Sans un mot, Joanne termine le dîner pendant que je gribouille, gardant un oeil sur Daniel qui s’amuse très bien tout seul. Les chiens, pensifs, fixent l’extérieur depuis la véranda, se demandant sûrement quand est-ce que la pluie prendra fin pour qu’ils puissent retourner s’amuser dans l’herbe. Ils ne se doutent peut-être pas qu’à cette heure, il n’est plus question d’ouvrir la baie vitrée pour les laisser gambader. Sans un mot, Joanne s’approche du coin salon, deux assiettes dans les mains, une pour elle et une pour moi. La salade semble particulièrement réussie, et je la remercie tout bas. Il s’agit de ma salade préférée, je ne sais pas si elle le sait. L’odeur du pain grillé, du miel qui relève légèrement le chèvre, et les noix qui boisent le tout, grimpe délicieusement et subtilement jusqu’aux narines. De quoi finir d’ouvrir l’appétit. Dans un bruit régulier de couverts, les assiettes sont vidées petit à petit. La nourriture des grands n’intéresse pas encore Daniel qui se contente très bien de ses biberons de lait. Le sein de sa mère ne semble pas trop lui manquer, quoi qu’il adore toujours les moments où il a ce contact avec sa mère. Elle est silencieuse, peut-être pensive, je ne sais pas. Pour ma part, mon cerveau fatigué ne fait qu’assembler des idées simples, et cela se résume surtout à me dire que le plat est bon. Je ne dois pas oublier de le dire à Joanne. Pourtant, j’oublie. Les assiettes vides dans les mains, et toujours sans un mot, la jeune femme fait un aller-retour furtif à la cuisine avant de se caler sous un plaid dans un coin du canapé. Il est rare qu’elle ne vienne pas se blottir contre moi, pour ne pas dire que cela n’arrive jamais. Soit. Je récupère mon carnet de croquis, reprends mon crayon, et continue le dessin où je l’avais laissé. Daniel commence un peu à se lasser de ses jouets, il est plus calme. Et le silence poursuit son règne. Joanne ose à peine ouvrir la bouche pour proposer que nous prenions un bain tous les deux plus tard, quand le petit dormira à poings fermés. Histoire d’enfin essayer cette huile de massage dont elle m’avait parlé un jour. Je lève les yeux vers elle, un léger sourire au coin des lèvres. “Bien sûr. Pourquoi pas.” Ca peut être une bonne idée pour détendre l’atmosphère, et apaiser nos propres corps. Il me semble que cela fait longtemps que nous n’avons pas partagé ce genre de moments. Il est encore plus simple qu’il n’y paraît de se perdre dans la routine, se laisser noyer par un cycle, un rythme fixe qui ne varie que très peu, à la fois rassurant et fatal. Travail, famille, sommeil, et cela reprend encore et encore. De l’intimité le week-end pour rattraper le temps perdu en semaine. C’est une fatalité, il n’y a rien pour y échapper, et cela n’est pas forcément mauvais. Tout est une question de la manière qu���à chacun de le vivre. C’est peut-être plus facile avec un enfant. Il grandit, apprend, change un peu tous les jours, alors aucune journée n’est complètement semblable à la précédente. Alors oui, incorporer quelques unes des habitudes perdues entre temps peut être bénéfique. Juste un bain, cela n’a rien d’extraordinaire, mais de manière exceptionnelle, je pense que cela nous fera du bien. Mon regard retourne à mon dessin. “Je n’ai rien peint depuis des mois…” je murmure en finalisant mon croquis de Daniel. Cela me frustre un peu. Je n’ai plus vraiment d’exutoire. Je ne me mure plus dans mon monde. Si ce n’est celui que j’ai avec ma petite famille. Je pose le carnet sur le côté et reprend Daniel sur mes genoux avec son doudou, calé entre mes jambes. Je joue un peu à cache-cache avec lui, et cela suffit à le faire rire. “Tu poserais pour moi demain ?” je finis par demander à Joanne une fois le petit lassé des coucous. D’humeur câline, il tend ses petites mains vers moi comme pour m’attraper. Alors je le prends dans mes bras, et le petit koala s’agrippe bien tout de suite.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Prendre un bain semblait la meilleure option pour renouer entre eux deux. Le peu de conversation l'inquiétait : n'avaient-ils vraiment plus rien à se dire ? Elle était contente que Jamie adhère à cette idée là, et au massage aussi. Elle n'avait pas les mains bien fortes, mais il disait toujours apprécier sentir ses doigts sur lui. "Ca ne te fait pas bizarre, à toi ? D'être entré dans cette routine, un peu métro boulot dodo ?" finit-elle par lui demander. "Depuis que Daniel est né, on s'y prête beaucoup plus facilement." Ca avait ses bons et ses mauvais côtés. On se sentait en sécurité dans ce cycle, il n'y avait que les habitudes, et rien de plus. "Ca change de tout ce qu'on a vécu avant. A partir comme bon nous semblait, oublier le reste du monde pour n'être que nous deux, rester dans notre bulle." Il y avait une bulle familiale qui s'était spontanément créée avec leur bébé, mais elle avait l'impression que celle de leur couple, jusqu'alors indétrônable, avait finit par éclater, malgré tout. Daniel les avait raccroché à la réalité, leur rappelait constamment qu'ils avaient la grande responsabilité d'être parent. Ce n'était pas un mal, loin de là. Mais la spontanéité dans leur couple commençait à lui manquer. Ils avaient gagné beaucoup de choses depuis la naissance, mais elle avait la sensations qu'ils en avaient beaucoup perdu. Joanne ne savait pas comment définir tout cela. C'était une série de changements à demi-teinte. Ils ne pouvaient plus se permettre de s'isoler dans l'atelier comme lorsque Jamie l'avait peinte sur cette immense toile. Joanne limitait beaucoup les visites de ses parents le weekend, évitait les idées de sortie qui seraient contraignantes avec Daniel, pour que Jamie puisse passer un maximum de temps avec lui. Elle se souvenait parfaitement des mines déconfites lorsqu'ils rentraient du peu de soirées auxquelles ils se rendaient, en voyant le lit de leur fils vide. C'était comme si elle ne suffisait plus, pour une soirée. Un malaise qui ne faisait que s'accroître et qui lui donnait l'envie de s'effacer pour que Jamie puisse pleinement profiter de son enfant. Cela semblait être suffisant pour lui. Leur famille avait beaucoup gagné en intimité, au détriment de leur couple. Ce fut avec surprise qu'elle entendait la proposition de Jamie. Il aimerait qu'elle pose pour lui. "Pour de vrai ?" demanda-t-elle timidement, bien que ses yeux trahissaient tout son enthousiasme. "J'en serai ravie, vraiment." dit-elle avec un sourire qu'elle ne put maintenir plus longtemps. "Mais ça pourrait te prendre des heures... Il faudra que nous prenions Daniel avec nous." La dernière fois, cela avait pris toute la journée, et ça avait fini d'une manière qui leur avait bien plus tous les deux. Daniel se blottit contre son papa. Ils le surnommaient le koala, à sa manière de s'agripper contre sa père ou sa mère. Il avait la tête tournée vers cette dernière et dès qu'il la vit, il lui fit un large sourire. Joanne le lui rendit, avec un regard attendri. Elle finit par se rapprocher des deux hommes et elle caressa la joue du plus jeune homme. "Pas la peine de me faire du charme, tu m'as déjà conquise." lui dit-elle tout bas. "Ca doit être un truc génétique, demande à ton père à quel vitesse je suis tombée amoureuse de lui." Il n'y comprenait pas un mot, mais il riait un petit peu, puis il se concentra ensuite sur les caresses répétitives des doigts de sa maman. "Tu commences à avoir de petits yeux, mon trésor." Mais il luttait, comme s'il s'efforçait de tenir plus longtemps. "Tu as Papa tout pour toi et tu veux en profiter au maximum, c'est ça ?" lui demanda-t-elle en souriant. Il devait sentir les soirs où il était plus disponible, moins fatigué, plus enclin à faire tarder l'heure d'aller se coucher. Il devait sentir qu'il allait avoir deux jours pour lui. "Je n'aurais jamais pensé que tu veuilles me peindre mois après des mois sans avoir touché à une toile." dit-elle à Jamie, avec un sourire gêné et flatté. "C'est... ça met en valeur le modèle en question."
« Ca te manque ? » je demande à Joanne qui ne semble pas particulièrement enthousiaste à l'idée d'être tombée dans la routine. D'ailleurs, qui le serait ? Moi, peut-être. Moi qui n'aurais absolument jamais espéré avoir autant de chance, une fiancée magnifique, un fils parfait, je suis bien trop occupé à voir la chance que j'ai de vivre cette vie plutôt que celle que je m'imaginais pour me plaindre d'avoir atterri dans une routine qui n'épargne personne. Non, j'ai plus que je n'aurais pu le rêver, je ne pourrais pas m'en plaindre d'aucune manière que ce soit. « Personnellement, j'aime notre petite vie. Je n'ai rien contre la routine. » je reprends en haussant les épaules, câlinant Daniel. « C'est le lot de tout le monde, et je trouve que nous nous en tirons très bien. » Après tout, nous sommes loin d'etre les plus mal lotis qui soient, bien au contraire. Bien sûr, il y a bien des détails que je modifierai. J'aimerais avoir un peu plus de temps uniquement à moi. Entre les sollicitations du travail, toute l'équipe de journalistes, puis celles de la maison, ma fiancée, mon fils, même les chiens, je suis chef d'équipe, chef de famille, et plus vraiment, simplement, tout bonnement, Jamie. Le sport est devenu trop rare, juste assez pour m'entretenir, et la peinture inexistante. Je n'ai pas le tout de tout allier. Peut-être que le moment qui m'est le plus uniquement dédié est celui que je passe devant le micro à la radio, et encore. Mais je préfère être avec mon fils plutôt que de m'enfermer dans l'atelier, aussi frustrant cela soit-il parfois. Néanmoins, je sens bien que je ne dois pas continuer de me passer de cette passion-là. Je retiens déjà bien assez de nervosité comme ça, sans rien pour le canaliser, cela ne peut pas bien se passer. J'aimerais reprendre un peu ce week-end, doucement, sans pour autant avoir à me passer de Joanne et Daniel. D'où l'idée de la faire poser demain. « Daniel pourra être tranquillement installé à côté, et admirer sa maman. » dis-je avec un petit sourire. Il suffira de changer de jouet de temps en temps pour le tenir occupé entre deux siestes, cela ne devrait pas être trop compliqué. Et le petit découvrira ainsi une nouvelle pièce de la maison, l'antre de son père, qu'il n'a encore jamais vu. Joanne remarque qu'il commence à fatiguer. Il est bien calme, bien accroché, la tête lourdement appuyée sur mon épaule. « On sera tous les deux tout le week-end petit père, t'en fais pas. » je lui murmure avant de l'embrasser sur le haut du crâne. « Tu peux faire un gros dodo. » De toute manière, les bébés sont trop petits pour lutter véritablement contre le sommeil, et Daniel ne tardera pas à s'endormir quoi qu'il arrive. Mais je sais que nous serons ensemble demain, et le jour suivant, alors je ne suis pas déçu de voir ses paupières s'alourdir. Je commence à le bercer un peu. « Je vais surtout avoir de la pression pour ne pas te rater. » je réponds à Joanne qui s'avoue très flattée d'être mon premier sujet de tableau depuis des mois. Je ne pense pas avoir perdu la main. De toute manière, je n'ai jamais vraiment eu de technique autre que le feeling. A moins de perdre un peu de mon instinct, je devrais toujours savoir manier mes pinceaux. « Mais je me dis que ça peut être un bon point de départ pour reprendre. Représenter ce qui m'inspire le plus. » j'ajoute, déposant un baiser sur la joue de ma fiancée. Daniel est pris d'un de ces petits spasmes qui indiquent que l'heure du coucher est arrivé. « On va au lit, mon koala ? » lui dis-je alors tout bas. « Papa chantera jusqu'à ce que tu t'endormes. » Je me lève du canapé et, avant de monter à l'étage, demande à Joanne avec un petit clin d'oeil ; « Tu peux faire couler le bain en attendant ? » Comme ça, nous pourrons nous y plonger sans attendre une fois le petit couché, ce qui ne devrait pas trop mettre de temps. Je grimpe donc les marches de l'escalier, commençant déjà à fredonner Let It Be. Je pensais qu'une chanson suffirait à endormir Daniel, mais lorsque je me penche sur son berceau pour l'y déposer, il reste bien accroché à ma chemise et couine pour faire comprendre qu'il ne compte pas me lâcher. Il faut encore Here Comes the Sun et Hey Jude avant que le petit soit parfaitement endormi, bordé, et confié aux soins de Morphée -et de son ourson. Je peux enfin rejoindre Joanne dans la salle de bains. « Les Beatles, ça marche à chaque fois. » dis-je avec un sourire, fermant la porte derrière moi. Puis j'approche d'elle, et la serre contre moi avec mes mains dans le bas de ses reins avant de lui donner un long baiser. « A nous deux maintenant. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
"Ce n'est pas que ça me manque." dit-elle en baissant les yeux. Joanne cherchait ses mots pendant quelques minutes. "J'ai un peu peur que cette routine ne nous mène vers une sorte de lassitude. Je ne trouve pas le mot ou la manière exacte de tourner ma phrase. Je sais que notre vie nous plaît comme elle est. Nous avons tout ce dont nous avons besoin et même davantage." Elle haussa les épaules, assez frustrée de ne pas parvenir à dire ce qu'elle pensait vraiment. Elle était plus encline à faire des déclarations d'amour que de décrypter mot pour mot sa pensée. La modulation de ses dires altérait grandement l'idée initiale, et c'était une chose qui l'énervait au plus haut point. "Pour avoir déjà eu une routine de divorcée, ou même mariée, j'ai noté qu'on finit toujours par oublier des choses. A commencer par s'oublier soi-même. On entre dans cette boucle sans fin au point de perdre un peu une partie de soi, jusqu'à ce qu'il y ait un déclic, pour se dire qu'il est temps d'aller un peu plus vers l'inconnu. C'est même parfois un petit rien, qui rend soudainement la vie toute pétillante, avec plein de choses inattendues." expliqua-t-elle, en prenant le temps de décrypter le fond de sa pensée. "Pour ma part, c'était toi, ce petit déclic. Qui m'a rappelée que j'étais une femme célibataire qui avait des rêves de famille plein la tête et qui les avait oublié." Elle ne savait pas si il cernait vraiment ce qu'elle disait, mais ça ne correspondait en aucun cas à une plainte de sa vie actuelle, loin de là. Désormais, c'était surtout Daniel qui faisait pétiller ses journées. Elle avait beau être revenue dans la vie active, Joanne passait tout de même la plupart du temps à la maison, pour ne pas dire que c'était permanent. Elle ne voyait pas autant de monde que Jamie, elle n'avait pas le même épuisement que lui. Ce qui expliquait en partie le fait qu'elle prenne un temps considérable avant de s'endormir. "Ce que je dis n'a plus aucun sens." finit-elle par soupirer, exaspérée de ne pas parvenir à retranscrire parfaitement sa pensée. "J'espère que tu ne prévois pas une tenue trop compromettante, je ne voudrais pas le choquer." dit-elle plus tard, en référence au programme du lendemain. Elle avait un petit sourire amusé. Il était évident que Daniel ne se souviendra absolument pas de la manière dont sa mère posera pour son père. Joanne n'osait pas imaginer le jour où il tomberait sur l'un des chefs d'oeuvre de son papa. La belle blonde serait plus qu'embarrassée, ça, c'était sûr. Daniel commençait à sombrer tout doucement, Jamie finit par se lever pour l'emmener au lit, demandant au passage à sa belle de faire couler le bain. Joanne monta quelques secondes plus tard les escaliers. Au lieu de commencer à faire couler l'eau, elle tamisa la lumière de la pièce au possible et mit quelques grandes bougies blanches ici et là. On ne la changera pas. "Elton John aussi. Et Regina Spektor." répondit-elle avec un léger rire en s'approchant de lui. Jamie la serra contre lui avec ses mains posées bien bas au niveau de ses reins. Ils s'embrassèrent longuement. "J'ai oublié de faire couler l'eau." dit-elle tout bas, d'un air faussement innocent qui la rendait tout simplement adorable. "Mais ce n'est pas grave." dit-elle en activant enfin le robinet de la baignoire. "Ca me laissera tout le temps pour te déshabiller." Elle avait un large sourire, et était restée au bord de ses lèvres le temps de dire sa phrase, puis elle l'embrassa à nouveau. Avoir toute son attention était devenu un privilège. De brefs moments dont il fallait profiter de chaque seconde. C'était bien trop précieux pour être gâché. Plus il y aura d'enfants, et plus ce sera le cas. Des weekends en amoureux seront la bienvenue. Elle déboutonna alors sa chemise avec une lenteur exquise, tout en continuant de caresser langoureusement ses lèvres. Elle lui retira son haut et déposa ses mains toujours plus froides que les siennes sur son torse, afin d'effleurer sa peau. L'un de ses doigts en profita pour caresser l'encre injecté sous sa peau, une date hautement symbolique et importante. "J'ai l'impression que ça fait une éternité que nous n'avons plus fait ce genre de choses." dit-elle tout bas, entre deux baisers. Ca se comptait en semaine, certainement. Maintenant son regard, elle tint à ce qu'il soit entièrement mis à nu avant elle. L'inverse était beaucoup plus fréquent. Le pantalon et le sous-vêtement ayant touché la terre, Joanne prit un temps pour regarder chacun de ses traits, effleurer chacun de ses muscles avec une délicatesse incroyable. Ses yeux ne se lassaient pas de l'admirer. "A mes yeux, tu as un corps parfait." Ca la mettait toujours hors d'elle de savoir que d'autres femmes avaient eu tout le loisir de le regarder comme elle le faisait. Hannah sera toujours en tête de liste. Mais pour une fois, elle ne voulait pas y penser. Joanne releva ses iris bleus pour croiser son regard. Elle se mit sur la pointe des pieds pour l'embrasser amoureusement.
Même si Joanne ne trouve pas ses paroles claires, elles sont assez compréhensibles pour moi -sûrement parce que je ne serais pas plus capable qu'elle d'exprimer ces pensées, alors entre discours brouillons, on se comprend. La peur de la lassitude est naturelle, cela ne veut pas dire que nous sommes malheureux. Au contraire ; c'est la peur de perdre ce que nous avons, notre confort, qui crée l'angoisse de la routine. « Je suppose que c'est à la recherche de ce déclic que les hommes prennent une maîtresse. » dis-je en haussant les épaules, l'air de rien. Mais je me dis que Joanne risque de croire que je fais de ce postulat une généralité qui m'englobe, elle et son imagination débordante et bien trop sombre. « Ca n'est pas mon intention. C'était juste un mauvais trait d'humour. » je lui assure avec un petit rire nerveux. Plus sérieusement, je reprends ; « Je pense que depuis l'arrivée de Daniel, beaucoup de choses changent, et nous nous adaptons. C'est toujours un peu effrayant, ce temps pendant lequel tout semble incertain. Mais après, les choses se mettent en place. » Nous ne sommes plus le couple passionné, sans foi ni loi que nous étions au tout début. La grossesse de Joanne nous a bien calmés, notre séparation aussi. Et aujourd'hui, nous sommes parents, nous devons penser pour trois, et surtout pour un petit être fragile. Nous ne sommes plus libres de faire tout ce que nous voulons, sortir quand nous le voulons, ni même faire l'amour quand nous le voulons. Notre rythme dépend désormais de celui de Daniel, c'est le petit prix à payer pour la chance de l'avoir avec nous. « Il ne faut pas t'inquiéter. » Mon sourire se veut rassurant. J'ai confiance. Peut-être que je suis toujours trop optimiste, mais j'aime croire que nous aurons un happy ending malgré toutes les embûches. Je ris un peu en l'entendant s'inquiéter de la tenue que je lui ferai porter demain. La dernière fois, Joanne n'avait rien d'autre sur le dos qu'un léger tissu qui ne la recouvrait que partiellement. « Qu'est-ce qui te dit que je prévois une tenue ? » je demande, un sourcil arqué, mutin à souhait. En réalité, je ne sais même pas si je plaisante vraiment cette fois-ci. Je me dis que j'aimerais vraiment la peindre nue. Mais aussi ridicule que cela puisse être, je me dis qu'elle ne sera peut-être pas à l'aise ainsi devant Daniel, même s'il se fiche bien de ce qu'elle porte. Je suis certain qu'à ses yeux, l'ange qui lui sert de mère est magnifique à chaque seconde de la journée. Qu'elle est ce qu'il y a de plus chouette dans son existence, le centre de son petit univers. Moi, je suis plutôt un autre astre en orbite autour d'eux. Nous verrons tout cela demain. En attendant, le petit est couché et dort à poings fermés. Il rêve sûrement de ses découvertes de la journée. « Au moins notre fils a de bons goûts musicaux. » dis-je avec un petit rire. Je me demande s'il en a déjà d'ailleurs. S'il ferait part de son mécontentement si nous lui chantions une mélodie qui lui déplaît. Après tout, il a déjà un bon bout de caractère. Quoi qu'il en soit, désormais, il n'y a plus que Joanne et moi. Et un futur bain, de ceux qui n'ont plus eu lieu depuis… « Je n'en sais rien. Je ne me souviens pas. » Alors ça doit en effet faire un long moment. La jeune femme a pris plaisir à déboutonner ma chemise et me la retirer lentement, tandis que l'eau remplit peu à peu la baignoire. Ne comptant pas s'arrêter là, elle m'ôte également pantalon et sous-vêtement. Pour une fois, je suis totalement nu devant elle, alors qu'elle ne l'est pas, et c'est elle qui prend le temps d'observer ce qu'elle a sous les yeux. Je souris en coin, toujours aussi flatté par ses compliments. « Tant qu'il te plaît, c'est le principal. » dis-je alors qu'elle m'effleure délicatement. J'ai bien du ma à retenir les quelques frissons que cela me procure. « Il est tout à toi. » j'ajoute au bord de ses lèvres avant qu'elle ne vienne m'embrasser. A mon tour, doucement, je retire le gilet de ses épaules. Puis je défais délicatement sa robe, et la laisse tomber au sol. Après quelques baisers au creux de son cou, les mains se baladant le long de ses sublimes courbes, le regard furetant sur sa silhouette que j'adore, je dégrafe son soutient-gorge et lui retire son dernier sous-vêtement. En la serrant contre moi, je peux désormais sentir toute la chaleur de son corps nu à même ma peau. Et j'avoue que cela suffit à me faire perdre mes moyens, à vouloir sentir la douceur de son épiderme partout sur moi, autour de moi. Mes baisers laissent bien deviner que je pourrais la dévorer toute entière dans la seconde. « Nous n'irons jamais dans l'eau si ça commence comme ça. » dis-je finalement avec un rire nerveux, m'arrachant difficilement à Joanne. Alors, après un dernier regard malicieux, je m'introduis dans la baignoire qui continue de se remplir doucement, et accueille la jeune femme entre mes jambes, adossée à moi. Nous coupons le jet lorsqu'il n'est plus nécessaire, et laissons un moment de silence s'installer pendant lequel seul le clapotis de l'eau est perceptible. « J'ai une question un peu bizarre. » dis-je au bout d'un moment. Peut-être que je n'aimerai pas la réponse, mais la curiosité me pousse à la poser quand même. Et puis, qu'importe ce qu'elle dira, cela ne changera rien au temps présent, alors cela n'aura pas vraiment d'importance. « A ton avis, qu'est-ce qu'il se serait passé si nous nous étions rencontrés, sûrement dans d'autres circonstances, alors que tu étais encore mariée ? » Est-ce qu'il y aurait eu cette même attirance, est-ce qu'elle se serait laissée séduire ? Ou serait-elle restée aveuglément amoureuse de son époux, fidèle jusqu'au bout, ne songeant même pas qu'un autre homme puisse exister ? Je parierai plutôt sur cette dernière option, mais une partie de moi se dit que malgré tout, nous aurions fini par être ensemble, car c'est ainsi que les choses devaient être.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Finalement, Jamie semblait cerner ses propos, et à même appliquer sa manière de voir les choses avec d'autres exemples. Elle le regarda avec des yeux lorsqu'il parlait de maîtresse, mais il se rattrappa immédiatement en précisant qu'il ne comptait pas en avoir une. Ils se connaissaient depuis un peu plus d'un an désormais, leur couple restait jeune malgré tout. Il fallait voir comment ce dernier comptait évoluer dans le temps. Il comprenait les craintes de sa belle et était certain que ça allait finir par s'atténuer. Sur le moment, elle avait du mal à y croire. Il avait certainement raison. Mais il était certain que ces petits grains de folie et d'insouciance allaient beaucoup lui manquer. C'était une chose qu'elle n'avait connu qu'avec elle et qui devait déjà être mis au placard. Joanne appréciait avoir une vie bien rangée, et Jamie lui avait permis de sortir parfois des sentiers battus. Cette très courte période allait énormément lui manquer, c'était évident. Le couple se trouvait dans la salle de bain, Joanne avait pris le temps et le soin de déshabiller son fiancé. Il était adorable, à chaque fois qu'on le complimentait. Il prenait tellement soin de son apparence, de son style que l'on pourrait croire qu'il était habitué à n'avoir que des éloges de son physique. Mais ses joues rougissaient toujours autant lorsque Joanne l'admirait sous toutes les coutures. Ses phrases laissaient entendre qu'il ne voulait que lui plaire à elle. Ca l'avait beaucoup touché, elle lui sourit tendrement avant de l'embrasser. Le baiser gagnait rapidement en intensité. La fréquence de leurs ébats s'étaient tellement amoindris que tout montait très rapidement en flèche, au moindre de contact. Ce besoin irrépressible de n'appartenir qu'à l'autre. Cela faisait certainement partie du programme de la soirée, mais là, il était plutôt question de profiter du bain chaud qui finissait de couler. Jamie s'installa en premier dans la baignoire, laissant toujours la même place pour sa belle, entre ses jambes. Joanne s'adossa confortablement contre lui, et un silence beaucoup plus détendu commençait à planer dans l'air. D'un geste répétitif, elle effleurait la peau de la cuisse de Jamie en écoutant sa question. Elle rit un peu. "C'est curieux, je me suis demandée la même chose cette semaine. Ce qu'il se serait passé si je t'avais rencontré alors que tu étais encore avec Enora." Etrange qu'ils se soient tous les deux posés cette question. Elle prit son temps pour réfléchir. "C'est difficile à dire. Et si je te balance une de mes théories, tu vas te moquer parce que j'aurais mon côté fleur bleue qui resortirait de plus belle." Elle riait doucement, et se décida tout de même à se lancer. "Je pensais que ce magnétisme aurait opéré de toute façon. C'est quelque chose de tellement fort, qui a traversé tellement d'âges qu'il est impossible de s'en défaire. J'y crois, parce que sinon, nous n'aurions jamais ce besoin d'appartenir totalement à l'autre, ou nous n'aurions pas cette évidence qui nous aurait sauté aux yeux au bout de quelques mois de relation. L'idée de vivre ensemble, de se marier, d'avoir une famille. Tout était dans la spontanéité, ça faisait partie du déclic." commença-t-elle. "Et tu sais quelles valeurs j'aurai attaché au mariage, je n'aurais pas trompé Hassan. Mais je pense qu'au fond de moi, j'aurais adoré plus te connaître, tout en respectant ce qu'impliquerait le mariage." Elle baissa les yeux, cherchant ses mots. "Peut-être que nous aurions vécu un amour platonique, à force de courriers partagés et d'intérêts communs. Quelque chose comme ça." Joanne faisait un véritable blocage pour le divorce, elle ne le demanderait jamais, même si son mari avait été un tyran. C'était une promesse, un contrat, il était impossible de le rompre. C'était une manière de penser très traditionnelle, et ancienne, mais elle ne le concevait pas autrement. "Et je finirais pas sombrer dans la folie à l'idée de ne pas pouvoir te toucher comme je le voudrais, ne pas pouvoir te connaître comme mon coeur me l'ordonnait." Elle rit une nouvelle fois. Cela semblait tellement absurde, dans le fond, mais ce n'était pas impossible. Si Hassan n'avait pas demandé le divorce, elle, elle ne l'aurait jamais fait non plus. "Ca sonne ridicule pour toi, pas vrai ?" demanda-t-elle d'un ton un petit peu amusé. "Et toi ? Si tu me croisais par hasard pendant un gala d'un quelconque musée alors que tu aurais encore Enora à ton bras ? Comment les choses se seraient-elles passées ?"
Riant doucement, en réalité, je ne suis pas trop surpris que nous nous soyons posé la même question. C'est une branche de notre petit mythe des vies antérieures, toutes les questions relatives aux autres réalités qui existent dans lesquelles les choses se sont passé autrement ; est-ce que nous aurions fini ensemble malgré tous les scénarios possibles ? Il y a tant d'options parallèles à la notre, elles sont innombrables. Et tout commence par là ; et si ni elle ni moi n'étions divorcés lors de notre rencontre ? « Moi je l'aime bien, ton côté fleur bleue. » dis-je à la jeune femme pour l'encourage parler. Alors qu'elle me fait le récit du scénario qu'elle imagine pour nous deux. Particulièrement frustrant, il faut l'avouer. Un monde dans lequel nous aurions tous deux fini fous de frustration à force de nous aimer en silence. Je crois que je n'aurais pas supporté pareille situation. J'aurais agi dans un sens ou dans l'autre, mais j'aurai sûrement coupé les ponts, fuyant cette unique chose au monde que je ne pouvais pas avoir. Son histoire est très probable à mes yeux, loin d'être ridicule. Quant à moi, même si j'ai posé la question, je n'ai jamais eu de scénario précis en tête. Il faut dire que ma vie était un sacré brouillon avant qu'elle n'en fasse partie ; la rencontrer aurait créé un chaos plus grand encore. « Si Enora était là, j'aurais sûrement été trop absorbé par mes obligations et je serais sûrement passé à côté de toi sans vraiment m'attarder. J'imagine que tu m'aurais marqué quand même, d'une manière ou d'une autre. On ne tombe pas sur un petit ange tous les jours. » Elle m'aurait hanté quelques temps, avant de se terrer dans un petit coin de mon esprit. Peut-être que nous nous serions revus, peut-être pas. « Mais j'avais rarement Enora à mon bras, alors j'aurais sûrement été seul, ou avec une amie. Je ne lui ai jamais cherché de remplaçante, et si j'avais pu... » Non, mentionner Kelya n'est pas une bonne idée du tout. « ...j'aurais sûrement préféré être fidèle, même si elle ne l'était pas. » Sauf que je ne l'étais pas non plus, alors je ne suis pas mieux. Néanmoins, j'étais discret, cela ne l'a jamais humiliée, que ce soit par des murmures dans les galas ou des unes de tabloïds -il n'y a toujours pas de mérite là-dedans, mais je dirais que je m'en sors mieux qu'elle dans notre vice commun. « Alors je t'aurais remarquée. Nous aurions pu être amis, oui, très proches. Peut-être coincés dans la frustration de nos mariages respectifs. Quoi que je pense que je l'aurais été plus que toi. » Après tout, Joanne était heureuse avec Hassan, sinon son divorce ne l'aurait pas autant détruite. C'était le premier homme de sa vie, et quelque part, ça le sera toujours. « Mais je pense que je n'aurais pas accepté de perdre mon temps plus longtemps avec Enora si le vrai amour s'était présenté à moi. Que tu sois mariée ou pas. » Cela n'aurait été qu'un détail. Une entrave entre moi et ce que je convoite, mais rien qui ne puisse pas être contourné. De toute manière, si j'étais aussi incapable de me passer de Joanne dans cette autre réalité dont nous parlons que dans celle-ci, j'aurais tout fait pour qu'elle soit mienne. « J'aurais multiplié les avances encore et encore jusqu'à ce que tu cèdes. » dis-je avec un petit rire. Je vole un baiser au creux de son cou. De là, je ne sais pas si Joanne aurait cédé ou pas. Si cela avait été le cas, j'aurais quitté Enora pour elle, et j'aurais passé des heures à la persuader de quitter Hassan pour moi. Elle l'aurait fait, je m'en doute, préférant le quitter plutôt que de prendre un amant. Alors nous serions ici même aujourd'hui. Mais j'en doute. Je pense plutôt qu'elle aurait refusé encore et encore, trop accrochée à la fidélité à son mariage. Nous aurions arrêté de nous voir, et pendant qu'elle reprenait le fil de son idylle parfaite avec son mari, de mon côté, lassé de mes supercheries, j'aurais quand même tout lâché. Plutôt seul que mal accompagné, et plutôt seul que sans Joanne.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Quelque part, Joanne aurait adoré savoir ce qu'il se serait véritablement passé en d'autres circonstances, si l'un ou l'autre avait encore été marié. Comment les choses se seraient-elles passées, si la fin aurait été la même. Jamie racontait à son tour sa visions des choses, s'il était encore avec Enora. Il avoua qu'il l'aurait simplement remarqué, mais qu'il n'aurait peut-être pas cherché plus loin. Jamie parlait un peu plus de sa vie avec son ex-femme et il expliqua qu'il n'était pas si souvent que ça avec elle. Il ne termina pas l'une de ses phrases, ce qui avait forcément interpellé Joanne. "Et si tu avais pu chercher une remplaçante ?" questionna-t-elle, franchement curieuse. Elle voudrait savoir, et pour éviter de prendre trop les choses à coeur, elle se répétait sans cesse que ce n'était que des suppositions, et que ça ne se passera jamais comme ça. Ca marchait plutôt bien. Le bel homme dit alors qu'il n'avait pas été fidèle, tout autant que la mannequin. Propos qui mirent la bouche sèche à sa belle, alors qu'il avait dit plus tôt que ce n'était absolument pas son attention avec elle. "Tu voyais encore Kelya lorsque tu étais marié ? Ou tu en voyais d'autres ?" Difficile d'oublier cette femme-là, aussi. C'était certainement des questions qui mettaient mal à l'aise. S'il voulait à son tour l'interroger sur des sujets sensibles, elle ne lui en tiendrait pas rigueur. Mais elle estimait qu'elle avait le droit d'en savoir un peu plus sur sa vie, avant qu'il ne la rencontre. Jamie pense qu'ils auraient pu être très proches, des amis qui aimeraient passer beaucoup de temps ensemble. "Le genre d'amitié totalement ambiguë et très tactile ?" demanda-t-elle en riant. Elle plaisantait, mais ce n'était pas totalement impossible. Ils auraient peut-être prétendus être amis. "Tu es persévérant et tu sais ce que tu veux. Je pense que tu ne te serais pas arrêté tant que tu n'avais pas ce que tu convoitais." dit-elle avec un sourire, qu'il ne voyait pas. "Et si, moi j'étais divorcée, et que, pour une raison ou pour une autre, tu étais obligé de rester avec Enora, tu aurais fait quoi ?" Un scénario tout aussi probable, les parents de Jamie auraient forcément trouvé un moyen de ne pas détruire ce mariage, question de fierté. "Dans tous les cas, j'ai l'impression que ce ne serait que des histoires d'amour interdit, rêvé et très désiré." conclut-elle. Sa main continuait de caresser délicatement sa cuisse. L'ambiance de la pièce était particulièrement apaisante et il y eut un petit moment de flottement. "J'aime vivre cet amour passionnel avec toi. Malgré ses hauts et ses bas." reprit-elle. "C'est durant ces moments là qu'on sait comment vivre les choses à fond à chaque seconde, aussi incontrôlable cela puisse-t-il être. Parfois ça blesse, parfois, on ne sait même plus comment exprimer cette passion et ce désir pour l'autre." Ils ne contrôlaient plus rien à ce moment là, et c'était ainsi que leur univers se créait. "C'est avec toi que je suis sortie des sentiers battus, que j'ai pu vivre et faire plein de nouvelles choses. En expérimenter d'autre. Il y a toujours cette petite étincelle en moi, je sais que c'est toi qui a su la faire renaître. Il suffit que t'aies une idée, une envie, pour en faire un immense brasier." Elle craignait que cette étincelle là ne s'éteigne à force de routine. En soi, ce qui faisait peur à Joanne dans le train-train quotidien, c'est l'oubli. Le même oubli dont elle lui avait parlé lorsqu'ils étaient allés au bar, l'autre soir. Les choses n'avaient pas été aussi extravagantes avec Hassan, cela n'empêchait pas à ce qu'ils aient une vie simple et heureuse. Ils étaient sur la même longueur d'onde, exactement, et c'était pourquoi ils n'allaient pas trop en dehors de cette zone de sécurité. Cela lui convenait. Mais depuis que Jamie lui avait déjà montré toutes ces choses, elle était devenue encore plus curieuse qu'elle ne l'était déjà, enthousiaste à la moindre idée qu'il pouvait avoir.
Parler de ma vie d’avant ne m’a jamais mis à l’aise. C’est un sujet que j’évite avec soin. Evoquer mon monde d’aristocrates, mes parents, mon ex-femme, Kelya, et même Oliver. C’était une époque où je me laissais transporter et noyer par des courants trop forts pour moi, où je n’avais aucun contrôle sur ma vie, et je ne savais vraiment pas ce que j’étais en train d’en faire. J’étais spectateur de cette dérive, pieds et poings liés. En dehors de quelques détails, il n’y avait rien de joyeux à Londres. Je n’étais ni heureux, ni malheureux. Je n’étais pas vraiment là. Il n’y avait rien de glorieux à jouer les fantômes, alors forcément, je rechigne à en parler. Joanne ne le voit pas, mais mon visage se ferme et mon regard se baisse. Même songer que nous ne faisons que des suppositions, que ce n’est qu’une sorte de jeu, me fait replonger un instant dans cette vie que j’ai fui. « Je ne pense pas que je lui en aurais trouvé une. » je lui réponds. Ce ne sont sûrement pas les prétendantes qui auraient manqué, beaucoup de jeunes femmes rêvent d’être un jour une Lady et d’intégrer l’aristocratie. Triées sur le volet, certaines auraient sûrement eu le bon profil pour remplacer Enora. « Ou peut-être que j’aurais appliqué le plan de mes parents. » j’ajoute, songeant à Irene que je devais épouser selon la volonté de nos familles respectives. C’aurait été ridicule, mais j’aurais sûrement été plus heureux avec elle qu’avec n’importe qui d’autre là-bas. Après tout, on dit souvent qu’il faut marier sa meilleure amie. Je suppose qu’à elle, j’aurais été fidèle. Bien sûr, Joanne ne manque pas de passer au crible mon crime d’adultère. Une chose que je trouve absolument impardonnable mais à laquelle je me suis moi-même adonné. « Non, je ne voyais que Kelya. » Tous les vendredis. « Je n’ai arrêté de la voir qu’en quittant Londres. » J’avais plus d’affection de sa part que de celle de mes parents et de ma femme réunis, alors je ne pouvais pas vraiment m’en passer. J’en avais honte, mais pour moi, elle était comme une bouée de sauvetage. Mais elle méritait bien mieux que ça. J’espère qu’elle est plus heureuse depuis son retour à Londres. Mes pensées cessent de bifurquer pour en revenir à notre sujet de conversation. Pour Joanne, nous aurions fini par vivre une relation particulièrement ambiguë, et tactile dans les limites imposées par nos mariages. « Ce genre-là, oui. » dis-je avec un petit rire. Quelque chose de terriblement frustrant. Et en effet, si je n’avais pas décidé de couper les ponts pour ne pas devenir complètement fou, j’aurais continué mes avances jusqu’à obtenir ce que je veux, l’obtenir elle. « Tu aurais fini par céder ? » je demande, curieux. Malgré ses grands principes sur le mariage, la fidélité, est-ce qu’il y aurait eu une faille dans laquelle m’engouffrer pour qu’elle finisse dans mes bras ? J’en doute quand même. Et si elle avait été libre, mais moi non ? « J’aurais fini par quitter Enora dans tous les cas, quitte à rester dans mon coin et faire un peu plus honte à mes parents. Ca n’était qu’une grosse mascarade que je ne pouvais plus jouer. » Alors si Joanne avait été libre, l’histoire aurait été plus proche de celle que nous vivons actuellement. Ma procédure de divorce en plus. Oh, connaissant Joanne, elle aurait sûrement refusé que notre relation aille trop loin tant que j’étais marié. Le temps que je ne le soit plus, la frustration aurait été tout aussi difficile à supporter. Je dépose un petit baiser sur l’épaule ou dans le cou de Joanne de temps en temps, pendant qu’elle fait soudainement l’éloge de notre relation et de toutes ses particularités. La passion ne dure pas pour toujours, mais pour le moment, elle est bien présente. « J’ai encore plein de choses à te montrer. » dis-je avec un petit sourire. Et maintenant, j’ai de nouveau les moyens de les lui montrer, de les lui faire vivre. Quoiqu’elle doit penser à d’autres types d’expériences et d’idées. « Mais j’ai l’impression de perdre ma propre étincelle en ce moment. » j’ajoute, plus bas. Avec toutes ces entraves, elle étouffe petit à petit. Les médicaments qui me musellent, la fatigue, le manque de temps, les obligations, sans oublier les coups durs, allant de l’enlèvement de Daniel au jour où Joanne a rendu sa bague. C’est un tout qui me donne l’air assagi, alors je suis plutôt anesthésié. « La tienne brille plus que la mienne actuellement. » j’ajoute avec un petit sourire triste. C’est sûrement passager, me dis-je. On ne perd pas une nature impulsive et spontanée du jour au lendemain, elle demeure toujours quelque part.
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Si Jamie le pouvait, il enterrerait sa vie à Londres définitivement. Il y mettrait un trait dessus à tout jamais, et finirait par l'oublier. Curieusement, il y avait toujours quelque chose qui venait le rattraper et le noyer à nouveau. Kelya, ses parents, Enora. Il y avait toujours quelqu'un qu'il avait connu là-bas qui finissait par le retrouver de l'autre côté du monde. Et ce n'était pas que du hasard. Il admit qu'il n'avait que Kelya pour maîtresse, qu'il la voyait une fois personne. Et certainement beaucoup plus de fois avant qu'il n'ait une alliance sur son annulaire. Joanne avait toujours beaucoup de mal à accepter qu'il y ait eu tant de femmes qui l'avaient connus aussi intimement qu'elle. Que certaines ne soient que de l'histoire ancienne, et d'autres, un peu moins, Joanne ne faisait pas vraiment la différence. Elles avaient couché avec Jamie, c'était la seule chose qui importait. Le bel homme demanda si Joanne aurait fini par céder à ces avances. Elle soupira. "Je ne sais pas." avoua-t-elle. "Déjà, comme ça, je ne me vois pas être amoureuse de deux hommes en même temps." Pour le coup, Joanne ne faisait pas allusion à ce qu'elle avait entendu l'autre jour sur la clé USB. "C'est quelque chose que je n'arrive pas à concevoir. A mes yeux, il n'y a qu'une personne, qu'une âme soeur. Et au fil des années, on réalise si c'est le cas ou pas." La voix de Joanne devenait plus basse, son regard aussi. "Si j'avais été l'âme soeur d'Hassan, il m'aurait laissé vivre ma vie avec lui jusqu'au bout. Et ce n'était pas le cas." dit-elle en haussant les épaules. Les concepts d'adultère et de polygamie étaient impensables pour elle. "Je pense que j'aurais surtout perdu la raison." dit-elle avec un sourire triste. "Déjà que je ne suis pas très claire dans ma tête, cette situation là m'aurait rendue folle." Elle ne voyait pas d'autres issues probables, sur le coup. Joanne aborda ensuite leur relation, à Jamie et elle, qu'elle adorait. Il lui assura qu'il comptait bien lui montrer encore des tas de choses. Il avouait qu'il perdait la lueur de sa propre étincelle, que celle de sa belle brillait bien plus que la sienne. Le coeur de Joanne se pinça, se sentant affreusement coupable. Il était là, le début du désintérêt, se dit-elle. Le début de l'oubli. "Je sais que c'est de ma faute." dit-elle tout bas, en regardant sa main toucher la peau de Jamie. "Et ça se ressent." Joanne se retourna pour pouvoir le regarder, le sourire aux lèvres malgré tout le reste. "Je sens bien que c'est différent depuis que nous étions revenue à Sydney." Et ça ne sera plus jamais comme avant. Joanne serait prête à donner n'importe quoi pour revivre cette passion oubliée. Elle refusait d'accepter que ça ne reviendra jamais. Quelque part, Jamie ne lui avait jamais pardonné ses actes. "Et je sais que ce n'est pas que parce que Daniel est arrivé dans notre famille." Certes, sa venue les avait poussé à devenir plus raisonnable, à palier ses besoins et à y répondre. "Mais c'est comme ça. On ne peut pas défaire et refaire ce qui a été fait." dit-elle en haussant les épaules, paraissant résolue. Alors que ce n'était absolument pas le cas. Joanne finit pas s'adosser à nouveau contre lui. Elle regrettait alors d'avoir aborder ce sujet, qui devait d'abord être plutôt joyeux. Elle ne s'en plaignait pas, comme elle ne s'était pas plainte une seule fois de la vie qu'il lui avait forcé de vivre lorsqu'ils étaient revenus à Brisbane, fiancés à l'un l'autre pour une seconde fois. Même si leurs échanges et leurs ébats étaient toujours aussi délectables, ce n'était plus comme avant. Plus le même toucher, plus les mêmes sensations, il y avait un truc en moins, ou en plus, qui ne la rassurait pas vraiment. Peut-être comme une sorte de rétractation, se préparer au pire pour ne pas être touché autant que les fois précédentes. Joanne tentait de trouver toutes les possibilités qui pourraient répondre à sa question, mais elle se doutait qu'elle n'aurait jamais une véritable réponse.
Comme je le pensais, Joanne n’aurait pas répondu à mes avances, dans l’hypothèse où elle était restée mariée à Hassan. Néanmoins, même si l’amitié que nous nous imaginons avoir pu vivre dans ce cas, nous ne nous en serions pas contentés longtemps à mon avis. Si l’attraction, le magnétisme, eut été aussi fort que celui que nous vivons aujourd’hui, alors nous aurions rapidement eu besoin de plus. Et s’il fallait résister, tenir bon, en restant constamment à la frontière entre ce qui est raisonnable et ce qui ne l’est pas, le permis et l’interdit. Non, cela n’aurait absolument pas été tenable. Je ris un peu alors que Joanne avoue qu’elle serait sûrement devenue folle à force de ne pas savoir quoi faire tout en voulant se tenir à ses principes. A mes yeux, il est parfois nécessaire d’y faire des entorses pour son propre bonheur, quitte à se racheter une conscience plus tard par un moyen ou un autre. « Nous serions tous devenus fous alors. » je réponds. Cela aurait fini en fiasco à n’en pas douter. Personne n’aurait été heureux de la situation. Le lien aurait forcément été coupé pour le bien de tous. Une histoire qui m’en rappelle une autre, et cela me pince un peu le cœur. Ce n’est pas d’avoir quitté Hannah qui a tari ma flamme. Ca n’est pas notre courte histoire qui a créé cette situation. Joanne en a bien conscience, elle a brisé quelque chose qui ne peut pas être réparé le jour où elle a rompu nos fiançailles, et c’est là le point de départ de la méfiance qui s’est installée entre nous. Ou du moins, de mon côté. Je ne vais pas nier que cela est de sa faute juste pour la rassurer. Et d’ailleurs, je pense que l’arrivée de Daniel a largement amélioré les choses. Il nous a radicalement permis de nous rapprocher et nous retrouver véritablement. Ce n’est pas comme avant, certes, mais c’est lui le ciment qui nous a soudés quand nous en avions besoin. Je souris légèrement à Joanne. « Ca passera. » je lui assure alors qu’elle reprend sa place tout contre moi. Mes bras la serrent tendrement, et je reprends mes baisers réguliers sur son épaule et son cou. « Mais ça n’est pas que toi. » Les blessures sont là, elles cicatrisent, elles seront oubliées un jour. Je ne lui en veux pas pour ça, c’est passé, et nous sommes ensemble. Néanmoins, il reste quelques conséquences de tout ceci qui prennent plus de temps à se dissiper. Je pense que cela sera le cas tant que nous ne serons pas mariés. J’ai bien compris qu’elle se sent libre de briser des fiançailles, mais qu’une fois mariée, la promesse sera tenue quoi qu’il arrive. « C’est un tout. » dis-je quand même. Mais là aussi, entre l’arrêt de mon traitement, si le médecin l’autorise, et la lune de miel qui nous permettra d’avoir du temps pour nous, tous les éléments seront réunis pour reprendre un bon départ. Il faut patienter, mais je suis certain que cela en vaudra le coup. « Ca passera, bientôt. » je lui répète tout bas, confiant. Je caresse l’un de ses bras du bout des doigts. « Nous avons toute la vie côte à côte, droit devant nous. » Il y aura forcément des hauts et des bas, et nous ferons en sorte de tenir la barre pour maintenir le cap. Nous avons déjà prouvé qu’il faut un peu plus que les petites forces de la nature pour nous séparer. En réalité, nous sommes nos propres pires ennemis lorsque nous ne regardons pas dans la même direction. « Je t’aime. Ca n’a pas changé, ça ne changera pas. Tu es mon âme sœur à moi. » J’en suis certain. Elle ne pouvait pas être celle d’Hassan, et je ne pouvais pas être celle de qui que ce soit d’autre. C’est elle et moi. « Tu l’aurais été quoi qu’il arrive, et dans toutes les vies. » je lui murmure, apaisant doucement l’atmosphère. Non, je ne lui en veux pas. Je l’aime tellement. Tout ce qui importe, c’est qu’elle soit là. C’est nous, c’est notre famille. « Mon petit ange… » je murmure dans un souffle avant de l’inviter à tourner son visage vers le mien, assez pour que je puisse l’embrasser avec tendresse.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Jamie admettait de par son silence que l'étrangeté qui s'était installé dans leur couple était de la faute de la belle blonde. Elle n'était absolument pas convaincue que cet amertume qu'il avait allait passer, comme il le disait. "Dans quoi, vingt, trente ans ?" dramatisa-t-elle. Ca n'allait certainement pas se compter en mois, encore moins en semaines. Il la serrait malgré tout contre lui, tendrement, en reprenant ses baisers au niveau du cou et de l'épaule qui la faisait craquer intérieurement. "Ce n'est pas un tout, Jamie." rétorqua-t-elle. "Tu ne peux pas dire que c'est à cause du manque de temps, de ton travail, de tes occupations en dehors du travail et de tes obligations. Parce que tout ça, tu l'avais déjà bien avant tout ça, bien avant même me connaître. Et nous arrivions à palier tout ça et à nous aimer comme nous voulions l'entendre." Elle regrettait d'avoir commencé à faire l'éloge de leur relation, désormais. Encore une fois, Joanne aurait du se taire. Comme quoi se murer dans son silence était bien plus encourageant que d'en parler. "Je sais que je paierai encore longuement de ma bêtise." En plus de ce qu'elle s'infligeait elle-même comme torture mentale. "Je sais que la seule chose qui nous a permis de ressembler à nouveau à un couple, c'est d'avoir su mettre au monde Daniel." Que si elle n'avait pas été enceinte, ou si elle avait perdu le bébé, Jamie n'aurait plus jamais voulu la voir. A se demander si ce n'était pas que pour Daniel que leur couple fonctionnait encore. "Si je n'avais pas été enceinte ou si j'avais fait une fausse-couche, je ne pense pas que nous serions là à rêver du mariage que nous aurons dans quelques mois." Et ça, c'était une réalité. C'était bien quelques secondes après que leur bébé soit né que Jamie avait dit à Joanne qu'il lui pardonnait. Pas avant, pas après. Une sorte de récompense pour avoir réussi à accoucher, en somme. Un mérite. Quelque part, Joanne se retrouvera éternellement sur la sellette, avec un sentiment d'injustice. Elle savait qu'elle n'avait plus le droit au moindre faux pas et qu'elle pouvait essayer tout ce qu'elle voulait, il ne lui ferait jamais autant confiance qu'avant. "Je sais que tu te méfies encore de moi." dit-elle tout bas, le regard baissé. Malgré tout, Jamie reprit la parole un peu plus tard, lui assurant qu'il pensait toujours qu'ils étaient faits l'un pour l'autre et que ça ne pouvait être autrement. Il voulait certainement la toucher en reprenant cette croyance qu'elle avait concernant ces vies antérieures, et ça marchait à merveille. Il avait collé à lui, une Joanne un peu paniquée et perdue dans cette situation, mais aussi une Joanne qui l'aimait éperdument. Jamie fit délicatement pivoter sa tête pour qu'il puisse atteindre ses lèvres qu'il embrassa avec tendrement. Elle plaça l'une de ses mains entre ses mèches de cheveux. Et, sans quitter ses lèvres, elle se retourna pour avoir une position un peu plus confortable. Comment pouvait-il autant aimer et se méfier de la même personne ? Ca n'avait aucun sens. Le baiser devint de plus en plus langoureux, mais Joanne l'interrompit subitement, gardant ses lèvres près des siennes, essoufflée par cet engouement. "Ne m'oublie pas." lui dit-elle tout bas. Que ce soit par adultère, par amour excessif de ses enfants ou de son travail. Il savait tout ce qui se cachait derrière ce verbe qui lui faisait tellement peur. "Je t'en prie, ne m'oublie jamais." lui supplia-t-elle avant de reprendre le baiser, se redressant légèrement sur ses genoux pour le surplomber de quelques centimètres. Elle espérait que son étincelle retrouve sa brillance d'antan, qu'ils puissent revivre de leur passion comme ils l'avaient fait. Joanne ne savait pas quoi mettre en oeuvre pour que ça se ravive, pour qu'elle puisse retrouver l'entièreté de l'amour de son fiancé.
“Non, quelques mois.” je réponds avec conviction. Hors de question de laisser notre couple dans pareil état pendant des années, encore moins des dizaines d'années. Non, je suis certain qu'une fois le mariage célébré, tout rentrera dans l'ordre. Ou en tout cas, tout sera plus simple. Je n'aurai plus à craindre d'être abandonné au moindre faux pas, je n'aurai plus à peser tous mes faits et gestes, je n’aurais plus cette épée de Damoclès au dessus de la tête me faisant trembler à l'idée que Joanne rende encore une fois sa bague. Mariés, elle n'osera pas. Mariés, nous serons plus soudés. Nous ne pourrions pas plus nous appartenir l'un à l'autre, et c'est bien ce qui nous obsède. Nous serons officiellement unis jusqu'à ce que la mort nous sépare, et c'est bien ce que nous voulons tous les deux. Il n'y aura que ça pour me rassurer, et me permettre de donner à nouveau à cette relation tout ce que j'ai à donner et plus encore. A entendre Joanne, je me cherche des excuses pour justifier ma moindre implication dans notre couple, tout pour ne pas entièrement l’accabler. Certes, le travail, les journées trop courtes, la fatigue, ce sont des facteurs que nous connaissions depuis le début. Je serre les dents ; je n'ai pas envie de mettre sur le tapis ce que je compte dire, mais je le dois bien. “Tu oublies qu’avant je n’étais pas drogué tous les soirs pour empêcher mes propres émotions de complètement s’exprimer. C’est fatiguant, Joanne, tu n’imagines pas. Nerveusement, c’est épuisant.” Cela ne m'a pas immédiatement éteint, mais petit à petit, depuis le début du traitement, la léthargie s'est emparée de mes émotions stagnantes. Le feu en moi a commencé à étouffer dès le premier cachet, et c'était bien le but. Le reste a seulement concouru à l’amoindrir un peu plus. Mais ça, je pense que Joanne ne le croira pas plus. Elle continuera à se voir comme l'unique fautive. Mon coeur se serre lorsqu'elle dit que nous ne serions sûrement pas là si elle n'avait pas été enceinte. Pas la peine de se voiler la face, je sais que c'est vrai. C'est une des choses qui m'a décidé à revenir auprès de la jeune femme. “Et alors? Mieux vaut être une famille ensemble plutôt que rien du tout.” Est-ce qu'elle aurait préféré que nous soyons séparés pour élever Daniel, et lui faire subir pareille situation alors que nous nous aimions quand même? Si c'est sa présence qui m'a encouragé à nous donner une chance, à nous donner envie de tout faire pour que ça marche, c'est finalement une bonne chose. Aujourd'hui, je ne suis pas là avant tout pour lui, je le suis tout autant pour Joanne, mon souhait de l'épouser est sincère. C'est le plus important. “Tu te méfierais aussi à ma place.” je rétorque en haussant les épaules. Elle ne peut pas dire le contraire. Personne ne referait aveuglément confiance à la personne qui lui a si bien brisé le coeur, cela demande du temps, des preuves d'amour et de fiabilité, le temps de reconstruire cette confiance brique par briques. Tout comme cela a été le cas après le soir où j'ai levé la main sur elle. J'ai passé des mois à faire mes preuves avant qu'elle cesse véritablement d'avoir peur de moi. Avec mes paroles, j'essaye de l'apaiser. Qu'elle cesse de s'en vouloir et de se tourmenter pour ce soir. Après tout, nous allons bien malgré tout. Nous ne sommes pas malheureux. Nous nous aimons, et à partir de ça, tout peut s'arranger. Elle prend mon baiser et le prolonge avec une passion grandissante de seconde en seconde. Je la serre un peu plus fort dans mes bras, mes mains la saisissent plus fermement. Comme si elle me manquait depuis bien longtemps. “Je ne t’oublierai pas.” je murmure, mon front contre le sien, l’esquisse d’un sourire rassurant au coin des lèvres et le regard particulièrement amoureux. “Et toi ne m’abandonnes jamais.” Je récupère ses lèvres pour reprendre le baiser où elle l’avait interrompu, avec la même fougue. Le contact physique a toujours été mon meilleur moyen de traduire mon adoration pour Joanne, et c’est sûrement ce qu’il reste de cette flamme devenue trop discrète en moi depuis quelques temps. La preuve qu’elle est toujours là. Elle peut poser ses mains sur mon torse et sentir que mon coeur bat follement pour elle. Elle peut sentir tous mes muscles électrisés sous ses doigts dès qu’elle me frôle. Tout à elle, corps et âme.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Jamie répondit assez rapidement à l'interrogation de sa fiancée quant à la durée qu'il fallait encore attendre avant d'espérer retrouver une vie de couple relativement normale. Du moins, ce qui était normal pour eux. Et lui voyait plutôt cela en mois, pas en année. Il semble en être particulièrement certain que ça n'allait pas aller au delà, il sous-entendait que ça allait se résoudre avant la fin de l'année. Ça restait tout de même très long, pour Joanne. Elle avait déjà traversé le plus dur sans se plaindre une seule fois ou sans même craquer et songer à abandonner. Non, elle ne disait rien et elle pouvait continuer sur cette voie pour le temps qui lui restait. Jamie lui assura qu'il n'y avait pas qu'elle qui avait lésé son implication dans leur vie découle aussi de son traitement de fond. Il disait qu'elle ne pouvait pas l'imaginer, et c'était certainement vrai. Mais ainsi, il ne faisait que creuser l'écart déjà considérable entre eux. Une chose de plus qu'elle ne pouvait pas comprendre, la liste commençait à être longue. "Non, je ne l'imagine pas." répliqua-t-elle la voix grave. Encore et encore le même refrain. Ce n'était pas lassant, mais frustrant, exaspérant. Comme une habitude qui s'incrustait dans leur vie, comptant bien rester là jusqu'au bout. Jamie se braquait sur tout ce qu'elle pouvait dire. Elle ne savait pas si c'était un moyen de défense pour faire penser que ça ne le touchait pas, ou si ça ne l'atteignait effectivement pas plus que ça. A se demander s'il était là plus pour Daniel et lui garantir une enfance normale, que pour sa prétendue fiancée. Celle-ci ne savait plus vraiment où donner de la tête. "Je me méfie aussi." avoua-t-elle tout bas. "On est tout aussi rancunier que possessif, il y a de quoi se méfier l'un l'autre, je suppose." Et par on ne sait quel magie, leur couple tenait encore. Ils croyaient certainement en une issue plus heureuse, et devaient se dire qu'il fallait tenir jusqu'à ce que ça arrive, jusqu'à ce qu'il y ait un peu plus de lumière. Joanne s'était retournée, afin de l'embrasser et de le supplier de ne pas l'oublier. En échange, Jamie ne voulait pas qu'elle l'abandonne, ce qui semblait être un compromis équitable. Il reprit alors de plus belle son baiser, avec une fougue démesurée. Le surplombant légèrement, il y avait des mèches blondes qui venait frôle son visage. C'était étrange, de s'aimer autant tout en ayant de très nombreuses barrières autour de soi. "Tu crois que le mariage nous aidera ?" lui demanda-t-elle au bord de ses lèvres. Est-ce qu'officialiser ce tout leur permettrait de tout pardonner, de décupler leurs sentiments l'un pur l'autre ? Jamie retrouvera-t-il cette flamme qui peinait à survivre à cause de son traitement ? Il y avait aussi tout un tas de questionnement autour de cet événements. "Tu m'as laissée particulièrement frustrée l'autre soir." lui chuchota-t-elle. Ils avaient du interrompre leurs ébats parce que Daniel ne se sentait pas bien. Depuis, ils n'avaient pas eu de moments vraiment intimes. "J'essayais de palier à cette envie quelques soirs, pendant que tu dormais, sans grand succès." Ses yeux devenaient incroyablement malicieux et joueurs, elle voulait prendre le dessus en le mettant à genoux. "Des bouffées de chaleur tous les soirs." Et c'était quelque chose qui lui plaisait, de jouer ainsi avec son désir. Tu m'as habituée à un rythme soutenue, il faut que je prenne de nouvelles habitudes." dit-elle avec un léger rire. "Je te veux tout à moi, Jamie Keynes." dit-elle tout bas, en effleurant la peau de son visage, un brin rêveuse. Elle colla son torse contre le sien au possible, elle sentait son coeur battre à travers sa poitrine. Joanne reprit bien plus délicatement le baiser, prenant l'une de ses mains pour la mettra au bas de son dos. Elle avait une certaine envie de prendre le dessus, ce soir-là. De dire, avec les mêmes mots de Jamie, à quel point elle l'aimait.
N'importe qui vous dira qu'une relation saine est basée sur la confiance, et je le pense aussi. Aucune histoire ne peut marcher sans cela. Ne vivre que dans la méfiance, la jalousie, la peur, il y a de quoi rendre fous les deux partis. Et Daniel, au milieu, en souffrirait forcément. Ce n'est pas le genre de climat que je veux pour lui, pour ma famille et mon couple. J'espère que nous saurons un jour nous faire pleinement confiance, que nous pourrons nous confier sans plus de craintes l'un à l'autre, et que la possessivité ne nous dévorera pas à l'excès. « Je le crois, oui. » lui dis-je en toute sincérité. Je crois que le mariage est la seule clé qui nous permettra de déverrouiller tous les coffres et les portes blindées qui se sont imposées dans notre relation avec le temps. Nous conférons tous deux bien assez d'importance à cette promesse pour qu'elle nous permette de croire l'un en l'autre, et d'avoir foi dans cet amour qui peut durer toute une vie. Après tout, s'il a su tout traverser jusqu'à présent, alors je pense qu'il n'y a rien pour en venir à bout. Nous avons toujours un bon moyen de savoir où nous en sommes. Nos dialogues charnels en disent long sur l'état de notre relation. L'impulsion de l'autre soir avait été stoppée net par le réveil de Daniel, nous frustrant tous deux au possible. Une envie stagnante à son plus haut niveau, si bien que Joanne m'avoue avoir été bien obligée d'essayer de l'évacuer elle-même. J'arque un sourcil alors que mes joues s'enflamment. Mon imagination fonctionne toujours à la perfection. « Moi qui pensais que tu supportais mieux l'attente que moi. » Cela avait toujours été le cas. Lorsque nous jouions à faire craquer l'autre, j'étais toujours le perdant. Je me souviens de ce jeu ici même, plusieurs fois. Je ne pouvais pas lui résister, et encore moins lui refuser quoi que ce soit. En réalité, c'est toujours le cas. Mais Joanne ne se risque plus à réclamer désormais. Sauf ce soir. « Tu m'auras tout pour toi toute la nuit si tu le veux. » je lui réponds avec un imperceptible sourire avant de répondre aussi tendrement son baiser, une certaine fougue s'installant petit à petit. Je me demande si je dois m'attendre à une vengeance de sa part pour l'interruption de nos ébats l'autre jour -et l'absence de reprise le jour suivant ou celui d'après. Est-ce qu'elle compte me faire languir comme elle adorait si bien le faire fut en temps ? Pire, est-ce qu'elle oserait me donner envie et m'offrir un avant goût pour mieux me laisser sur ma faim jusqu'à demain ? Non, je pense qu'elle même ne voudrait pas s'imposer pareille cruauté. Néanmoins, lorsqu'elle sourit ainsi, lorsqu'elle me lance ces regards, je m'attends à tout. Je sais que ce sont les rares moments où elle prendra le dessus -et où je la laisserai prendre possession de moi avec plaisir. « Et comment tu palliais à la frustration ? Comme ça ? » je murmure au bord de ses lèvres, tout aussi malicieux qu'elle, alors que ma main glisse le long de ses fesses, sa cuisse, et remonte vers l'intérieur de ses jambes jusqu'à atteindre son intimité. Mes doigts s'y apposent pour lui procurer quelques caresses. Dans la baignoire, je peux seulement deviner ses légers mouvements de bassin qui font mouvoir l'eau chaude et onduler son corps tout contre le mien. Je reste à quelques millimètres de son visage, mon regard dans le sien, aspirant son souffle enivrant. « Peut-être comme ça. » Mes doigts glissent délicatement en elle pour poursuivre leurs caresses. Un contact qui donne aisément envie de plus, bien plus.