We are the end of the world
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor - premiers jours de l'épidémie

« On les prendra toutes dans ce cas. » On est d’accord et, déjà, je fais le tour du comptoir pour y chercher de quoi embarquer tout ça. J’y trouve un rouleau de sac poubelle que je déroule et, dans l’un d’eux, je glisse les paquet de cigarette à l’intérieur à la hâte. Je jette le rouleau de sac à Amos pour qu’il puisse en faire de même de son côté, pressée d’en finir avec cet endroit. J’ai un mauvais pressentiment, sans trop savoir ce qui le motive. « Ça te semble bon ? » Je jette un coup d’oeil autour de moi pour tenter de voir ce que nous aurions pu oublier, ce qui pourrait nous être utile et auquel nous n’aurions pas pensé. « Je pense que c’est bon. Un bidon d’huile de moteur peut être ? » Je n’y connais pas grand chose en voiture mais elle semble être devenue la chose la plus précieuse que nous possédons, alors autant la traiter comme la huitième merveille du monde.

Entre la voiture et les provisions que nous avons pu faire avant de fuir, nul doute que nous faisons partie des privilégiés de l’apocalypse, si j’ose employer ce mot. « Ouais ! Je sais. C’est pour ça qu’il faut qu’on se trouve une baraque avec un étage. Et avec un garage, mécanique, il faut qu’on la planque. Si on ne  trouve pas, on… » Déjà des plans se dessinent et je hoche la tête. C’est surprenant de voir à quel point une fois acculé au pied du mur l’être humain est capable de trouver en lui des ressources insoupçonnées, et d’agir sans réfléchir. « Tu penses vraiment que les gens auront déjà quitté leur domicile ? Pas qu’ils s’y terreront ? » Je me demande combien paniqueront et combien réagiront comme Amos et moi. N’y aura-t-il pas une troisième catégorie, ceux qui tenteront d’en profiter pour piller et s’enrichir ? L’argent a-t-il encore la moindre importance ? « On dormira collé serré dans la voiture, si on se trouve une petite place. » Je chasse mes pensées préoccupante pour lui renvoyer un sourire mutin. « Et qu’est ce qui te dit que je suis d’accord pour ça ? » Tout, tout dans mon attitude montre que, période de crise ou pas, je tends à me rapprocher de lui bien plus que de le fuir.

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Raelyn Blackwell & @Amos Taylor - premiers jours de l'épidémie

« Ce que je pense, c’est que ceux qui n’auront pas déserté ce seront barricadés et ça, ça se remarque. » Je hoche la tête, tentant de passer outre l’aspect difficile à avaler de la situation et je réalise que je m’adapte plutôt bien à cette situation qui me semble pourtant si irréaliste : peut être est-ce parce que je ne me suis pas posée pour réfléchir. « Donc on vise les maisons qui le sont pas, barricadées. Tout de suite ? Ou quand on arrivera dans des coins où on ne risquera plus de croiser grand monde ? » Je le houspille puisque j’ai besoin de conserver ce mode de communication pour me donner l’illusion d’en sentiment de normalité. « Du reste, si tu n’étais pas d’accord, tu l’aurais déjà fait savoir... » J’esquisse un sourire et je plonge mon regard dans le sien. J’oublie presque les circonstances et je dois avouer que cela fait du bien. « C’est vrai. » J’admets, sans difficultés, puisque je ne rougis pas d’avoir apprécié la nuit que nous avons passé ensemble.

« Réfléchis y quand même parce que si je dirais pas non à un bon lit… raison de ma première proposition. J’ai pas envie qu’on nous pille et de laisser tout ça. Sans surveillance. »  « De toute façon même si on trouve une maison, j’aurais peur de dormir seule. » Je hausse les épaule, un faux air innocent sur le lèvres. Ce n’est pas tout à fait faux cela dit, mais ce n’est pas ce qui me motive sur l’instant. « Prête ? Toujours pas changer d’avis pour… Dans ce cas, en route !! » Je secoue la tête. « Je pense que c’est le bon choix, de pas aller voir. » Perdre notre vie au profit de notre curiosité me paraît idiot, et à lui aussi puisqu’il semble avoir abandonné l’idée. « Tu connais un peu les terres ou je sors la carte ? » Je l’interroge en revenant vers la voiture et, une fois les affaires rangées, je me glisse côté passager et je l’attrape, la carte, parce que d'étudier notre itinéraire me donne de toute façon l’impression de ne pas être spectatrice de la situation.

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« En étant prudent. » Cela me semble être le minimum, et je hoche la tête pour le rassurer quant à fait que j’ai bien l’intention de l’être, prudente. J’aimerais avoir d’autre ressources que ma prudence pour affronter ces choses, mais pour l’instant c’est bien tout ce qu’il me reste. Quitterons nous la voiture dès ce soir ? J’ignore si je me sentirais en sécurité à l’intérieur d’un foyer qui n’est pas le mien au beau milieu de nul part. Comme être sur que personne ne viendra nous en déloger ? Que personne ne volera la voiture ? Qu’aucune de ces choses ne se cachera dans un recoin ? « Moi non plus. » Nous dormirons ensemble alors, que ce soit dans la voiture où dans les demeures que nous investirons. J’esquisse un sourire. « C’est réglé alors. » Pourquoi nier qu’au delà de notre attraction physique, il y a une certaine alchimie entre nous ? Je me fiche qu’elle soit peut-être liée aux circonstances exceptionnelles, elle existe.

« Mais ça ne me dit pas si tu te sens de la quitter. » Je m’installe côté passager, et je déglutis. « J’en sais rien. Je pense que je saurais le moment venu en fonction d’où on atterrit. » De l’endroit, des alentours, et de mon instinct. « Tu peux me guider. C’est pas le moment de se perdre. » J’ai déjà ouvert la carte avant qu’il ne me le confirme, et je hoche la tête. « Toujours vers le centre du pays ? » En direction de Charleville donc… Je dois dire que l’idée ne me réjouit pas des masses, mais que comparée à ce qu’il se passe dehors ce n’est qu’un détail. Il démarre, et au bout de quelques minutes, il renchérit. « Je gagne quoi d’avoir renoncé à assouvir ma curiosité ? » « Hum, parce qu’il faut forcément y avoir quelque chose à gagner ? » Un sourire étire à nouveau mes lèvres et je tourne la tête vers lui. « T’es sûr de pas être trop gourmand ? » Je le houspille, persuadée de voir où il veut en venir.

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La voiture redémarre, nous quittons la station essence et je renoue avec l’angoisse à peine nous nous retrouvons à nouveau sur la route. Le souvenir de la horde qui nous a frôlé tandis que nous étions prisonnier de la carcasse en métal se rappelle à moi, et je me demande combien de créatures croiseront encore notre route. Dix ? Cinquante ? Cent ? Mille ? Et combien avant quoi ? Nous fuyons mais sans réellement d’idée précise quand à notre destination : nous avons été pris d’une intuition, celle qui affirme que quitter la ville pour s’enfoncer dans les terres ne peut être qu’une bonne décision puisque la population y sera moins dense et, par conséquent, le nombre de morts aussi. Mais ensuite ? Si toutefois nous y parvenons, que ferons nous ? Nous terrer dans une ferme abandonnée en attendant que l’information nous parvienne d’une façon ou d’une autre que tout est terminé ? Mais est-ce que ce sera réellement terminé un jour ?

En proie à l’angoisse, j'accueille avec avec soulagement la tentative d’Amos de détendre l’atmosphère. Il me taquine, il joue et prétend être en droit d’attendre une récompense ou contrepartie après avoir fait taire se curiosité au profit de notre sécurité. Moi, j’entre dans son jeu sans me faire prier. « Gourmand ? Je ne t’ai encore rien demandé. » « Et tu allais ajouter que tu te contenterais d’un merci ou de mon éternelle gratitude ? » J’en doute, si j’en crois le ton de la conversation. « Et il faut toujours quelque chose. Je n’ai pas sacrifié ma curiosité, j’ai fait une concession. Donc, il faut une contrepartie. Je t’écoute… » « Cette concession t’as profité aussi non ? Puisque t’es encore en vie ? » Moi aussi certes, et je lui céderais sans mal et sans rien en échange un nouveau rapprochement puisque j’en brûle d’envie, mais je le houspille pour le plaisir. « Et bien, je t’ai dit. Tu préfère un merci ou mon éternelle gratitude du coup ? » Un sourire mutin étire mes lèvres, et je rajoute à voix basse. « En plus de ça, j’ai déjà dit que je dormirai avec toi. »

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Bien sûr qu’il semble futile de continuer cette parade nuptiale et ces discussions futiles alors que le monde s’écroule sous nos pieds. Mais j’ai besoin de m’accrocher au semblant de normalité qu’il nous reste pour ne pas devenir folle et, pour moi, Amos représente ce semblant de normalité. Le réveil brûlant et passionné que nous avons partagé représente ce semblant de normalité, tout comme la façon dont nous nous cherchons encore en ce moment même. « Ta gratitude ? ça dépend de ce qu’elle comprend. Tu la manifestes comment, ta gratitude ? » « De bien des façons. Ça dépend de qui j’ai en face. » Et le concernant, il sait déjà qu’il m’intéresse. Je me penche vers lui, mutine et provocatrice, avant de rajouter. « Un baiser sur la joue, ça te conviendrait ? » Ma proposition trop sage pour être réelle me tire un éclat de rire, et j’installe mes pieds sur le tableau de bord, aussi détendue que je peux l’être dans ces circonstances.

« Et non. Elle ne m’a pas profité du tout. Deux comme ça, je peux gérer. J’ai vécu pire. Pas souvent vu en revanche. » « Et s’il y en avait eu plus ? » Maintenant que la menace n’est plus immédiate, j’en souris. Mais pour combien de temps ? « Conclusion, je maintiens. J’ai gagné quoi ? » Je réitère, je lui propose ma gratitude ou un simple merci, et il semble déçu. Rien de surprenant à ça, après notre mâtiné enfiévrée. « Et dire que je pensais que tu avais plein de choses à offrir. Je suis déçu. Je t’avoue. » « Peut-être que tu as trop attendu. » Pendant tous ces mois où il m’a soufflé le chaud puis le froid, pendant tout ces mois où il a refusé mes avances sans que je ne comprenne pourquoi. « Peut-être que je n’aime pas être repoussée et que c’est trop tard. » Sauf que cette nuit prouve le contraire, tout comme le regard licencieux que je pose sur lui. « Ou peut-être que je suis trop timide pour te faire des propositions à l’oral. »

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« Je vois… Raconte. Quoi pour qui ? C’est quoi les critères ? » Il joue et il m’amuse. Il a de l’esprit Amos, et je ne réalise à quel point il peut-être un interlocuteur agréable que depuis peu puisqu’avant ça, il usait d’un compteur de mot pour s’adresser à moi, ne dispensant que le nécessaire pour accroître mon désir, mais pas assez pour que j’apprenne réellement à le connaître, et encore moins pour le satisfaire, ce désir. « Si je te le dis, il n’y a plus de mystère non ? » Lui donner les codes et les clés pour me lire ce serait jeter aux orties le beau jeu, et je n’en ai pas l’intention. « Et commence par le baiser sur la joue…. » Outre le fait que je n’ai pas envie de finir dans le décor ou avec l’une de ces choses encastrées dans le capot de la voiture, j’ai trop envie de le faire languir. « Pas maintenant. Tu seras déconcentré, je fais souvent cet effet là. » Il ne tiendra qu’à lui de venir chercher ce pas maintenant plus tard, à présent que je le lui ai promis.

« Il n’y en avait pas plus. Ils ne sont pas discrets. On aurait entendu des grognements. Donc, c’est bien ce que je disais : c’est toi qui me dois quelque chose. » Il s’entête et au delà du jeu, je sens qu’il est borné le brun. Je ne suis pas surprise, je ne me suis jamais retournée que sur des hommes de caractère et il en fait assurément partie. « Si tu le dis. » Plutôt que de lui céder, je préfère cette réponse frustrante. « Toi ? Timide pour en parler à l’oral ? Mais, qu’est-ce que tu as en tête exactement ? » Je ne réponds pas, persuadée que certaines choses font plus d’effet lorsqu’elles sont tues. « Et je n’ai pas repoussée. J’ai fait grimper la température. » Je l’observe, circonspecte. « Fais grimper la température hein ? » Il résistait et il résiste encore, et moi ça me plait. « Tu mens mal Amos. » Et pourtant, si je savais à quel point je me trompe. « T’as de la chance que j’ai particulièrement envie d’y croire. » Je lui adresse un sourire en coin avant de me reconcentrer sur la carte pour lui donner la direction à suivre, entre deux badinages. Pour l’instant la route est calme, mais je doute que cela dure et je ne peux m’empêcher de fixer les environs avec attention.

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« Fais pas de raccourcis. Tu as bien compris que ce n’était pas suffisant. » A nouveau il me harcèle pour avoir la réponse à sa question. Mes critères l’intéresseraient-ils réellement ? N’est-ce pas inutile ? N’a-t-il pas déjà compris, après la nuit dernière, qu’il me plaisait, ou qu’en tout cas il avait ce qu’il fallait pour m’attirer ? Pourquoi a-t-il besoin que je le lui confirme ? Es-ce une question d’égo ? Un besoin de se rassurer ? « Il faudra que tu t’en contente pourtant. » Je ne cède pas, cela ne me ressemblerait que peu. « Je ne le dis pas, c’est vrai. Tu peux le dire, ça n’enlèvera rien à ta valeur. Tu as des tas d’autres qualités. » Je n’admettrais pas qu’il a gagné, qu’il a raison et qu’il m’a prise en flagrant délit d’être terrifiée et que c’est la principale raison pour laquelle nous n’avons pas ouvert la porte de la réserve. Mais qu’aurions nous pu y trouver, de toute façon ? De l’argent ? Ce dernier a-t-il encore la moindre valeur ?

Alors je ne réponds rien, je me contente d’un sourire radieux dans sa direction en espérant qu’il l’accepte comme réponse universelle. « Touché. » « Je les écouterais bien, ces autres qualités que tu me trouves. » Ma langue se délit à nouveau pour le provoquer et je saute à nouveau à pied joint dans notre jeu. Que je l’ai instauré ou qu’il en soit l’instigateur n’a plus la moindre importance à présent : il conclut en résumant ma pensée, nous parlons le même langage sans nul doute. Nous avions peut-être du mal à nous cerner et à nous comprendre il y a quelques semaines, quelques jours encore, mais c’était avant que les circonstances ne changent. « On approche. Il va falloir se tenir prêt. Je propose qu’on traverse une première fois en voiture… En repérage. » Je hoche la tête doucement et je me reconcentre. Nos badinages ne doivent pas nous faire oublier la réalité dans laquelle nous évoluons à présent, et elle est dangereuse, cette réalité. Son doigt pointe le clocher d’une église et je comprends qu’il parle d’un village. « Tu t’es mis en tête de me faire asseoir sur les bancs d’une église ? Je pense qu’il est un peu trop tard pour le salut de mon âme, tu sais... » J’esquisse un sourire qui cette fois ci a surtout vocation à détendre l’atmosphère, et je redeviens plus sérieuse. « Ok pour le repérage. Et ensuite tu veux faire quoi ? Fouiller les maisons ? S’installer ici pour la nuit ? Continuer à rouler ? »

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« Tu veux savoir ? Tu sais ce qu’il te reste à faire. Et je ne te donnerai pas même un avant-goût. » Je l’observe, un sourire mutin sur les lèvres, tentant de me décider sur la conduit à adopter. Oh bien sûr, alors qu’il me houspille, j’ai envie de le mettre en échec et mat d’une main sur sa cuisse ou d’un baiser dans sa nuque. Sauf que j’ai conscience de la situation dans laquelle nous sommes : enfermés dans une voiture sur une route certes déserte mais où à n’importe quel moment pourrait surgir l’une de ces créature ou pire, un horde toute entière. « Rappelle moi de revenir sur le sujet plus tard. » Quand nous serons tous les deux et coupés de cette réalité qui m'effraie.

« Il est trop tard pour toutes les âmes. Il n’y a pas que des bancs dans les Eglises. » A mon tour d’être surprise, et je penche la tête pour l’observer. « T’as l’air de savoir de quoi tu parles. » Je l’imagine bien, le country boy, jeune homme avec une gueule d’ange moins sage que ce qu’il n’y paraissait. « Ce serait un tel blasphème. » « Dans ce cas je suis partante. » Parce que ce n’est pas le genre de chose dont je me formalise, cela va sans dire. « Blague à part, je ne sais pas. J’ai dû mal à définir ce qu’il y a de mieux. Je ne sais même pas ce qu’on va trouver et c’est bien ce qui m’ennuie. » « Tu crois qu’il y a des chances que la maladie, le virus ou je ne sais quoi ne soit pas encore arrivé là bas ? » Après tout, nous avons bien roulé quatre heures dans la journée et nous nous sommes éloignés des villes. Est-ce trop beau que de l’envisager ? « Les vivants sont plus dangereux que les morts. Il y a en aura encore. S’ils voient cette bagnole, on va devenir des cibles. J’aurais presque envie de traverser tout droit et de ne pas revenir en arrière. Revenir pour quoi ? Des medocs ? » « On peut pas la contourner ? » En même temps que je parle, j’ouvre la carte pour l’observer. « Tu en penses quoi, toi ? Je ne veux pas t’imposer quoi que ce soit. » Je réfléchis un instant en jetant un coup d’oeil à nos victuailles à l’arrière de la voiture. « Sur la carte, j’ai l’impression qu’on peut éviter de traverser la ville pour en faisant un détour au nord. » Il nous reste encore au moins une bonne heure de soleil. « On est pas malade, alors j’aurais tendance à dire que pour l’instant, le plus important c’est de protéger ce qu’on a... »