I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
La liste des crimes de la Sforza était certainement bien plus longue que Grace ne saurait l'imaginer. Sous cette beauté se cachait une femme qui avait une grande soif de pouvoir, particulièrement égocentrique et égoïste, se fichant bien de dommages collatéraux. A partir du moment qu'elle atteigne son but. Mais Celso expliquait qu'il avait pris les devants en l'emprisonnant et en l'empêchant de manigancer quoi que ce soit. Il désirait avoir son propre libre-arbitre, que ses décisions ne découlent pas d'un quelconque chantage. Il avait les mains liées, il était parvenu à se libérer de lui-même. Il ne préférait pas étendre toutes ses atrocités à sa belle, là n'était pas la question. Le souverain se contenta d'expliquer dans les grandes lignes son plan, ayant la ferme intention de négocier l'armée de Milan. Le couple ne voulait pas s'étendre davantage sur des discussions politiques. Grace en avait toujours horreur et Celso préférait toujours parler d'autre chose avec elle. La vice-reine se demandait s'il avait tout de même annoncer sa grossesse ou non. Il n'aurait pas été judicieux de le faire, surtout que la survie de la mère avait été incertain pendant de nombreux jours. Celso voulait jouer la carte de la sûreté en attendant encore un peu. Il voulait certainement s'assurer que c'était toujours bien le cas. Peut-être même voulait-il attendre que son ventre arrondi ne se voit bien pour annoncer quoi que ce soit. Elle sourit, et acquiesça d'un signe de tête. Le sourire que Celso arborait s'effaça bien vite, rongé par une certaine culpabilité. "Mon amour, tu n'as pas à t'excuser." Quoi qu'elle puisse dire, Celso allait resté figé sur sa position, persuadé que tout était de sa faute. "Dieu m'a mise face à une épreuve, et j'ai su la surmonter. Ces derniers jours n'ont été facile pour personne, encore moins pour toi. Je suis là, et je vais mieux." Elle n'en tenait rigueur à personne. Pour elle, parfois, on tombait malade sans raison apparente. Ce qui était bien curieux, et peu explicable. Mais les avancées médicales étaient fulgurantes, certains allaient forcément trouver des réponses précises. "Et nous sommes tous les deux là. Le bébé, et moi. Je le sais." Elle en était persuadée. Celso semblait mettre en doute ces croyances, ce qui aurait été blasphématoire pour bien des hommes. Mais depuis le début de leur relation, ils montraient tous les deux une certaine flexibilité, ils interprétaient certaines paroles différemment, d'une manière qui leur semblait bien plus juste. Il perdait la foi envers un dieu qui ne faisait que le punir. Grace se demandait s'il y croyait encore. "J'aime cet homme. Je me fiche de ce que Dieu puisse en penser, de ce que le reste du monde puisse en penser. Je suis tombée amoureuse de toi, je me suis mariée devant Lui et il n'a jamais montré la moindre opposition. Au contraire, Il me permet de donner la vie, de porter ta descendance." Elle lui sourit avec cette infinie tendresse, et lui vola un baiser. "Crois-tu encore en Lui ? Ou as-tu le foi en quelqu'un ou quelque chose d'autre ? Si tu penses que ce n'est pas Lui, qui est-ce qui guide tes pas chaque jour ?" lui demanda-t-elle. Il y avait forcément quelque chose ou quelqu'un d'autre. Peut-être la volonté elle-même. Mais Grace doutait qu'il porte toute sa foi en un Dieu qui, selon lui, n'arrêtait pas de le défier et de se montrer peu miséricordieux à son égard. Ils restaient encore un long moment ensemble, et lorsque Francesco fut réveillé, Celso le prit dans ses bras pour quitter la pièce et permettre à Grace de se reposer.
Les jours se suivaient. La rémission de Grace était longue, mais elle allait tout de même de mieux en mieux. Elle avait quasiment retrouvé tout son appétit. La seule chose qui inquiétait était son teint encore pâle et sa fatigue encore bien présente. Elle n'était pas sortie de ses appartements mais son fils, son mari et le prêtre lui rendaient régulièrement visite. Grace s'était également remise à lire, mais elle ne quittait pas vraiment encore son lit. Elle avait déjà fait quelques pas dans la pièce, rien de plus. Un soir, elle avait cette envie soudaine de se montrer, que tout le monde puisse voir qu'elle se portait bien. Jane, Luisa et Maria ne s'étaient pas rendues à un seul banquet depuis que la petite blonde avait son malaise. "Allons dîner." dit la reine alors. Les suivantes comprirent qu'il fallait chercher de quoi manger mais elle les arrêta aussitôt. "Ce n'était pas ce que je voulais dire." leur dit-elle avec un sourire amusé. Ses joues et ses lèvres étaient à nouveau devenus un peu plus rose, ses yeux brillaient à nouveau. "J'ai envie de me rendre au banquet, de leur faire une surprise." Et elle voulait surtout surprendre son époux. Grace se leva alors de son lit, non sans quelques tournis durant les première seconde. Soudainement surexcitées, les suivantes ne tardèrent pas à sortir une robe ainsi que tous les accessoires nécessaires pour la mettre en beauté. Peut-être était-ce le plaisir de revoir enfin la cour, ou simplement le bonheur de voir leur maîtresse sur pied. Elles s'appliquèrent dans la confection du chignon, du choix des bijoux et de la tiare. Grace avait hâte de voir la tête de Celso. Elle savait que ça lui ferait plaisir, que ça lui mettrait du baume au coeur. Elle se rendit dans la grande salle. Tous les regards étaient surpris, stupéfaits. Personne n'attendait sa venue. Mais tout le monde s'était levé de sa chaise pour s'incliner. On avait même arrêté de jouer de la musique. Le trône de Grace était toujours à sa place, bien vide. Elle ne s'y installa pas immédiatement. Elle se mit de l'autre côté de la table, échangea un regard avec son époux, et fit une révérence gracieuse. "Votre Majesté... Puis-je me joindre à vous ?" demanda-t-elle une fois redressée, avec un sourire charmant dessiné sur ses lèvres.
Si ces derniers jours furent sous le signe de l'angoisse et du chagrin, ils le furent aussi sous celui de la culpabilité. Les rumeurs à répétitions et les coïncidences ont fini par me persuader de la malédiction qu'on me prête, et j'en fais la cause de tous nos malheurs. C'est une certitude dont il est impossible de m'arracher, une peur permanente que e ne remarque même plus mais qui rythme mais journées et les années. Et je tente, encore et encore, sans relâche, de trouver grâce aux yeux d'un Dieu qui rejette constamment mes prières mais ne manque jamais une occasion de me faire payer mes péchés. Je me sens la cible de ses mauvais jours, son bouc émissaire. Celui qui est synonyme d'espoir et de salut pour les uns se résume à un bourreau pour moi. Cela ferait fuir n'importe qui, de peur de devoir partager mon fardeau, mais Grace demeure à mes côtés, toujours aimante et ayant assez de foi pour nous deux. Le Seigneur l'a à la bonne, elle. Sûrement a-t-il tenté de lui faire comprendre que sa place n'est pas à mes côtés. Mon malheur la fera souffrir également. Je ne peux pas cesser de croire en l'unique Dieu qui n'a été enseigné depuis toujours. Il n'est pas une question, mais ce mirage va et vient dans mon esprit. Je n'ai tout bonnement pas foi en lui, ni lui en moi. Il n'est qu'une seule autre chose qui me guide ; « Toi. » Mon front se pose sur celui de mon épouse, la seule à être capable de comprendre et d'entendre ce genre de paroles. « Nous deux, et notre famille. Et un peu d'ambition. » j'ajoute avec un petit rire nerveux, glissé dans un souffle. Je n'en ai jamais été dénué. Je reprends, retrouvant mon sérieux ; « Nous traversons toutes les épreuves et rien ne semble pouvoir venir à bout de nous. » Nous sommes, à mon sens, notre propre Dieu. Nous ne devrions croire qu'en nous et nous suffire à nous-mêmes. Croire en nos mérites, en ce que nous construisons avec nos propres mains, en nos accomplissements et en nos expériences, sans avoir à les mettre sur le compte de la volonté de qui que ce soit d'autre que nous. Ce n'est pas Dieu qui m'a hissé jusqu'à ce trône, qui a courtisé celle qui est mon épouse désormais, ou qui a travaillé longuement pour mettre notre fils au monde. C'est nous seuls. « Tu es, à mes yeux, ce qui se rapproche le plus d'un ange. D'une preuve que ce Dieu existe. » Après tout, cette beauté et cette bonté, cette foi et cette bienveillance ne peuvent être purement terrestres. « Je crois qu'il refuse simplement d'être le mien. Mais je n'ai pas besoin de lui tant que je t'ai toi. » Une émissaire du Ciel. La seule qui accepte de veiller sur moi. Et celle qui donne à chaque journée son sens.
C'est bien pensif, songeur, que j'écoute d'une oreille le conseil qui se déroule dans la salle pleine de ministres. Je ne prête aucune oreille attentive à leurs débats, tant que ceux-ci ne sont que des jérémiades et des querelles d'enfants. Mes idées vagabondent, je pense à un dessin, une prochaine peinture, et le prochain soir où ma petite Muse acceptera de poser pour moi. A la nuit qui s'en suivra. Je me demande comment Ippolita vit sa vie de captive, si je devrais lui rendre visite ou lui permettre d'avoir des appartements plus dignes -puis je me souviens que la dignité n'est pas l'une de ses vertus, et que les rats sont le genre de dames de compagnie qui lui sied le mieux. Je pense à cette lettre qui remonte actuellement toute la botte italienne jusqu'à Milan, et je m'imagine la réaction du père de la jeune femme. Je n'ose pas me projeter sur le trône d'Italie, pas encore, mais une partie de moi y croit dur comme fer. Mon regard vagabond tombe sur un jeune homme discrètement installé dans un coin de la pièce, un épais carnet de feuilles sur les genoux, et la plume grattant vivement le papier. Se sentant épié, il lève à son tour les yeux vers moi. Son visage m'est inconnu. « Qui êtes-vous ? » « Andrea Rossi. » se présente-t-il, arborant donc un nom de famille qui fut longtemps le mien. « Vous n'avez pas de nom. » J'affirme sans avoir besoin de confirmation. C'est le nom des orphelins et des bâtards. « Ou je ne veux pas vous le donner. » réplique-t-il tout de même, un sourire malicieux sur les lèvres et le regard pétillant. « Comment êtes-vous arrivé dans ma Cour, et depuis quand ? » Il fait mine de réfléchir, frottant le bout de sa plume sous son menton bien haut. « C'était un jeudi je crois, la porte était ouverte. » Un rire m'échappe. Lui est plus habitué à laisser dubitatif, voir à agacer ses interlocuteurs, plutôt qu'à les amuser. « Et qu'est-ce que vous faites dans la vie, Andrea ? » « J'écris. Je vais de Cour en Cour auprès des monarques, et j'écris. » Quelle nostalgie il m'inspire. « Qu'écrivez-vous actuellement ? » « Sur vous, votre Majesté. » Cette fois, intrigué, j'arque un sourcil. Je ne lui demande pas pourquoi, si même si je peux lire, je sais que dans les deux cas la réponse sera négative, car c'est ce qu'il souhaite ; me rendre curieux et susciter mon intérêt. Toutes ces pirouettes, je les connais par coeur. C'est presque avec une certaine tendresse et une grande bienveillance que je lui souris. « Bienvenue à Naples, Andrea. »
Les banquets manquent de saveur sans Grace. Et ma partenaire de danse me manque autant que l'épouse à l'agréable conversation ou aux silences reposants. En bref, son absence laisse un vide plus grand que cette chaise à mes côtés, et l'ennui s'empare rapidement de moi chaque soir. Mais ce n'est pas n'importe quel soir. Les portes de la grande salle s'ouvrent sur cette petite silhouette angélique à l'allure royale dont la volonté et la beauté laissent les convives muets et plongent de longues minutes dans un profond silence. Je me lève pour l'accueillir avec tout le respect auquel elle a droit, tout aussi ébahi que le reste de la Cour, mais aussi ému. La voir ce soir, pouvoir partager un vrai repas, une vraie soirée, rend mon épouse plus vivante à mes yeux, véritablement guérie, et c'est de soulagement autant que d'admiration que mon regard s'embue furtivement tandis qu'un sourire tendre étire mes lèvres pendant qu'elle effectue une révérence. « Vous le devez. » je réponds à sa requête en lui indiquant le trône qui est le sien. Elle s'y installe avec l'élégance qui lui est propre. J'appose mon front au sien quelques courtes secondes, le contact faisant office de baiser pudique face à la Cour. « C'est si bon de revoir de la couleur sur tes joues. » Je ne vais pas jusqu'à espérer que nous pourrons partager une danse un peu plus tard, je suis déjà bien heureux de l'avoir à mes côté aujourd'hui. Francesco, à la table de Giulia, a également remarqué l'apparition de sa mère et lui adresse un large sourire. Me doutant qu'en dehors de ses longues heures de repos, Grace n'a rien de bien nouveau à me raconter, et ne souhaitant pas évoquer la politique une seule seconde ce soir, j'en profite pour indiquer à mon épouse l'inconnu dont j'ai fait la connaissance un peu plus tôt dans la journée. « Tu vois le jeune homme, là-bas ? Il s'est invité à la Cour, sans garant, je ne sais comment. Il est écrivain, je ne sais pas trop de quoi. » Je sais bien peu de choses au final, et cela me fait sourire. Nous pouvons le voir faire les yeux doux et user de sourires charmeurs envers les suivantes de Grace. « Et il en profite pour courtiser les demoiselles. » Je porte ma coupe de vin à mes lèvres en observant la scène. L'homme est grand, brun, filiforme comme un poète, mais possède une mâchoire marquée et des traits volontaires. Il est moins plaisant que je le fus à son âge, à mon avis, mais il dégage un fascinant charisme qui rend difficile de détourner le regard -si l'on est sensible à ce genre de charme. « J'ai l'impression de me regarder dans un miroir qui me ferait voir dix ans dans le passé. » Un miroir qui me rappelle que le temps passe.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Celso avait toujours eu ces gestes, ces actions dans leur intimité qui montraient combien il était dévoué à son épouse. Celle-ci avait bien compris qu'il ferait absolument tout pour elle, sans aucune limite. Peut-être même encore plus maintenant qu'il régnait et qu'il disposait de bien de moyens et de richesse pour parvenir à ses fins. Mais, jusque là, il ne l'avait jamais véritablement verbalisé. Là, il le disait clairement. Que s'il devait choisir un guide, une étoile, un dieu, ce serait elle, et personne d'autre. S'il faisait toutes ces choses, c'était pour elle, l'enfant qui était déjà né et celui qui grandissait peu à peu en elle. Il la comparait même à l'un de ces êtres célestes. Il croyait encore en Dieu, et la seule preuve qui lui semblait la plus véridique était l'existence de Grace. Il ne sentait pas supérieur à Lui, mais il trouvait que ce n'était pas son Dieu. Celui de tous les autres, peut-être, mais lui avait décidé de placer sa foi en une personne qu'il pouvait voir, croire, aimer et le montrer chaque jour. Il n'en demandait pas plus. Il n'en voulait pas plus. Tant qu'il avait l'amour de son épouse en retour, il continuerait de vivre. Sans cela, sans elle, il se laisserait dépérir, préférant la rejoindre au plus vite plutôt que de vivre quelques années supplémentaires le coeur brisé. Mais celui-ci semblait renaître de ses cendres lorsque la petite blonde fit apparition à la cour, élégamment vêtue. Comme tout sujet, elle s'inclina devant son roi. Celui-ci eut un bref moment où il ne parvenait pas à dissimuler ses émotions, bien trop heureux de la voir présente ce soir. Sans attendre, il l'invita à le rejoindre à ses côtés. L'envie de s'embrasser amoureusement était palpable, mais il y avait certaines règles à respecter lorsqu'ils étaient en public. Les servants apportaient rapidement le nécessaire pour leur reine. Elle prit la main de son époux pour l'embrasser, tout en le regardant dans les yeux, avant qu'il ne prenne parole. "Pourquoi ne le lui demandes-tu pas ? Il cherche à avoir l'attention d'un noble après tout. Et ça ne te coûterait rien de lire ses écrits." lui répondit-elle en souriant, ses iris bleus rivés sur le jeune homme. Elle rit lorsque Celso lui précisa qu'il était en train d'essayer de plaire à ses suivantes. [color=#006699]"Qu'il essaie donc."[:color] A sa connaissance, Luisa cherchait un bon parti, Jane était bien trop fidèle à son amie pour se laisser emporter par un quelconque flirt, et Maria était d'une extrême piété. Cela ne les empêchait de pouffer et de rougir, gênée et flattée d'attirer le regard d'un jeune homme. "Qui sait, il sera peut-être aussi un jour monarque. Prince d'une contrée lointaine, avec une fibre artistique." Il avait encore la jeunesse de son côté, il devait en profiter. Celso confiait qu'il avait l'impression de se voir, au travers de cet homme. "Je te préfère quand même, je te trouve plus beau, et tu sais à quel point j'apprécie tes oeuvres." lui lança-t-elle avec un regard complice et amusé. "Mais il faut admettre qu'il a certainement autant d'audace et de cran que toi pour se présenter à une cour en n'étant pas sous l'aile de qui que ce soit." Grace but une gorgée de vin, et se permit de commencer son repas, qui avait déjà commencé depuis longtemps pour d'autres. Ca lui avait manqué, un peu, d'être entourée d'autant de monde. Elle avait été longuement confinée dans ses appartements, et la moindre petite sortie lui faisait le plus grand bien. Elle ne se sentait néanmoins pas d'attaque pour danser avec son époux. Et le jour où elle pourra à nouveau se le permettre, elle devra se contenter du minimum afin de ne pas prendre le moindre risque vis-à-vis du bébé. Le dîner suivait donc son cours, tranquillement. Les discussions simples et banales animaient la soirée, ce qui était amplement suffisant pour elle. Une fois qu'ils avaient fini de manger, Grace le suivit jusqu'à ses appartements. Elle avait envie de voir d'autres pièces. Non pas qu'elle n'aimait plus sa chambre, mais elle voulait voir un peu autre chose. Le feu crépitait dans la cheminée, et l'on n'entendait rien d'autres. Quelques bougies étaient également allumées, l'ambiance y était très chaleureuse. A peine la porte fermée derrière eux, elle s'approcha de lui sans attendre pour prendre son visage entre ses deux mains pour l'embrasser longuement et amoureusement, n'oubliant aucune parcelle de ses lèvres, et même de sa langue. Lorsqu'elle fut à bout de souffle, elle laissait son visage effleurer le sien. "Ca fait une éternité que je rêvais de pouvoir à nouveau t'embrasser ainsi." lui murmura-t-elle. Et elle déposa à nouveau ses lèvres sur les siennes tout en se collant contre lui, juste pour le plaisir de sentir à nouveau sa chaleur.
Il est étrange de se retrouver face à soi-même. Une version plus jeune, peut-être plus moderne de soi. Un reflet qui n'en est pas exactement un, mais qui suffit à rendre nostalgique, nous donner un aperçu d'un passé qui ne reviendra jamais. Parfois ces années me manquent. L'insouciance et la frivolité de ma vie, sa légèreté, l'aisance avec laquelle je parvenais à ne me soucier de rien si ce n'est du lit dans lequel je dormirai le soir, faute d'en avoir un à moi où que ce soi. Il était plaisant de plaire, de charmer, d'être charmé, d'avoir ce semblant de pouvoir sur les autres. Les regards sont ce qui me manque le plus. Je n'en manque pas aujourd'hui, mais ils sont tous acquis, et n'ont pas la même saveur, la même valeur. Ils sont emplis d'un ennuyeux respect et d'une complaisance parfois forcée, d'une courtoisie de rigueur, et au final, manquent de personnalité, d'authenticité, laissant l'impression de vivre dans un environnement un peu moins réel qu'il ne le fut autrefois. J'aimais les coups d'oeils curieux, ou même les sourcils froncés par l'agacement. J'aimais les petits pétillements des demoiselles qui se permettaient un éclat de rire incontrôlé, et même les regards assassins de leurs autres prétendants, voire des maris. C'était une aventure de tous les jours, un grand jeu qui procurait du piquant à l'existence, un divertissement qui ne pouvait pas s'arrêter ou me lasser. Tout est bien différent aujourd'hui, je le vois bien, en observant Andrea. Je n'ai plus les cheveux aussi bruns que les siens, ni la peau aussi lisse. Mes doigts sont désormais assombris par l'encre sur la paperasse et le sang d'une cruelle justice. Mon coeur n'est plus aussi vif, mon regard peut-être plus terne et certainement trop sage. Je me demande si les sourires sont plus rares, et les rires, et les danses. Je me demande si le temps m'a pris autant que je le pense, allié avec ce Dieu qui m'en veut, et qu'elle distance il reste à parcourir devant moi. « Pas tout de suite. » je soupire, songeur, à la suggestion de Grace de lire le travail du nouvel arrivant à la Cour. « Je vais le laisser penser qu'il m'intrigue tout d'abord, juste pour lui faire plaisir. » Et puis, cela n'est pas totalement faux. Le jeune homme semble faire l'unanimité auprès des suivantes de Grace, ce qui nous amuse tous deux. D'après elle, lui aussi pourrait être sujet à un grand destin. Nous savons mieux que personne qu'il ne faut pas se fier aux apparences. « Je préfère croire que mon parcours est unique. » je réponds avec un petit rire. Je suppose que mon épouse cherche à me rassurer quelque peu en m'assurant qu'elle me préfère à cet inconnu, qu'importe nos ressemblances. Je souris en coin. « Tu n'as pas lu ses écrits non plus, peut-être que tu les aimeras. Et il est plus jeune. » Il a moins à penser, et plus de temps pour les émotions. Plus de temps pour être lui-même. Tout le temps du monde. « En attendant je crois qu'il souligne un certain problème de sécurité dans cette Cour, il faudra y remédier. » j'ajoute en reprenant mon repas où l'arrivée de Grace l'avait interrompu, piquant dans ma pièce de viande avec appétit. La jeune femme ne mange pas autant que d'habitude, mais la voir avaler quelque chose suffit à me rassurer, ainsi qu'une partie de la Cour. La reine va mieux, l'inquiétude peut être levée. Je sais qu'ils ne seront qu'admiratifs le jour où ils comprendront qu'elle a traversé pareille épreuve enceinte. C'est une expérience qui inspire le plus grand des respects, même pour moi. Cela décuple mon admiration pour elle, si cela est encore possible. Nous profitons du banquet, même sans danse. Grace prend ce petit bain de foule volontiers, et les regards se régalent de sa présence qui manqua bien trop longtemps à cette Cour. L'on devine un regain d'entrain sur la piste, entre les tables. Même la musique paraît plus entraînante. Et j'observe toujours, en coin, Andrea qui fait tournoyer Luisa jusqu'à la fin de la soirée. Nous quittons la salle pour rejoindre l'intimité de mes appartements. Là où nul ne nous empêchera d'agir comme nous le souhaitons, et de nous retrouver. Comme devinant chacun des gestes de Grace, je la réceptionne dans mes bras et me pencher pour lui offrir mes lèvres à embrasser avec autant de passion qu'elle le veut, assez pour rattraper tous les baisers qui n'ont pas pu être échangés. Je la serre, tout contre moi, répondant et prolongeant chaque caresse afin que son visage ne se détache jamais du mien, qu'importe si l'air devient trop rare. « Tu m'as manqué... » je lui réponds aussi bas, le front posé sur le sien, le regard plongé dans ses iris bleus qui ont retrouvé tout leur éclat. Je lui souris longuement, heureux de la retrouver, de pouvoir saisir son corps chaud, et laisser son souffle frôler mon visage. De l'avoir, bien vivante, dans mes bras. « Faisons quelque chose de très interdit. » dis-je tout bas, en lui retirant, doucement et avec grande précaution, ses bijoux, un à un. Un gracieux demi-tour, je fais tourner la jeune femme sur elle-même afin de défaire sa robe, tout en déposant, régulièrement, un baiser sur ses épaules blanches. « J'ai envie de sentir ta peau contre la mienne cette nuit. » je souffle au creux de son cou. Sans que cela ne sous-entende des ébats, Grace est encore trop fragile pour ce genre d'émotions, mais simplement de s'accorder le droit de partager toute une nuit sans rien pour nous empêcher d'être peau contre peau sous les draps. Partager de la chaleur humaine, lui donner de la mienne s'il lui en manque encore, volée par le frôlement de la mort. Je prends mon temps pour la déshabiller, c'est une chose que j'aime toujours faire. Dévoiler son dos petit à petit, la libérer de son corset, apercevoir la chute de ses reins, puis deviner le galbe de sa poitrine, toujours en l'embrassant par endroits. Lorsqu'elle se tourne à nouveau pour me faire face, tandis que je me suis assis sur le bord du lit, je dépose un baiser sur son ventre. « Tu crois qu'il est toujours là ? » je demande dans un murmure, espérant que ce soit le cas. Si nous venions à perdre cet enfant, qui sait dans combien de temps la chance d'en avoir un autre nous sera donnée.
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Grace se demandait comment était l'ambiance durant les banquets, depuis qu'elle était tombée malade. Peut-être que Celso demandait à limiter les danses, la musique. Non pas qu'il empêchait tout le monde d'être joyeux, mais peut-être ne voulait-il pas que tout le monde se réjouisse d'un rien alors que leur reine était bien souffrante. Sa conversation avec lui se centrait sur un jeune homme qui faisait rappeler à Celso que les années s'écoulaient petit à petit, et qu'il n'était plus aussi jeune et vif qu'auparavant. Il comptait laisser le dénommé Andrea attendre, le laissait croire qu'il attirait l'attention, ce qui, en soi, était déjà bien le cas. Mais il fallait être méritant pour avoir les faveurs de son roi et Celso ne comptait pas les lui donner de si tôt. "Peut-être que je les aimerais, et bien que j'adore lire des livres et des poèmes, tes oeuvres racontent, à mon goût, bien plus d'histoire que n'importe quelle prose." lui répondit-elle avec un sourire léger et un regard affectueux. "J'aime chercher les détails que tu caches dans tes oeuvres." Ce qui préoccupa Celso sur le moment était le manque de surveillance des lieux. Il comptait bien augmenter le nombre de gardes et faire en sorte que l'on n'entre pas si aisément dans le château. Il voulait certainement se montrer encore plus prudent depuis que Grace était tombée malade, bien que ces derniers jours n'étaient pas causés par un quelconque empoisonnement. Il ne prendrait certainement pas le risque de tout laisser comme c'était et craindre de revoir son épouse dans un état similaire qu'il y a quelques jours, proche de la mort. Ce soir-là semblait particulièrement festif, pour Grace. Peut-être était-ce le fait de sa simple présence, elle ne saurait le dire. Celso lançait parfois de discrets regards, satisfait de voir qu'elle mangeait à nouveau, délecté qu'elle soit enfin à nouveau à ses côtés. Il y avait aussi un brin d'admiration dans son regard. Là aussi, elle ne savait pas pourquoi. Bien que voir la foule danser devant elle la rendait joyeux, heureuse de savoir que la vie continuait, Grace était bien plus encline d'avoir un moment d'intimité avec Celso. Elle avait bien évidemment profité de la présence de certains nobles qui ne manquaient jamais d'éloges à son égard. Mais elle avait hâte d'être seule avec lui pour pouvoir l'embrasser et se serrer contre lui. Celso était certainement tout aussi pressé qu'elle. Il suffisait de voir avec quelle ardeur il embrassait sa petite blonde, combien il la serrait contre lui. Il était heureux, un brin ému peut-être. Grace trouvait ses yeux bien brillants, ce soir-là. Elle aimait pouvoir à nouveau sentir ses mains contre elle, son souffle chaud parcourir sa peau pâle, son regard saisir amoureusement le sien. "Tu m'as manquée aussi, mon amour." lui répondit-elle tout bas. Elle le regardait d'un air perplexe, lorsqu'il reprit la parole, ne voyant pas de quoi il pouvait bien parler. Mais elle le laissait faire, ôter un à un ses bijoux. Celso prenait toujours un grand plaisir à défaire lentement ses vêtements, chérissant chaque parcelle de peau qui s'offrait peu à peu à lui. Son rythme cardiaque s'accéléré sensiblement lorsqu'il dévoila ses véritables intentions. Il fallait admettre qu'il y avait quelque chose d'excitant, à aller bien au-delà des coutumes et de tout ce qui était raisonnable. Sa respiration s'accélérait à nouveau également, comme si elle se dévoilait à lui pour la première fois. Avec son état, elle avait l'impression que leurs derniers ébats remontaient à une éternité. Celso s'était assis au bord du lit, afin de pouvoir embrasser son ventre, qui protégeait le plus beau des trésors. Grace avait glissé l'une de ses mains dans ses cheveux qu'elle se mit à caresser délicatement. "Il est toujours là, je le sais." lui assura-t-elle avec une voie sereine. "Il y a certains signes qui ne trompent pas." Elle prit l'une des mains de Celso pour la guider jusqu'à sa poitrine, plus ferme et plus sensible que d'habitude. "Il n'y pas que le ventre, qui grossit." Grace le sentait car c'était même douloureux par moment. Bien qu'elle n'allait pas être la principale personne à le nourrir, l'entièreté de son corps se préparait pour l'arrivée de ce nouveau né. Elle s'agenouilla devant lui, et dut relever la tête pour l'embrasser. En même temps, elle le débarrassa de tout ce qui recouvrait son torse afin de pouvoir frôler sa peau du bout de ses doigts. Elle parsemait ensuite sa mâchoire, son cou, et son torse de baiser, bien heureuse d'être toujours capable de faire ça. Celso aurait beau toujours vouloir se soumettre à elle, il ne voulait pas qu'elle s'incline devant lui, encore moins qu'elle s'agenouille. Pourtant là était sa place. Lorsque ses lèvres commençaient à lui manquer, elle les embrassait fougueusement, en prenant son visage entre ses doigts. "Je t'aime tant, Celso. Mon coeur et mon âme sont à toi à tout jamais." lui souffla-t-elle au bord de sa bouche. Qu'importe ce qu'il pouvait croire ou non, qu'importe s'il ne comprenait pas les convictions de son épouse, elle, elle en restait persuadée. Et elle savait qu'il la respectait malgré tout. Grace finit par se redresser et elle le bascula en arrière afin qu'il se retrouve allongé. Elle l'avait suivi dans sa chute, sans quitter ses lèvres. Elle avait noté qu'il semblait plus serein, moins fatigué. Il avait certainement guéri en même temps qu'elle. Grace se demandait s'il désirait franchir cet interdit parce qu'il ne croyait plus véritablement en Dieu, s'il y avait un lien avec cette rébellion dont eux seuls avaient connaissance. Elle finit de déshabiller intégralement son époux et ne tardèrent pas à se glisser sous les draps, le fond d'air était assez frais. Grace appuya sa tête contre son épaule, son main se baladait aléatoirement sur son torse. "Pourquoi est-ce interdit, de dormir nu ? Ou même de faire l'amour ainsi ? Je ne trouve pas ça mal, de ne pas se montrer pudique auprès de son conjoint. Je peux comprendre qu'un corps nu choque n'importe qui d'autre, mais pas son mari ou sa femme." Avec le temps passé auprès de Celso, cette pudeur exacerbé avait moins en moins de sens, elle trouvait cela étrange. "A moins que tout le monde ne préfère définir la beauté d'une personne que par son visage, et non le reste de son corps."
Cela relève du miracle, que notre enfant ait pu survivre à la maladie de sa mère. Je la vois encore si pâle dans son lit, brûlante et glacée comme la mort tout à la fois, frissonnante, fragile comme une brindille. Je sais qu'elle mettait toute son énergie dans la protection de ce petit être, quitte à s'oublier. Mais l'un ne va pas sans l'autre, la jeune femme devait survivre pour que le bébé puisse grandir, et aussi incroyable cela soit-il, ils sont aujourd'hui tous les deux présents. Du moins, c'est ce que mon épouse m'assure, l'air confiante. Elle ne doute pas de la survie de l'enfant, de la reprise de son épanouissement en son sein. Pour preuve, c'est d'ailleurs sur sa poitrine qu'elle dépose ma main, m'apprenant que cette partie du corps est également un bon indicateur de l'avancement de sa grossesse. « Je te crois. » Je me sens un peu sot, d'en apprendre encore à ce sujet, de me sentir toujours aussi novice que la première fois. Je ne crois même as avoir remarqué ce genre de changement lorsque Grace portait Francesco, je n'y ai pas prêté d'attention, déjà largement subjugué par ce ventre prenant des proportions immenses pour une si petite femme. Tout ceci n'est qu'un grand mystère pour moi, je me contente d'être déconcerté par ce que la nature fait de plus impressionnant à mes yeux. Contrairement à d'habitude, c'est Grace qui s'agenouille devant moi ce soir. Il est particulièrement rare qu'elle adopte cette position, notamment parce que je ne le lui permets pas. Le petit sourire en coin que je lui adresse, résigné, montre bien que je désapprouve de la voir ainsi -mais je ne l'empêcherai pas de le faire de son propre chef, s'il n'est pas question de m'appeler Majesté en plus. Docilement, je laisse la jeune femme déshabiller le haut de mon corps premier. Je frisonne légèrement sous ses baisers, profitant de la délicieuse sensation du contact de ses lèvres dans mon cou et sur mon torse. Je souris, un brin amusé, lorsqu'elle me bascule en arrière, m'embrassant encore, avant de finir de me déshabiller. Le regard rempli de tendresse, je dégage son visage de ses cheveux pour admirer ses traits, le rose de retour sur ses joues et ses lèvres, le bleu brillant à nouveau dans ses yeux, ravi de la voir retrouver sa pleine santé. Nous finissons emmitouflés dans les draps, l'un contre l'autre, profitant d'un moment d'intimité et de silence. Je me demande si Grace s'est habituée aux bruyantes Cours d'Italie. Quoi qu'il en soit, l'instant est des plus appréciables. Simplement elle et moi, libres d'être ce que nous voulons être, de parler de ce dont nous voulons parler, ou de tout bonnement écouter le feu dans l'âtre. Je me contenterai très bien de caresser la peau blanche de son épaule et de son dos durant des heures, la berçant ainsi jusqu'à ce qu'elle s'endorme. Elle a encore besoin de repos, de retrouver des forces. Elle ne met néanmoins à évoquer ces interdits religieux qu'elle a appris à transgresser en étant à mes côtés. « Je pense que c'est une des plus grandes hypocrisies qui existent. » dis-je tout bas, non pas par honte de dire tout haut ce que je pense, mais pour conserver un peu de la quiétude de la pièce. « Est-ce que Adam et Eve ont été créés habillés ? Est-ce qu'ils se sont préoccupés de l'être pendant qu'ils étaient occupés à peupler le monde ? Je ne crois pas. Je ne pense même pas qu'il leur soit passé par la tête de juger ou remettre en question le corps de l'autre. En fait, je crois que les hommes d'Eglise, qui n'ont pas le droit de toucher une femme, veulent simplement imposer leur calvaire à toutes les hommes. » Je ris tout bas. Non, il n'y a sûrement pas que cela, mais je trouve l'hypothèse amusante, et pas complètement hors de propos. « Et je crois que l'on enseigne bien trop aux femmes à ne pas aimer ce que la nature leur a donné, alors il est plus aisé de les couvrir et qu'elles soient dociles à ce sujet. » je reprends, plus sérieux. Pourtant, si Dieu voulait des femmes à la taille fine, c'est ainsi qu'il les aurait formées, et elles n'auraient pas besoin de manquer d'air dans des corsets, malmenant ainsi le corps qui leur a été donné. Certes, c'est esthétique, mais cela ne répond qu'à une certaine vanité humaine, et s'il faut être fidèle au labeur de ce fameux Dieu, il serait plus logique de bannir les corsets plutôt que la nudité. « Ton Dieu va m'aimer de moins en moins si je commence à te faire poser ce genre de questions. » dis-je avec un petit rire, n'en ayant vraiment cure à cet instant. Il est déjà établi qu'il ne m'aime pas, et j'ai décidé que j'en avais soupé de ses caprices d'enfant tyrannique. Nous demeurerons à jamais accordés sur nos désaccords, et je cesserai de croire qu'il s'intéresse de près ou de loin à mes prières. Songeur, je laisse les minutes s'écouler, caressant toujours machinalement l'épaule de Grace. « Ta suivante, Maria... » Je ne la connais pas vraiment. J'ai rarement l'occasion d'entretenir de longues conversations avec les suivantes de mon épouse, elles ne sont pas là pour être mes amies. Certains monarques placent leurs maîtresses dans l'entourage de leur femme, et c'est un outrage qui me dépasse. Quoi qu'il en soit, il m'a semblé que la maladie de Grace fut ma toute première occasion d'entendre le son de la voix de cette demoiselle-ci, et ses mots ne m'ont pas laissé indifférent. « Elle croit les histoires à mon sujet. Elle m'a demandé pourquoi je ne te guérissais pas. » Je soupire. Cela ne prendra jamais fin, malgré les années. La rumeur demeure et me suit.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Grace avait l'impression que le brun découvrait pour la première fois une grossesse. Du moins, peut-être la redécouvrait-il avec un autre aspect. Il était toujours aussi focalisé sur son ventre, alors elle jugeait bon de lui montrer les autres transformations de son corps, qui était certes bien plus minimes. Peut-être avait-il besoin de plusieurs grossesses pour pouvoir tout observer. La jeune femme souriait toujours devant cet émerveillement. Elle devinait à travers son regard que des dizaines de question lui traversaient l'esprit à ce moment là. Le genre de questionnement qui faisait avancer les choses. Les réponses lui manquaient encore cruellement et beaucoup de faits restaient parfaitement inexplicable. Grace restait toujours à disposition pour répondre à sa curiosité, elle le laissait toucher son corps, étudier les détails qui l'intéresseraient plus que d'autre. Mais il fallait encore attendre quelques semaines pour voir son ventre s'arrondir et découvrir d'autres changements. En attendant, la petite blonde s'était agenouillée devant lui. Les yeux verts de son mari désapprouvait grandement cette soumission, elle savait qu'il n'apprécierait qu'elle l'appelle par son titre, par-dessus tout. C'était déjà certainement de trop, pour lui, qu'elle soit ainsi assise. Désormais nus comme des vers et sous les draps, Celso caressait tendrement son épaule du bout des doigts alors qu'elle commençait à discuter d'un sujet tabou. Elle avait toujours aimé entendre la vision de Celso, la manière dont il voyait le monde et ses principes. Ses yeux d'artiste voyaient tout de façon bien différente, et ça l'émerveillait de l'entendre parler. "Ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas le droit de toucher la peau d'une femme qu'ils doivent vous en empêcher. Ils ont fait ce choix, de n'aimer que Dieu, de lui être dévoué jours et nuits. Je vénère aussi Dieu, mais j'ai choisi d'aimer un homme, et de lui appartenir grâce aux voeux de mariage. J'estime de ce fait, qu'il a le droit de me voir dans mon intimité, savoir apprécier telle que je suis. Pourquoi Dieu nous demanderait-il de nous dissimuler sous des vêtements, au sein d'un couple, alors qu'il estime être heureux de ses créations ? Rien ne nous interdit cela. Il n'y a pas de texte biblique nous incitant à nous cacher." poursuivit-elle, tout en continuant les caresses sur son torse. "Tu m'as toujours aimée, qu'importe la façon dont mon corps pouvait changer." se rappela-t-elle. "Tu as toujours aimé de la même façon le corps d'une veuve, d'une amante, d'une femme enceinte et d'une mère. C'était quelque chose que je n'avais jamais connu avant, d'être ainsi aimée qu'elle que soit la condition." Non pas que son précédent fut irrespectueux. Mais il ne la touchait pas trop tant que son ventre tait flétri, craignait bien trop de lui jeter un mauvais sort s'il touchait son ventre arrondi lorsqu'elle fut enceinte. Le contact physique restait particulièrement limité. "Pourquoi nous aurait-Il permis de penser autant, si c'est pour nous aimer de moins en moins ? C'est grâce à Lui que vient notre curiosité, parce que c'est ainsi qu'Il nous voyait. " répondit-elle, comme si c'était évident. Celso ne le considérait plus comme son Dieu, cela semblait être bel et bien définitif. Puis il se mit à parler de la plus jeune de ses suivantes, désespéré à l'idée que certaines histoires aient pu voyager jusqu'à Naples également. "Maria est si jeune, et bien pieuse. Il est bien facile de lui faire avaler n'importe quoi à son âge. Je fais de mon mieux pour qu'elle se forge ses propres opinions, mais je suppose que la panique a fait renaître en elle certaines de ses croyances. Laisse-lui un peu de temps, je lui en parlerai." lui assura-t-elle. Elle se redressa un petit peu pour le regarder. "Ne te soucie plus de ça. Pense juste à moi, à notre nouvel enfant. Tout ce qui peut te faire si adorablement sourire." Grace lui fit un large sourire et vint embrasser tendrement ses lèvres. "Voilà qui est mieux." dit-elle avec un petit rire. Ils ne voyaient pas le temps passer, à discuter, à s'embrasser et se caresser. La jeune femme avait fini par reposer sa tête sur son épaule, et s'assoupit sans grand mal à la chaleur du corps de son époux et la peau qu'il effleurait avec délicatesse. Grace avait encore grand besoin de sommeil, et cette première soirée à la cour s'était tout de même avérée épuisante. Entre la guérison de sa maladie, et le début de sa grossesse, elle ne pouvait prendre le risque de se fatiguer juste pour faire plaisir aux nobles. Lorsque la nouvelle sera annoncée, ils comprendront. Au réveil, sans grande surprise, Celso n'était plus là. Il avait tout de même bien pris le soin de la recouvrir jusqu'au cou, dissimulé sa chemise de nuit sous un oreiller et demandé à ce qu'on ne la dérange pas sous aucun prétexte - pour éviter qu'elle ne soit prise sur le fait mais aussi pour qu'elle se repose d'autant qu'elle en avait besoin. C'était toujours un peu frustrant pour elle, de ne pas parvenir à se réveiller autant que lui, à profiter des premiers rayons du soleil en sa compagnie. Elle prit tout de même son temps pour se lever, rejoindre ses appartements pour s'habiller et reprendre une nouvelle journée.
J’espère que Grace et moi ne perdrons jamais cette liberté d’expression. Que la vieillesse ne nous rendra pas moins tolérants et réfractaires aux idées nouvelles ou sortantes des sentiers battus, qu’elle sera toujours une oreille attentive et compréhensive vis-à-vis de mes doutes et de mes remises en question, tout comme je ne la jugerai pas pour continuer de croire dans ce dieu que je répudie de ma vie. Car j’aime ces moments où, sans débattre véritablement, nous échangeons nos points de vue, nous enrichissons la réflexion l’un de l’autre, nous nous interrogeons sur notre existence et les règles qui la régissent, ne nous laissant ainsi pas avalés par l’obscurantisme de notre ère. Nous sommes moins du genre à parler de tout et de rien qu'à théoriser, expliquer, décortiquer. Cela me rappelle à chaque fois que c’est l’une des premières raisons qui ont fait naître mon amour pour la jeune femme ; le courage d’écouter, de comprendre, et d’être curieuse. J’ai aimé son esprit et ses sourires mutins dès le début. C’est ce qui la rendait différente, unique à mes yeux. J’aime aussi le timbre de sa voix, le ton qu’elle emploie lorsqu’elle défend une idée avec une certaine passion. Tout ce que les autres épouses ne se permettent pas. « Tu sais, je ne suis pas certain que ce soit une question religieuse, je reprends à propos de ce sujet qui nous tient éveillés ce soir. C’est plutôt une petite guerre des classes. Un noble ne dort pas comme un paysan, or eux ne s’encombrent de rien. Mais tout doit être fait sous couvert de piété, et l’Eglise aime voir des péchés partout. » Tous se sont engouffrés dans cette brèche, et aujourd’hui, il faut s’en accommoder. J’imagine que cela a des avantages ; je pense aux femmes mariées par obligation à un époux repoussant qui doivent s’estimer heureuses de ne pas avoir à souffrir le contact de son corps dénudé. Rares sont les mariages d’amour comme le nôtre, il ne faut pas oublier notre chance. « Et tu m’as aimé également à chaque étape. Tu as aimé le peintre, le bâtard, le prince. » je réponds tout bas à ma belle. Pourtant, sa vie à mes côtés n’a pas été simple et agréable tous les jours. Nous possédons quelque chose d’assez fort pour traverser chaque épreuve. Quelque chose d’incomparable. « Le libre arbitre est la plus grande erreur du Seigneur. Maintenant il n’a plus que la peur pour nous contrôler. » je murmure avec visiblement beaucoup d’aigreur. J’ai décidé d’arrêter d’avoir peur. Obéir et être dévoué à ce dieu n’a pas empêché Grace de tomber malade et de menacer de me prendre non seulement ma femme, mais aussi un enfant. Comment pardonner cela ? Il faudra néanmoins que j’orne tous les jours le masque d’une piété qui n’est que celle de mon titre. Faire preuve d’hypocrisie, et peut-être offenser cette force supérieure à chacun de mes pas dans une Eglise. Je ne peux pas faire autrement, et je me console en pensant que je ne serai pas le seul. Nous sommes nombreux, les sceptiques. Mais ceux qui le clament haut et fort perdent leur tête. Grace tente d’excuser sa suivante, Maria, et se propose de lui toucher un mot à propos des rumeurs auxquelles elle adhère à mon sujet ; « Non, ne lui en parle pas. Je ne veux pas qu’elle se dise que je me soucie de ce qu’elle pense ou qu’elle craigne que je lui en veuille. On ne peut pas empêcher une personne de croire ce qu’elle veut croire. » Peut-être que son avis changera avec le temps, ou peut-être que je resterai, à ses yeux, un démon marié à sa maîtresse. Afin que je ne m’endorme pas sur de pareilles pensées, Grace tente de me changer les idées. Elle parvient aisément à me faire sourire, notamment en évoquant notre deuxième enfant. J’ai particulièrement hâte de le voir grandir dans son ventre.
La prison n’est pas un lieu plaisant. De l’allure à l’odeur en passant par les sons, tout donne envie de prendre les jambes à son cou avant même d’en pousser la porte. Ippolita a été dépouillée de ses affaires, de ses riches parures et de ses étoffes brodées. Il n’y a plus personne pour lui brosser les cheveux, lui laver les pieds, couper ses ongles. Elle est pleine de nœuds, les orteils noirs, les doigts rongés. Recroquevillée dans un coin, elle attend. « Je suis désolé de vous voir dans cet état. » dis-je tout bas. Je ne devrais pas avoir de compassion pour elle, mais je ne peux m’empêcher de la plaindre ; ce n’est pas un environnement pour un humain, mais le pire dans une situation pareille n’est pas tant le lieu que l’incertitude d’y rester indéfiniment ou pas. « Est-ce que vous avez reçu une réponse de mon père ? » Voilà tout ce qui l’intéresse. Mon empathie lui fait une belle jambe. « Ce matin, oui. Vous savez, il n’a pas l’air de beaucoup se soucier de vous... » « Relâchez-moi alors, si je ne suis d’aucune valeur. » Visiblement, il n’y a que la fatigue liée à la faim et la lassitude qui l’empêchent de se dresser sur ses deux jambes pour me cracher au visage. Au moins, elle serait fixée sur son sort ; pour ce genre d’acte, c’est la mort. « Non. Il sera là dans quelques jours pour que nous évoquions ensemble une stratégie contre l’Empereur. Vous serez relâchée quand j’aurai ce que je veux. » Le trône. Si ce n’est pas Ippolita qui m’aidera à le prendre, alors ce sera son père, qu’il le veuille ou non. La seule trace indiquant l’éventuelle valeur de la vie de sa fille dans sa lettre est sa volonté de se déplacer jusqu’à Naples depuis Milan. Le courrier a été envoyé un peu avant pour annoncer son arrivée, celle-ci doit avoir lieu dans deux ou trois jours si le voyage s’est déroulé sans embûches, et selon sa hâte d’arriver à destination. « Cela peut prendre des années, je mourrai ici. » « Je suis certain que votre orgueil vous maintiendra en vie. » je réponds avec un sourire narquois. Trop bien pour mourir entre les rats, sur une paillasse pas plus épaisse qu’une feuille de papier. « De plus, je n’ai pas des années à perdre en guerre. » Nous frapperons vite et bien. Il s’agit de chasser l’Empereur, le pousser jusqu’aux frontières, pas de lui arracher tout l’Empire. Pas encore. Sur le silence d’Ippolita, je quitte la tour et regagne le palais. J’y suis attendu. La Cour est réunie dans la grande salle, j’entends le vrombissement de leurs murmures depuis l’autre côté de la porte. J’avance vers Joanne avant d’entrer et la prend dans mes bras. Son ventre s’est arrondi. Le bébé est là, il grandit, il vit. Cela commence à se discerner sans mal, alors le moment est venu. « Mon amour… » Mes lèvres se déposent sur les siennes. Puis j’adresse un sourire à Francesco, près d’elle, surveillé de près par Giulia. « Je crois que nous avons une annonce à faire. »
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Bien que Grace était très croyante, elle ne comprenait pas toutes les règles qui leur étaient imposées pour espérer une place au paradis. Certains fonçaient tête baissée et respectaient tout sans se poser de questions, sans essayer de comprendre le pourquoi du comment. Elle avait cette liberté de pouvoir en parler avec Celso. Lui l'avait toujours écouté dans ses remises en question et accepté qu'elle était toujours croyante. A ses yeux, l'un empêchait pas l'autre. Ils étaient tous les deux perturbés par les mêmes principes qui étaient imposées et qu'il se plaisaient à les transgresser par moments, par plaisir, et surtout par amour. Le roi avait toujours un goût aussi amer envers ce dieu. Il avait tenté de se tourner maintes fois vers lui, et Il ne lui était jamais venu en aide. Il lui reprochait la récente maladie de Grace, menaçant sa vie et celle de l'enfant qu'elle portait. Il n'avait jamais rien fait pour lui et Celso était bien décidé à ne compter que sur lui-même dorénavant et devenir l'unique protecteur de Grace. Il ne se faisait pour un bon croyant que devant ses sujets, mais certainement plus auprès de son épouse. Il avait également fait part de ce que la suivante de la blonde lui avait dit. Grace s'était proposée de lui en parler, mais Celso l'avait tout de suite arrêté en lui demandant de ne rien faire. C'était tout de même sur une bonne note qu'ils finissaient par s'endormir, en pensant à leur amour, et à leur nouvel enfant. La présence de ce dernier ne faisait que se confirmer au fil des jours. C'était avec joie, et un grand soulagement aussi, que la jeune femme voyait peu à peu son ventre s'arrondir. Les jours étaient paisibles, elle avait l'esprit serein. Le roi se réjouissait également de voir son nouvel héritier être bien vivant, il semblait bien plus rassuré depuis qu'il avait pu constater de lui-même que son enfant était bel et bien là. Jusqu'à ce qu'il soit temps de l'annoncer à la cour, qui ne demandait qu'à entendre ce genre de réjouissance. La jeune femme s'était magnifiquement bien habillée ce jour-là, vêtue d'une robe verte adaptée à sa grossesse. L'on attendait plus que le roi, celui qui allait faire part du développement du nouvel héritier. Grace ne savait pas où il se trouvait, et il se laissait désirer. Il ne tardait pas à faire son apparition et se jeta délicatement sur les lèvres de son épouse. Elle lui sourit avec tendresse, lui caressa la joue une fois leurs lèvres séparées. "Tu vois, que j'avais raison, lorsque je te disais qu'il était bel et bien là, malgré ce qu'il s'est passé." lui dit-elle tout bas avec un regard à la fois malicieux et réjoui."Est-ce que tu me trouves moins belle ? Tu crois que c'est une fille ?" demanda-t-elle alors. Grace était radieuse, elle adorait la moindre de ses grossesses et en profitait pleinement malgré les tracas quotidiens. Francesco lui tenait la main, Giulia ne le quittait pas des yeux, de peur qu'il ne se comporte pas correctement. Mais il se montrait bien sage, et surtout perplexe de voir le ventre de sa mère s'arrondir de plus en plus. "Il est temps." dit-elle à Celso avec un large sourire. Sans raison particulière, elle était toujours un peu nerveuse pour ces annonces. Ce n'était pas tant les regards ni être le centre de l'attention pendant un long moment qui la dérangeait. Elle ne savait pas vraiment d'où ça venait. Elle croisa ses doigts avec ceux de Celso, tandis que Giulia attirait le petit prince vers elle afin que toute la lumière soit sur le couple royale une fois les portes ouvertes. Les nobles s'étaient réunis en masse dans la grande salle et il s'inclinèrent tous dès qu'ils furent annoncés. Celso et Grace se présentèrent devant leur trône, et restaient toujours debout. Toute la Cour attendait dans le plus grand des silences la nouvelle. Ils devaient certainement s'en douter, ces derniers temps, mais il était toujours plus plaisant d'apprendre la nouvelle de vive voix, de confirmer ces moeurs et de se réjouir. Chaque nouvel héritier assurait la lignée et la descendance. Surtout en faisant partie d'une famille aussi prestigieuse que celle des Borgia. On attendait plus que le roi parle. Grace échangea d'abord avec lui. Le sourire aux lèvres, les iris bleus plein d'amour et d'excitation. Tout semblait leur sourire ces derniers temps, elle espérait que ça continue ainsi. Que son époux trouve enfin une sérénité lorsqu'il aura atteint ses buts - à moins qu'il ne devienne insatiable en matière de pouvoir à force d'en obtenir toujours un petit plus. Le silence devenait particulièrement long, certainement parce maintenir un certain suspens. Jusqu'à ce la grande nouvelle soit annoncée et que l'ensemble de la Cour explose de joie, bien encline à festoyer jusqu'au banquet et bien après.
Grace s'est parée pour l'occasion. Les annonces officielles sont toujours des occasions spéciales, surtout lorsqu'il s'agit de bonnes nouvelles, et celle-ci est l'une des plus importantes qui soient pour nous autant que pour la Cour. On devine une pointe d'excitation dans ses yeux, de l'impatience. C'est le devoir de toute reine de rendre son peuple heureux en donnant des héritiers au trône, c'est la mission qu'elle se doit de remplir et voilà des années que tous attendent le prochain petit Borgia. C'est aussi une merveilleuse nouvelle pour elle, qui prend plaisir à porter ces enfants et à les nourrir de tout son amour. Je ris légèrement lorsqu'elle me demande si ce bébé-ci se nourrit également de sa beauté, ce qui pourrait présager la venue prochaine d'une fille. « Oh oui, tu es hideuse, ça sera forcément une petite lady de toute beauté. » je réponds, taquin. Nous entrons finalement dans la grande salle, avec une certaine nervosité palpable. Après avoir attendu trois ans, la Cour patiente encore jusqu'à ce qu'un silence total soit fait. Même les enfants présents dans la salle comprennent qu'ils ne doivent plus respirer trop fort. Tous ont les yeux rivés sur Grace, ce ventre qui devient visible et qui est mis en valeur par sa robe. Je n'aurais pas besoin de le dire à voix haut en réalité, pourtant je leur dévoile officiellement la grossesse de mon épouse, déjà avancée de quelques mois, et ce malgré la maladie qui l'a frappée. L'explosion de joie est de celle qui font trembler les murs et les sols du palais. Rien ne laissait présager qu'un groupe de femmes, le regard mauvais, en colère, saisiraient leurs coupes de vin et les jetteraient en notre direction à travers la salle. De grandes flaques rouge s'étendent jusqu'à nos pieds sans nous atteindre, si ce n'est quelques éclaboussures. L'on pourrait presque croire qu'un homme vient de se vider de son sang devant nous. « Comment a-t-il pu survivre ?! » « Il devait être mort et la reine aussi ! » « C'est un bébé démon ! » Leurs voix portent et couvrent la fête qui s'arrête ; tous les regards se posent sur ces furies qui frôlent l'hystérie et se mettent en quête d'autres objets à lancer tout en continuer de fulminer en scandant les mêmes paroles encore et encore. Tous les gardes aux alentours se saisissent de ces nobles qui semblent avoir soudainement perdu la tête avant qu'elles se puissent jeter des couverts et des jarres à travers la foule. Giulia a eu la présence d'esprit de faire sortir Francesco immédiatement, dès que la première coupe a heurté le sol, sentant que cela pourrait dégénérer d'une manière que le trop jeune héritier ne devrait pas subir. Les femmes sont chacune saisies par deux hommes en armure, par les bras et par les jambes, afin de les maîtriser. Mais elles se débattent d'une manière pouvant laisser penser qu'elles sont bien ce qu'il y a de plus diabolique dans la pièce. La violence de la scène laisse l'assemblée sans voix. Je demeure moi-même muet et paralysé un long moment, jusqu'à ce qu'elles soient conduites à la porte. Je n'ai pas besoin de donner l'ordre ; elles rejoindront Ippolita dans des cellules. Une fois le choc passé, je me tourne vers Grace. Jamais nous n'aurions pensé que la nouvelle puisse créer cet effet sur qui que ce soit. C'était sous-estimer le naturel superstitieux des habitants du sud de l'Italie, dont fait partie sa suivante Maria. Pense-t-elle comme ces femmes qui viennent d'être emportées ? Pour le moment, la question consiste plutôt à savoir comment mon épouse se sent face à pareille scène. Une annonce si importante qui tourne au fiasco. Plus personne ne sait s'il faut festoyer, dire quelque chose, ignorer, ou se poser des questions. Et si elles avaient raison ? Ce n'est peut-être que mon imagination, mais j'ai l'impression que les murmures qui grondent sont ceux de ces hommes et ces femmes dont les avis s'allient à celui des indignées, que les regards me fixent et font mon procès. Ne le supportant plus, je prends la main de Grace et quitte la grande salle afin de nous mettre à l'abri de ces grondements suspicieux qui me hantent et me donnent envie d'hurler à plein poumons. Une fois dans le couloir, je la prends dans mes bras. Impossible de savoir lequel de nous deux est le plus touché par ce qu'il vient de se passer.
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La réaction ne fut pas celle qui était attendue. Il y avait évidemment une liesse certaine durant les premières secondes, jusqu'à ce que quelques nobles ne se manifestent. Si elles le pouvaient, elles cracheraient directement sur Grace. Tout le monde se tut, sauf elles, qui hurlaient à la malédiction, à cet enfant soit-disant démoniaque. La petite blonde tomba des nus devant pareils paroles. Bon nombre de choses lui traversait l'esprit à ce moment, mais elle restait parfaitement impassible, même lorsque les nobles furent arrêtées et emportées par les gardes. Mais ce qui fut le plus dur à entendre était les murmures qui suivirent, et qui renchérirent les pensées des femmes qui hurlaient sur Grace un petit peu plus tôt. Ils commençaient tous à croire comme elles. Elle sentait le regard de son époux se poser sur elle. La jeune femme ne préférait pas le regarder. Il fallait qu'elle tienne tête, qu'elle ne montre aucun signe de faiblesse, et c'était ce qu'elle faisait avec perfection bien qu'intérieurement, elle était dévastée. Au bout de bien longues minutes, Celso prit la main de son épouse afin de la conduire en dehors de la salle, loin des regards pesants et des chuchotements suspicieux. A peine isolés, il la prit dans ses bras. Comme vidée de ses forces, elle se laissait faire comme si elle était une simple poupée de chiffon, jusqu'à ce qu'elle veuille bien déposer ses mains dans son dos quelques instants. Grace était surtout en colère contre eux. D'être si croyant, de voir le mal absolument partout. Cette rage fit border ses larmes de colère, le tout était souligné par une profond tristesse. "Ils me détestent tous." souffla-t-elle tout bas, bien dépitée. Les suivantes de la reine avaient fini par les rejoindre. "J'espère qu'ils n'auront pas droit au buffet prévu, pas après un tel affront." Comme si on allait les nourrir pour croire que la reine porte l'enfant du diable. Pour Grace, c'était hors de question. Elle était si triste, tellement en colère. "J'ai... J'ai besoin d'être seule, un petit moment." dit-elle finalement, les sourcils froncés. Grace emboitait le pas, ses suivantes juste derrière elle. La reine se retourna et regarda Maria. "Je vous suggère vivement de quitter vos appartements avec vos affaires et de retrouver votre famille si vous pensez comme elles, Maris. Je ne veux pas de suivantes qui puissent penser que l'enfant que je porte puisse être un démon." Les traits de Grace étaient particulièrement durs. "J'ose espérer que vous n'y êtes pour rien dans toute cette histoire." Hébétée, la jeune suivante ne savait pas quoi dire, à la fois alarmée et triste d'être ainsi suspectée - et certainement inquiète de son futur. "Je ne voudrais pas peser davantage sur votre conscience." dit-elle d'un air impassible. "Et je ne vous permets plus de critiquer ou de faire quelconque remarque à votre roi, aussi, quel que ce soit mon état." La petite blonde regardait ensuite Luisa et Jane, qu'elle savait bien plus fidèles. "Ca compte pour vous deux aussi." Grace vola un baiser à son époux avant de se diriger vers ses appartements. Maria était restée plantée là, bien penaude, ne sachant que faire - certainement aussi un peu sous le choc, à son tour. Une fois la porte fermée derrière, elle se permit enfin de verser quelques larmes. Bien sûr, tout était trop beau, et tout virait doucement au cauchemar. "Venez vous asseoir, votre Majesté." dit Jane, qui l'avait suivi de près, tout comme Luisa, toutes les deux lui restant bien fidèles. Elle la guida jusqu'à son fauteuil pendant que l'Italienne lui servait un verre d'eau. "Sacré pays, n'est-ce pas ?" tenta Jane afin de dédramatiser un peu. "Fichu pays, plutôt."souffla-t-elle tout bas en appuyant son coude sur l'accoudoir, la main posée sur son front. "Enlevez-moi tout ça." Elle ne voulait plus de ses bijoux royaux, rien de tout ça. En deux temps trois mouvement, Grace était dépourvue de toutes ses parures et joyaux. L'on avait même défait une partie de son chignon, sa longue natte retombait le long de sa poitrine. Le temps où Celso était son amant lui manquait, elle n'avait pas à se soucier tant des croyances des Italiens du Sud - elle n'était plus certaine d'apprécier son peuple. La vie à Tricarico lui manquait également, la simplicité des gens là-bas. Elle ne savait pas combien de temps s'était écoulé jusqu'à ce que Celso ne se décide à venir ouvrir la porte de ses appartements. Sans que Grace n'ait besoin de dire quoi que ce soit, les deux suivantes quittèrent la pièce pour les laisser seuls. La jeune femme se leva et retourna dans les bras de son époux. Elle nicha son visage dans son cou un long moment. "Tricarico me manque." Rester là-bas lui aurait amplement suffi, mais ce n'était pas le cas de Celso. "Ils n'auraient jamais pensé ça, là-bas. Ils ne se seraient jamais permis de vociférer de tels mots." Il était certain que Grace comptait grandement limiter sa présence à la cour, désormais. "Ils m'épuisent, tous autant qu'ils sont." Mais malgré ça, elle parvenait à garder la tête haute lorsqu'il le fallait.
Le couloir est un abri de fortune. Savoir qu’ils sont juste derrière une porte n’est pas d’un grand réconfort, mais au moins nous ne sommes plus à portée de vue, et nous n’entendons plus les murmures. Un long silence demeure, pendant lequel je tente de prendre un peu de cette colère qui tend tout le petit corps de Grace. Je la sens trembler, légèrement, pour retenir des larmes. Ma main caresse ses cheveux délicatement, dans l’espoir de la consoler. « Ce n’est pas toi qu’ils détestent… » je murmure. Ce n’est pas à cause d’elle que ces femmes se sont révoltées, mais uniquement à cause de moi. Parce que la jeune femme a épousé un bâtard, un bâtard devenu démon aux yeux des croyants les plus aveugles et ignorants. Je pourrais penser qu’il aurait mieux valu que je meure de cet empoisonnement, car ma survie nous a marqués au fer. Mais rien ni personne ne me fera arriver à cette extrémité. Je ne pense qu’à la couronne. Quand je l’aurai, les voix se tairont. « Je ne peux pas punir tout le monde pour le fait d’une minorité, mon amour, même si je suis autant en colère que toi. » Je ne peux pas laisser cette émotion me dominer, pas encore une fois, d’autant plus que les conséquences seraient bien pires que lors de l’exécution d’Anatoli. Cette fois, le moindre faux pas peut créer un effet boule de neige et alimenter ces murmures qui se tarissent peu à peu dans la grande salle. Sans m’opposer à la volonté de Grace d’être seule un instant, j’acquiesce au contraire et la laisse se rendre dans ses appartements. Sa rage, après ce fiasco, est palpable. Pour ma part, je m’isole dans mon cabinet, moins éloigné que ma chambre, et d’où je pourrai aisément réfléchir et faire appliquer une sanction à la hauteur de l’affront. Néanmoins, je reste longtemps incapable de penser correctement, ne faisant que ruminer et ressasser les événements qui m’ont véritablement brisé le cœur. « Majesté, les maris des perturbatrices souhaitent obtenir une entrevue. » glisse un valet, craignant d’être la première victime collatérale de mon agacement. Il n’en est rien, et j’accepte de voir ces hommes d’un signe de tête silencieux. A peine sont-ils entrés que je me lève et leur fait signe de ne pas dire un mot. De toute manière, si je n’adresse pas la parole en premier, aucun n’a le droit d’ouvrir la bouche. Ce que je ne veux pas, c’est entendre le son leurs voix ni la moindre jérémiade pitoyable. « Que feriez-vous si vous-mêmes et votre épouse seriez insultés de la sorte, face à l’entièreté de la Cour ? Et comment comptez-vous sévir vos femmes pour avoir fait autant honte à votre nom ? Dans un cas comme dans l’autre, est-ce qu’il ne doit pas y avoir une justice ? Ne soyez pas désolés pour vos femmes. Nous sommes tous salis, dans cette pièce. Je ne vous ferais pas justice, à vous, en leur offrant ma grâce. Et je ne compte pas laisser penser qu’il est possible d’insulter la couronne sans être inquiété par la suite. » L’un d’eux moufte le coin de la bouche ; mon regard le résigne à demeurer silencieux comme une tombe. « C’est donc dans l’intérêt de tous que j’ai décidé que ces femmes iront embrasser leur foi corps et âme, et faire profiter de leur ferveur directement à l’Eglise. Elles seront dépouillées, tondues, désanoblies, désengagées auprès de leur époux, et envoyées au couvent. Et pour que vous n’ayez pas à souffrir de l’humiliation qu’elles vous ont causée auprès de la Cour, je vous offre l’exil. Vous partez immédiatement, vous ne verrez pas vos épouses, vous ne direz pas au revoir. » Je ne les fais pas escorter par des soldats. J’imagine que tous prennent la mesure de la grâce dissimulée qui leur est faite et de l’exercice de sagesse nécessaire pour ne pas se contenter d’une condamnation à mort générale. Ils quittent le cabinet, et mon cœur est soulagé à l’idée que je ne les verrais plus jamais, que leurs noms ne seront plus jamais prononcés. Peut-être que leurs épouses avaient leurs raisons. Peut-être que l’une ne parvient pas à enfanter, que l’autre a perdu un fils, que la troisième a vu sa sœur périr d’une maladie, et que cela sonne comme une injustice que la reine, qui a déjà tout, les nargue avec ses succès. Cela ne m’intéresse pas, cela ne me rendrait pas plus tolérant que je ne viens de l’être. Rien n’excuse pareil comportement, pareille insulte. Je prends à mon tour le chemin des appartements de Grace. Passant devant la chapelle du palais, son entrée richement décorée, et voyant ce Christ misérablement vidé de son sang doré sur cette grande croix qui surplombe les bougies recueillant les prières des Hommes, j’observe le tout avec le plus profond mépris. « Tu ne m’auras pas comme ça. » Par la peur, la crainte, de cette même manière qu’Il tient sous sa coupe tous ces sombres idiots croyants. Qu’il ose tourner le dos à Grace qui a toujours eu la foi, dans toutes les circonstances… Je devrais mettre le feu à cette grande alcôve prétentieuse et piétiner le visage ensanglanté de son fils adoré. Je poursuis jusqu’à la chambre de ma femme ; les suivantes se retirent dès mon arrivée, Maria n’en fait pas partie. Sans attendre, je réceptionne la Lady dans mes bras et la serre avec un fervent amour. Elle a abandonné ses artifices, et même son sourire. Je suppose qu’il n’y a que la dignité qui retient ses éventuelles larmes. Elle songe à Tricarico, là où nous avons été si bien accueillis. Elle oublie que c’est pourtant de là-bas que proviennent les premières rumeurs à mon sujet. « C’est le même peuple, Grace, les mêmes personnes. Il y en aura toujours pour croire ce genre de choses, ici ou ailleurs. Il y en a sûrement là-bas aussi. » La jeune femme ne doit pas idéaliser cette ville, pareille scène aurait très bien pu avoir lieu à Tricarico. Je soupire, désolé qu’elle soit aussi déçue. La Cour ne représente qu’une poignée de personnes, et non tout le peuple, mais ils sont nos proches, et une trahison de leur part blesse tout particulièrement. Je dépose un baiser sur le front de ma belle et lui murmure ; « Tu as été très brave. » Pendant encore de longues minutes, je la garde dans mes bras et tente d’apaiser son esprit. Lorsque je me détache d’elle, je lui adresse un sourire ; « Laisse-moi t’apporter de quoi te remonter le moral. » Un court moment, je quitte la chambre ; j’en reviens avec Francesco qui me tient par la main, assez excité à l’idée d’avoir un moment avec ses parents, rien que pour lui, sans nourrice, sans cousins, sans nobles aux alentours, car ceux-ci sont bien rares dans la vie de famille royale. « Va embrasser ta mère. » je lui glisse tout bas après lui avoir donné un baiser sur la joue et une petite tape dans le dos pour l’encourager à courir vers elle, et lui faire profiter de toute l’affection que les enfants ont à revendre.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Grace retrouvait un peu ses aises en restant seule. Elle préférait que personne n'ait droit au festin prévu. Pas après de telles paroles, pas après de telles murmures. Celso n'était pas de cet avis-là, et il fallait dire que ça l'avait un peu contrarié. Alors s'isoler était certainement la meilleure chose qu'elle avait à faire désormais. Non, il ne fallait peut-être pas punir tout le monde, mais elle n'était pas certaine que ne s'occuper que de ces médisantes. La jeune femme peinait à retrouver son calme, bien que le silence qui régnait dans ses appartements l'apaisait un petit peu. Luisa et Jane étaient assises sur une chaise, droite comme tout, prêtes à intervenir à la moindre demande leur reine, qui elle, contemplait le foyer. Bien sûr que Celso se pensait coupable de cet acharnement, et il refusait certainement qu'on fasse le moindre reproche à son épouse, qui était avant tout vertueuse. Il se montrait certainement bien moins indulgent lorsque ça la concernait elle. Le roi avait fini par se rendre dans ses appartements. Rapidement laissés seuls, ils s'enlacèrent l'un l'autre longuement. Grace n'affichait plus aucun de ses harmonieux sourire. Il la serrait tendrement contre lui, avec tout l'amour qu'il avait à lui donner. "Mais pour la poignée qu'elles sont, elles viennent certainement de réussir à faire douter toute une Cour." rétorqua-t-elle, plus sèchement qu'elle ne le songeait, agacée par la situation. Même si Tricarico avait fait naître des rumeurs, on aimait toujours autant son prince et sa princesse, et on s'était réjoui de la venue d'un héritier. Mais la désillusion était totale et cela était amplement suffisant pour elle d'être particulièrement déçue de cette Cour qui la regardait tous les jours. "Il n'y a aucune bravoure dans ce que j'ai fait." En quoi était-ce brave, de tenir tête, d'être impassible en public ? Elle avait fait ça toute sa vie, on le lui avait appris, et elle le faisait en toute circonstance. Grace continuait de profiter de sa tendresse et de sa délicatesse. Celso eut alors une idée, soit-disant capable de remonter le moral à son épouse. Il s'absenta un court instant et réapparut avec leur fils. Le petit se précipita vers elle. La petite blonde s'accroupit afin de le réceptionner et elle le serra longuement. "Je t'aime, mon trésor." lui souffla-t-elle. "Je t'aime aussi, maman." répondit le petit de sa petite voix. Il restait confortablement lové dans ses bras, la tête appuyé contre le torse de sa mère. Grace le gardait contre elle tout le temps que Francesco voulait bien lui donner. Elle finit par se redresser pour le porter. Ce n'était peut-être pas ce qu'il y avait de plus raisonnable dans sa condition, mais elle ne voulait pas se détacher de lui. "Merci." souffla-t-elle à Celso, reconnaissante. Elle le garda longuement dans ses bras, jusqu'à ce que son dos ne puisse plus supporter le poids de deux enfants, à vrai dire. C'était également l'heure de dîner pour Francesco et Giulia s'était permise d'entrer dans les appartements de Grace pour le récupérer. "Tu es sage, d'accord ?" souffla Grace à son enfant, qui acquiesça d'un signe de tête avec un large sourire. Celso et Grace se retrouvaient à nouveau seuls, le soleil commençait à se coucher. Elle s'approcha à nouveau de lui et déposa sa main sur son ventre. "Ce n'est pas un démon, je le sais." dit-elle tout bas. "Pourquoi veulent-ils voir le mal partout ? Suis-je une personne trop optimiste si je vois tout ceci comme étant un miracle ? Comment peut-on me détester au point de souhaiter ma mort ? Je n'ai causé de tort à personne, je prie tous les jours. Cet enfant n'est pas maudit, comment peut-on croire en ce genre de choses ? Les enfants sont les êtres les plus purs et les plus innocents qui soient, surtout lorsqu'ils sont dans le ventre de leur mère, ou durant leurs premiers mois de vie. Comment peut-on déjà tant le haïr ?" Autant de questions qui attristaient et exaspéraient la petite blonde. Elle n'avait plus le coeur à festoyer - peut-être uniquement pour dîner-. Elle comptait avant tout prendre soin de son enfant, fille ou garçon, qu'importe, elle l'aimait plus que tout. "Comment pourrais-je entrer dans une église si cet enfant était le fruit du mal ? Il ne s'est jamais rien passé, je me sens tout aussi bien que lorsque je portais Francesco. Je t'assure." Même si Celso devait le savoir, ce n'était pas envers lui qu'elle devait se justifier. Et elle en était également persuadée, elle n'allait pas laisser son opinion se faire léser par de tels commérages.
Comme prévu, la présence de notre fils apaise un peu Grace, au moins le temps pendant lequel elle peut le garder dans ses bras. A trois ans, il n'est plus très léger, mais elle le porte encore un peu, quoi que cela soit rare et tendra à se raréfier. Je m'approche d'eux pour partager une étreinte, caressant tendrement leurs mèches blondes. Il ressemble beaucoup à sa mère, à mon avis. Il a la même bouille d'ange. « Alors mon garçon, pressé d'avoir un petit frère ou une petite sœur ? » Il acquiesce d'un signe de tête, un tout petit peu dubitatif -il ne sait pas trop ce que cela implique en réalité, mais si la nouvelle rend ses parents heureux c'est qu'il doit l'être aussi. « Il devrait naître cet automne. En attendant, il va rester dans le ventre de ta maman. » Ca aussi, c'est un peu abstrait pour ce grand bambin. « Il faudra en prendre soin, ça sera ta mission de protéger le bébé et d'être un bon grand frère. » Il acquiesce une nouvelle fois. Si petit, il sait déjà ce que sont les responsabilités, il sait qu'il est élevé pour en endosser lorsqu'il sera grand, et protéger sa famille est un devoir tout à fait naturel pour lui qui le rend fier. On compte sur lui, et il ne veut pas décevoir qui que ce soit. « Et un jour, tu prendras soin de ta mère aussi. » Car un jour je ne serai plus là, et eux me survivront. Grace, nos enfants. C'est pour eux que je ne peux pas laisser les rumeurs me ralentir, ni mes propres superstitions. Pour qu'ils aient une vie, même sans moi, car il est bien plus probable qu'ils me survivent plutôt que l'inverse. « Embrasse ton père aussi avant de partir mon garçon. » dis-je en tendant la joue avant que Grace ne le repose au sol. Il y colle un long baiser. « Je t'aime. » Il est libéré pour aller dîner avec Giulia. Bien entendu, ce court moment, aussi agréable soit-il, ne suffit pas à faire oublier à mon épouse ce qu'il s'est passé en salle du trône. Elle y revient bien vite, toujours aussi scandalisée et vexée. « Grace, je te l'ait dit, ce n'est pas toi, et ce n'est pas l'enfant qu'ils haïssent. » C'est moi, c'est une guérison qui ne s'explique pas, c'est la survie du bébé qui est incompréhensible. Et à leurs yeux, seul Dieu fait les miracles, pas les Hommes. Un miracle humain peut rapidement est qualifié d'oeuvre démoniaque s'il est pas reconnu par l’Église. Délicatement, je prends Grace par les épaules. Elle s'efforce de se justifier alors qu'elle n'en a nullement besoin. Mon regard trouve le sien et se plante dedans. Elle n'a rien à se reprocher. « Je le sais. Grace… Tu m'as toujours dit de ne pas trop accorder d'importance aux rumeurs, à tout ce qu'on peut dire. Et tu m'as dit que les actions leur donneront tort. Alors reste fidèle à ça. De toute manière, je suis certain que ceux qui pensent de cette manière sont une petite minorité. Regarde Francesco, il est tout autant notre enfant, et pourtant il a été accepté immédiatement, tout se passe très bien pour lui ici. » Une de mes mains glisse sur le ventre de la Lady. « Alors tout ira bien pour celui-ci aussi. » j'ajoute avec conviction. Tout personne voulant clamer des inepties recevra le même traitement que les perturbatrices d'aujourd'hui ainsi que leurs époux. Qu'ils ne se forcent pas à rester dans le royaume d'une famille répudiée par le Seigneur ; qu'ils partent, qu'ils aillent goûter à la vie dans le Florence débauché, dans les ruines de Rome ou dans la Venise en guerre. Toutes ces belles régions cntrôlées uniquement par l'Empereur. « Tu te souviens de ce que nous avions fait quand les rumeurs ont commencé à mon sujet ? » je demande, lui laissant ensuite queqlues secondes pour se rafraîchir la mémoire -mais je ne doute pas qu'elle sache, c'était son idée après tout. « Nous avons convoqué tout le monde à l'église pour que je sois béni après ma guérison. Faisons la même chose ; nous allons faire bénir cette grossesse et ce bébé, et cela fera taire bien des voix. D'accord ? »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Francesco avait les cheveux particulièrement clairs. Sa mère s'attendait à ce qu'il hérite de bien plus de traits que son père, les mêmes cheveux, la même forme de visage. Mais l'on voyait qu'il était un savant mélange. Celso s'était joint à eux pendant ce moment en famille, chose qui était particulièrement rare dans une famille royale. Il caressait délicatement les mèches blondes du petit pendant qu'il lui expliquait ce qui était en train de se passer dans le ventre de sa mère. Celle-ci échangea un bref regard avec le bel homme lorsqu'il lui disait qu'un jour, Francesco devrait prendre soin de sa mère. Celso s'était mis en tête qu'il partirait avant elle, mais si c'était d'abord elle, qui quittait ce monde ? C'était une incertitude où il ne fallait pas trop se noyer, sinon on ne profiterait d'aucun jour. "Vivement qu'il ou elle soit là. J'ai hâte de pouvoir le ou la prendre dans mes bras." Avoir à nouveau une si petite chose et s'émerveiller des pouvoirs de dieu, l'incroyable capacité qu'il avait prodigué aux femmes, capables de donner la vie, parfois au prix de la leur. Lorsqu'il était temps pour Francesco de dîner, il embrassa chacun de ses parents avant de rejoindre sa nourrice. Mais le précédent sujet de conversation refit rapidement surface. "Je suis toujours persuadée que Dieu s'est montré clément envers toi, le jour où tu étais malade. Qu'Il a voulu récompenser ta persévérance, ta force d'esprit." La jeune femme en était convaincue, elle n'en avait jamais douté une seule seconde, bien qu'elle savait que son époux lui, doutait de tout. "Ce ne sont pas des rumeurs cette fois-ci." C'est le genre de médisances qui ont déjà envenimé la cour. C'était bien plus que des messes basses. Des femmes avaient osé les défier en vociférant en plein public, leur jetant du vin dessus sans la moindre culpabilité. Elle finit par lui sourire. Il était désireux de retrouver cette femme qu'il aimait qui avait tant de conviction et qui se fichait de ce que pouvait penser les autres. Grace prit délicatement son visage entre ses mains, et caressait sa peau avec ses pouces, le sourire aux lèvres. "Tu as bien retenu cette leçon là, n'est-ce pas ?" souffla-t-elle au bord de ses lèvres avant de les embrasser. Celso eut alors l'idée de faire la même chose que lorsque lui était dépité par les rumeurs. Une idée de Grace même, qui ne demande qu'à être exécutée pour elle-même. Elle acquiesça d'un signe de tête, touchée qu'il soit si déterminé à faire de son mieux pour que Grace se sente à nouveau chez elle dans cette Cour. "Je comptais déjà aller prier ce soir de toute façon, une bénédiction supplémentaire n'est jamais de trop. Ni pour ton enfant, ni pour moi." Autant mettre toutes les chances de leur côté. "Je t'aime, mon amour." souffla-t-elle avant de se coller à lui afin de l'embrasser à pleine bouche en passant ses bras par-dessus ses épaules. Elle passait un long moment à l'embrasser, à caresser ses cheveux, à lui faire toute une série de gestes tendres et délicats. "Faut-il tout de même nous rendre au buffet ?" lui demanda-t-elle. Grace se demanda alors si Maria était encore là, ou si elle avait préféré mettre les voiles. La petite blonde avait certainement agi sous la colère, mais elle n'en pensait pas moins. Elle préférait avoir moins de suivantes, mais que celles-ci soient tout aussi fidèles que ne l'étaient Jane et Luisa. "Je n'accepterai de venir que si tu promets de passer la nuit avec moi, tout collé contre moi." lui lança-t-elle d'un air malicieux, ses lèvres effleurant les siennes lorsqu'elle parlait. Son regard s'était plongé dans le sien. Elle adorait s'y perdre pendant de longues minutes. Il n'y avait pas besoin de mots, ni de gestes dans ces moments là. "Quand me dessineras-tu, à nouveau ? J'adorerai que tu fasse un nouveau portrait de moi." Et elle, elle adorait poser pour lui, voir son regard parfois se perdre dans certains détails dont il était tant émerveillé. "Il faut que nous nous trouvions plus régulièrement des moments comme ça. Ca me manque, l'insouciance que nous avions durant ces moments là. Enfermés dans ton atelier, nous avions cure de ce qui se disait en dehors de ces autre murs." Mais Celso était roi désormais, il était épuisé par ses journées ou certaines nouvelles ne lui donnaient pas la motivation de crayonner des heures durant. La nuit où ils n'étaient qu'amants lui manquait parfois. Celso avait cette époque là des rêves plein la tête, mais où il était encore pleinement disponible, où il ne laissait pas son devoir lui donner davantage de rides ou de cheveux gris. "Ces soirées là me manquent tellement."