I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Daniel parvenait toujours à faire réveiller ses parents en toute délicatesse le matin. Il n'était pas brutal avec ses gestes, même s'il ne mesurait rien pour le moment. Mais il était délicat et savait comment il fallait faire pour voir ce sourire sur les lèvres de ses parents avant même que leurs yeux ne soient pas ouverts. La petite famille restait un moment dans le lit, à se réveiller ensemble. Il n'était pas encore trop tard, mais on sentait déjà l'odeur du petit-déjeuner qui était monté jusqu'à leur chambre. Surtout les toasts grillés. "Bonjour mon amour." lui répondit-elle tendrement. Joanne se redressa un petit peu pour pouvoir l'embrasser tendrement avant de reposer sa tête sur l'oreiller. Son fiancé songea à la veille, constatant de lui même que ça s'était bien passé. "Elle avait tellement hâte de te voir, et je ne pense pas qu'elle a été déçue, loin de là." lui assura-t-elle. "Ca se serait senti, sinon." Molly avait aussi bien du mal à cacher ses sentiments. Bien qu'elle était très ouverte, elle pouvait se méfier rapidement des personnes qui ne lui inspiraient pas confiance. "Tu m'as agréablement surprise, hier aussi. Tu as parlé avec elle avec beaucoup plus d'aisance qu'avec mes parents." Et ça faisait énormément plaisir à la jeune femme, que le courant passe aussi bien. "A mon avis, elle va rapidement s'attacher à toi." Jamie se mit à parler à Daniel de ces magnifiques yeux transmis sur trois générations. Elle sourit en les regardant. Ils souriaient tous les deux, ils étaient si heureux. La plus belle des victoires selon la jeune femme. Daniel commençait à chouiner un peu, il avait faim. Ce fut le signal pour sortir tout le monde du lit. Joanne n'enfila que son gilet pour descendre, comptant prendre une douche après avoir mangé. "Viens par là, mon bébé, on va te faire tout propre pour Nanny, tu ne crois pas ?" dit-elle en prenant Daniel dans ses bras. Ses affaires étaient dans la même chambre que la leur, elle en profita alors pour le mettre propre et l'habiller avant de descendre. Molly avait généreusement garni la table de la salle à manger. "Bonjour tout le monde !" dit-elle, les yeux pétillants, venant déposer sur la joue de sa petite-fille. "Vous me semblez déjà moins fatigués qu'hier soir." "Tu as acheté cette chaise haute ?" demanda Joanne, étonnée. Elle semblait flamban tneuve. "Oh non, un des voisins me l'a prêté. Ils ont des petits enfants en bas âge qui viennent régulièrement chez eux, ils ont bien voulu me la prêter pour la semaine." Jamie était parti dans la cuisine s'occuper du biberon du petit. Lorsqu'il revint, elle lui confia Daniel pour lui laisser faire ce petit plaisir là. Joanne s'installa à table, les petit-déjeuners de sa grand-mère lui donnait toujours faim. Toutes ses confitures étaient maison, le miel était local. La vieille dame avait même préparé un chocolat chaud à Joanne. Elle regardait d'un air attendri l'échange de regard entre Jamie et Daniel. "Savoir qu'il est père le rend encore plus séduisant, tu ne trouves pas ?" lança-t-elle à Joanne. Celle-ci rit nerveusement. "Surtout quand on est la mère de ce petit bout de chou." lui répondit-elle pendant qu'elle faisait sa tartine. Une fois le repas terminé pour Daniel, il fut placé dans sa chaise haute avec quelques jouets. Jamie pouvait commencer à déjeuner. Tout le monde prenait son temps, pour discuter un peu. Molly parlait de banalités, des dernières choses qu'elle avait fait. "Je vais vite prendre une douche." lança Joanne au bout de plusieurs minutes de conversation. Et elle grimpa à l'étage. "Vous la rendez vraiment heureuse, Jamie, vous le savez ?" dit Molly au bout d'un moment, avec un léger sourire sur ses lèvres. "Même s'il y a eu des mauvaises passes - tous les couples ont ça -, elle vous aime éperdument. Ca n'a jamais été facile pour elle de s'ouvrir à qui que ce soit, de tomber amoureuse. Il faut vous estimer chanceux, elle a bien trop d'amour à donner." Molly avait le visage calme, posé, elle était tout simplement heureuse pour sa petite-fille. "Martin est parfois une tête de mule. Joanne ne s'est jamais posée la question pourquoi ils étaient tous si protecteurs avec elle. Il m'a fait promettre de ne jamais en toucher un mot à Joanne, et je ne brise jamais mes promesses. Elle m'a dit que vous y attachiez aussi un grande importance, je suppose que vous savez ce que c'est." dit-elle avec un petit rire complice. "Tout le monde s'est mse à la surprotéger parce que quelques heures après sa naissance, ces problèmes respiratoires avaient déjà fait des siennes. Elle était née un peu en naissance, et elle s'en était bien remise. Les médecins n'avaient pas cherché plus loin, à l'époque, vu que les jours suivants, ça ne s'était pas renouvelé. Les médecins disaient alors qu'elle avait certainement la santé fragile, qu'il fallait être prudent. Et tout est parti de là. Je vous laisse deviner de quelle a pu prendre cette protection." Elle soupira. "Ce n'est qu'après sa fausse-couche que l'on a véritablement su d'où venait ses problèmes respiratoires, mais vous savez certainement qu'elle ne l'a pas dit à tout le monde. Elle m'en a parlée, mais elle m'a aussi fait jurer de ne pas en parler à ses parents. Dans le fond, c'était à nouveau équilibré. Mais j'ai trouvé ça exagéré de la priver de son indépendance pour autant... Pardonnez-moi, je m'envole dans mes théories, ce n'est jamais bon signe. N'hésitez pas à m'arrêter." Et elle riait de nouveau. "Retenez juste que d'avoir son coeur est le plus beau des privilèges, et que vous la considérez comme votre égal lui apporte énormément, même si j'ai cru comprendre que vous la protégiez aussi. Mais, je pense que vous la protéger d'un mal existant, contrairement à son frère." Elle grinça des dents. "Je sais qu'elle a un cheminement de pensées extrêmement complexes, et, je pense être la personne qui la connaît le mieux pour savoir comment elle pense. Si je peux vous aider sur ce point, je serai toujours disponible. A condition que vous ne gardiez bien pour vous le secret que je viens de vous confier. Mais il me semblait juste que vous ayez connaissance de ce détail, parce que vous êtes désormais la personne la plus importante à ses yeux. Nous avons un arrangement ?" Joanne descendit quelques minutes plus tard, les cheveux mouillés. Elle aida à débarrasser la table. "Que comptez-vous faire, aujourd'hui ?" "Je pensais montrer un petit peu Two Rocks à Jamie, et pourquoi pas se promener à la plage ?" suggéra Joanne. "A moins que tu ne voulais faire autre chose aujourd'hui." dit-elle à Jamie. Peut-être qu'il avait une envie particulière.
Le regard de Joanne est plein d'encouragements. Elle a bien remarqué que le premier contact avec Molly s'était bien passé, et à ses yeux, la vieille femme n'est pas déçue de ma rencontre. Si cela avait été le cas, elle l'aurai su, et je pense qu'elle me l'aurait dit. Je ris un peu nerveusement quand elle s'avoue surprise de la facilité avec laquelle je suis parvenu à échanger avec sa grand-mère. Il est vrai qu'elle est beaucoup moins intimidante que les parents de la jeun femme, plus sympathique. Mais surtout, j'avais une astuce que je lui confie tout bas, comme un petit secret honteux qu'elle ne doit surtout pas répéter ; « Je m'imaginais que je te parlais à toi, ou à une copie de toi, vu que vous vous ressemblez beaucoup. Ca rendait les choses plus faciles. » Et, forcément, je me sentais plus à l'aise. C'est une technique qui aura au moins porté ses fruits hier soir, pour le premier échange. Avec le temps, si je suis plus à l'aise plus naturellement, je n'en aurais plus besoin. « Ne parle pas trop vite. » dis-je à Joanne qui est persuadée que la vieille femme se prendra rapidement d'affection pour moi. Je suis doué pour rendre mes relations complexes et mettre mon entourage à vif. J'ai encore la semaine pour tout faire capoter malgré moi, et il y a plus de chances que cela arrive plutôt que le contraire. Le petit ventre de Daniel criant famine, nous quittons le lit. Joanne le prépare le temps que je me rafraîchisse. Je ne prends que cinq minutes montre en main sous la douche. Pas question de faire attendre ce pain grillé dont la bonne odeur remonte jusqu'à la chambre. Une fois en bas, je m'occupe du biberon du petit. Je prend quelques minutes supplémentaires pour trouver mes marques dans cette cuisine que je ne connais pas, mais je m'en sors. Je m'installe à table, pour être avec les deux Prescott, et garde Daniel sur mes genoux, un bras autour de lui, pour superviser son petit-déjeuner. Je lui confie son biberon, qu'il tient avec les deux mains. Généralement, je peux le lâcher lorsqu'il y a un peu moins de lait dedans, qu'il est moins lourd, et le bébé se charge de le finir tout seul. Cette fois, il fait un peu son capricieux, et aimerait que je le lui tienne tout du long. « Allez, Daniel, je sais que tu y arrives très bien tout seul. » De toute manière, il comprend vite que soit il se débrouille seul, soit le petit-déjeuner s'arrête là pour lui. Alors il pousse sur ses petits bras et lève la tête jusqu'à avoir la dernière goutte. « C'est bien, bonhomme, bravo. » Je l'embrasse sur le front et le dépose dans sa chaise haute. « Tiens, tu as droit à un peu de compote en plus. C'est les vacances après tout. » dis-je tout bas en lui tendant quelques cuillères de mélange à base de pomme. Je sais qu'il adore ça. Enfin, cette fois, c'est à mon tour de manger. Je prends un peu de tout, ayant bon appétit. Mon estomac se remet lentement du long voyage depuis Londres. Au bout d'un moment, Joanne file à la douche, me laissent seul à seul avec Molly. Le silence est de courte durée. La vieille femme tient à me faire comprendre la place que j'ai dans la vie de sa petite-fille. « Ce n'est pas ce que vous auriez dit si nous nous étions rencontrés avant son séjour ici. » je lui fais remarquer lorsqu'elle dit que je la rend heureuse. J'ai plutôt l'impression de toujours faire quelque chose de travers. Du reste, j'écoute la vieille femme religieusement, sans plus l'interrompre. Je suis attentif à tout son récit, ce secret de famille qu'elle me révèle sans que je ne sache trop pourquoi. Mais elle y tient. Sûrement pour que je sache pourquoi et comment ne pas faire les mêmes erreurs que les parents de Joanne. Elle m'assure qu'elle sera toujours là pour m'aider à comprendre les pensées qui animent parfois ma fiancée, ce cheminement qui m'échappe complètement. Comme un accord entre elle et moi. « Je n'aime pas vraiment avoir de secrets pour elle, vous savez... » J'évite ce genre de cas de figure autant que possible, sauf lorsque j'estime que n'ai pas le choix. « Mais je ne dirai rien, c'est promis. » Joanne réapparaît peu de temps après. Je termine une dernière tartine ainsi qu'un grand verre de jus d'orange pressé. De quoi être d'aplomb pour la journée. La jeune femme propose que nous fassions le tour de la ville et de la plage, ce qui me semble être un bon programme pour aujourd'hui. « Non, non. Je suis encore un peu engourdi par le jet-lag, me balader me suffit amplement. » Sur le moment, par automatisme, j'enfile une veste, comme à Londres. Puis je me rappelle que même l'hiver en Australie est bien chaud, sans fond d'air froid, et que je n'en ai nullement besoin. Je ris de ma propre étourderie et pour ne plus être tenté, je monte rapidement à l'étage ranger ce vêtement. Curieux, j'en profite pour regarder furtivement les livres sur les étagères de la chambre, me demandant quelle a été la lecture de Joanne à travers les années. En tirant un des livres au titre m'étant inconnu, quelque chose tombe des pages. En ramassant le papier, je me rend compte qu'il s'agit d'une photographie, et quand je la tourne pour pouvoir la voir, mon regard tombe sur une Joanne plus jeune aux côtés d'un garçon que je devine immédiatement être son ex-mari. Rapidement, je remets la photo à sa place, le livre entre les autres, et retourne en bas. « Vous venez avec nous Molly ? » je demande, quoi que cela n'est pas vraiment une question qui acceptera un refus. Nous ne sommes pas là pour la laisser encore une fois seule chez elle, et aller et venir en étant bien contents qu'elle soit aux petits soins. Nous pouvons bien marcher d'un pas plus lent pour elle s'il le faut. Et je suis certain qu'elle a un tas de choses à raconter sur sa ville et cette fameuse plage.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
"Joanne était au plus bas, pendant cette période là, je le conçois. Et vous allez me dire que c'est de votre faute. C'est peut-être le cas, mais pas que. Elle a été confrontée à tout un tas de choses qu'elle ne connaissait pas, du moins, ça n'avait jamais été de cette ampleur." Le visage de Molly était toujours aussi serein. "Quand on creuse là où il faut, on voit qu'il ne s'agit là que d'amour, sous sa forme la moins flatteuse, certes. Mais dites-vous que si elle ne vous aimait pas autant, si elle ne vous considérait pas comme son âme soeur, elle n'aurait jamais été dans cet là. Joanne n'a pas su gérer toutes ces émotions, qu'importe tout ce qui a pu se passer entre vous. Je n'en tiens rigueur à personne. C'est une preuve comme une autre, Jamie. Sous son aspect le plus vicieux. Et même à ce moment là, je savais que c'est vous qui allait la rendre heureuse. Je le savais parce que bon nombre d'hommes aurait laissé tomber sa fiancée en la voyant dans un tel état. Personne ne voudrait d'une femme au mental fragile, beaucoup recherche un caractère fort. Et pourtant, vous êtes là, prêt à rencontrer sa famille et déterminé à lui passer la bague au doigt dans quelques mois." C'était un regard presque reconnaissant qu'elle lui lançait, encore plus lorsqu'il lui promit de garder ce secret. Molly savait que sa petite-fille en voudrait énormément à ses parents si elle l'apprenait un jour. Après être redescendue, Joanne proposa de se promener un peu dans le village, et sur la plage. Le programme semblait convenir à Jamie. Ils devaient tous les deux se remettre du décalage horaire, mais Joanne était tellement heureuse d'être ici qu'elle était partante pour n'importe quoi. Il proposa poliment à Molly de les accompagner. "Tant que vous ne marchez pas trop vite, ce serait avec plaisir." s'enthousiasma-t-elle en se levant de table, le dos légèrement voûtée. "Je suis dans une bonne période. J'ai bien peu de poussées d'arthrose en ce moment." ajouta-t-elle en riant. Joanne lui chercha une petite laine, prête à partir. "Ton père a mis la poussette dans le garage." "Je pense que nous allons le porter, la poussette ne serait pas très pratique, à la plage." répondit Joanne, pendant que Jamie habillait Daniel. La région était verdoyante. C'était très tranquille par ici, même peu de circulation. Joanne montrait à Jamie cette imposante statue représentant le dieu Neptune, où l'on ne voyait que la moitié haute de son corps. Construite en 1982, elle avait été restaurée en 2015 après des actes vandalisme dessus. Il y avait aussi un tout petit port, enfermée dans une baie, uniquement pour les petits bâteaux de plaisance. Il n'y avait pas un seul nuage dans le silence et la vue était on ne peut plus dégagée. Durant leur promenade, ils firent également un détour par Wreck Point, où démarrait l'une des plages de la ville, là où se rendait régulièrement Joanne. L'océan était particulièrement calme. A certains endroits, à la limite de l'océan, il y avait d'immenses roches, vestige de l'érosion et du temps ou cadavre d'une ancienne montagnes. La plage était particulièrement propre, bien entretenue par les habitants de la petite ville. Des dizaines de mouettes gambadaient dans le sable blanc. "Nous passions nos journée plus loin d'ici, plus haut sur la plage. Nanny emmenait toujours un panier plein de nourriture, et nous y restions toute la journée, à moins que le temps ne se fasse capricieux. Je m'y amusais beaucoup toute seule, toujours fière de montrer mes châteaux de sable ou mes trouvailles à Nanny. Une fois, j'avais même trouvé une immense étoile de mer, elle était magnifique. Mais elle m'avait convaincue de la remettre à l'eau, comme elle était encore vivante." "Même en été, il n'y avait pas beaucoup de monde, nous n'étions pas trop dérangé par d'innombrables touristes." Molly fut un petit peu nostalgique. Cette plage était encore bien différente de Brisbane, mais tout aussi belle. "Difficile à croire, mais Joanne allait dans l'eau quelle que ce soit la température de celle-ci. Et maintenant, la voilà toute frileuse et un peu moins téméraire." "Je suis devenue rouillée avec le temps." rétorqua Joanne en riant nerveusement. "Cette plage l'a vu grandir, d'année en année. Nous y passions toutes nos journées, sans jamais s'en lasser. Joanne voulait toujours y retourner." ajoutait Molly alors qu'il reprenait la marche pour s'approcher de la plage en question. "Les plus beaux moments, c'est lorsque nous nous levions tôt, pour aller admirer l'aube. Ou même attendre jusqu'au soir pour le soleil se coucher et voir les étoiles. Les couleurs sont somptueuses, et ça a toujours fait rêver Joanne, toutes ces couleurs. Elle avait les yeux qui brillaient, vous voyez ? Elle adorait que je la réveille de bon matin rien que pour voir ce spectacle là, les pieds dans l'eau. Et nous retournions ensuite à la maison pour prendre un copieux petit-déjeuner." Molly avait la mémoire indemne, elle se souvenait de tout ces moments là, et mettre les pieds dans le sable avec sa petite-fille à nouveau la rendait particulièrement émotive. Joanne était un petit peu embarrassée, qu'elle raconte déjà tout cela à Jamie.
Molly se joint à la troupe. Puisque nous irons à la plage, nous ne prenons pas la poussette avec nous. Je sais bien que cela signifie que je porterai Daniel la majeure partie du temps. Être maman, ça fait les bras, mais bien que les membres maigres de Joanne ne soient plus si faiblards que ça, elle ne peut pas encore tenir les sept kilos du bébé pendant des heures alors que c'est un effort bien plus facile pour moi. Néanmoins, nous alternons pendant la balade. Two Rocks est un petit concentré d'habitations au milieu de la verdure. Le terrain est légèrement pentu, menant donc vers la plage. Avant de nous y rendre, nous faisons le tour du patelin. L'endroit est calme, particulièrement paisible. Sûrement très agréable pour des vacances, mais pas pour y vivre. Pour ma part, je tournerais bien trop vite en rond. Quoi qu'il y a la mer, et dieu sait que j'aime perdre des heures sur le sable à regarder les vagues, le mouvement du soleil et des nuages, et la vie autour de moi. La grande statue que me montre Joanne semble beaucoup impressionner et quelque peu inquiéter Daniel qui lève la tête, ouvre de grands yeux, une bouche toute ronde, et s'agrippe à mon t-shirt. Plus loin, puisqu'il se fait lourd, je l'attrape et le hisse au dessus de ma tête afin qu'il glisse ses jambes sur mes épaules et puisse s'asseoir là. C'est un point de vue inédit pour lui. « Hop, te voilà le roi du monde. » Ou du moins, plus grand que papa. Au début, son équilibre est précaire. Il est tellement excité par la hauteur qu'il gigote dans tous les sens et bat des jambes quitte à me frapper les épaules avec ses petits pieds. Finalement, je le tiens par les chevilles, et lui s'accroche à ma tête ou s'affale complètement dessus, admirant la vue. Je me fais silencieux, laissant les deux femmes parler entre elle, me montrer une chose, m'en raconter une autre, au gré des souvenirs qui les traversent à certains endroits. Bien sûr, c'est surtout sur la plage qu'elles se plaisent à me narrer les après-midis passés ici. J'imagine très bien Joanne jouer ici, elle n'aurait pas été aussi à l'aise sur une plage pleine de monde. Je ris quand Molly fait remarquer que sa petite-fille n'est plus aussi aventurière qu'autrefois. Elle m'explique qu'elles adoraient venir voir les étoiles, les couchers et les levers de soleil, qu'importe s'il fallait se lever à l'aube. « C'est un programme à faire un de ces jours, cette semaine. » Cela doit sûrement valoir le détour si Joanne en était si friande. Mon regard se pose un instant sur l'horizon et les falaises ; oui j'imagine, qu'il y a un beau spectacle à voir par ici. Nous poursuivons notre marche. « Hé, Daniel, ça te dit de faire un château de sable ? » je demande au bout d'un moment, en le délogeant de mes épaules. Je réajuste également le petit chapeau sur sa tête, afin que le soleil ne tape pas trop fort sur son crâne. Nous nous installons sur un coin de plage, relativement près de l'endroit où les vagues meurent -car c'est avec du sable un peu humide que l'on fait les meilleures constructions, autant le lui apprendre dès le plus jeune âge. « Maman va nous aider. C'était une experte quand elle était petite. Et je suis sûr que Molly en connaît aussi un rayon. » Daniel est bien installé entre mes jambes, et le plus compliqué pendant l'heure qui suit n'est pas de donner une forme potable à notre château, mais bien d'empêcher notre fils de déguster du sable et d'amèrement le regretter. Molly met un peu la main à la pâte. Nous lui montrons comment se forme une montagne de sable, et comment tapoter les bords pour que ce soit bien lisse. Il creuse des trous avec ses petits doigts, et comprend, au bout d'un long moment, que s'il prend du sable dans sa main et le dépose sur le château, ça veut dire qu'il a lui aussi participé à la construction, et qu'il peut être content. Au bout d'un moment, alors que, satisfaits de notre œuvre nous nous prélassons un peu pour profiter du soleil, Daniel s'endort sur moi. Sa respiration, rapide mais régulière, me berce toujours un peu. Cela s'ajoute au son des vagues, à la caresse du soleil et de l'eau qui atteint parfois mes orteils, à la présence de Joanne, pour former un tableau parfait. Il dort ainsi un petit moment, moins d'une heure, puis se réveille et s'étire. Tout seul, sur le ventre, il prend appui sur ses bras et pousse aussi fort qu'il le peut pour se redresser, et il continue, très concentré, ainsi jusqu'à ce qu'il parvienne à se mettre assis sur mon ventre. Je le regarde faire avec étonnement, puis souris lorsqu'il arrive à sa position final, fier comme un coq. « Eh bien, tu deviens fort mon garçon. » dis-je avec un rire. Il évolue à toute vitesse, c'est impressionnant.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Daniel était tout fier d'être sur les épaules de son père. C'était tout nouveau pour lui et exprimer sa joie avec tous ses petits membres donnaient du fil à retordre à Jamie lorsqu'il s'agissait de bien le maintenir. Ils se promenèrent ainsi, les pieds s'enfonçant dans le sable fin, le bel homme écoutant grand-mère et petite-fille se rappeler du bon temps. Il semblait vouloir voir le lever du soleil et son coucher, voir pourquoi Joanne aimait tant ces moment suniques de la journée. "Pourquoi pas après-demain ?" proposa la jeune femme. "Je pense qu'il nous faut tout de même une bonne nuit de sommeil complet pour nous remettre à l'heure australienne." Bien que reposés, une nuit supplémentaire serait nécessaire. "Pour une fois, on se réveillera avant Daniel." se dit-elle en riant. C'était en général lui, leur réveil matinal. Jamie eut subitement l'idée de faire un château de sable. Ils s'installèrent par terre, et il lui montrait comme faire. Joanne aida Molly à s'asseoir aussi - à son âge, la terre était bien basse, puis s'assied à son tour. "Molly aime surtout regarde le résultat." dit la vieille dame, en riant. Mais elle se laissait tenter en contribuant un peu à la construction ce ce château éphémère. Jamie s'allongea ensuite dans le sable, Daniel était confortablement installé sur le ventre de son père. Il se laissait baisser par sa chaleur et s'y endormir paisiblement. Ayant tout de même peur qu'il attrape un peu froid, Joanne retira son gilet pour recouvrir son bébé, quitte à ce qu'elle ait froid elle. Il avait beau avoir sept mois, il fallait tout de même faire très attention à ces petits courants d'air frais qui pourraient le faire tomber malade. "Tu vas attraper froid, ma chérie." dit Molly tout bas, afin de ne pas perturber le sommeil du petit. Joanne lui sourit. "Ce n'est pas grave, ce n'est que pour un moment." Les genoux repliés sur elle-même, elle se conservait. Le vent au bord de l'océan était un peu frais pour elle. Daniel finit par se réveiller, en pleine forme. Lorsqu'il avait besoin de dormir, le petit n'attendait pas d'être au lit pour s'assoupir, il suffisait qu'il se sente bien et en sécurité pour qu'il ferme les yeux. Daniel se mit à fair eun effort considérable, et parvint à se hisser pour se mettre assis sur son père, sous le regard étonné de tout le monde. Joanne était toute émue de le voir commencer à se débrouiller tout seul. Et le petit, lui, était fier comme tout. "Regarde-toi, Daniel !" s'exclama Joanne, en riant. Il se mit à rire en voyant tous ces visages ravis autour de lui. "Oui, tu deviens tout aussi fort que Papa." Joanne applaudit dans ses mains pour le féliciter, et ça faisait rire Daniel, qui finit par se déséquilibrer en s'esclaffant. Joanne le rattrapa en plein vol et le prit donc dans ses bras pour l'embrasser. "On est tous si fiers de toi, mon trésor." Il se blottit volontiers contre sa mère. "Tu grandis tellement vite." "Ca ne va pas s'arranger, c'est moi qui te le dis." lança Molly, d'un air attendri. "Je ne sais pas quelle heure il est, il va bientôt avoir faim, non ?" se demanda Joanne, ne se rendant pas compte du temps qui passait. "Et la plage, ça creuse." ajouta-t-elle. Jamie aida Molly à se redresser, et tout le monde prit tranquillement le chemin vers la maison Prescott. Effectivement, il était plus d'une heure lorsque la petite blonde regardait l'horloge de la salle de séjour. Jamie se chargea de faire réchauffer le purée d'haricots verts - ce n'était pas le jour des carottes, ça n'allait pas être trop difficile de lui donner à manger. Pendant que ça chauffait, Daniel commençait à réclamer son déjeuner. "Un peu de patience, mon chéri." Mais il ne semblait pas vouloir attendre quoi que ce soit. "T'es comme ton père, ma foi." Elle riait doucement, avant de l'installer dans la chaise haute et lui mettre sa combinaison colorée - des chercheurs ayant eu la brillante idée de faire une combinaison avec des manches pour éviter sâlir les vêtements à chaque repas. C'est bête, mais beaucoup plus ingénieux et pratique qu'un bavoir. Pendant que Jamie le nourrissait, elle sortit la compote du frigo afin qu'elle ne soit pas trop froide pour lui. "Nanny m'a éjectée de la cuisine, elle ne veut pas que je l'aide à préaprer quoi que ce soit." dit-elle en grimaçant un peu. Elle s'installa donc à table, en regardant ses deux hommes. "C'est une tarte aux poireaux pour midi. J'adore la façon dont elle la fait."
Pour après-demain, le rendez-vous est pris. Nous serons levés tôt, avant notre fils, pour revenir sur la plage et voir ce fameux lever de soleil qui mettait le petite Joanne en émoi il y a bien des années. Je pense que cela lui fera plaisir de revoir tel spectacle, même si elle y a sûrement assisté pendant son récent séjour ici. Je reconnais ici et là des bouts d’endroits que j’avais vu sur les photos, hier. Une parcelle de sable où elle avait fait un château, un rocher sur lequel elle cherchait des crustacées. Il y a quelque chose de plus léger dans l’air ici qu’à Brisbane. Sûrement parce qu’il y a moins de monde. Et parce que ce n’est pas notre plage habituelle. Nous y laissons notre trace avec une petite construction éphémère, Daniel s’y sent assez bien pour faire une sieste. Il étonne tout le monde avec sa petite prouesse, au réveil. Il s’est hissé tout seul, de lui-même, jusqu’à être parfaitement assis. Mais sur mon ventre, l’équilibre est précaire, et enthousiasmé par les encouragements de sa mère, il finit par tomber dans ses bras. C’est vrai, il grandira de plus en plus vite, il ne cessera jamais de changer. Nous découvrirons jour après jour ses goûts et ses capacités. C’est toujours aussi fascinant, un enfant. Avant que le petit n’ait trop faim, nous rebroussons chemin et retournons chez Molly. Je me charge du repas de Daniel. « J’espère qu’elle ne va pas vous gaver de légumes juste à cause de moi. » dis-je en enfournant une cuillère de purée dans la bouche grande ouverte de notre bonhomme. Les haricots verts n’ont pas le même succès que les petits pois, mais les légumes verts ont l’air de bien lui parler. Ce n’est pas un bébé très agité une fois sur sa chaise haute, surtout lorsqu’il faut manger. Il est plutôt du genre à se concentrer, à s’appliquer pour chaque bouchée. Mais entre deux, il s’égare totalement. Un rien capte son attention, et le voilà aussi figé que l’écran d’un vieux Windows. « Daniel ? Allô la Lune ? » J’agite un peu ma main devant lui pour attirer son attention. Il faut bien quelques secondes avant que mon petit rêveur ne comprenne qu’une nouvelle pleine cuillère l’attend. « T’es comme ta mère, on ne te garde pas sur Terre bien longtemps. » dis-je en jetant un regard complice, furtivement, à la jeune femme en question. C’est laborieux, mais nous arrivons au bout de la purée et de la compote après que la tarte de Molly soit prête, juste le temps qu’elle refroidisse un peu. Le déjeuner est calme, je reste toujours un peu en retrait et garde un œil sur le petit polisson en grande conversation avec sa peluche. Après le repas, n’ayant rien de prévu et préférant nous reposer encore un peu, chacun se trouve une place dans le salon. Vu que je monopolise Daniel depuis que nous sommes arrivés à Perth, je le laisse aux soins de sa mère et de Molly, qui ont aussi le droit de profiter de sa bouille. Pour ma part, je me suis installé dans un fauteuil avec un livre. Je les écoute d’une oreille, et les observe de temps à autre. « Vous pouvez lui lire une histoire si vous voulez, il aime beaucoup ça, et il se tient plutôt tranquille dans ces moments-là. » dis-je à la vieille femme au bout d’un moment. Elle peut le prendre sur ses jambes et lui montrer les animaux de ses gros livres en carton qu’il affectionne, avec des poils, des écailles et des plumes à caresser. Puis je me tourne vers Joanne, songeur. « Nous ne sommes pas loin du ranch, tu sais… » Celui de Gareth, le descendant de l’autre Daniel, où nous avions passé une nuit il y a quelques temps. Juste pour être sur les traces de ce couple dont nous nous sommes pris d’affection. « Peut-être que nous pourrions passer dire bonjour pendant la semaine. » A moins qu’ils ne veuillent pas nous revoir, nous trouvant décidément bien intrusifs dans leur passé. Ce qui se comprendrait. Nous sommes un peu comme ces fanatiques des OVNI qui traversent des déserts entiers pour aller sur les lieux soi-disant liés aux extraterrestres. Du coin de l’œil, je vois Molly intriguée par notre discussion. « Joanne vous a parlé de cette histoire ? Du soldat dont Daniel tient son prénom ? » Sûrement oui, puisqu’elle lui dit tout.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
"La connaissant, elle nous fera très certainement une petite portion de viande pour elle et moi." dit Joanne en souriant. "Mais elle se donnera du mal pour varier les repas pour toi, elle n'a jamais eu à cuisiner pour un végétarien, elle voit ça plutôt comme un défi à relever." Et même à son âge avancé, Molly était curieuse. Elle avait toujours des légumes frais venant du marché ou des cultures voisines, et elle avait eu tout le temps de se plonger dans ces recettes bien spécifiques. La jeune femme avait sa tête appuyée contre la paume de sa main, le coude sur la table. Ca la faisait sourire de voir Daniel rêvasser, avoir ces petits moments d'absence qu'elle avait aussi régulièrement. Jamie ne put s'empêcher de faire le lien, avec un regard complice lancé à sa fiancée. Celle-ci rit doucement, et observait d'un air attendri son si beau bébé. Elle ne l'empêcherait pas de rêver, c'était certain. Jamie parvint à tout faire manger à Daniel, bien que c'était parfois assez difficile. Lorsqu'il en avait fini avec lui, la table était mise, le plat prêt à être servi. Le déjeuner se fit sans grande conversation, on n'entendait presque que le bruit des couverts. Tout le monde s'installait ensuite dans le salon, confortablement. Chacun avait sa petite activité, Molly profitait de Daniel avant qu'il n'aille à la sieste. Elle était très expressive lorsqu'elle racontait l'histoire avec les animaux, le bébé en était subjugué. Joanne ne manqua pas de prendre quelques photos avec son portable. Ces appareils prenaient des clichés d'excellentes qualités désormais, elle pouvait facilement les imprimer par la suite. Jamie la sortit de ses pensées en évoquant le ranch du soldat disparu. Elle le regarda, d'un air interrogateur, juste avant qu'il ne propose de s'y rendre encore une fois. Joanne lui sourit tendrement. "Nous devrions peut-être les appeler dans ce cas, voir s'ils sont d'accord. Je ne voudrais pas les importuner, ils doivent nous trouver suffisamment étranges comme ça." lui répondit-elle avec un rire nerveux. Jamie s'adressait ensuite à Molly, qui écoutait leur conversation. "Oui, elle m'avait beaucoup parlée de cette histoire là." confirma-t-elle. "Avec vos diverses trouvailles, dont ces lettres et les journaux de chacun. Une belle histoire d'amour." La vieille dame réinstalla correctement Daniel sur ses genoux. "Et dire que j'aurais pu le connaître. Mais il y avait tellement de jeunes hommes qui étaient partis en guerre, et bien peu sont revenus. Mais ton grand-père a survécu, sinon je ne l'aurais jamais épousé. La grande majorité de son régiment a trouvé la mort durant les bombardements de Darwin, il y a perdu de nombreux amis, il ne s'en était jamais véritablement remis. Il remerciait constamment le ciel que je sois là, il avait tellement peur que je n'en puisse plus, de toutes ces nuits sans sommeil, à calmer ses chagrins et ses angoisses." Molly avait un sourire triste. Elle n'avait pas quitté son alliance, ni sa bague de fiançailles. "C'était quelqu'un de bien, vous savez. La guerre l'a beaucoup marqué, mais il ne croyait pas au hasard. Et lorsqu'il voyait Martin, et ses petits-enfants, il disait toujours qu'il avait du passer par cette période de malheur pour avoir un tel bonheur. Je dois avoir une photo de lui quelque part." Molly demanda à sa petite-fille de prendre Daniel dans ses bras. Il se colla à sa mère, la tête sur son épaule. La dame sortit de son armoire un album photo dont le reliure en cuir était bien vieille et bien usée. Elle avait de multiples exemplaires de leur photo de mariage, une sur le buffet, une accrochée dans sa chambre et une dans cet album photo. De nombreux clichés en noir et blanc. Le grand-père de Joanne avait également conservé une photo de son régiment. Bien abîmée, certes, mais précieusement conservée dans cet album photo. Joanne s'approcha pour voir les clichés. "Regarde, Jamie, en haut à gauche, il y a Daniel." dit-elle soudainement. Molly se pencha de plus près pour voir le visage du jeune homme en question. "Je suppose que vous avez deviné que Joanne ne croit pas vraiment au hasard." Molly riait et lançait un regard complice à Jamie. Elle lui laissait l'album entre ses mains pour qu'il puisse le consulter. Joanne se réinstalla également sur le canapé, son bébé dans le bras. "Nanny rougit toujours lorsque je lui dis à quel point elle est belle. Sur chacune des photos, elle est magnifique." Et la vieille dame se mit à rire nerveusement. Mais c'était vrai, Molly avait été une femme magnifique, et avait gardé toujours le même sourire. Joanne sentait la tête de Daniel s'alourdir sur son épaule. Elle monta à l'étage pour l'allonger dans son lit afin qu'il puisse poursuivre sa sieste de l'après-midi. Elle s'allongea à son tour sur la canapé ; il y avait deux fauteuils en plus. Mais la grand-mère restait aux côtés de Jamie pour lui expliquer et donner des détails sur certains clichés. Joanne les regardait d'un air tendre, il semblait plus à l'aise que d'habitude. Elle finit par fermer les yeux, prise de court par le décalage horaire, son rythme biologique peinant à retrouver ses marques.
Puisque le ranch n’est pas loin, en réalité, il ne serait pas étonnant que Molly ait croisé Daniel au moins une fois dans sa vie. Même sans jamais lui parler, qui sait s’il a simplement été devant elle à la caisse du primeur du marché à Perth. Qui sait s’ils avaient des amis en commun, ou si leurs parents se connaissaient. Il y a tant de liens étranges après tout. C’est ce que je me dis quand je vois le visage du soldat sur la photo du régiment que la vieille femme nous montre. Il est dessus. Alors le grand-père de Joanne a été au front avec ce même Daniel dont notre fils a hérité du prénom. Difficile de monter une équation alliant cause et effet à pareille découverte, ce n’est peut-être qu’un heureux hasard, mais personne ici ne semble y croire. “Moi non plus, pour tout vous dire.” Nous parcourons rapidement le reste de l’album, les vieux clichés datant de la guerre. Molly était alors bien jeune, toujours le même regard pétillant, et ce joli sourire pendu aux lèvres malgré le climat. Joanne aime répéter que c’était une très belle femme, à l’époque. “C'est vrai.” dis-je avec un petit sourire. Elle ne manquait pas de charme. Mais je trouve sa petite-fille plus réussie encore. Notre Daniel s’assoupissant, la jeune mère monte le coucher à l’étage rapidement. Puis elle s’allonge dans le canapé, somnolant à son tour. Je continue de regarder les clichés avec Molly, très intéressé par toute l’histoire dont elles sont imprégnées. Je lui pose quelques questions, sur des détails, des choses qui m’interpellent. Au bout d’un moment, elle me regarde avec un étrange sourire. A la fois attendrie et désolée. “Joanne m'avait bien dit que vous n’aimiez pas parler de vous.” dit-elle tout bas, de manière à ce que sa petite-fille ne puisse à peine entendre un chuchotement et ne soit pas perturbée dans son repos. “Et ne vous y méprenez pas, je vois bien que vous trouvez toujours comment faire la conversation pour éloigner le sujet. Vous faites ça très bien, mais ce n'est pas au vieux singe qu'on apprend à faire la grimace.” Je ris un peu nerveusement, mal à l’aise, démasqué. Mon regard se détourne et je ferme l’album, comprenant bien qu’il n’y a personne ici à faire tourner en rond. Elle en a vus d’autres. “Qu'est-ce qui vous pousse à être aussi secret?” demande-t-elle d’une voix douce, sans reproches. Je crois plutôt que cela l’inquiète un peu, qu’elle n’aime pas que je garde pour moi tout ce qu’elle sent que je ne partage avec personne en dehors de Joanne. C’est assez touchant, au fond. Baissant les yeux, je soupire. “Je me dis que rien de ce que j'ai à raconter ne peut vous donner une bonne image de moi.” j’avoue en toute honnêteté. Je ne pense pourtant pas être une mauvaise personne, j’espère être en effet digne d’être avec Joanne et de m’épouser, mais je ne sais pas, je pense que tout mon passé, tout ce qu’il y a d’avant mon arrivée en Australie, voire même avant l’année dernière, n’ont rien de glorieux. “Et je ne veux pas être jugé par rapport à une vie que j'ai quittée et un homme que je ne suis plus. Sauf qu'on ne peut pas s'en empêcher, n'est-ce pas? C'est naturel. C'est comme ça.” Un ancien dealer reste un ancien dealer, une ancienne strip-teaseuse traîne toujours son passé derrière elle. Ce sont de lourds bagages, sûrement plus lourds que les miens, mais ils influent quand même sur la manière qu'ont les gens de me voir quand ils savent. Toute ma famille est mon fardeau, et je dois accepter le fait de leur être toujours assimilé. Le pervers manipulateur, l’ambitieuse sociopathe, et le junkie suicidé. Et le pire, c'est que je complète parfaitement ce portrait. “Le frère et la soeur de Joanne ne m'aiment pas, même sans réellement me connaître. Je n'ai pas hâte de vous donner vraiment matière à me désapprouver auprès d'elle. A vous ou à ses parents.” J’en ai déjà bien assez fait en levant la main sur elle, ou avec mon histoire avec Hannah. “Je sais que vous comptez énormément pour elle, et que vos paroles font loi dans sa vie. Je sais que si vous lui dites de ne pas avoir confiance en moi, alors elle n'aura plus confiance en moi.” Peut-être que Joanne ne me quitterait pas, mais si Molly me désapprouve, ce ne sera plus pareil. “Je sais aussi que je n’aurai pas votre bénédiction en restant muet, et c'est important pour moi.” Au moins autant que celle des parents de ma fiancée.
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Molly s'installa dans le dernier fauteuil libre, ne pouvant s'empêcher de jeter un oeil de temps en temps sur Joanne pour s'assurer qu'elle dormait paisiblement. Elle était curieuse, certes, mais elle ne voulait pas le pousser à bout. Elle appréciait qu'il réponde avec sincérité à sa question. Il n'avait pas tort. Le passé restait le passé, mais il finissait toujours par nous rattraper, à créer des préjugés et à instaurer une certaine méfiance. "C'est à moi de faire mon propre avis sur vous. Je me fiche bien de ce que Reever et sa soeur peuvent penser de vous. D'autant plus que Joanne m'a dit qu'aucun des deux n'avait voulu prendre le temps de vous connaître. Je ne les savais pas comme ça." Elle haussa les épaules. Jamie avait conscience à quel point Molly était chère aux yeux de sa petite-fille. Elle afficha un petit sourire en la regardant dormir. "Joanne m'aime parce que je la laissais faire ce qu'elle avait envie de faire, je lui laissais dire tout ce qu'elle voulait quand elle avait besoin de parler. A Perth, on ne laissait malheureusement pas trop de place à ce qu'elle pouvait penser. Je sais que j'ai de l'influence sur elle, que mon opinion est importante pour elle." Elle regarda Jamie avec un air attendri. "Mais qu'est-ce qu'une grand-mère quand elle a trouvé son âme-soeur ?" Elle secoua la tête et rit légèrement. "Elle sait déjà toutes ces choses de vous, et elle est toujours à vos côtés. Elle attend le mois de novembre avec impatience, elle espère tous les jours pouvoir agrandir votre famille. Quand elle n'allait pas bien, Joanne m'avait racontée certaines choses, je ne sais pas si cela fait partie des choses dont vous n'avez pas hâte de me dire. Avec une certaine Hannah, je crois..." Molly réfléchit quelques instants, jusqu'à ce qu'elle se souvienne que c'était effectivement le bon prénom. "Cet enregistrement qu'elle a entendu, et il y avait aussi des clichés, c'est ça ? Vous avez vu à quel point ça l'a affecté. Et vu la manière dont vous me regardez maintenant, je pense que vous craignez énormément de mon avis dans cette histoire." Elle se redressa, mais son visage restait infiniment doux. "Et je vais vous dire la même chose que j'avais dite à Joanne : vous l'avez choisi elle, et c'est tout ce qui compte, non ? Ca veut tout dire. Il y a des moments où on se demande où la vie veut nous mener, si elle veut nous piéger ou nous empêcher d'atteindre un idéal tant convoité. Elle nous met au défi, constamment. C'était un dilemme, et vous avez fait ce choix. Le coeur a ses raisons. Ce sont des choses que personne ne peut contrôle, personne." Elle lui souriait avec sincérité. "Et vous avez choisi ma petite-fille, aussi fragile puisse-t-elle être. Pas la peine de remuer tout ce qui s'est passé pour en arriver là, même si Joanne ne peut s'empêcher de faire le contraire avec brio. Quoi qu'il se passait, elle se jetait constamment la pierre. Elle me disait que tout avait toujours été de sa faute, qu'elle ne faisait que des bêtises. Elle se maudissait même -chose que je refuse- en disant que c'était à cause d'elle que vous étiez tombé sous le charme. Et elle m'a dit une phrase qui m'avait touchée. Elle m'a dit "Hannah a absolument tout ce que je n'ai pas. Ce n'est pas difficile, parce que je n'ai rien."." Molly était au premier plan pour voir combien Joanne en avait souffert. "Mais regardez-la, aujourd'hui, à quel point elle va mieux. Elle n'y pense même plus. Ce n'est pas que grâce à moi, même si c'est ce que vous pensez. Si elle a pu remonter à la surface, c'est grâce à vous. Parce qu'elle voulait vous rendre fière, vous montrer qu'elle était plus forte peut-être, qu'elle pouvait être celle qui vous rendre heureux. Son objectif, c'est vous avant tout, avec Daniel. Et en tirant sur cette corde là, le résultat est plutôt parlant, vous ne trouvez pas ?" Ses yeux pétillaient. "Martin et Jane n'ont jamais vraiment voulu couper le cordon, moi je ne rêve que de la voir s'envoler. La laisser enfin respirer un peu." Elle posa une main amical sur celle de Jamie. "Ne vous donnez pas d'ultimatum. Si vous n'arrivez pas à me parler de tout ça dans la semaine, vous pouvez toujours demander à Joanne mon numéro de téléphone, elle le connait pas coeur. Si vous y tenez tant, parlez-en lorsque vous vous sentirez prêt, je ne suis pas pressée." dit-elle avec un petit rire. Après quelques minutes, Joanne commença à s'étirer et s'extirper de son sommeil. "Désolée, je me suis assoupie." dit-elle en se redressant avec difficulté. "C'est que tu en avais grand besoin." répondit sa grand-mère. Un peu au radar, Joanne se leva pour faire le tour de la table et aller sur les genoux de Jamie, de sorte à ce qu'elle puisse se blottir contre lui, pour somnoler encore un peu. "De quoi parliez-vous ?" "Jamie est très soucieux de ne pas avoir ma bénédiction pour votre mariage." "Oh... Et ?" "Je lui ai dit qu'il devait prendre tout le temps dont il avait besoin pour partager ce qu'il avait besoin de dire."
Je reste muet. Assis, le dos un peu courbé par des remords, une montagne de culpabilité, un peu de honte, le tout pressant ma cage thoracique. Ce n’était sûrement pas le résultat espéré par Molly, pas son intention, elle qui ne cherche qu’à me rassurer et me faire comprendre qu’elle ne porte pas le même genre de jugement que les autres membres de la famille Prescott. Ce n’est pas tant ça qui m’assaille que tout ce qu’elle sait sur Hannah et moi, et le détail des pensées de ma fiancée, qu’elle m’avait bien cachées. J’ai envoyé une Joanne en miettes à Perth, Molly a recollé les morceaux à ma place, et elle ose encore dire qu’elle va mieux grâce à moi. Cette femme vit sur une autre planète si elle ne voit pas que c’est le même cycle depuis le début. Je fais souffrir Joanne au possible, je démolis tout, et alors qu’elle est à terre j’attends qu’elle se remette un peu avant d’en faire un peu plus ma prisonnière, pour la rendre plus dépendante à moi. Je l’ai conditionnée à la douleur. Je garde le regard bas, et les doigts serrés sur l’album qui trône sur mes genoux. Je fais en sorte de ne me décomposer qu’à l’intérieur. Non, pas la peine de remuer tout ce qu’il s’est passé, mais Molly l’a fait quand même. Elle me met bien sous le nez à quel point sa petite-fille a souffert par ma faute, en se jetant la pierre, en se trouvant misérable. Mais est-ce qu’elle ne s’entend pas parler, est-ce qu’elle ne voit pas, elle qui tient tant à ce que Joanne prenne son envol, comme elle le dit, que je ne suis qu’une personne de plus, LA personne qui la clouera au sol ? Elle ne respirera pas avec moi, au contraire. Et après ça, après tout ce que Molly m’a détaillé, je devrais avoir envie d’en rajouter des couches avec d’autres histoires sordides ? Seigneur, non, jamais. Ma gorge est serrée au possible, mon cœur bat à toute allure. J’ai l’impression d’étouffer. Je pose l’album sur le côté et m’apprête à me lever pour prendre l’air quand Joanne se réveille, m’empêchant de faire tout mouvement. Elle s’installe sur mes jambes, et même si je tente de faire comme si de rien n’était, je sais qu’elle n’a même pas besoin d’un regard pour sentir que ça ne va pas. Juste à la manière dont je pose mon visage près de sien, les yeux fermés, comme pour vite me réfugier. Ce n’est même plus la bénédiction de Molly qui me fait peur, c’est tout. Je laisse quelques secondes de silence s’installer alors que Joanne caresse mes cheveux, puis je prétexte d’être fatigué à mon tour pour quitter le salon et aller m’allonger dans la chambre. Je me rappelle ce que m’a dit la vieille femme plus tôt. Avoir le cœur de Joanne, c’est une chance, c’est une bénédiction. Elle m���a bien fait comprendre que je n’ai pas droit à l’erreur. Puis elle m’a mis devant mon erreur passée pour appuyer là où ça fait mal, et mieux me rappeler que le cœur de Joanne est fragile, que je n’en ai pas pris soin, et que ça ne doit pas se reproduire. Je reste allongé peu de temps. Très vite, je ne tiens plus en place. Dans la bibliothèque, je retrouve le livre sur lequel j’étais tombé ce matin. J’en tire la photo servant de marque page. Elle et son premier choix, elle et celui que était, aurait dû être, devrait toujours être l’homme de sa vie. Il termine écrasé dans ma main, même si cela me soulage à peine. Puis je le laisse tomber par terre. Les bras croisés autour de moi comme pour contenir cette soupe de colère et de panique, j’ai l’impression de devenir fou. Mais je ne peux pas mettre à sac cette chambre. Je ne peux rien faire. Et Joanne va me trouver comme ça, et ça sera comme d’habitude. Je compte jusqu’à dix et je recommence, comme on me le conseillait quand j’étais sous traitement. Dix, et encore dix. Je réussis petit à petit à de nouveau pleinement remplir mes poumons d’oxygène. C’est devenu un effort considérable. Alors, vraiment fatigué cette fois, je retourne m’allonger.
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Quelque chose clochait. Il n'allait pas bien, non, il n'allait pas bien du tout. Chacun de ses gestes était un message pour Joanne, une manière de dire qu'à l'intérieur, c'était l'hécatombe. Il tentait de se calmer, de se détendre, de rester entier, mais cette épreuve lui était insupportable. Alors elle lui caressait doucement les cheveux, le regardant, veillant sur lui, essayer de voir où il en était. Molly n'osait rien interrompre, elle savait que c'était de sa faute, et elle s'en voulait terriblement. Le bel homme finit par se lever, prétextant qu'il était fatigué, et monta dans la chambre de la jeune femme. "Je suis désolée, Joanne, je ne pensais pas à mal." dit la vieille dame, profondément désolée. "De quoi avez-vous parlé ? Nanny, il faut que je le sache." "De ta venue ici, de toute cette histoire avec cette autre femme. Je voulais lui montrer à quel point ça t'avait affecté, que c'était une preuve d'amour comme une autre." Sa voix tremblait. Joanne lui sourit tristement. "Je vais rester un peu avec lui, ne t'en fais pas, d'accord ?" lui demanda-t-elle poliment. Elle grimpa les escaliers à pas feutré quelques minutes plus tard. Discrètement, elle ouvrit la porte de sa chambre et la referma derrière elle. Jamie était allongé sur le dos, les yeux fermés. Elle vit un morceau de papier chiffonné en boule par terre, qu'elle ramassa et déplia. C'était une photo d'elle et Hassan, elle datait de plusieurs années maintenant. Elle ne se souvenait plus l'avoir quelque part dans sa chambre, mais Jamie l'avait quand même trouvé. Elle jeta la photo à la poubelle. La jeune femme voyait qu'il ne dormait pas tranquillement, qu'il était était perturbé. Tout en délicatesse, Joanne s'installa au bord du lit, du même côté où son fiancé était allongé. Il transpirait, il était presque fébrile, mais pas d'une manière dont elle avait l'habitude de le voir. Il y avait beaucoup trop de choses enfermées en lui. Toujours en douceur, elle posa sa main sur l'une de ses joues. Jamie s'éveilla affolé, prêt à arracher cette main de sa joue jusqu'à ce qu'il comprenne que c'était celle de Joanne. Elle se pencha sur lui pour qu'il ait plus d'aisance à la voir. Avec son autre main, elle débarrassait son front de la sueur qui s'y état installée, puis elle glissait ses doigts dans ses cheveux. "Shhh..." fit-elle tout bas. "Je suis là, je serai toujours là." Elle parlait d'une voix à peine audible, ne voulant pas troubler le silence de la pièce. Joanne sentait qu'il était sur le point d'exploser, au bord de la falaise. La pression qui était en lui était énorme. Elle savait qu'il aurait très bien pu ravager la pièce, mais il n'avait rien fait. Elle ne comprenait pas pourquoi. "Tu cauchemardais." ajouta-t-elle dans un murmure. "Tu veux en parler ?"demanda-t-elle après quelques minutes de silence, d'échanges de regard et de caresses sur son visage. "Nous pouvons aller marcher un petit peu, aller sur la plage, ou même ailleurs, un endroit où nous ne serions que tous les deux. Nanny arriverait très bien à s'occuper de Daniel. Ou nous pourrions attendre la nuit tombée et être sûrs qu'ils dorme pour que nous partions marcher sous les étoiles..." La discussion pouvait devenir complexe, et elle ne voulait que ni Daniel, ni sa grand-mère n'entende quoi que ce soit de ce qui se dit. "En attendant, je pourrai te faire un massage, te faire couler un bain..." Mais il ne disait rien, alors elle continuait de le regarder avec amour, de caresser ses cheveux avec tendresse. Et elle se mettait à chantonner bouche fermée l'une des premières chansons que lui ait pu lui chanter : Love Me Tender. Ses yeux bleus restaient plongés dans les sien. A la fin, elle approcha doucement ses lèvres des siennes pour l'embrasser en toute délicatesse, et elle continuait de veiller sur lui par la suite. Elle ne savait pas à quoi s'attendre, s'il allait parler, répondre à ses propositions, exploser ou s'endormir.
Un contact sur mon visage me tire subitement de mon sommeil, et dans un mouvement de panique, je la saisis avec l’intention de l’arracher à ma peau. Mais la douceur de cette main est familière, cette chaleur aussi. En ouvrant les yeux, j’aperçois la silhouette de Joanne non loin de moi. Elle approche son visage du mien, le regard tendre et rassurant, murmurant pour me calmer. Je ne comprends pas moi-même d’où provient la sueur sur mon front, la crispation extrême de mes membres qui sont presque douloureux. Un cauchemar dont je ne me souviens déjà pas, mais visiblement intense. Sûrement la seule manière qu’a trouvée mon corps pour décharger un peu de tension. Mes mains gardent celle de Joanne entre leurs doigts, sur ma joue. Ma gorge est desséchée par ma respiration haletante. Je retrouve lentement mes esprits, aidé par la voix de la jeune femme qui résonne tout bas, dans un souffle. Aller marcher semble être une bonne idée. Qu’importe l’heure de la journée. L’air iodé peut me faire du bien. Pour me recentrer, je garde mon regard planté dans celui de ma fiancée. J’essaye de me souvenir de tout ce qu’elle me disait la dernière fois que je me sentais aussi mal au domaine, mais toutes ses paroles sont brouillées, inintelligibles. Tout ce que je sais, c’est qu’elle a promis de ne jamais m’abandonner. Elle sera toujours là. Je me sens si égoïste de m’en réjouir, de me consoler avec ça, alors que je sais que c’est pour cette même raison qu’elle ne sera jamais heureuse. Elle vivra et subira ces montagnes russes émotionnelles avec moi. Peut-être que mon esprit ne sera jamais tranquille, qu’elle devra toujours me secourir et me rassurer. Ce n’est pas le genre de relation dont qui que ce soit voudrait. Et Daniel ? Il ne comprendra jamais les états d’âme de son père et en souffrira sûrement. Et voilà encore et toujours le même cirque qui se joue dans mon crâne et pourrait me donner envie de dire à Joanne de partir, loin, parce que moi je n’aurai jamais le courage de le faire comme elle l’a fait, je ne pourrais pas me passer d’elle intentionnellement. Tant qu’elle voudra rester, je serai accroché à elle comme un naufragé sur son radeau. Je réponds à peine à son baiser, mais cela me tire un peu de ma torpeur. Je me décale un peu et invite Joanne à s’allonger à côté de moi. J’ai besoin de sa présence, et pour une fois, être celui qui trouve refuge dans ses bras et se blottit contre elle, quitte à avoir l’air d’un enfant. « Je suis désolé. » Moi qui déteste ce genre de mots, qui ne leur donne aucune importance, sur le moment, je ne sais pas quoi dire d’autre, je suis démuni. Je m’en veux de lui inspirer de l’amour. Un amour qui fait mal, qui la met à terre par moments. « Je suis désolé… » C’est si difficile d’aimer quelqu’un si fort, c’est ingérable. Je sais que ça n’est que ça. Ca n’est que ce sentiment qui me rend heureux autant qu’il me torture. Et je ne sais pas quoi faire contre ça. Elle mérite quelqu’un qui l’aime sans se poser de question, une vie simple. Je ne sais pas faire. Tout ce que j’ai à donner, ce sont des chemins tortueux sur fond de luxe. Moi et ma paranoïa, moi et mon insécurité. Moi qui ne supporte pas la pression que met une vieille femme sur mes épaules bien plus larges que les siennes. C’est difficile d’être aussi imparfait quand on veut être à la hauteur d’un ange. Je ferme les yeux, tout contre Joanne. Je me demande si elle comprend ce que je ressens, mais je ne le pense pas. Elle ne sait pas à quel point je me sens coupable. Tout ce que je lui ai toujours montré, c’est quelqu’un de sûr de soi et de ses choix, surtout à propos de Hannah. Je me calme doucement. Je serre Joanne toujours bien fort. La tempête se calme dans mon crâne. Les mots de Molly y résonnent toujours. J’ai ruiné sa petite-fille, je l’ai démolie, et c’est elle qui doit toujours me relever. “Tu crois toujours dans ces histoires d’autres vies?” je demande tout bas au bout d’un long moment de silence. Ce n’est peut-être devenu qu’une fable pour elle. Une belle poésie. Moi j’y crois toujours. Je crois que c’est quelque chose qui m’aide à ne pas perdre les pédales à chaque fois que j’ai envie de tenir Joanne éloignée de moi. Je me répète que c’est notre destin d’être ensemble. Que c’est la seule combinaison pouvant donner vie à un enfant. Que c’était écrit depuis des siècles. Peut-être que mon âme a peur de la fin du cycle. Que cette vie soit la dernière. Et de ne pas savoir ce qu’il y a après. “Je crois que l’air de la plage me ferait du bien.” dis-je plus tard. Car définitivement, je me sens bien trop oppressé dans cette maison pour le moment, l’air est irrespirable.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne se demandait s’il s’agissait d’une période où les situations s’inversaient. Depuis le début de leurs vacances, c’est lui qui appelait au secours, qui perdait pieds. Mais elle était là, prête à le soutenir. Elle s’y attendait, elle s’y était préparée. Elle avait connaissance des conséquences de l’arrêt de son traitement. Il y avait les bons côté, et elle était prête à assumer les mauvais. Tout comme elle était là, prêt de lui, à tenter de le détendre. Ce fut un soulagement de voir que sa présence l’apaise, ses caresses aussi. Jamie laissait sa main posée sur celle de sa fiancée, qui caressait tendrement sa joue. Il se servait du regard de Joanne comme si c’était son ancre, ce qui l’empêchait de déraper. Elle avait l’expression sereine, tendre, amoureuse. Elle ne lui tenait rigueur de rien, elle savait que cette rencontre serait difficile, se doutant bien que Molly tienne à revenir sur certains points, dont certains n’étaient pas particulièrement joyeux. Après un long moment de silence, le bel homme se décala un petit peu, faisant comprendre qu’elle devait s’allonger à ses côtés. Sans attendre, il se blottit contre elle. L’une des mains de la jeune femme caressait tendrement son dos. Elle déposait parfois un baiser sur le sommet de son crâne. Jamie s’excusa. Lui qui avait tant horreur de cette phrase, il était si désespéré qu’il ne trouvait rien d’autre à dire. “Il n’y a rien à pardonner, mon amour.” lui assura-t-elle tout bas. “Tu n’as pas à t’excuser de quoi que ce soit.” Elle laissait intentionnellement de longs moments de silence régner. Il avait besoin d’un endroit calme et serein pour se remettre, pour balayer ces mauvaises pensées. Il lui posa une question à laquelle elle ne s’attendait pas. “Bien sûr.” lui dit-elle. “J’y crois toujours. Ca ne peut pas être de simples coïncidences que nous ressemblons tant physiquement à Dan et Lucy. Je reste persuadée qu’il y a encore plein de vies où l’amour restait inachevé, inassouvi. Il n’y a pas d’autres explications. Je le sens en moins, que cet amour est ancien, authentique, pur et réel. Si pur qu’il en est incontrôlable, ingérable. Il bascule peut-être d’âme en âme jusqu’à trouver enfin cette vie où il peut s’accomplir et se rendre vrai. Je pense que c’est le cas pour nous, avec notre bébé.” Elle parlait lentement, calmement, les yeux rêveurs. Elle continuait ses caresses sans s’en lasser. Ses mouvements répétés créaient une chaleur entre son t-shirt et ses doigts. “C’est nous, ou rien.” Une phrase qu’ils se disaient régulièrement, qu’ils se répétaient. Comme une loi, un dicton qui leur rappelait pourquois ils en étaient là. Jamie voulait finalement se rendre à la plage. Daniel dormait encore à point fermé. Joanne invita donc son fiancé à se lever, et attrapa un gilet avant de descendre les escaliers avec lui. Molly bouquinait sagement dans le salon, mais se leva soudainement lorsqu’elle les vit. Elle s’en voulait beaucoup, elle avait un regard sincèrement désolé. Elle n’avait jamais voulu que Jamie se sente aussi mal. “Nous allons prendre l’air, ça ne te dérange pas si je te confie Daniel ?” Molly ne refusait pas et elle prendrait certainement du plaisir à s’occuper de Daniel. Sa petite-fille lui donna quelques explications concernant le goûter à lui donner, les activités et jouets qui pouvaient l’occuper longuement. Elle lui faisait confiance. Entraînant Jamie par la main, elle l’emmena à la plage où elle se rendait d’habitude. Il n’y avait personne, ils étaient tranquilles. Ils marchèrent longuement les pieds dans l’eau, longeant la cête. “Je savais tout ce que ça signifiait, le jour où tu m’as dit que tu arrêtais les traitements. Je savais à quoi m’attendre, et je suis toujours prête à être là pour toi.” Elle se mit face à lui, l’incitant à stopper sa marche. “Est-ce que ça t’aide, quand je suis là ? Quand je pose ma main sur ta joue, quand je te caresse les cheveux, quand je te répète sans cesse que je serai toujours, quand je t’embrasse… Est-ce que ça t’apaise ? Est-ce que ça te permet d’y voir un peu plus clair ?” Joanne posait cette question pour trouver des pistes, afin de savoir quoi faire dans ce genre de situations. Elle caressa le bout de son nez avec le sien. “Nous savions tous les deux à quoi nous attendre. Et je le sens, lorsque ça ne va pas. Je sens à quel point ça bouillonne en toi, à quel point tu as besoin d’extérioriser tout ça, mais que tu tentes de te contrôler à chaque fois, parce que tu as peur du mal que tu pourrais faire. A moi, à Daniel, à n’importe qui. Mais au fond de moi, je sais que tu ne voudras plus jamais me faire de mal.” Elle avait déposé ses mains au niveau de ses hanches, ses yeux ancrés dans les siens. “Je veux être là pour toi, et je le serai. Toujours. Je t’en ai fait la promesse, après tout.” lui dit-elle avec un sourire. Joanne l’embrassa délicatement, pendant que les vagues ascendantes et descendantes recouvraient leurs pieds. “Alors dis-moi. Raconte moi ce que tu as envie de raconter. Hurle de toutes tes forces si tu penses que ça te ferait du bien. Dis moi ce qui te tourmente autant.” Tout ce qu’elle voulait, c’était l’aider.
Elle y croit toujours, à cette histoire qui ne se termine jamais, ces âmes qui se cherchent et se trouvent à travers les siècles. Petite romance poétique, c’était une belle histoire pour aller dormir le soir au départ, et puis, cela est devenu un peu plus. Nous ne croyons pas au hasard, aux coïncidences. C’est sûrement maladif, ce besoin de trouver des causes et des conséquences logiques à tout, quitte à monter des hypothèses farfelues. L’on effectue pas le chemin de notre vie sans raison, on ne erre pas sans but, et même si cela est très flou pendant un long moment, lorsque le but est en vue, toutes les embuches traversées prennent leur sens. Tout fait sens. Ca me rassure que Joanne y croit toujours. Car c’est une des seules choses qui me fait croire que cette histoire se terminera bien. J’approuve ses dires d’un signe de tête, toujours terré contre son buste, humant un peu ses mèches blondes. Ses caresses dans mon dos sont des plus réconfortantes, et pourtant, se transforment en véritable coup de poignard lorsque les réminiscences d’une pensée noire fait surface. Je me sens tellement nocif pour elle, notre fils, tout mon entourage. Et pour moi-même. J’inspire et expire profondément, tentant de me détendre. Mais je me dis que l’air extérieur, l’air de la mer serait un peu plus efficace. Joanne accepte, et nous quittons la chambre. Au rez-de-chaussée, n’ayant pas envie de faire face à Molly, je ne traîne pas et attends ma fiancée dehors. Elle me rejoint après avoir donné quelques instructions à la vieille femme. Je n’arrive pas à savoir si elle ne pensait pas à mal, ou s’il y avait en effet un avertissement à lire entre les lignes. Et même si c’était inconscient, elle a su appuyer là où ça fait mal, me mettre le nez devant le mal que j’ai fait à sa petite-fille, et ce n’est pas facile de le digérer, ni d’affronter son regard après ça. Silencieusement, main dans la main, nous marchons jusqu’à la plage. Je prends de grandes bouffées d’oxygène, laisse les vagues passer sur mes pieds, et garde mes doigts bien croisés avec ceux de Joanne. J’attends qu’elle prenne la parole, parce que je sais qu’elle le fera. Elle ne me laissera pas tout ravaler et garder à l’intérieur pour mieux exploser plus tard. Elle se poste devant moi, comme pour montrer qu’elle peut faire face. Ma décision de cesser toute médication et tout suivi, Joanne la respecte toujours. Même si les vacances sont ponctuées de crises, elle ne semble pas m’en tenir rigueur. La jeune femme souhaite surtout savoir si elle peut m’aider. Mon cœur se serre. Je ne sais pas comment lui dire que oui, ses caresses, ses baisers m’apaisent, mais que pour un temps. Parfois long, parfois court. Mais toujours éphémère. « Ca m’aide sur le moment. » dis-je tout bas, ayant bien peur qu’elle le prenne mal, qu’elle ne se rende pas compte que c’est déjà beaucoup. Après tout, c’est le plus difficile, de contenir l’explosion. « Ca me calme un peu, ça me rassure.Ca m’empêche de faire des désastres. » Mettre à sac une pièce, me blesser, blesser quelqu’un. C’est toujours lorsque je suis seul que je dérape. Avec Joanne près de moi, je suis forcé de faire attention. Serrant toujours sa main, je pose mon front sur le sien. Elle sent toujours quand ça ne va pas, elle me connaît par cœur. Est-ce qu’elle sent à quel point je lui suis reconnaissant d’être là, à cet instant, de comprendre et de toujours faire preuve de plus de patience à mon égard ? Sa main lâche la mienne afin de m’étreindre légèrement. Je n’arrive pas à sourire, mais mon regard est rempli de gratitude et de tendresse, et je réponds avec autant d’amour à son baiser. « Je… J’ai l’impression de t’avoir conditionnée à toujours souffrir avec moi. » dis-je en baissant les yeux. Je ne sais pas du tout comment lui expliquer, trouver les mots sur toutes mes pensées. Cela prendrait des heures, et elle ne comprendrait rien au cheminement. « Molly m’a raconté quelques détails de ton séjour chez elle, et j’ai bien compris que c’était entièrement ma faute. Encore. Je t’avoue qu’après ça, je n’ai plus envie d’en dire plus sur quoi que ce soit. » Je soupire. Elle se méfie, elle aussi, j’en suis sûr. « J’ai fait le shooting photo de GQ avec Hannah. » je finis par lâcher. C’est ce qui a créé le déclic. Molly, Joanne, elles croient que le chapitre Hannah est clos, qu’il ne fera plus de mal, et moi, je sais que c’est faux. « Pour leur classement dont je t’avais parlé. Je suppose qu’ils ne pouvaient pas passer à côté de l’occasion de nous faire poser tous les deux. Tu ne vas sûrement pas aimer les photos. » Parce qu’elles sont sûrement belles et réussies. Pleines de complicité. Sur toutes celles qui ont été prises, il n’y en aura sûrement qu’une ou deux dans le magazine, mais cela suffira à tourner le couteau dans la plaie. « Je voulais t’en parler avant de rentrer chez nous. Mais je me dis que ça vaut mieux maintenant. Comme ça Molly peut encore réparer mes pots cassés. Et elle comprendra enfin que je suis nocif. » Et Joanne aussi.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Dans leur relation, la plage était souvent un lieu propice pour se confier, se révéler, dire tout ce qu'il y avait sur le coeur. C'était à un endroit similaire, à Brisbane, que Jamie lui avait parlé pour la première d'Oliver, de son suicide. C'était aussi là-bas que Joanne lui avait révélé qu'elle avait été contrainte d'avorter d'un enfant qui avait été le leur, parce qu'il n'aurait jamais pu vivre plus longtemps. Alors oui, la plage les avait toujours aidé à communiquer entre eux. Le bruit des vagues était si apaisant, et savoir qu'ils étaient les seuls dans les alentours leur permettait d'avoir une certaine intimité dans cet endroit vaste. Joanne lui avait demandé si ce qu'elle disait ou faisait l'aidait, lorsqu'il ne se sentait pas bien. Elle voulait savoir si elle lui était utile dans ces moments là. Ca l'aidait, oui. Mais que sur le moment. Ca ne soulageait en rien cette colère qui était constamment en lui, ça ne faisait que la contenir temporaire. Joanne n'acquiesça que d'un signe de tête, pour faire comprendre qu'elle avait bien entendu, mais elle ne savait pas vraiment quoi dire, ni comment réagir. "Tu deviens alors comme... une sorte de bombe à retardement, quand je suis là, c'est ça ?" finit-elle par demander tout bas, d'un ton très hésitant. "Ca finira quand même par... par exploser un jour ou l'autre." Il se mutilera sous le jet d'eau chaude, il se coupera les mains en brisant un miroir, il mettra en ruines une des pièces de la maison. Il aura besoin d'évacuer tout ça un jour ou l'autre. Jamie serrait la main de sa belle de toute ses forces, comme s'il ne voulait pas qu'elle parte. Quelque chose ne tournait pas rond. Joanne le savait, parce qu'elle avait ce pincement au coeur, l'impression qu'il était comme dans un étau. Elle fronça légèrement les sourcils lorsqu'il reprit la parole. "Qu'est-ce que tu racontes ?" lui demanda-t-elle. Joanne ne comprenait pas le flot de pensées qui l'avait mené à une telle conclusion. "Qu'est-ce que tu veux dire ?" Elle voulait savoir, elle voulait comprendre pourquoi il avait eu un tel cheminement, et quel était ce cheminement. Sa grand-mère avait jugé bon de raconter certaines choses durant la période où sa petite-fille était chez elle. Joanne se sentait désolée. Pour elle, cette période était passé, le sujet était clos. "Jamie, nous savons tous les deux que je suis à l'origine de cette histoire. Que c'est en rendant la bague que tout a basculé. Nous nous l'étions dit, je l'ai admis, et je l'ai accepté." lui dit-elle avant d'embrasser sa joue. Le bel homme soupira, et lâcha la bombe. Joanne resta muette, il ne tarda pas à donner davantage d'explications, précisant bien qu'elle n'aimerait pas les clichés. Joanne aurait pu fondre en larmes, se faire des idées, se rappeler à quel point elle avait raison lorsqu'elle se disait qu'il aimait toujours Hannah. Elle l'aurait rejeté, elle aurait eu le coeur brisé. Elle se serait imaginée déjà tout un tas de scènes, de mots échangés entre la mannequin et lui. Elle se serait dit qu'il lui aurait menti lorsqu'il avait dit que c'était fini, qu'il ne la verrait plus. Joanne aurait craqué, et sombré. Elle ne lui ferait plus confiance, elle n'aurait plus que Daniel pour vouloir se raccrocher à la vie. Elle se serait dit que la promesse qu'elle avait faite en Angleterre n'était qu'une assurance pour lui d'avoir une femme qu'il convoitait à ses côtés, si les choses tournaient mal avec Hannah. Joanne se serait tue, elle aurait tout de même tenue cette promesse, elle l'aurait tout autant respecté que leur promesse de mariage. C'était tout comme. Elle se serait réduite à une poupée, une mère porteuse pour les plus beaux jours. Oui, Joanne aurait pu sombrer. Et son esprit le savait. Durant ces quelques secondes d'un silence horriblement lourd, il se mit à construire un mur d'acier, faisant un blocus total sur toutes ces pensées qui la dévasteraient en un claquement de doigt. Elle faisait un blocage. "Oh." dit-elle simplement. Elle regardait Jamie, avec un faible sourire, comme si de rien n'était, désabusée. "Ce n'est que purement professionnel après tout, pas vrai ? Tu n'avais pas vraiment le choix de poser avec elle, je suppose." Joanne semblait être à côté de la plaque, refusant l'importance des informations qu'on venait de lui donner. "Si ces clichés sont si réussis, c'est parce que vous avez bien joué le jeu, pas vrai ? Ce n'est qu'un jeu d'acteurs, sur ce genre de photos, non ?" Alors que derrière le mur, une partie de Joanne savait que les sourires qui seraient affichés seraient on ne peut plus vrai, elle savait que c'était on ne peut plus vrai, que c'est une joie qu'on ne pouvait pas démentir, et que les photographes avaient parfaitement su saisir cette complicité. Cette idée frappait tellement fort dans le mur, mais Joanne refusait de l'entendre. "Si tu n'inspirais pas confiance à Nanny, je pense qu'elle te l'aurait déjà dit, elle n'aime pas garder ce genre de choses pour elle." expliqua-t-elle calmement, en haussant les épaules. "Mais si tu ne te sens pas à l'aise, nous pouvons très bien rentrer plus tôt, et finir nos vacances tous les trois à la maison." suggéra-t-elle. "Nous y serions plus tranquilles pour discuter, si tu veux." Parce qu'un temps de paroles était vraisemblablement nécessaire. Joanne évinça totalement le sujet d'Hannah pendant plusieurs minutes. Ses doigts continuaient frénétiquement de caresser son visage, longuement. Jusqu'à ce qu'une petite brèche dans le mur, qui la fit stopper. "Il ne s'est rien passé entre toi et Hannah, pas vrai ? Tu m'avais dit que c'était terminé avec elle..." demanda-t-elle soudainement, avec un regard plein d'espoir, alors qu'une voix tentait de lui rappeler en hurlant dans sa tête qu'il était évident qu'il avait encore des sentiments pour la belle brune.