Cette petite colline soulève une foule de questions pour quelqu’un d’aussi curieux que je le suis. Je ne sais rien du fonctionnement de tout cet appareil. Je me demande à quoi est-ce que notre bébé ressemble à cet instant, s’il nous entend, s’il pense, s’il a conscience d’où il est, de qui il est, de qui nous sommes. Je ne suis pas particulièrement scientifique, peut-être devrais-je me renseigner à propos de toutes ces choses, l’anatomie, d’une toute autre manière que celle que j’ai pratiquée jusqu’à présent. Grace m’apprend que le bébé bouge parfois dans son ventre. Mon imagination illustre immédiatement cela par un petit pied ou petite main visible sur la peau de sa mère, qui l’étire comme s’il était à l’étroit, ce qui serait une vision à la fois fascinante et horrifique. « Vraiment ? » je demande entre l’excitation et l’appréhension lorsqu’elle me dit que je pourrais aussi le sentir bouger. Je fronce les sourcils, surpris, confus. Mais je laisse ma main sur le ventre comme la jeune femme me l’indique. Elle s’y connaît bien mieux que moi. En attendant un signe de vie du bébé, je réfléchis à son futur prénom. Certes, j’ai le temps. Peut-être que je n’aurais une idée claire qu’au dernier moment. Et si ce n’était pas le cas ? Et si rien ne me venait, aucune révélation lorsque j’aurai mon enfant dans les bras ? Mieux vaut y songer immédiatement, cela est bien plus sage. « J’ai une idée pour une fille seulement. » dis-je au bout d’un moment. « J’aimerais l’appeler d’après ma tante. Mais pas le prénom complet, quelque chose s’approchant de Lucrezia. » Cela ne doit sûrement pas étonner Grace, je lui ai déjà parlé de mon affection pour cette femme et mon admiration pour sa beauté. Elle a pris soin de moi, elle m’a caché, elle s’est toujours assurée que je ne manquais de rien et que ses voisins florentins me traitaient comme il se doit. La lettre écrite de sa main avant sa mort fait partie de celles qui m’ont permis d’être reconnu. Néanmoins, Lucrezia doit rester unique à mes yeux, et son prénom uniquement sien. « Lucia me semble bien. » j’en conclus. Comme un surnom affectif. Il n’y aura que nous pour savoir d’où cela lui vient. Le désavantage d’avoir toujours été proche des femmes est qu’aucun homme ne m’a véritablement marqué. Et s’il s’avère que notre enfant est bel et bien un garçon, alors pour le moment, il reste sans prénom. Grace s’installe plus confortablement, et moi je reste blotti contre elle et son ventre abritant le fruit de notre amour. La petite graine qui grandit de jour en jour. La princesse dirige soudainement ma main vers une zone précise de celui-ci afin que je puisse deviner les mouvements du bébé. Concentré, j’attends un peu, puis je sens une très subtile pression sur ma paume. Mes yeux s’arrondissent. « Oui, je le sens ! » Emu, je vole un baiser à mon épouse avant d’en déposer un autre sur son ventre. « Je suis là. » je murmure à notre petit. « J’ai tant hâte de te rencontrer. » Il me répond par d’autres petits coups qui me font rire. Après un moment passé à transmettre toute ma tendresse à ce petit être, je me redresse et embrasse Grace. La fatigue commence à l’emporter, il faut songer à se rhabiller. Chacun enfile ses vêtements pour la nuit, toujours à contrecoeur. « Nous partirons pour Bologne dans deux jours, cela te convient-il ? » je demande une fois sous la couverture et serrant ma belle dans mes bras. Est-ce qu’un bébé dort dans le ventre de sa mère ? Est-ce qu’il rêve ? Ou voit-il les rêves de sa mère peut-être ? Il y a bien trop de questions sans réponses à mes yeux. « Je ferai aménager la calèche pour que tu aies l’impression de voyager sur un nuage. » je reprends avec un large sourire, caressant ses mèches blondes afin de la rassurer. Il n’arrivera rien à notre enfant. Elle pourra être sereine jusqu’à notre arrivée là-bas. Tendrement et amoureusement, je dépose un baiser sur son front, son nez, puis sa bouche, bien plus langoureusement. « Je t’aime tellement… » je lui murmure au bord des lèvres avant de lui souhaiter bonne nuit.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Curieux comme tout, on pouvait voir dans le regard de Celso toutes les questions qu'il devait se poser. Il n'aurait jamais imaginé être un jour père avant d'avoir connu Grace. De ce fait, il ne s'était jamais posé de questions à ce sujet, encore moins au changement de l'anatomie d'une femme durant cette période de sa vie. Il fut tout aussi perplexe lorsqu'elle lui avait conseillé de garder une main sur son ventre, ayant l'espoir de sentir ce si petit être bouger dans le ventre de sa mère. Celso le découvrait chaque jour, les avantages et désagréments d'une épouse enceinte. Dans un premier temps, il ne savait pas comment réagir, pas vraiment. Il semblait troubler par avoir un premier contact avec son fils, avec pour seul barrière la peau de Grace. Le Prince s'efforçait de réfléchir à ce prénom, comme s'il voulait que ce soit trouvé avant qu'il ne s'endorme. Il évoqua alors sa tante, pour qui il avait une profonde affection. Il était normal qu'il tienne à lui faire honneur en utilisant un prénom qui s'y rapprochait. Elle lui sourit avec tendresse. "C'est un très beau prénom, Lucia. J'aime beaucoup." lui confia-t-elle en lui caressant délicatement les cheveux. Même après qu'elle se soit un peu redressée, Celso faisait en sorte de rester collée contre elle, et contre son enfant. Puis elle avait guidé sa main où l'on pouvait sentir quelques coups donnés par le bébé. Dès qu'il sentit un premier mouvement, les yeux de Celso s'arrondirent, avant qu'ils ne se mettent à briller de plus belle, ravi d'avoir ce moment privilégié avec son fils. Dans l'excitation, il embrassa les lèvres de Grace puis son ventre, murmurant alors quelques mots à leur bébé. Elle le laissait communiquer avec lui, et elle fermait les yeux, commençant à beaucoup se fatiguer de cette journée assez chargée en émotions. Celso s'en rendit compte, et elle la laissa se redresser afin qu'elle puisse enfiler sa chemise de nuit. Grace se blottit un petit peu contre lui pendant qu'ils discutaient de l'organisation du voyage. "Oui. J'aurai toute la journée de demain pour préparer mes affaires, je pense que ce sera amplement suffisant." lui dit-elle avec un sourire. "Comment comptes-tu donc aménager une calèche ?" demanda-t-elle ensuite, bien curieuse de savoir ce qu'il avait en tête à ce sujet. Il l'embrassa un peu partout sur son visage, avant de déposer ses lèvres sur les siennes pour les caresser longuement. "Je t'aime aussi, mon amour." lui dit-elle tout bas. Grace dut ensuite s'allonger sur le côté, étant la position la plus confortable qu'elle avait en portant ce bébé. Celso se colla immédiatement à elle, en posant une main sur son ventre.
Grace ne vit pas la journée de préparatifs passer. Il y avait tant à faire, tant à programmer. Et elle ne pouvait pas aller aussi vite, ou être aussi efficace qu'elle le voudrait. Mais le poids de son bébé lui provoquait des dorsalgies, surtout dès la fin de l'après-midi. C'était alors Jane et Luisa qui s'évertuaient à ne rien oublier de ce que Grace demandait. Une journée éprouvante pour elle, si bien qu'elle se sentait incapable d'assister au banquet, bien trop épuisée. Elle avait demandé à ce qu'on transmette le message à Celso, qui n'attendit pas davantage pour aller la voir, mort d'inquiétude. Elle le rassura pendant de longues minutes, disant qu'elle préférait se reposer plus longuement pour être en meilleure forme pour le voyage du lendemain. Elle s'excusa également de lui avoir faussé compagnie. Le lendemain, on retrouvait Grace dans une tenue de voyage adaptée, avec une bien meilleure mine que la veille. Rejoignant son mari dans la cour extérieur, elle l'embrassa longuement. "Pardonne-moi de t'avoir fait faux bond, hier soir." lui dit-elle tout bas, se sentant bien coupable. Elle lui caresse sa joue d'une main. "Mais je suis prête à partir." Elle était à la foix inquiète et très enthousiaste à cette idée. Mais la plus chose qui soit pour elle était qu'elle n'avait pas à se séparer de son mari. Le temps lui aurait paru infiniment long. Il fallait qu'il soit proche d'elle, le jour où elle mettrait son enfant au monde. "Alors, comment as-tu aménagé cette calèche ?" lui demanda-t-elle, curieuse. Il devait certainement être levé de bonne heure, pour régler encore quelques affaires et attribuer quelques autres tâches avant qu'il ne parte de Tricarico. "Penses-tu que nous serons bien acueuilli, là-bas ?" lui demanda-t-elle tout bas, perplexe à ce sujet. "Que toi et moi disposerons de tout ce que nous pourrions avoir besoin... y compris pour l'accouchement ?" Elle allait en terres inconnues là-bas, elle ne savait pas si on allait l'apprécier ou non. Elle se fichait bien des rumeurs mais ce qui était le plus important pour elle, c'était que son bébé naisse dans d'excellentes conditions.
Dès le lendemain matin, je fais convoquer un ébéniste et un tapissier au château. Je les guide jusqu'au lieu où sont entreposées toutes les calèches et les carrioles utilisées lors des déplacements de la Cour, toutes plus somptueusement ornées les unes que les autres. Je les mène jusqu'à la plus imposante de tous dans laquelle nous irons naturellement rejoindre le roi. La raison pour laquelle nous ne montons pas jusqu'à Bologne en bateau est assez égoïste, je l'admets, je suis bien trop malade lors des voyages en mer. De plus, autant cette étendue d'eau est des plus plaisantes à admirer, naviguer dessus m'angoisse bien trop. Rien ne vaut la terre ferme. Ainsi nous aurons besoin d'un véhicule robuste en plus d'être paré d'une superbe allure. “Messieurs. La tâche que je vais vous confier est de la plus haute importance puisque c'est de la sécurité de la princesse et de son enfant dont il s'agit. Vous avez ici la plus grande de nos calèches, elle peut accueillir normalement jusqu'à six personnes. Vous allez devoir démonter cette banquette, et en fabriquer une nouvelle. Voici des plans, approximatifs, je compte sur votre expérience pour les mener au résultat souhaité. À savoir que la banquette en question, grâce à des gonds ici, ici et là, devra se déplier afin de permettre de s'allonger, laissant juste assez de place pour les jambes des autres occupants. Ne lésinez pas sur le rembourrage. Vous avez jusqu'à demain, nous partons en fin de matinée. Faites appel à autant d'apprentis et de servants que nécessaire. Votre efficacité sera généreusement récompensée.” Une seule journée pour pareil projet semble difficile à concevoir, mais aucun des deux hommes ne manifeste d'opposition à ma demande. Ils acceptent sans rechigner et se penchent immédiatement sur les plans à main levée que j'ai dessinés tôt dans la matinée. Du bout du crayon, ils font quelques corrections, puis se concertent a propos de la marche à suivre. Voyant qu'ils ne perdent pas de temps et sont déjà au travail, je ne les dérange pas plus longtemps et retourne à mes propres tâches. Le soir, Grace demeure dans ses appartements. Malgré mon inquiétude, je la laisse se reposer seule. Je me permets une visite impromptue à l'église avant la nuit afin que notre voyage soit béni et protégé.
Les artisans me montrent fièrement le résultat de leur nuit de labeur. C'est amplement satisfait que je suis heureux de leur payer bien plus d'or qu'ils n'auraient pu l'espérer. Le convoi comporte deux calèches, une pour les voyageurs, l'autre pour nos affaires. Alors que les valises sont chargées, Grace fait son apparition, les joues bien plus roses que la veille. “Ce n'est rien. Tu m’as l'air plus en forme, c'est ce qui compte.” je réponds à ses excuses, avant de déposer un baiser sur son front. Tout sourire je l'invite à approcher de la grande calèche et lui en ouvre la portière. “J’ai la prétention de penser que je t'ai fait aménager la calèche d'une manière inédite. Regarde.” Je tire sur une discrète languette qui dépasse du centre de la banquette et déploie l'assise qui double ainsi sa largeur. Le rajout en question tient sur deux pieds en bois stables et solides. De l'autre côté, même si nous serons à l'étroit, les voyageurs auront juste la place nécessaire pour leurs jambes avec juste ce qu'il faut de confort. Ceux devant céder leur place à cause du déploiement de la banquette poursuivront dans l'autre calèche. De toute manière, le confort de la princesse prédomine. “Ainsi, dès que tu te sentiras fatiguée, tu pourras t'allonger. Et c'est aussi rembourré qu'un nuage, comme je te l'avais dit.” Je vole un baiser à la jeune femme et demande à ses suivantes de ranger la banquette pour le départ. Pendant ce temps, Grace me confie quelques appréhensions sur notre arrivée à Bologne. Les deux mains sur ses épaules, je plante mon regard dans le sien. “Nous sommes un couple princier a la tête de la moitié du royaume de Naples, en visite officielle sur demande du roi. Nous serons parfaitement bien accueillis.” Et quiconque fera un pas de travers sera lourdement sanctionné. Je serai auprès de la couronne en qualité de conseiller, je crois qu'à l'heure actuelle, il est difficile de faire mieux placé, et le respect sera proportionnel à ce statut. “De plus, ton coffre vient avec nous avec ton nécessaire pour la naissance du bébé à l'intérieur.” Comme je le lui ai dit lors de notre mariage, ce coffre ne doit pas la quitter. Confiant, parfaitement serein et même plutôt enthousiaste, j'embrasse longuement mon épouse en espérant réussir à la rassurer. “Tu vois? Tu n’as à te soucier de rien. Tout ira parfaitement bien.”
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Encore une fois, Celso n’avait pas lésiné sur les moyens. Il avait choisi la plus grand des calèches et avait eu l’idée ingénieuse de la réaménager. Elle ne doutait pas que les esprits ayant pensé et confectionné ce bijou avaient été amplement félicité par une belle somme d’argent une fois le travail terminé. Avec un large sourire aux lèvres, le Prince s’empressa de montrer l’intérieur de la calèche et la manière dont une partie de celui-ci se transformait en couchette. Grace était impressionnée et elle ne le cachait pas vraiment. “C’est incroyable.” dit-elle en observant l’intérieur de la calèche avec étonnement. Elle ne doutait pas du confort de la calèche en toute circonstance. Elle regarda Celso avec reconnaissance. Il se donnait toujours tant de mal sans elle. Mais une appréhension en suivait une autre, et la suivante concernant principalement l’accueil une fois qu’ils seront arrivés à Bologne. C’était son premier grand voyage en tant que Princesse, et bien que sa noblesse lui faisait comprendre bien des choses, il y avait certaines choses dont elle se méfiait. Ses mains sur ses épaules, il la fixa le temps qu’il parle pour lui assurer que leur titre méritait largement un grand accueil. Le ton de Celso laissait deviner qu’il ne pardonnerait à personne le moindre faux pas, certainement encore plus si l’on ne se comportait pas comme il le fallait envers Grace. Elle était l’épouse de Celso, et, encore plus important, une Princesse enceinte. Elle lui sourit tendrement. “J’y ai mis à l’intérieur tout ce dont j’aurai besoin, quand viendra le grand jour.” Elle n’avait certainement pas oublié cette tradition, et le coffre faisait bien évidemment partie des affaires qu’elle se devait d’emmener. Le beau brun l’embrassa longuement en tenant son visage entre ses mains. “Il y a des jours où je me demande ce que j’ai bien pu faire pour te mériter, pour que l’on m’accorde la vie que tu m’offres, et celle que tu comptes m’offrir.” Il ne perdait pas de vue ses objectifs, et son ambition démesurée. Grace savait qu’au fond de lui, il avait toujours l’envie d’être Empereur, de posséder tout ce qui lui était du. Peut-être qu’il n’ira jamais aussi loin, mais elle savait que son ascension ne faisait que commencer. Sinon, Nicholas n’aurait jamais donné sa dot. Plongée dans ses pensées, elle le regarda longuement avec attention, à caresser son joue avec son pouce. “J’ai conscience que beaucoup de choses pourraient se jouer là-bas. Notre avenir, celui de notre Lucia ou de notre petit garçon. Et je sais qu’il y aura bien des moments où je ne pourrai être à tes côtés. Mais je veux que tu saches que je le serai, toujours. Que tu aies sur toi ou non mon chapelet. N’oublie jamais que mon coeur et mon âme t’accompagnent dans tout ce que tu entreprendras.” Elle l’embrassa tendrement. “Je tenais à te le rappeler avant de quitter Tricarico.” Grace l’enlaça encore une fois avant qu’il ne soit temps de monter dans la calèche et de prendre la route. Ils étaient assis l’un à côté de l’autre. Elle aimait bien croisé ses doigts avec les siens, ou simplement reposer sa tête sur son épaule. Les cours d’italien n’étaient plus vraiment nécessaires, elle maîtrisait bien la langue. Elle aurait peut-être besoin d’information supplémentaires sur les personnes qu’elle allait rencontrer là-bas, mais elle disposait déjà de bonnes bases, ayant eu de nombreuses heures à étudier l’histoire de ce pays, et surtout, de la région qu’elle gouvernait avec lui. Les premières heures de voyage étaient supportables pour elle, mais elle dut demander à ce qu’elle s’allonge car son dos la faisait trop souffrir. Elle ne dormait pas toujours. Elle somnolait lorsque Celso l’interpella pour lui annoncer qu’ils feraient une première halte afin que les chevaux, et tous ceux qu’ils traînaient derrière eux, puissent se reposer. On aida Grace à descendre de la calèche, et elle fit quelques pas avec son mari. “Tu avais raison, je m’y suis sentie comme sur un nuage.” lui dit-elle avec un sourire. “Je crois que notre enfant sait qu’il ne faut pas trop s’agiter pour ne pas me causer trop de soucis, il a été très calme aujourd’hui.” lui confia-t-elle. Elle avait presque toujours ses mains posées sur son ventre, à le caresser. Jane s’approcha d’elle pour lui donner un verre d’eau, et la boisson que désirait Celso. Les autres se chargeaient de monter le campement et de préparer un feu. Un repas chaud lui fit le plus grand bien, et personne ne tardait vraiment à dormir, car on voulait se levait de bonne heure pour avant pour le voyage. De peur de trop retarder le convoi, Grace ne demandait que quelques fois de s’arrêter, mais cela restait rare. On le lui demandait souvent, si tout allait bien, si c’était supportable. Grace avait surtout hâte de pouvoir arriver à destination afin de pouvoir dormir dans un lit, dans les bras de son mari.
Je ne me demande jamais pourquoi je possède tout ce que je possède désormais. Je ne me demande pas ce que j'ai fait pour le mériter ; je le sais parfaitement, j'ai bâti moi-même ma route de briques jusqu'à ce trône et je ne m'arrêterai pas en si bon chemin. J'ai joué toutes les cartes qui m'ont été données, au aujourd'hui, je me tiens où je dois être, j'obtiens ce pourquoi je me suis battu, et ma plus grande chance est de ne plus avancer seul désormais, mais accompagné de l'amour de ma vie. « Parfois ce qui nous permet de mériter notre vie ne vient pas du passé mais du présent ou de l'avenir. » je lui réponds avec l'une des quelques sagesses que mes propres périples m'ont appris. « La chance tourne lorsque l'on cesse d'être fidèle à soi-même, et lorsque l'on ne s'en montre plus digne. Et à mes yeux tu es la plus digne qui soit d'avoir une vie pareille. » Toute cette bonté et cette générosité, toute cette beauté d'âme ne pouvaient pas être gâchées. Elle était destinée à tout ceci, à faire profiter de son esprit au plus grand nombre. Elle mériterait d'être impératrice et de rayonner à travers le monde. Elle ne le sera peut-être jamais, mais je m'assurerai de tenir une promesse : celle de la faire reine. Peut-être que tout se jouera au bout de ce voyage. Je sais qu'avoir Grace à mes côtés sera à mon avantage. Alors qu'elle évoque son chapelet, je le tire hors de ma veste, toujours vissé à mon cou. « Il ne me quitte jamais. Avec lui, je sais que tu veilles sur moi. » Pour ma part, je prends la main qui arbore son alliance et la porte à mes lèvres pour y déposer un léger baiser. « Et je veillerai toujours sur toi. » Nous grimpons finalement dans la calèche pour vous mettre en route. Dieu seul sait combien de jours durera réellement ce voyage. Souvent silencieux, j'admire le paysage du sud de l'Italie en somnolant. Je caresse machinalement tantôt la main tantôt les cheveux de Grace. Elle profite de sa couchette au bout de quelques heures. Le tout semble bien assez stable et solide pour durer jusqu'à Bologne sans incident. J'avoue n'être pas peu fier de mon idée, et de voir que mon épouse en profite volontiers. Anatoli n'est pas du voyage. Il n'était pas le bienvenue, cela lui a été clairement fait comprendre. Nous avons donc avec nous les suivantes de Grace, deux des miens, et Giuseppe, l'un des conseillers en qui j'ai le plus confiance. C'est un comité fort restreint pour un voyage aussi important, mais je ne souhaitais pas dépouiller Tricarico de ses meilleurs éléments. La ville doit continuer de vivre en mon absence. J'espère que le conseil seul saura quoi faire. Nous nous arrêtons pour la nuit. La campement est dressé pendant que la princesse et moi nous dégourdissons les jambes. Je suis heureux d'apprendre qu'elle est parfaitement à son aise lorsqu'elle s'allonge dans la calèche, et que le bébé ne souffre pas du voyage. « Au moins il n'est pas aussi malade que son père pendant les trajets. » dos-je avec un petit rire. Si c'était le cas, je suppose que la mère serait aussi pâle et nauséeuse que moi. Heureusement, prendre l'air me revigore en un rien de temps. Les pauses sont assez rares pendant notre périple, néanmoins assez fréquentes pour le rallonger d'une journée. J'avoue être particulièrement las au bout de plusieurs jours, malgré la beauté du paysage. Alors, voyant Grace allongée sur la couchette, je finis par m'y inviter sous le regard étonné de Giuseppe. « Tu crois qu'il y a de la place pour moi ? » je me demande en me blottissant contre elle, me fichant bien de la présence de qui que ce soit. Néanmoins, le vieil homme ne tarde pas à faire arrêter le convoi afin de changer de carriole et nous laisser seuls. Le neuvième jour, nous atteignons Bologne en fin d'après-midi. La ville semble complètement au fait de notre arrivée. Toutes les rues menant jusqu'au palais sont particulièrement festives et sécurisées. Une haie d'honneur nous attend dès l'entrée des jardins. « Je suis si nerveux. » je confie à Grace dans un soupir. Je crains de ne pas être pleinement à la hauteur. Ou pire, que le roi m'ait fait venir pour se jouer de moi. « Je ne sais pas comment je vais faire pour ne pas lui couper la gorge à la première occasion. » j'ajoute avec un petit rire histoire de dédramatiser, quitte à employer un humour particulier dont les termes n'ont pas intérêt à quitter l'enceinte de cette calèche. Le convoi arrêté face au château, nous sommes accueillis dès la dernière marche du marche-pied avec le plus grand enthousiasme. « Bienvenue ! Bienvenue votre Altesse ! » Le petit homme s'incline bien bas, puis nous accompagne le long du chemin menant à l'entrée du bâtiment. Sur le pas de la porte se tient le roi, seul. Son fils est avec sa mère en Espagne. Nos humbles révérences le font sourire. « Je pense que nous sommes au-dessus de ces cérémonies, Celso Borgia. » dit-il en nous invitant à nous redresser. Visiblement, être face à l'homme qui fut à deux doigts de lui prendre son royaume l'incite à se montrer aussi affable que si nous étions de proches cousins ou des amis de longue date. Peut-être que même les ennemis de longue date finissent par avoir ce respect mutuel teinté d'une étrange forme de camaraderie. « Je suis sincèrement heureux que vous ayez accepté de faire tout ce chemin pour m'épauler. Et je suis absolument ravi de faire la connaissance de votre épouse. Votre beauté vous précède. » lui dit-il avec un large sourire sincère. Le pire dans le fait de détester cet homme est de devoir haïr une personne qui semble si impossible à haïr. Ce n'est pas un homme mauvais. C'est un conquérant, mais un bon souverain, un homme qui tient ses engagements, qui prend soin de sa famille, pieux, et bon combattant. Devant pareille figure, toute mon animosité paraît infondée. « Le voyage vous a sûrement épuisés. Nous allons faire porter vos affaires jusqu'à vos appartements, et nous vous ferons servir un souper en privé. Une soirée de calme ne sera pas de trop avant d'attaquer l'effervescence de la vie à la Cour. » Tout droit être plus grand ici, plus faste qu'à Tricarico. Nous devrons nous faire des alliés d'autant de ces nobles que possible. « J'ai hâte que nous nous mettions au travail, Celso. » reprend le roi alors que nous arpentons les couloirs du château, l'air véritablement enthousiaste. « Je me suis tenu au fait de votre règne, vous savez. Votre détermination, votre astuce et le courage que j'avais vus en vous à Rome ont été confirmés. Vous semblez exceller en matière de mesures à effets rapides, et c'est ce dont j'ai besoin. J'ai entendu, pour votre empoisonnement. Ne sait-on toujours pas le coupable ? » Je réponds par la négative. L'enquête n'a jamais rien donné. Nous ne saurons sûrement jamais. Nous arrivons face à deux portes face à face, l'une menant à ma chambre, l'autre à celle de Grace. Les valets sont loin derrière avec les valises bien lourdes. « L'important c'est que vous soyez toujours des nôtres. Maintenant, reposez-vous. » Le monarque nous quitte sur ce. Pendant que nos affaires sont disposées dans les chambres, la jeune femme et moi continuons d'utiliser un peu nos jambes trop peu sollicitées ces derniers jours dans les couloirs de l'édifice. « Pourquoi est-ce qu'il est ainsi avec moi ? Qu'est-ce qui lui prend ? » je demande tout bas. Je ne sais pas si je dois me méfier ou non, je crains de baisser ma garde. Je suis le plus grand des traîtres potentiels, et le roi me traite comme si nous étions amis depuis des années. Je ne comprends pas.
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Celso avait des paroles bien sages, pour un homme à qui la chance n'avait tourné que très récemment. Mais l'amour parlait seulement à la place de sa raison lorsqu'il disait qu'il pensait qu'elle était la seule d'être digne d'un tel titre, d'un tel pouvoir, de tels privilèges. Il lui donnerait plus, bien plus, et c'était certainement ce qu'il comptait faire. Il était prêt à tout pour elle. Elle était touchée qu'il garde constamment avec lui son chapelet, qu'il s'en occupait très précieusement. Ils se promettaient chaque jour de nouvelles choses, et ils comptaient bien tenir leur parole jusqu'au bout. Le voyage débuta, et se poursuivit pendant de nombreux jours. Tout le monde finissait par se lasser, le temps devenait incroyablement long. Le moindre arrêt était fortement apprécié, bien que cela retardait le convoi. A un moment donné, alors que Grace était allongée à se reposer, elle sentit son mari se coller contre lui à sa grande surprise. Soit il en avait l'envie, soit il sentait qu'elle avait besoin de ce contact. Dans tous les cas, elle était heureuse de le sentir ainsi contre lui. Giuseppe respecta un peu leur intimité en changeant de calèche, pour les laisser seuls. Après quoi, Grace s'endormit profondément dans ses bras. Lorsqu'ils arrivèrent à Bologne, le Prince fit part de sa nervosité. La jeune femme l'embrassa longuement et amoureusement. "Reste toi-même avant tout. Tout va bien se passer, j'en suis certaine." lui dit-elle tout bas avant que la calèche ne s'arrête. La population était présente, bien curieuse de voir à quoi ressemblait ce couple princier que tout le monde semblait apprécier là où il régnait. Les acclamations devinrent bien plus forts dès lors qu'ils posèrent le pied au sol. La mains de Grace était sur la sienne, et ils marchèrent ensemble jusqu'à arriver devant le roi, où elle s'inclina gracieusement. C'était un homme particulièrement courtois, qui ne semblait porter aucun préjudice à la tentative de Celso. Il venait même à admettre la beauté de sa femme, qui, apparemment, faisait partie de la réputation de Grace. Celle-ci le remercia avec un large sourire et en inclinant légèrement la tête en guise de remerciement. La Princesse laissa les deux hommes discuter ensemble. Elle appréciait grandement que le Roi ait eu l'intelligence de proposer un dîner privé afin de pouvoir apprécier le calme jusqu'au lendemain. "Nous vous remercions pour votre accueil, votre Majesté." se permit de dire Grace. Il la regarda avec un air sincère et sympathique, un sourire sur ses lèvres. Cet homme aspirait à la bonté. "Tout le plaisir est pour moi." répondit-il dans un Anglais parfait, avant de s'éclipser. Grace et Celso firent quelques pas dans les couloirs. Grace n'était pas étonnée qu'il soit aussi méfiant envers leur Roi. "Je suppose que de savoir qui tu es et ce que tu pourrais avoir aspire au respect." lui répondit-elle tout aussi. "Je pense qu'il préférerait amplement t'avoir comme allié plutôt comme ennemi." Elle lui souriait avec tendresse, croisant ses doigts avec les siens. "Ecoute ce qu'il a à te dire, prends en compte ses pensées, mais reste suffisamment renfermé pour que ses dires ne t'atteignent trop, et que tu sois aveuglé par ce qu'il peut te proposer. Tu es malin, tu sais lire entre les lignes. Je sais que tu percevras ses intentions. Bien que je ne l'ai jamais rencontré auparavant, il m'a l'air d'être un homme bon. Après, je te rappelle que tu viens de demander l'avis d'une personne qui est une bien piètre politicienne." dit-elle en finissant par un petit rire. Elle haussa les épaules. "Et si jamais tu sens que tu te perds, il y a une chose qui te fera souvenir de la raison de notre venue." Elle prit ses mains et les déposa sur son ventre. "Pense à notre enfant, qui verra le jour ici. Peut-être même que le Roi lui donnera sa bénédiction." lui dit-elle en souriant. "Comme tu me l'as dit avant de partir, il faut avant tout rester digne de nous-même, n'est-ce pas ? Alors ne te laisse pas berner. Tu es bien trop malin pour cela." Ils firent demi-tour afin de retrouver leurs appartements. Le silence des couloirs était apaisant. "Je vais me changer, j'aimerais tout de même être un peu plus présentable pour ce dîner, bien ce que sera en comité restreint." lui lança-t-elle avant de l'embrasser longuement et d'entrer dans ses appartements. Ceux-ci étaient majestueusement décorés, les draps et mobiliers étaient de très grandes qualités. Il fallait accueillir et héberger le couple princier comme il se devait, apparemment. A moins que ce ne soit qu'un fait pour montrer la grande puissance du roi. Ces deux options étaient possibles. Mais Grace était plutôt d'avis à ce que ce soit ce que méritait une Princesse, enceinte, qui plus est. Elle se vêtit d'une robe élégante rouge, avec des broderies dorées au niveau du col de sa robe. Sa condition ne lui permettait plus de porter le moindre corsage. C'était Jane qui tressait ses cheveux et les dressait en un chignon orné d'une tiare. Les suivantes s'alternaient un jour sur deux pour la coiffure, les deux semblant grandement apprécié le faire. Une fois prête, Grace sortit de ses appartements. Celso l'attendait dans le couloir afin qu'ils se rendent ensemble dans la salle où ils étaient conviés. Celle-ci était plus petite, plus intime que pour les fêtes à venir. Le Roi les y attendait déjà, ordonnant à ce qu'on leur serve du vin, à peine arrivés dans la pièce.
L’attitude du roi à mon égard a toujours été un mystère à mes yeux. Même le jour où nous avons été confrontés l’un à l’autre pour la première fois, il n’a pas fait preuve de colère, il n’en avait pas besoin pour se montrer redoutable. Il savait que je viendrai à lui depuis longtemps, il avait déjà trois coups d’avance sur moi. Et plutôt que de me faire enfermer, il m’offrit une couronne. Un statut précaire, certes, mais que rien au monde ne l’obligeait à me concéder. Plus qu’un trône, c’était une occasion de faire mes preuves et d’aspirer à plus qu’il me donnait sur un plateau. Et le voilà aujourd’hui à m’accueillir comme un véritable prince, comme un vieil ami. L’homme a peut-être une sagesse qui m’échappe, ou un plan que je ne découvrirai qu’au dernier instant, juste avant que toutes les pièces s’imbriquent. L’on peut me dire malin et astucieux, j’ai largement trouvé un adversaire à ma hauteur en la personne du monarque le plus puissant actuellement. Grace m’encourage à ne pas laisser mon esprit se faire endormir par les belles paroles et la courtoisie du roi Charles. Garder l’esprit clair et focalisé sur nos intérêts, nos objectifs. J’acquiesce d’un signe de tête. C’est notre chance, absolument rien ne doit se mettre sur notre route. Silencieux, songeur, j’embrasse tendrement mon épouse, reconnaissant de sa sagesse, avant que nous nous rendions chacun dans nos appartements pour nous changer pour le dîner. Lorsqu’elle apparaît, belle comme un cœur, je lui souris, le regard pétillant. En marchant jusqu’à la salle où nous sommes attendus, je lui confie tout bas ; “Grace, tu m’as donné une idée de génie. Si notre séjour se déroule bien, je demanderai au roi d'être le parrain de notre enfant. S'il a autant d'estime pour moi qu'il semble le prétendre, si en effet il souhaite que nous soyons alliés, et si je gagne sa confiance, il ne refusera pas cette occasion de lier nos familles.” Les deux pouvoirs regardant dans la même direction pour servir des intérêts communs. L’un et l’autre sortirions grandis de pareil accord qui ne nécessite pas le moindre sacrifice pour un parti comme pour l’autre. “Ça assure l’avenir de notre bébé, Grace. Avec un tel engagement devant Dieu, il ne pourra jamais se substituer à son obligation de veiller sur lui. S’il nous arrive quoi que ce soit, il sera immédiatement pupille du roi. Si je meurs sans héritage, il s’assurera qu'il ne manque de rien. A minima, c’est l’assurance idéale.” Et ce qui compte le plus à l’heure actuelle, ce n’est plus le pouvoir que je peux amasser, c’est ce que nous laisserons à notre enfant. Nous arrivons devant la porte de la salle. Avant de la franchir, je me tourne vers Grace et dépose un baiser sur sa joue. “Tu vois, tu n’as pas besoin d'être la meilleure des conseillères pour m'être plus utile qu'une dizaine de nobles.” Même si ce n’était pas volontaire, la jeune femme vient de nous être d’une aide précieuse. Désormais, tout ce que nous ferons iront dans ce sens, afin que cet objectif soit rempli. « Tu es superbe ce soir. » j’ajoute avec un sourire timide. Je ne devrais pas oublier ce genre de choses au profit de la politique. La beauté d’une femme se flétrit dès que le regard d’un homme cesse d’y faire attention. Enfin, nous faisons notre entrée et nous nous installons l’un face à l’autre aux côtés du roi. Il n’y a que nous, pas de musique, juste le crépitement du feu. Il fait bien plus froid dans cette partie de l’Italie que chez nous, et l’hiver a débuté. Nous sommes servis en vin, le premier plat se déroule dans le silence. Le roi et moi nous jaugeons à tour de rôle par des regards furtifs. Ce n’est que lorsque le plat principal est déposé sur la table qu’il prend la parole ; « Comme vous le savez, je réunis un conseil restreint qui m’aidera à remettre l’Italie sur le droit chemin après toutes les déboires que le roi de France nous a fait subir. Maintenant que toutes ses troupes sont parties, nous allons pouvoir travailler en paix. Nous allons sûrement redessiner un peu la carte, construire et reconstruire des fiefs, tracer des routes. Nous commencerons par Rome bien sûr, vous avez pu voir à quel point les pillages l’ont affectée… » Et il pourrait déblatérer ainsi pendant des heures si sa conscience n’avait pas fait tinter une léger son de cloche à son oreille. Il rit, un brin gêné. « Pardonnez-moi, vous êtes fatigués et je vous ennuie avec des affaires qui peuvent attendre demain. Votre voyage a été agréable j’espère. » reprend-t-il avant de boire une gorgée de vin. Son regard se pose sur mon épouse, son sourire est affectueux pour la jeune femme enceinte et si ravissante. « Vous avez bien du courage, Grace, d’avoir fait tout ce chemin jusqu’ici malgré votre condition. Mais c’est un honneur de savoir que votre enfant naîtra à Bologne. Vous êtes anglaise, c’est cela ? Votre italien est plus que correct. »
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Troublé par la bonté et la gentillesse de leur Roi, Celso demandait conseil à sa belle, à sa manière de voir les choses. Bien qu'il devait rester sur ses gardes, elle pensait qu'il ne devait pas pour autant tout refuser et se refermer sur chacune de ses propositions. Elle le conseilla en lui donnant son propre point de vue, elle ne pouvait pas faire plus que cela. Son total désintérêt de la politique l'empêchait de lui fournir d'autres avis. Mais Celso préférait certainement le franc parlé et le fond des pensées de son épouse qu'entendre des paroles qui ne feraient guise que de moral. Après s'être vêtue de bien plus beaux vêtements, elle rejoignit Celso qui l'attendait patiemment dans le couloir. Pendant leur marche, il fit part d'une idée qui lui vint à l'esprit après ce qu'elle ait pu lui dire. Son coeur s'emballa à l'idée que leur enfant ait un avenir garanti si le Roi devenait son parrain. "C'est une merveilleuse idée, mon amour." lui dit-elle tout bas avec un regard plein de reconnaissance. "Espérons que tout se passe pour le mieux. Nous savons que nous avons tellement à gagner, bien plus que nous pourrions l'espérer." Elle s'arrêta quelques secondes pendant leur marche pour lui caresser la joue et l'embrasser avec tendresse. "Si j'avais à choisir, je préférerais que nous ayons ce que nous possédions maintenant et d'avoir un avenir sûr pour notre enfant plutôt que d'avoir toutes les richesses du monde sans pouvoir promettre à notre bébé qu'il en héritera." Son choix était évident. Elle l'enlaça avant de reprendre leur chemin et d'arriver devant la porte de la salle. Grace lui sourit, flattée de pouvoir toujours lui être utile. Puis il la complimenta, avec un brin de timidité qui ne lui ressemblait pas. Comme s'il s'en voulait d'oublier de le lui dire plus souvent qu'il ne le voudrait. Une fois en compagnie du roi, on laissa Grace s'installer sur la chaise qui se trouvait au plus près de la cheminée. Le silence se faisait long, les regards s'échangeaient avant que le moindre mot ne soit prononcé. Le Roi commençait à parler politique dès que l'on commença à servir le dîner. Il s'emporta facilement, mais s'excusa ensuite, se rendant bien compte que ses invités étaient épuisés après un si long voyage. "Nous nous montrerons bien plus attentifs et productifs après une nuit de sommeil dans un véritable lit, je vous le conçois." répondit Grace avec un franc sourire et en riant un peu, avant de boire une gorge d'eau. Le Roi semblait grandement apprécier la présence de Grace. Elle acquiesça d'un signe de tête lorsqu'il demanda si elle était Anglaise. "J'ai eu d'excellents professeurs." lui dit-elle avec un large sourire en regardant amoureusement Celso. "Le Prince pourrait vous montrer demain l'idée qu'il a eu afin d'aménager notre calèche. Il était si soucieux de mon confort, il voulait que le voyage se passe au mieux pour moi." Charles Quint semblait bien intéressé. "Je suis bien curieux de voir cela, en effet." "Un concept ingénieux, je suis certaine que vous apprécierez, et pourquoi pas, l'utiliser pour votre propre confort pour vos voyages à venir."Elle lança un regard complice à son mari, et lui sourit. "Rien n'est plus important que le confort et la sécurité d'une femme. Qu'il soit si soucieux de cela est on ne peut plus légitime." acquiesça-t-il. "Comment se portent vos deux enfants ?" demanda Grace, intéressée. "Fort bien. Ils sont encore tous les deux bien jeunes, mais je remercie Dieu chaque de les épargner de la maladie." "Mes prières rejoignent les vôtres." dit Grace, avec sincérité. "Je vous en remercie." Charles semblait être reconnaissant de l'attention que la Princesse porte à ses enfants. "Si vous me le permettez, je peux faire appel à la matrone qui a aidé sa Majesté de mettre mes enfants au monde. C'est une dame âgée, certes, mais très expérimentée. Elle est digne de confiance, je vous en donne ma parole." "J'en serai honorée, votre Altesse." "Elle doit venir d'Espagne, le voyage sera long, mais elle sera parmi nous à temps." conclut-il, satisfait que l'une des Princesses de son royaume soit en bons soins lors d'un moment on ne peut plus important de sa vie. Le dîner suivait son cours, avec des conversations simples qui ne s'engluaient pas dans la politique. On devinait aisément que le Roi faisait attention de ne pas aborder le sujet, bien que cela devait être particulièrement tentant pour lui. Elle laissait souvent Celso et Charles discuter ensemble, les écoutant avec attention. Le couple le remercia ensuite pour ce repas on ne peut plus agréable, loin des festivités et des bruits assourdissants. Grace emmena Celso avec elle dans ses appartements. "Je dois avouer que je suis touchée qu'il se soucie tant de mon accouchement, que tout se passe pour le mieux." lui avoua-t-elle en se rapprochant de la cheminée qui avait déjà bien réchauffé la pièce. "Son rôle de père doit certainement avoir beaucoup d'importance pour lui, pour qu'il veuille s'assurer que tu en sois un." Elle l'embrassa tendrement. "Je ne connais pas encore le politicien qui est en lui, mais je ne pense pas qu'il soit un homme sans coeur." Grace, autant qu'elle adorait le Roi qui la gouvernait avant qu'elle ne parte pour se marier en Italie, pensait même que Charles Quint devait avoir plus de coeur que lui. Elle appréciait Anne Boleyn, c'était une femme futée, mais elle avait un énorme respect pour Catherine d'Aragon, qui se battait toujours pour sa place au sein de la cours, malgré la demande de divorce dont l'attente de décision était interminable. Le yeux de Celso brillaient, reflettant les flammes qui dansaient dans la cheminée. Elle le trouvait si beau, elle avait l'impression de retomber sous le charme à chaque fois. "Je suis heureuse d'être venue avec toi. Je suis soulagée que le voyage se soit bien passé, c'était l'une de mes plus grandes appréhensions." Et c'était fait, Grace se sentait plus légère sans avoir ce poids. "J'adorerais dormir dans tes bras cette nuit." lui dit-elle ensuite tout bas, avec un sourire discret, comme s'il s'agissait d'un secret inavoué.
Le bon italien parlé par Grace en impressionne toujours plus d’un, moi le premier. Bien que cela fasse désormais de nombreux mois qu’elle se trouve en Italie, elle n’a pas tardé à maîtriser la langue comme il se doit, puis à étendre son vocabulaire à bien plus que du langage nécessaire à la Cour. Elle prend toujours beaucoup de soin dans sa prononciation, mais difficile de renoncer aux r anglais qui trahissent immédiatement son origine. A mes yeux, cela fait partie de son charme. J’avoue beaucoup aimer lorsqu’elle me parle en italien, et trouver son accent absolument adorable. C’est le propre de mon épouse, c’est un de ces détails qui me font sentir chez moi dès que j’en ai besoin. La jeune femme n’hésite pas à mettre en avant la manière dont j’ai fait aménager la calèche pour qu’elle puisse effectuer le voyage avec tout le confort nécessaire. Mes joues s’empourprent et je dissimule ma gêne dans une gorgée de vin. « Je ne pense pas que le roi ait le temps pour ce genre de bricolage. » dis-je avec un rire nerveux. Il a bien mieux à faire. Mais surtout, je n’aime pas me vanter ou mettre en avant tout ce que je peux faire qui sorte du champ politique depuis que j’ai une couronne sur la tête. La peinture, le dessin, les plans de de la banquette. Les âmes d’artistes ne font pas de bons souverains dans l’imaginaire collectif, ce sont des esprits bien trop libres, sensibles et idéalistes. « Bien sûr que si, cela m’intéresse grandement. » corrige-t-il. Je souris, mais je ne sais plus vraiment où me mettre. A la fin du repas, avant que nous ne quittions la table, je me souviens d’une chose et m’adresse à l’une des suivantes ; « Oh, Jane, faites apporter les présents pour le roi je vous prie. » La jeune femme revient quelques minutes plus tard, les bras chargés. Elle présente tour à tour les cadeaux que nous avons emportés avec nous du sud. « Nous vous apporté cette vasque de Squillace, cette broche du joaillier de la Cour de Tricarico, et faute de cadeau de Bari, la famille Sforza vous adresse des salutations et ses plus sincères félicitations. » Un détail qui le fait bien rire, et m’avoue que moi aussi. Les Sforza et le roi entretiennent une relation particulièrement ambiguë qui alterne trahisons et dévouement selon les années. « Merci beaucoup, ce sont de superbes pièces. » La vasque est confiée aux servants qui sauront l’utiliser à bon escient selon les occasions. La broche attire toute son attention pendant quelques secondes. « Merci à vous de nous accueillir dans votre Cour. » je réponds humblement. J’ai conscience qu’il m’offre une chance de faire mes preuves sous ses yeux, je me dois de m’en montrer reconnaissant. Enfin nous nous séparons du roi et retournons dans l’aile où se situent nos appartements ; nous nous rendons dans ceux de Grace où un grand feu a été allumé et entretenu en nous attendant. Alors que la princesse me conseillait de garder la tête sur les épaules avant le dîner, ses paroles me laissent penser que le charme de la prétendue bonté de Charles Quint l’a finalement envoûtée. « Je ne sais pas… Je ne suis pas rassuré à l’idée que ce soit une de ses proches qui s’occupe de ton accouchement. Cela peut être autant un gage de bienveillance et d’expérience que… » Je soupire. Je sais que je vais avoir l‘air paranoïaque, de voir des conspirations partout. J’ai toutes les raisons de le croire. Cela peut-être lui qui a demandé mon empoisonnement après tout. « S’il lui demande que cela se passe mal, alors cela se passera mal. Tout sera entre les mains d’une femme bien plus proche du roi que de nous. » Une femme qui lui est loyale et fidèle, et dont cette fidélité sera peut-être plus forte que le respect de la vie qu’elle aidera à mettre au monde. Qui sera là pour nier que le cordon se trouve autour du cou du bébé alors que ses propres mains l’empêcheront de respirer ? Qui interviendra si l’enfant vient par le siège et que tous ses efforts ne viseront qu’à l’y laisser périr ? Je serai là, mais tout ceci est bien en dehors de mon domaine de compétences. « Je ne peux pas m’empêcher d’être méfiant, toute cette bienveillance cache forcément quelque chose. » Mais je ne parviens pas encore à déterminer ce dont il s’agit. Je souffle. La fatigue ne m’aide pas à avoir les idées claires, je divague peut-être totalement. Je m’approche de Grace et la prend dans mes bras. Être ici avec son bébé sain et sauf est un soulagement pour elle. « Je te l’avais dit. Tu peux avoir confiance en moi en ce qui concerne ta sécurité. » Je ferai toujours tout ce qui est en mon pouvoir afin que rien ne lui arrive. « Tu es la prunelle de mes yeux. » je souffle au bord de ses lèvres avant de l’embrasser tendrement. Avec un petit sourire, elle me demande de rester et passer cette nuit tous les deux. Elle sait bien que je ne lui refuserai jamais. « Je serai là. » je lui assure. « Je serai là tous les soirs où tu voudras de moi. » Epuisés par le voyage, nous ne tardons pas à nous endormir, à peine la tête posée sur l’oreiller, ma princesse tout contre moi, ma main sur son ventre instinctivement.
Le lendemain est si intense que je n’ai qu’à peine le temps de croiser Grace. Le roi a fait venir d’autres nobles d’un peu partout en Italie pour le seconder au sein de ce conseil restreint et éphémère. D’après lui, chacun s’est illustré dans un domaine complémentaire aux autres, et à ses yeux, son entourage pour les premiers mois de paix en Italie ne saurait être plus parfait. Tous les membres s’entendent plus ou moins, à ce stade, les rapports sont cordiaux et nous prenons tous les pouls de la situation. Je me rapproche néanmoins de Pedro Alvarez de Toledo, pour la simple et bonne raison qu’il possède des vues sur Naples qu’il ne dissimule quasiment pas. La première décision du conseil, sur une idée commune de Pedro et moi-même, est de faire paver toutes les rues des grandes villes du pays afin d’endiguer les épidémies qui se déclarent un peu partout. Si les maladies viennent du mauvais air des marécages, il semble logique de se dire qu’elles se logent dans la boue des rues et des routes et que cela participe à leur propagation. Une première initiative rendant ce conseil prometteur en matière de productivité. Nous sommes libérés sur ce. Je ne retrouve Grace qu’au dîner et m’installe auprès d’elle. Dans la grande salle, les discussions, les rires de plus d’une centaine de personne ainsi que la musique résonnent. « Moi qui pensais que Squillace était bruyant. » dis-je en m’asseyant. Je vole un baiser à mon épouse. « Tu as pris tes marques ? Il y a quelques personnes que je peux te présenter si tu le souhaites. » Ma coupe est immédiatement remplie, et je prends une grande gorgée de vin.
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Bien que ce premier dîner se soit bien passé, Celso devenait presque trop méfiant à l'égard du roi. Elle lui avait dit de se méfier, et ne prenait pas son conseil à légère. Mais il laissait même place à la paranoïa. Elle se faisait du souci pour lui, se demandant si c'était l'empoisonnement qui l'avait rendu si méfiant de chaque acte de gentillesse. Ses yeux s'arrondirent lorsqu'il évoqua la possibilité que la matrone appelée par le Roi puisse attenter à son bébé dès lors qu'il serait né. Ayant un soudain vertige à cette idée, Grace dut s'asseoir sur un fauteuil, ayant peur de finir allongée par terre. "Tu ne pense pas ce que tu dis, Celso." dit-elle, avec les yeux bordés de larmes, espérant qu'il se rende compte de la gravité de ses suppositions, et à quel point cela effrayait son épouse. Elle déglutit difficilement sa salive. "Il ne ferait pas tuer un enfant à peine né. Le bébé est innocent, il n'a rien fait." Lorsque Celso évoquait cette possibilité, Grace commençait à regretter d'être venue avec lui. Mais elle n'en dit rien. Néanmoins, elle ferma à peine l'oeil de la nuit, l'idée dont il avait fait part l'empêchant de dormir. Celso, dès le premier jour, était devenu un homme particulièrement occupé. Il s'était levé de très bonne heure, et sa femme n'avait pas entendu parler de lui pendant toute la journée. Nauséeuse et pâle, elle restait longuement dans ses appartements, ne cherchant que la tranquillité et la compagnie de ses suivantes. Personne n'irait reprocher la discrétion et le désir de calme de la jeune femme. Elle n'était qu'à une toute poignée de mois du terme, le repos était de vigueur. Elle ne cessait de penser à ce que Celso lui avait dit la veille. C'est pourquoi elle ordonna à ses deux suivantes d'être auprès d'elle le moment venu, et qu'elles y restent coûte que coûte. Jane et Luisa lui étaient toutes les deux on ne peut plus fidèle. La Princesse était restée allongée une longue partie de l'après-midi, préférant se reposer, sinon quoi la soirée s'annoncerait particulièrement longue. Luisa dut même la réveiller afin qu'elle se prépare pour une première soirée de festivités. On la vêtit d'une robe bien plus élégante de celle de la veille, et de tous les accessoires nécessaires qu'elle se devait de porter. Lorsque Grace arriva dans l'immense salle déjà noire de monde, Celso n'était pas encore là. La Princesse fut annoncée à l'ensemble de la Cour. Elle eut droit à de nombreuses courbettes et messages de bienvenue de la part de nombreux nobles. Effectivement, personne n'osait la toucher, ni même effleurer sa peau au risque de nuire à l'enfant. La jeune femme en salua quelques uns, échangeant quelques phrases avant de s'excuser afin qu'elle puisse s'asseoir. Son mari la rejoignit quelques minutes plus tard. Elle répondit à son baiser et lui sourit avec tendresse. "Pas vraiment non, je n'étais pas au meilleur de ma forme aujourd'hui." lui avoua-t-elle. "J'ai préféré me reposer pour être à peu près présentable pour ce soir. Je n'ai pas réussi à dormir la nuit dernière." Elle gardait précieusement sa main dans la sienne. "Je visiterai un peu le château demain." lui assura-t-elle, ne comptant pas s'isoler éternellement. "Si ton bébé ne me fait pas autant de misère que ce matin. Il a été très agité." D'un sens, c'était rassurant. Le bébé était toujours bien là, plein de vie. Elle posa la main de Celso sur son ventre. "Tu m'as manquée, aujourd'hui." Grace n'était plus vraiment à l'aise d'être dans un château qu'elle ne connaissait pas, une Cour qui ne la connaissait que de nom. Lorsque le Roi se montra, Grace comptait se lever pour faire une révérence. D'un geste de main, il lui somma de ne pas le faire. "Je vous en prie, votre Altesse, restez assise. J'ai entendu dire que vous étiez mal en point. Tout va bien ?" demanda-t-il, l'air soucieux, en s'installant à côté de Celso. "L'après-coup du voyage, je suppose. Mais je vais déjà bien mieux, votre Majesté." lui répondit Grace. Le repas fut ensuite servi. Le Roi n'avait pas lésiné sur les moyens, loin de là. Le choix de plats était incroyable, tout autant que l'accompagnement et le vin qui coulait à flot. "Je ne pense pas pouvoir être ta cavalière, ce soir, j'espère que tu ne m'en voudras pas." dit-elle à Celso d'un air sincèrement désolé. C'était l'une des choses qu'elle ne se permettait plus vraiment de faire, de peur de provoquer l'accouchement bien trop tôt. "Mais je veux bien que tu me présentes quelques personnes de la Cour, je ne sais pas à qui me fier. Tant que tu restes avec moi." Grace savait d'avance que toutes les journées seront similaires à celle-ci, hormis le jour où elle sera sur le point d'accoucher. Elle tenait alors à profiter de chaque minute, chaque seconde avec lui quand elle en avait l'occasion.
L'air inquiet, ma main serre celle de Grace qui m'avoue n’avoir eu que très peu de repos cette nuit. Elle qui a tant besoin de forces. “Oh, j’en suis désolé. Est-ce ma présence qui t’aurais empêchée de dormir?” je demande, puisque ce n'est pas pour rien que nos nuits côte à côte se sont raréfiées. Je ne souhaite pas perturber ses nuits. Elle a certainement besoin d'être seule pour se reposer. Malgré une journée au calme, la princesse ne semble pas au mieux de sa forme. Les derniers mois de sa grossesse promettent d'être bien plus éprouvants pour elle que je ne le pensais. “Je t’aurais fait apporter ton souper dans tes appartements si tu ne te sentais pas bien.” Qu'importe, ce sera pour la prochaine fois. Elle n’a nulle obligation de se montrer à la Cour, tous comprendront qu'une femme dans sa condition ne soit pas en état de supporter tout ce bruit et cette agitation. Si cela la rend nerveuse, ce ne sera certainement pas bon pour le bébé. Autant s’abstenir et lui épargner ces tensions. “Il doit sentir que c’est un environnement nouveau.” dis-je en passant ma main sur le ventre de mon épouse à l'intérieur duquel notre petit s'agite bien trop pour lui accorder le repos nécessaire. Elle appréhende, alors lui aussi. Je lui souris tendrement et dépose un baiser discret au coin de ses lèvres. “Tu m’as manquée aussi.” Le roi, à côté de moi, s’inquiète également de l’état de santé de la Princesse. Encore une fois, impossible pour moi de distinguer de la sincérité à travers le filtre de ma méfiance. J’ai sûrement besoin de mieux connaître l’homme pour avoir une idée plus nette de sa personne. Jusqu’à présent, il n’était que mon rival par principe. Néanmoins, il nous accueille et nous traite bien. Il est aimable et convivial. L’ambiance à la Cour du roi Charles est aussi festive qu’à Tricarico, mais bien entendu, à une toute autre échelle. Les mets sont délicieux, il faut l’admettre. Je parle vaguement de la première journée du conseil avec Grace, la tenant au fait des décisions prises sans trop m’attarder sur mes pensées concernant ses autres membres qui attendront que nous soyons dans un lieu plus privé. A la fin du dîner, lorsque les duos de danseurs se font formés sur la piste, Grace s’excuse de ne pouvoir s’y rendre avec moi et me prie de ne pas lui en tenir rigueur. “Non, bien sûr que non.” je lui assure en serrant sa main. Ma princesse n’est plus en état pour les chorégraphies complexes et vivaces des danses italiennes. Quoi que je remarque des variantes espagnoles qui me sont inconnues et que j’observe avec intérêt. Histoire de ne pas rester sur nos chaises toute la soirée, nous pourrons aller à la rencontre de quelques nobles dont j’ai pu faire la rencontre aujourd’hui. “Je ne sais pas non plus à qui me fier véritablement, nous le découvrirons ensemble. Tu me feras profiter de ton instinct aiguisé.” dis-je tout bas à mon épouse avec un sourire complice. “Je ne te quitterai pas une seule minute.” Parole que je ne tiendrai pas, mais cela je n’en ai pas encore idée. Mon attention est captée par une figure familière qui fait son entrée dans la grande salle. Bien assez grande et élégante pour qu’elle soit remarquée et reconnue immédiatement. “Ippolita est là ?” Je l’ai sous les yeux, mais la surprise fait parfois poser des questions qui ne nécessitent pas de réponses évidentes. “J’avais invité son père à nous rejoindre.” s’étonne le roi. “Il est souffrant, il ne pouvait pas faire le voyage. Mais la Sforza est dotée de beaucoup d'intelligence et d'esprit, elle me conseille moi-même régulièrement. Elle sera sûrement d'une précieuse aide.” Ippolita et moi échangeons de nombreux courriers par messagers qui vont et viennent entre Squillace et Tricarico inlassablement. Nous sommes constamment en contact. Je prends bien plus volontiers ses conseils que ceux de Francesco, et je devine aisément qu’elle gère la région bien plus qu’il ne le fait. “Bien, j'ai confiance en votre jugement.” Grace et moi nous levons afin de rencontrer la jeune femme à mi-chemin tandis qu’elle s’approchait également de nous, un large sourire aux lèvres. Nous échangeons une longue et chaleureuse accolade. “Ippolita, je suis si heureux de vous voir ici! Cela fait le plus grand bien de voir un visage allier. Francesco est avec vous ?” “Votre Altesse.” La jeune femme fait une gracieuse révérence avant de poursuivre ; “Non, malheureusement, votre cousin ne m'accompagne pas. Il est souffrant lui aussi.” Son air inquiet ne semble rien présager de bon. Sûrement la malaria, il a toujours été si imprudent à ce sujet. J'espère néanmoins qu'il se rétablira. Ippolita se tourne vers mon épouse avec un large sourire. “Oh, Grace ! Grand dieu comment avez-vous réussi à supporter le voyage avec votre condition ? Et vous demeurez magnifique, je suis si jalouse.” Son regard pétille d'admiration face à ce ventre rond. Celui de la Sforza est bien plat pour une femme mariée depuis quelques mois. Le roi nous rejoint, et elle s'incline encore plus bas pour le saluer avec bien plus de modestie qu'elle n'en ait jamais fait preuve. “Votre Majesté, mon père vous prie de l'excuser, il m'envoie à sa place pour vous seconder, si vous m'en faites l'honneur.” Elle lui tend un papier, une lettre de la main du duc, dans laquelle il formule lui-même tout ceci, le cachet faisant foi de la véracité des propos de la jeune femme. “Vous êtes là bienvenue à la Cour.” répond-t-il avec un sourire en coin. Avoir toutes les grandes familles comme alliées est tout à son avantage. Le Borgia sous sa botte, les Médicis quasiment acquis, maintenant les Sforza bien lunés. Il ne saurait être plus au paroxysme de sa puissance, et toute son expression le laisse deviner. “Celso, puisque mon époux n’est pas des nôtres et que je me sens d'humeur festive, me feriez vous le plaisir de me faire danser comme vous savez si bien le faire ? Et si cela ne dérange pas la Princesse évidemment.” Je lui tends une main afin qu'elle y glisse la sienne. “Nul besoin de flatteries, ce sera avec grand plaisir.” J’embrasse Grace sur la joue puis mène Ippolita vers les autres danseurs, attendant la prochaine danse pour nous joindre au groupe.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Celso s'inquiétait pour sa belle, craignant que ce ne soit de sa faute qu'elle n'ait pas réussi à bien dormir durant la nuit. Le regard de sa femme se faisait rassurant. "Non, bien sûr que non." lui assura-t-elle en lui caressant affectueusement la joue. "Au contraire, je préfère que tu sois avec moi. J'ai juste longuement pensé à notre conversation de la veille, et cela ne m'a pas rendue véritablement sereine." Elle lui vola un baiser. Le voyage n'avait pas été véritablement bénéfique pour la jeune femme, bien que son époux ait mis en place tout le confort nécessaire. Il s'agissait toujours d'un long voyage. "Il fallait bien que je me montre de manière plus officielle." lui répondit-elle doucement lorsqu'il dit qu'il aurait fait apporter un repas dans ses appartements. La jeune femme ne voyait pas s'y terrer éternellement, et elle serait de moins en moins encline à se montrer avec le temps. Elle n'était plus si loin du terme, après tout. "Cependant, je ne m'attarderai pas éternellement." Celso caressait délicatement le ventre rond de sa femme, tout aussi soucieux du bien-être de son bébé. Grace déposa sa main sur la sienne et accepta volontiers le doux baiser qu'il avait déposé au coin de ses lèvres. Celso racontait succinctement sa journée, soit parce qu'il ne voulait pas vraiment revenir là-dessus, soit parce qu'il voulait résumer le tout pour une femme qui se fichait bien de la politique. A défaut de pouvoir aller danser, Celso avait suggéré qu'ils aillent à la rencontre de nobles dont il avait pu faire connaissance plus tôt dans la journée. Grace arqua un sourcil en regardant son cher et tendre lorsque celui-ci disait compter sur l'instinct de sa femme au moment de ces conversations. Finalement, ces discussions n'auront jamais lieu, puisque le Prince remarqua la présence d'Ippolita. Il disait vouloir se fier à son instinct, il ne lui avait jamais demandé son avis concernant la femme de son cousin. Grace se passa de commentaires lorsqu'il discutait avec le Roi. Grace découvrait au même moment que Charles Quint qu'il avait des contacts réguliers avec la Sforza. Celso invita Grace à venir avec lui à sa rencontre. La Sforza s'inclina devant le couple, informant ensuite qu'elle était venue seule. Le visage de Grace restait impassible lorsqu'elle était en face de la Sforza. Elle avait tout de même ce sourire qu'elle avait pour ne pas paraître impolie, mais elle ne se laissait clairement pas atteindre par de telles flatteries. Le Roi les rejoignit, Ippolita justifia sa présence auprès de celui-ci. Chose faite, elle proposa à Celso de danser avec elle. Il embrassa rapidement la joue de sa femme avant de filer rejoindre. Le Roi retourna à sa place. "Votre Altesse ?" demanda Jane en s'approchant timidement de sa suivante. "Il semble que ma présence ne soit plus nécessaire." lui dit-elle tout bas, en regardant Ippolita et Celso danser ensemble. Grace tourna à peine les talons qu'elle tomba nez à nez avec un homme, qui devait être à peine plus âgé qu'elle. Il s'inclina élégamment. "Votre Altesse, permettez-moi de me présenter, je suis Giovanni, je suis banquier à Florence et conseiller du Roi. J'ai eu l'occasion de rencontre le Prince durant cette première journée. Il me tardait de faire votre reconnaissance, on entend beaucoup parler de vous ces derniers temps." "Vraiment ?" demanda Grace, perplexe, en arquant un sourcil. "Que du bien de vous, je vous assure. L'on entend dire que votre peuple vous aime beaucoup. Et je dois avouer que je suis surpris que vous ayez une si bonne connaissance de la langue en si peu de temps." "On m'a accueillie à bras ouvert et sans état d'âme, je me devais de rendre la pareille à ma propre façon." Il sourit, satisfait de sa réponse. Grace ne se laissait pas atteindre par ses compliments. Elle ne le connaissait pas, il lui fallait un certain temps. "Je vous prie de m'excuser, Monsieur, mais j'étais sur le point d'aller me reposer." "Bien sûr, votre Altesse. Voulez-vous que j'en informe son Altesse, le Prince ?" "Oh non, ne l'embêtez pas avec ça, il semble avoir trouvé bien meilleure compagnie que moi." dit-elle avec un sourire impassible. Il la regardait d'un air légèrement attristé et acquiesça d'un signe de tête avant de s'incliner devant elle et lui laisser le passage. Elle était suivie de près par ses suivantes. Grace remercia rapidement le Roi pour le dîner et s'en alla dans ses appartements sans que son mari ne se rende compte de son départ. Jane et Luisa l'aidèrent à se dévêtirent et à retirer tous ses accessoires. "Nous aurions peut-être du rester à Tricarico." confia-t-elle à ses suivantes. "Vivre les derniers mois de grossesse dans un endroit que je ne connais pas, avec une grande partie des personnes que je ne connais... Ce n'était peut-être pas une bonne idée." La jeune femme fit quelques pas sous le regard de Luisa et Jane. "Allez donc vous reposer, je vous appellerai si j'ai besoin de vous." Elle resta longuement près du feu de la cheminée, installée sur le fauteuil. Elle ne vit pas le temps, et elle finit tout de même par se coucher, espérant trouver le sommeil rapidement, ce qui ne fut pas le cas.
Une nature frivole ne s’oublie pas. Elle ne s’oubliera sûrement jamais. Aimer les danses, la musique, les fêtes, les grands banquets de ce genre, jouer de ses charmes, juste pour se complaire dans des regards féminins admiratifs ou curieux. Ce fut ma vie pendant longtemps, car c’est ainsi que je suis. Attiré par les fastes de la vie des nobles qui savent et ont les moyens de s’amuser, de rendre la vie moins sérieuse qu’elle ne l’est. Pendant de longues minutes, en duo avec la Sfozra, j’oublie cette couronne sur ma tête, ces habits d’une facture plus haute que ce que je n’ai pu connaitre auparavant, les responsabilités qui vont de pair avec ces titres, et surtout, la peur de ne pas être à la hauteur durant ce séjour, de faillir. La peur d’être père pour la première fois également. Il y a tant de choses sur mes épaules que je peux tout simplement jeter le temps de quelques danses. Néanmoins, le temps passe si vite dans cette bulle qui s’est formée que je le remarque guère passer. Pourtant les bougies se multiplient au fur et à mesure que la nuit tombe sur cette première journée à Bologne. Lorsque la musique s’arrête et que nos deux pieds restent enfin à même le sol plus de quelques secondes, nous sommes essoufflés, mais nous rions de bon cœur. Nous nous saluons, puis nous nous séparons. Alors que je m’attendais à retrouver Grace à sa place à table, mon regard ne tombe que sur une chaise vide. Dans toute la grande salle, elle ne se trouve nulle part. Immédiatement un peu inquiet, je prends congé auprès du Roi que je retrouverai demain, puis file à travers les couloirs du château jusqu’à l’aile où se situent nos appartements. En chemin, je tombe sur les deux suivantes de Grace qui se rendent dans leur propre chambre, ayant mérité une nuit de repos. « La Princesse se repose. » m’informe Jane. « Elle dort sûrement désormais. » Le ton fait subtilement comprendre que je ne devrais pas la rejoindre et perturber son sommeil, mais aussi, entre les lignes, que quelque chose cloche. Le cœur serré, j’acquiesce d’un signe de tête et laisse les deux jeunes femmes s’en aller. Pour ma part, je m’arrête devant la porte de la chambre de Grace et hésite un instant à la pousser pour y entrer. Ne serait-ce que pour vérifier qu’elle dort paisiblement, contrairement à la nuit dernière. Si cela est le cas, je risque de la déranger. Je m’écarte de la porte et rejoins mes appartements. Les nuits seuls ne sont jamais très agréables, plus lorsque l’on est autant habitué à avoir la présence de l’être aimé auprès de soi. Habillé pour la nuit, je passe de longues minutes à tenter de fermer l’œil en vain, allongé dans ce lit à baldaquin trop grand pour une personne seule. Je soupire, me tourne, me retourne, et abandonne. Bien emmitouflé dans une robe de chambre, je prends une lampe et décide de m’aventurer dans le château que je n’ai pas eu l’occasion d’explorer. Les esprits sont endormis, c’est l’heure du règne des courants d’airs froids de l’hiver. Mes pas me guident jusqu’à la chapelle, petit endroit de recueillement privé assez grande pour des messes en comité réduit. C’est le seul endroit où toutes les lumières sont encore allumés à cette heure-ci. Mes pas feutrés ne s’entendent pas sur les dalles. J’observe les fresques peintes, des murs au plafond. J’en oublie de passer par le bénitier avant de pénétrer plus en avant dans la petite nef, poussé par la curiosité. Dans une alcôve, je me sens assez tranquille pour prier un instant ; je demande avant tout la bienveillance du Seigneur pour mon épouse et sa guidance pour mon devoir auprès du roi. Lorsque je m’apprête à partir, la fine croix en bois se décroche et glisse sur le mur pour se retrouver le haut en bas avec grand fracas. Immédiatement, je m’évertue à tenter de la remettre en place. « Monsieur ? » se manifeste une voix derrière moi. Par-dessus mon épaule, je devine le prêtre qui garde ces lieux, son regard transperçant celui qu’il croit en pleine vandalisation. Pire, retournant une croix. Paniqué, je récupère ma lampe et fuis d’un pas rapide, laissant l’homme de foi à ses suspicions. Je me réfugie dans mes appartements, mais un grand sentiment s’insécurité me gagne entre ces murs. Alors je traverse le couloir pour entrer dans ceux de Grace silencieusement. Je ne peux pas la toucher après pareil présage. Je prends place dans un fauteuil, pâle comme un linge, et c’est au bout de quelques heures que l’épuisement a raison de moi.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Elle avait entendu les voix au travers de la porte, ayant aisément reconnu celles de Celso et de ses deux suivantes. La jeune femme s'était alors attendue à ce qu'il vienne la voir, pour savoir ce qu'il se passait, il avait du forcément se rendre compte de quelque chose, pour qu'elle ne vienne pas à signaler son absence, qu'elle n'en dit pas un seul mot. Elle sentait sa présence de l'autre côté de la porte, mais il n'entra. Elle finit par se dire qu'il a du aller se coucher, ou trouver moyen de s'occuper ou de se divertir. En se réveillant, Grace avait l'impression de ne pas avoir dormi de la nuit. Elle avait ces petites choses à penser qui empêchait le sommeil de la gagner. A moins que le voyage ait été véritablement de trop pour elle. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle vit son époux, installé sur le fauteuil, en train de dormir. Le soleil n'était pas encore levé, loin de là. La Princesse fronça légèrement les sourcils, perplexe qu'il ne se soit pas permis de venir se blottir contre elle. Les possibilités étaient multiples. Elle pensait en premier lieu à la Sforza, peut-être qu'il s'en voulait parce qu'il n'aurait pas fait quelque chose de correct avec elle, de quoi attirer les foudres de son épouse. Ou bien une toute autre chose qui le tourmentait au point de ne pas se permettre de la toucher. Grace finit par se lever du lit, et s'approcha de Celso. Elle s'approcha de lui et se mit à côté de lui, toujours debout. Afin de le réveiller délicatement, elle effleura du bout de ses doigts sa joue, qu'elle caressa ensuite tendrement. Celso sursauta et balaya son geste. Malgré tout, la jeune femme réitéra son geste, avec cette même tendresse. "Que se passe-t-il ?" lui demanda-t-elle tout bas, dans un murmure. Il était anormalement pâle, on avait l'impression qu'il venait de voir un fantôme. "Tu es bien pâle." Grace finit par s'installer sur le fauteuil qui se trouvait en face de lui. Il était nerveux, il avait même quelques gouttes de sueur qui perlaient sur son front. "Dis moi ce qu'il se passe Celso." Malgré sa condition, et la fatigue qui s'accumulait, la jeune femme restait une oreille attentive pour son époux, dès qu'il en ressentait le besoin. Il le savait et jusqu'ici, il venait volontiers vers elle, même si ce n'était pour lui que des détails, des futilités. Grace avait conscience qu'il ne lui racontait pas tout, il devait avoir ses raisons. Cela ne voulait pas non plus dire qu'elle ne lui tenait pas rigueur de certaines choses. Un long moment de silence régna dans la pièce. Histoire de lui laisser le temps de mettre de la place dans ses idées, la jeune femme se leva pour lui servir un verre de vin. La simple odeur de la boisson la rendant nauséeuse, elle se fit pour elle un verre d'eau. Elle tendit la coupe à son mari avant de se réasseoir sur le fauteuil, dans l'attente d'une réponse. Le visage du beau brun était proche d'être terrifié, Grace s'inquiétait de plus en plus de ce qu'il avait pu faire ou de ce qu'il avait vu pour qu'il soit dans un tel état. Il était un homme fort, autant physique au niveau du physique que du caractère. Il en fallait donc beaucoup pour que le retourner à ce point. "Celso, dis-moi quelque chose." dit-elle afin de le relancer. S'il était là, avec elle, c'était parce qu'il en avait besoin, ou bien que la solitude commençait à bien trop l'effrayer, alors que c'était loin d'être la première fois où elle demandait à dormir seul, tant elle se sentait épuisée. "Tu sais que tu peux tout me dire. Qu'est-ce qui te retient tant ?" Son ton était doux et calme, elle lui laissait le temps nécessaire pour exprimer les pensées qu'il voulait, et même quelque chose qui n'avait rien à voir avec ce qui le tracassait tant. Grace se leva encore une fois, et prit la main de Celso pour l'inviter à se lever. Elle l'invita ensuite à s'allonger sur son lit, et elle s'installa au bord de celui-ci. Il avait encore besoin de sommeil, cela se voyait aisément sur les traits de son visage. Bien que le regard de Celso en disant dès lors qu'elle avait un contact physique avec lui, elle poursuivait. Elle lui caressait les cheveux ou le visage, le temps que son esprit soit moins embrouillé puisse tout remettre en ordre avant que cette nouvelle journée de travail pour lui ne commence.
Une caresse froide m’arrache au sommeil brutalement. Je sursaute, persuadé de trouver face à moi la mort ou je ne sais quel démon à serres glaciales prêt à m’emporter. Mon imagination et mes cauchemar se calquent sur la réalité quelques secondes, jusqu’à ce que mon regard ne se pose sur Grace. Toujours belle comme un ange. Haletant, le front perlant de sueur froide, mes yeux restent plantés dans les siens mais ma bouche n’articule rien. Paralysé, je ne peux rien dire, je ne peux même plus bouger. La jeune femme ne doit pas savoir. L’inquiétude, la peur, tout cela pourrait se répercuter sur le bébé. Ce ne sont que des émotions négatives qui pourraient lui faire du mal. Et, si elle fait preuve d’assez d’esprit, elle fuirait aussi loin que possible de moi. Je ne peux pas parler et risquer de la perdre, elle ou notre enfant. Je ne peux pas. Figé dans cette seconde hors du temps, coupé de la réalité, ma tête mêle passé, présent et avenir. Je ne remarque pas que Grace s’est déplacée jusqu’à ce que la coupe de main n’atterrisse dans ma main. Moi qui étais persuadé de continuer à fixer son regard bleu. Impossible de prendre une gorgée de vin. L’odeur, la couleur, la consistance est insupportable. L’air est irrespirable. Mon corps est trop étroit, trop chaud. J’abandonne la coupe sur la table d’appoint à côté du fauteuil. Voyant qu’elle ne parviendrait pas à tirer quoi que ce soit de moi de cette manière, Grace me guida jusqu’au bord du lit afin d’être près de moi. Malgré moi, je la supplie de rompre tout contact physique avec moi. Elle n’en fait rien. Elle ne se rend pas compte. « Je… » La gorge sèche, la voix s’étouffe. Je déglutis difficilement. Si je garde cette mésaventure pour moi, je deviendrai fou. Mais est-ce que je peux vraiment tout dire à mon épouse ? Est-ce qu’elle écoutera toujours lorsqu’elle comprendra que Dieu s’est détourné de moi ? Le regard rougi et bordé de larmes, j’arrache au moins mes mains aux siennes et enfouis mon visage dans mes paumes. Au bout d’un interminable silence visant à me laisser reprendre mes esprits, je soupire. « Je n’arrivais pas à dormir. Je suis allé parcourir le château en attendant le sommeil. Je ne voulais pas perturber ton repos. Je suis arrivé à la chapelle, j’ai eu envie de me recueillir. Je priais pour toi, pour notre enfant, pour que notre séjour ici se déroule paisiblement. » Je ne comprends pas pourquoi. Pourquoi c’est arrivé, pourquoi à ce moment-là, pourquoi moi. « Juste avant que je ne parte… La croix est tombée à l’envers. » Ma voix s’étouffe à nouveau. Je retiens ma panique et ma terreur du mieux que je le peux, néanmoins, je ne suis pas assez courageux pour lever le visage et observer la réaction de Grace. Cette crainte-là est tout aussi insupportable. Je ne sais pas comment interpréter ce présage, ma tête ne fonctionne plus depuis l’incident. Est-ce en rapport avec ma prière, avec notre venue ici, avec le bébé, ou Grace ? Ou n’est-ce que moi que la Seigneur a pris en grippe et à qui il abandonne mon âme au mal ? « Le prêtre m’a vu essayer de fixer croix mais il me foudroyait du regard alors je suis parti immédiatement. » Il m’a vu, il m’a dévisagé. Il en parlera sûrement au roi, à la Cour, à tout le monde. Je ne serai plus un démon que pour le petit peuple, mais pour toute la royauté. « Je ne me sentais en sécurité nulle part sauf près de toi. » je murmure, la voix tremblante. Je n’aurais pas dû venir. « Tu ne devrais pas me toucher après ça. » Epuisé, je ne retiens plus mes larmes. « Je crois que je suis damné, Grace. » Un esprit mauvais a la main sur moi depuis mon empoisonnement. Peut-être que quelque chose est bien entré dans la chambre cette semaine-là, et a fait fi des prières de la jeune femme. Peut-être qu’il n’y a plus rien pour m’arracher à ce mauvais œil, ni le chapelet, ni les porte-bonheur. « Nous n’aurions pas dû venir ici. » je souffle, la gorge serrée. « Je suis désolé... »