On va vers une nouvelle épreuve, et bien évidemment personne ne nous dit où on part. J’espère qu’on ne retourne pas dans l’eau. Je suis encore gelée, ou alors ils pourraient au moins nous donner des combinaisons, pour qu’on ait moins froid. J’ai failli mourir il y a moins d’une heure, je ne compte pas vraiment. J’ai eu l’impression d’être restée des heures et des heures dans l’eau, des jours sur la bouée. Je suis sûre que j’abuse à peine.

Jack était accroupi par terre à essayer de faire un feu pour réchauffer le monde entier. Il doit rêver de camping. Moi j’espère qu’on va éviter ça. Il commence à faire froid la nuit, alors faites qu’ils nous donnent un bon endroit pour dormir au chaud et sans aucun risque. On a marché dans la forêt et je profite à peine du paysage. Trop occupée à profiter de la couverture qui est posée sur mes épaules. Je reprends quelques degrés, je souffle. Je me réchauffe enfin et je vois qu’on marche juste pour récupérer un autre bras de la rivière. On va vraiment retourner dans l’eau et je grogne, je soupire et je lève les yeux au ciel.

On nous met un harnais, on nous équipe. Qu’est ce qu’on va devoir faire ? Ca a l’air dangereux, et déjà je panique de me retrouver de nouveau coincée dans l’eau, à deux doigts de me noyer. “Je sais même pas ce que c’est.” Je souffle, ça m’a juste l’air dangereux. “Tu crois qu’on va perdre combien de nez et de poignets ?” On en a encore pas mal qui sont en bon état. Je me demande qui va se casser quoi. Et je redoute déjà d’avoir à utiliser mon bras. Ca m’a l’air sportif, et on est pas au bout de nos peines. “Je vais aller me cacher entre deux rochers ils verront sûrement pas que j’ai disparu.”

“Je sais même pas ce que c’est.”
« Et moi j'ai même pas écouté pour les consignes de sécurité. »

Y'en a pas un pour rattraper l'autre quand leurs murmures sont le moindrement ignorés par le reste de l'équipe qui s'affaire déjà à préparer l'ascension de tout le monde. Devant eux, Loan se tient encore un brin le visage, trop pour que Jack ne le remarque pas et assez souvent pour qu'il se demande ce qu'il a manqué. Kelly elle, semble plus déterminée encore qu'elle ne l'était en début de journée. Tout ira bien.

“Tu crois qu’on va perdre combien de nez et de poignets ?”
« Si c'est plus que quatre poignets et que deux nez on est dans la merde à un niveau. »

Il pouffe de rire de sa connerie, les deux éclopés laissés pour contre derrière le trio qui s'assurent entre eux qu'ils sont bien attachés, que tout le matériel les suive contre vents et marées - littéralement.

“Je vais aller me cacher entre deux rochers ils verront sûrement pas que j’ai disparu.”
« La caméra te lâchera pas une seule seconde. »

Comme de fait, un caméraman se tourne à l'instant vers eux, captant un des rares plans où ils ne sont pas en train de s'adonner à l'une ou à l'autre de leurs altercations colorées. Ils sont calmes soudainement, Ivy Waterhouse et Jack Epstein. Ils reprennent des forces sûrement.

« C'est ça, que ça nous aurait pris tout à l'heure. Pas de ukulele et pas de pagaies. Juste des harnais. Ils voulaient faire de la bonne télé, j'suis sûr que c'était prévu. »

C'est probablement pour ça, qu'il blague un peu, qu'il fait le narquois. Il sait bien que comme lui, elle est probablement encore pas mal secouée de l'issue du rafting où ils ont failli y rester. Pourtant, la vie continue - heureusement - et ils ne lâcheront pas l'épreuve en étant si près du but.

Je marche et je ne râle pas encore parce que je fais trop de pas. Je reste à côté de Jack et les 3 autres sont occupés à écouter. Moi j’en ai marre d’écouter. J’ai envie de me poser dans un coin et dormir pendant des mois. “Ils ont donné des consignes de sécurité ?” Je lève les yeux au ciel. Je les ai loupé. Je vais sûrement encore risquer ma vie 1000 fois en 1 kilomètre de trajet. Pas un pour rattraper l’autre. Et si il y a deux personnes qui doivent finir avec un bras ou une jambe en moins avant la fin de la journée ça sera nous deux. Et les autres devront nous sauver, encore. Ils ont dû s’habituer déjà.

“Vaut mieux les poignets et les nez que les chevilles ou les genoux.” On chuchote, parce que je n’ai pas du tout envie de discuter de la prochaine épreuve. C’est un coup à de nouveau me faire paniquer et partir en courant pour trouver une route et des voitures. Ou au moins “On est déjà dans la merde de toute façon.” Je n’ai pas écouté mais je sens déjà qu’on va enchainer les drames. Et je l’entends dans ma tête Kelly qui me dit de penser positif. Lol, nope.

“Si tu fais assez de conneries ils m’oublieront pour te filmer que toi.” Je souris, un sourire plus ou moins vrai. J’aimerais qu’on me laisse tranquille. Je n’avais même pas prévu de revenir dans ROA, et on me sort deux épreuves. J’ai déjà perdu un poignet, et j’étais à deux doigts de laisser ma carcasse entre deux rochers. C’était quoi ? Seulement un échauffement ? “T’as même pas repêché le ukulélé.” Si je l’avais pas jeté on aurait pas cette discussion. Peut-être qu’il m’en veut, peut-être pas. Il ne s’énerve jamais Jack de toute façon. Sauf la fois où il a brisé une voiture, là, il était hors de lui, et je ne l’avais jamais vu comme ça.

Le soleil - de deux heures de l'après-midi, ahem - brille, les oiseaux chantent. Le vent réchauffe les coeurs, les arbres tanguent doucement au fil de la brise. Et ils sont encore à deux doigts de se tuer pour les profits d'une émission de télé-réalité.

“Ils ont donné des consignes de sécurité ?” « Et s'ils l'ont pas fait ils auraient dû. » c'est facile, de dire n'importe quoi. Ça le devient de plus en plus quand il sent ses nerfs se relâcher et le stress doublé des dizaines de doses de cortisol que son corps a dû sécréter faiblement se tirer. Il expire mieux Jack, il a repri un rythme de respiration normal et il a remarqué que c'est la même, pour Ivy. Tant mieux, vraiment. “Vaut mieux les poignets et les nez que les chevilles ou les genoux.” « Dis pas des horreurs comme ça c'est sûr que ce sont les morceaux qui y passent là, obligé. » si ils sont pour se jinxer les uns les autres, les voilà très, très bien (mal) partis. Il en fait même le signe de croix, le gars qui n'a jamais cru en rien d'autre qu'en lui-même et au karma, typique athée. “On est déjà dans la merde de toute façon.” autant relativiser. « Ça sera jamais aussi pire que les chameaux, et regarde, on y a survécu finalement. Étonnant. » Dalas lui manque effrontément. Les carambolages qu'il a occasionnés beaucoup moins.

“Si tu fais assez de conneries ils m’oublieront pour te filmer que toi.”
« L'élève dépassera jamais le maître, désolé. »
“T’as même pas repêché le ukulélé.”
« À la tête qu'il avait, tu peux dire "les ukulélés". »

Pauvre instrument éclaté sur les rochers - instrument qui leur a donné un avant-goût de ce qu'auraient eu l'air leurs os s'ils avaient été à sa place. Alarmant. « Tu penses qu'ils ont un pool de pari sur nous? » son regard dérive vers le caméraman toujours à tout enregistrer, à tout filmer. « Ou qu'ils nous décernent des awards en secret? »

Le soleil tape mais je n’arrive pas bien à me réchauffer. Je garde la couverture sur mes épaules jusqu’à ce qu’on m’oblige à l’enlever pour me mettre un harnais. Je préférerais qu’on nous mette dans des arbres plutôt que dans l’eau. Je déteste l’eau depuis quelques minutes maintenant. “T’en as pas quelques unes toi ?” Parce que je préfère encore écouter les siennes plutôt que les leurs. Eux ils font peur, et leurs trucs ne marchent pas. La preuve on est passé par dessus bord avec Jack. “Si y’a un genoux de cassé t’as le droit de m’appeler madame Irma devant les caméras.” Tant que nos genoux à nous n’y passent pas moi ça me va. Je serai la nouvelle madame Irma, et le # fera le tour d’internet quand les images seront diffusées.

Il parle des chameaux et là je rage. “Me parle pas de chameaux.” J’ai un très très mauvais souvenir de cette épreuve. C’était affreux, j’ai détesté ces bestioles de tout mon être. “Si je pouvais faire un feu de joie avec tous les chameaux du monde” Ouais je les déteste vraiment. Surtout Betty Boop, c’était la pire partenaire de l’univers. Et plus jamais je ne ferai de trajet en chameau de toute mon existence, c’est une promesse que je me suis faite à moi-même.

“T’as un scandale à faire face caméra je te rappelle.” C’est dans les défi qu’on s’est donné non ? S’ils gagnent, on s’enfuit, s’ils perdent, on s’enfuit, et il doit faire un scandale à la caméra. Est ce qu’il en est capable ? Je me dis qu’il peut me surprendre. “Y’avait tant de morceaux que ça ?” C’est quand même pas de ma faute si le (les) ukulélé était tombé entre des rochers.

“S’ils en ont un sur nous on peut en avoir un sur eux.” Est ce qu’on peut faire une liste de paris sur les caméramans ? “Si y’a des awards je veux celui de la dramaqueen” et j’ai de la concurrence dans ce bateau.

“T’en as pas quelques unes toi ?” distraitement, il hausse de l'épaule. La plus simple et la plus évidente des consignes de sécurité lui venant à l'esprit restant toujours : « Pas mourir me semble déjà être un très bon début. » oh qu'il est con, quand il s'amuse. “Si y’a un genoux de cassé t’as le droit de m’appeler madame Irma devant les caméras.” il pouffe maintenant, feignant la seconde d'après d'être si outré qu'il ne sera jamais véritablement pris au sérieux ni par elle, ni par le monde entier. « Un seul? Et où sont passés tous les nez et tous les poignets? » ils seront mis en danger sous peu, c'est certain.

La course revient sur le tapis, elle et toutes ses péripéties pas toujours rassurantes. “Me parle pas de chameaux.” « Dalas était cool quand il mangeait pas son poids en herbe. » constamment à chercher le bon, il insiste sur les points qu'il a retenus, ceux qui l'ont faits sourire après coup. “Si je pouvais faire un feu de joie avec tous les chameaux du monde” un rire de plus, et il chuchote à nouveau. « Dis pas un truc comme ça ton petit ami risque de rager. » ce serait mentir de dire qu'il n'a pas hâte de l'entendre réagir à la mention d'étiquette apposée à leur désormais binôme évolué.

“T’as un scandale à faire face caméra je te rappelle.” « J'y pense, j'y pense. » il y pense pas du tout, il est nul à ces choses-là. C'est pour ça qu'il a besoin d'elle ; pour ça, et pour tout le reste. “Y’avait tant de morceaux que ça ?” son coeur se serre, rien que de penser au pauvre naufragé. « Assez pour que je les compte en français. » c'est pour dire, à quel point le carnage était intense.

Et la prod, elle? Comment est-ce qu'elle s'amuse à travers les journées de dur labeur? “S’ils en ont un sur nous on peut en avoir un sur eux.”  bien vu. « Le premier qui nous dira de nous la fermer parce qu'au montage ce sera l'enfer? » ça lui semble logique, vu les regards noirs qu'ils commencent à recevoir, qu'il ne se fait pas chier à compter. “Si y’a des awards je veux celui de la dramaqueen” un rire de plus, un franc, un complice. « Et je veux celui du meilleur mac&cheese cuisiné sur un moteur de voiture en marche. »

Pas mourir. Effectivement, ça me semble être un bon plan. “T’aurais dû me parler de cette règle avant que je monte sur le bateau.” Autant essayer d’en rire même si je suis encore terrifiée à l’idée de remettre un orteil dans l’eau. Je ne supporterai pas de me retrouver au bord de la mort une nouvelle fois. Et si ça arrivait de nouveau et qu’on arrivait pas à se rejoindre ? Je ne préfère pas penser à ce genre de drame, je dois penser à autre chose. “A partir de 2 trucs cassés t’as le droit de choisir le surnom que tu veux à me donner face caméra.” Il ne jouera même pas avec ça. Il va trouver quelque chose de sympa alors qu’il pourrait trouver les pires surnoms du monde. “On a pas le droit de les casser nous même c’est de la triche sinon.” Pas de coups de poing pour casser des nez.

J’aurais pu me concentrer sur les chameaux plus de quelques minutes. Mais il utilise un mot que je déteste, et il le sait le con. Je lui envoie un léger coup de coude dans les côtes. “petit ami ? Je n’ai pas de petit ami.” Ce n’est pas moi d’avoir un petit ami. Quelle horreur. “Toi par contre ta petite amie a l’air de ne pas réussir à attacher les sangles tu devrais peut-être voler à son secours.” On peut jouer sur le même terrain, et cette fois ça m’amuse.

Je secoue la tête, il ne pense pas du tout à faire un scandale. Alors je les ferai pour deux, je peux faire beaucoup de choses seule pour nous deux. “Tu sais compter jusqu’à plus de 10 en français ?” J’ouvre de grands yeux faussement étonnée. Je peux compter en français aussi, rien de très impressionnant. Je regarde les caméramans. “Lui il nous a pas encore lancé de regard noir mais je crois que c’est le chef des caméras.” Et il pourrait nous hurler dessus. “Le premier qui fait un zoom sur le nez abîmé de Loan ?” Il a une sale tête le nez du brun je trouve. “Mais qui fait ce genre de choses ?” Je le regarde, presque dégoûtée. “T’auras l’occasion d’en faire quand on s’enfuira.” J’ai une très bonne mémoire, certainement meilleure que la sienne.

Quels morceaux survivront à quelles étapes, désormais? “On a pas le droit de les casser nous même c’est de la triche sinon.” « Ça, Martin et Loan l'ont bien compris. » qu'il raille l'imbécile, jugeant aux coups d'oeil que l'un et l'autre s'échange que finalement le coup de poing n'est maintenant que de l'histoire ancienne entre ceux qui semblent être de base d'excellents amis.

Parlant "d'ami". “petit ami ? Je n’ai pas de petit ami.” un nouveau rire qui franchit ses lèvres gercées par l'eau glacée et maintenant la brise qui les sèche de plus belle. “Toi par contre ta petite amie a l’air de ne pas réussir à attacher les sangles tu devrais peut-être voler à son secours.” d'office, il jette un coup d'oeil vers Kelly, simplement pour s'assurer qu'elle est toujours à gérer comme elle seule sait si bien le faire. Il l'imagine bien plus en femme forte qu'en princesse ayant besoin qu'on vienne à sa rescousse, d'où son « Sois pas de mauvaise foi. » venant bien plus défendre les capacités de Kelly en toutes situations qu'autre chose.

“Tu sais compter jusqu’à plus de 10 en français ?”
« Même jusqu'à vingt, dans mes bons jours. »

Elle aussi, il s'étonne même qu'elle n'ait pas sorti la carte à son tour, rien que pour l'étaler le sourire aux lèvres. Ses fossettes paraissent, entre ses mèches blondes et trempées que son casque aplatit sans gêne. “Lui il nous a pas encore lancé de regard noir mais je crois que c’est le chef des caméras.” elle détourne la tête, il suit son regard à la seconde. “Le premier qui fait un zoom sur le nez abîmé de Loan ?” d'un hochement de la tête de la positive, il ajoute une ligne de plus au contrat hypothétique, le dixième entre eux il a l'impression. “Mais qui fait ce genre de choses ?” oh, hey, on ne nargue pas le mac&cheese de fortune en vain. “T’auras l’occasion d’en faire quand on s’enfuira.” « Attention, si tu râles je le garderai pour moi au complet. » il avertit, quand ils savent tous les deux que s'il y a bien quelque chose qu'il sait faire et bien, c'est de partager.

« T'as mangé autre chose que du riz et des conserves depuis le début? » qu'il s'enquiert, la seconde suivante.

Je me demande qui va perdre quoi en premier. On a parié sur des poignets des nez et des genoux. Mais il y a tellement d’autres parties qu’on pourrait se briser rapidement. Il me parle de petit ami, il pense vraiment que Martin et moi on est ensemble ? Est ce que d’autres personnes pensent ce genre de choses ? C’est terrifiant. Je ne fais pas dans ce genre de choses, c’est trop compliqué. Je le fais seulement pour faire semblant, et quand ça m’apporte quelque chose de matériel. “Toi sois pas de mauvaise foi.” Kelly n’a pas l’air de celle qui a tout vu et tout vécu. “Vas t’extasier sur elle et ses capacités ailleurs.” S’il continue comme ça je ne peux pas assurer que cet échange reste chill encore longtemps.

J’ouvre la bouche, faussement étonnée. “20, wahou…” Je sais qu’il parle couramment français. Et, même si son accent est affreux, il le parle peut-être (j’ai bien dit peut-être) mieux que moi. Des paris sur les caméramans. On s’occupe à raconter des conneries alors qu’on devrait sûrement écouter les consignes. Je ne sais pas mettre un harnais, est ce que j’ai une tête à faire des activités qui nécessitent un harnais ? Mais je me fiche de ça, c’est bien plus drôle de parler des caméramans qui vont nous tuer dans peu de temps si on ne la ferme pas.

Un sandwich fait sur le moteur d’une voiture. Je suis sûre que c’est cancérigène cette merde. Ca m’étonne qu’il ne soit pas encore mort à faire autant de conneries depuis qu’il est né celui là. Et encore, je ne suis pas au courant de tout ce qu’il a pu faire. Même si je m’en doute. “T’as réussi à faire une nuit de plus de 4h depuis le début ?” Je sais que c’est non dans les deux cas. J’ai mangé d’autres choses pendant ma semaine de road trip. Mais ça, je le garde pour moi. Je ne veux pas qu’il parle encore de Martin, ou de petit ami.

“Toi sois pas de mauvaise foi.”
« Jamais j'oserais. »
“Vas t’extasier sur elle et ses capacités ailleurs.”
« Oui chef. »

Il nargue, mais pourtant il ne bouge pas, il reste là. Qu'elle en tire ses propres conclusions, lui, il s'est assuré que Kelly n'avait pas besoin de rien, pour le reste, il est bien. La finale lui file moins la dose de pression quand elle est la leur et pas directement la sienne, il ne s'en cachera pas. C'est un gars d'équipe bien plus que de solo, et de voir qu'il peut se mettre à profit pour en aider d'autres le comble tout autant que s'il s'agissait de son propre podium.  

“20, wahou…” elle est bien évidemment tout sauf épatée, ça fait partie du jeu quand on s'adresse à une fille qui a appris cinquante langues et cinquante autres dans ses collèges privés dispersés au quatre coins du globe. « Un jour si t'es sage je t'apprendrai même comment on compte dans le ghetto. » la confidence qui n'en a que le nom, quand bien même il pourrait lui en apprendre, du jargon. Gamin des rues qui l'a eue bien plus dure qu'il n'y paraît, durant une longue partie suivant son adolescence. Une part de lui qu'il garde bien cachée, tant elle l'a grugée ; le gruge encore.  

Entre les plats de maintenant et ceux de leur potentielle fuite, y'a un monde. “T’as réussi à faire une nuit de plus de 4h depuis le début ?” « Étrangement, je dors moins bien à l'hôtel que quand je dors à la belle étoile. » ou dans une école hantée, c'est selon.

Une seconde passe, cinq autres suivent.
« Vous deux ; c'est quand vous êtes prêts. » ah tiens, finalement, c'est celui qu'elle avait pointé du doigt qui s'enquiert d'eux. « Tu gagnes. » le pari, bien sûr qu'il parle du pari. « À toi les honneurs. » qu'il encourage maintenant, lui pointant du menton le reste du groupe qu'on les somme de rejoindre.

On a pas reparlé du moment où on a failli mourir. Je n’ai pas parlé du fait que je panique rien qu’à l’idée de remettre un pied dans l’eau. Est ce que ça va rester un traumatisme ou est ce que c’est juste passager ? J’espère que c’est passager. Je ne suis pas restée dans cette rivière et Jack non plus. On en est sorti, et tout va maintenant. La preuve, je râle et lui il raconte n’importe quoi. Quoi comme meilleure preuve que ça. Je vois que Martin, Loan et Kelly sont concentrés sur tout ce que les gens disent. Moi je regarde tour à tour les caméramans et les autres membres de la production. J’avais presque oublié qu’on était entouré par autant de monde. Où ils étaient tous quand on était sur le point de nous noyer ? Ils étaient pas aussi présent pour filmer que quand on est en train d’essayer d’enfiler des harnais. Je lève les yeux au ciel, ils choisissent bien ce qu’ils veulent. Un mort ça n’aurait pas fait de la bonne télé. “Chef c’est bien ce surnom.”

“On en a des choses à faire.” Mais je ne serais jamais sage sûrement. Donc je n’apprendrai jamais des mots du ghetto. Je crois que j’aimerais juste l’entendre prononcer des mots qui n’ont aucun sens pour les critiquer un par un. Elle pourrait durer longtemps cette activité là. “J’ai toujours pas fait de nuit à la belle étoile.” Cette aventure ça aurait été l’occasion, mais non. J’ai dormi une seule et unique fois en extérieur, et on a eu le droit à la tente. “Je trouve pas ça étrange. En fait venant de toi ça m’étonne même pas.” Il est toujours à côté du monde et de la réalité Epstein, et personne ne le changera plus à cet âge là. Je gagne le pari, c’est le mec que j’ai désigné qui nous rappelle à l’ordre. “Je gagne toujours.” Mon sourire s’agrandit alors que le même caméraman zoom sur le visage de Loan. “Qui gagne là ?” Et on s’en va pour commencer la nouvelle activité.

Clairement, je ne pensais pas à mal en faisant cette blague, bien au contraire. J'en ai déjà faite des pires dans ma vie ! Pas forcément à Ivy elle-même, mais à Loan par exemple ou même à Robin ou Ariel. Mais peu importe, je me rends à nouveau réellement et durement compte que ma réalité n'est clairement pas celles des autres. Et au final, la description que je fais de Loan, n'est-ce pas la mienne ? En vrai ce qui me dérange chez mon meilleur ami c'est exactement ce qui me dérange chez moi-même.

 «D'autre bombes … ? » réfléchissais-je en plissant légèrement les yeux  «Pas vraiment. A part le fait que je sois interdit de territoire aux îles féroées ? » je raye et je m'amuse, cette information étant sans doute fortement inintéressante.  « Dans tous les cas non, tu commence à bien me connaître maintenant » et c'est bien vrai tout ça. Quoiqu'elle ne connaît encore rien à mes activité de militant qui frôlent l'inégalité, mais je ne suis même pas sûr de vouloir continué sur cette ligné là en vrai. Mais peu importe.   « Et non, je ne te l'ai pas caché volontairement. Ce...C'est juste que ...» je grimace  « Avec tout ce qui s'est passé, j'ai complètement zappé que j'avais un gosse en vrai...» Je laisse échapper un rire en me disant que c'est tellement vrai mon dieu. Si Loan n'avait pas été là pour évoquer Elliot, je crois que j'aurais été à nouveau sur le cul lorsque Eirean serait arrivée la bouche en cœur avec notre gamin.  «Donc vraiment, c'était même pas volontaire de ma part en vrai  » je secoue doucement la tête.

Et puis Ivy dit quelque chose fort sensé. Je ne suis pas obligé d'abandonner ma vie d'avant pour un gamin. J'hoche doucement la tête, moue de réflexion sur le visage  « J'y ai pensé» avouais-je  «J'ai sincèrement pensé au fait de ne plus jamais donner de nouvelle Eirean, ignorer ses appels et faire comme si le petit n'existait pas. Mais ... » je soupire  « Il n'a rien demandé, lui. Et peut-être que plus tard je serais déçu de ne pas avoir gardé contact avec lui ? Je sais pas. Je ne sais même de quoi sera fait demain donc j'arrive absolument pas à me projeter dans l'avenir et j'ai envie de rester ouvert à toutes les possibilités» je soupire et secoue la tête  « Dans tous les cas, si tu as envie qu'on continue à se fréquenter après ROA, jamais je ne t'imposerais sa présence » et ça c'est clair et net.

J'observe ma binôme pendant quelques instants avant de m'approcher d'elle et la prendre dans mes bras. Un simple hug de bienveillance sans arrières pensées (cette fois-ci) que je fais duré quelques secondes avant que nous ne nous remettons en route vers la troupe qui se fait déjà harnacher. Une fois mon harnais de près, je m'approche de Loan, me plante devant lui et pose une main sur son front pour lui pencher la tête en arrière et observer son nez  « ça va, il a pas l'air cassé» dis-je finalement et lui ébouriffant les cheveux  « Tu vas survivre» je lui pince la joue puis me tourne vers les autres.

Après avoir à nouveau écouter des consignes de sécurité, on nous ramène vers le départ. Ce que nous devons faire est très simple : 2 km de marche dans l'eau, puis passage d'un mur lisse puis de l'escalade. Sans plus attendre, je m'approche de l'eau, observe le tout pour voir s'il n'y a pas un passage puis fait un pas en avant puis un deuxième puis un troisième et me retrouve bien rapidement avec l'eau jusqu'à mi cuisse  «ça va être fun de faire 2 km comme ça » dis-je enjouer avant de rigoler doucement et attendre que les autres me rejoigne.

Bon... Peut-être que j'exagère un peu, mais juste un peu. Il a taper fort Martin. Je m'attendais à ce qui me gueule dessus, j'avais même envisagé le coup de rame, mais le coup de poing dans le nez, lui, ne faisait pas parti des options. Le pire c'est qu'il a dû se faire mal à la main cet idiot. Alors, je me plaint, parce que bon... Faut bien le faire de temps en temps. Mais je sais parfaitement que je l'ai mérité et que dans cinq minutes ce sera de l'histoire ancienne. On fonctionne un peu comme ça avec Martin, faut pas chercher. Bon, je veux quand même m'assurer que je ne vais pas finir l'aventure avec un nez tordu ou deux énormes bleus sous les yeux. “Laisse voir” J'enlève mes mains pour montrer ma blessure, de guerre, à ma coéquipière. Elle m'inspecte sous toutes les coutures, Kelly, et ça me fait flipper. Juste un peu. “Je suis désolée, tu vas devoir te faire appeler Voldemort désormais.” Mes yeux s'écarquillent, non mais quand même je me plaignais mais ça fait pas si mal. Il m'a vraiment amoché ? Je commence à paniquer et la brunette elle, se met à rire. “T’en fais pas, ça m’a pas l’air cassé.” Soulagement. Et voilà que je me met à rire avec elle. "Je savais que j'étais pas fait pour être un Voldy." Je hausse les épaules et tente de froncer mon nez sans grimacer. Oh well, ça risque d'être douloureux encore une heure ou deux. Je touche encore un peu du bout des doigts et déjà Martin reviens vers moi. Lui aussi, vient faire sa petite inspection et son constat est le même que celui de Kelly. "Tu va survivre." Je lui tire la langue tel un enfant. "Je l'avais bien mérité." Et avec ça, on sait tous les deux que le sujet est désormais complètement clos.

On nous met un nouvel harnais et l'espace d'un instant je regrette presque la présence de Dick, mon pote du saut à l'élastique. May nous explique que l'on va pouvoir aller faire du canyoning et qu'après on aura le droit à une soirée tranquille dans un campement, tous ensemble. Et c'est donc parti pour 2km de marche avec de l'eau jusqu'à mi-cuisse, ce qui semble bien amusé Martin. Je laisse les autres avancer et me retrouver aux côtés d'Ivy. Elle a vécue une sacré paquet d'émotions depuis ce matin et j'ai envie de faire un bout de chemin avec elle. "Bon et à part la mode tu aimes quoi?" Pour faire passer le temps et le fait qu'on patauge dans une eau légèrement marron sûrement.

Il n'a apparemment pas cacher cet enfant volontairement, il l'a juste oublié. Au profit de sa vie à lui. Et personne ne devrait le blâmer, ce n'est certainement pas moi qui vais le juger. Il me parle de me fréquenter après ROA, et je dois avouer que ça me fait sourire un peu. "C'est que je dois pas être si insupportable que ça" mais il le sait. Quoi qu'il se passe, je ne prendrai jamais une place importante dans la vie d'un enfant. Jamais. Je ne suis pas faite pour ça, et il est encore temps pour lui d'abandonner l'idée de me revoir si ça lui pose problème. On verra bien. 


Il me prend dans ses bras et quelques secondes plus tard on retourne vers le groupe pour une nouvelle épreuve. Ils parlent certainement du nez de Martin mais je suis trop occupée par ma conversation avec Jack pour m'en mêler. Pour une fois personne ne crie ou n'est jaloux, c'est amusant comme conversation. On s'occupe comme on peu. Mais je n'ai pas du tout écouter ce qu'on allait faire. J'espère qu'ils n'ont rien dit d'important. 


On est équipe et on se dirige tous vers l'eau. "2 kilomètres ?" On va marcher pendant tout ce temps ? J'ai le droit de râler et de bouder là. Je déteste marcher. Et dans l'eau ça me paraît encore pire. "Vous aurez ma mort sur la conscience." Dis-je en me tournant vers la caméra qui est encore et toujours braquée sur moi quand je râle. Loan est devant moi et il se tourne pour me parler. Il me pose une question étrange, alors que lui pose celle qui me trotte dans la tête depuis quelques minutes déjà. "Pourquoi t'as pas rendu son coup à Martin ?" Parce qu'il s'est quand même pris un sacré poing dans le nez. "Je dansais avant. Mais je crois que ma passion a toujours été d'être au centre de l'attention." Je ne rigole qu'à moitié. 

 

On pensait tous en avoir fini avec les activités une fois arriver sur le rivage, mais il faut croire que la production aime jouer avec nos vies. Littéralement. En espérant que ce soit bien plus calme cette fois-ci et que l'on puisse apprécier le moment tous ensemble. Non pas que ça n'a pas été le cas durant le rafting, mais le looping d'émotions nous a bien fatigué. On est pas tous très attentif, Jack et Ivy surtout, mais on a bien compris qu'il allait encore falloir donner de notre personne pour continuer l'étape. Je retiens la promesse d'une soirée autour d'un feu de camp tous ensemble et j'ose imaginer que cela nous donnera le temps de rire et de nous amuser encore un peu avant que nos chemins se séparent à nouveau. On a aura eu de la chance avec Kelly, de se voir attribuer la meilleure des équipes qui soit.

Au milieu de l'eau et alors que l'on tente d'avancer tant bien que mal, je me retrouve tout à côté d'Ivy et décide de continuer la conversation que nous avions entamer ensemble. Je voudrais apprendre à la connaître un peu et puis autant discuter pour ne pas penser au fait que l'on galère à marcher dans l'eau, cela fera passer le temps. "Pourquoi t'as pas rendu son coup à Martin ?" Je hausse les épaules avant de regarder mon meilleur ami. "Ca n'aurait servi à rien, puis je l'ai un peu mérité." Et surtout, je ne veux pas commencer une baston avec lui. Ce n'est pas nécessaire entre nous, ça ne l'a jamais été.

"Je dansais avant. Mais je crois que ma passion a toujours été d'être au centre de l'attention." Sa réplique m'arrache un petit rire, je ne l'aurais pas deviné tiens. Mais ce qui m'intéresse surtout, c'est qu'elle parle de la danse. "Tu faisais quoi comme danse?" Et je sais que si on se lance sur ce sujet, mon côté passionné va ressortir à mille pourcent. "C'est qu'on aurait presque des points en communs." que j'ajoute en la taquinant un peu.