We are the end of the world

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- premiers jours de l'épidémie

« Personne, en effet, mais j’ai envie de te faire confiance. » Tu ne devrais pas. Voilà ce que quiconque lui dirait, je ne suis pas quelqu’un de fiable, je ne l’ai jamais été et n’en ai pas la réputation. Je ne suis pas une menteuse mais dans l’absolu, je me choisirais toujours moi et sauver ma peau si un jour je me retrouvais face à ce choix. C’est ce que je pense en tout cas… Mais je ne réponds rien et mon contente de lever un sourcil, un air énigmatique sur le visage.

J’ai du mal à me souvenir de l’état du coffre de la voiture, mais je ne compte pas m’encombrer de passagers : dans tous les cas nous pouvons continuer à entasser des affaires à l’arrière. « Oui. Il y en a deux plus grandes à l’étage. Si on s’organise bien, ça devrait le faire, je pense. » Parfait. Je hoche la tête et attrape une partie des affaire pour la remonter derrière nous.

Une fois dans la maison, nous montons à l’étage y récupérer le contenu des salles de bain. Il n’hésite pas lorsqu’il travers le couloir, mais je l’épargne sans qu’il n’ait à me le demander. Moi, en mettant les pieds dans la plus grande des deux salles de bain, je ne serai pas hantée par les image de ce qu’il s’est passé ce matin. « Je trouve aussi et je te laisse te charger des médocs. » Je pose ma main sur son épaule et hoche la tête, attrape une trousse de toilette vide et disparais dans la pièce en question. J’ignore les traces de sang, et vais à l’essentiel : sans trier j’ouvre les armoires et récupère tout ce que j’y trouve. Je n’ai pas envie de m’attarder dans le coin, je ferais un tri entre l’utile et le superflu plus tard.

La tâche nous prends des heures, mais lorsque c’est chose faite j’ai l’impression d’être épuisée. « Des vrais petits campeurs. » Je me retourne vers lui, et passe une main dans mes cheveux. « Une première pour moi. » Mais il doit s’en douter. « Où tu veux à l’étage. Ce n’est pas la place qui manque. Tu veux mon ancienne chambre ? » Je me fiche de la chambre à vrai dire. Je suis si fatiguée que je pourrais m’endormir à même le seul, pour peu que des terreurs nocturnes ne viennent pas m’emporter. Elle le feront si je suis seule, j’en ai bien peur. « Avec moi ? Si tu n’as pas envie d’être toute seule… Toi non plus… » Il se dirige vers l'escalier et me tends la main. Je n’ai pas besoin de réfléchir pour y glisser la mienne. « Je n’ai pas envie d’être seule. » Nous avons passé tout notre temps ensemble depuis le début de tout ça, et je ne suis pas prête à me retrouver sans lui. Je le suis à l’étage, retire mon jean et me glisse entre les draps. Lorsqu’il m’y rejoins je ne réfléchis pas avant de me blottir contre lui, en quête de réconfort, de sécurité.

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Nous avons ramassé et entassé le plus gros de notre futur paquetage sur la table de la salle à manger et, en l’observant, je songe que nous avons de quoi être fier de nous, mais effrayé également. Sur notre route, le danger nous guettera. La mort nous attendra à chaque carrefour. Nous avancerons perpétuellement dans un brouillard épais puisque nous ne pourrons jamais anticiper ce que nous croiserons sur notre chemin. Les potentiels survivants ne seront jamais plus nos ennemis, car en temps de guerre – et nous nous préparons à en mener une – l’opportunisme et l’égoïsme sont des réflexes de survie. Nous ne pourrons jamais rester trop longtemps au même endroit non plus. Au contraire, nous attirerions l’attention des âmes les plus malveillantes. Et, elle me demande où s’installer pour le reste de la nuit ? D’instinct, j’ai eu envie de lui souffler : je m’en fous, mais avec moi. Je l’aurais fait aussi brusquement si je n’avais craint d’être pathétique, si je n’avais pas jugé de lui cacher mes propres angoisses. J’ai dissimulé l’aveu derrière une proposition que ma main tendue a signée. Elle s’en est saisie, je l’ai conduite à l’étage et, après un détour par la salle de bain – la plus petite et la plus éloignée - je nous ai enfermés dans la chambre. Je fus à peine surpris qu’elle vienne chercher de la sécurité au creux de mes bras. Je le fus bien davantage par la sagesse de mon regard. Je ne l’ai pas regardée se déshabiller. Ne l’aurait-elle pas fait que je l’aurais enlacée de moi-même. C’est relatif comme réconfort, mais la chaleur de son corps contre le mien a balayé mes idées noires. « Quand tu es partie avec ce type… » Le mec que la communauté appelle Jack. « …j ’ai cru que tu avais abandonné. Pourquoi tu ne l’as jamais fait ? » lui ai-je chuchoté, curieux, mais d’une voix chargée de sommeil. « C’est ma question évidemment ». La précision en valait la peine. La réponse m’intéresse et je l’attends, les yeux fermés, mon menton posé sur le haut de son crâne et mes bras entourant sa taille fine. Après quoi, je m’endormirais certainement, sans demander mon reste, et priant pour me réveiller en pleine forme. Je rêve de dormir jusqu’à me débarrasser de toutes traces de fatigue. Ce fut la nuit la plus sage de l’histoire étant donné nos desseins d’il y a moins de quarante-huit heures. Je me suis réveillé avant elle, la faim aux ventres et les muscles tendus. Il était tôt encore alors je suis resté là, soucieux de me rendormir. Je rivalise avec les hiboux. Je ressasse sur les événements de la veille. J’ai peur que me fugue le sommeil et, en quête d’omission, j’ai resserré la pression de mes bras autour d’elle. Son dos contre mon torse, j’ai enfoui mon nez dans ses cheveux et j’ai respiré profondément son parfum, entêtant et rassurant surtout : j’ai fini par me rendormir pour ouvrir l’œil tard dans la matinée.

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- premiers jours de l'épidémie

C’est particulier et j’ai du mal à savoir ce que je ressens alors qu’il m’entraîne à l’étage. Il n’est pas question d’attraction ou de tension sexuelle alors que c’est bien là tout ce que j’ai ressenti pour lui pendant ce temps. Non, ça n’a rien à voir et lorsque je retire mon jean je ne le fais pas sensuellement le priant pour qu’il me regarde. Je n’ai pas tenu à dormir à ses côté pour en profiter pour l’allumer et le faire basculer une fois que nous serons tous les deux l’un contre l’autre sous les draps. Je ne l’ai pas attiré à moi pour l’embrasser et qu’il finisse de m'effeuiller, je n’ai pas dégrafé mon soutien gorge en l’invitant d’un regard brûlant à venir poser ses lèvres sur ma poitrine. Non, j’ai ressenti le besoin de dormir contre lui parce que je n’envisage pas possible de trouver le sommeil seule dans cette maison après tout ce qu’il s’est passé. Parce que sa présence me rassure et m’aide à ne pas perdre pied. Je me suis collée contre lui parce que j’ai besoin de chaleur humaine et parce que ce contact m’aide à fermer les yeux sans être assaillie par mes pensées. Je suis restée là, face à lui et mon front contre son torse un moment, avant de me retourner pour qu’il passe ses bras autour de ma taille et m’attire encore plus près, son torse collé dans mon dos. Là, dans ses bras, j’arrive à renouer l’espace d’un instant avec un sentiment de normalité. « Quand tu es partie avec ce type… » Je l’écoute attentivement sans rouvrir les yeux. De quel type parle-t-il ? Je suis une séductrice invétérée, des hommes j’en ai charmés et ramené chez moi un certain nombre durant les derniers mois. « J’ai cru que tu avais abandonné. Pourquoi tu ne l’as jamais fait ? » Je crois me souvenir de quel soir il parle et de toute façon cela n’a pas d’importance. Ce soir là, quel qu’il soit, il m’a observée. Il m’a observée assez pour noter mes actes et peut-être ressentir de la jalousie. « C’est ma question évidemment. » Je rouvre les yeux et laisse échapper un rire. « Oh, si c’est ta question alors… Je ne peux m’y soustraire. » Elle est presque trop facile, et je n’envisage même pas de ne pas y répondre. « C’était pas un signe d’abandon. A mes yeux ça avait rien à voir en fait. » Je n’ai pas fait voeux de chasteté jusqu’à que je parvienne à mettre la main sur lui. Amos, je ne l’envisageais que comme un amant. « Pourquoi fréquenter d’autres hommes aurait-il voulu dire que j’abandonnais l’idée de... » De quoi ? De l’attirer dans mes filets ? Je penche pour une tournure plus neutre. « De t’avoir ? » Je marque une pause. « J’abandonne jamais. Ou si, je l’aurais fait si j’avais senti que je n’avais aucune chance. Mais c’est pas ce que j’ai senti... » Et il me l’a prouvé depuis, qu’il était intéressé.

Je ne profite pas de l’occasion pour lui souffler une question à mon tour, je tombe de sommeil bien plus tôt, et dans ses bras, j’arrive à me reposer réellement sans qu’il soit agité de mauvais rêves. Quand j’ouvre l’oeil, ses bras sont encore entourés autour de moi et je ne bouge pas, je profite encore un peu de cette trève avec notre nouveau quotidien.

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L’espace d’un instant, j’ai imaginé qu’elle se dérobait de l’essentiel de ma question. Je ne cherche pas à ce qu’elle se justifie par rapport à ses mœurs somme toute légères. Dans les faits, et durant cette ère révolue, elle était libre de draguer qui elle souhaitait, de ramener autant d’hommes qu’elle en avait envie de ses appartements. Qu’elle tente vainement – ou presque – de me charmer n’a jamais induit qu’elle se mue en bonne sœur. Je n’étais pas synonyme d’exclusivité ou de fin. Je crois au contraire que ça m’aurait effrayé qu’elle s’acharne dans l’espoir de m’accrocher un fil à la patte. Ce qui m’étonnait, et c’était l’objet de ma curiosité, c’était pourquoi faire preuve d’autant de détermination si, quand je suis tout prêt, à la dévisager et à l’envisager, elle choisit de s’enfuir au bras d’un autre. Pour moi, ça n’avait aucun sens de passer aussi volontairement à côté de sa chance. Certes, ça avait réveillé mon ego. J’avais détesté qu’elle s’éclipse sous mon nez. J’y avais pensé la nuit durant. Mais, la manigance n’était pas une ruse de sa part pour autant. Au contraire, il aurait fallu qu’elle soupçonne mon inclination et… et c’était le cas. J’ai ouvert les yeux presque brusquement, j’ai réajusté ma position contre son corps et, bien qu’éreinté, j’ai commenté : « A cause de ce baiser ? » Somme toute frustrant, pour moi, mais certainement pour elle également. Je fus tenté de lui demander si elle y avait songé elle aussi, s’il l’avait bousculée autant que moi. J’ai hésité parce que mes raisons sont mal intentionnées. Je ne l’interrogerais pas parce que c’est réellement important – je suis certain que mes hypothèses s’approchent de la réalité – mais parce que discuter de ce nous d’avant l’apocalypse m’empêche de penser à ce que nous vivons, ce que j’ai vécu et ça, c’est malsain. Terriblement. Je m’abstiens. Je souffle : je vois, bonne nuit, essaie de te reposer. Je le pense, vraiment. Je crois même que c’est possible puisque déjà je sombre dans un sommeil sans rêve. Si je me suis réveillé une fois dans la nuit, je n’ai définitivement ouvert les yeux que tard dans la matinée. Raelyn était toujours là, à côté de moi, mais sa respiration peu profonde m’avertit qu’elle ne dormait pas non plus. « Il va falloir qu’on le fasse, pas vrai ? » Quitter cette bulle, se préparer, partir, fuir. « Je peux réclamer encore cinq minutes comme un gosse ? » Je n’en suis plus un depuis longtemps, mais je ne suis pas du matin et ça, ce n’est pas près de changer. « Bonjour. Bien dormi ? » ai-je finalement soufflé en posant un baiser sur son épaule nue, sans ambiguïté. Elle était la seule à disposition.

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Ce soir là je l’ai senti jaloux, peut-être un peu déçu que je cesse de le flatter de mon attention pour la diriger vers un autre, malgré quelques coup d’oeil appuyés dans sa direction, mais je ne l’ai pas senti prêt à craquer et déposer les armes à mes pieds. Je ne suis pas en mesure de dire si cela aurait changé quelque chose à mon comportement, non, certainement pas j’aime trop jouer et provoquer, mais je n’imaginais pas jusqu’ici que cela ait pu provoquer chez Amos tant d’émoi. Je n’avais pour être honnête même jamais fait le rapprochement avec ce baiser torride qu’il me vola quelques jours après. « A cause de ce baiser ? » Je fais la moue même s’il ne peut pas le voir, avant de m’abandonner à lui, de laisser ma tête appuyée contre son torse sans chercher à la retenir. « Non. Enfin il a confirmé que je n’étais pas folle et ne me faisais pas d’idée, mais je le savais déjà. A cause de la façon dont tu me regardais je pense, et de ces fois où tu… Où tu te laissais un peu plus aller. » Où il abandonnait sa retenue pour rentrer dans mon jeu. Je sais lorsque je plais à un homme.

Je me réveille de la même façon que je m’endors et, peu désireuse de le réveiller j’y demeure sans un bruit, profitant de la chaleur de son corps. Il ne tarde pas à se réveiller à son tour. « Il va falloir qu’on le fasse, pas vrai ? » Le noeud autour de mon estomac s’était levé, mais il se resserre instantanément. Partir, fuir, affronter à nouveau ces choses. Je ne réponds pas, mais je sais comme lui que la parenthèse touche à sa fin. « Je peux réclamer encore cinq minutes comme un gosse ? » Ses lèvres se posent sur mon épaule et je ferme les yeux quelques secondes. « Bonjour. Bien dormi ? » Je me retourne dans ses bras pour lui faire face, et glisse un bras sous ma tête. « J’allais t’en demander dix. » Dix de plus dans ses bras. « Oui, le mieux possible étant donné les circonstances. » Grâce à sa présence. Je me penche vers lui et ce matin c’est moi qui lui dérobe un baiser. Sans trop savoir pourquoi, galvanisée par sa présence contre moi toute la nuit, je passe mes bras derrière sa nuque et l’attire à moi, je dépose mes lèvres contre les siennes et y dépose un baiser profond.

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Et peu à peu, nous nous détendons. Les choses sont dites, les doutes sont levés et je m’en sens un peu mieux. Je n’oublie rien de ces derniers jours, mais cette sage proximité entre nous, la chaleur de son corps à demi-nu contre le mien, ça m’apaise. Certes, avant de m’endormir, j’ai ricané. Me laisser aller n’était peut-être pas la meilleure façon de décrire ces fois où je me prêtais à son jeu de séduction, ces fois où j’y prenais part volontairement et sciemment, relançant quelques fois la machine. Mais, ça m’a amusé. Alors avant de fermer les yeux, j’ai conclu d’un : « Non, tu n’étais pas folle ». Non ! Elle ne s’était pas fait des idées. Mais, est-ce bien important finalement ? C’est derrière nous ou presque. Je me suis réveillé l’anxiété au cœur au vu de ce qui nous attendait. Réclamer quelques minutes supplémentaires, c’était une façon de retarder, d’émerger du brouillard matinal en douceur. Pourquoi se brusquer ? Désormais, notre seule responsabilité était de survivre, plus de gagner sa croûte pour payer un loyer. Aussi, après avoir flatté son épaule d’un délicat baiser, j’ai pris la peine de détailler ses traits chiffonnés d’être à peine éveillé tandis qu’elle s’est tournée vers moi. « Dix ? » ai-je fait mine de réfléchir, un sourire rehaussant le coin de mes lèvres. « Allez, soyons fous, quinze. » J’ai resserré mes bras autour d’elle et j’ai clos les paupières. Autant dire qu’elle m’a surpris quand ses lèvres ont posé sur les miennes un baiser à la dérobée. Du moins l’était-il au départ. Elle a passé la nuit contre moi, dans mes bras, en petites culottes. Je me suis endormi avec les images de l’amorce d’une nuit torride avant que tout ne dérape. Sans l’épuisement et cette sensation de profiter d’une situation pour reprendre là où nous en étions restés, sans doute l’aurais-je houspillée un peu, histoire de lancer les dés de la partie inachevée. Aujourd’hui matin, les chances d’être rattrapé par les scrupules sont maigres, voire inexistantes alors qu’elle m’attire à elle, sa bouche toujours contre la mienne, pour échanger cette fois un baiser plus appuyé. Difficile de verser dans la mesure et la raison. L’apocalypse modifie les perspectives. A quoi bon lui résister en sachant que, demain, ce soir peut-être, nous serons morts ? Pourquoi le ferais-je alors que son corps appelle le mien et qu’il brûle de lui répondre ? Pourquoi ? Durant quinze secondes, j’ai cherché une bonne raison de ne pas le faire. Je n’ai déniché que son contraire. Dès lors, mes mains ont vagabondé de sa taille à ses flancs jusqu’à sa poitrine rebondies. Ma bouche a glissé jusqu’à son cou. Ma jambe s’est glissée entre les siennes et juste là, proche de son oreille. « 15 min ou aussi longtemps que nécessaire. » Quitte à céder avec pour toile de fon la fin du monde et s’il s’agit de notre première et dernière étreinte charnelle avant le jour de notre mort, autant ne rien bâclé autant que ça soit grandiose.

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Là, mon dos contre le sien mon esprit s’échauffe. Se mélangent beaucoup de choses : le désir que je ressentais pour lui avant tout ça, cette attraction en partie basée sur le fait qu’il se refuse à moi, le contrecoup de l'adrénaline, une reconnaissance nouvelle que je ressens à son égard, parce qu’il ne s’est pas contenté de rester à mes côtés, il m’a entraînée dans sa fuite sans se poser la moindre question, il m’a protégée et il me fait comprendre qu’il ne m’abandonnera pas, cette sensation que les considérations d’hier n’ont plus aucune importance aujourd’hui et que nous n’avons plus à nous soucier du Club, des règles, d’un lendemain qui serait étrange. Cette nuit nous fuirons. Cette nuit marquera une rupture nette avec la vie que nous avons menée jusqu’à présent, c’est aussi la dernière avant longtemps que nous passons entre des draps confortables, sans la peur au ventre, et c’est peut-être la dernière tout court. Alors pourquoi attendre plus longtemps ? J’en ai envie depuis le début et il m’a prouvé l’autre soir qu’il en avait envie lui aussi. J’étais trop épuisée la veille pour que le contact de mes jambes nues contre les siennes de fassent naître la perspective d’un corps à corps brûlant dans mon esprit, mais reposée je ne peux chasser le désir de mon esprit. La peine et la peur ne sont constituent-elle pas un motif comme un autre ? « Dix ? Allez, soyons fous, quinze. » Plus, finalement j’en veux bien plus, et je le lui fait comprendre en déposant d’abord un baiser tendre sur ses lèvres, puis en l’attirant à moi pour l’approfondir. Il en a autant envie que moi, son corps réagit instantanément à notre proximité. Ses mains remontent le long de ma taille et s’attardent sur ma poitrine et lorsqu’il se sépare de moi je perçois nettement la lueur de désir dans ses prunelles. Ses lèvres glissent dans mon cou, sur mon épaule et il vient y murmurer, là, son souffle sur ma peau. « 15 min ou aussi longtemps que nécessaire. » Aussi longtemps que nécessaire. Ce moment je l’ai trop attendu et, s’il aura finalement une saveur différente de celle à laquelle je m’attendais, je compte bien en profiter. Profiter de ses mains qui glissent sous mon t-shirt large pioché au hasard dans ses affaires d’adolescent, de ses lèvres qui flattent mon corps et en découvrent les courbes, des miennes qui s’aventurent sous son boxer, de son corps nu contre le mien pour la première fois et qui finalement, l’épouse parfaitement.

Je ne sais quelle heure il est lorsque, en nage, je me laisse retomber contre lui et qu’il resserre son bras autour de mes épaules. Mais je suis prête à parier que nous avons très largement dépassé le temps qui nous était impartis. Là, dans sa chambre d’adolescent, j’ai enfin récolté le fruit de plusieurs mois de jeu du chat et de la souris, et je ne sais s’il s’agit des circonstances ou de l’attente, certainement des deux, mais notre étreinte fut d’une intensité rare. Alors je ferme les yeux un instant, mais je finis par gagner le combat contre mon envie de me laisser aller à me reposer, à profiter de cette douce détente qui se diffuse toujours dans mes muscles après l’amour. Je me redresse sur mon coude et je l’observe. « J’ai bien peur qu’on ait dépassé... » Et qu’il faille fermer cette douce parenthèse pour préparer notre fuite. Je me répugne à être celle qui s’y décidera, alors que je me penche sur lui pour lui voler - encore - un baiser.

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Bien sûr que ça nous pendait au nez. L’attraction a mijoté lentement, d’abord à feu doux, puis sur une flamme nue. Elle s’est amplifiée bien avant l’épidémie et si cette dernière l’a ralentie, il m’a semblé, à la cave, qu’elle s’employait à reprendre ses droits sur la raison et sur la situation surtout. Ce matin vérifie l’hypothèse. Raelyn me le confirme d’un baiser, puis d’un autre que nous partageons, qui nous conduit devant les portes d’un ébat brûlant. Et je devrais résister ? Encore ? Alors que ça fait un bout de temps que je n’ai plus envie de faire la fine bouche ? De jouer les types indifférents et inaccessibles ? Je suis fatigué de faire semblant. Je ne suis pas un Saint et je ne l’abuse en rien. C’est elle qui a relancé la machine… pour mon plaisir cependant. Je n’ai rien d’une victime. Je me laisse au contraire embarquer dans le train du plaisir. Je découvre ses formes avec allégresse, je les flatte, je les louange de mes lèvres. Je la débarrasse de ses quelques vêtements et je la détaille je la mange des yeux. Elle est magnifique, je le pense et je le dis. Je ne réfléchis pas, je prends ce qu’elle m’offre et je fais honneur à son cadeau jusqu’à ce que je m’écroule mollement sur le matelas. Je suis un peu engourdi, la tête me tourne un peu et j’en profite. Je profite de ces derniers instants hors du temps avant d’affronter la suite. Je profite de ce qu’elle repose encore au creux de mes bras pour embrasser le haut de son crâne. C’était intense, voire dément. Malheureusement, il faut avancer, me défaire de ses bras et retrouver le chemin vers la survie et oublier cette digression jusqu’à ce que le souvenir nous assaille et nous arrache un sourire. « Bah… il n’y a personne qui nous attend avec un fouet pour nous rappeler à l’ordre. » ai-je chuchoté, les yeux clos. « Mais, il va falloir qu’on bouge oui. Qu’on mange un morceau, qu’on boucle nos affaires. » Le dire, c’est donner corps à l’urgence. J’ai cueilli un baiser supplémentaire au creux de ses lèvres. Je l’ai serré à nouveau contre moi, tant que c’est autorisé. « Dans 3 minutes. » Je me suis étiré, je me suis fait la réflexion que je pourrais rester là jusqu’au lendemain matin. « Tu veux un café ? »ai-je finalement proposé alors que j’embrasse le haut de son crâne et que je m’assois sur le bord du lit. Je cherche mon boxer, je l’enfile, mais avant de me lever, je tourne les yeux vers elle une dernière fois. « J’en bois un puis je ramène tout ce qu’on a dans la voiture. » Et ces mots, prononcés presque nonchalamment, m’on fait l’effet d’une claque.

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Là, alors qu’il me glisse à quel point il me trouve belle, à quel point il a envie de moi, alors que mon corps épouse parfaitement le sien et que je suis emportée par plusieurs vagues de désir successives, je n’ai pas besoin de simuler tous le désir que je ressens. La fièvre au fond des mes yeux parlent pour moi et si je ne sais pas forcément à quoi attribuer l’intensité du moment, je suis bien obligée d’admettre que les circonstances particulières rendent cette première fois assez unique en son genre. Quand la jouissance nous emporte tous les deux et qu’il me tient dans ses bras, je n’ai pas envie de m’échapper, certainement pas pour que ce qui semble être notre nouvelle réalité s’impose à nouveau à moi. « Bah… il n’y a personne qui nous attend avec un fouet pour nous rappeler à l’ordre. » Non, mais une armée de morts-vivants qui veulent faire de nous leur quatre heure, l’armée dont il est impossible d’appréhender la réaction, et les vivants. Ce seront eux les pires, je le sais pour avoir côtoyé pendant des années ce que l’humanité fait de mieux en terme de raclures. « Mais, il va falloir qu’on bouge oui. Qu’on mange un morceau, qu’on boucle nos affaires. » Je suis prise d’une appréhension sans nom : la parenthèse aura été de courte durée. « Dans 3 minutes. » Trois minutes. Je hoche la tête et enserre son torse de mes bras en fermant les yeux. Trois minutes. « Tu veux un café ? » Déjà ? J’ai à peine eu la sensation de profiter de l’odeur de sa peau et de son souffle sur la mienne. « Je dis pas non. » Il m’en faudra bien dix autres pour arriver à me sortir de mon agréable torpeur. Il m’embrasse le sommet du crâne avant de se redresser. Si les circonstances avaient été différentes, je n’aurais pas rougi d’utiliser mes charmes pour me faire offrir un petit déjeuner au lit. « J’en bois un puis je ramène tout ce qu’on a dans la voiture. » Je me redresse à mon tour, étire mon corps gracile, avant de rassembler mes vêtements et sous-vêtements. « Je prends une douche rapide et je te rejoins en bas. Il est quelle heure ? » Il nous reste combien de temps ? Je jette machinalement un coup d’oeil à mon téléphone que j’ai pu recharger dans la nuit, constatant, un pincement au coeur, que je n’ai reçu aucun message. « Tu crois pas qu’on devrais allumer la télévision ? Voir ce qu’il se dit, ce qu’il se passe dehors. » Pendant que nous nous vautrons dans la luxure comme des adolescents.

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Ce fut le genre de sensations qu’on approche rarement lors d’une première étreinte et, si j’en suis encore un peu pantois, je soupçonne que les circonstances ont pipé les dés. Mais, en définitive, qu’importe ? On s’en souviendra longtemps, peut-être même avec un regain de désir. Il sera normal, lui. Il nous permettra au minimum d’échapper à la réalité qui nous attend, celle que je retarde de trois minutes supplémentaires. M’éloigner d’elle est un véritable supplice. Je dois me faire violence pour détacher mon corps collé au sien : je m’y sens bien. « Je te fais ça. Tu vois que je suis adorable. » Je suis moi-même surpris par ma délicatesse quand j’ai pourtant le réveil difficile. Peu à peu, je renoue avec notre objectif et mes responsabilités. Elle ne m’a rien demandé, Rae. Mais, je me sens en effet investi de la mission de nous protéger d’une mort prochaine. Assis sur le bord du lit, prêt à me lever pour descendre dans la cuisine, filtrer la caféine, je tique alors qu’elle annonce qu’elle va prendre une rapide douche. Je comprends, mais ça me déplaît et, d’instinct, sans réfléchir, j’ai dit : « Non ! » J’aurais bien avancé que nous manquons de temps et qu’il serait presque plus malin de se doucher avant de partir, juste avant. Quand pourrions-nous nous laver après aujourd’hui ? « Plus tard… Fais le plus tard. Garde-moi un peu près de toi. » Mon sourire est une provocation. « Et si on fait vite, on pourra même profiter d’un bain. » On ? Elle et moi, ensemble ? Séparément ? Nous ? Ce sera au bon vouloir de madame. « Et je ne sais pas quelle heure il est. 12h sans doute. » Son téléphone n’est pas loin. Elle pourra confirmer ou non. « On partira dès que la nuit sera tombée. » Ai-je répété alors que nous avions déjà accordé nos violons sur la question. «Allez. » J’ai frappé mes cuisses, je me suis levé d’un bond. La motivation vient en travaillant. « C’est une bonne idée. On en saura peut-être plus. La télécommande est rangée dans le buffet de la télévision, dans le salon, premier tiroir » l’ai-je avertie dans l’hypothèse où sa quête de la veille ne l’ait pas portée jusque là. « Je t’apporte un café. Tu veux manger un truc tant que j’y serai ? » En attendant la réponse, j’ai enfilé mon jeans et mon t-shirt. J’ai ensuite emprunté le chemin vers le couloir, mais je me suis ravisé. Je n’ai pas envie d’être trop froid et d’envoyer les mauvais signaux. Je ne regrette rien de cette nuit. J’entre simplement et peu à peur en phrase de concentration. Trop point n’en faut cependant. Aussi, me suis-je penché sur elle, j’ai glissé ma main dans la chute de ses reins et je l’ai embrassée une dernière fois avec autant d’engagement que celui de ce matin, celui à l’origine de notre ébat.

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- premiers jours de l'épidémie

« Je te fais ça. Tu vois que je suis adorable. » J’ai gagné un café à la sueur de mon front, et je me fiche que ce genre de chose - qu’il se lève et propose de me préparer une boisson chaude puis plus tard le petit déjeuner - m’aurait rebutée avant. Que l’on agisse comme ça avec moi après une première nuit m’aurait faite détaler, mais les circonstances sont si particulières que j’ai besoin de cette tendresse, qu’elle me rassure autant qu’elle me permet de ne pas perdre pied. « Non ! Plus tard… Fais le plus tard. Garde-moi un peu près de toi. » Je comprends garde mon odeur sur ta peau et je trouve ça diablement sexy. « Et si on fait vite, on pourra même profiter d’un bain. » L’argument suffit à me convaincre. J’ai beau savoir que nous devons fuir et que notre vie risque de devenir terrorisante dans quelques heures, j’ai besoin de me complaire un peu plus dans les réminiscence de cette nuit, et de conserver ce semblant de normalité tant que possible.
Raelyn « Va pour un bain si tu t’y glisse avec moi. » Je me doute que c’est à ça qu’il pensait, mais je mets les choses au clair. « Et je ne sais pas quelle heure il est. 12h sans doute. On partira dès que la nuit sera tombée. » Midi. La nuit tombe entre 17h30 et 18h en cette saison à Brisbane. Cela nous laisse six ou sept heure si nous voulons partir à la nuit tombée, un peu plus si nous voulons rouler en pleine nuit. « Allez. » Il claque ses cuisse et se lève, fermant cette agréable parenthèse. « C’est une bonne idée. On en saura peut-être plus. La télécommande est rangée dans le buffet de la télévision, dans le salon, premier tiroir. » Je pousse un soupir, réalisant que bientôt, moi aussi je me rhabillerai et me lèverai. Je quitterai ce lit et n’y reviendrai plus. J’ai une boule au ventre que je n’arrive pas à faire disparaître. « Je t’apporte un café. Tu veux manger un truc tant que j’y serai ? » J’esquisse un sourire, et pousse le vice jusqu’à accepter. « Puisque tu es adorable… Je ne dis pas non. Et je descend, je vais aller allumer la télévision. » Il revient vers moi avant de disparaître, pour déposer sa main au creux de mes rein sur ma peau nue et de déposer un nouveau baiser langoureux sur mes lèvres. Quand il disparaît, je me relève directement pour ne pas rester songeuse. J’enfile mon sous-vêtement et pioche un t-shirt dans sa commode avant de descendre au rez de chaussée, les jambes restées nue.

Je cherche la télécommande avant de me laisser tomber sur le canapé. Je n’ai pas besoin de zapper sur toutes les chaînes d’information. Elles montrent toutes la même chose : des villes à feu et à sang, des blocages militaires, des défunts évacués des villas résidentielles sous des draps blancs. Le tout me replonge violemment dans les événement que ma parenthèse avec le brun m’avait permis d’occulter. Quand me rejoint au salon, je suis accaparée par les images. Il dépose le petit déjeuner sur la table basse, s'assoit à mes côté et alors qu’il passe son bras autour de mes épaules je pointe la télé du menton. « L’armée a bloqué les grandes villes. On a bien fait de partir tout de suite. » Bientôt les plus petites suivront. Nous devons partir au plus vite.

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Elle m’arrache un sourire, non pas perplexe, mais qui trahit l’évidence. Tant que nous serons dans la maison de mes parents, je prolongerai cette parenthèse autant que possible. Je préserverai cette bulle qui nous écarte de cette fin du monde. Dès lors, j’appuie mon sourire d’un hochement de tête. Cette nuit, je redeviendrai le militaire, concentré sur l’objectif. Je plaisanterai peu. Je serai sur le qui-vive et aux aguets, mais nous n’y sommes pas, pas encore, mais d’ici quelques heures. « Et tu as raison, il faut savoir en profiter, je ne le suis pas souvent. » ai-je conclu par un dernier baiser avant de descendre. Je me suis affairé à la cuisine : j’ai préparé deux cafés et j’ai préparé un thermos afin de tenir toute la nuit, j’ai grillé un peu de pain, cuisiné des œufs et sorti quelques restes de la veille. Je ne me suis interrompu que le temps d’un coup d’œil vers le salon dès lors qu’elle l’a investi. Au loin, j’entends les voix du présentateur des flash info. Elles changent vite. Je soupçonne qu’elle zappe et je me dis aussitôt que nous sommes si proches de la normalité que je suis bouffi par une vague d’angoisse. Je n’ai plus envie de partir finalement. J’aimerais pouvoir rester, nous barricader, vivre dans le noir s’il le faut. Sauf que je n’ai pas le choix, nous ne l’avons plus. Je dois surmonter mes craintes, ne pas me laisser gagner par l’anxiété. Alors, pour m’aider – et parce que le petit-déjeuner est prêt – je rejoins Raelyn dans le salon. Je m’assois sur le canapé, une jambe sous moi, mon café à la main et une main autour de son épaule. La chaleur de sa peau, nos parfums mêlés l’un à l’autre sur ma peau, c’est sexy, certes, mais c’est également rassurant. Je me sens déjà plus fort et j’ai encaissé le résumé de la situation sans faillir. « Ouais. Tu as eu du nez, mais pourquoi il boucle ? Qu’est-ce que c’est ? » Que disent-ils de cette espèce d’épidémie ? « S’il ferme les grandes villes, ils vont isoler les villages. Ils parlent d’autres survivants ? » Cette espèce de maladie s’abattait sur tous ? Quel est le pourcentage de contamination ? « L’enfer, c’est les autres. Il me faut un chiffre. J’a besoin de me faire une idée d’où vient réellement le danger. » Car l’Homme est un loup pour l’Homme et, lui, il est rusé, bien plus que ces morts ambulants. « On va peut-être devoir faire l’impasse sur le bain… Dommage. Même si je peux me glisser dans une douche aussi. » ai-je plaisanté sans volonté de la titiller, mais dans une tentative presque désespérée de faire exploser la boule que j’ai dans l’estomac.

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« Et tu as raison, il faut savoir en profiter, je ne le suis pas souvent. » Le baiser qu’il me dérobe, cette main qu’il pose au creu de mes reins me rappelle que tout ça, toute cette sérénité va voler en éclat. Que dès que nous serons descendus au rez de chaussé, dès que j’aurais allumé la télévision ce sera terminé, notre fine bulle de savon explosera et la peur et l’angoisse reprendront leurs droits. Je décide de me lever direction, de ne pas retarder le moment fatidique sous prétexte qu’il est dur à aborder. J’enfile un t-shirt et descend l’escalier, avant de me laisser tomber devant la télévision.

Je ne la regarde pas actuellement, mais je n’ai pas besoin d’être aguerrie du zapping pour savoir que ce n’est pas normal. Qu’habituellement toutes les chaînes ne diffusent pas en boucle les même image. Je ne suis pas impressionnable, mais le bras qu’Amos passe autour de mes épaules me rassure, son odeur mélangée à la mienne me permet de calmer un peu les battements de mon coeur. « Ouais. Tu as eu du nez, mais pourquoi il boucle ? Qu’est-ce que c’est ? » Je n’en sais rien. Je fixe la télévision en fronçant les sourcils depuis tout à l’heure en tentant de comprendre tout ce merdier. « Pour contenir l’épidémie. Apparement c’est un virus qui transforme les gens en ces choses. » Qui relève les morts. Mon dieu mais comment est-ce possible. « S’ils ferment les grandes villes, ils vont isoler les villages. Ils parlent d’autres survivants ? L’enfer, c’est les autres. Il me faut un chiffre. J’a besoin de me faire une idée d’où vient réellement le danger. » Je me blottis un peu plus contre lui, ma main sur sa cuisse et ma tête posée contre son torse. « Ils parlent de deux tiers de contaminés en moins de quarante huit heures. » Un tiers de survivants donc pour l’instant. Et je me doute que ce nombre risque d’augmenter. « Il disent qu’il ne faut pas s’en approcher, surtout pas se laisser mordre ou griffer. » C’est ce qu’il est arrivé à son père, je le réalise et ma voix se brise sur la fin de ma phrase. Evidemment que la contamination va vite. Comment peut-on s’attendre à ce qu’un autre être humain nous charge pour nous mordre, comment réagir correctement lorsqu’on ne sait pas ce qu’il se passe ? Nous allons devoir tirer à vue, j’en suis persuadée. « On va peut-être devoir faire l’impasse sur le bain… Dommage. Même si je peux me glisser dans une douche aussi. » Je ferme les yeux et hoche la tête. « Tu veux partir avant la nuit finalement ? » De mon côté j’ai peur que de nombreuses personnes aient la même idée que nous, et que nous nous retrouvions, jour ou nuit, coincés sur les routes.

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Assis à côté d’elle dans le divan – la mise en route est compliquée – je fixe la télévision avec perplexité. Moi, si pragmatique, j’ai du mal à croire aux images que j’ai sous les yeux : des gens qui courent, qui hurlent, des monstres qui s’agglutinent autour des voitures et qui se substituent au vivant. Ne les aurais-je pas vu de mes yeux la veille, que j’aurais salué le génie de Steven Spielberg tant son prochain film promettait d’être réellement flippant, quoique tiré par les cheveux. « Un virus. » ai-je répété, songeur, en portant ma tasse à mes lèvres. Un virus, c’est une maladie. La grippe est un virus. La varicelle en est un autre. Les symptômes sont divers et variés, allant de la courbature aux démangeaisons, mais d’aucuns, juste ici, d’a provoqué la mutation des morts. D’aucuns ne sont relevés en oubliant les nom et visage et de leur proche. Les oreillons n’ont jamais poussé un gosse à vouloir bouffer sa mère au point qu’elle soit forcée de le tuer de ses mains. « Ils en savent plus sur… d’où il vient, ce virus ? » La question méritait d’être posée. Si nul n’en connait l’origine, il sera compliqué de l’éradiquer complètement. C’est le principe de la malaria et du moustique finalement. « Pas de morsure, d’accord. Les griffures, c’est compliqué. Combien de fois où a manqué d’être égratigné par ces choses. » Elle la première, au Club, et une seconde fois sur le parking du centre commercial. L’angoisse, que ma main sur son épaule était parvenue à contenir, s’est réveillée brusquement. J’ai l’impression que survivre sera en partie impossible. « Il va nous falloir mieux que des T-shirts. Il nous faut des trucs à longues manches, des vêtements qui vont protéger nos bras. » J’aurais bien ajouté que le port du col roulé deviendra obligatoire, mais j’ai craint de verser dans la paranoïa. L’anxiété ne peut régir mes décisions. Je ne peux pas la laisser influencer mon jugement. Alors, je tente l’humour pour m’en défaire un peu, sauf qu’elle est tout aussi tendue que je ne le suis, Raelyn, si bien qu’elle a à peine réagi. Je comprends. C’était de mauvais goût, peu à propos, mais ça m’a au moins permis d’entrevoir l’ébauche d’une idée. « J’hésite, mais on ne peut pas s’attarder. Ce sont des rediffusions. » Peut-être n’y a-t-il plus un seul journaliste en vie pour nous tenir informer de l’évolution des choses. « Si les survivants ont vu les informations hier soir, dans la nuit ou ce matin, ils sont en route vers les coins reculés comme celui-ci, reculés, mais encore trop près de la ville. Alors, oui, je crois qu’il faut partir le plus tôt possible et éviter les voies rapides. » Dans la panique, les accidents seraient légion, il y aurait des morts, mais nul ne l’est plus aujourd’hui. Je ne suis pas certain d’avoir envie que nous soyons pris dans un bouchon avec, notre voisin de file, frappant sa tête contre la vitre dans l’espoir de nous manger. « Ou attendre. Attendre, nous barricader, le temps que la vague de panique passe et partir de nuit demain. Je ne sais pas... j'aurais préféré des nouvelles fraîches pour décider... »

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Je détache mes yeux de la télévision. J’en ai assez entendu, et me concentrer sur le brun m’aide à ne pas perdre pied, parce qu’il me rappelle que je ne suis pas seule dans tout ça et que pour une raison que j’ignore, il semble avoir décidé de s’enchaîner à moi, au boulet que je vais être à son pied. Je suis sportive, mais moins endurante que lui, j’ai aussi, sans appel, beaucoup moins de force physique. Je l’observe intégrer les informations sans rien dire. « Ils en savent plus sur… d’où il vient, ce virus ? » Je secoue la tête. Non, où en tout cas ils ne nous le disent pas si c’est le cas. « Pas de morsure, d’accord. Les griffures, c’est compliqué. Combien de fois où a manqué d’être égratigné par ces choses. Il va nous falloir mieux que des T-shirts. Il nous faut des trucs à longues manches, des vêtements qui vont protéger nos bras. » J’acquiesce. Amos a raison, il va falloir nous protéger de ces choses. « Des vestes en cuir, on peut pas trouver ça ici ? » Je me fiche bien qu’elles soient seyantes, j’ai brusquement revu mes priorité, et la priorité c’est de rester en vie. « J’hésite, mais on ne peut pas s’attarder. Ce sont des rediffusions. Si les survivants ont vu les informations hier soir, dans la nuit ou ce matin, ils sont en route vers les coins reculés comme celui-ci, reculés, mais encore trop près de la ville. Alors, oui, je crois qu’il faut partir le plus tôt possible et éviter les voies rapides. » Je réfléchis, et je tente de garder la tête froide du mieux que je peux. « Beaucoup de personnes ont dû faire le choix de se terrer chez elle. Mais je suis d’accord avec toi, il faudra se tenir éloignés des voies fréquemment empruntées. » Et leur privilégier les petites routes de campagne. Heureusement que nous avons trouvé une carte. « Ou attendre. Attendre, nous barricader, le temps que la vague de panique passe et partir de nuit demain. Je ne sais pas... j'aurais préféré des nouvelles fraîches pour décider... » Mes tripes me disent qu’il faut partir, mais je ne suis pas forcément capable de l’expliquer. « Je veux partir. Je le sens pas du tout de rester ici. » Je ferme les yeux et prends une inspiration. « Tu as raison. Ils vont tout bloquer. Je veux pas qu’on soit bloqué ici. » Et même si ça me coûte de dire ça, parce que cela veut dire que nous allons abandonner cette sérénité temporaire plus vite que prévu, je pense qu’il faut partir de toute mon âme.

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