“Ce sont ceux du trois. Ils visent comme des ânes borgnes.” Elle était bien mignonne la blondinette, à vouloir tout lui expliquer, mais Clyde était moins bête que l’idée qu’elle semblait s’en faire. Il souffla sans rien dire, car ce n’était certainement pas le moment de lui préciser qu’il avait des yeux, lui aussi, mais aussi qu’ils étaient bien heureux que le garçon d’en face ne sache pas viser correctement. Avant qu’il n’ait pu tenter de se relever et d’armer son bras, il vit une seconde flèche partir, et eut tout juste le temps de se jeter derrière un arbre avant d’entendre le froissement de l’air sur sa gauche. Un nouveau coup d’oeil à Raelyn pour s’assurer qu’elle aussi n’avait rien, et avant qu’il n’ait pu croiser son regard, il la vit s’élancer sur le tribut qui tenait l’arc. S’il n’aurait pas parié sur elle pour mener l’attaque, il était vrai qu’elle était plus proche des tributs, car elle avait eu l’excellente - ou la très mauvaise - idée de s’approcher du bruit qu’elle avait entendu en premier lieu. Il distingua le poignard dans sa main alors qu’elle bondissait tout en souplesse sur le gamin et réussissait à lui entailler suffisamment le bras pour qu’il lâche l’arc. A cet instant-là, il hésita à s’occuper de la fille, qui avait regardé la scène sans réagir jusque là et semblait moins débrouillarde que son co-tribut, mais il ne faisait aucun doute que Raelyn ne tiendrait pas longtemps au corps au corps face à l’autre. Alors, sans réfléchir plus longtemps, il attendit que le gamin trébuche et s’éloigne de Raelyn pour lancer son couteau qui ne demandait qu’à trancher l’air depuis que Clyde s’était éveillé en sursaut. Et, sans réellement que le brun en espère autant, ni même qu’il s’y attende, la lame vint trancher la gorge du tribut qui s’écroula sur place tandis qu’un coup de canon retentissait presque instantanément. Clyde resta interdit pendant quelques secondes, les yeux fixés sur le gosse qu’il venait de tuer, le premier d’une longue série à laquelle son instinct était prêt à faire face, mais pas sa raison. Oubliant un instant que la gamine du trois était toujours à quelques pas d’eux, il ne pouvait s’empêcher de fixer le corps gisant au sol, inerte.

@Raelyn Blackwell

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J’ignore ce qui me traverse l’esprit à l’instant où je fonds sur le garçon du trois. Ce n’est pas une haine viscérale : il n’était pas mon ennemi avant les jeux le gamin. Il doit avoir mon âge ou à peine plus et, de la même façon que moi et tous les autres, il n’a pas demandé à être ici. Ce n’est pas un carrière, entraîné pour les jeux et qui se serait porté volontaire dans l’espoir de se couvrir de sang et de gloire. Comme moi il a connu la faim, comme moi et comme tous les habitants de district il a certainement connu la mort, la sensation d'étouffer quand l’hôtesse de son district a sorti son nom de l’urne. Nul doute qu’il a été déchiré de devoir faire ses adieu aux siens, persuadés qu’il ne reviendrait pas, persuadée de se mettre en route vers la mort, persuadée de devoir, à à peine quinze ou seize ans, dire adieu à sa vie.

Je ne le hais pas, mais j’ai peur, je suis exténuée, et il nous attaque. Je découvre que, au pied du mur, l’homme n’est qu’un animal finalement et je m’anime sans comprendre. Mon poignard entre les doigts je fonds sur lui et j’entaille son bras. Je n’ai pas hésité et il n’a dû qu’à un mouvement de recul de ne pas être blessée plus profondément : je ne visais pas une entaille et je le sais. J’attaquais pour blesser gravement, pour tuer, pour sauver ma propre peau. Il lâche son arc, et en un battement de cil, s’écroule à terre. Je mets quelques secondes à comprendre ce qu’il s’est passé, quelques secondes avant que je ne vois le poignard de Clyde, que mes yeux se posent sur le blond qui fixe sa victime d’un air hébété, qui ne bouge plus, qui ne voit pas la co tribut du garçon fondre sur lui. « ATTENTION ! » Il ne réagit guère et sans réfléchir je l’écarte et je resserre mes doigts autour de mon fin poignard pour me jeter sur la fille.

Le dé   :

Les yeux du brun étaient restés bloqués sur le tribut du trois qui s’était effondré devant lui, touché en pleine poitrine par le couteau qu’il avait lancé dans l’idée de se protéger, et non pas de tuer. Pourtant, les deux étaient indissociables dans les Jeux, et Clyde venait d’être mis devant le fait accompli - il peinait à réaliser l’envergure de son geste, pourtant persuadé qu’il n’avait pas le choix et qu’il l’aurait refait si l’occasion lui en était donnée. Il lui fallut quelques secondes pour reprendre ses esprits, ce qui suffit à la tribut du trois pour se diriger vers lui avant que Raelyn ne réagisse. “ATTENTION !” Ce ne fut que lorsqu’elle sauta littéralement sur la fille avant de rouler par terre avec elle que Clyde sortit de sa torpeur pour prendre conscience que le danger n’était pas encore écarté - mais après tout, l’était-il jamais dans les Jeux ? Il regarda les deux tributs rouler à terre, bien impuissant avec sa hache dans la main. Il pourrait trancher la gorge de n’importe qui d’un coup, mais vu la lutte acharnée que les deux filles se livraient, il ne pouvait réellement prédire celle de qui il toucherait. Clyde restait aussi proche que possible, prêt à intervenir à n’importe quel moment - ce dont Raelyn n’eut pas besoin, puisqu’elle finit par profiter d’un instant d’inattention de la tribut du trois pour lui enfoncer son couteau en plein milieu de l’abdomen. Une expression de surprise teintée de douleur intense s’afficha sur les traits de la fille qui perdit rapidement connaissance, alors qu’un nouveau coup de canon se faisait entendre - ce qui ne tarderait certainement pas à intriguer les carrières, car deux coups consécutifs étaient rarement synonymes de morts accidentelles. Les deux avaient intérêt à rester sur leurs gardes, et pourtant, le fait d’avoir été attaqués signifiait sûrement qu’aucun autre tribut n’était dans les parages actuellement. Clyde prit donc le temps de se pencher sur Raelyn et de lui tendre une main pour l’aider à se relever. “Ça va ? T’es blessée ?” Difficile de dire à qui appartenait tout ce sang. Il finit par faire quelques pas pour retirer son couteau du corps de l’autre tribut en grimaçant, avant de l’essuyer dans la mousse environnante et de le repasser à sa ceinture.

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Je saute sur la gamine sans chercher à comprendre ce qui me motive et surtout, ce qui m’en donne le courage : je crois que dans ce genre de situation il n’est plus question ni de bravoure ni de bêtise, mais simplement d’instinct de survie. Bien sûr c’est sur Clyde qu’elle fond, mais elle attaque et, par conséquent, je défends sans me soucier de mes chances de survies. Elle sont un peu moins bonnes que les siennes de prime abord : elle n’est pas bien épaisse mais doit faire une bonne tête de plus que moi. D’ailleurs, lorsque mon corps frappe le sien, c’est moi qui bascule en arrière. Je me retrouve écrasée sous son poids et, même si je me débats comme une diablesse, la pensée que ma fin est venue traverse mon esprit. Je n’ai plus la moindre limite : son bras qui tient son couteau, je le mords de toutes mes forces. Cette fille mérite peut-être de vivre, mais lorsque son poing s’abat sur mon visage en réaction à ma morsure, qu'elle m'attrape violemment les poignets en me les broyant, avant de me soulever pour cogner l’arrière de mon crâne contre le sol, je n’ai plus qu'une seule envie : la tuer. Je tends ma main vers le couteau, tombé dans ma chute, et je parviens à refermer mes doigts autour du manche.

La mort, elle ne la voit pas arriver. Lorsque le couteau s’enfonce jusqu’à la garde dans son abdomen, je vois ses yeux s’écarquiller et son visage se figer en un hoquet de douleur. Le coup de canon survient vite : au moins, j’ai été efficace. Je ne me sens pas effondrée. J’ai tué, mais pour l’instant, j’ai surtout l’impression d’être vide. « Ça va ? T’es blessée ? » Je relève les yeux vers Clyde, je tente de distinguer mon sang de celui de la fille, mais je n’y parviens pas, alors j’annonce simplement, avec un calme qui glace le sang. « Il faut s’éloigner. L’hovercraft viendra pas la chercher si on est là. » Je jette un coup d’oeil au garçon. « ...Les chercher. » Je me redresse, je retire mon couteau du ventre de la tribut du trois, et je l’essuie sur la mousse. « On se lavera un peu plus haut. » Moi je suis couverte de sang, et à l’avoir mordu jusqu’à la plaie, j’ai le goût du sien dans la bouche : il me donne des hauts le coeur.

La réaction des deux tributs détonnait, et non pas dans le sens où les spectateurs l’attendaient sûrement. Clyde, la montagne de muscles épaisse dont les traits du visage ne laissaient habituellement filtrer que peu d’émotions, semblait désormais bien plus sous le choc de la situation que Raelyn. Sous le choc de la mort, là, sous leurs yeux à quelques pas, conséquences de leurs agissements. Alors que Clyde aidait à la blonde à se redresser et laissait ses yeux traîner sur les vêtements de sa co-tribut à la recherche d’une éventuelle blessure, cette dernière semblait bien moins inquiète que lui quant à son propre état de santé. Elle releva des yeux de glace vers le brun, toute émotion ayant déserté ses traits tandis qu’elle n’accordait pas une seconde supplémentaire d’attention à ce qu’elle venait de faire. Tuer. “Il faut s’éloigner. L’hovercraft viendra pas la chercher si on est là… Les chercher.” En effet, il s’agissait là d’un détail d’importance, auquel Clyde n’avait pourtant pas songé une seule seconde avant que Raelyn ne le relève. Il se fichait bien que l’hovercraft vienne maintenant ou dans deux heures, cela ne changeait rien à ce qu’il venait d’arriver, et surtout à ce qui aurait pu arriver s’ils avaient eu un peu de chance et qu’ils s’étaient retrouvés face aux carrières. Encore sonné par ce réveil des plus sanglants, il hocha la tête sans protester, tandis que Raelyn allait à son tour récupérer son arme et l’essayait contre la mousse. “On se lavera un peu plus haut.” Le point d’eau sur lequel ils étaient tombés semblait serpenter sur quelques dizaines de mètres dans les arbres, et il ne leur fallu donc pas longtemps pour s’éloigner des tributs gisant à terre, les abandonnant à l’hovercraft qui ne tarda pas à apparaître dans le ciel. Une fois à proximité de l’eau, Clyde s’accroupit et se passa de l’eau sur le visage, comme pour se réveiller de ce cauchemar qui n’en était pas un, et qui se révélait encore pire que les images qui lui apparaissaient dans ses rêves. Ils étaient sains et saufs, mais à quel prix ? Combien de temps avant que tout sens de la réalité leur échappe, avant qu’ils ne deviennent plus que des bêtes prêtes à tout pour survivre ? Il finit par se tourner vers Raelyn, qui ne paraissait pas en si mauvais état. “Elle t’a blessé ?” Il se racla la gorge, bien étonné par ce qu’il était sur le point de prononcer, et pourtant. “Les sponsors vont finir par parier sur toi, en fin de compte.” Frêle, petite, et pourtant mortelle.

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Que suis-je censée ressentir ? Attend-t-on de moi que je m’effondre, que je laisse apparaître ma détresse à l’idée d’avoir pris une vie ou, en tout cas, un peu d’empathie ? Je n’en ressens pas : cette fille s’est jetée sur moi et j’ai agi pour me défendre, en réaction, je ne l’ai pas attaquée. Pourtant, je sens que cela n’aurait rien changé : je n’y ai pas pris goût, je n’ai pas ressenti de frisson de plaisir à l’idée d’avoir pris une vie de mes mains, mais pas de détresse non plus. Rien, je ne ressens rien alors que je me force à détourner mon regard du corps sans vie de mon adversaire.

Avant de nous éloigner pour que le corps puisse être emporté, je fouille la fille à la recherche d’armes ou de provisions. Je ne trouve rien sur elle, et lui n’a que son arc, je me demande où il l’a trouvé puisqu’ils n’ont pas l’air d’avoir couru jusqu’à la corne. « Tu sais utiliser un arc ? » C’est lui qui l’a tué, s’il le veut il devrait l’avoir. Sinon, j’apprendrais, si ce gamin du trois peut y arriver alors moi aussi.

Une fois l’arme récupérée nous nous éloignons sans un mot et tous les deux, nous tournons la tête vers l’hovercraft lorsqu’il empare les corps. Je distingue l’immense pince qui descend pour venir les chercher, l’un et puis l’autre, le corps qui s’élève dans les airs et l’engin qui disparaît. Je ne fais aucun commentaire, le brun non plus et alors qu’il se débarbouille le visage, je ôte mon t-shirt pour le tremper dans la rivière et tenter d’enlever le sang. Ma brassière n’est pas tâchée et, finalement, je cale le t-shirt sous un pierre avant de me rincer la bouche. « Elle t’a blessé ? » Je secoue négativement la tête. « Je crois pas, ou j’ai pas senti. » C’est son sang dans ma gorge qui me donne envie de vomir, son sang sur mes bras que je frotte jusqu’au sang, son sang dans mes cheveux à la couleur si particulière. « Les sponsors vont finir par parier sur toi, en fin de compte. » « J’ai eu de la chance. » L’idée me plait bien, mais je n’ai pas envie de me raconter de jolies histoires. « Elle avait même pas d’arme. »

Il avait fallu que Raelyn se penche sur le corps des deux tributs pour que Clyde réalise qu’ils avaient peut-être en effet des objets qui pourraient leurs être utiles. Des armes, de la nourriture, des choses qui pouvaient leur sembler inutiles dans l’instant mais leurs serviraient potentiellement plus tard, comme les crochets lorsque Clyde les avait découvert dans le sac à dos récupéré à la corne. Il regarda Raelyn inspecter les deux corps et ne rien trouver - finalement, cela expliquait peut-être qu’ils aient tenté leur chance contre eux. Affamés, n’ayant ni eau ni nourriture, les tributs du trois les avaient observé et avaient peut-être réalisé qu’eux étaient mieux lotis, et avaient espéré tout récupérer en les tuant. Malheureusement pour eux, la chance n’avait pas tourné en leur faveur - ce qui n’était finalement pas de la chance, à bien y réfléchir. Raelyn et Clyde étaient plus reposés, mieux armés, et l’instinct de survie avait fait le reste. “Tu sais utiliser un arc ?” “Pas vraiment.” Un peu, pas assez pour se considérer dangereux avec, du moins pas autant qu’avec sa hache ou encore son couteau. L’idée de récupérer une arme de plus étaient tentante, mais Clyde était déjà suffisamment armé, et avec le sac à dos à porter en plus, un arc ne serait qu’un poids supplémentaire qui lui porterait davantage préjudice qu’autre chose. “Tu sais tirer toi ?” Si elle n’en voulait pas, alors ils n’auraient plus qu’à le détruire, pour s’assurer que personne d’autre ne mette la main dessus.

Il se dirigea vers l’eau sans un mot, regardant au loin l’hovercraft agiter les feuilles des arbres de ses pales tandis que les pinces récupéraient les corps des tributs. Où allaient-il, ces corps ? Étaient-ils rapatriés aux familles ? Il en doutait, et en même temps, ce n’était pas ce qui l’empêcherait de dormir la nuit - s’il était mort, il n’aurait plus à se soucier de rien. Pour l’instant, ce qui l’embêtait davantage étaient les blessures que Raelyn cachait peut-être sous le sang délavé qui couvrait son abdomen. “Je crois pas, ou j’ai pas senti.” L’adrénaline n’aurait peut-être empêché de sentir quoi que ce soit, mais au fur et à mesure qu’elle laissait l’eau filer sur son corps, Clyde pouvait constater qu’elle ne semblait en effet pas avoir de plaie ouverte. “J’ai eu de la chance. Elle avait même pas d’arme.” Il était clair que sans son couteau, Raelyn aurait pu se retrouver en plus grande difficulté. “Ta tête a bien tapé quand même, tu risques d’avoir mal.” Après, une fois que l’adrénaline aurait quitté son corps et que la pression serait quelque peu retombée - si elle retombait un jour dans cette fichue arène.

@Raelyn Blackwell

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« Pas vraiment. Tu sais tirer toi ? » Je ramasse le carquois rempli de flèches pour le passer autour de mon épaule : il est bien trop grand pour moi mais je l’ignore, je ne veux pas avoir l’air faible. J’attrape l’arc et lui aussi je l’enfile en bandoulière avec la corde. « Je vais apprendre. Ca peut pas être si compliqué que ça. » Je m’entrainerai dès que je serai propre et rassasiée, je tirerai sur les arbres à défaut d’avoir autre chose à faire. Je n’ai pas de hache alors pour l’instant, c’est mieux que rien.

Je me penche sur la rivière et, doucement, je commence à rincer mes vêtement, mon visage, mon torse et mes mains. Le sang s’écoule dans la rivière et rougit l’eau et je m’installe en tailleurs, presque hypnotisée par le spectacle. Clyde me rejoint, il se nettoie à son tour pendant que je récupère mon t-shirt pour l’essorer et le mettre à sécher. « Je comprends pourquoi ils nous ont donné que ça. » Pas de veste, rien pour se couvrir, simplement une chemisette en lin. Elle ne protège de rien, pas même du soleil qui tape à nous faire tourner l’oeil alors que dehors ce doit être la nuit. « Ta tête a bien tapé quand même, tu risques d’avoir mal. » Je porte ma main sur l’arrière de mon crâne avant de l’en retirer pour l’observer. « Pas de sang. » Je hausse les épaules. « J’espère que ça ira. » Je me souviens de cette fille qui travaille à la scierie et qui, un jour, est tombée d’un chêne. Elle s’est relevée en prétextant ne pas avoir mal et, cette nuit là, elle est morte dans son lit d’un traumatisme crânien. « Plus que neuf. » Que je déclare, d’un ton neutre et dénué de sentiment. Nous sommes dans l'arène depuis 24h à peine et déjà, plus de la moitié de nos adversaire ont succombé.

“Je vais apprendre. Ca peut pas être si compliqué que ça.” Si, en fait, et c’est sans doute pour ça que les tributs sachant manier l’arc font partie des plus dangereux - car ils sont létaux, même de loin; très loin. Le tribut du trois avait sûrement dû se convaincre qu’il pouvait apprendre à tirer, mais ce n’est pas en deux jours que quiconque pourrait manier une arme pareille, et ce dernier en a fait les frais. “Comme tu veux.” Clyde se contenta néanmoins de laisser Raelyn ramasser l’arc - après tout, à partir du moment où il avait refusé de s’en saisir lui-même, il ne pouvait pas vraiment lui reprocher de s’en emparer, quand bien même l’arc faisait deux fois sa taille. Le spectacle aurait été amusant à voir s’il n’était pas si terrible - une gamine obligée d’apprendre à tirer à l’arc comme on tire des lapins, pour manger, pour survivre. Ici, il ne s’agissait pas que de manger, malheureusement, mais bien de survivre coûte que coûte pour autant.

Il la regarda se délester de ses vêtements et les tremper dans l’eau avant de vérifier qu’elle n’avait rien de trop grave, en apparence du moins. “Je comprends pourquoi ils nous ont donné que ça.” Clyde arqua un sourcil curieux, pas vraiment certain de la suivre sur cette idée-là. “Pourquoi ? Je pourrais le trouer avec une branche, ça sert à rien.” Pour qu’ils crèvent plus vite, peut-être ? Comme si les autres tributs et les pièges de l’arène n’était pas suffisants. Puis il la vit porter la main à sa tête qui avait pris de sales coups dans la bagarres contre le tribut du trois. “Pas de sang. J’espère que ça ira.” Au point où ils en étaient, l’espoir était la seule chose à laquelle ils pouvaient se raccrocher - et encore, Clyde le sentait filer entre ses doigts au fur et à mesure que le temps passait. “Si t’as la tête qui tourne tu m’le dis.” Qu’elle ne s’effondre pas silencieusement derrière lui sans qu’il ne s’en rende compte - même si, à y réfléchir, il préférait à terme que la gamine succombe de mort - presque - naturelle sans qu’il n’ait besoin de s’en prendre à elle. Au fond, il n’était pas certain d’en être réellement capable, et cela l’arrangerait bien de ne pas avoir à se poser la question. “Plus que neuf.” Son ton neutre faisait froid dans le dos, et pourtant, c’était sûrement elle qui avait l’attitude la plus adaptée à l’enfer dans lequel ils se trouvaient à présent. “Mais quatre carrières.” Dont quatre tueurs. “Faut qu’on trouve un endroit tranquille, on a de quoi tenir un jour entier sans bouger.” Moins ils auraient de chance de croiser les carrières, mieux ils se porteraient - et ils n’avaient pas besoin de s’éparpiller pour trouver de quoi manger ou boire pour l’instant, ce qui jouait en leur faveur.

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@Clyde Wakefield

« Comme tu veux. » Dans ma tête c’est un excellent plan. Je ne dis pas qu’en deux jours je deviendrai capable d'abattre une cible mouvante à plusieurs dizaine de mètre, mais capable de blesser quelqu’un qui s’approche en courant avant qu’il ne m’atteigne, ça oui.

Et capable de tirer une flèche dans le dos de Clyde et bout portant, ça aussi.

Je ne dois pas oublier que le jour viendra et que, si ce n’est pas demain, il viendra tout de même plus vite que je ne l’attends. « Pourquoi ? Je pourrais le trouer avec une branche, ça sert à rien. » Je termine de me rincer le visage et les mains avant de m’asseoir en tailleur au bord de la rivière et de l’observer. « Parce que si la nuit tombe pas il fera jamais moins de trente degrés. » Et encore, je suis gentille, j’ai le sentiment de suer à grosses gouttes. « On va crever de chaud. » Autrement dit.

« Si t’as la tête qui tourne tu m’le dis. » Je hoche la tête doucement en me faisant la remarque que, de toute façon, il n’est pas médecin et que je vois mal ce qu’il pourrait y faire. Et certainement que ça l’arrangerait aussi, que je m’effondre pile au bon moment, pas trop tôt, pas trop tard non plus pour qu’il n’ait pas à m’abattre lui même. « Mais quatre carrières. » « Avec un peu de chance quelqu’un d’autre s’occupera d’eux. Ou de la majorité d’entre eux. » Il reste encore d’autres tributs que nous et le carrières qui sont plus en forme et plus impressionnants. C’est à eux que les carrières s’attaqueront en premier. « Faut qu’on trouve un endroit tranquille, on a de quoi tenir un jour entier sans bouger. » Un soulagement sans précédent s’empare de moi : enfin, il rejoint ma vision des choses et mon plan. « Il faut qu’on s’enfonce dans la forêt. Là bas au moins, on a l’avantage. » Puisqu’on connaît le terrain et que personne ne doit grimper mieux que nous.

Clyde regardait la blonde sans comprendre, ne sachant pas réellement si elle était sarcastique en lui faisant remarquer qu’elle comprenait le choix des tenues. Leurs ensembles de lin ne les protégeait de rien, et selon le brun il n’y avait pas grand chose à comprendre quant à ce choix. Il ne s’agissait pas d’une tenue sophistiquée comme les Jeux avaient su en produire certaines autres années - non, il ne s’agissait que de chiffons, qui auraient été bon pour être brûlés s’ils n’avaient pas été fait avec les tissus du Capitole qui valaient sans doute une fortune. “Parce que si la nuit tombe pas il fera jamais moins de trente degrés. On va crever de chaud.” Vu comme ça, Clyde comprenait tout de suite mieux où elle voulait en venir. Nul doute en effet qu’il serait tenté de vite se débarrasser de sa chemise si les températures ne tombaient pas un peu - après tout, si le vêtement ne lui apportait rien, autant éviter de crever encore plus de chaud dedans. “C'est le but visiblement.” Qu’ils crèvent, de chaud ou pas, d’ailleurs.

Après les derniers coups de canon qui avaient retenti, un nouveau décompte des tributs s’imposait - encore neuf, dont quatre carrières, ce qui corsait sérieusement la chose. Plus de la moitié des tributs restants n’étaient pas bons à croiser, et c’était sans compter sur les outsiders qui pouvaient se révéler tout aussi dangereux. “Avec un peu de chance quelqu’un d’autre s’occupera d’eux. Ou de la majorité d’entre eux.” “La chance ça existe pas ici.” Clyde aurait plutôt appelé ça du hasard, et il doutait que ce dernier soit suffisamment clément pour les débarrasser de tous les carrières. Pour autant, il n’était pas question de se lancer dans la chasse aux tributs de tout de suite, puisqu’ils avaient de quoi tenir de longues heures en espérant que d’autres s’entretuent durant ce laps de temps. “Il faut qu’on s’enfonce dans la forêt. Là bas au moins, on a l’avantage.” Le brun hocha la tête - sur ce point-là au moins, les deux se comprenaient et connaissaient leurs points forts mutuels, qui étaient en l'occurrence partagés. Clyde se mit donc en route aux côtés de Raelyn après avoir lancé le sac sur son dos à nouveau, non sans oublier de remplir les gourdes d’eau au passage. “Peut-être que les crochets marchent aussi sur les arbres.” Si c’était le cas, ils n’auraient pas à chercher plus loin leur coin tranquille : il se trouvait tout autour d’eux, juste au-dessus de leurs têtes.

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@Clyde Wakefield

« C'est le but visiblement. » Ouais, chaque année les Game Masters semblent tout faire pour trouver une nouvelle torture, un nouveau moyen de mettre les tributs à l’épreuve une fois qu’il ont pénétré dans l’arêne. Une année, elle était faite de glace mais les jeux n’ont eu que peu d’intérêt : gelés, les tributs bougeaient à peine dans l’arène et le peuple de Panem s’est juste contenté de les regarder mourir de froid. Depuis ces jeux, la moins vision d’une gelure me donne un haut le coeur. Cette année ce seront les brulure et malheureusement pour moi, ma peau pâle fait de moi l’un des tributs les plus exposés à ces risque. Alors même si elle me fait transpirer, je compte bien garder ma chemise à manches longues. « Ouais. On aura un joli teint au moins dans nos cercueils. »

Je me redresse, j’attrape mon t-shirt entre les doigts et, même s’il est trempé, je l’enfile : le soleil me mord déjà la peau dans le bas du dos. « La chance ça existe pas ici. » « Le karma alors ? » J’y crois pas non plus. Je doute que le destin décide de qui gagnera également et je suis d’accord avec lui : il y aura une grosse part de chance. Sauf que je compte bien tout faire pour la provoquer, même si je n’y crois pas réellement. « Tu crois qu’on devrait faire quelque chose ? » Piéger les carrières, organiser une rencontre avec d’autres tributs, comment pourrions nous nous en débarrasser ? Ils sont quatre et je ne pas pas que nous ayons la moindre chance. « Peut-être que les crochets marchent aussi sur les arbres. » « Tu viens du sept, me dit pas que t’as besoin de crochets pour escalader ces petites branches ? » Les arbres ici n’ont rien à voir avec ceux de notre district. Ils sont fournis, faciles, mais dangereux pour leurs branches fragiles, surtout pour Clyde qui est certainement bien plus lourd que moi.

“Ouais. On aura un joli teint au moins dans nos cercueils.” Le brun n’aurait sûrement pas osé faire lui-même une remarque sarcastique à ce point, mais pour une fois qu’elle n’était pas dirigée vers lui, il n’allait pas contredire Raelyn. D’autant plus qu’au fur et à mesure que l’espoir s’effilochait entre ses doigts, il ne pouvait qu’être étrangement d’accord avec les pensées macabres de la blonde. Quoi qu’ils en soient, leurs postures devenait précaire maintenant que les carrières constituaient la moitié des tributs restants, et Clyde doutait que la chance soit suffisante pour qu’ils s’en tirent sains et saufs une journée de plus. “Le karma alors ?” Il lança un regard interrogateur à Raelyn tout en haussant les sourcils, avant de se rendre compte qu’elle n’avait pas l’air bien sérieuse. “Si je sors d’ici vivant j’y croirai peut-être.” Mais pas avant - car il risquait de ne pas gagner, et il en avait de plus en plus conscience au fur et à mesure que les heures passaient. S’ils étaient tous deux encore en relativement bonne santé, il ne suffisait que d’une mauvaise rencontre pour qu’ils se retrouvent en difficulté et y laissent la vie en un claquement de doigts.

“Tu crois qu’on devrait faire quelque chose ?” A terme, peut-être, mais pour l’instant Clyde était partisan de l’option de se tapir quelque part en attendant que les choses bougent - ou mieux, que les tributs continuent à tomber comme des mouches. S’il pouvait réitérer le fait de prendre une vie le plus tard possible, cela l’arrangerait, car la vue du gamin du trois qui s’effrondrait sous ses yeux repassait encore en boucle dès qu’il fermait les paupières. “Pas pour l’instant, on a de quoi tenir. Mais si tu veux tenter un truc toute seule, je t’en empêche pas.” Il ne cherchait pas particulièrement à la garder auprès de lui désormais, quand bien même il préférait avoir une personne de moins dont se soucier - mais si elle voulait se lancer dans une mission suicide, il n’allait pas la retenir en la suppliant. Clyde finit par lever les yeux vers les arbres qui les entouraient, pourvus de nombreuses branches faciles à escalader mais qui paraissaient plutôt fragiles sur les premiers mètres. “Tu viens du sept, me dit pas que t’as besoin de crochets pour escalader ces petites branches ?” Dans un autre contexte, il aurait pris la mouche, mais il n’en avait plus réellement la force désormais, alors il se contenta de lui répondre d’un ton sec. “Au cas-où tu l’aurais pas remarqué, je pense qu’on fait pas le même poids. Alors si les crochets tiennent, je vais pas m’en priver.” Sur ce, il ouvrit son sac à dos pour en sortir une seule paire, la sienne - si Raelyn était si rapide pour critiquer ses capacités physiques, elle n’aurait qu’à être plus rapide à escalader, alors. Il les enfonça dans l’arbre à l’aide d’une pierre, avant de tester leur solidité - visiblement, les crochets restaient en place lorsqu’il y mettait tout son poids, ce qui constituait une excellente nouvelle. Clyde les retira de l’arbre avant de se retourner vers Raelyn. “Je préfère m’éloigner encore avant de grimper.” Libre à elle de le suivre ou non.