La route jusqu'à Londres, l'attente de l'ascenseur, puis les étages qui défilent semblent s'être ligués contre moi afin que j'atteigne l'appartement le plus tard possible. Ce ne sont que des minutes, mais elle s'étirent et s'étiolent à travers cette chose abstraite qu'on appelle le temps afin de me faire penser que je n'atteindrais jamais ce foutu dernier étage. Entre le hall de l'immeuble et celui de mon appartement, il m'a fallu au moins trois foutues et immensément longues minutes. Mais j'y suis. Sur le moment, la seule chose qui me passe par la tête en voyant Joanne dans le salon est que plus d'un homme sur cette planète mourrais d'envie d'être ici à ma place et revenir de l'enfer accueilli par cette image. La seconde pensée n'est pas catholique. La troisième est qu'elle ne semble pas énervée contre moi, qu'elle n'a pas fait sa valise en fulminant. Une poignée de secondes, je reste parfaitement immobile, là, à l'observer. Une à une, je sens toutes les parties de mon corps se détendre après une rude soirée. Ma respiration est profonde. Pourtant, je me sens particulièrement euphorique à l'idée d'être rentré, de retrouver Joanne et pouvoir reprendre cette semaine avec elle en sachant que j'ai réussi à me débarrasser de mon père. Plus que ça, à l'avoir mis en échec. Enfin je fais quelques pas jusqu'à arriver devant la jeune femme, et en manquant sûrement de délicatesse, je l'attrape dans les bras et manque de la soulever du sol. Je fourre quelques secondes ma tête dans le creux de son cou et souffle à côté de son oreille ; « Je t'aime, tu le sais ? » Je la serre un peu plus fort. La retrouver est un soulagement. C'est idiot, on dirait que je suis parti dix ans au front alors que j'ai passé deux heures à faire des sourires forcés. J'ai même joué du piano. Tu parles d'une torture. Je crois que c'est un tout. Personne ne pourrait comprendre la difficulté de la choses sans le vivre soi-même. Même Joanne doit me prendre pour un dingue. Je la laisse respirer finalement et je ne peux pas m'empêcher de l'admirer encore un peu. Les mots traversent ma bouche alors que je suis incapable d'y réfléchir ; « Tu es tellement belle et… je suis tellement désolé, et... » Bon dieu, respire Jamie, calmes-toi, fais quelque chose. J'attrape ses lèvres. Oui, l'embrasser, c'est faire quelque chose. Et honnêtement, je me sens déjà plus zen. J'avoue prendre un peu de temps avant d'accepter de quitter ses lèvres. Le matin entre mes doigts a quelque chose de doux et d'électrisant à la fois. Mon front posé contre le sien, je passe ses mèches blondes derrière ses oreilles. « Je pensais que tu serais couchée à cette heure. » dis-je en retrouvant le fonctionnement normal de mes neurones. Il est minuit passé, quasiment une heure du matin je dirais. Pourtant, elle est encore debout. Je devine même à la fraîche odeur du savon qu'elle vient de sortir de la douche. Ma curiosité piquée, j'en profite pour demander ; « Tout s'est bien passé ? » J'avoue avoir peur de lui demander textuellement ce qu'elle a fait de sa soirée. Entre la tension et la fatigue, je ne garantis pas ma réaction quant à l'idée qu'elle ait pu quitter l'appartement seule alors que je lui avais clairement dit que ce n'était pas raisonnable. Enfin, ce n'est pas une gosse, elle devrait être libre de faire tout ce qu'elle veut. Mais je crois que je ne me pardonnerais jamais qu'il puisse lui arriver quoi que ce soit le soir où elle s'est retrouvée seule par ma faute. J'arrive enfin à faire en sorte que mes deux mains lâchent Joanne. J'en passe une dans mes cheveux puis sur ma nuque endolorie par les heures passées sur la route. Je suis épuisé, je sens peu à peu la fatigue me tomber dessus. Je défais légèrement ma cravate, assez pour respirer à nouveau, et défait le premier bouton de ma chemise. « J'ai un tas de trucs à te raconter par rapport à cette soirée. Mais… demain. » Cette soirée m'a assez accaparé. Je ne veux pas en parler avant au moins demain -et encore, si je peux esquiver le sujet demain, je le ferais. A cet instant, je ne veux que Joanne, et mon lit. Oh, et une bonne nuit de sommeil, et un lendemain normal -pitié, juste une journée normal pendant cette semaine. « Pour le moment, je tuerais pour pouvoir m'allonger. Avec toi à côté. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Quand Jamie la prit dans ses bras, elle était sur le bout de la pointe des pieds. S'il ne la tenait pas aussi fermement, Joanne tomberait. Elle enroula ses bras autour de son cou pendant qu'il logeait sa tête au niveau du sien. Sentir son souffle chaud lui caresser la peau lui donnait quelques frissons. Le savoir dans ses bras la rassurait, mais son coeur battait à rompre. Elle sourit en entendant ses mots d'amour, fermant les yeux pour profiter de l'instant. Après l'avoir serré plus intensément, Jamie finit par la lâcher son étreinte. Il semblait être démuni, ne sachant que dire, que faire. Ca le rendait adorable, Joanne n'arrivait pas à faire quitter son sourire de ses lèvres. Il la couvrait de compliments, et elle lui caressa ensuite tendrement son visage. Il semblait perdu, totalement. La seule issue qu'il trouva pour exprimer ses pensées était de l'embrasser longuement. La jeune femme se colla à lui, l'enlaçant amoureusement. "Parce que tu crois que je me serai endormie si je ne te savais pas rentré ?" répondit-elle doucement. Ses yeux bleus se plongeaient dans les siens, comme elle aimait tant. Jamie posait la question fatidique se portant sur le déroulement de la soirée. Joanne aurait du s'y attendre, mais son sang ne fit tout de même qu'un tour sur le coup. Elle ne savait pas s'il était raisonnable de tout lui dire maintenant. De toute manière, il finirait fou de rage, qu'importe le moment où elle comptait le lui dire. Elle paniquait un moment, ça se voyait certainement dans son regard. D'un sourire discret, elle finit par répondre, après quelques longues secondes de réflexion. "On va dire que oui." Jamie pouvait comprendre ce qu'il voulait à travers ça, ça voulait tout et rien dire. Elle n'aurait pas su quoi répondre d'autre de toute manière. Jamie montrait quelques signes de fatigue, elle le voyait bien. Entre les heures de route et l'effort d'être allé là-bas, elle le comprenait. Il ouvrait un peu sa chemise, histoire de se sentir plus à l'aise. Comme s'il avait étouffé pendant toute la soirée. Il avait du se passer beaucoup de choses, et il ne voulait pas trop en parler pour le moment, elle le comprenait. Ses mains se déposèrent sur son torse et elle lui déposa un baiser au niveau de son cou.
Jamie disait vouloir se coucher, avec elle. Joanne esquissa un sourire, le regardant tendrement. "Eh bien... j'ai... j'ai eu le temps de monter mes affaires, juste avant ma douche." dit-elle timidement. L'une de ses mains remontèrent jusqu'à son épaule avant de se laisser glisser vers l'une des mains de Jamie, qu'elle saisit par la suite. Elle l'attira délicatement, l'incitant à l'accompagner. En grimpant les escaliers, Joanne repensa à sa pseudo-agression vécu plus tôt dans la soirée. Elle repensait à chaque mot qu'il avait dit, peinée d'y avoir cru et d'y croire encore. Les battements de son coeur s’accélérèrent, sentant un vent de panique l'envahir. Arrivés dans la chambre, Joanne se retourna pour être face à Jamie. Presque affolée, elle saisit avec le plus délicatesse possible malgré ses émotions fortes, le col de son costume de ses deux mains, une de chaque côté. Le regardant droit dans les yeux, elle lui suppliait. "Dis-moi encore qu... que tu m'aimes. Dis-moi que tu veux toujours me prendre dans tes bras, m'embrasser, et que tu ne me laisseras jamais. Que je te suffis." Joanne se douait qu'elle se trahissait elle-même en lui confiant tout ça. Mais elle avait besoin d'être rassurée. Cet inconnu n'a fait que fertiliser des idées qui émergaient à peine dans sa tête, et depuis, ça avait tellement poussé que ça lui envahissaient toutes ses pensées. Ses yeux s'étaient humidifiées, ses mains tremblaient . "Je t'aime." ajoutait-elle à voix basse. Elle se blottit ensuite contre lui, espérant de tout coeur qu'il ne s'énerve pas.
Trop fatigué pour me rendre compte que Joanne est préoccupée, je ne décèle pas ce petit vent de peur qui traverse son regard. Si ça ne va pas, je suppose qu'elle me le dirait, et je me contente de ce principe afin d'éviter de me poser trop de questions à l'heure où mon cerveau -et tout mon corps- réclament un repos bien mérité. La jeune femme me dit qu'elle a monté ses affaires dans ma chambre en mon absence, comme je le lui avais suggéré. Je ne peux pas m'empêcher de lui adresser un large sourire. Tant mieux. J'avais bien peur qu'elle refuse mon invitation par esprit de vengeance, pour l'avoir laissée seule toute la soirée. C'aurait été une réaction normale, je suppose. La belle m'invite à monter à l'étage, je la suis sans un mot. Mais à peine arrivés dans la chambre, elle me fait face avec une expression de panique que je ne peux plus ignorer. « Qu'est-ce que... » Elle attrape mon col et commence à perdre ses moyens. Je la regarde avec la plus grande des incompréhensions. D'où lui vient cette peur tout à coup ? Je ne peux que supposer qu'elle a bien mal interprété ma décision de me rendre au gala de ce soir sans elle. Comme je le craignais, et malgré ma volonté de la rassurer, Joanne a dû penser toute la soirée qu'elle avait été mise de côté parce que je ne voulais pas être vu avec elle. Sur le coup, je ne trouve pas de mots pour la rassurer, je suis encore choqué par sa soudaine panique, ses yeux bordés de larmes. Je la laisse se blottir contre moi et l'encercle avec mes bras immédiatement. Je la serre doucement et caresse ses cheveux, ne sachant pas quoi faire d'autre. « Moi aussi, je t'aime. » dis-je tout bas. Je resserre mon étreinte et prends de longues inspirations, comme pour l'inciter à faire de même. Je reste ainsi quelques minutes, sans bouger, à simplement être calme, passer mes doigts dans ses cheveux doucement, parfois passer mon pouce sur sa joue. Je me penche très légèrement pour atteindre son oreille et souffler, tout bas ; « Maintenant, calmes-toi. Tout va bien. » J'ai normalement l'esprit assez vif pour deviner qu'elle est sortie, allant à l'encontre de mes instructions, et qu'elle a peur que je lui en veuille. Mais non, ce soir, mes capacités de déductions sont réduites à néant. Sûrement parce que je n'ai pas envie de me poser de questions, de douter d'elle, et encore moins de m'énerver. Tout cela peut attendre plus tard, un autre jour, où même ne pas avoir à être révélé. Certains petits secrets sont toujours bons à garder. « Il s'en passe des choses dans cette tête blonde, hm ? » dis-je avant de déposer un baiser sur le sommet de son crâne. Elle n'a pas besoin de répondre, il est évident que son esprit est tourmenté par une raison dont je ne peux pas être sûr et dont elle ne m'a pas parlé spontanément -ce qui en fait un très bon sujet à occulter ce soir, à moins qu'elle ne change d'avis et le partage avec moi. Doucement, je la lâche. Mes mans posées sur ses épaules, j'appuie du bout des doigts sur sa nuque pour détendre un peu cette partie de son corps. « Tu dois être fatiguée. Couches-toi, je te rejoins tout de suite. » Je l'embrasse sur le front et a laisse s'installer dans le lit, sous les draps. Pendant ce temps, dans la salle de bains -dont j'ai laissé la porte ouverte afin de pouvoir garder un œil sur elle au cas où quelque chose n'irait pas- j'enlève ma cravate que je laisse tomber au sol, je termine de déboutonner ma chemise, mon gilet et me débarrasse de tout habit encombrant. Je récupère en pantalon de pyjama en soie noir pour ne pas dormir nu, et me passe un peu d'eau sur le visage histoire de me rafraîchir un minimum. Enfin, je vais enfin rejoindre la jeune femme. Instinctivement, je glisse un bras sous sa nuque pour l'inciter à s'approcher et appuyer sa tête contre mon torse. Je ne souhaite pas de confrontation, de discussion ce soir. Juste du silence, apaisant ; sentir la respiration de Joanne, son corps contre moi. Une main sous son menton, je fais lever son visage un instant pour lui offrir un baiser tendre, espérant qu'elle se sent mieux.
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Le calme de Jamie l'apaisait. Ses réactions restaient toujours surprenante. Une fois, il voulait à tout prix savoir ce qu'elle pensait, une autre fois, il ne cherchera pas à comprendre mais à apaiser la jeune femme. Ca la déboussolait assez, mais elle réalisait qu'elle avait besoin de toute cette tendresse qu'il était en train de lui donner. Il répéta ses mains, en la prenant dans ses bras, en lui caressant les cheveux, avec une respiration lente, détendue. Instinctivement, Joanne se mit à suivre le même rythme, en fermant les yeux. Jamie avait cette incroyable facilité de la sortir de ce genre de situations, alors qu'elle avait toujours peiné lorsqu'elle devait le gérer toute seule. Il lâcha doucement son étreinte pour porter ses mains à la nuque de la blonde et de la masser. Il lui suggéra ensuite de se coucher. Oui, elle était aussi très certainement fatiguée. Alors qu'il tournait ses talons pour aller à la salle de bains, Joanne s'éxecuta sans dire mot. Sous les draps, ses yeux étaient rivés sur la porte de la salle de bain, n'attendant que Jamie. Il ne tarda pas à la rejoindre, uniquement vêtu d'un pantalon. Elle le trouvait tellement beau. Après s'être allongé, il l'incita à se rapprocher de lui. Automatiquement, elle vint déposer sa tête sur son torse ainsi que l'une de ses mains. Avoir à nouveau un contact direct avec la peau de son torse, la chaleur qu'il dégageait, offrait des sensations étranges à Joanne. Ils avaient déjà dormi nus ensemble la nuit passée, il n'y avait presque rien de nouveau. Et pourtant. Une des mains de Jamie vint chercher son menton, pour pouvoir y déposer un dernier baiser avant qu'ils ne s'endorment. Elle ne tarda pas à sombrer.
La nuit se résumait à une suite de cauchemars. Ses conscience lui remémorait ses pires souvenirs, les dramatisant par des faits improbables et des apparitions inexpliquées, et lui faisait vivre des visions qui lui étaient insupportables. Une vague de craintes et d'horreur prenait possession de son sommeil, ne lui laissant aucun répit. Beaucoup de choses tournaient autour de Jamie. Elle se réveilla en sursaut. Son visage toujours collé contre le torse de Jamie, ses yeux regardaient l'extérieur. Un ciel entièrement gris et une pluie battante. Elle en avait entendu le bruit juste avant de se réveiller. Le parfait stéréotype londonien. Au fond, ça portait son charme. Elle restait un long moment immobile, à se laisser bercer par la pluie qui tombait sur les vitres. Joanne releva très délicatement la tête, et constata que Jamie dormait toujours profondément. Un léger sourire s'afficha sur le visage de la jeune femme. Elle aurait bien voulu l'embrasser mais ce n'était pas raisonnable. Sa tête se posa au même endroit qu'auparavant. Elle n'avait aucune idée de la durée où elle était restée ainsi. Tout lui convenait, et elle appréciait simplement être collée à Jamie, regarder la pluie. La main posée sur son torse commençait à tracer des dessins aléatoire avec le bout du doigt. Elle touchait à peine sa peau. Vingt minutes plus tard, le bel homme commençait légèrement à bouger, avec quelques étirements. La jeune femme attendit qu'il ouvre les yeux avant de lui déposer un doux baiser sur le haut de son corps puis sur ses lèvres, souriante. Une minute plus tard, elle dit doucement. "Je sais ce qu'on pourrait faire aujourd'hui." Elle regardait le ciel. "Rester ici. Prendre tout notre temps pour ne lever... à se parler de n'importe quoi, se poser des questions plus ou moins banales, à faire uniquement ce dont on a vraiment envie tous les deux. Ne pas aller dehors, et admirer le temps d'ici." C'était le meilleur plan qu'elle ait jamais eu. Une journée à lézarder, rien qu'eux deux. Elle ne voulait pas de contretemps, d'empêchements, quelles qu'en soient les raisons, quitte à fermer la porte à clé. "Si on est trop flemmard, on pourra commander une pizza, des burgers, du chinois, qu'importe..." Joanne aimait beaucoup passer des journées sans rien. Ce n'était pas courant, mais ça lui prenait de temps à autre, à devenir une véritable ermite. Doucement, elle se mit à califourchon par dessus Jamie, et se pencha pour coller ses lèvres aux siennes, et encadrer son visage de ses mains. Restant très proche de son visage, elle lui chuchota. "Je vais certainement paraître très égoïste mais... je voudrais bien que tu ne sois qu'à moi ne serait-ce le temps d'une journée sous le ciel pluvieux de Londres."
crackle bones
Dernière édition par Joanne Prescott le Ven 15 Mai 2015 - 0:41, édité 1 fois
La nuit est longue et profonde. Plus obscure que jamais. Je n'ai que des sommeils sans rêves, seulement le sentiment de faire plus ou moins partie de l'ombre, m'enfoncer dans des abîmes sans couleur. J'ai toujours le sommeil très lourd, mais fort réparateur aussi, ce qui est une chance j'imagine. J'ai rarement besoin d'alarme pour me réveiller. Aussi, ce matin, le son de la pluie battante sur le toit en verre de l'appartement m'aide à me réveiller doucement. Cette musique si familière quand je vivais ici me manque parfois à Brisbane. Quand il pleut, je me loge sous la véranda de ma maison pour retrouver cette ambiance, ce petit bout de Londres. Mes paupières encore lourdes clignent plusieurs fois avant de s'ouvrir. Mon regard se pose sur les gouttes qui s'éclatent contre les vitres. Comment un son aussi violent pour m'apparaître aussi agréable ? Doucement, je prends conscience de mes membres. De ce poids sur mon torse. Mon visage se baisse et trouve celui de Joanne encore appuyé là. Elle n'a pas bougé de la nuit. Je souris légèrement. « Bonjour... » dis-je d'une voix basse, déraillant quelque peu. J'accueille son baiser avec plaisir, caressant sa joue du bout du pouce. Ce genre de réveil tous les matins pourrait amplement suffire à faire mon bonheur, je pense. Peu à peu, je retrouve le monde des vivants, assemble les parties de mon esprit et rebranche mon cerveau engourdi. J'ai l'impression d'être un robot qui doit être huilé tant mes articulations sont rigides. Mon regard planté dans les yeux bleus de Joanne, je l'écoute proposer son programme. En un mot : ne rien faire. Se contenter d'être ici, tous les deux, et profiter d'un moment isolés elle et moi. Un rire m'échappe quand elle suggère de parler de banalités, ou encore de commander à manger si nous n'avons pas envie d'en faire nous-même. Continuant de caresser son visage, les yeux encore à demi-clos, je réponds ; « Je crois que c'est le meilleur programme que j'ai jamais entendu. » Une idée qui me convient tout à fait. Après toutes les émotions de ces deux premiers jours à Londres, un moment de calme à l'appartement de nous fera pas de mal. Ici, au dernier étage de cet immeuble, maintenant que notre tranquillité a été gagnée, plus personne ne peut nous atteindre. Rien ne nous empêche d'être deux pantouflards toute la journée, et même ne pas quitter ce lit jusqu'au dîner si nous en avons envie. Oui, je pense que c'est un programme approprié. « Et que tu es la femme la plus géniale que je connaisse. » j'ajoute en déposant un baiser sur le bout de son nez. Joanne passe une jambe par dessus mon corps et s'assied à califourchon sur moi. Instinctivement, mes mains se posent sur ses cuisses nues, le bout des doigts sur le satin de sa nuisette. Intérieurement, un programme très simple se construit : rester dans cette position toute la journée, ne faire que l'admirer, et profiter de la musique de la pluie. Infaisable, je sais bien, mais laissez-moi rêver. Et dire qu'elle se pense égoïste. Avec un sourire, je lui réponds ; « Oh non. Si tu pouvais être un peu plus égoïste encore, ça serait parfait. » J'attrape ses lèvres et profite de l'effet de surprise pour la faire basculer sur le côté, passant à mon tour au dessus d'elle, une main toujours sur une de ses cuisses. Je dépose quelques baisers dans son cou, et souffle à son oreille ; « Hm, faire ce dont on a vraiment envie ? Pour de vrai ? » avec un ton laissant transparaître le fond de ma pensée. Pour ceux qui ne devinent pas, vous avez rendez-vous page deux. Je relève la tête pour lui sourire et lui adresser un clin d'oeil complice. « Ou vous préférez que je vous amène le petit-déjeuner au lit, princesse ? » Ce qui est aussi une option, si cette demoiselle le souhaite.
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Satisfaite que Jamie approuve le programme de leur journée, elle sourit. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il refuse, sachant qu'il ne rêvait que de tranquillité durant leur séjour. Une journée a déjà été gâchée par le paternel, hors de question de se laisser abattre ou de se morfondre à craindre d'autres interventions maudites. Le ciel était de leur côté, déversant d'autant qu'il pouvait une pluie qui devenait presque torrentielle. Une fois qu'elle était par dessus de Jamie, ce dernier ne tarda pas à poser ses mains sur ses cuisses. Il avait toujours les mains chaudes, fermes mais délicates, elle aimait les sentir sur elle. Parfois, elle avait l'impression qu'il la prenait pour une poupée de porcelaine, que le moindre geste brusque pourrait la briser. L'attention qu'il portait à ce niveau-là faisait un homme des plus attentionnés. Jamie lui suggéra d'être plus égoïste. Elle fronça les sourcils et se mit à rire. "Plus égoïste ? Mais comment veux-tu..." D'un coup, Jamie s'empara de ses lèvres et changea radicalement la situation en prenant le dessus. Un cri de surprise s'échappa au milieu de son rire. Elle n'avait d'autre choix que de se laisser. Il suffisait de comparer la masse musculaire de l'un et de l'autre pour voir que c'était perdu d'avance. Joanne passait ses bras autour de son cou alors qu'il s'emparait du sien avec ses lèvres. Il la cherchait. A embrasser son cou, et laisser le souffle chaud qu'il émettait retourner ses sens en parcourant son épiderme. S'il commençait comme ça. Jamie lui proposa une deuxième option, plus dirigé vers la gourmandise. Les deux idées étaient très bonnes en soi. Elle lui sourit, pensive. L'une de ses mains parcourait son dos. "Si j'étais égoïste, je crois que je ne te laisserai même pas descendre faire quoi que ce soit." dit-elle amusée. Elle se mordilla la lèvre inférieure. "C'est comme ça que ça marche, non ?" ajouta-t-elle, la voix devenant de plus en plus basse. Joanne voulait lui parler de sa mésaventure, l'idée était toujours bien ancrée dans sa tête, mais ce n'était clairement pas le moment. Hypnotisée par son charme, Joanne le fixait pendant de longue minute. Elle se redressa subitement, forçant Jamie à s'asseoir, la jeune femme se trouvant à nouveau à califourchon sur lui. Ainsi, sa tête dépassait légèrement de la sienne. Ses bras entourait son cou, ses mains se glissaient dans ses cheveux. "Ca ferait de moi une personne terriblement jalouse, alors..." Et c'était un sentiment qu'elle ne connaissait pas, et elle n'avait aucune idée de ce que ça pourra créer chez elle. Soit, ce sera comme sa colère qu'elle canalisera, et le tout explosera le jour où il y aura la goutte d'eau qui fera déborder le vase. Joanne en avait un peu peur, si un jour ça arrive. Voir une autre femme à son bras, l'enlacer, l'embrasser comme il pouvait le faire avec elle. L'idée était assez difficile à supporter, mais elle ne savait pas comment elle se comporterait si ça se produisait sous ses propres yeux. Ces derniers regardaient alors Jamie pendant un long moment. "J'ai l'impression que cette semaine est la seule où on peut ne pas différencier le raisonnable de ce qui ne l'est pas." Ils connaissaient tous les deux ce mot, un peu trop bien même. Elle sourit, un peu gênée par tout ce dont elle venait de dire, mais c'était ce qu'elle pensait. Et ils n'étaient que tous les deux dans la pièce, il n'y avait que lui pour l'écouter. "Et là, maintenant, tout de suite,...." Son coeur s'emballait dans une dense folle, sa respiration commençait à être irrégulière. Vivent les hormones. "... Je n'ai pas très envie d'être raisonnable avec toi, mon amour." Ses doigts touchaient délicatement les lèvres de Jamie, ses yeux regardaient ces dernières avec attention et envie. Il lui faisait un effet qu'elle avait peut-être connu un jour, mais elle ne l'avait jamais ressenti aussi intensément, seulement avec lui. Jamie dégageait quelque chose qui lui faisait perdre tous ses moyens. Sa grande pudeur était toujours bien là, elle n'aimait pas trop se montrer. C'était quelque chose à laquelle il allait être constamment confronté. C'était pour cela qu'elle cherchait constamment à occuper sa conscience, son visage, pour ne pas qu'il la regarde. Le seul véritable obstacle de cette étape de leur relation. Elle commença alors à l'embrasser langoureusement, emprisonnant son visage de ses deux mains.
J'aime assez l'idée que Joanne me garde ici, pour elle. Je souris, le regard planté dans celui de la belle. J'aime la manière qu'elle a de me regarder, de me faire sentir… normal, aimé comme je suis, pour qui je suis. J'ai tellement manqué de ce genre de regard. Celui qui me fait savoir qui je suis en fait, celui qui à tout déclenché pour moi. Je tuerais pour cette paire d'yeux bleus -je crois que j'ai déjà bien failli le faire en fait, je ne peux même pas en douter. « Tu n'as pas besoin d'être jalouse, je suis déjà tout à toi. » dis-je avant d'attraper les lèvres de la jeune femme. Je pense comprendre que la seconde option que j'ai proposé devra attendre un moment. Je ne cache pas ma satisfaction. Ca peut sembler « trop », mais je ne crois pas qu'il y ait un instant où je ne veuille pas d'elle lorsqu'elle se tient près de moi, lorsque sa peau à un contact avec le mien, lorsqu'elle me regarde de cette manière. Je deviens vite avide du reste, d'en sentir plus, de la serrer plus. Je suppose que cela fait partie de cette excitation des premiers moments ensemble, de la découverte l'un de l'autre. Je ne saurais pas expliquer, mais à mes yeux, c'est une manière plus intense que des mots de lui dire que je l'aime. Avec cet air irrésistible, Joanne confirme mes pensées. « Je ne sais même plus ce que ce mot veut dire. » Je propose un abandon pur et simple du concept de « raison » et un effacement du dictionnaire. Un exil loin de notre champ lexical, une interdiction de son utilisation. Au moins pour aujourd'hui, disons. Avidement, je prolonge le baiser qu'elle me donne. Mes doigts prennent un peu plus fermement sa cuisse par automatisme, glissent sur ses fesses, ses hanches, toutes les courbes de sa frêle silhouette jusqu'à attraper son visage. J'aime laisser glisser mes lèvres de sa bouche à sa mâchoire, juste sous son oreille. Embrasser son cou, ses clavicules. Je suis curieux de connaître le goût de chaque centimètre carré de sa peau afin que son corps n'ait plus le moindre secret pour moi. Je suis déjà familier avec la ligne de ses jambes, son épiderme plus doux sur l'intérieur de ses cuisses. Mes mains glissent sous le satin de la nuisette blanche de Joanne afin de faire glisser ses dessous jusqu'à ses mollets. Sauf qu'il n'y a rien à attraper. La surprise fait monter une vague de chaleur en moi, me faisant fondre tout entier. Sans armes, je laisse Joanne, qui elle le peut, m'ôter l'unique vêtement qui couvre ma peau. Je n'attends pas plus pour la faire retomber sur le lit et, revenant près d'elle, retrouver les sensations de la nuit dernière. « Je t'aime. » je glisse à son oreille alors que les allers et venues reprennent. J'ai laissé le satin la couvrir pour je ne sais quelle raison. Au fond, ça ne me gêne pas. En fait, je profite que sa nudité soit cachée pour l'inviter à prendre le dessus sur moi sans ressentir de complexe. Mais à aucun moment je n'accepte que ses lèvres soient hors de ma portée. Je la garde penchée sur moi, lorsque ce n'est pas moi qui me redresse pour pouvoir l'embrasser à nouveau. Assise sur moi, c'est ainsi que nous demeurons jusqu'à ce que nos corps n'en puissent plus. Ma peau est ruisselante, je suis essoufflé, mais je trouve encore la force d'embrasser la belle avant de la redéposer sur le matelas. C'est en me retirant qu'un détail en rapport avec le raisonnable et la sécurité me viennent à l'esprit, et que je réalise que cela fait deux fois que nous nous en passons. Mais je suppose que si Joanne n'a pas protesté, c'est qu'il n'y a pas d'inquiétude à avoir. Je nous laisse quelques minutes sans contact physique l'un envers l'autre le temps de respirer, mais j'avoue ne pas tenir longtemps et la récupère assez vite dans mes bras. Je dépose un baiser sur son front. « Je suppose que maintenant je dois aller chercher ce petit-déjeuner ? » je demande avec un petit rire. L'exercice ouvre l'appétit, n'est-ce pas.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
C'en était addictif. De sentir ses mains toucher son corps, d'attraper ses lèvres pour prolonger un baiser. Il la serrait dans ses bras, ne détachait presque jamais sa bouche de la sienne. Elle ne pouvait rien lui refuser avec le regard qu'il lui lançait. Sentant les mains de Jamie tenir plus fermement sa chair et remonter progressivement, Joanne glissa ses doigts dans ses cheveux qu'elle serra entre eux. Il parcourait avec ses lèvres la partie basse de son visage, et son cou. Encore une fois, sa tête se penchait, un pur automatisme. Bien évidemment, elle remarqua la surprise de Jamie lorsqu'il constata qu'elle ne portait rien sous sa nuisette satinée. Un sourire s'afficha sur son visage, satisfaite de lui faire cet effet-là. Timidement, elle glissa ses mains jusqu'au pantalon de Jamie afin de le lui retirer avant que leurs ébats ne s'intensifient. Il ne tarda pas à l'allonger sur le lit, à lui dire ces mots qui étaient si doux à ses oreilles. Joanne était tout de même surprise qu'il le lui dise aussi fréquemment, même s'ils n'en étaient qu'au tout début de leur relation. Lui qui était plutôt réservé sur ses émotions, et celui-ci en particulier, voilà qu'il n'hésitait plus à le partager. Si ce n'était pas les mots, c'était les gestes. Les doigts de la jeune femme se serrait à nouveau sur le dos de Jamie, avant qu'il ne l'incite à passer par dessus lui. Même habillée, Joanne était un peu moins à l'aise, mais le plaisir restait entier. Lorsqu'il se redressait pour ne pas laisser ses lèvres s'échapper, Joanne le retenait à son cou et ses épaules à l'aide de ses bras. Les gémissements et les soupirs se multipliaient, leur corps étaient brûlants et couvert de sueur. Il la laissa s'allonger à côté de lui. Elle était essoufflée, et il lui avait fallu un bout de temps avant qu'elle ne retrouve ses esprits. Elle avait oublié comment réellement désirer une personne, aller jusqu'au bout de l'acte. Depuis sa fausse-couche, Joanne avait pris la pilule. Son gynécologue lui avait recommandé de la prendre en guise de traitement hormonal, la fausse-couche et les soucis qu'elle avait à côté ayant provoqué un fort bouleversement. Elle devait la préndre pendant au moins un an et demi. Elle se trouvait encore dans cette fourchette de temps, le risque était donc minime.
Joanne eut à peine le temps de retrouver une respiration relativement normale que Jamie la prit dans ses bras, l'embrassant sur le front. Malgré la sueur et le fait qu'elle avait toujours chaud, elle se collait à lui. Il ramenait bien évidemment l'idée du petit-déjeuner au lit. Joanne sourit, restant silencieuse pendant un moment. Elle regardait la pluie tomber. "C'est une bonne idée..." dit-elle à voix basse. La jeune femme profita encore de ses bras quelques secondes avant de se détacher de son corps. Assise sur le lit, elle lui fit un baiser volé avant qu'il ne s'éclipse. Joanne, dans la chambre de Jamie, en vacances avec lui. Tout ceci semblait irréel. Un rêve, mais qui effrayait un petit peu. Elle passa sa main dans ses cheveux blonds pour les mettre un peu en arrière. Aussi, elle profita du temps de préparation pour enfiler une culotte, et prit son gilet en laine pour l'enfiler. Les bras croisés, elle regardait dehors. La première chose qui lui venait à l'esprit était bien évidemment la soirée de la veille. Ca lui importait peu qu'il lui raconte ce qu'il s'était passé de son côté, elle n'en comprendrait pas grand chose selon elle. Joanne ne cherchait pas non plus à plomber l'ambiance, mais elle ne pouvait clairement pas garder ça pour elle. Pas envers Jamie du moins, elle ne s'en sentait pas capable. Quelques minutes s'écoulèrent avant que la porte de la chambre ne s'ouvre à nouveau. Il avait apporté un petit-déjeuner copieux sur un plateau qu'il déposa sur le lit. Joanne sourit et s'approcha de lui afin de l'embrasser en guise de remerciements. Ils s'installaient sur le lit, et commençaient à se servir. Elle but quelques gorgées de son verre de jus d'orange. Elle devait être Française dans une vie antérieure parce qu'elle adorait la manière dont ils déjeunaient. Entre les tartines, la confiture, le miel, les céréales, elle restait beaucoup sur le sucré. Ils parlaient de tout et de rien, comme ces petites questions qu'ils s'étaient posés quand ils étaient au restaurant. Encore à apprendre à se connaître, c'était important. A la fin du petit-déjeuner, Joanne restait longuement songeuse. Lui parler de la veille l'avait tracassé durant toute leur dégustation. "Il... Il faut que je te dise quelque chose." commença-t-elle, plus que nerveuse. "Et ça ne va pas te plaire..." Ayant déjà vu le désastre qu'il pouvait créer dans ses poussées de colère, il était légitime qu'elle ait peur de sa réaction. "Tu...J...Je t'ai entendu mettre la clé dans la serrure de la porte hier soir..." Son regard fuit soudainement les yeux verts du bel homme. "Et..."
A la demande de la demoiselle, je m'en vais chercher le petit-déjeuner dont j'avais parlé plus tôt. J'enfile mon pantalon de pyjama pour me couvrir et descends les escaliers pour aller dans la cuisine. Pas sûr qu'il y ait grand-chose à manger. Hm, pas de pain frais, et le reste de baguette datant d'il y a deux jours ne fera décemment pas l'affaire. En fouillant dans les placards dont je ne me souviens même plus du rangement, je trouve quelque chose ressemblant à des biscottes qui devraient servir de substitut plus que correct. Confiture, céréales, thé… J'ai à la fois peur de trop en faire et peur de ne pas assez en faire. Allez, Jamie, un petit-déjeuner n'a rien de compliqué. J'amène tout ça, et j'aviserai s'il manque quoi que ce soit. Oh, zut, le jus d'orange. Marche arrière, un peu d'exercice d'équilibre, et je parviens à prendre la bouteille et deux verres. Le plateau est plutôt chargé pour le coup. Alors je retourne dans la chambre, proposer ce festin à cette chère princesse. Je suis plutôt heureux d'avoir enfin droit à une matinée normale. Pas de mauvaise nouvelle, pas d'intrus dans l'appartement, juste elle et moi parlant de tout et de rien. Je n'ai jamais été doué pour discuter de choses futiles, j'ai toujours préféré le silence à la parlotte. Cela m' souvent donné un air plus froid que je ne le suis. Mais mon envie d'en savoir plus sur Joanne me pousse à chambouler mes habitudes. Je n'hésite pas à lui poser des questions, même complètement idiotes, au sujet de sa vie, son travail, ce qu'elle aime, ce qu'elle déteste. Tout est bon à prendre. Le plateau se vide peu à peu. La pluie ne s'arrête pas une seule seconde et continue de battre les fenêtres. Et moi qui m'efforce de faire disparaître le stéréotype du mauvais temps anglais… Alors que je range les assiettes et les verres dans l'idée de rapporter ce qu'il reste dans la cuisine, Joanne se manifeste, plus nerveuse que ces dernières minutes. Elle doit me dire quelque chose. « Je t'écoute. » dis-je, intéressé par ce qui peut lui faire soudainement perdre son assurance. Elle dit que son aveu ne me plaira pas. J'imagine que cela a un rapport avec hier soir, cette peur qu'elle avait dans le regard et à laquelle je refusais de faire attention. La jeune femme souhaite certainement m'expliquer la raison de son étrange attitude et commence par le fait que j'ai hésité à verrouiller la porte en partant. Je baisse mon regard, encore honteux de cette poignée de secondes qui m'ont fait basculer vers cette peur et cette possessivité abusifs. Je soupire avant de retrouver ses iris. « Je suis désolé, je ne voulais pas te vexer. J'ai compris que ce n'était pas correct de ma part, mais j'avais vraiment peur qu'il t'arrive quoi que ce soit et... » Et en prononçant ces mots, je réalise que la seule chose qui puisse faire paniquer Joanne est que je sache qu'elle est en effet sortie hier soir alors que je lui avais demandé le contraire. Encore une fois, mon regard fuit, mais pas par gêne cette fois. Ma mâchoire se serre alors que je déglutis. Je sens ce début de flamme chauffer mes nerfs, ces combustibles qui s'embrasent si facilement. Je sens ma chaleur se propager à mes tempes, me forçant à respirer profondément pour calmer ce prémisse d'incendie. Je prends le temps de réfléchir avant qu'elle ne reprenne la parole. Une main en l'air, je lui demande une minute avant qu'elle ne se remette à parler, le temps de trouver les bons mots. Des mots qui puissent suffire à me calmer tout en lui faisant comprendre ce que je souhaite lui dire. Tâche loin d'être aisée. « Ecoute, je pense savoir ce que tu veux me dire, et je préférerais ne pas en parler. » Pas mal. Je tente de trouver comment poursuivre en étant moins froid. Mon regard se pose dans le regard de Joanne de manière à ce qu'elle ne puisse pas le fuir. Ma main se pose sur la sienne aussi délicatement que possible. J'ai le sentiment, l'instinct, qu'en ayant ce contact avec elle, cette femme qui m'a l'air si fragile, j'aurais plus de volonté encore à ne pas l'érafler par des gestes ou des mots trop emprunts de contrariété. « Je sais que ça ne fait pas partie de tes principes de garder les choses pour toi, mais je ne suis pas sûr d'avoir envie d'entendre quelque chose qui puisse me déplaire. » Bon Dieu, je crois que je n'ai jamais autant réussi à prendre sur moi. C'est douloureux, comme un poids sur mon thoras qui m'empêche de respirer correctement. Je suis frustré par ces efforts pour me contenir, mais je suppose que c'est une bonne chose. Doucement, dans le silence, la colère s'estompe. J'arrive enfin à voir une Joanne si nerveuse, si paniquée, que mon coeur se serre. Je crois que je lui inspire ces sentiments. Je crois que son regard fuit plus que les expressions de mon visage. Je ne peux pas m'empêcher d'être quasiment suppliant qu'elle cesse d'être ainsi. Je pose une main sur sa joue afin qu'elle garde le visage assez relevé pour que je puisse voir ses yeux, et, fébrile, je demande ; « Joanne est-ce que… Est-ce que tu as peur de moi ? »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne se doutait qu'elle allait s'attirer les foudres de l'homme en évoquant ce qu'il avait l'intention de faire la veille. Elle s'attendait à des justifications, à ce qu'il cherche à savoir pourquoi elle revenait sur le sujet. Jamie ne semblait pas particulièrement fier de ce qu'il avait fait la veille, disant qu'il crainait qu'il lui arrive quelque chose. La jeune femme le comprenait, mais avec tous les événements de la veille, elle avait l'impression d'être bien trop fragile pour la laisser faire quoi que ce soit. Ca partait d'une bonne intention, mais elle trouvait qu'ils étaient parfois un peu trop excessifs avec elle. Déjà qu'elle n'avait pas une très haute estime d'elle-même, vouloir la surprotéger ne l'aidait pas vraiment. Et elle finissait par le prendre mal, ce qui était le cas avec Jamie et son intention de fermer cette fichue serrure. Joanne restait silencieuse, et observa le changement d'état de Jamie. Elle ne lui avait encore rien dit qu'elle sentait qu'une immense montait en lui. Ses muscles se crispaient, les veines au niveau de son front et de ses tempes furent plus marquées que d'habitude. Jamie avait deviné ce qu'elle comptait lui dire, son changement de comportement en témoignait. Elle le regardait avec inquiétude pendant un moment, ne sachant que faire. Au moment où la jeune femme voulait reprendre la parole, la main de Jamie se leva, en signe de silence. Il prenait de profondes inspirations, elle voyait que l'effort qu'il faisait pour ne pas exploser était considérable. Les doigts de Joanne s'étaient mis à se battre entre eux sans qu'elle ne s'en rende compte. Il ne voulait pas en savoir plus. Sa phrase était glacial pour elle, ce qui ne fit qu'accroître son sentiment de culpabilité. Le bel homme avait réussi à saisir son regard bleu avec le sien, impossible de s'en détacher. Elle, elle n'avait aucun mot qu'il venait à l'esprit. Il ne voulait pas entendre ce qui pourrait le contrarier. C'était compréhensible. La main de Jamie s'était déposée sur celle de sa dulcinée sans qu'elle ne voit, ce qui la fit un peu sursauter, malgré la délicatesse de son geste. Joanne n'était pas du genre à faire des cachotteries. Si elle ne voulait pas parler de quelque chose en particulier, c'était parce qu'elle en avait vraiment ou qu'elle avait d'excellentes raisons de ne rien dire. Même elle avait ses propres secrets, même Mia ignorait certaines choses. Selon Joanne, c'était la meilleure solution qui se présentait à elle. Ca ne l'était par contre pas dans la situation qui se présentait, mais Jamie la contraignait à ne pas en dire plus. C'était la première fois que ça lui arrivait, en général on cherchait à savoir ce qui la tracassait.
Un long moment de silence s'imposa dans la pièce. Elle ne faisait que fuir son regard. Tout était si compliqué pour elle. De véritables montagnes russes. Chacun fournissait des efforts de leur côté mais étrangement, ça allait dans des directions totalement opposées. Ils n'arrivaient pas encore à trouver ce juste milieu, cet équilibre pour qu'il n'y ait pas autant d'ascenseurs émotionnels. A moins que leur couple ne trouve que ce moyen là pour fonctionner, ce n'était pas impossible. Ils se cherchaient encore beaucoup. Son coeur battait à tout rompre, Joanne se sentait perdue, elle ne savait plus quoi faire. La main de Jamie vint se déposer sur sa joue, relevant ainsi son visage et la forçant à le regarder. Il posa une question à laquelle elle ne s'attendait pas. Surprise, elle le fixait, cherchant dans son regard l'ombre de la réponse qu'il souhaitait entendre. Ca la touchait beaucoup qu'il lui demandait ça. La blonde ne savait pas quoi répondre, ni par où commencer. Totalement en détresse, elle faisait de son mieux pour mettre en place ses idées, et ses mots. Elle lâchait de nombreux soupirs, plus embarrassée qu'autre chose. "Tu n'étais pas loin de tuer un homme dans un bar. Tu aurais pu te blesser grièvement avec tous ces débris de glace l'autre soir." commença-t-elle doucement. "Et à chaque fois, c'était de ma faute." Cette phrase, elle l'avait pensé à haute voix. Mais c'était à cet instant qu'elle réalisa qu'à chaque fois qu'il tombait dans une colère qui le rendait violent, elle était impliquée là-dedans. Elle culpabilisait énormément en s'en rendant compte. "J'ai bien deviné que tu es quelqu'un de très... sanguin. Et ça fait partie de toi. C'est toi." Et c'était ce qu'elle lui avait demandé lors du gala au musée, d'être lui-même. Toutes ses paroles restaient très incertaines, pesant chacun de ses mots. "Et je sais que l'on ne pourra jamais rien changé. De toute manière, je te veux tel que tu es maintenant." Joanne savait qu'elle tournait autour du pot mais elle espérait qu'il prenne en compte tout ce qu'elle lui disait. "Alors oui, j'ai un peu peur..." Il fallait être honnête. Joanne aurait adoré avoir cette capacité à le canaliser, à lui apprendre à évacuer ses sentiments autrement. "Mais j'ai bien plus peur pour toi, Jamie. A travers ta colère, tu t'infliges tellement de choses à toi-même. Tu te blesses, et tu ignores. Je l'ai bien remarqué lorsque j'ai insister pour soigner ta main. Et tout, ça m'inquiète beaucoup." Les yeux bordés de larmes, elle se pinça un peu les lèvres. Son regard ne s'était pas une seule fois décollé du sien. "Mais le pire... le pire de tout..." Sa voix se noyait dans un début de sanglots qui n'avaient pas encore fait surface. Elle voulait se montrer forte. "Ce dont j'ai vraiment le plus peur, et... et ça me hante... C'est de te décevoir, de négliger l'image que tu puisses avoir de moi. Et c'est pour ça que c'était dur pour te parler du divorce, et..et de la... de la fausse-couche. Parce qu'on se fait vite des idées, on juge et... et on déçoit. Et... c'est pour ça que j'ai peur de te parler de certaines choses... parce que je veux pas que tu sois déçu par ce que je suis."
Si je m'écoutais, je tremblerais comme une feuille. J'ai incroyablement peur de sa réponse, que Joanne me dise dans les yeux que, oui, elle me craint, que depuis notre rencontre au bar, elle pense que je suis capable d'être un homme violent. Violent avec elle, à cause d'elle. Le problème ? C'est que c'est plus ou moins ce qu'elle me dit. Les mots sont autant de poignards qui rendent ma respiration difficile. Ce poids sur mon thorax s'accentue, j'ai le sentiment de manquer d'air. Personne n'avait encore textuellement dit que j'aurais pu tuer cet homme dans ce bar ce soir là. Et j'avoue que l'entendre, surtout de la bouche de la jeune femme, me choque moi-même et me fait prendre conscience du danger que je peux représenter. Mes mains quittent celles de Joanne. J'écoute sans un mot, quasiment en état de décomposition intérieur. A force de l'écouter, j'en viens presque à m'effrayer. Si je m'emportais, elle ne ferait pas le poids. Elle ne tiendrait pas plus de quelques minutes. Je ne sais plus si c'est pour cette raison que j'aime la fragilité qui émane d'elle. Mon esprit est complètement embrouillé. Je hais cela. Lorsqu'elle avoue avoir peur, ma respiration se coupe. Une de mes mains se porte à ma tête, passe sur ma mâchoire douloureuse à force de rester si serrée, mes yeux trop lucides, mon front plissé, et passe rapidement par mes cheveux pour me réveiller de cette léthargie qui s'empare de moi. Qu'importe les bons sentiments dans ce que Joanne dit, tout me choque, me vexe, mais ma colère se dirige uniquement vers moi. Parce qu'elle a raison. Parce que je suis persuadé que la douleur est mon lot à chaque fois qu'un vent de colère m'emporte, pour que les marques me rappellent quel idiot je suis. Elles m'empêchent rarement de recommencer, mais le temps où elles sont douloureuses et visibles, elles m'empêchent de franchir la frontière qui me mènera moi, et non l'adversaire, à l'hôpital. Mon regard s'est complètement perdu dans les volutes et les arabesques formées par le drap sur lequel sous sommes assis. Elles forment les vagues de cet océan dans lequel je me sens soudainement bien seul. J'entends la voix de Joanne, lointaine, et me concentre néanmoins pour l'écouter. Elle m'explique sa peur de me décevoir. Qu'elle ne puisse pas parler à cause de cette peur. Un instant, mon esprit s'égare complètement et retourne au soir où j'ai dévasé ma chambre. Et si c'était la peur qui avait fait revenir Joanne ? Si c'était la peur qui la pousse à me faire croire qu'elle m'aime ? Une sorte d'instinct de survie. Il était à deux doigts de tuer quelqu'un après tout, et elle est coincée ici toute une semaine avec lui, devait-elle se dire. Stratégique. Non, pitié, je ne peux pas me mettre à penser des choses pareilles. Je ne sais plus. Peut-être. Merde. J'ai besoin de retourner chez les vivants. Pour me réveiller, je me lève du lit. Je croise mes doigts sur ma nuque et fait quelques pas. « Comment est-ce que je pourrais seulement oser juger la seule personne qui arrive à m'accepter comme je suis ? » je finis par demander en la regardant. Je ne vois pas ce qui pourrait me décevoir chez elle en comparaison avec toutes les déceptions potentielles que je pourrais lui causer à cause de tout ce que je suis. Je ne suis pas idiot, je sais qu'elle n'est pas parfaite, qu'elle a son passé, que nous ne serons jamais d'accord sur tout, que nous avons nos divergences. Mais je l'aime. Elle dit vouloir m'avoir tel que je suis, et je n'aurais pas le droit d'exiger la même chose ? J'avoue que je ressens du dégoût. Je ne pensais pas avoir mérité ce genre de méfiance à demi-mot. « Comment tu peux penser des choses pareilles ? » je demande la gorge serrée. Respire. Étrangement, je ne sens pas de colère, au contraire. Il n'y a qu'un immense vide en moi dans lequel les battements de mon coeur font de l'écho. « Tu m'a demandé d'être moi, je l'ai fait. Je t'ai parlé de ma vie ici, d'Oliver, de ma peur de m'attacher à toi, et… Et tu as déjà vu le pire de moi. Mais tu es encore là alors que tu aurais pu me fuir plus d'une fois. » Je maintiens qu'elle aurait dû le faire, d'ailleurs. A voire nos échanges, je doute à peine de mon incapacité à lui apporter quoi que ce soit de bon après l'année difficile qu'elle a vécu. Mais j'ai envie d'essayer, je ne veux pas m'avouer vaincu par peur et rester passif en attendant qu'elle se rende compte de cela d'elle-même. J'ai toujours cherché à me bonifier pour avoir le droit d'être avec elle, d'être heureux avec elle, et qu'elle veuille l'être avec moi. Je vois tout ceci comme un parfait échec. « Qu'est-ce que tu fais ici si tu as si peur ? » Je ne comprends pas. Passer tous ces jours à l'autre out du monde avec un homme dont elle a peur, qui n'a pas vraiment sa confiance au final, ça n'a pas de sens. Ca m'échappe. « Est-ce que j'ai l'air de quelqu'un capable de te faire du mal ? De te juger ? » Je sais que je la bombarde de questions auxquelles je ne lui laisse jamais le temps de répondre, mais je parle en fonction de ce qui me vient à l'esprit. Je refais quelques pas dans le chambre. Au fond, sa peur est ma seule réelle déception. Après quelques respirations, je m'approche du lit et me penche au dessus d'elle, mon visage près du sien. « Je te dis tout. Tu devrais savoir que tu peux faire de même. » dis-je sèchement. J'attrape le plateau du petit-déjeuner et quitte la chambre avant d'avoir à entendre quoi que ce soit de sa part. Il me faut de l'air, quitter cette pièce. L'immensité du salon ne suffit pas, mais je fais avec. Arrivé dans la cuisine, le vent de colère me rattrape, prends mon bras et me fait jeter le plateau dans l'évier sans que je puisse faire quoi que ce soit. Il me faut une dizaine de secondes devant les assiettes et les verres cassés pour comprendre que, en effet, je venais de faire ça. Ma main bandée se porte à ma bouche. A travers la paroi vitrée qui sert de mur à ma chambre sur la mezzanine, je sens le regard de Joanne portée sur moi. Je reprends mes esprits et remonte les escaliers, à nouveau vide. Choqué, l'équilibre me manque et me fait prendre appui sur l'encadrement de la porte. Mes yeux se posent sur la jeune femme. « A Brisbane je... » Peut-être devrions-nous rentrer immédiatement. Sûrement le veut-elle d'ailleurs. « … j'essayerai de trouver quelqu'un pour m'aider. Si ça peut te… te rassurer. » Je crois que je n'ai pas le choix, je ne peux pas continuer ainsi. Sans plus un mot, je me rends dans la salle de bains. Balancer le plateau ne m'a pas blessé cette fois. Alors j'ai besoin de me laisser brûler sous l'eau chaude pour me remettre les idées en place.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Tout allait au plus mal. Elle le voyait avoir le regard vide, ses yeux ne brillalient. Il semblait être en état de choc, comme si la confrontation à tout ce qu'elle venait de lui dire était bien trop difficile à accepter. Joanne pensait pourtant bien faire. Elle avait fait de son mieux pour être la plus douce et délicate possible dans le choix de ses phrases, à être le plus authentique possible. Ce n'était apparemment pas suffisant. Jamie avait retiré ses mains qui étaient posées sur elle. La jeune femme avait toujours à l'esprit de vouloir l'aider, de l'accompagner quoi qu'il advienne. Mais au lieu de le soutenir, elle le coulait un peu plus à chaque fois. Elle avait l'impression d'être un fléau, une plaie pour lui. Elle l'aimait tellement, pourtant. Il renfermait encore beaucoup de choses en lui et ne voulait pas les laisser sortir. Elle ruinait chacune de leur conversation, chaque bon moment qu'ils passaient ensemble. Peut-être était-ce dû à sa méfiance. Pas envers Jamie, mais envers la relation elle-même, si elle était vraie. Elle faisait inconsciemment ces nombreuses complications afin de savoir si l'amour était bien réel. Perdre foi au sentiment lui-même était une chose épouvantable, pire que de ne pas le connaître. Pendant que Joanne parlait, les yeux verts se perdaient dans le méli-mélo de leurs draps. Mais elle continuait à aller jusqu'au bout de sa pensée, c'était nécessaire. Il resta ensuite longuement silencieux, vidé de tout ce qu'il pouvait avoir en lui. Joanne le regardait avec inquiétude, commençant à regretter amèrement chacun de ses mots. Elle se maudissait de devoir tout ruiner à chaque fois, de détruire ce qu'ils commençaient à peine à construire.
Vint ensuite une avalanche de questions. Joanne ne savait même pas quoi répondre et il ne lui en laissait pas le temps de toute façon. Elle le regardait d'un air totalement tourmenté par ses interrogations et la manière dont il le disait. Jamie s'était levé depuis, à faire les cent pas dans la pièce, à lui balancer le fond de ses pensées. Elle en devenait muette, trop abasourdie et choquée par tous ses propos. De temps en temps, ses yeux regardaient le sol, faisant de leur mieux pour contenir ses larmes. Ce n'était pas son but de lui tenir tête, mais elle voulait se montrer forte. Ce n'était pas la première fois qu'il l'incitait indirectement de partir, de s'éloigner de lui. Il n'avait toujours pas compris que ce n'était pas dans ses intentions. Elle l'aimait tellement. La jeune femme ne voulait pas le laisser là. Elle avait tout à fait conscience de son penchant agressif, et elle n'en était pas rassurée, mais ce n'était pas pour elle une raison suffisante pour le quitter. Joanne s'était déjà extrêmement attaché à lui. Elle ne savait pas ce qui lui arriverait s'ils se séparaient, mais cela ne présageait rien de bon. Soudain, Jamie s'approcha d'elle afin de porter son visage au plus près du sien. Soutenir son regard relevait de la tortue pour la jeune femme, mais elle tenait bon. Son ton était sec, glacial, sans sentiment. Il s'éclipsa tout de suite après ses quelques mots le plateau en main. Seule dans la chambre, Joanne réalisait que tout son corps tremblait comme une feuille. Ses larmes de crocodile s'écoulèrent sous les joues, sa respiration s'adaptait du mieux qu'elle pouvait à ses tremblements et son rythme cardiauqe. Elle ne bougeait pas d'un pouce, et regardait dans le vide. Lui avait fait un désastre dans cette chambre, elle, elle venait d'en faire un dans leur couple, s'il s'agissait encore d'un couple. Joanne sursauta lorsqu'elle entendit un énorme bruit venant du rez-de-chaussée. Machinalement, elle se dirigea vers la baie vitrée, tout en gardant une certaine distance. Il venait juste de balancer le plateau au niveau de l'évier, toute la vaisselle s'était brisée en mille morceaux. Un spectacle terrifiant, certes, mais qui la bouleversait plus qu'autre chose. Jamie remontait dans la chambre, vidé de toute énergie. Il aimerait trouver quelqu'un qui pourrait l'aider dans le but de la rassurer. Avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit, il fila à la salle de bain. Tellement de choses venaient de se passer, elle ne savait plus trop quoi faire. Un trop plein de pensées qu'elle avait besoin d'évacuer.
Elle entra dans la salle de bain, qui commençait déjà à s'embuer par la chaleur de l'eau. Mais à quelle température. Joanne s'approcha de la douche, constatant avec effroi la peau déjà bien rougie par l'eau brûlante qui se jetait sur lui. "Oh mon Dieu..." dit-elle à voix basse, avant de le pousser du plus fort qu'elle le pouvait contre l'un des murs de la douche. Cette dernière était assez grande. C'était désormais elle qui se trouvait sous l'eau, oubliant totalement d'en régler la température. Elle devait juste dire ce qui devait être dit. Son ton était assez déterminé, alarmé, et elle ne mâchait presque pas ses mots. "Quand j'ai entendu cette clé dans cette serrure, quand tu me demandais de ne pas sortir de l'appartement sous prétexte que c'est dangereux, je comprenais, mais j'avais l'impression d'être totalement séquestrée. Tout le monde a toujours été comme ça avec moi. Je sais que ça part d'une bonne intention, mais cette tendance à me surprotéger n'a rien arrangé à l'année qui venait de s'écouler. On se mettait en tête que la pauvre petite et fragile Joanne devait être à tout prix protéger, elle est devenue tellement frêle et faible depuis son divorce et sa fausse-couche, il ne faut laisser personne la toucher à nouveau. Et c'en est blessant. Ca ne fait que me rappeler constamment qu...que je ne peux pas gérer mes choix sur ma propre vie." Les larmes étaient toujours là, mais elles se mêlaient aux gouttes d'eau de la douche. "Je sais que tu voulais t'assurer que rien ne m'arrive, c'était une très belle intention de ta part. Mais ça ne garantissait en rien que ça ne se produise à un autre moment. Que ce soit ici ou à Brisbane." Ses mains hésitaient à se poser sur son torse. "Alors oui, que tu veuilles l'entendre ou non, je suis sortie hier soir. Parce que j'avais l'impression d'étouffer et manquer d'air. Je savais que tu devais aller à un événement où tu ne voulais pas aller, dans des vêtements où tu ne te sens pas bien dedans, à sourire faussement et prétendre que tout va bien même en faisant face à ton part. J'étais sensée être rassurée ? Et bien, je peux te dire que c'était tout le contraire." Joanne n'avait plus aucun contrôle sur ses émotions, elle était presque en colère. "Je me suis promenée, je regardais le paysage d'un pont. Et il y a ce Paul... Paul Matthews qui m'aborde comme si de rien n'était. Je lui ai dit que j'attendais quelqu'un pour qu'il me laisse tranquille, mais il avait bien vu que je lui mentais, alors il m'a dit des choses horribles. Que si ça se trouve, tu voulais m'abandonner, ou que tu ne voulais pas te montrer avec moi, que tu voulais voir d'autres femmes. Je savais que ce qu'il disait était faux, mais j'étais toute seule Jamie. J'étais seule et triste d'être seule, tu voulais que je pense quoi de tout ça ? Après ça, il me dit que le seul moyen de te faire revenir vers moi était de rendre jaloux par des moyens peu... catholiques." Joanne s'octroya quelques secondes de pause afin de reprendre son souffle. Elle commençait à sentir que l'eau lui brûlait la peau mais elle s'en fichait. "Bien sûr que j'ai refusé. Je comptais partir, mais il m'a saisie le bras et il m'a fait mal. J'ai sorti ma bombe au poivre, je lui en ai mis dans les yeux. J'ai couru, et je me suis perdue, et j'ai fini par retrouver mon chemin. Quand je suis rentrée, la première chose à laquelle j'ai pensé était de monter mes affaires dans ta chambre parce que la seule chose que je voulais était de dormir dans tes bras." Ses yeux le suppliait de la comprendre. Son ton s'était un peu calmé. "Tu vois, je t'ai tout dit maintenant." Les bras ballants, elle se doutait qu'il allait hurler sur elle. "Tu as le droit d'être très en colère contre moi, je l'accepterai." Soudainement, la tension remonte en elle, se remémorant sa violence et cette tendance à s'auto-détruire. Sa voix s'éleva à nouveau. Elle n'avait pas l'habitude d'être dans un tel état "Et je refuse que tu te fasses du mal, ou que tu penses mériter d'être blessé en utilisant comme moyen ta colère. Pas avec moi. Tu ne peux pas savoir à quel point c'est insupportable et dur de te voir te mutiler de la sorte, et à quel point c'est frustrant d'être incapable de faire quoi que ce soit pour t'aider." Elle le fixait, ses yeux reflétait le tourbillon d'émotions qui la tourmentaient. "Si tu te sens à aller voir quelqu'un pour t'aider, c'est comme tu le sens. Le choix est à toi, et je le respecterai de toute manière. Je ne veux pas être rassurée, Jamie. Dis-moi juste ce que je dois faire pour t'aider là-dedans. Je peux pas rester plantée à te regarder faire, je veux être avec toi, jusqu'au bout."
L'eau est bouillante. Comme souvent, je tourne à peine le robinet d'eau froide. Il ne me sert qu'à ajouter un peu de pression -et peut-être à ne pas complètement brûler ma peau. Je ne conçois pas que qui que ce soit puisse comprendre que je reste sous cette température sans que cela ne me dérange. J'ai conscience de la chaleur, mais elle m'importe peu. Au contraire, elle est envoûtante. Elle détend tous mes muscles, laisse mon sang à couler à flot, mon coeur se ralentir, jusqu'à me plonger dans cet état de semi-conscience qui parviens à entièrement vider mon crâne de toutes les mauvaises pensées. Je ne sais plus comment cette habitude m'est venue, elle me semble remonter à toujours. Les bains bouillants et les douches trop chaudes. Une main m'attrape et la surprise m'empêche de résister. Je me retrouve plaqué au mur opposé aux valves, et Joanne prend a place. Immédiatement, je me redresse et fais un pas vers elle afin d'atteindre l'eau froide et baisser la température avant qu'elle ne se brûle, mais elle est là, déterminée, entre moi et la douche que je parviens pas à régler. Je n'ai pas d'autre choix que de l'écouter en la regardant se tremper de plus en plus, la laine de son gilet s'imbiber, sa nuisette lui coller à la peau et ses cheveux ruisseler. Elle me raconte toute cette histoire que je lui avais demandé de taire un peu plus tôt, explosant un peu plus à chaque fois au gré des émotions qui la traversent. Il est vrai qu'elle semble si fragile, que sa place pourrait être dans un musée, protégée. Je suppose que le lot des personnes comme elles, à la fois si belles et au physique frêle, est d'être déshumanisées quoi qu'on fasse, qu'importe nos intentions. On ne parvient pas à les voir comme de vraies personnes. C'est une poupée en porcelaine, une œuvre, une allumette, un bijou qu'on souhaite garder pour soi, protéger du monde extérieur. Je suis tombé dans ce piège dès notre première rencontre. Mais non, c'est une personne, un être vivant, une femme. Une femme qui en a marre d'être vue comme une pièce de musée. Joanne me raconte sa mésaventure dans Londres. J'avoue que je ne réagis à rien. Je me contente d'écouter. Des bribes d'émotions me traversent vaguement, mais ne s'installent jamais. C'est peut-être retomber dans mes travers, mais le moyen pour moi de ne pas me laisser emporter par quoi que ce soit et d'être capable de comprendre ce qu'elle me dit est d'ôter les sentiments de ses paroles afin d'en tirer les faits. Je crois que l'esquisse d'un sourire apparaît furtivement sur mes lèvres, juste une seconde. Je me dis que j'aurais certainement agi comme elle. Je déteste tant me faire imposer quoi que ce soit que je serais aussi sorti, ne serais-ce que par esprit de contradiction. Il suffit de dire à quelqu'un de ne pas faire quelque chose pour que l'idée de le faire commence à l'obséder. C'est naturel. Ce très rapide sourire revient, je crois, quand elle dit avoir immédiatement installé ses affaires dans ma chambre une fois rentrée. Sur sa peau commencent à se former des plaques rouges. Mais je n'ose pas intervenir, puisqu'elle n'a pas terminé. Il est vrai que je n'ai jamais accordé la moindre importance aux réprimandes des amis me disant d'arrêter de toujours essayer de finir à l'hôpital. Ce n'est pas mon but -je ne sais même pas quel est mon but. Je n'ai jamais pris en considération le fait qu'on puisse me dire d'arrêter dans mon propre intérêt. A mes yeux, les gens prononcent ce genre de phrases pour leur conscience. « Au moins, je l'aurais prévenu » se disent-ils pour se défausser. Mais je ne connais de Joanne que la douceur, et la voir dans cet état me fait considérer sa phrase comme sincère. Je me dis qu'au fond, si je ne fais du mal qu'à moi, cela ne devrait pas l'importer. Mais si agir de la sorte lui fait du mal, alors j'ai certainement tort. Elle me rappelle les discours que je tenais à Oliver quand il rentrait camé à la maison. La peur que j'avais pour lui. J'imagine qu'il s'agit de la même chose. Que peut-elle faire pour m'aider ?… « Commence par me laisser régler la température de l'eau, il ne manquerait plus que tu te fasses du mal à cause de moi. » dis-je après un court silence. Je l'attrape par les épaules afin qu'elle ne glisse pas , la décale sur le côté et ajuste rapidement le niveau d'eau froide. Rapidement, la température devient plus supportable. Cela fait, je me retourne pour lui faire face. Doucement, je lui fais enlever son gilet qui ne ressemble plus à rien à part un torchon mouillé. Je le jette au sol plus loin dans la salle de bains. Toujours dans l'état d'esprit consistant à rester aussi lucide que possible, pas grande chose n'apparaît sur mon visage, mis à part cet espèce de demi-sourire triste qui s'est installé. « Je ne suis pas en colère contre toi. L'important, c'est que tu ailles bien. » Je pense qu'elle a amplement prouvé qu'elle savait se débrouiller seule. Au fond, elle a largement prouvé au monde entier qu'elle est bien plus robuste que ce qu'il n'y paraît, mais personne ne souhaite le voir. Après tout, c'est toujours agréable d'avoir une petite poupée dont il faut s'occuper avec tendresse. « J'aurais préféré que tu me parles franchement hier soir, avant que je parte, c'est tout. » Je soupire. Il serait plus simple de sortir de la douche pour parler, mais cette idée ne me traverse même pas l'esprit. Si seulement, simplement, elle avait osé ouvrir la bouche pour me dire d'aller me faire voir, qu'elle ne resterait pas dans l'appartement qu'importe mon avis sur la question, je l'aurais compris, et cette situation n'existerait pas. Mais je ne dis pas ceci à voix haute, cela ne servirait à rien à part la faire culpabiliser. Néanmoins, je lui fais comprendre autre chose ; « Je ne pense pas mériter que tu sois méfiante avec moi. Je ne compte pas te faire de mal ou te faire sentir mal. » Je passe sur main sur ses cheveux trempés. « Je suis fatigué d'être en colère. » Il faut dire que chaque crise me laisse éreinté. C'est tant d'énergie gâchée. Sans lui demander son avis -et sans accepter la moindre résistance- je dégage les bretelles de sa nuisette de ses épaules et tire légèrement sur le bas de celle-ci afin qu'elle tombe à ses pieds. Elle n'en a pas besoin sous la douche. Et elle devra l'enlever de toute manière. « J'ai envie d'apprendre à être le genre de personne qui te mérite. » dis-je en prenant une de ses mains. Doucement, je l'attire vers moi et l'encercle de mes bras. « Mais tu dois me laisser apprendre à te connaître. » Je ne peux pas avancer si je me heurte à un mur à chaque pas. C'est douloureux, éprouvant.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
La première chose que Jamie fit était de réajuster la température de l'eau. Joanne se rendait enfin compte que sa peau n'avait pas vraiment toléré la chaleur, se colorant alors de rouge et émettant une sensation loin d'être agréable pour la jeune femme. Durant tout son discours, il était resté neutre, il ne bougeait pas et n'exprimait. Elle ne savait pas si elle devait en être rassurée ou être inquiète. Il y avait un léger rictus qui se traçait sur ses lèvres, mais c'était tout. Ca la perturbait. Alors qu'elle, elle se remettait encore de tout ce qu'elle venait de dire, elle avait l'impression d'avoir lâché une bombe, avec une once de colère. Les battements de son coeur étaient toujours très rapides, la respiration était difficile. Joanne ne savait pas à quoi s'attendre avec lui. Elle s'était déjà surprise plusieurs, il pouvait réagir tellement différemment. Sa gorge était toujours serrée, les quelques larmes se dissimulaient encore. Jamie posa ses mains sur ses épaules afin de retirer son gilet complètement trempé. Elle avait oublié qu'elle portait des vêtements, elle s'en fichait, à vrai dire. Joanne était un peu frustrée de ne pas savoir ce qu'il ressentait à cet instant là. Elle était encore et encore dans l'attente. Comme s'il s'était bâti un mur devant lui, afin de conserver ses sentiments et émotions, quelque chose comme ça. C'était déjà un soulagement pour elle de savoir qu'il n'était pas en colère contre elle. Une première étape de franchie, mais il en restait encore beaucoup. Ses doigts se mêlaient nerveusement entre eux. "Si je te l'avais dit, tu serais parti frustré, et certainement inquiet. Le gala aurait été bien plus dur à supporter pour toi." Et puis, l'élément déclencheur était vraiment le fait qu'il ait mis la clé dans la serrure. Ce n'était qu'un détail, mais Joanne le prenait en première ligne de compte. Ses prochaines phrases faisaient office de poignard qui allaient droit dans son coeur. C'était dur pour elle d'entendre cela. Elle se sentait si cruelle sur le moment. Joanne avait baissé ses yeux, se rendant compte de sa terrible bêtise. Elle s'en voulait énormément, et elle fut soudainement prise d'angoisse. Elle comprenait qu'être en colère l'épuisait. Ses yeux se relevaient, tristes, et Joanne lui supplia d'une voix tremblante. "Pardonne-moi."
Jamie se permit ensuite de glisse ses doigts sous les bretelles de sa nuisette afin de la lui retirer tout doucement. Au moment même où le tissu glissait le long de sa taille, Joanne dissimula aussitôt sa poitrine à l'aide de ses bras, et se rapprocha de Jamie afin qu'il ne puisse pas tout voir d'elle. La jeune femme n'avait pas une très haute estime d'elle-même, être nue devant lui et lui partager le désir d'être la personne qu'elle mérite étaient un peu trop d'un coup. Joanne ne savait pas ce qu'elle méritait. Elle doutait même de mériter quelqu'un. Il la prit doucement dans ses bras. Le laisser la connaître. S'ouvrir à lui. Un vent de panique traversa l'esprit de Joanne, alors qu'elle déposait sa tête contre son épaule. "Je... Je pense que j'ai oublié ce que c'est, de s'ouvrir à quelqu'un, d'arriver à tout lui dire." dit-elle, toujours tourmentée. Se confier réellement n'était pas son point fort, loin de là. Elle pensait qu'il n'y avait pas grand chose à savoir sur elle. Regardant dans le vide, elle n'avait toujours pas changé de position depuis qu'il l'avait déshabillait, même s'il l'avait pris dans ses bras. Joanne réfléchissait à ce qu'elle pourrait dire. A ce qu'elle pourrait penser. "Qu'est-ce que tu voudrais savoir ?" Il fallait s'ouvrir, le laisser entrer dans sa sphère intime afin de connaître des détails que personne d'autre n'allait savoir. Joanne n'avait rien trouvé de mieux que cette question. Sa voix était hésitante, frêle. "Qu'est-ce... qu'est-ce que tu attends de moi ?" La température de l'eau était beaucoup plus supportable. Entendre les centaines de gouttes s'éclater au sol, alors que d'autres glissaient le long de son dos, l'apaisait un peu. Sa conscience était toujours tourmenté, elle venait de prendre un sacré coup. Le fait que Jamie restait aussi inexpressif malgré ses gestes affectueux, n'arrangeaient pas vraiment son malaise.
Joanne n'a pas complètement tort. Si elle m'avait dit qu'elle souhaitait sortir de l'appartement, la soirée aurait été difficile pour moi. Mais je pense pouvoir dire aisément que cette matinée l'est tout autant, pour ne pas dire plus. « Et qu'est-ce qui est préférable : un gala un peu plus difficile qu'il ne l'était déjà, ou devoir nous battre comme ce matin après coup ? » je demande, pensant que cette réflexion n'est quand même pas complètement fausse. Je n'aime pas me battre avec elle, ces scènes où le ton monte, où les larmes finissent par couler dont nous sommes abonnés jusqu'à présent. Il faut dire que nous sommes deux personnes compliquées, ayant vécu difficilement ces dernières années, avec nos propres démons et traumatismes à surmonter. Nous avons tout à découvrir l'un de l'autre, et cela implique de devoir passer par des hauts et des bas, trouver le meilleur et le pire de chacun et savoir comment le gérer. Tout est encore à l'état brut de brouillon. Mais à mes yeux, l'important est que nous continuons à essayer de donner forme à ceci. Nous pourrions rapidement, hâtivement, aller à la conclusion que nous ne sommes pas faits l'un pour l'autre par peur ou manque d'envie de nous battre. Après tout, personne n'est assez masochiste pour s'infliger le contact d'une personne qui ne lui convient pas. C'est là que toute l'ampleur de ce que je ressens pour elle entre en jeu. Malgré ces scènes, je ne me vois plus sans elle. Comme je le lui ai dit, je veux trouver avec elle le moyen d'instaurer de l'harmonie entre nous. Cela peut prendre du temps. Ce n'est pas cela qui me fera peur. Elle a été blessée par l'amour, et moi je n'y connais rien. « Ca fait de nous deux personnes qui ont pas mal de choses à apprendre alors. » dis-je en la serrant un peu plus. Personnellement, j'ai tout mon temps pour apprendre. Ce que je voudrais savoir ? Je souris. Oh, beaucoup trop de choses, une seule phrase ne suffirait pas, à moins que je me contente de répondre « tout ». Mais la question suivante est plus simple pour moi. Je relève doucement le visage de Joanne afin de capter son regard. « C'est ça, le truc. Je n'attends rien de toi. » Elle doit s'ôter cette pression des épaules. Le faire qu'elle soit en train de constamment penser que j'ai des attentes à son égard nourrissent sa peur de me décevoir. Alors qu'en réalité, avoir des attentes, vouloir la voir prendre la forme du moule de la femme que je veux qu'elle soit, ne m'intéresse pas. Je veux la personne qui m'a sorti de cellule, cette personne que je ne connaissais pas. Je veux qu'elle reste telle quel et qu'elle se fiche de mon avis. Qu'elle fasse sa vie, qu'elle dise ce qui lui plaît ou non, qu'elle soit fidèle à qui elle est. « Sois toi-même. Appelons ça notre credo. » dis-je avec un sourire. Il me semble que c'est là le plus important. Son visage toujours relevé, je me penche un peu pour déposer un baiser léger sur ses lèvres. « J'ai droit à un sourire ? » je demande en espérant qu'elle m'en offre un. Je ne demande qu'à clore cet incident, reprendre notre journée de pantouflards où nous l'avions laissée. Finalement, je lâche Joanne et attrape le savon que je pose dans ses mains avec un clin d'oeil. « Tiens, maintenant que tu es là. » Nue, trempée et sous la douche. Autant en profiter. Je me tourne et attrape une autre bouteille pour me savonner. « Je ne regarde pas, juré. » dis-je en référence à sa pudeur. Un détail que je ne peux pas m'empêcher de trouver amusant.