I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Il lui demanda de rester avec lui pour le reste de la nuit. Une affirmation, il ne lui demandait pas son avis. Joanne ne comptait pas refuser de toute manière, elle ne voulais pas s'échapper de ce lit. Elle s'installa lentement, posant la tête sur son oreiller, et pour la dernières fois de la soirée, ils s'embrassèrent. Pour une fois, il ne lui a fallu que quelques secondes pour s'assoupir. Elle était épuisée, mais elle se sentait bien, en sécurité en le sachant près d'elle. A un moment, elle sentit un des bras de Jamie s'entourer autour d'elle alors qu'elle venait de se mettre sur le côté, il la blottisait contre lui. La chaleur qu'il émettait l'embaumait et lui permit dans un sommeil des plus profonds. Ca faisait longtemps qu'elle n'avait pas aussi bien dormi. Aucun bruit ne pouvait la perturbait. Le seul élément qui l'extirpa de ses rêves était qu'elle commençait à avoir froid. Joanne avait laissé le drap telle qu'elle l'avait posé sur elle la veille, et de sentir ses épaules dénudées à l'air libre lui donnait quelques frissons. Machinalement, elle s'enveloppa entièrement dans le draps. Mais il manquait quelque chose. La jeune femme ne sentait plus le corps de Jamie collé contre le sien. Elle ouvrit difficilement les yeux avant de prendre le temps de s'étira, constatant que Jamie ne se trouvait plus dans la pièce. La blonde restait assise sur le lit un moment, se laissant le temps de se réveiller. Elle aurait juré entendre quelqu'un parler avec Jamie, au rez-de-chaussée. Elle trouvait ça curieux, étrange. Elle se décidé enfin de descendre de lui, tenant toujours le drap blanc sur elle. Ses yeux bleus constatèrent le désastre qu'était devenu sa chambre. Tout traduisant la colère noire dans laquelle elle l'avait engoufré. Ce n'était pas comme si c'était la première fois qu'elle le savait violent, mais elle se dit qu'elle ne se fera peut-être jamais de ce triste spectacle. S'il y avait bien une chose à laquelle Joanne souhaiterait avoir le contrôle, c'était bien sur ça. Savoir canaliser sa colère, par tous les moyens possibles. Un challenge plus que compliqué, mais elle décida tout de même de le relever. Elle ne voulait pas encore se rhabiller, comptant prendre une douche. Mais sa curiosité la titillait depuis qu'elle avait entendu ces voix, et elle voulait voir ce qu'il se passait. Elle enfila la chemise qu'avait porté Jamie l'avant-veille et qui traînait dans la salle de bain - celle de la veille était couverte de sang, elle l'avait bien vu-, puis sa culotte. La jeune femme marchait sur la pointe des pieds afin de ne pas se couper sur l'un des débris de glace, et atteignit avant la porte.
Elle descendit les escaliers, voyant Jamie pensif, installé dans l'un de ses fauteuils. S'approchant de lui, elle restait debout derrière lui et laissa glisser ses mains le long de son torse, avant d'encercler délicatement son cou afin de l'enlacer. Ses lèvres se portaient ensuite sur sa joue. Joanne avait remarqué que quelque chose le travaillait. La preuve, il détourna vite le sujet en parlant de petit-déjeuner. Le regardant avec inquiétude, Joanne se redressa avant de faire le tour du fauteuil afin de s'installer sur ses genoux, ses mollets prenant appui sur l'un des accoudoirs. Une de ses mains passaient au niveau de sa nuque, l'autre lui caressait tendrement le visage. Elle laissa régner quelques secondes de silence, avant de lui demander, de la voix la plus douce possible, qu'elle maîtrisait tellement bien. "Que se passe-t-il ? Tu sembles tracassé..." Joanne devint beaucoup plus hésitante sur ses prochains mots. "Est-ce que... c'est à cause de cette nuit ? Quelque chose ne t'a pas convenu ?" Ca aurait pu être le cas. Joanne n'était jamais vraiment sûre de ses gestes. Elle laissait son coeur et ses envies parler mais elle n'était certaine que c'était le bon choix à chaque fois.Ses yeux allaient chercher ce regard qu'ils aimaient tant. "Je n'aime pas te voir comme ça, quand quelque chose te travaille... Ca me fait mal au coeur." Et c'était vrai. A chaque fois, elle avait ce pincement qui se serrait toujours un peu plus dans sa poitrine, avec une légère sensation de manquer d'air. Elle espérait juste que ce ne soit pas trop grave. Elle aurait pu aussi lui demander qui était avec lui, ce qu'il lui voulait, mais elle trouvait qu'elle lui avait déjà posé suffisamment de questions. Elle s'inquiétait pour lui, et ça se lisait clairement son visage.
Un petit ange vient s'asseoir sur mes jambes. Je reconnais ma chemise, elle flotte dedans. Ses cheveux décoiffés et ses paupières à peine ouvertes la rendent adorable. Je vois toute l'inquiétude qu'elle a dans son regard. Mais je suis trop occupé à l'admirer. Je me sens drôlement idiot, mais il paraît que c'est normal de s'émerveiller d'un rien quand on tombe amoureux. Elle est là, toute proche, la chemise tombant maladroitement sur ses épaules, quelques mèches en bataille, le visage se détachant sur le ciel de Londres comme si elle venait d'en tomber. Un léger sourire étire mes lèvres alors que sa voix, si douce, me demande ce qu'il peut se passer dans ma tête à cet instant. Oui, j'étais tracassé. Mais maintenant, je suis ailleurs. Avec la même douceur, je lui réponds ; « Tout va bien. » Du bout des doigts, je frôle sa joue et passe une mèche blonde derrière son oreille. Je pourrais oublier toute la conversation avec mon père dans cette paire d'yeux bleus. Mais elle est bien là. Cet ultimatum imposé par cet homme que je connais à peine et se déclare être mon père. Son dédain, sa satisfaction, son envie d'avoir le droit de faire de moi sa marionnette pendant toute une soirée et toutes ses motivations qui se résument à un seul trait de son caractère ; la cruauté. Le même trait qui l'a fait aller si loin en politique à n'en pas douter. Joanne me demande si mon tracas à quelque voir à voir avec hier soir. Mes yeux s'arrondissent. « Quoi ? Non ! Quelle idée. » Un rire m'échappe. Non, absolument pas. Je balaye ces idées de son crâne blond en déposant un léger baiser sur ses lèvres. Hier soir a été éprouvant, mais comment pourrais-je m'en plaindre ? Je n'ai pas passé d'instant comme celui-ci depuis… eh, je dirais, jamais. « Cette nuit était parfaite, et tu es… parfaite. » On se fiche de la répétition, je n'ai pas d'autre mot qui me vient à l'esprit. On pourrait penser que la soirée était loin de la perfection, mais finalement, j'en doute. Peut-être que les événements ne sont que plus mémorables lorsqu'ils dérapent, que les sentiments ont besoin de ces épreuves pour se révéler, qu'ils rendent alors chaque seconde plus intense. Bien sûr, Joanne n'est pas dupe. Elle a dû entendre des voix à l'étage du dessus avant de me retrouver ici, pensif. Cela lui fait mal au coeur, dit-elle. J'ai presque envie de tout lui raconter, mais j'imagine déjà trop bien sa réaction. La même déception dans ses yeux que lorsque je lui ai avoué qui sont mes parents. Je ne veux pas concrétiser ses craintes. Mais au fond, refuser d'aller à ce foutu gala signera peut-être la fin de cette tranquillité que je lui avais promise. Dans un cas comme dans l'autre, je ne suis plus qu'un menteur. « Ce n'est… qu'un contretemps. Rien de grave. Je t'assure que tout va très bien. Je t'ai promis que tout irait bien, hm ? Et je ne veux pas que tu t'inquiètes. Laisses moi gérer ça, d'accord ? » je lui demande avec l'espoir qu'elle n'insiste pas pour en savoir plus. Je n'ai pas envie de lui cacher quoi que ce soit, c'est bien assez difficile comme ça de savoir que je ne peux lui inspirer que de la déception. Malgré tout cela, mon sourire ne m'a pas quitté. Je dépose un nouveau baiser sur le front de Joanne, et sur le bout de son nez. Mes mains autour d'elle se sont glissées sous la chemise pour pouvoir caresser sa peau. Moins chaude qu'hier, mais pas moins douce. « De ça, et du petit-déjeuner. Je crois qu'il reste de la baguette d'hier, mais vu l'heure, je peux te proposer d'aller dans le pub du coin de la rue qui fait un brunch dont tu ne te remettras jamais de ta vie. » dis-je avec un sourire encore plus grand. Bon, malheureusement, cela impliquera que Joanne doive s'habiller et quitter cette adorable allure dans ma chemise.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Bien sûr que tout n'allait pas bien. Il y avait quelque chose. Mais elle avouait être rassurée qu'il ne s'agissait pas de la nuit qu'il venait de passer ensemble. Jamie la complimentait, la couvrait de baisers. Parfaite. Elle ne s'était jamais trouvée parfaite. Si elle le voulait, elle lui écrirait une liste interminable de tous les défauts qu'elle pouvait se trouver. Mais étrangement, la manière dont il le lui avait dit, dont il la regardait à cet instant là, elle était prête à croire que c'était peut-être vrai. De se sentir spéciale pour lui, finalement. Joanne aurait juré avoir senti ses joues devenir plus chaudes à ce moment-là, fuyant timidement son regard tout en se mordillant la lèvre inférieur, avec un sourire gêné. Sa tête vint ensuite se nicher dans son cou, pour s'assurer qu'il ne la voit pas comme ça. Un rire s'échappait de sa bouche. "J'espère que nous aurons d'autres nuits parfaites, alors..." souffla-t-elle. Ne changeant pas de position, elle l'écoutait avec attention. Jamie voulait tellement tenir les promesses qu'il lui avait faites. Même s'il n'avait rien prévu de particulier, il voulait plus que tout que cette semaine ne soit consacrée qu'à eux deux, et personne d'autre. Pas de mauvaises surprises, pas de tracas, pas de masques, juste eux. Au point de ne pas vouloir lui dire ce que ce contretemps était exactement. La jeune femme avait le pressentiment que ce n'était pas si minime que ça, mais il voulait certainement tout dédramatiser afin de ne pas la faire paniquer. Joanne décidé de ne rien dire, ayant peur d'envenimer leur matinée. Elle savait qu'elle pouvait se montrer parfois insistante et particulièrement têtue, mais elle ne voulait pas le blesser ou le contrarier encore une fois. Soudain, elle sentit les mains de Jamie toucher diectement sa peau. Qu'est-ce qu'elle pouvait aimer ses mains. Un long soupir s'échappa de sa bouche, ses yeux se fermaient quelques secondes pour uniquement sentir ce contact. Jamie commençait à parler brunch. Elle adorait l'idée, et en était très enthousiaste. Mais elle restait longuement silencieuse dans sa position. Elle aurait pu se ré-endormir ainsi. Une de ses mains s'était déposée sur son torse. Enfin, elle releva sa tête afin de pouvoir le regarder à nouveau et l'embrasser doucement sur le coin de sa bouche. "C'est une merveilleuse idée." dit-elle d'un sourire. Ses doigts passaient sur les lèvres de Jamie, ses iris bleus les contemplant, envieux. Quand ils interceptèrent son regard vert. "Encore juste quelques minutes..." et elle l'embrassa. Le baiser était peut-être beaucoup moins langoureux que ceux de la veille, mais il n'en dégageait pas moins d'amour.
Ca ne l'aurait certainement pas dérangé de rester ainsi pour le reste de la journée. Mais son estomac criait famine, et le repas dont il avait parlé lui donnait envie. Sa gourmandise était démesurée. Puis un brunch. Ca lui semblait tellement classe de manger un brunch à Londres. D'un autre côté, elle ne voulait pas que Jamie enlève ses mains d'où elles étaient. A quoi bon être raisonnable quand on est dans les bras de la personne que l'on aime ? A contrecoeur, elle quittait les lèvres de Jamie. "Il faudrait que j'aille me doucher." Brillante idée. "Je me dépêche, promis." dit-elle juste avant de lui poser un dernier baiser volé avant de quitter ses genoux. Si elle l'avait prolongé, elle ne se serait certainement jamais levée. Joanne fila dans sa chambre, choisissant rapidement une autre robe -rouge, cette fois-ci-, avant de courir sous sa douche. Quand elle le voulait, elle pouvait être très efficace et contrecarrer cette idée reçue du temps que passait les femmes dans leur salle de bain. Elle trouvait qu'on arrivait à une époque où les hommes se bichonnaient de plus et qui savait tout aussi bien qu'elles s'éterniser sous le douche ou devant le miroir. Elle était lavée, s'était même séchée les cheveux, maquillée, et glissa enfin ses pieds dans des escarpins. En sortant de sa chambre, elle voyait Jamie juste là. Il était impeccable. Habillé, bien coiffé. Il était d'une rapidité, c'en était presque impossible. "Mais comment tu fais ?" dit-elle, sur le ton de la plaisanterie. Quoiqu'elle aimerait bien connaître quelques uns de ses secrets. Il avait cette élégance naturelle, cette classe qui était certainement inscrite quelque part dans son génome. Il lui suffisait de mettre ne serait-ce qu'une veste, il la faisait complètement fondre. Elle s'approcha doucement de lui, ce sourire presque niais pendu à ses lèvres. "J'aime vraiment la manière dont tu t'habilles." Un compliment à deux balles, mais Joanne était on ne peut plus sincère. Chaque femme avait son style d'homme et Joanne avait le sien en face de lui. Elle était prête à le suivre jusqu'à ce fameux pub.
La belle reste une poignée de minutes dans mes bras, ce qui est loin de me gêner. Je la serre doucement, et laisse mes doigts frôler sa peau. Ma tête se repose un instant sur ses cheveux blonds. Si la faim ne commençait pas à se faire sentir, je pourrais bien m'endormir ainsi. Sûrement animée par la même pensée, Joanne a la bonne idée de se mettre en mouvement. Elle file dans sa chambre se préparer après un rapide baiser. Je ne peux pas m'empêcher de sourire. Seigneur, même ses foulées à travers le salon et la manière dont elle se glisse dans sa chambre, toujours flottante dans ma chemise, sont absolument adorables. C'en est vraiment ridicule, Jay. Je ris de moi-même en me levant du fauteuil. Je devrais aussi me préparer. Je grimpe à l'étage et esquive encore les bouts coupants au sol -ce qui me fait penser que je dois appeler Moïra pour nettoyer tout ça avant que nous rentrions ce soir. Rapidement, je vais sous la douche. Je reste une poignée de minutes sous l'eau brûlante -car ne pas être pointilleux sur le température de l'eau fait gagner pas mal de temps déjà. « Nom de D... » Je serre les dents. Ma main coupée me brûle. Il faut dire que je n'ai pas pris le temps de la désinfecter, et ça fait un mal de chien. Un peu de sang tâche le sol, me rappelant quel abruti je peux être quand je laisse la colère prendre le dessus sur moi. Puis la douleur passe, et je sors de la cabine de douche. Je me sèche aussi vite. Dans le dressing, j'attrape un jean noir et et une simple chemise blanche -eh bien, je ne crois pas avoir le moindre t-shirt dans toute cette pièce. Je crois qu'en dix minutes, je suis prêt. Joanne ne tarde pas à me rejoindre dans le hall, toujours aussi belle dans sa robe rouge. Mon regard l'observe rapidement de haut en bas alors qu'elle reste étonnée par la vitesse avec laquelle je me suis préparé. Un rire m'échappe. « C'est tout un art. » dis-je. A son compliment, je n'ose rien dire. Je suppose que je devrais la remercier et lui dire qu'elle est exquise, mais j'avoue que les mots me manquent. Je me contente d'un signe de tête reconnaissant et d'un bras tendu vers elle afin qu'elle s'en empare avant que nous sortions. Je l'emmène dans une de ces tavernes typiquement britanniques où le bois imprégné de houblon est roi. Un lieu plutôt sombre, certes, mais loin d'être dénué de charme. Il n'a rien de chic, rien qui sorte de l'ordinaire, si ce n'est une incroyable collection de photographies dédicacées de célébrités avec le patron. Et personne ne sait pourquoi ils viennent ici plutôt qu'ailleurs. « Voilà, le stéréotype anglais grandeur nature. » dis-je quand la serveuse termine enfin de nous apporter une dizaine d'assiettes différentes remplies de tout ce qu'un ventre affamé pourrait rêver. Non seulement le bacon, les saucisses, les haricots dans leur sauce tomate légèrement aigre, mais aussi les œufs, tantôt au plat, tantôt brouillés, un peu de salade de fruits, au moins trois types de pains différents, quelques coupelles de sauces, chutney et marmelades diverses, mais aussi une boîte proposant un assez large choix de thés, du lait et du jus d'orange. Si nous le souhaitons, ils nous amèneront également du fromage, de la charcuterie froide, ou n'importe quel autre jus de notre choix. De quoi nourrir un régiment. « Et non, la viande ne me dérange pas. » dis-je afin d’anticiper cette question que personne ne peut s'empêcher de me poser. L'odeur ne m'indispose pas plus que la vue de la viande elle-même. Joanne est libre de manger ce qu'elle souhaite. Pour ma part, je m'attaque aux œufs brouillés avec un chutney aux figues et me sers de la salade de fruits. « Je crois que c'est à ton tour de décider de ce que nous allons faire aujourd'hui. » Ou pas, mais je préfère quand même qu'elle me dise ses envies pour aujourd'hui. Mes pensées continuant de travailler en arrière-plan, j'en suis également venu à la conclusion que je devrais parler plus dans le détail de ce fameux contretemps. Sans trop en dire pour autant. Un instant, j'hésite, je cherche mes mots et bois un peu de thé pour m'aider. « J'ai une question. Ca concerne ce soir. J'ai… j'ai reçu un message concernant un gala donné dans une magnifique demeure de chasse, à deux heures de voiture d'ici. Ce n'est pas comme à Brisbane, c'est plus… chaleureux. Parfois drôle même. Certains aimeraient que j'y sois. Mais moi… Disons que je n'en passerais. Mais peut-être que tu voudrais y aller ? » Je ne mentionne pas la visite et les menaces de mon père, encore moins le fait que mes parents seront présents. Je veux à tout prix éviter son regard déçu. J'avoue que je compte sur le fait d'avoir dit que je préférerais ne pas m'y rendre pour que Joanne se range vers cet avis.
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Le pub dégageait une ambiance très agréable, familiale. On s'y sentait comme chez soi. Les employés ne tardèrent pas à les placer. Leur table était entièrement recouverte d'une multitude d'assiettes offrant chacune des saveurs et des odeurs bien différentes. Un mélange doux et agréable pour le nez de Joanne, qui savait par avance qu'elle aurait les yeux bien plus gros que le ventre. Elle ne savait même par où commencer. Dès qu'elle vit les tranches de bacon grillées ou les saucisses, son regard interrogatif se dirigea automatiquement vers Jamie. Elle n'eut même pas le temps de penser à la question qu'elle voulait lui poser qu'il y avait déjà répondu. Elle ne pourrait jamais se passer de viande. Surtout quand elle paraissait finement cuisiné. Joanne opta dans un premier temps pour le bacon, avec une tartine de beurre, et un peu d'oeufs brouillés. Le sucré attendra un petit peu. La jeune femme tentait tant bien que mal de prendre des petites quantités afin de pouvoir goûter un peu de tout, mais ce n'était pas évident pour elle. Jamie lui demanda ensuite ce qu'elle voulait faire ce jour-là. Et la première chose qui lui venait à l'esprit, comme un automatisme, était bien sûr. "Le British Museum." C'était spontané, laissant ainsi un très court laps de temps entre la question et sa réponse. Elle ne pouvait pas passer une semaine à Londres sans être passée par là. Ce n'était même pas concevable. L'idée même d'y aller la réjouissait beaucoup. Faisant une petite pause durant sa dégustation, Joanne en profita pour aller chercher l'une des mains de Jamie qui était sur la table. Elle la saisit le plus délicatement possible, et fut intriguée qu'il grimace ainsi quand elle l'eut pris. La jeune femme fronça légèrement les sourcils et retourna sa main pour y découvrir une plaie, causée par une coupure. Joanne savait exactement de quoi il s'agissait, elle savait que c'était de sa faute qu'il se soit blessé ainsi. "Jamie..." dit-elle d'un air désolé. Elle aurait voulu effleuré sa plaie, mais l'aspect laissait à croire que ça devait être particulièrement douloureux, surtout au niveau de la main, partie du corps qui était bien plus sensible que d'autres. Elle s'en voulait beaucoup, encore une fois, se maudissant de ne pas l'avoir plus tôt. "J'ai vu qu'il y avait une sorte de trousse à pharmacie dans un des placards de ma salle de bain." dit-elle en regardant attentivement sa main. Ses yeux bleus se rivèrent ensuite sur lui. "Avant que l'on fasse quoi que ce soit, on passera à l'appartement, et je m'occuperai de ça." Ce n'était pas une question. C'était certainement un moyen pour elle de guérir des blessures qu'elle avait elle-même ouverte. L'appliquer concrètement était peut-être la bonne solution. De plus, si l'on ne faisait rien, la coupure s'infecterait et Dieu sait qu'il pourrait lui arriver par la suite.
Une soirée de gala, dit-il ? Joanne était un peu surprise qu'il lui propose de se rendre à un gala, lui qu'il voulait se faire discret. Ce n'était peut-être pas la meilleure chose à faire pour que Jamie reste dans l'anonymat dans son pays natal. Elle ne comprenait même pas pourquoi il mentionnait un événement auquel il ne voulait pas se rendre. C'était comme s'il voulait ou devait s'y rendre, mais non. Joanne restait longuement silencieuse, regardant les plats qui étaient placés entre eux deux. Elle s'éclaircit la gorge, et ses yeux bleus se dirigèrent vers les siens. Elle le fixait, essayant de décrypter le moindre élément qui pourrait lui donner un indice, quelque chose. Elle abandonna. Après un soupir, elle dit, d'un ton légèrement plus sérieux qu'à son habitude. "Qu'est-ce qu'il y a, Jamie ?" Ca devait certainement être un sujet particulièrement épineux pour qu'il le détourne en événement tout à fait plaisant. "Qu'est-ce qu'il y a là-bas, qui fasse que tu ne veuilles pas y aller, alors que tu me le proposes quand même ?" En soi, ça n'avait vraiment aucun sens. Il avait des choses à cacher, elle en était conscience. Mais il était tellement contradictoire sur ce qu'il venait de lui demander que la curiosité de Joanne ne demandait qu'à en savoir plus. Elle aurait bien voulu le supplier d'être honnête avec elle, mais pour elle, cette phrase avait une connotation tellement négative. Et elle ne voulait pas mettre en doute sa sincérité.
Le British Museum. Clair, net, précis. Un rire m'échappe alors que je manque de m'étouffer avec mon thé face à cette réponse si rapide. Je m'attendais bien sûr à ce qu'elle veuille y aller à un moment de notre séjour, mis à ce qu'elle l'articule aussi spontanément. Je souris, gêné, toussant une ou deux fois. « Vendu ! » dis-je avant de reprendre une gorgée de la boisson chaude afin de m'assurer que mon œsophage fonctionne encore normalement. Rien à signaler. J'attaque mes œufs pendant ma réflexion, essayant de goupiller le programmer de la journée. Le musée est bien grand, il faudra faire des choix concernant les sections que nous souhaitons voir ou non. Ou alors, nous laisserons nos pas nous guider de galerie en galerie jusqu'à ce que la sécurité nous demande de partir. Je me demande si je pourrais prendre un carnet de croquis avec moi, et balaye cette idée bien vite ; Jamie, le moindre dessin prend une heure, ce n'est pas l'idéal. Les doigts de Joanne glissant dans la paume de main m'arrachent un discret rictus de douleur. Pas assez discret. La jeune femme me fait ouvrir cette main entaillée. Ce qui m'étonne, c'est qu'elle a l'air bien plus désolée que accusatrice. Je m'attendais à des réprimandes, mais pas un reproche ne sort de sa bouche. L'idée que je puisse lui faire peur me traverse une seconde. Je connais plus d'une personne qui ne souhaite pas m'adresser à la parole parce qu'ils ont eu le malheur de me voir dans un de mes mauvais jours. Est-ce que la douceur de Joanne pourrait être liée au soir où nous nous sommes rencontrés ? La jeune femme me dit qu'elle souhaite traiter la plaie. « Ce n'est vraiment pas nécessaire, je t'assure. » Mais elle insiste et semble déterminée à soigner cette blessure qui n'est peut-être pas aussi superficielle que ce que je m'imaginais hier soir. « Ca ne fait même plus mal. » dis-je pour essayer une dernière fois de lui faire abandonner l'idée. Un mensonge, bien sûr, puisque rien que le contact de sa peau m'a fait grimacer. Mensonge numéro deux ; « Je te l'ai dit, il n'y a rien du tout. » je réponds quand elle me demande avec grand sérieux ce qu'il se passe au sujet de ce gala. Cette demoiselle est trop futée pour moi. Ou j'ai été trop idiot de mentionner cet événement. J'aurais dû m'écouter, ne rien dire et gérer ça moi-même. Je m'enfonce un peu plus dans l'occultation de la vérité en justifiant ma proposition d'y aller par un ; « Je te propose parce que, je ne sais pas, tu aurais pu vouloir voir ce que donnent ce genre de soirées ici, par curiosité. Je les connais par coeur mais toi... » Tu t'enfonces, tellement profondément, Jamie. Je soupire. Ce genre de cachotteries au lendemain matin de ce qu'on pourrait appeler l’officialisation de notre relation n'est pas vraiment une bonne base pour les débuts d'un couple. Je soupire. Fort bien. « Mon père est passé à l'appartement ce matin et m'a dit qu'il veut que j'y aille. Avec toi. » Encore une fois, l'infime menace glissée dans ses au revoir reste sous silence. Je ne peux pas lui en parler. Peut-être que cela pourrait faire pencher la balance du côté d'Edward, et je préfère l'éviter. Joanne pourrait être capable de me pousser à y aller pour gagner notre tranquillité. Qu'est-ce qu'une soirée d'humiliation en échange de cinq jours de liberté ? Mais je ne veux imposer cela à aucun de nous deux et encore moins à la jeune femme. Ce n'est pas son monde, pas ses conflits, elle n'a rien demandé d'autre que d'avoir une semaine de vacances telles que je la lui ait promise, et ce genre d'écart ne rentre pas dans le plan. Néanmoins, je ne parviens pas à tout bonnement l'écarter de mon esprit. Si le paternel a été capable de faire flamber la maison des jumeaux, c'est bien la preuve que la tolérance n'est pas son fort. Je ne veux pas que refuser ce gala par fierté engendre des événements qui pourraient nous pousser à partir plus tôt que prévu. Je soupire, bloqué entre ces deux foutues options qui n'ont rien à envier l'une à l'autre. J'ai déjà détouré mon regard en prévision de la déception qui pourrait apparaître sur le visage de Joanne et que je ne pourrais vraiment pas supporter. « Et je ne peux pas me décider tout seul. » Alors, comme un lâche, je lui demandais de choisir pour moi.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Il prétendait que ça ne lui faisait pas mal, que ce n'était pas nécessaire de s'en occuper. Joanne regardait la plaie, à peine cicatrisée. Ca devait être douloureux, rien que le contact de la main de Joanne sur la sienne l'avait fait grimacé. Ses doigts faisaient ensuite des allées et venues sur le dos de sa main, doucement. "On passera par l'appartement, et j'en prendrai soin." répéta-t-elle doucement. Elle porta la main de Jamie à son visage afin d'embrasser le dos de ses doigts, et la colla ensuite contre sa joue en faisant attention de ne pas toucher sa blessure. "C'est de ma faute après tout." dit-elle à voix basse. Il pouvait prétendre ce qu'il voulait, Joanne était déterminée à panser sa blessure. Elle ne pouvait tout simplement pas lui en vouloir car elle savait que ses accès de colère faisait partie de lui et qu'elle ne pouvait rien en changer. Elle l'acceptait. Ils en revenaient ensuite au sujet de gala, Jamie disait qu'il n'y avait rien. Elle se demanda comment l'idée que ça pourrait lui intéresse lui était venue en tête. Joanne ne savait même pas pourquoi on avait organisé ce gala. Si c'était pour de la charité ou pour simplement festoyer quelque chose de particulier. Restant toujours silencieuse, Jamie lâcha enfin prise et révéla ce qui lui tracassait depuis son réveil. La jeune femme avait donc bien entendu une autre voix masculine parler au rez-de-chaussée, elle n'avait pas rêvé. Si elle s'attendait à cela. Si son père lui avait demandé de se présenter à cette soirée, ce n'était certainement pas pour se présenter à la toute petite bourgeoisie anglaise. Il devait y avoir du beau monde, et pas des moindre. Joanne restait muette un moment, plus inquiète qu'autre chose. Sa main était toujours restée en contact avec celle de Jamie. La première question qui lui venait en tête était "Pourquoi avec moi ?" Sa voix était hésitante. "Je veux dire... Je ne fais pas partie de ce monde, et je ne comprends pas en quoi ça lui importe que je vienne. Je n'ai rien d’exceptionnel." En lui disant ça, elle se demandait comment avait-il pu savoir qu'elle était là, avec Jamie. Certes, il faisait partie des hautes sphères politiques. Il devait avoir des rats qui traînaient de partout dans la ville, prêts à lui donner la moindre information qu'il pourrait utiliser par la suite. Vicieux. Jamie disait qu'il ne parvenait pas à se décider tout seul. Il y avait deux possibilités de réponses. En premier lieu, elle aurait directement répondu non, elle ne voulait pas y aller, préférant largement passer la soirée rien qu'avec lui. Mais cette décision ne semblait pas si évidente pour lui. Il y avait des éléments qui manquaient dans ce que Jamie disait. Après de longues minutes de réflexion, ses yeux bleus le regardèrent. Les siens avaient déjà fui, comme s'ils craignaient de voir la réaction de la belle. Sa voix était redevenue douce. "Que se passe-t-il, si je décide de ne pas y aller ?" Elle aurait tellement voulu le prendre dans ses bras, mais elle ne se voyait pas le faire dans ce pub, qui s'était bien rempli depuis leur arrivée. Elle se contentait alors de caresses qu'elle lui faisait sur sa main. "Je ne pense pas que tu veuilles t'exposer, encore moins ici, à Londres. Tu m'as dit que tu voulais faire profil bas, pour qu'on soit tranquille. Je ne vois même pas pourquoi tu n'arrives pas à prendre une décision, c'était comme si nous nous jetions dans la gueule du loup..." Les déducrions venaient vite, Joanne commençait à bien le connaître. "Qu'est-ce que tu ne me dis pas, Jamie ? Qu'est-ce que ton père a pu te dire pour que prendre une décision soit difficile ?" Non, elle ne lui en voulait pas. Ca aurait été certainement trop beau pour que cette semaine se déroule parfaitement bien. Il l'avait prévenu de ce qu'il pouvait se passer en étant sur le sol anglais. Ce qui devait arriver arriva. Elle voulait entendre les données qu'il ne lui avait pas donné, afin de pouvoir choisir la moins pire des deux options. Toucher du bout du doigt cette facette vicieuse de la célébrité n'était pas quelque chose qui l'enchantait. Joanne ne connaissait pas encore son père, mais elle pouvait déjà confirmer qu'elle ne le portait pas vraiment dans son coeur. Il lui avait suffi dans quelle mauvaise passe il venait de mettre son propre fils pour comprendre que ce n'était pas quelqu'un de fréquentable. Joanne pensait alors qu'il fallait rassurer l'homme qu'elle aimait. Elle tentait du mieux qu'elle pouvait de saisir ses yeux. "Quoi que l'on fasse, quoi que l'on décide, je serai toujours pour et avec toi, Jamie. Je te le jure." Elle était plus inquiète pour lui qu'autre chose.
J'ouvre la bouche pour dire à nouveau à Joanne qu'il n'est absolument pas nécessaire de s'en faire pour cette blessure, et que c'est encore moins de sa faute mais je me ravise. Je me suis ça tout seul, comme un grand, et je devrais m'en occuper comme un grand. Mais je vois bien que le débat est inutile, et insister pour qu'elle laisse cette main blessée tranquille ne pourrait que finir par la vexer. Elle veut bien faire, alors autant laisser faire. Un autre sujet est plus important à aborder. Ce soir. Je me suis permis de lui en dévoiler un peu plus, mais j'ai bien conscience que je continue à tourner autour du pot. Je ne lui donne pas les réels enjeux de ces quelques heures là-bas de peur de l'inquiéter. Peut-être que me faire aussi cachottier l'inquiétera encore plus que si je disais la vérité de but en blanc, mais je préfère prendre ce risque. Il y a de la fierté là-dedans, quelque part, je le sais bien. Je ne veux rien céder à mon père, et sûrement pas le plaisir de me voir décevoir Joanne. Je ne veux pas que ses menaces à demi mots entrent en compte dans mon choix d'aller ou non à cette soirée. Je ne veux plus que le moindre de ses faits et gestes réussissent à me faire peur. La jeune femme me demande pourquoi sa présence a été réclamée. Je prends sa main dans les miennes et dépose un baiser dessus avant de lui répondre ; « Parce que ça l'amuse, tout simplement. » Il faut dire ce qui est, je ne vois pas d'autre raison. Ou peut-être veut-il aussi en faire en animal de cirque, inventer je ne sais quoi à son sujet qui puisse lui servir. Pourquoi pas tenter sa chance avec elle, sous mes yeux, lui qui a toujours eu ce penchant familial pour les blondes. Toutes les options me répugnent. Je ne prends pas mal les paroles de Joanne, elle a raison au fond : je devrais être capable de prendre une décision aussi simple qu'un oui ou non. Je ne devrais pas m'en remettre à elle. Bien sûr, elle sait que je ne suis pas à Londres pour me montrer, bien au contraire. Elle sait que me montrer une seule fois peut être un risque. J'avais dit que je ferais profil bas. Mais aurais-je pu deviner que toutes mes précautions n'auraient pas été suffisantes ? « Mon ange, le loup était là ce matin. A partir de là, le choix n'en est plus vraiment un : soit je perds, soit je perds. » C'est une phrase difficile pour mes propres oreilles, de s'avouer vaincu par avance. Mais un cas comme l'autre aboutissent à la même chose. Joanne se rend bien compte qu'elle n'a pas toutes les cartes et m'en demande plus, mais le détail restant est le morceau que je ne lâcherais jamais. Qu'importe son insistance. « Il n'a rien dit que tu aies besoin de savoir. » dis-je en me faisant aussi peu froid que possible, juste assez pour lui faire comprendre que les informations en sa possession sont les seules qu'elle aura. Le reste des batailles entre mon père et moi ne la regardent pas, et elle ferait bien de s'en préserver avec autant de mal que je m'en donne. Je serre un peu plus sa main entre mes doigts et pose à nouveau mes lèvres dessus. Sa volonté d'être rassurante n'atteint pas son objectif, mais je comprends qu'elle tienne à me soutenir. Elle doit simplement comprendre que l'enjeu principal de tout ceci n'est pas moi ou mon père, mais elle seule, et la promesse que je lui ait faite. Après un instant de silence, je pense avoir trouvé un compromis ; « J'irais tout seul. Faire acte de présence, une heure ou deux. Au moins il n'aura pas la satisfaction de t'avoir forcée à venir, et j'aurais gagné la paix. » Si je me montre, ce qui est le plus important au final, mon père ne pourra pas se plaindre de ne pas avoir eu ce qu'il voulait et que ma part de ce marché imposé n'a pas été respectée. Ainsi, Joanne n'aura rien de plus à subir que quelques heures de solitude. « Tu pourras avoir tout l'appartement pour toi seule, te reposer. » Je n'ajoute pas qu'elle pourra se balader car ce n'est pas une option que j'accepterais. Je serais trop loin pour pouvoir lui venir en aide s'il lui arrive quoi que ce soit. Et de toute manière, une jeune femme comme elle ne devrait jamais se promener seule dans une ville aussi grande et inconnue pour elle. Je ne pourrais pas avoir mon corps à ce gala et mon esprit trop occupé à m'inquiéter pour elle, je finirais fou.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
S'il y avait bien une chose qu'ils avaient en commun, c'était bien d'être têtus quand ils le voulaient. Joanne n'était pas toujours comme ça, loin de là. Mais elle aura toujours certaines idées qui ne sortiront jamais de sa tête, jusqu'à ce que ce soit réalisé. Comme le pansement, par exemple. Elle était contente de ne pas devoir s'argumenter davantage, Jamie finit par se résilier, mais elle voyait qu'il n'en était pas vraiment satisfait. Ce n'était que pour son bien, elle aurait encore plus culpabilisé si un matin il se réveillait fiévreux et prêt à être hospitalisé. Le reste de la conversation restait centré sur cette fameuse soirée. La jeune femme sentait qu'il était très loin de tout lui dire. Elle ne savait pas si elle devait en être vexé, ou reconnaissante. Il lui cachait certainement les choses les plus difficiles à entendre, se doutant que ce n'était certainement que pour son bien. Elle se demandait alors si leur relation allait se résumer à ne jamais tout se révéler l'un sur l'autre. Non pas qu'elle lui reprochait ses gestes, il cherchait certainement à la protéger de choses dont elle ignorait l'existence même, l'épargner de toute médiatisation. En quoi son père serait-il amusé de sa présence ? Parce qu'il ne faisait pas partie de la même classe sociale que lui ? Il avait peut-être ses armes de riches, cela ne voulait pas non plus dire que tous les autres n'avaient rien pour se défendre. Plus Jamie en parler, ne serait-ce que par des détails, plus elle le trouvait méprisable. "Il s'amuse de manière bien étrange, alors." finit-elle par dire. Même si on lui prenait le temps de lui expliquer, Joanne n'était pas sûre de vouloir et de pouvoir comprendre. Son père parvenait à tirer les moindre ficelles, comme un véritable marionnettiste. Le fait qu'il joue autant sur ses pouvoirs pour influencer les autres, même son propre fils faisait ressentir à Joanne une certaine pitié, au fond. Il y avait du dégoût, mais qu'il n'ait trouvé aucun autre moyen beaucoup plus sain pour parvenir à ses fins faisait de lui la personne la plus pitoyable qui soit. Joanne ne le regardait plus depuis un moment déjà, ses yeux étant rivés sur les mains de Jamie qui tenait l'une des siennes. "C'est injuste." dit-elle à voix basse. Beaucoup de choses devaient l'être pour lui, malheureusement. Si seulement il trouvait un moyen de couper les ficelles, de ne plus devenir ce vulgaire pantin. Jamie perdait d'avance, il n'avait pas droit à ses propres choix. Elle aurait adoré trouver une idée afin de courtcircuiter son père, de le faire perdre à son propre jeu. Mais Joanne savait qu'elle n'avait pas les armes nécessaires pour ça. Elle n'était pas non plus la personne la plus forte mentalement parlant, elle perdrait très vite ses moyens, à moins d'avoir une raison de fer.
"Tout seul ?" Son regard inquiet fixait son visage. Elle n'était pas sûre que ce soit la meilleure idée qui soit. Mais le ton qu'employait Jamie lui faisait clairement comprenre que c'était son dernier. "Tu es sûr de toi ?" Il était impossible pour elle de cacher son inquiétude, son tracas, sa déception. Ce n'était pas les quelques heures de solitude qui lui causait du soucis, mais plutôt le fait qu'il allait se rendre dans un nid de vipères contre sa volonté. Il devait y être habitué, mais tout de même. Il n'était pas venu à Londres pour subir ça. Joanne restait silencieuse un long moment, tentant de dédramatiser un peu la situation, mais ça lui était impossible. "Je suppose que je n'ai plus vraiment mon mot à dire là-dessus, de toute façon." dit-elle un sourire un peu triste. Elle cherchait à plaisanter, mais elle venait de se planter de manière royale. Après un soupir et un haussement d'épaules, elle ajouta. "Ce n'est pas grave." Cette fois-ci son rictus était beaucoup plus naturel. Elle était habituée à prétendre d'aller bien, une des rares choses qu'elle ait pu apprendre ces derniers mois. "Je trouverai de quoi m'occuper." Elle pourrait très bien se promener, découvrir le quartier dans lequel se trouvait l'appartement de Jamie. Puis bouquiner un peu, écouter de la musique. Elle avait appris à s'occuper seule. L'ennui était une chose qu'elle connaissait très mal.
Après réflexion, je ne crois pas qu'il y ait de meilleure solution. Je dois aller à cette soirée seul. C'est, je crois, mon unique moyen de gagner sur au moins un tableau : tenir ma promesse à Joanne. En évitant de la mêler à ce monde qui doit lui sembler bien répugnant, je gagne également notre droit de terminer notre séjour en paix. Je me doute bien que mon père ne lèvera pas la garde qu'il a fait commander sur nous deux. Mais au moins, il n'envenimera pas la situation. « Je suis sûr. » je réponds à la jeune femme. Non, pas vraiment. Quelque part, je préférerais ne pas avoir à me retrouver seul parmi les requins. Je sais que sa présence m'aiderait à passer au travers de cette soirée. Mais je ne peux pas être égoïste à ce point et lui demander de venir. Non, j'ai dit que j'irais seul, et c'est ce que je vais faire. Petit à petit, j'ose retrouver son regard. J'affronte sa déception, même si elle me brise le coeur. Le silence est aussi difficile à supporter. Je me dis que je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Je n'ai pas été assez vigilent. « Je suis désolé. Je t'avais dit que ça n'arriverait pas. Je ne peux pas faire mieux que te laisser en dehors de ça. » dis-je en espérant qu'elle comprenne la délicatesse de cette situation. Peut-être pense-t-elle que j'insiste pour qu'elle ne vienne pas parce que je ne souhaite pas être vu en public en sa compagnie. Après tout, les choses sont si fraîches entre nous, n'importe qui d'autre aurait pu trouver inapproprié d'afficher une histoire si récente à son bras. Au cas où, je préfère balayer cette idée de sa tête ; « Ne le prends pas pour toi, j'aurais vraiment aimé que tu viennes avec moi dans d'autres circonstances. » Je le dis sincèrement. Rien ne m'aurait fait plus plaisir. Je soupire. Chaque journée à son lot d’ascenseurs émotionnels, semblerait-il. Je déglutis, me disant qu'il est temps de revenir dans un espace-temps plus normal, retrouver la réalité. La réalité de ce thé qui refroidit, par exemple. J'en prends une gorgée. C'est encore buvable. Essayant de retourner au programme de notre journée -mis à part la soirée à partir de maintenant- je demande ; « British Museum alors ? » Question rhétorique, j'ai très bien entendu sa commande tout à l'heure. Doucement, je retrouve un léger sourire. N'étant pas du genre à être capable d'avoir l'appétit coupé, je prends une cuillère de salade de fruits. « Ce n'est pas un peu trop classique ? J'ai entendu beaucoup de bien de la collections de malformations humaines du musée de l'institut de la médecine. » Rien que de l'évoque m'inspire des images absolument dégoûtantes. On ne peut pas enlever aux anglais leur fascination pour le glauque, le macabre. Mais personnellement, j'ai peine à croire qu'il existe vraiment des personnes capables de payer un ticket pour observer des cadavres difformes. « Sans oublier les reconstituions des grands crimes de Londres dans ce petit musée près de la Tour de Londres. Ca serait d'un romantisme... » Se balader entre les statues en cire de tous les plus grands assassins de la ville, toutes ces légendes, ces crimes irrésolus et d'autres bien trop connus. A force de parler de ce genre d'horreurs, je vais finir par empêcher Joanne de manger. Je cesse donc de parler jusqu'à ce qu'elle ait terminé son petit-déjeuner. Cela fait, nous quittons le pub. Comme la jeune femme le voulait, nous repassons par l'appartement. Là-bas, elle s'occupe de ma main blessée. Je me retrouve un bandage effectué avec soin après avoir grimacé de douleur à cause du désinfectant. Un vrai bébé. J'attrape les lèvres de Joanne pour la remercier. Je ne me sens plus capable de lui en vouloir pour la veille. Pas après sa tolérance concernant l'apparition de mon père dans ce séjour, ni la douceur avec laquelle elle s'est occupée de moi. Je profite que nous soyons ici pour faire appeler la femme de ménage. Je précise bien que, comme l'autre jour, elle devra être particulièrement discrète. Cela fait, nous pouvons nous diriger vers le musée. Nous ne prenons pas la voiture, j'ai envie de me dégourdir les jambes. Et puis, nous ne sommes pas bien loin. Le musée affiche en exposition temporaire une grande collection d'objets datant des plus anciennes civilisations australiennes. Je ne peux pas m'empêcher d'éclater de rire en le faisant remarquer à Joanne. « Brisbane refuse de nous laisser partir. » dis-je. Le musée propose également une exposition de statues grecques regroupées autour du thème des canons de beauté de l'Antiquité. Seul, j'aurais couru dans cette section avec un carnet de croquis pour y passer la journée entière. Mais je laisse à Joanne le choix de ce que nous allons voir entre ces deux thèmes et la collection permanente.
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Elle savait que ça partait d'un bon sentiment, qu'il voulait lui épargner cette partie de sa vie qui la dépassait totalement. Le revers de la médaille était qu'elle se sentait un peu exclue. C'était peut-être une facette déplaisante mais ça restait une facette de Jamie. La laisser en dehors de ça, il le disait lui-même. Elle restait silencieuse à tous les propos concernant le gala. Que pouvait-elle dire de plus ? Une personne de plus fort caractère aurait certainement pousser une gueulante, fait voler quelques assiettes. Les accès de colère étaient une chose extrêmement rare chez Joanne. Elle préférait se taire, mettre le fond de ses pensées planqué quelque part dans sa tête. Rester silencieuse et acquiescer. Elle se demandait pourquoi tout paraissait si compliqué. Ca l'a toujours été, dès la première seconde de leur rencontre au bar. Jamie revint ensuite à des sujets de conversation plus légers. Il avait raison, il ne fallait pas davantage gâcher ce repas. Elle se servit de quelques gourmandises en quantité bien moindre qu'auparavant. Elle avait déjà bien mangé, mais sa nervosité coupait un peu son appétit. "J'aime bien les choses classiques." dit-elle d'un fin sourire. Bien qu'impressionné de l'audace que certains pouvaient avoir, Joanne avait un peu de mal avec les chose trop extravagantes. Elle était peut-être classique, vieux jeu. Mais elle trouvait que c'était beaucoup plus raffiné et recherché. "Puis, ça reste quand même très exotique pour moi, je te rappelle." ajouta-t-elle, presque rieuse. Une Australienne à Londres, n'allez pas chercher plus loin. Joanne n'était pas du genre à être écoeurer lorsque l'on parlait de choses peu plaisantes à table. Et puis, elle ne demandait pas plus que le British Museum.
Ils finirent de manger tranquillement, puis se rendirent à l'appartement pour panser la plaie de Jamie. Elle avait bien meilleure conscience après avoir désinfecté et mis un bandage dans la plus grande délicatesse. Elle pouvait comprendre que ça lui faisait souffrir. Il l'embrassa, avant de s'éclipser pour appeler quelqu'un. Elle en profita pour ranger tout ce dont elle venait d'utiliser. Enfin, ils marchèrent pour se rendre au musée, comme convenu. Joanne eut une mine véritablement déconfite en voyant le thème de l'une des expositions temporaires. A croire qu'ils le faisaient exprès. Jamie riait aux éclats à côté d'elle, ça la faisait sourire. "J'ai déjà vu cette exposition là." dit-elle en haussant les sourcils. Sans déconner. "On l'avait l'année dernière, j'ignorais qu'elle allait venir jusqu'ici." La jeune femme aimait plus que tout son pays natal, mais si elle partait en vacances à l'étranger, ce n'était pas pour le retrouver là-bas. L'après-midi était déjà bien avancé, elle se doutait qu'ils n'auraient pas le temps de faire l'intégralité des expositions. Mais commencer par la permanente lui semblait être la meilleure idée, ils aviseraient plus tard selon le temps qu'ils leur resteraient. Joanne partagea son idée à Jamie. Elle passait énormément de temps dans les musées, plus qu'un citoyen lambda. Curieuse de tout, elle ne se lassait de rien. Rien que l'architecture du bâtiment la fascinait. Le temps s'était mis au grand galop cet après-midi là. Si bien qu'ils avaient à peine fait la moitié de l'exposition permanente quand il fallait déjà partir, que Jamie ait le temps de se préparer pour cette fameuse soirée. Il fallait dire qu'ils avaient particulièrement marché lentement dans le musée, plus à profiter de l'un l'autre qu'autre chose. A se taquiner pour trois fois rien ou à s'émerveiller devant des objets qui étaient basiques pour d'autres. A peine sortie du musée, Joanne se promit d'y retourner, d'y passer des journées entières pour être sûre d'avoir tout vu.
La marche du retour était particulièrement silencieuse. Chacun était certainement bien enfoui dans leurs propres pensées. Joanne repensait à leur discussion concernant le gala, le fait qu'elle n'aimait pas trop ses idées, et réfléchissait à ce qu'elle pourrait bien faire pour le reste de la soirée. Rien qu'à compter le temps pour la route, cela faisait quatre heures aller-retour. Une fois arrivés à l'appartement, la main de Joanne se détacha de celle de Jamie, à contrecoeur, afin qu'il puisse filer dans sa chambre et se mettre sur son 31. La jeune femme, quant à elle, ôta nonchalamment ses escarpins dans un coin de la pièce, mais pas trop loin, se disant qu'elle allait certainement les enfiler à nouveau pour sortir un peu. Elle s'installa confortablement dans l'un des fauteuils, restant pensive. Elle se demandait comment se déroulait ce genre de galas, quels étaient les repas, comment ils s'habillaient, de quoi ils parlaient. Des questions bêtes, peut-être. Quelques instants plus tard, Jamie descendit des escaliers, prêt. Même le bruit de ses chaussures sur les marches ne la sortait pas de ses songes.
L'après-midi au musée file à grande vitesse. Je crois que toutes les journées qui débutent tard semblent se terminer trop tôt. Nous quittons la collection permanente avec l'idée d'y retourner à un moment de la semaine afin de continuer notre visite. Et, pourquoi pas, si nous avons le temps, passer rapidement par cette fameuse exposition australienne afin que je puisse profiter d'une visite guidée personnalisée avec Joanne à mon bras. Je dois avouer que je suis soulagé que cette visite n'ai pas été entachée par la perspective du programme de ce soir. A vrai dire, j'ai apprécié ce moment au musée. Comme tous les moments avec la jeune femme me direz-vous, mais surtout parce qu'être accompagné par une personne aussi férue d'oeuvres d'art que moi donne tout son charme à ce genre de promenades. Je sais que je peux échanger avec elle sur un tas de sujets et qu'elle ne se moquera pas de mes instants d'extases devant des pièces auxquelles je suis sensible. Même si nous nous sommes régulièrement taquinés. Malheureusement, vient l'heure de rentrer. La route étant longue ente le domaine et Londres, il faut prévoir large. J'hésite à peine sur la tenue à adopter. L'habitude et les automatismes reviennent avec une désespérante facilité. J'attrape une chemise blanche, un costume gris avec un gilet rouge pour la touche de couleur que mon père trouvera déjà trop originale. Une cravate noire fera l'affaire pour terminer le tout. Cette fois, je suis un peu plus long que ce matin. Je dois m'occuper de cette tignasse sur le haut de mon crâne et de cette barbe qui commence à devenir trop brouillon. Il me semble soupirer régulièrement, toutes les dix ou vingt secondes. Je n'y suis pas encore que chaque minute est interminable. Enfin prêt, je passe un long moment à me regarder dans le miroir de la salle de bains, appuyé sur le lavabo, cherchant à me souvenir de toutes les qualités dont je dois faire preuve pour faire l'impression escomptée. Oliver était bon pour ça, pas ce petit sauvage. Allons, courage. Je me décide à descendre les escaliers pour dire au revoir à Joanne. Assise dans un fauteuil, elle semble complètement perdue dans ses pensées -et j'avoue que la seule chose que j'espère est de ne pas être au coeur de celles-ci. « Joanne ? » j'appelle afin de la faire revenir parmi les vivants. Elle sursaute un tantinet. Je lui souris tendrement en terminant de descendre les quelques marches restantes. En quelques pas, je me retrouve face à elle. « Il semblerait qu'on t'ai perdu dans les abîmes. » dis-je avant de déposer un baiser sur son front. « Tout va bien ? » Sûrement pas, quand on sait combien d'heures elle va devoir rester seule. Mais j'ose espérer qu'il y a largement de quoi s'occuper dans l'appartement. Après tout, j'y ai passé des journées entières. La jeune femme peut très bien prendre un bain, lire un des nombreux livres des étagères, faire le tour de la télévision britannique. Le temps devrait passer vite. « La chambre en haut a été nettoyée... » je lui fais remarquer. Après une hésitation due à la nervosité, je poursuis ; « … tu peux t'y installer si tu veux. » Utiliser la salle de bains, y monter ses affaires, et bien entendu dormir dans le lit lorsqu'elle aura sommeil. Je la rejoindrais à mon retour. « Je préférerais que tu ne sortes pas de l'appartement ce soir. » dois-je finalement avouer, non sans une certaine crainte de sa réaction. Je prends maladroitement une de ses mains alors que je m'accroupis devant elle. « Je sais que ça peut sembler injuste, mais je ne pourrais pas supporter ce gala et l'inquiétude de te savoir seule dans Londres la nuit. » Avec un peu de raison, elle devrait savoir que j'ai raison. Aucune ville n'est sûre la nuit. « J'espère que tu comprends... » J'espère surtout que les heures seules ne lui serviront pas à laisser la rancoeur la grignoter peu à peu jusqu'à ce qu'elle m'en veuille et me déteste. « … et je vais faire en sorte de revenir très vite. »
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Joanne sursauta au moment où il l'interpella. Elle était complètement perdue dans ses pensées, ne prêtant aucune attention à ce qu'il se passait autour d'elle. Bien sûr qu'il était au centre de ses pensées, avec des dizaines et des dizaines d'idées, de questions, de doutes. Ses yeux bleus se dirigèrent vers lui, alors qu'il venait tout juste de descendre la dernière marche de l'escalier. Il était magnifique, Joanne l'admira de la tête au pied. "C'était le cas pendant un moment, oui" dit-elle doucement. Il lui arrivait de rêvasser, de plonger complètement dans ses songes, à réfléchir et à ressasser beaucoup de dits et de non-dits. Ce qui en soit, n'était vraiment pas une bonne chose dans la mesure où elle se faisait rapidement des idées. Alors elle paniquait, doutait d'elle même, se perdait toute seule en se mêlant à ses interprétations qu'elle basait sur des faits avérés. C'était surtout dangereux pour elle-même. Jamie l'embrassa sur son front, avant de demander comment elle allait. "Je vais bien, oui." dit-elle, tout sourire. Elle ne faisait que prétendre, mais être franche avec lui sur cette question pourtant si banale n'aurait qu'envenimer les choses. Ce n'était certainement pas le bon moment pour ça. Il lui dit ensuite que sa chambre avait été nettoyé, et lui proposa d'en prendre possession. Son coeur fit un tel bond dans sa poitrine que c'en était douloureux. Et vu la manière dont il l'avait dit, Jamie était on ne peut plus sérieux là-dessus. Au premier abord, l'idée l'effrayait un peu, mais elle ne pouvait pas nier avoir adoré dormir dans ses bras la nuit passée. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il la laisse complètement s'immiscer dans sa sphère la plus intime, même si ce n'était que pour quelques nuits. Elle esquissa un léger sourire, quoiqu'un peu gêné. Elle ne se voyait pas refuser ça. Par contre, la suite de son discours était beaucoup moins agréable à entendre. Il ne voulait pas qu'elle sorte de l'appartement de la soirée. D'un coup, le mot prisonnière qu'il avait déjà utilisé prenait soudainement tout son sens. Parce que Brisbane la nuit, c'était peut-être plus sûr que Londres ? Elle en doutait. Ce n'était pas pour rien qu'elle avait toujours une bombe au poivre dans son sac. Mia le lui avait suffisamment rabâché, en disant qu'elle avait autant de force qu'une crevette. Venant d'elle, ça ne gênait pas Joanne. Mais cette constante surprotection l'agaçait par moment, et là, c'était le cas. Elle baissa les yeux, Jamie attendant d'elle qu'elle le comprenne. Bien sûr que oui. Elle ne s'attendait juste pas à passer une soirée seule enfermée dans un appartement pendant sa semaine de vacances à Londres, cherchez l'erreur. Là oui, elle lui en voulait un peu, mais elle se débrouillait comme elle pouvait pour ne pas qu'il s'en rende compte. Pendant un moment, elle se demandait s'il le faisait exprès, d'en rajouter à chaque fois une couche au fur et à mesure des heures. Jamie n'y pouvait strictement rien en grande partie, elle le savait. "Très bien." dit-elle simplement, d'un ton presque sec. Il n'y avait pas grand chose à dire de plus.
Quelques minutes de silence s'imposèrent, Joanne se plongeant une nouvelle fois dans ses réflexions. Elle le regarda enfin, passant sa main sur le col de son costume, puis sur sa joue. "Tu es magnifique, comme ça." chuchota-t-elle en souriant. Il ne fallait pas partir fâchés, Joanne s'en aurait voulu sinon. Elle l'embrassa doucement, toujours avec sa main sur sa joue. Son front collé contre son visage, elle soupira, avant de dire à contrecoeur "Tu devrais filer." Elle était dans l'idée que s'il partait plus tôt, il reviendrait certainement plus tôt aussi. Une moindre consolation, mais qui marchait pour elle. Ses yeux le regardait tendrement, mais Joanne n'oubliait en rien tout ce qu'elle ressentait derrière. Elle l'aimait démesurément. "Fais attention à toi, surtout." Et ses lèvres se posèrent sur les siennes, afin de l'embrasser beaucoup plus longuement qu'auparavant. Les séparations allaient être difficiles.
Ma volonté de garder Joanne dans l'appartement ce soir est loin de la ravir. Je peux bien le comprendre, ce genre de soirée n'était pas dans nos plans. Mais c'est un moindre mal en échange de notre tranquillité. Je suis touché par son effort afin que nous ne nous quittions pas fâchés. Je suppose qu'elle prend beaucoup sur elle ce soir. « Merci... » je murmure à son compliment. Je prolonge le baiser qu'elle me donne, comme pour repousser l'échéance. Je n'ai aucune envie de partir, je ne suis pas à l'aise dans ces habits, et tout ceci m'agace au plus haut point. Mon visage contre le sien, je pourrais presque envoyer valser cette fichue soirée. Mais ce n'est pas raisonnable. Alors, comme elle le dit, je dois y aller. Je soupire malgré moi. Je ne peux pas feindre d'être heureux d'y aller. Je récupère ses lèvres, demandant presque qu'elle me fasse une scène pour que je reste. Pendant un long moment, je ne veux pas la lâcher. Une main sur sa joue, je garde son visage au plus près. Allez, après ça, il nous restera bien des heures et des jours à passer tous les deux. Je dépose un baiser sur son front et glisse un ; « Bonne soirée, à tout à l'heure. » Puis je tourne les talons et quitte l'appartement. Un instant, une fois dans le couloir, j'hésite devant la porte. J'ai les clés dans la main, et l'envie de verrouiller la porte derrière moi afin de m'assurer qu'elle ne sorte pas. Je glisse même la clé dans la serrure, et m'arrête en me disant que je n'ai décemment pas le droit de l'enfermer ainsi. Elle sait ce que je pense, et elle est sûrement une jeune femme réfléchie qui aura assez d'esprit pour ne pas se mettre en danger. Essayons de faire confiance. Alors je laisse la porte déverrouillée et prends la direction de l’ascenseur. __________________________________ J'arrive dans la bâtisse familiale, cette pseudo maison de campagne qui n'est pas si loin que ça de la capitale. Elle a pourtant des airs pittoresques avec sa façade grisée, son immense jardin donnant sur la forêt, et le large chemin de cailloux blancs qui mène à sa grande porte. C'est une grande maison sur trois étages qui appartient aux Keynes depuis nous ne savons même plus quand. Un ensemble de cadres dans le hall montre toutes les photos de famille qui ont été prises devant la demeure. La plus ancienne remonte à l'apparition même de la photographie. Nerveux, il me faut quelques secondes avant de persuader mes jambes de bien vouloir remonter ce couloir pour aller à la rencontre de mes parents qui accueillent tous les invités. J'ai surtout une folle envie de faire marche arrière. Je serre la main d'Edward et fait la bise à ma mère, Marie, qui affiche un radieux sourire. « Bonsoir. Je suis content de te voir. » dis-je sans vraiment avoir à mentir. Le vrai problème de cette famille se tient à sa droite. Elle, elle a simplement toujours été trop… disons, prête à tout pour avoir une vie confortable. Cela lui confère une incroyable tolérance. Il ne faut pas en manquer dans ce milieu. Elle a toujours pris des décisions difficiles à comprendre tant elle faisait tout passer avant elle-même, tout en servant ses propres intérêts. C'est une femme intelligente, à n'en pas douter, restée si longtemps dans l'ombre de son mari qu'elle est devenue cette ombre. « Je ne reste pas longtemps, une heure ou deux. » lui dis-je à l'oreille afin qu'aucun invité n'entende. Elle fait la moue. « Ne fais pas cette tête… Je passerai dire au revoir avant de repartir pour Brisbane, d'accord ? » Si son emploi du temps n'a pas changé, ma mère est souvent seule à la maison. Elle appréciera de la visite. Elle nous demande de l'excuser et s'en va s'occuper d'autres invités. Seul à seul avec le paternel. « Elle t'avait fait préparer une chambre pour que tu restes ici. » Vu l'expression sur son visage, je m'en étais douté. Cela m'embête de la décevoir, mais je ne le montre pas. J'hausse les épaules, nonchalant. « C'est dommage. »
Je passe la première heure à faire le tour des invités un à un, retrouvant rapidement mes marques. C'est comme le vélo, vous dira-t-on. On serre des mains, on fait des bises, on se fait prendre en photo et on rit à à peu près n'importe quoi, du moment que cela sort de la bouche d'un type important. Je ne discute pas beaucoup. En réalité, je vais de groupe en groupe, et lorsque vient le moment où c'est mon tour de parler, je trouve un prétexte pour m'esquiver. Je ne souhaite pas livrer de détails sur ma vie, mon départ pour Brisbane, ce court retour à Londres dont s'est félicité mon père, comme prévu. D'ailleurs, il ne m'a pas fait de remarque concernant l'absence de Joanne. Qu'il ait réussi à la forcer à venir ou que je sois obligé de passer toute la soirée sans elle, je crois que, qu'importe la situation, il s'en satisfait.
Lorsque tout ce monde et ce bruit commencent à me monter à la tête, je ressens le besoin de m'isoler un instant. Je passe une dizaine de minutes sur le balcon en compagnie d'un jeune homme qui m'a l'air d'avoir dépassé la vingtaine il y a peu. Il m'explique qu'il n'est là que pour faire joli au bras d'une des invités et que cette soirée lui rapporte pas mal. Mais qu'il a également croisé un autre de ses clients (oui, un client) dans le petit salon et qu'il a préféré s'enfuir de cette situation délicate en s'exilant à l'extérieur. Et voilà que la seule personne avec qui j’apprécie d'entretenir une conversation parmi toutes les personnes présentes est un jeune escort de luxe. Mon cas est sûrement désespéré.
Je l'abandonne quand sa cliente revient pour me rendre dans le bureau de mon père. Enfin complètement seul, je flâne de bibliothèque en bibliothèque, regardant les différentes petites sculptures, et les titres des livres. Je m'attarde longuement sur l'unique tableau de la pièce, une œuvre présente depuis je ne sais combien de décennies représentant une vanité ; un panier de fruits débutant leur décomposition à côté d'un crâne à peine éclairé par la lueur d'une bougie allant sur sa fin. Joyeux. Mes doigts glissent sur le bureau et attrapent une photographie encadrée qui se trouve là. Je reconnais mon père, jeune, approchant de la vingtaine, mon oncle, et une autre personne que je ne connais pas. Une petite blonde avec de bonnes joues qui me rappelle instantanément quelqu'un. Délicatement, je retire la photo de son cadre pour la regarder de plus près. Au même moment, la porte s'ouvre sur mon père qui dit que ma présence est plus importante dans le salon qu'ici. « Qui est-ce ? » Je demande en me fichant de ses ordres. « Personne. » C'est un prénom fort répandu chez les personnes dont on ne veut pas parler. Je prends un air un peu idiot en lui montrant le dos de l'image. « J'aurais juré qu'elle s'appelait Sara. Tu sais, c'est écrit derrière la photo. Sara Keynes. » Il ne répond pas. « Te fais pas prier. Si tu ne l'as jamais mentionnée, c'est qu'elle n'a pas d'importance. » Il finit par s'arracher l'information de la bouche. Cette jeune femme, c'est sa sœur. Il m'explique qu'elle a quitté l'Angleterre assez jeune pour l'Australie. Qu'elle avait un sale caractère. Ca le fait rire, et je crois comprendre pourquoi. Le hasard a voulu que je suive ses pas là-bas. Et que je rencontre ses enfants -ce qu'il ignore. « Tu lui ressemble plus qu'à tes propres parents. » Dieu merci. Je dois déjà supporter d'avoir la moitié du sang de mon père, heureusement que je n'ai pas son caractère. Ou peut-être que je l'ai, bien plus que je ne le pense. C'est une chose qui se révèle lorsque ce sourire, à la fois narquois et satisfait, étire mes lèvres d'un côté, et qu'en m'approchant de mon père, je lui dis, avec cette voix à la fois douce et menaçante qu'il utilise souvent ; « Tu sais, Edward, j'ai pas mal réfléchi. Et j'en suis arrivé à la conclusion que… tu n'as plus rien pour me tenir en laisse en fait. Tu n'as plus d'autre choix que laisser tomber tes besoins de tyrannie. Parce qu'au moindre pas de travers, je connais des jumeaux qui seront ravis de mettre un joli bordel dans ta vie. » Je suis désormais face à lui. Doucement, je plie en quatre la photographie ente mes doigts et la glisse dans la poche intérieure de ma veste. Ce sourire, devenu quasiment cruel, n'a aucune envie de quitter mon visage. « Et maintenant… Tu m'offres ça sur un plateau. » A mon retour à Brisbane, je devrais absolument voir Siobhan. Elle doit savoir ça. Cette vérité bien méritée. Je soupire et pose une main sur l'épaule de mon père, l'air désolé. Désolé qu'il perde son pouvoir et son emprise ? Sûrement pas. Je me moque de lui plus qu'autre chose. Mon regard reste planté dans le sien une bonne minute pendant laquelle il ne dit pas un mot. Je n'ai pas besoin de plus pour ressentir toute la tension dans son corps et son esprit qui fulmine. Je tapote sa nuque. « Il y a du relâchement, Ed'. » Je ne sais pas si c'est l'âge ou l'excès de confiance en lui qui lui causent du tort, mais doucement, son règne touche à sa fin, et je ne peux pas cacher ma joie. Je quitte le bureau sur ce et retourne dans la grande salle. Soyons fou ; je fête cette victoire en prenant une coupe de champagne sur le plateau d'un des serveurs. Une seule chose pour une ombre sur la perfection de ce moment : Joanne n'est pas là.
Ma mère, qui semble me chercher partout depuis un moment, finit par me tomber dessus. Elle regarde ma coupe avec un sourcil arqué, puisqu'elle sait que je ne bois pas, mais elle ne fait pas de commentaire et fait comme si de rien n'était la seconde suivante. Son bras glisse sous le mien, ce qui veut dire, chez elle, qu'elle souhaite me demander une faveur. « Tu nous feras le plaisir de faire un peu de piano ? » J'aurais dû la voir venir, celle-là. Je manque de m'étouffer avec une gorgée de champagne -et les bulles qui remontent dans le nez n'ont rien d'agréable. « Maman... » je soupire pour lui faire comprendre que je me passerais bien de ce genre de moment de spectacle. Et puis, l'heure tourne, je suis déjà ici depuis une heure et demie. Si je me lance dans un récital, je ne suis pas prêt de rentrer. Elle le sait bien, je pense même que c'est son plan. « Pour les Noëls que t'as raté, tu me dois bien ça ! Allez, jeune homme. » Ses mains me poussent dans le dos en direction du piano, ne me laissant plus aucun choix. Elle déloge l'artiste qui s'y trouvait depuis le début de la soirée et m'oblige à m'asseoir sur le banc. Ce n'est pas une si mauvaise idée, me dis-je finalement. Au moins, je n'aurais plus à parler à qui que ce soit, trop sourire, prendre la pose. Fort bien. Je pose ma coupe au dessus du clavier et réfléchis un instant. Les premières notes sont de la pure improvisation histoire de m'inspirer. Finalement, je suis parti pour une demie-heure de piano dans la même veine, sur des airs connus de jazz dont il m'arrive de dévier totalement. Je termine néanmoins par un court morceau de Chopin, car je sais que ma mère adore cela. Ravie, elle applaudit. En fait, tous frappent dans leurs mains. Mais seul de bruit de celles de ma mère ne parvient vraiment jusqu'à mes oreilles et me font sourire. Je me lève pour la rejoindre et la prend un instant dans mes bras. Je ne pensais pas la voir si émue de me revoir. Mais je ne sais pas si elle pense encore avoir le fantôme de son aîné sous les yeux, ou si cette émotion est bien pour moi. « Je dois y aller. » dis-je à son oreille. Elle me sert un peu plus fort. Je n'ai pas envie de m'en défaire brutalement, mais je dois vraiment retourner à Londres. Alors, aussi délicatement que possible, je la force à retirer ses bras de mon dos. Je prends ses mains, désormais ridées, et dépose un baiser sur chacune. Le problème de ma mère, c'est sa pudeur. Une chose dont j'ai hérité. Elle ne montre jamais ses émotions, elle ne dévoile pas ses pensées. C'est sûrement la raison pour laquelle je n'ai jamais décelé d'amour pour moi dans son regard, tout en sachant que ce sentiment était bien là. Nous ne nous sommes jamais dit que nous nous aimons. Le regard déçu, elle acquiesce d'un mouvement de tête. Elle comprend bien que je ne compte pas dire au revoir à tous les invités et me raccompagne directement à la grande porte. Mon père nous voit, mais ne s'approche pas pour autant. Je lui dis au revoir sans un mot, juste d'un signe de tête. J'embrasse ma mère sur les deux joues et renouvelle ma promesse de passer la voir avant de repartir. Dehors, j'envoie un sms à Joanne pour lui dire que je serais de retour d'ici deux heures. Je récupère ma voiture et rentre aussi vite que possible à Londres.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
La minute où Jamie avait franchi la porte d'entre, ou de sortie en l'occurence, le temps lui semblait être une éternité. Joanne aurait juré avoir entendu le bruit d'une clé pénétrer dans la serrure. Les yeux ronds, elle regardait en direction d'où venait le son. Il n'allait tout de même pas faire ça. Elle restait même en apnée quelques instants, histoire de s'assurer qu'il n'éxecute pas ses pensées. Il se résilia, et finit par partir. Joanne se sentait un peu offusqué que l'idée même ait pu lui traverser. Un mot lui revenait encore une fois en tête : prisonnière. Mais de quoi ? Dans un premier temps, elle ne quittait pas son fauteuil, pensive. Beaucoup de chose se mirent à la ronger. Rien que le fait de se trouver à nouveau seule et totalement isolée du monde qui l'entourait. Et pour combien de temps ? Elle se remit à penser à la dernière nuit passées, plus aux mauvaises choses qu'aux bonnes, à la visite du père de Jamie, qui ne faisait qu'imposer sa volonté sur son propre fils, tel un pantin. Le fait qu'elle se sente impuissante et incapable de faire quoi que ce soit dans ce genre de situations, le fait de ne pas savoir quoi faire de sa soirée. Et toujours à cette fichue clé qu'il avait osé insérer dans la serrure de la porte. Pendant longtemps, la jeune femme faisait les cent pas dans l'appartement. Elle n'avait pas vraiment envie de lire, ni de se reposer, ni de se faire un bain. Alors qu'elle adorait ça. Toutes ses pensées n'étaient que centrées vers Jamie. Elle espérait que tout allait bien pour lui, les retrouvailles avec ses parents, faire le singe devant une pluie d'invités qu'elle n'arriverait jamais à cerner. Elle se demandait si des femmes allaient venir vers lui dans l'espoir de lui passer un jour la bague au doigt. Elle pouvait les comprendre, elle se demandait bien souvent ce qu'il pouvait trouver chez elle pour lui en offrir tellement. Joanne s'était arrêtée près des baies vitrées, à regarder Londres s'étendre devant elle. Les bras croisées, elle restait songeuse. A se torturer l'esprit par ces milliers de questions qui n'auront jamais leurs réponses. Des émotions telles que la déception, la rancune et même un brin de jalousie envahissaient sa tête de manière parfaitement incontrôlé. Elle se dit alors que s'il comptait l'enfermer, c'était pour s'assurer qu'elle ne se montre pas. Peut-être avait-il honte d'être avec elle, c'était peut-être pour ça qu'il ne voulait pas qu'elle vienne avec. Joanne se sentait clairement abandonnée, même si au fond, elle savait que Jamie faisait tout cela pour lui épargner bien des choses.
Puis, pour une raison qu'elle ne s'expliquait, elle décida de sortir. Joanne enfila son manteau et ses chaussures à talon, elle était toujours vêtue de sa robe rouge. Son sac en main, elle prit l'ascenseur. Dans cette petite pièce, elle regrettait un peu sa décision. S'il le savait, il serait fou de rage. Elle se voyait déjà faire sa valise pour Brisbane, le voir tomber à nouveau dans une rage noire, à détruire sa chambre comme il l'avait fait la veille. Mais cette clé dans la serrure... Ce n'était peut-être qu'un détail mais ça voulait déjà en dire beaucoup trop pour elle. Vivent les mauvaises interprétations. Elle se mit à se promener dans les rues, sans trop savoir où elle allait. Les mains dans les poches, elle se laissait guider par ses jambes. L'ai frais du soir lui faisait le plus grand bien, ça lui aérait les idées. Ses pas la menèrent jusqu'au bord de la Tamise. Elle était sur un pont qui avait certainement beaucoup d'histoires derrière, et cela en faisait tout son charme. Il n'y avait pas grand monde qui était là. "On raconte qu'il jetait des sorcières dans ce pont, avec une pierre attachée à leur pied, afin qu'elles s'y noient." Joanne n'avait même pas remarqué l'homme qui s'accoudait au muret de pierres, regardant autant qu'elle le paysage. Elle ne savait pas s'il s'adressait à elle. Vêtu d'un long manteau, l'inconnu avait des cheveux châtains courts, il était très élancé. Il se retourna en la direction de la blonde, esquissant un sourire léger. "Un endroit qui fascine les maîtres du paranormal, mais je doute que vous ne fassiez partie de ce type de personnes." Ses yeux bleus le regardiaent d'un air neutre, quoiqu'un peu méfiant. Finalement, son regard se dirigea vers le fleuve, décoré par les reflets des centaines de luminaires qui éclairaient ses berges. L'homme soupira. "Pardonnez-moi, j'ai tendance à avoir un peu trop de facilités à aborder les personnes." Joanne se demandait s'il fallait qu'elle dégaine sa bombe aux poivres ou non. Mais l'homme restait courtois, et n'avait pas un de ses visages qui faisaient peur. Il avait l'air honnête et ne manquait certainement pas de charme. Ses yeux étaient gris clairs, avec une barbe naissante. Il y avait sous son manteau un costume, démontrant qu'il ne faisait pas partie de la même classe sociale que la jeune femme. "Je ne me suis même pas présenté. Je suis Paul. Paul Matthews. Et vous êtes... ?" "Excusez-moi, Monsieur, mais j'attends quelqu'un." dit-elle de manière douce et polie. Il sourit légèrement. "Et où se trouve-t-il ? Ca fait plus d'un demi-heure que vous êtes là, et je n'ai vu personne venir vers vous depuis." Elle regardait dans le vide. Elle ne voulait même pas penser à cela. "Peut-être vous a-t-il tout simplement abandonné, ou a trouvé une autre." Comme s'il cherchait à remuer le couteau dans la plaie, Joanne n'avait qu'une envie et c'était de pleurer. Sa salive avait du mal à passer au travers de sa gorge. "Touchée." chuchota-t-il d'un ton plus que satisfait. Répondre à ce genre de propos n'était même pas nécessaire. Il laissa régner le silence un instant, tout en la fixant. "Ou alors, il préférait ne pas se montrer avec vous. Il en a peut-être honte." Machinalement, la main de la jeune femme se serra autour de son arme de défense qu'elle avait gardé en poche. "Vous savez, s'il y a bien un moyen de faire revenir un homme vers soi, c'est de le rendre jaloux." Il lui laissa un temps de réflexion. "Je... peux peut-être vous aider. Qu'en pensez-vous ?" Joanne le regarda d'un air désinvolte. "Excusez-moi ?" "Je veux dire que..." "Je vois très bien de quoi vous vous voulez parler. Et je pense que cela fait de vous la personne la plus méprisable qui soit." dit-elle froidement. Il l'avait un peu énervé. "Sur ce, bonne soirée." Et elle tourna ses talons. L'homme en question lui saisit fermement le bras, tentant à nouveau sa chance. Le seul réflexe qu'elle eut était de dégainer son spray aux poivres et de lui en mettre sur son visage. Il hurlait de douleur, rapportant ses mains sur son visage tout en se recroquevillant. "Putain... salope !" cria-t-il. Joanne avait reculé de quelques pas, presque terrifiée de ce qu'elle venait de faire. Les larmes avaient coulées malgré elle. "Je pense que vous l'êtes bien plus que moi" dit-elle avant de tourner ses talons et de partir de cet endroit peu fréquentable hâtivement. Elle se perdait dans quelques rues, ne sachant trop où aller. Elle ne pouvait pas rebrousser chemin, de peur que l'autre l'ait suivi. Il lui avait fallu un temps monstre pour retrouver l'appartement. Jamie lui avait même écrit, annonçant qu'il était sur le point de partir du gala.
Arriver en haut de l'immeuble et entrer dans l'habitat de Jamie était pour elle le plus grand des soulagements. Essoufflée par ses émotions et ses craintes, elle ôta ses chaussures. En se déshabillant, elle récupéra la bombe aux poivres qui étaient restée dans sa poche. Ses yeux le fixaient un long moment. C'était la première fois qu'elle l'utilisait. Elle ne savait pas trop si c'était vraiment pour se protéger de lui ou des idées qu'il lui avait dites. Certainement des deux. Jamie allait être fou de rage. Joanne se sentait incapable de lui cacher ça, et il aurait fini par deviner que quelque chose ne tournait pas rond. Il lui avait fallu quelques minutes pour reprendre ses esprits. La première chose à laquelle elle pensait était de monter ses affaires dans la chambre de Jamie. Elle voulait passer la nuit avec lui, dans ses bras, et à tout prix oublier sa mésaventure. Une fois que tout était monté, Joanne s'octroya une douche bien chaude. Une fois séchée, elle mit sur elle une robe de chambre en satin blanc, décoré de fine dentelle au niveau des manches. Elle avait oublié sa trousse de toilettes à la salle du bain d'en bas, et fit donc l'aller-retour afin de la récupérer. Elle peignait ses cheveux en bataille, mit un peu d'ordre dans ses affaires. Au moment même elle allait se rendre dans la chambre, Jamie fit son apparition.