"C'est quoi, ta chanson préférée?"
“Je n’en ai pas.” elle confessa. C’était la pure vérité. Kelly n’était pas du genre à avoir une chanson préférée, une couleur préférée… Personne ne savait vraiment pourquoi, ce n’était tout simplement pas elle. Peur de prendre des choix ? De faire le mauvais ? Peut-être que les racines de sa volonté de simplement suivre le courant s'enfonçaient jusque là. En attendant, elle n’avançait pas beaucoup Jack et ses bonnes intentions. “J’aime bien Fast Car.” Tracy Chapman avait une voix qui la touchait un peu plus que le reste. Pour ce que ça valait.

Plus loin, Loan se débattait avec la tente, et plutôt que de l’aider, Ivy persistait dans ce qu’elle faisait de mieux ; se plaindre. “Je veux pas dormir en groupe. -C’est toujours mieux que dehors” relativisait l’éternelle positive, même si elle doutait que cela atteindrait réellement la jeune femme. Elle semblait se complaire dans son état d’esprit et cela, personne ne pouvait rien y faire. Lee alimentait le feu petit à petit -doucement, afin de ne pas l’étouffer, mais à bon rythme afin qu’il prenne de plus en plus. Il était encore timide, mais la chaleur était la bienvenue. Elle était encore trempée de leur saut dans l’eau, et en tendant ses mains vers les flammes, elle remarqua que celles-ci avaient souffert des prises précaires dans la roche lors de l’escalade. Une des première choses qu’elle comptait faire une fois de retour à Brisbane: filer chez la pédicure. S’offrir une semaine de spa. Elle le méritait, qu’ils gagnent ou pas.

“J'ai pas réussi à sauver les rames ni la première édition du ukulele, mais j'ai sauvé ça.” Jack dégaina les mini bouteilles de vin, arrachant immédiatement un sourire à Kelly. "Mon héros." souffla-t-elle avant de lui coller un baiser furtif sur la joue. Peut-être aillaient-ils avoir la soirée de repos que leurs efforts méritaient après tout.

On devrait pouvoir s’amuser, et on a quoi ? Un pauvre petit feu de camp tout juste allumé. Je les déteste. C’est affreux de faire des trucs pareils. Je me suis retournée vers Kelly et Jack, maintenant que je suis là je ne les lâche plus des yeux. J’espère qu’ils vont être gêné, et arrêter de faire n’importe quoi. Ils peuvent pas laisser mes yeux et mes oreilles tranquilles ? J’aurais presque envie de perdre la vue, comme Martin l’a fait il y a quelque temps. Ce moment m’a traumatisé. C’est sûrement pour ça que j’ai un peu paniqué quand je l’ai vu tomber. Je ne veux même aps m’imaginer ce qu’il se serait passé s’il n’avait pas été sécurisé, ou si Loan n’avait pas été là. Comme quoi il peut être utile de temps à autre celui là aussi. Pourquoi je pense à ça ? Je ne peux pas penser aux bons moments ? Comme ces quelques jours qu’on a passé ensemble dans le van. Il y avait certains moments qui étaient bien, d’autres où on s’est engueulé presque à mort. Mais je ne suis pas parti et lui ne m’a pas abandonné trop longtemps sur le bord de la route. J’ai failli le tuer à ce moment là. Peut-être qu’un jour je l’éliminerai vraiment allez savoir. “Bah moi si.” Je suis fatiguée de toute cette journée et de toutes ses conneries. “On va mourir de froid à cause de toi alors que t’as du bois à portée de main.” C’est vrai, si on ne mange pas ou si on a froid ce sera de la faute de Jack. Il va prendre le blâme de tous les malheurs du monde ce soir je l’ai décidé. Son héros ? Vraiment ? Mais elle a quel âge ? 5 ans ? “Au moins t’auras été un peu utile. Mais moins que moi.” Parce que moi j’ai fait venir autre chose de bien plus cool. Un joint que je place entre mes lèvres, et le briquet que je tiens entre mes doigts.

Tout ce qu'il voulait, c'était un peu de calme, un peu de repos en mode bon enfant sans rien demander à personne d'autre que de profiter un temps de ce que la nature avait à leur offrir. La compétition les avait tous épuisé et désormais, ils méritaient plus que tout de souffler que ce soit en solo, en duo, en groupe ou au-delà de leur besoin en sommeil qui pour chacun semblait aussi analytique que possible.

“Je n’en ai pas.” qu'elle souffle Kelly, alors qu'il se fait violence pour ne pas doucement froncer les sourcils. Il ne la brusquera jamais mais il ne la lâche pas des yeux pour autant, le “J’aime bien Fast Car.” qu'elle scande une second plus tôt lui arrachant le sourire du triomphe comme si on venait de lui pointer le Graal pur et dur droit devant.

Et les bouteilles de vin elles, sont un Graal à part entière. "Mon héros." "Tu vas me faire rougir." qu'il nargue, grand imbécile heureux, le fantôme de son baiser aussi prude et chaste que possible colorant sa joue une seconde. Pourtant, il l'a bien senti que ses lèvres à Kelly, elles étaient glacées. D'office, il cherche une nouvelle couverture pour la réchauffer.

“On va mourir de froid à cause de toi alors que t’as du bois à portée de main.” de nouveau, Ivy relance avec des étincelles dans les yeux, pas du genre de celles qu'il aime y voir. "Tes trucs sont meilleurs que les miens, tu gagnes." qu'il ajoute à son tour, à Kelly, quand elle se charge de continuer d'alimenter le feu au meilleur de ses capacités. “Au moins t’auras été un peu utile. Mais moins que moi.”

Et le joint, au bout de ses lèvres. Le joint qu'il regarde du coin de l'oeil, pour lequel il soupirerait presque d'envie. Il a le plus naturellement du monde entamé la chanson que Kelly a demandé les notes sont lentes et se succèdent. À la dernière seconde pourtant, il pique le briquet des doigts d'Ivy pour allumer son joint. La simple bouffée l'assaille, et il y pense à céder, il y pense à fumer. Juste une bouffée.

Kelly ne doutait pas que Ivy avait bon fond -très, très au fond. Elle l’avait laissé entrevoir, de temps en temps, tout au long de l’après-midi, en refusant d’abandonner malgré sa blessure, en sautant sans hésiter dans l’eau, entre autres. Encore loin de l’éloge qu’en avait fait Martin -et qu’elle savait désormais totalement biaisé-, la brune voulait bien croire qu’il y avait plus à voir chez la jeune femme que ce qu’elle-même laissait paraître aux yeux du monde. Il n’était pas dit que Lee ait l’envie ni la patience de creuser cette façade, ceci dit, doutant que la demoiselle garde le contact une fois l’aventure terminée. “Au moins t’auras été un peu utile. Mais moins que moi.” qu’elle déclare, la diva, dévoilant une cigarette roulée qu’elle coinça entre ses lèvres. Du tabac ? Que nenni. Une fois l’extrémitée brûlée, cela n’en avait pas l’odeur. Kelly se mit à tousser et agiter sa main devant son visage. “Sérieusement ?!” elle s’offusquait au point de s'étrangler la voix. Jack était de connivence, il ne semblait pas discerner tout ce qui n’allait pas dans le comportement de la blonde. Cela ne l’étonnait qu’à moitié de sa part -une moitié de trop, une moitié qui la décevait. Et sans y réfléchir plus longtemps, elle arracha le joint de la bouche d’Ivy, s’en alla d’un pas furieux quelques pas plus loin, le jeta au sol et l’écrasa sous ses boots. Not under her watch. “C’est pas Woodstock ici, Ivy.” Du vin, d’accord. Mais un joint devant les caméras, et puis quoi encore ? Où se croyait-elle ? Pour qui se prenait-elle ? Pourquoi Jack ne disait-il rien ? Ah, si. Il s’était mis à chanter. Mais désormais, même Tracy Chapman ne pouvait amadouer Kelly.

J’ai juste envie de me détendre, et être avec eux ne m’apporte que le contraire. Ils m’énervent. Est ce que s’il n’y avait pas eu de fille Jack m’aurait laissé toute son attention ? Ou est ce qu’il aurait aussi pu s’attaquer aux mecs. Loan est gay, je le sais depuis la première fois que je l’ai vu. Il aurait pu se faire sa petite idylle bateau avec Loan. Et s’il avait été en manque il aurait pu avoir le temps de se taper Momo le poisson. Plus rien ne m’étonne venant de Jack. Je lève les yeux au ciel, elle m’énerve Kelly à être aussi pathétique. Elle pourrait pas se tenir ? Ou au moins faire la fille pas aussi accessible ? Je me demande depuis combien de temps elle n’a couché avec personne. Ca doit dater d’il y a longtemps. Mais Jack pourra toujours remédier à ça quand ils seront tous les deux collé l’un à l’autre dans la tente. Je ferai pareil avec Martin, et il viendra me faire une remarque le lendemain matin. Comme quand on était sur le point de se noyer.

D’ailleurs Martin a disparu. J’ai envie qu’il revienne là, j’espère qu’il va bien et qu’il ne nous a pas encore nous faire un malaise. Je ne sais pas si on peut le retrouver dans cette immense forêt. Ou alors il est peut-être en train de discuter avec un ours ou un autre animal bizarre. Il parlait bien au poisson dans le bateau, alors je m’attends à tout avec lui. Un joint glisse entre mes lèvres, Kelly ne sait sûrement pas ce que c’est mais Jack est le genre de type qui a déjà tout essayé. Je hausse un sourcil, je le fumerai devant lui sans le passer s’il continue de me faire chier. Kelly attrape le joint et le jette. Mais quelle conne, j’en ai 1000 sur moi si je veux. “Je gagne toujours;” Et il allume le joint qu’il regarde avec envie. Pourquoi il lutte ? “Kelly si tu retouche à ça je te jette de la falaise, on verra si tu t’en sors sans harnais.” Jack l’allume, et il lutte, pourquoi il fait ça ?

L'herbe sent si bonne qu'elle lui fait mal au coeur, à Jack qui tente depuis si longtemps pour bien se comporter face à tout ce que la drogue lui a apporté de néfaste. Il sait bien qu'Ivy fait pas exprès, qu'elle a le droit de fumer son joint comme il lui plaît. Et lui il joue et il chante, et lui il laisse Tracy occuper toute la place quand bien même la place il la dédierait strictement aux effluves vertes qui viennent caresser ses narines sans que jamais il ne les délaisse.

“Sérieusement ?!”
“C’est pas Woodstock ici, Ivy.”
“Kelly si tu retouche à ça je te jette de la falaise, on verra si tu t’en sors sans harnais.”
“Personne jette personne en bas de quoi que ce soit.”

La discussion tourne et le joint avec, contre les lèvres d'une Ivy qui ignore tout de son passé de junkie qu'il tente de plus en plus de garder loin de lui quand bien même ce soir il voudrait volontairement l'oublier aussi facilement que possible.

“C'est naturel, Kelly, y'a rien de mal.” si lui ne peut pas, alors il tentera de calmer Kelly déjà, piquant avant toute la douceur dont il est capable de ses doigts gercés par l'escalade la clope verte d'entre les lèvres bien moins bleutées d'Ivy. “C'est du doux en plus. T'as un bon dealer.” il parle du fumet et il parle de l'odeur, il ne parle pas de l'herbe en soit quoi que son parfum le guide déjà vers l'espace de feuille qui se trouvent dans son papier à rouler.

“Le calumet de la paix, c'est positif ça, non?” quel con à tenter de la convaincre elle, quand rien n'aurait besoin d'être mis en place pour le convaincre lui. C'est à se demander s'il va passer la nuit à alterner le joint entre elles deux, ou s'il cédera à petit feu.

Si elle avait défié ses parents en tournant sa carrière vers un milieu aussi critique que celui des vins et spiritueux, Kelly n’avait jamais poussé le bouchon au point de toucher à la moindre drogue. Il était impensable, selon elle, de se ruiner la santé aussi bêtement avec des choses pareilles. Une ironie, lorsque son domaine d’expertise n’était en réalité qu’une espèce de drogue légalisée par la gastronomie française. Le geste de la brune nefut pas suffisant pour décourager Ivy ; un second joint était déjà au bord de ses lèvres, allumé délicatement par Jack. Oh, comme elle attendait qu’un éclair divin s’abattre sur eux deux. Mais la foudre ne vint pas, et Lee se rassied, dépitée. “Kelly si tu retouche à ça je te jette de la falaise, on verra si tu t’en sors sans harnais.” menaçait Ivy. “Tu arriveras à marcher avec tes MST ?” se surprit Kelly à renchérir, maintenant qu’elle avait deviné ce qu’il se tramait entre la jeune femme et Martin, sans oublier le baiser avec Jack. Avait-elle fait la tournée des chambres d’hôtel à chaque week-end de l’aventure ? La question se posait.

“C'est naturel, Kelly, y'a rien de mal.” assurait Jack à propos du joint, essayant tant bien que mal de détendre l’atmosphère. Elle continuait à fusiller Ivy du regard. “Le calumet de la paix, c'est positif ça, non?” Voulait-il vraiment la convaincre de toucher à cette chose ? Hors de question. Elle préférait de loin garder ses deux pieds sur terre. Il existait mille autres moyens de se détendre, elle n’avait pas besoin de drogue. “Et pourquoi tu n’en fumes pas, toi, si c’est si positif que ça ?” renvoya-t-elle au doyen, lui qui paraissait particulièrement tenté par le pseudo-calumet. Cependant, un signe de paix n’était peut-être pas une mauvaise idée entre les deux candidates, prêtes à se sauter dessus comme deux félins en rage.

Et s'il tentait une bouffée, juste une? Et s'il mettait de côté toutes ses appréhensions et tous ses démons, et s'il se donnait juste pour une petite fois seulement? C'est presque pas de la triche, et s'Il le présente comme du naturel pour Kelly, c'est que ça l'est pour lui aussi, non?

Le voilà qui serait presque prêt à remettre en doute des années d'abstinence pour une seule soirée à souffler un peu. L'herbe n'est pas mal, l'herbe n'est pas la coke, l'herbe n'est pas ce qui jadis a presque bousillé sa vie et l'herbe n'est qu'un prétexte aussi. Il est capable de fumer sans resombrer Jack, il est capable de juste lâcher prise sans perdre le contrôle et tant il le répète tant il arrive presque à y croire, l'idiot d'addict qui ne réalise pas qu'il retombera dans la piège à la seconde où il ouvrira les valves.

“Et pourquoi tu n’en fumes pas, toi, si c’est si positif que ça ?”

Il savait, qu'un jour il retomberait. Il le savait et il n'est même pas déçu de lui, il n'est même pas surpris, quand le joint finit par tomber contre ses doigts, contre ses lèvres maintenant. “Et pourquoi tu n’en fumes pas, toi, si c’est si positif que ça ?”  le voilà qui fume donc. Le voilà qui prêche par l'exemple, le voilà qui sombre et qui perd pied, le voilà qui retrouve ses vieilles habitudes quand la première bouffée l'étouffe, quand la suivante l'empli déjà d'une chaleur qui a tout de nostalgique.

“À toi.”  qu'il tente maintenant, s'arrachant le joint des lèvres dans la seconde, en grognant presque. La clope est passée d'Ivy à lui, maintenant c'est à Kelly de passer le rite de passage comme il se doit. Si elle le veut, bien sûr, pas de pression, jamais.

L’alcool, le feu de camp, le joint. Tout ça ressemble de plus en plus aux soirées étudiantes qu’on voit dans les films américains. Ca ne me fait pas sourire, la mélodie que Jack est en train de jouer est uniquement pour faire plaisir à la brune qui est encore à côté de lui. Je suis sûre que je pourrais la terrifiée facilement, elle pourrait partir en courant dans la forêt et se faire manger par un truc bien violent. Moi je resterais là, à dire à Jack à quel point il est con et insupportable. Si je suis stone, peut-être qu’on aurait une vraie conversation. Genre celle où on se demande ce qu’on veut vraiment. Même si je ne sais pas quoi penser de lui ou de ce qu’on vit. Il n’a pas l’air intéressé par quoi que ce soit maintenant. Il n’a pas l’air intéressé quand on est nombreux, il change du tout au tout quand on est seulement tous les deux. Je penche la tête sur le côté, mon nouveau joint entre les lèvres. Je me méfie de Kelly, elle l’aura eu une fois, elle ne l’aura pas deux. Ou alors c’est elle que je brûle dans le feu de camp à la place de Jack. “Tu fumes pas ?” Ma tête se penche quand j’ignore complètement Kelly, mes yeux sont rivés sur Jack. Il ne faudrait pas que je fasse quoi que ce soit de bien recherché pour qu’il accepte. “Je fais ce que je veux.” Et si je veux jeter Kelly je le ferai. “Faut penser positif Kelly.” Je joue mon rôle à la perfection. Je me fou de sa gueule mais ça ne transparait ni dans ma voix ni sur mon visage. “C’est moi le dealeur ? Alors toi t’es l’alcoolique.” Que je dis en attrapant une petite bouteille que je porte à mes lèvres. “Allez Jack, c’est naturel !” Aguicheuse ? A peine. Et il fume, je souris. Il le passe à Kelly, est ce qu’elle va le faire ? Si elle le fait, je promet d’être moins hostile.

“À toi.”
“Quoi ?”
Non.
Les yeux de Kelly, rivés sur le joint, s’écarquillèrent comme deux billes qui manquaient de lui sortir des orbites. Ses dents étaient serrées par la frustration. Pourquoi, Jack ? Que cherchait-il à faire ? Elle ne comprenait pas, et surtout, elle ne voulait pas. C’était ridicule, absurde, et contraire à tout ce qu’elle prêchait. Oh, ces fameuses croyances. Ces fameux dogmes qui dictaient sa vie et avaient fait d’elle une déception ambulante pour ses parents, pour sa communauté. Ces préceptes-là mêmes qu’elle était venue fuir, challenger, oublier pour mieux remodeler son existence selon ses expériences, son propre jugement. Et si tout le monde avait tort ? Et si juste un joint, ce n’était pas grand-chose ? Comment pouvait-elle en avoir le coeur net si elle n’essayait pas, juste là, juste une fois ? Eux trois autour du feu, cela était peut-être l’occasion rêvée. Entourée, relativement protégée, que pouvait-il lui arriver de mal ? Lee avait assez regardé la télévision pour savoir que ce n’était pas cette barrette qui lui ferait faire une overdose fatale. Elle se débridait un peu, hésitante, tentée désormais. Son regard passait du joint à Jack, le rassurant ; de Jack à Ivy, le défi dans ses yeux. Lèvres pincées, ses longs doigts s’emparèrent du joint. C’était une erreur, se disait-elle, une bêtise. Elle vit à nouveau Ivy, provocante à souhait. Fort bien. Kelly porta le joint à sa bouche, tira délicatement dessus comme elle pensait que cela se faisait. Elle inspira -peut-être un peu trop- et surprise par la brûlure au fond de sa gorge, se mit à tousser. Au moins, l’odeur n’était pas désagréable. “Contents ?” Voilà qu'elle avait gagné l'herpès d'Ivy.

Le soleil commence à se coucher, et j’oublie momentanément qu’on va devoir dormir ici. J’oublie la tente. Je me dis qu’on sera trop défoncé pour avoir envie de dormir. C’est la dernière soirée de ROA, elle mérite qu’on reste éveillé. Je me demande ce qu’aurait donné une soirée comme ça, seule avec Jack. Est ce qu’on va vraiment s’enfuir après cette aventure ? J’attends de voir si Jack est un homme de parole. Je ne lui poserai pas de question, pas là en tout cas. Pas tout de suite. Mais je m’imagine faire une soirée de ce genre avec lui, quand on sera à Brisbane. Je sais qu’on se verra à Brisbane, on a des plans. Il ne peut pas me laisser tomber, et, quoi qu’il se passe, je ne le laisserai pas tomber non plus. Même quand il m’énerve à ce point là. J’espère qu’il ne mettra pas ma patience à rude épreuve à ce point là à chaque fois qu’on se verra. J’aimerais qu’on se pose et qu’on en parle, mais c’est trop sérieux comme conversation. C’est pas le moment, je l’ai déjà dit.

Le joint tourne, et je commence déjà à ressentir quelques effets. Jack avait raison, c’est de la bonne qualité, et je suis contente d’en avoir encore un dans ma poche. Ce caméraman est plutôt sympa. Il a eu un ukulélé et des joints en quelques heures. Il doit avoir un sacré réseau. “C’est pas fort Kelly ! Promis !” Quoi ? J’ai juste envie de voir comment elle réagit à ça elle. Chacun a des réactions différentes. Et elle est coincée la brune, je suis sûre qu’elle n’a jamais testé ce genre de choses. Je la regarde, défiante. Si on a vraiment des points communs elle va le prendre et inspirer profondément. Allez, ne me déçois pas Kelly. Et elle respire, fort, d’un coup d’un seul. “La deuxième fois ça passe toujours mieux.” Et je rattrape le clope verte pour la passer entre mes lèvres.

“C’est pas fort Kelly ! Promis !” narguait Ivy, quelque part encore la moquerie et les encouragements. La brune comprenait bien que les standards de la starlette étaient aux antipodes des siens ; pour être cool, pour valoir quoi que ce soit, il fallait cocher les cases qu’elle avait déterminées. Lee se passait bien de l’estime de la jeune femme et n’avait pas accepté de prendre le joint pour faire partie du gang des cool kids. Elle était d’un naturel curieux, la sommelière, et lorsque l’organe du questionnement la titillait, il était peu de barrières qu’elle ne faisait pas tomber. “Je suis pas certaine de vouloir tester plus fort que ça.” articulait-elle difficilement entre deux quintes de toux. Sa gorge la grattait terriblement, sa bouche était sèche ; ni une, ni deux, elle s’empara de l’une des mignonnettes de vin de Jack, dévissa le bouchon et prit une gorgée dans l’espoir que cela calmerait sa respiration. La surprise était totale concernant l’accueil de la fumée dans son organisme, mais cela n’avait pas été aussi terrible que ce que la brune s’était toujours imaginé. “La deuxième fois ça passe toujours mieux.” Ivy avait récupéré le joint, totalement à l’aise, dans son élément. Si Kelly n’avait initialement pas prévu de fumer plus qu’une seule et unique bouffée, elle voulait se mettre au défi de parvenir à en tirer une sans se mettre à tousser -et peut-être, par la même occasion, surprendre Ivy et gagner un peu de son respect. Mais c’était au tour de Jack désormais. “Et c’est supposé faire quoi ? Je vais voir des choses qui n’existent pas ?” elle demanda en attendant, car elle n’en avait pas l’ombre d’une idée. On lui avait toujours rabâché les pires histoires au sujet de la drogue et démêler le vrai de l’exagération ou de la fable n’était pas aisé. En revanche, si quelque chose devait lui arriver au-delà de l’étrange sensation de détente qui l’envahissait doucement, elle préférait en être mise au courant.

Je suis vraiment épuisée. Autant mentalement que physiquement. Je cherche du regard Loan et Martin. Ils se sont isolés, et ont l’air d’être concentré. Ils doivent parler maladie, ou malaise, ou peut-être bébé. Ou de moi ? Non, ils n’auraient pas de raison de parler de moi alors que je suis toujours dans les parages. Mais je les regarde une seconde, j’hésite à aller jouer à la commère en m’incrustant dans la conversation. Mais Jack a de l’alcool, et j’ai de la drogue. Ca fait un bon mélange ça non ? Je sens que cette soirée a du potentiel. Elle en a seulement si Kelly décide de se dérider. D’oublier tous ses principes et ses idées reçues et qu’elle inspire une bouffée de ce joint. Je bois un peu pendant ce temps. Les effets monteront plus vite si je mélange tout ça. Je lui tends la bouteille en récupérant le joint. Oh elle risque de finir dans un sale état la brune. Mais ça m’amuse, il faut bien qu’on s’occupe non ? Et pour ce soir, ça semble être la meilleure chose à faire. La tente est presque montée. “Vous croyez qu’on va tous devoir dormir collé les uns aux autres ?” Ca me dérange si les personnes à côté de moi sont quelqu’un d’autre que Jack ou Martin. Est ce qu’elle va être gênée Kelly ? Je pense que oui, elle n’a pas l’air d’être une fille qui se laisse approcher facilement. J’observe, elle n’a pas d’alliance, elle n’est pas mariée ? J’aurais pu parier le contraire. Je fume à mon tour et lance un regard à Jack. Ce regard qui s’assombrit, il a l’air d’être perdu, et… en transe ? Je ne connais pas son passif à Epstein, est ce que j’aurais dû l’empêcher ? Je ne suis pas sa mère, je n’ai pas d’ordre à donner. Et je tourne ma tête vers Kelly qui pose des questions. “Tu vas être détendu, et oui quand tu fumes plus qu’une bouffée tu peux avoir des hallucinations.”


Action réussie : hallucinations auditives.
Action mitigée : hallucinations visuelles.
Action échouée : Hallucinations sensorielles ? (impression d’être touché, des frissons…)

Plus d’une fois on lui avait mentionné les rumeurs selon lesquelles des passages entiers de la Bible reposaient sur des délires liés aux effets de certaines drogues, voire que Jésus lui-même s’adonnait à la pratique, que certains miracles étaient des hallucinations, de même que certaines apparitions d’anges et de démons. Alors Kelly se demandait ; allait-elle voir Jésus ? Dieu en personne ? Est-ce que cette herbe allait lui permettre d’atteindre le niveau de conscience nécessaire pour toucher les ailes d’un ange ? L’hypothèse était fascinante, mais parfaitement improbable. “Tu vas être détendue, et oui quand tu fumes plus qu’une bouffée tu peux avoir des hallucinations.” expliquait Ivy, qui à l’instar d’un Martin dans la nature, savait exactement ce dont elle parlait concernant leur petit calumet de la paix. Lee ne savait pas si elle était rassurée ou non face à cette information. Détendue, c’était une chose. L’éventualité d’une seconde bouffée ne la dérangeait plus, et au fur et à mesure des secondes, elle en avait même envie, par curiosité. Les hallucinations, en revanche, étaient une partie du processus qui l’inquiétaient. Elle craignait de ne plus savoir différencier le réel de l’imaginaire, et elle ne savait pas si elle pouvait compter sur Jack et Ivy pour lui faire garder les pieds sur terre. Le joint arriva de nouveau à elle, et elle tira dessus comme la première fois. A nouveau, elle toussa -moins, elle s’en félicitait. “Jack, on attend une chanson.” lui signalait-elle avec un sourire. C’était son rôle après tout. Puis son regard se posa sur le feu. Les flammes avaient gagné en hauteur et dansaient selon les courants d’air de la forêt. Leurs ondulations étaient hypnotisantes, grisantes. Elle sursauta ; il y avait eu un crac. Etait-ce les autres ? La tente ? Etait-ce une bête sauvage ? Lee observa le bois, et crut voir une ombre passer. “Là ! C’est quoi ?!” Un ours ? Un marsupial ? Etait-ce seulement réel ?