont cette fondation a besoin, ce n’est pas d’une représentante ou d’une mascotte. Ce que j’ai donné à ma fondation, c’est une directrice. Un leader compétent et dévoué. Il y a une grande différence. » Après tout, c’est une association, et non une marque. Nous n’avons pas besoin d’une égérie –et même si tel était le cas, Joanne ferait aussi bien l’affaire. Comment peut-on penser qu’une comédienne ferait l’affaire à la tête d’une telle fondation ? « Vous pouvez dire aux gentlemen de votre table que mon choix est ferme et définitif. Si vous n’êtes pas convaincus, vous pouvez garder votre argent et continuer de profiter du champagne. » Un sourire courtois, puis ma tête se tourne vers les convives autour de la table, faisant comprendre que l’entretien est terminé. De toute manière, il est l’heure pour Joanne de monter sur l’estrade pour son discours. Elle est bien pâle et les propos du Lord l’ont encore touchée. Sur le moment, je me dis que je devrais peut-être lui suggérer de prendre son médicament, juste par précaution. Mais le temps d’hésiter, elle est déjà partie. Mon cœur se comprime en la voyant si nerveuse et perdue pendant les premières minutes. Je m’attends à la voir fuir l’estrade d’une seconde à l’autre. Elle finit par se reprendre assez pour assurer son discours jusqu’à la fin sans aucune crise de panique. Elle parle un peu vite, comme pour expédier cette corvée, mais je pense que personne ne lui en tiendra rigueur, dieu sait que ce genre de public est effrayant. J’ai l’impression de retenir ma respiration tout du long, jetant parfois un coup d’œil angoissé du côté de Jodie qui me sourit pour me rassurer. Je m’efforce de sourire aussi, et cela est de moins en moins forcé au fil des secondes. A la fin, nous sommes une grande majorité à l’applaudir, Jodie s’est même levée pour montrer tout son soutien, n’étant pas du genre à avoir peur du regard de qui que ce soit. Joanne nous rejoint, et je me permets de déposer un baiser sur ses lèvres. « Je t’avais dit que tu pouvais le faire. » Si elle tient ainsi jusqu’à la fin de la soirée, ce sera mission accomplie, et un sacré pas en avant pour celle qui a si peu confiance en elle. « Tu t’es très bien débrouillée. Bravo. » Je reprends sa main, magnétisé, et dépose un nouveau baiser sur ses doigts. Son discours n’était pas parfait, ils ne le sont jamais, mais c’était elle, c’était vrai, c’était ses mots, et c’est tout ce qui compte. Il n’était pas question de servir autre chose aux donateurs juste pour leur plaire. « Je t’aime. » je lui murmure. Jodie, fière de ce petit bout de femme, lui adresse un large sourire. « Félicitations, Joanne. » Ni elle ni moi ne pouvons vraiment imaginer ce que c’est d’être dans pareille situation, mais il est facile de deviner à quel point ce doit être difficile pour quelqu’un comme elle. Mon regard glisse sur les invités, rapidement. Je cherche ceux qui seraient en train de dévisager ma fiancée avec mécontentement. Il y en a quelque uns, c’est sûr, mais les autres semblent partis sur de grandes discussions, à ce que j’entends, sur la future branche australienne de la fondation. « Nous verrons plus tard s’il reste des sceptiques. Pour le moment, mange un bout. » Sans quoi, l’alcool lui montera trop à la tête, elle pourrait se sentir mal jusqu’à demain. Et puis, il n’est pas question qu’elle me claque entre les doigts. Pas en si bon chemin. Le plat principal est servi, les discussions reprennent autour de la table. « Je dois vous avouer que je n’ai jamais mis le pied au château. » dit la seule Lady présente. « Ne vous en faites pas, c’était également notre cas jusqu’à ce matin. Difficile d’organiser une visite depuis le bout du monde. Mais vous devriez vraiment faire le déplacement, c’est un endroit superbe, et prendre le temps de voir les résidents. Je pense qu’ils seraient contents de mettre un visage sur leurs bienfaiteurs. » Ne serais-ce que pour dire merci en face, et se sentir assez important pour que des personnes importantes viennent les voir, même si ce n’est pas vraiment individuellement. « Nous avons rarement le temps pour ça, vous savez… » Elle donne déjà de son argent, et beaucoup si la dame est à cette table, ce qui est déjà bien. « Je m’en doute. Vous savez quoi, une fois les travaux de rénovation terminés, nous allons faire organiser une grande visite guidée pour les donateurs qui le souhaitent à l’occasion de l’inauguration de la halte-garderie. Et je compte sur vous pour nous consacrer ce petit bout de votre temps. �� Il suffit de dégainer un sourire charmeur pour que la Lady me sourit à son tour et hausse les épaules, vaincue. « C’est si gentiment demandé. » Les assiettes vidées, Jodie se lève, prenant sa pochette avec elle. « Je vais fumer une cigarette avant le dessert, quelqu’un pour m’accompagner ? » Je me lève à mon tour. « Je viens avec toi, ça me fera prendre un peu l’air. » Je ne suis pas sorti depuis le début de la soirée, et je commence un peu à étouffer. Je me penche sur Joanne pour l’embrasse sur le front. « Ca ne sera pas long, promis. » Certes, j’avais dit que je ne la laisserai pas seule, mais je ne pense pas qu’elle me tiendra rigueur de cinq petites minutes, d’autant plus que les invités à notre table sont de bonne compagnie. Je suis donc Jodie jusqu’à l’espace fumeur, sur une petite terrasse à l’opposé de la grande entrée. Elle sort une cigarette et m’en propose une, que je me vois obligé de refuser. Joanne le devinerait tout de suite et je ne tiens pas à subir un scandale de ce genre ce soir. « Je n’arrive pas à croire que ça fasse déjà vingt ans. » murmure-t-elle en évacuant la première bouffée de tabac de ses poumons. « Moi non plus… » je soupire. Du reste, il n’y a besoin que du regard pour échanger notre peine, se dire qu’il nous manque, et qu’il est difficile de tourner la page.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Elle s'attendait tout, sauf à des applaudissements, encore moins à ce que certaines personnes ne se lèvent pour elle. Joanne était prise de vertiges, et ne savait pas vraiment où se mettre, ce qu'il fallait faire. Tout ce dont elle avait besoin, c'était une chaise, qu'on la laisse un peu tranquille. Il y avait beaucoup de remarques cinglantes, et celle qui était affiliée à Hannah était particulièrement blessante, elle ne l'oubliait pas, c'était dur à digérer, même si Jamie était figé sur sa position. Afin de l'aider à descendre les marches, Ewan lui tendit une main. De sa main libre, Joanne tint un peu sa robe afin de ne pas trébucher dessus. Ce fut déjà un premier soulagement de pouvoir s'asseoir, de ne plus avoir à solliciter ses jambes pour quoi que ce soit. Son fiancé l'embrassa et la félicita. Les mains de Joanne était encore bien moites, glaciales, très tremblantes. Toute la pression était encore bien ancrée en elle, et prit beaucoup de temps à baisser. "J'ai été horrible." lui dit-elle tout bas, dépitée. "Je n'ai rien pu suivre de ce que j'avais écrit. Je ne voyais plus clair, tout était absolument flou. Je me souvenais juste du début, et j'ai pu le dire, mais la suite..." C'était un petit peu d'improvisation, et ce n'était peut-être pas ce que tout le monde attendait. "J'ai fait ce que j'ai pu." conclut-elle en haussant les épaules. Jamie porta l'une de ses main à ses lèvres pour l'embrasser délicatement. "Je t'aime aussi." lui répondit-elle avec un air tendre. Elle passa ses bras par-dessus l'épaule pour pouvoir l'enlacer, sous le regard attendri de Jodie. Celle-ci félicita à son tour la belle petite blonde, avec un large sourire. Elle, contrairement à d'autres, semblait franchement convaincue. Comme le reste de la tablée, d'ailleurs. "J'ai vraiment cru que j'allais m'évanouir, sur l'estrade. Je ne me sentais vraiment pas bien mais... mais ça ne s'est pas passé comme ça. C'est... c'est plutôt une bonne chose, non ?" lui demanda-t-elle tout bas, lorsqu'elle l'enlaçait encore, essayant de voir le verre à moitié plein. Joanne ne savait pas trop quoi en penser, elle était plutôt mitigée sur ce fait. Il lui donna ensuite la consigne de se nourrir un peu, sachant très bien qu'il n'y avait que de l'alcool dans l'estomac de Joanne pour le moment. Celle-ci toucha à peine à son entrée, mais elle semblait un peu plus remise pour manger quelques bouchées. Elle mangeait avec lenteur, mais elle mangeait. La Lady de la table racontait alors qu'elle n'avait pas encore eu l'occasion de visiter la fondation, et Jamie l'y invita. Celui-ci finit par proposer une visite guidée pour tous les bienfaiteurs désirant connaître un peu plus cet endroit. Joanne acquiesça d'un signe de tête, trouvant l'idée merveilleuse. A la fin du repas, enfin, Joanne n'en était qu'à la moitié, mais elle continuer de manger tranquillement. Jodie se leva, avec l'intention de s'aérer les poumons à sa propre manière et Jamie n'hésita pas un seul instant pour l'y accompagner. Il savait très bien que sa fiancée était à cheval là-dessus, et que ce serait bien trop évident qu'il fume ce soir. Ce fut un peu paniquée qu'elle les regarda un peu s'éloigner. Elle retourna à son assiette, continuant à manger tranquillement. "Vous avez déjà une idée du type de lieu que vous aimeriez utiliser pour cette future branche de la fondation, Miss Prescott ?" demanda Sir Lloyd, qui posa ses couverts dans l'assiette avant de prendre une gorgée de vin rouge. "Pas vraiment, non. Malheureusement, nous n'avons pas d'aussi beaux châteaux que vous avez par ici, et il faudra un bâtiment d'au moins tout aussi grand." expliqua Joanne. "Donc il serait possible que vous veniez à faire construire quelque chose." conclut-il. "Oui, en effet. Mais si nous devions en arriver, je voudrais que ça se fonde dans le paysage, en prenant bien évidemment en compte tous les aspects écologiques. Je n'en ai pas encore parlé à Jamie, mais je pensais demander son aide, en tant qu'ambassadeur de WWF." Le Sir fut agréablement surpris. "Bien pensé, Miss Prescott." dit-elle ave cun rire satisfait. Joanne sourit, gênée. "Ce serait un partenariat merveilleux, et qui, je pense, se fera. Pour le coup, je me demande si vous ne feriez pas mieux de monter ce projet de toute pièce. Imaginons que ce soit le cas, que feriez-vous ?" Joanne se prit le temps de réfléchir. "Des panneaux solaires, pourquoi pas un mur végétal, une isolation adéquate, une éducation au recyclage, une sensibilisation pour les enfants... La liste est bien longue." "Vous l'avez déjà bien rempli, je trouve." dit la Lady. "Bien que ce soit de l'autre bout du monde, aurions-nous des nouvelles de ce projet ? En plus de toutes les informations que vous nous donnez déjà ?" reprit Lord Lloyd. "Oui, bien sûr. J'aimerais recueillir aussi vos adresses mails, si ça vous convient, il faudra que je contacte tous les autres donateurs à ce propos. Economie de papier, ce genre de choses." Joanne, arrivée au trois-quart de son plat, posa ses couverts, n'ayant plus vraiment faim. Elle but un peu de vin rouge. Allistair apparut soudainement, s'installant sur la chaise de Jamie, le sourire charmeur aux lèvres. "Je ne vous savais pas aussi ambitieuse, Miss Prescott." "Je ne sais pas si nous pouvons réellement parler d'ambition pour ce genre de cause." rétorqua-t-elle avec un sourire sympathique. "En tout cas, tout le monde ne parle plus que de ça. Vous avez fait mouche." Il ne fallait pas se mentir, Allistair était un bel homme, et il devait certainement le savoir et comment l'utiliser. Il ne ratait pas non plus une occasion d'embrasser délicatement sa main, comme il venait tout juste de le faire. Les autres personnes de la table avaient fini par discuter des quelques informations supplémentaires que venait de donner Joanne. "L'Angleterre a eu vent de votre beauté, mais ce n'est rien comparé à la réalité. Vous a-t-on déjà comparé à une divinité ?" dit-il plus bas, en s'étant légèrement approché de la jeune femme. Celle-ci baissa les yeux. Il était particulièrement insistant avec son regard, comme s'il allait manger toute crue. "Merci pour vos flatteries, Mons..." "Appelez-moi Allistair." Joanne lui sourit, gênée. Mais le retour de Jamie et Jodie la sauva quelque peu, bien que le jeune homme ne semblait pas vouloir laisser la place à Jamie lorsque celui-ci arriva à son niveau.
La nervosité et la peur de Joanne se sont ressentis. Personne n'est dupe, tout le monde a bien pu voir à quel point elle était mal à l'aise sur l'estrade. Tout le monde a pu entendre son souhait de prendre ses jambes à son coup tant elle le pensait fort. Si certains feront preuve d’intransigeance, les plus sages et les plus futés sauront qu'il est beaucoup demander à une jeune femme comme elle de tenir un discours face à toute une assemblée n'attendant que de vous juger. Certains ne verront cela que comme la preuve qu'elle n'est pas taillée pour ce job, d'autres, moins jugeurs, n'y verront que de la timidité et du stress. De toute manière, chacun ira de son opinion, et tout le monde verra midi à sa porte. L'important, c'est le travail qu'elle accomplira ces prochains mois. Si cette apparition n'a pas convaincu les sceptiques ou en a créé d'autres, ses actions balayeront les doutes à son sujet. « Ce n'est pas grave, c'était quand même très bien. » je lui assure avec un sourire. A mes yeux, plus important encore que tout ce cirque, c'est que Joanne ait réussi à tenir sans paniquer, sans manquer d'air, sans aucun signe vraiment inquiétant. Même si elle était persuadée qu'elle allait défaillir, ça n'a pas été le cas, elle a tenu bon. « C'est une très bonne chose. Je suis certain qu'après ça, le reste de la soirée va se passer sans encombre. » Après tout, le plus dur est passé. Du reste, ce ne sera que poignées de mains, bonsoirs, sourires et banalités. Elle pourra se laisser le droit d'aller voir ou non certaines personnes, surtout les plus hostiles, et de passer plus de temps avec ceux qui se montreront vraiment intéressés par son investissement. Cela reste sa soirée. Heureusement, nous sommes bien entourés. Pendant le repas, il n'y a pas de critique acide à digérer avec les tomates. Joanne suit mes paroles et mange selon son appétit. Elle termine son assiette en tête-à-tête avec les autres convives pendant que je suis Jodie dans sa pause cigarette, me contentant de humer l'air grisâtre. « Je pense que je vais bientôt repartir. » me confie-t-elle après un long silence, arrivée à la moitié de sa cigarette. « Pour aller où ? » « Je n'en sais rien encore. Mais je n'arrive plus à m'acclimater à… tout ça. Ce n'est plus vraiment mon monde, et Londres n'est plus vraiment chez moi. » Après huit ans dans un autre pays, un autre climat, un autre rythme de vie, je comprends qu'elle n'ait plus ses repères ici. De toute manière, elle n'a jamais aimé cet environnement, mais ses parents étaient du genre à accepter qu'ils ne feront jamais d'elle une vraie Lady. « Si tu veux je connais une grosse île qui est l'endroit idéal pour prendre un nouveau départ. » dis-je avec un petit rire -et elle rit aussi. Mais c'est presque trop civilisé pour elle. Trop d'immeubles, trop de personnes, trop de voitures. Après tant d'années au Moyen-Orient, elle se verrait bien en Asie, pourquoi pas en Mongolie ou en Inde. Jodie ne se mariera sûrement jamais, et n'aura pas d'enfants. Je ne sais pas si c'est le cas, mais j'ai l'impression que c'est l'amour de sa vie qui s'est donné la mort il y a vingt ans, et que depuis, son coeur est impossible à conquérir. C'était lui, ou la solitude pour toujours. Mais elle ne semble pas mal le vivre. Elle termine sa cigarette et nous retournons à l'intérieur. De loin, je vois Allistair assis à ma place, près de Joanne, échangeant quelques mots avec elle, et un baiser sur la main. Je soupire en devinant son sourire charmeur, une fois plus près, mais je me fais le plus aimable possible face à lui. « Vous accepteriez de me rendre ma fiancée ? » je demande avec un sourire courtois. Il balaye quasiment ma présence d'un geste de la main, comme pour m'ordonner d'aller voir ailleurs s'il y est. « Vous devriez aller prendre un peu plus soin de vos convives au lieu de rester vissé à elle et à votre chaise. » Cet idiot ne sait absolument pas de quoi il parle. Je lève les yeux au ciel, pensant n'avoir affaire qu'à un garnement dans un corps de trentenaire qui sera vite expulsé de cette chaise en boudant. « Vous devriez garder vos conseils pour ceux qui veulent les entendre. » je rétorque, mains dans les poches. Il me sourit avec nonchalance, appuie un coude sur le dossier de la chaise, et passe une main à travers ses mèches blondes. S'il n'était pas soudainement aussi pédant -ce qui est un changement presque choquant après les airs angéliques qu'il affichait tout à l'heure-, lui et Joanne seraient en effet très bien assortis. Sauf que la place est prise. « Jaloux, my Lord ? » « Plus depuis que vous faites preuve d'autant d'arrogance. » Mais il sourit quand même, parce qu'il y a un demi aveu dans cette phrase. Il ne bouge pas de là, et il ne compte toujours pas bouger. Et la seule solution qui me vient en tête, après le prendre par le col pour le jeter par terre, c'est de le faire raccompagner à sa place par un membre du personnel -sauf que cela reviendrait à s'avouer vaincu, dans un sens. Dans le silence, il n'y a qu'un ridicule combat de regards de western. Finalement, mon regard se pose sur Joanne. Elle ne semblait pas avoir l'intention de repousser le jeune homme quand je suis arrivé, peut-être que sa présence lui plaît bien et que je devrais en effet la laisser.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
L'assurance qu'avais Allistair face à Jamie était déconcertante. Il semblait être si certain d'avoir ses chances avec elle qu'il préférait ignorer le fiancé. Joanne aurait parier qu'il brûlait de l'intérieur, qu'il avait envie de le corriger comme il savait si bien le faire, mais il semblait parfaitement se contrôler. Et Allistair ne voulait définitivement pas lui léguer sa place. Joanne sourit tendrement à Jamie et glisse sa main sous son costume, mais par dessus la chemise pour lui masser délicatement les lombaires. "Il n'a franchement pas de quoi être jaloux." dit-elle à Allistair, en arquant un sourcil. "Apparemment, si." Dommage pour lui, Joanne avait un peu plus d'alcool dans le sang comparé à d'autres soirées, et dans ces cas là, son sens de la réparti s'améliorait considérablement, à sa manière. "J'apprécie énormément vos actions pour la fondation, Allistair, mais je ne suis pas un coeur à prendre. Vos baisemains et votre sourire charmeur ne me font pas grand effet." Allistair pouffa de rire. "Vous devriez savoir que même dans notre monde, cette tradition est bien trop vieille pour être décemment respectée." "Détrompez vous." lui rétorqua-t-elle en gardant un sourire impassible sur son visage. "Je suis de ceux qui respectent et qui pensent sincèrement les voeux de mariage." "Foutaises." Joanne but calmement une gorgée de son vin rouge. "Croyez ce que vous voulez. Mais pendant que vous continuez à maintenir chaude la place de mon fiancé, je vais me promener un peu avec lui. Rester vissée à lui, en quelque sorte." dit-elle pour reprendre ses mots. "Parce qu'être jaloux prouve que Jamie a énormément de sentiments pour moi. Si je l'embrassais devant vos yeux, seriez-vous capable de ressentir la même chose ?" Elle haussa les épaules, et finit par se lever. Joanne parlait discrètement, ce n'était qu'audible que pour les deux premiers hommes concernés. "Et si vous voulez vraiment tout savoir, Monsieur, je vais aussi restée vissée à lui tout le reste de la nuit." lui dit-elle près de l'oreille, suivi d'un large sourire satisfait, avant d'entraîner avec elle Jamie en le tenant par la main. Dans un coin de la salle, il y avait une piste de danse, avec un groupe de musique réputé pour ce genre de gala. Il y avait déjà quelques couples sur les planches, et d'ailleurs tous les regards se rivèrent sur eux lorsqu'ils arrivèrent. Et ils commençaient à danser. "Vous me pardonnerez, my Lord, de ne pas avoir eu l'intelligence de vous inviter à danser. Je me disais que vous ne me le refuseriez pas." dit-elle tout bas avec un large sourire. Elle savait que c'était le seul endroit aux yeux de tous où ils pouvaient être un peu entre eux. Où on n'oserait pas les déranger pour ne pas les priver de ce moment là. La musique était douce, tout juste perceptible. "Coriace, ces jeunes aristocrates anglais." finit-elle par dire avec un brin d'ironie. Même une bague de fiançailles ne suffisait pas à contenir un peu leurs pulsions soudaines en voyant un beau visage. "C'est tout de même un peu triste de savoir qu'il y en ait autant qui se fichent bien de la fidélité." soupira-t-elle. "Nous sommes si vieux jeu que ça ?" Leur visage était proche l'un de l'autre. Il ne suffisait que de quelques centimètres pour s'embrasser, ou pour poser le front contre celui de l'autre. Mais pour le moment, ils préféraient plonger dans les yeux de l'autre, à dire ces mots que personne d'autre ne pouvait comprendre ou entendre. Un petit moment de latence idéal pour digérer non seulement le dîner, mais aussi toute la pression emmagasinée préalablement à cause de discours et de critiques on ne peut plus négatives. Cette danse apaisait beaucoup la jeune femme, qui ne voulait plus que la musique ne se termine. Elle pouvait danser éternellement avec Jamie sans s'en lasser. Il lui avait répété que c'était sa soirée, elle n'allait donc pas se priver de ce petit moment qu'elle ne voulait partager qu'avec lui. Mais la musique finit par s'arrêter tranquillement, annonçant la suite de la soirée. La jeune femme resta immobile quelques secondes, sans bouger, en gardant son front contre ses lèvres. "Promets-moi une autre danse." lui demanda-t-elle tout bas en plongeant ses yeux bleus dans ses iris verts et si envoûtants.
On peut dire que Joanne remet correctement Allistair à sa place. Accepter les flatteries ne signifie pas que le prétendant gagne du terrain chez la jeune femme. Je crois que c'est avant tout une question de politesse pour elle. Sa répartie me fait sourire, et j'arque un sourcil en l'entendant clouer le bec du jeune homme qui pensait lui faire si parfaitement la cour qu'elle pourrait en oublier son fiancé à un mètre d'elle. Elle prend mon bras, et sans un regard de plus, elle nous éloigne de lui et nous amène sur l'espace dansant de la salle de gala. Nous échangeons un sourire complice alors que nos doigts s'entremêlent et qu'elle pose une main sur mon épaule, moi dans le bas de son dos. « Je ne peux rien vous refuser, vous commencez à trop bien le savoir. » je réponds aussi bas qu'elle. Bientôt, elle en abusera malgré elle. Elle saura tout le pouvoir qu'elle a sur moi, et il sera bien trop tentant d'en user de temps en temps pour des broutilles. C'est la vérité, je ne peux rien lui refuser. Pas lorsqu'elle me regarde comme ça en tout cas. Nous avons de plus en plus rarement l'occasion de danser ensemble, notre présence aux soirées de ce genre s'étant largement diminuée depuis la naissance de Daniel. Cela donne toujours quelques papillons dans le ventre, quelques frissons. Je jette un coup d'oeil vers Allistait par dessus l'épaule de la jeune femme. Coriace, oui. « Je crois que tu as blessé son ego, regarde comme il boude. Et il ne lâche toujours pas ma chaise. » Bras croisés, il n'a toujours pas bougé. Et je crois qu'il vient de boire dans mon verre. Ce genre de comportement m'échappe. Ce qui offusque Joanne, c'est le manque de considération généralisé pour la notion de fidélité chez les personnes que nous rencontrons. « Ils se fichent de la fidélité parce qu'ils n'ont personne dont ils peuvent l'exiger. C'est une demande qui se crée lorsque l'on donne son coeur à quelqu'un, en lui demandant d'en prendre soin. » Certains se pardonnent des écarts, mais c'est une chose que je ne comprends pas. Jamais je ne pourrais dépasser ça, savoir qu'un autre homme a posé ses mains sur elle alors qu'elle est mienne. Être trahi de cette façon. « Peut-être qu'un jour il sera amoureux et il comprendra. Ou peut-être qu'il finira comme certains autres, à ne vivre que pour leur bon plaisir. » Même en couple, même mariés, certains ne donnent pas de réelle valeur à cet engagement et continuent d'aller à droite à gauche. Encore une fois, certains couples d'y voient pas d'inconvénient, mon p-re était de ceux-là, mais ce n'est clairement pas mon cas. Je hausse les épaules. Nous ne saurons sûrement jamais. « Mais je m'en fiche d'être vieux jeu. Tu es à moi, point c'est tout. » Je souris tendrement à ma fiancée, puis lui vole un baiser. Du reste de la danse, plus un mot n'est échangé. Il n'y a que des regards, de la chaleur. Pendant ces quelques minutes, il n'y a qu'elle et moi, personne d'autre. Je vide mon esprit de la pression de l'événement pour ne me concentrer que sur ce moment avec celle que j'aime. Le morceau prend fin bien trop vite. Je promet une autre danse à Joanne d'un signe de tête, puis l'embrasse longuement et amoureusement pour prolonger la durée de vie de notre bulle de quelques secondes supplémentaires. Nous retournons à table pour le dessert, Allistrair s'est envolé et l'air est bien plus respirable. « Vous êtes bien beaux tous les deux. » lance la Lady à notre table en nous regardant tour à tour. « Vous avez un petit garçon, c'est ça ? » J'acquiesce. « Un petit Daniel. Daniel Oliver Keynes. Il a six mois. Ou sept maintenant ? » Ou en tout cas, il en aura sept très bientôt. Le temps passe incroyablement vite. Le sourire de la dame est plein de compassion lorsqu'elle saisit le second prénom de notre fils. Mais je sens celui de Jodie devenir lourd. Elle se contente de vider son verre et de rester visiblement amère dans son silence. Je ne saisis pas trop ce qui lui prend. « Nous attendons qu'il soit plus grand pour lui montrer l'Angleterre. C'est un long voyage. » je reprend. Jodie ne touche pas au fondant au chocolat en dessert ; je le partage avec le représentant de la banque, tous deux grand gourmands assumés. Pour Ewan, l'heure est venue pour nous de nous prêter une nouvelle fois au jeu des photos. Quelques clichés de groupe officiels pour le souvenir -et la communication. Tout la tablée pose ensemble, puis nous sommes traînés de groupe en groupe où nous avons à peine le temps de faire connaissance qu'il faut poser, sourire, et attendre le flash avant de passer au groupe suivant. Quand le tour est terminé, une dizaine de photos plus tard, le photographe s'approche de nous. « J'en ai une superbe de vous deux, regardez. » Il nous montre l'écran de l'appareil sur lequel s'affiche un cliché de Joanne et moi nous embrassant sur la piste de danse, les lumières sont magnifiques. Elle sera dans le lot qu'il enverra sur le mail de la fondation, avec toutes les autres. Ewan insiste finalement pour une dernière photo de groupe. Il est assez difficile de faire tenir les dix personnes dans le cadre sans se marcher sur les pieds et avoir l'air ridicules. « On se rapproche, encore, encore ! » s'obstine à dire le photographe, toujours le sourire aux lèvres. Allistair, qui s'est glissé à côté de Joanne, ne manque pas l'occasion de se rapprocher, et use de cette excuse pour poser sa main sur le dos nu de la jeune femme. Après le cliché, il file vers la terrasse pour une cigarette, et je le suis de près, bouillonnant. « Je peux savoir à quoi vous jouez ? » Accompagné d'un de ses amis, visiblement aussi snob que lui, le jeune homme se sent invincible. « Ne soyez pas si sensible, je l'ai à peine touchée. » Dans ces moments là, je déteste avoir un interlocuteur plus grand que moi. L'on a jamais aussi bien illustré l'expression ''être pris de haut''. « Si je vous touche à peine à ma façon, ça ne rendra pas aussi bien en photo. » Il hausse les épaules, se disant bien que je ne ferai jamais ça. Des menaces dans le vent. « Est-ce que vous cherchez à faire honte à Lady Heston ? » Pourchasser une jeune femme fiancée, la bague au doigt, qui plus est la directrice d'une fondation censée lui tenir à coeur, et manquer de respect au fiancé en question, qui n'est autre que le président de cette fondation. Il devrait s'écraser avec humilité, se faire tout petit, mais il n'y compte pas. « Oh, Keynes, voyons. Allez donc la chercher et lui répéter pour voir, si faire appel à une vieille dame est votre dernier recours. » La seconde suivante, sans réfléchir, mon poing trouve son visage. Le geste a dépassé ma pensée. Mais tant que j'y suis, désormais, je suis prêt à recommencer. « J'ai d'autres recours. »