« Ça fait 5 minutes qu’on est parti, je crois que cet endroit ne veut pas de moi. » Je commence légèrement à penser comme elle. Ivy serait-elle devenue notre chat noir ? Je n’en sais rien, pas vraiment le temps de s’étaler sur le sujet non plus. J’ose espérer que les éléments vont cesser de se déchaîner contre elle ou elle va tout simplement finir par sauter par-dessus bord. En tout cas, ma petite tactique semble fonctionner. On se redresse. On se retrouve coincé, mais on se dégage. Et de nouveau, nous voilà entraîné par le courant qui est tout de même un peu moins fort qu’au départ. Enfin… Juste un temps. Assez pour que Jack et Ivy nous fassent un trafic de rame après que le musicien se soit probablement rendu compte que pour jouer du ukulélé, un bras, c’est parfois utile. Tout le monde à son poste et la descente qui s’offre de nouveau à nous. « Je pense que MAINTENANT, c'est le bon moment pour lancer votre cri de ralliement les gars. » Et encore une fois, on échange un regard de gamin. On est prêt, on va le crier cette fois et ça va nous porter chance. Mais comme lors du premier essai, il semblerait que l’eau soit contre nous. Une vague nous arrive dessus de plein fouet et sur la tête d’Ivy. Martin se retrouve également tremper. Je tente de faire au mieux, pour redresser, je pagaie comme un malade, mais un rocher nous dérive de la course et cette fois tout le monde semble s’écrouler comme des dominos à l’avant. « Kelly ! » elle manque de passer par-dessus bord et mon cœur a quelques ratés. Heureusement, Jack et Ivy réussissent à la maintenir à bord. Et une nouvelle fois, le débit d’eau se calme autour de nous. « Qui a perdu quoi ? » que je déplore en riant légèrement. « Jack t’a tous les bras et les jambes ? » Je lance un regard rieur au senior. Je ne demande pas à Ivy, j'ai retenue ma leçon.

“Je crois que les mots cri de ralliement sont maudits.” et ce qui est maudit, c'est la vague qui se lève au même moment, vague qui secoue le raft mais qui secoue encore plus Kelly sous le regard horrifié d'un Jack qui venait à peine de recommencer à ramer de la bonne manière.

« Kelly ! » y'a de l'eau partout, y'a des rochers avec, l'embarcation tangue d'un sens, de l'autre, désarticulée comme ils le sont tous les deux quand Jack et Ivy s'élancent pour rattraper Kelly qui elle-même peine à rester en équilibre. La crise est évitée de justesse, les souffles se sont accélérés d'emblée quand bien même tout le monde retrouve sa place une seconde plus tard, épuisés. « Qui a perdu quoi ? » au moins, la voix de Loan chante et il semble tenir plus que tout à calmer les troupes, même mission de laquelle s'est naturellement investit Jack depuis le début du rafting de l'enfer. « Jack t’a tous les bras et les jambes ? » « Yep, mais j'ai plus aucune dignité. » au rire de l'un s'additionne celui de l'autre. Ça fait bien longtemps qu'il a perdu toute notion de bien paraître à la caméra Jack, et il est pas là pour aller chercher la célébrité ou quoi que ce soit. Il veut juste que tout le monde survive et pour le moment, ils l'ont échappé belle ; ils méritent bien une poignée de minutes de répit.

« J'te prêterais bien la couverture pour te réchauffer mais elle est détrempée. » qu'il tente, penaud, pointant l'amas de tissus imbibés d'eau glacée de rivère à une Kelly qu'il essaie de lire, s'assurer de voir si elle est traumatisée ou si elle se porte un peu mieux. Son sourire en coin suggère qu'elle maintient son positivisme d'aplomb, elle est belle quand elle garde en tête son but ultime qui est bien évidemment devenu le sien, le leur.

« Ça me fait penser à une de mes histoires en mer! » et pourquoi, là, de suite, Jack hurlerait presque au mensonge tant leur capitaine n'en a que le nom?

WIN : il raconte le synopsis de Pirates des Caraïbes, personne se rend compte de la supercherie
SO CLOSE : il raconte le synopsis de Jaws, Martin est terrifié
FAIL : il raconte le synopsis de Titanic, Ivy est outrée

Et ça commence fort. Trop fort même. Pareil au tempérament imprévisible et ahurissant d'Ivy le torrent nous emporte et nous sommes ballotté de droite à gauche. C'est comme la Rivière sauvage de Europa Park, non ? Bon, un peu plus réelle, plus dangereuse et moins sécurisante, mais c'est la même chose. Plus ou moins. Nous pagayons comme si notre vie en dépendait – la survie des mes tympans surtout quand j'entends les hurlements de terreur d'Ivy et ses plaintes inlassable – tentant de dompter les rapides, mais sommes littéralement à leur merci. Une descente, un tournant et hop, notre raft se retourne et, naviguant en arrière, il nous emporte. Et c'est la panique.

Ivy hurle plus fort, Loan hurle des ordres, Kelly, Jack et moi pagayons... jusqu'à ce que nous sommes brusquement stoppé par quelques chose. Un rochet sans doute. Dans tous les cas, ce moment n'est en rien une accalmie : Ivy casse sa pagaie, Jack lui donne la sienne et pagaie avec ses mains. Je suis tout à fait d'accord avec Loan que ça risque d'être très dangereux pour le musicien, alors que nous parvenons à nous décoincer.

Il y a ensuite un nouveau trafic de pagaies entre Jack et Ivy, Kelly tente le positivisme -dieu soit loué que nous n'avons pas affaire à une deuxième Ivy- Loan s'inquiète pour Jack et moi je continue à tenter de faire avancer de raft. Jack pense que c'est le bon moment pour mon meilleur ami et moi de faire notre cri de ralliement mais nous sommes encore une fois stoppé par une vague qui ébranle l'embarcation à tel point que nous devons tous nous accrocher pour pas en perdre un en cours de route.

Lorsque le raft glisse à nouveau sur les flots, la cadences semble se ralentir légèrement. Et c'est là que l'autre Jack commence à nous raconter une anecdote de pirate. Je l'écoute attentivement, alors que le cours du torrent commence à ralentir et j'avoue que son récit est quand même fantastique. Au rythme de ses paroles, je plonge ma pagaie dans l'eau pour que nous ne perdons pas notre élan tout en gardant notre énergie pour le prochain passage de rapides.

 « The king and his men, Stole the Queen from her bed, And bound her in her Bones » commençais-je à chantonner pour accompagner le récit de Jack  « The seas be ours, And by the powers, Where we will, we'll roam. » je continue à plonger inlassablement ma pagaie dans l'eau pour propulser notre bouée vers l'avant  « Yo Ho, haul together, Hoist the colours high, Heave Ho, Theives and Beggars, Never Shall We Die! » Et j'espère qu'au moins un m'accompagnera dans mon chant de pirate.

Le récit prend place et eux tous aussi, comme s'ils avaient véritablement envie de juste lâcher du leste, de respirer un peu mieux. Les débuts ont été fastidieux, mais tout semble se porter pour le mieux quand Jack-qui-n'est-pas-Jack-mais-qui-se-nomme-Jack-aussi se lance dans une épopée qui a tout pour sonner familière aux oreilles des autres, mais que Jack-qui-est-Jack-et-qui-partage-le-titre-de-Jack-pour-la-journée s'attarde à la chanson plus qu'à l'histoire. Qui ça étonne.

« The king and his men, Stole the Queen from her bed, And bound her in her Bones »
« The seas be ours, And by the powers, Where we will, we'll roam. »
« Yo Ho, haul together, Hoist the colours high, Heave Ho, Theives and Beggars, Never Shall We Die! »

Du bout de la rame il tente d'accompagner les chants d'une mélodie comme une autre. Les notes sont trouvées à partir de tantôt les flots, tantôt le raft en lui-même, il se casse la tête à un niveau encore jamais atteint, rieur, trouvant dans sa nouvelle lubie le parfait passe-temps pour remotiver les troupes, pour leur donner un peu de bon vouloir.

La journée elle, est incroyable. Il a même pas pris le temps de se poser pour regarder le ciel depuis leurs dernières débandades, se retrouvant dans une météo ensoleillée qui lui réchauffe le coeur un peu plus que de voir les airs de tout le monde qui doucement, naturellement, reprennent des couleurs, reprennent du mieux. Par-dessus son épaule, il jette même un coup d'oeil à Ivy, ravi de voir que pour au moins les cinq dernières minutes elle n'a pas été en danger, ou n'a pas menacé de buter qui que ce soit. C'est que le rafting est pas si pire que ça, finalement.

« Tu me donnes presque envie de sortir mon ukulele Martin. » qu'il raille, le musicien jamais sans sa guitare miniature, fourrée au fond de son sac à dos de fortune.

« Yep, mais j'ai plus aucune dignité. » « Oh, on est plus à ça près. » J’éclate d’un rire franc alors qu’il tente de se redresser comme il peut le pauvre Jack. Emporter par les flots et les femmes. C’est quelque chose qui lui correspond bien malgré tout. Image de crooner même sous les trombes d’eau, sourire aux lèvres et nez cassé. Les filles semblent se remettre de leurs émotions et voilà que lentement, le cours de l’eau semble prendre une pause. Je respire un bon coup. « Ça me fait penser à une de mes histoires en mer! » Et tout le monde se détends, lorsqu’il évoque une histoire un brin rocambolesque, le Jack qui s’additionne à notre troupe. On vogue dans ses paroles, au gré de ses envies, on reprend des forces aussi un peu. Et Martin se lance dans un chant de pirate, un truc que je l’ai entendu chanter tellement de fois que j’en lève les yeux au ciel. Dans une autre vie, il aurait été un vieux loup de mer mon Martin. A vivre sur un voilier en voguant d’île en île. Ou quelque chose comme ça, j’en suis persuadé. Et le chant qu’il entame me fait sourire comme un gamin de nouveau.

« The bell has been raised
from it's water grave
Hear it's sepulchral tone?
A call to all
pay heed the squall
and turn yourself toward home
Yo ho, haul together
Hoist the colors high
Heave ho, thieves and beggars
Never shall we die »

Je nous imagine presque avec la longue vue, le chapeau, la boussole et tout le bordel. Je réveille éveiller. Imagine embarquer Noah dans notre aventure alors qu’il rirait aux éclats, me faisant jurer de pas dire à sa mère qu’il a laisser échapper quelques gros mots tout en goûtant à du scotch. Je me perds et remarque que Jack ne cesse de me fixer depuis que j’ai entamer le refrain avec Martin. « Tu me donnes presque envie de sortir mon ukulele Martin. » Oh oui, je n’attends que ça depuis que j’ai vu qu’il allait être avec nous pour cette épreuve. « Tu pousses la chansonnette Epstein ? »

Elle manque de passer par dessus bord, on la rattrape, on l’appelle, tout est flou, tout va trop vite, et la dernière chose que Kelly savait était que ses deux fesses étaient finalement toujours dans le canot, que sa pagaie n’y était plus et qu’elle avait mal un peu partout. « Qui a perdu quoi ? » interroge Loan. “La r...r-rame.” qu’elle bredouille, encore en train d’essayer de reconstituer l’incident au complet, incapable de tout à fait saisir à quel moment elle avait lâché l’objet. Oh, elle était trempée désormais, de sa queue de cheval au bout des ongles de pieds. « J'te prêterais bien la couverture pour te réchauffer mais elle est détrempée. » commentait Jack, sans être très utile au final. “C’est pas grave. Je vais bien.” elle assura, autant pour elle-même que pour le reste de la troupe. Des frayeurs comme celle-ci, ils en connaîtront d’autres à coup sûr, et elle savait désormais à quoi s’attendre. La dangerosité de la chose venait de prendre tout sa dimension. “On a des rames de secours ?” elle demanda, retrouvant ses esprits, car s’il était une chose dot Kelly était incapable, c’était de rester sans rien à faire, à se tourner les pouces, pendant que d’autres s’agitaient autour d’elle. C’était sa finale, il n’était pas question qu’elle reste sur le banc de touche. « Ça me fait penser à une de mes histoires en mer! » lança le capitaine, parti sans que personne ne puisse l’en empêcher dans les méandres d’une obscure histoire de piraterie, de médaillon maudit et… de zombies ? Martin entonna un chant, suivi par Jack, puis par Loan. C’était elle qui avait été secouée mais Kelly avait le sentiment que c’était tous les autres qui avaient perdu l’esprit. Elle n’avait ni la référence, ni la voix pour chanter. Mais le courant était plus clément sur ces quelques centaines de mètres et la mélodie n’était pas de trop pour galvaniser la troupe. “Tu chantes pas Ivy ?” elle demanda à la jeune femme qui en avait connu des vertes et des pas mûres depuis leur départ. Peut-être ne savait-elle que faire la tête et hurler de temps en temps. Chacun son talent.

”Tu l’as perdu y’a longtemps ça alors le met pas sur le dos du rafting.” Je hausse un sourcil, la dignité de Jack il a dû la perdre quelques années après sa naissance. Tout le monde a survécu, mais je suis tombée sur le dos de Killy ? Mallie ? Mon dieu comment c’est possible de pas réussir à me souvenir de son prénom ? Y’a pas quelqu’un qui peut hurler ? Loan répond à mes prières intérieures. “KELLY !” Je vais essayer de pas l’oublier cette fois. Je me remets à ma place après avoir sauvé Jack et écrasé Kelly. J’espère qu’elle va bien, moi mon bras me fait mal.

Donc je perds presque mon bras et tout le monde s’en fout ? Très bien. Apparemment tout va bien si Jack a encore tous ses membres et si Kelly n’a pas froid. Forcément qu’elle a froid, on a tous froid Jack. Non je rage pas, c’est seulement une observation. “Manquait plus que ça.” Des histoires de loups de mer, j’aimerais bien pouvoir regarder le faux Jack dans les yeux pour voir à quel point il ment. Je suis sûre qu’il a peur de l’eau. Je me tâte à le jeter par dessus bord pour vérifier ma théorie et l’entendre hurler encore plus fort que moi.

Oh non ils commencent à chanter, pourquoi ça ne m’étonne pas ? Je roule des yeux en continuant de surveiller les alentours, on ne sait jamais ce qu’il peut se passer. Il pourrait nous arriver encore pas mal de malheurs. Pourquoi Martin nous a ramené ici ? Et Jack a pris son ukulele, qui doit être actuellement trempé ou brisé en mille morceaux. “Tu risques de le perdre aussi vite que les rames.” Je ne vais pas jeter cet instrument, il n’est pas mauvais le vieux, ce n’est pas désagréable de l’entendre jouer. Kelly se tourne vers moi pour me dire que je ne chante pas. Quelle fine observatrice. “Toi non plus.” Je hausse un sourcil, on ne peut même pas aller parler plus loin et ça m’énerve d’être coincé. “Je connais pas ce genre de chansons et on ne peut pas dire que je sois d’humeur.”  

Elle ne démérite pas Kelly, bien que secouée dans tous les sens, à moitié évacuée du bateau. Elle bredouille un peu et je remarque qu’elle a perdue sa rame dans la bataille. Va falloir que l’on se calme sur la perte du matériel sinon on va arriver à moitié du chemin avec plus aucuns rames pour ne diriger. Non je préfère ne pas imaginer ce genre de scénario, ce serait un brin catastrophique. « C’est rien, on va se débrouiller. » que je lui assure alors que déjà elle demande si on en aurait pas une de secours, au milieu de tout ce joyeux bordel. Et Jack, l’intrus, nous sors deux petites rames. Elles ont bien plus courte que les autres et pliantes. Pas très solide mais ça devrait faire l’affaire pour que les filles continuent à nous donner un coup de main. Pour se diriger, ça devrait aller.

Mais je perds le fil de ce qui se déroule entre les demoiselles alors que Martin entame un chant de marin qui me fait retrouver le sourire. Le cours d’eau nous laisse un peu de répit, on semble enfin s’apaiser un peu. On repartira de plus belle, je n’en doute pas une seconde. Bien au contraire. En attendant, on pousse la chansonnette, ça nous permet de calmer un peu l’excitation générale qu’a provoquer le début de notre course. A l’arrière, je nous observe un peu tous. Les demoiselles devant, trempée de la tête aux pieds, mais toujours aussi magnifique. Les Jacks parlent de la mer, de l’horizon, des étendues qui libère l’esprit et font cavaler les rêves. « Je connais pas ce genre de chansons et on ne peut pas dire que je sois d’humeur. » Je me retiens de lever les yeux au ciel. « On va changer alors. » que je propose, mais mon regard croise celui de Martin si fier de sa chanson. Il à l’air en pleine forme et je suis vraiment rassurer de le voir aussi bien. « Ça me fait plaisir qu’on fasse équipe à la fin. » que je lui lance un brin ému, un brin nostalgique de cette aventure qui doucement prends fin.

Il y a Loan qui me suit rapidement dans mon chant et il y a Jack le musicien qui invente un accompagnement musical à coup de pagaie contre l'eau ou tapotement de ses doigts sur le contour du bateau. Le temps est clément, le soleil brulant qui fait du bien à nos vêtement trempé et le torrent s'est transformé en gentille rivière. Nos pagaies se plantent dans l'eau dans un rythme tranquille et régulier et tout le monde semble profiter pleinement de ce moment d'accalmie. Connaissant, toutefois, le rafting, je me doute sincèrement que nous ne sommes pas au bout de nos peines, autant, donc, profiter à fond.

Chanter me calme. J'ai toujours adoré ça, même si mon timbre de voix laisse a désiré -heureusement que Loan l'artiste est là pour rattraper le tout. D'ailleurs, celui-ci, s'arrêtant après le refrait, me dit qu'il est heureux de faire équipe avec moi et je lui offre un doux sourire  « Moi aussi» dis-je avec un clin d'oeil en lui donnant un coup de coude avant de me tourner vers Kelly lorsqu'elle demande s'il n'y a pas une pagaie de rabe.  « Je ...crois pas non» j'hausse les épaules  « Oh, attend !» Que je m'exclame finalement lorsque du coin de l'oeil j'apperçois le bout jaune de la pagaie flotte non loin de nous.

Je me penche ensuite dangereusement, a plat ventre sur le bord de la bouet et tend le bras avec ma pagaie  « Loan prend moi» dis-je  «Par le gilet » ajoutais-je promptement  « J'y....suis....presque ...» je me concentre, me penche encore plus et parvient enfin à ramener la pagaie dans l'embarcation  « TADAAA ! Moins de plastique polluant dans l'eau et une pagaie pour Kelly» m'exclamais-je victorieux en la tendant à la jeune femme, tout sourire.

On passe des rames de secours à ceux dans le besoin, l’air salin leur fait tout du bien. C’était facile à prévoir et pourtant il joue de suspens, grand con grand enfant de plus de quarante-quatre ans, quand il finit par étirer sa vieille silhouette et ses vieux os avec, pour attraper son ukulele dans son sac. « Tu pousses la chansonnette Epstein ? » bien sûr qu’il la pousse, le sourire radieux aux lèvres. Sa gorge qu’il racle un peu moins bruyamment que s’il s’était claqué clope par-dessus clope, le voilà qui exhibe l’instrument, l’un des plus beaux souvenirs de l’aventure.

Il a pris l’eau le ukulele, mais c’est pas si dramatique que ça, rien qui ne le rendra pas plus fort d’aventures et d’épopées à lui-même raconter, désaccordé. Une petite pensée pour Moon et River alors qu’il joue avec les cordes, qu’il retravaille le manche, qu’il improvise un my dog has flees simplement pour entendre si chaque partie est bien postée, bien calée.

C’est Loan qui a donné l’idée mais c’est Jack qui a pris le relais de l’initiative, quand il redresse la tête, bon joueur, et qu’il balaie la foule de quelques cinq autres visages que le sien pour demander, le ton goguenard, lui qui a bel et bien retrouvé ses marques hors de l’eau. « Qui veut entendre sa chanson préférée ? » en version édulcorée, bien sûr, qu’il sous-entend, agitant l’instrument sous leurs yeux le temps que la pause en soit véritablement une.

Il voit bien que les filles ont envie de discuter entre elles, il voit bien aussi que l’embarcation continue doucement d’avancer (et dans le bon sens en plus, quel luxe). Suffit juste d’une petite trame sonore pour bien leur donner du nerf à la bagarre, à la finale qui doucement mais sûrement lui semble de plus en plus tanguer vers une victoire pour ses binômes de la journée.

“Toi non plus.” constate Ivy à raison, et Kelly sent le rouge lui monter aux joues instantanément. “Je…” La sommelière avait bien trop honte d’admettre un certain manque de culture générale, ou plutôt de culture populaire ; elle se retrouvait souvent à la traîne dans les conversations qui empruntaient le chemin des références en tous genres, elle souriait, hochait la tête, et se faisait discrète. Par dessus le marché, concernant la chanson en question, Kelly était persuadée de ne pas savoir chanter. Tout le monde pouvait prétendre le contraire, elle refusait de l’entendre, et de fait, de pousser la chansonnette. “Je connais pas ce genre de chansons et on ne peut pas dire que je sois d’humeur.” Elle avait cru le comprendre. Après le sale coup que lui avait fait Martin, Lee trouvait l’état d’esprit d’Ivy tout à fait compréhensible -mais forcément, c’était la fille qui passait pour l’enquiquineuse, et le garçon, pour le plaisantin incompris. “Toujours pas adepte de la pensée positive ?” elle demanda avec un sourire, espérant aider la blonde à dédramatiser. L’australienne, malgré la peur des rapides, savait reconnaître l’opportunité du moment, cette expérience spéciale, et dans le fond elle souhaitait que Ivy passe un aussi meilleur moment que possible. En parlant du loup, Martin parvient à récupérer une des rames tombées du radeau gonflable, sous le regard à la fois médusé et paniqué de Kelly. Elle accueillit la pagaie sans trop savoir si elle devait le féliciter pour sa témérité, ou le réprimander pour un tel risque. “Merci.” se contenta-t-elle alors de dire. Au moins, elle pouvait participer à nouveau. Jack, lui, avait sorti son ukulélé -et ne cessait de surprendre Lee tout en gagnant en charme. Elle n’avait pas de chanson préféré et laissait le soin aux autres de sélectionner la playlist.

Il se penche en avant comme si de rien était Martin. Me présentant son fessier, vraiment bien mouler dans ce short, sous le nez alors que Kelly se trouve juste devant nous. Je fais abstraction alors qu’il gigote comme un poisson hors de l’eau pour faire je ne sais quoi. « Loan prend moi. » Oh le lapsus. Oh que Kelly va virer blanche. « Par le gilet. » Oh merde. « Attends ! » Je le rattrape juste avant qu’il ne valse par-dessus bord cet idiot. Il tire vers l’avant, je tire vers l’arrière. Et voilà qu’il revient, ravi d’avoir repêcher une de nos rames. J’éclate de rire. Notre mister green de l’aventure, bien sûr qu’il n’allait pas laisser du plastique dans la rivière.  « Notre sauveur. » que je plaisante en lui donnant un léger coup de coude dans le bras, alors que l’on reprend nos places. Autant rester dans le bateau tout de même.

Pendant ce temps, Jack a eu le temps de sortir son ukulélé qui a survécu à toutes nos péripéties par je ne sais quel miracle. Je suis ravi de revoir le petit instrument, alors que je repense à notre rencontre le weekend de la première semaine. Alors que la finale nous semblait si loin et que je nous voyais déjà perdant. Le temps à réellement filer depuis. « Qui veut entendre sa chanson préférée ? » « MOI ! » Et je pourrais bousculer tout le monde, juste pour aller m’installer devant le musicien et le laisser m’hypnotiser avec son instrument. Mais je reste sage, attends que les autres se proposent, mais rien ne vient. « Si je te donne une mélodie, tu arrive à suivre le rythme ? » Et déjà il faudrait que je pense à une. Juste comme ça. Je réfléchis à la va-vite et mon regarde tombe sur Kelly.

Win : Il entame l’air de Twinkle, Twinkle,
So close : Il entame l’air de Wheels on the Bus
Fail : Il entame l’air de A Song that Get’s on Everybody’s Nerves

« MOI ! »  l’entrain de Loan lui arrache un grand, un immense sourire franc, quand déjà il est prêt pour la suite quelle qu’elle soit. « Si je te donne une mélodie, tu arrive à suivre le rythme ? » « Je vais essayer, promis. » qu’il se dédouane, pas imbu au point de croire qu’il sait tout maaaaaaais, l’air de Wheels on the Bus est si facilement reconnaissable que direct, il s’y met Jack, le rire toujours prêt.

The wipers on the bus go Swish, swish, swish
Swish, swish, swish
Swish, swish, swish
The wipers on the bus go Swish, swish, swish
All through the town

C’est un aller simple à ses souvenirs de bus au Canada et il le prend, direct, les souvenirs qui remontent et ceux de la belle époque, celle naïve, celle de Jack le gamin qui n’a peur de rien. Il se revoit haut comme trois pommes et il entend même ses camarades faire les choeurs, ou alors ce sont les autres navigateurs du dimanche qui reprennent le rythme, il ne saurait dire. Lui, il s'amuse comme un enfant à la veille de Noel et ça, c'est suffisant pour lui réchauffer le coeur mais surtout le bout des doigts, des orteils, tout est gelé sur ce radeau de merde.

Et il est lourd Jack, quand désormais son seul et unique but (ou presque) sera de savoir ce que le capitaine veut bien entendre comme chanson. C’est lui qui les a foutus dans la merde dès le départ mais c’est aussi lui qui a tenté de calmer les foules (de six) en leur racontant ce qui ressemble un peu trop fort à un récit de film à bien y penser.

Qu’à cela n’y tienne, Jack se replace sur son siège, accorde à nouveau son instrument en s’assurant de jeter coup d’œil par-dessus coup d’œil vers le trajet qu’emprunte le radeau question de toujours s’assurer qu’ils soient dans la bonne direction. Ce n’est qu’une fois qu’il est rassuré – de ça, mais aussi que Kelly et Ivy ont l’air d’être un peu plus à l’aise, un peu plus confortables sur le bateau, qu'il relance, amusé, intrigué.

« À vous, cap'tain! »
« À moi, à moi, à moiii! » qu’il insiste le capitaine pas vraiment capitaine mais nous dirons qu’il gagne tout de même un point pour l’effort

WIN : In the navy
SO CLOSE : Smoke on the water
FAIL : Only the ocean