Mes mots me semblent maladroits, mes phrases brouillon. J'essaye de ne pas y penser. Tout ce que je souhaite, c'est que Joanne comprenne que mon amour pour elle est intact, il est comme au premier jour. Même si l'apparence change, même si la vie nous bouscule, il est là, aussi fort qu'au début, sinon plus fort encore qu'avant. S'il n'est plus aussi démonstratif qu'avant, si la flamme est plus discrète, cela ne signifie pas que je m'éloigne d'elle. Je ne suis jamais loin. Je rentre tous les soirs à la maison et les attentions ou gestes de tendresse sont plus tempérés, mais cela ne veut pas dire que je me lasse d'elle. Oh non, au contraire, j'ai besoin d'elle et je veux d'elle dans ma vie plus que jamais. Elle me fait sentir chez moi, complet, heureux. Je ne pourrais pas me passer d'elle, jamais. Je me fiche que cela me consume de l'intérieur, que ces sentiments incontrôlables et bien trop forts me rendent fou. J'aime qu'elle grandisse et prenne racine en moi, j'aime être à elle. Elle a fait mourir mes vieilles convictions, tout l'ancien moi dont je ne voulais plus. Et maintenant que j'ai plus que je n'aurais jamais osé rêver avoir, je continue de mourir et renaître au gré de cet amour qui ne cesse jamais de faire vibrer mes os au rythme de mon coeur. « Comme une renaissance, oui. » je murmure avec un léger sourire. Nous avons toujours su renaître, encore et encore. Plus beaux et plus forts, malgré toutes les difficultés du monde qui se sont mises devant notre route. Quand nous nous noyons, nous nous battons pour remonter à la surface. Le regard de ma Joanne brille un peu. Mes mots l'ont touché. Elle y répond avec toute l'éloquence dont elle seule ici sait faire preuve lorsqu'il est question de discours lyriques. Elle parle d'amour toujours bien mieux que moi. Je lui souris toujours un peu, tendrement, continuant de frôler son visage, observant parfois l'éclat de ses yeux bleus ou le mouvement de ses délicieuses lèvres. « Tu sais que je ne vois même pas ces regards. » je lui réponds, attendri par cette possessivité encore si neuve que la jeune femme a bien du mal à la gérer. Lorsqu'elle se transforme en jalousie, il n'y a rien de plus dévastateur. Joanne s'inquiète encore d'Hannah, sûrement. Pourtant, elle n'en a plus rien à craindre. J'ai décidé de l'épouser, et rien ne me détournera de cette décision. « Tu es la plus belle des femmes à mes yeux. » j'ajoute, une main sur sa joue. Elle semble tout droit tomber du ciel. « Et tu seras la plus belle des mariées. » Je laisse ma fiancée déposer l'une de mes mains sur son sein, sa peau palpitante après chaque battement de ce coeur qui m'appartient. Je l'ai gagné, je l'ai fait mien, j'ai gravé mon nom dessus. Tout comme elle s'est approprié le mien. Elle a fait de mes codes charnels les siens. Approchant un peu plus son visage du mien, la tenant bien par la nuque, je prolonge longuement son baiser avec autant de passion. Une douce chaleur émane de mon bas ventre et se diffuse partout dans mon corps. Je me colle un peu plus à elle si cela est possible, et reste au bord de ses lèvres rougies par les baisers. « Pour le moment, tout ce que je veux briser, ce sont toutes les pensées sombres qui traversent ton esprit. Je veux qu'à chaque fois qu'elles t'engloutissent, tu repenses à ce moment et à ce que je t'ai dit. Que tu te rappelles à quel point je t'aime. Quoi qu'il se soit passé, et quoi qu'il arrive, je serais toujours dévoré de l'intérieur par ces sentiments pour toi, à deux doigts de complètement perdre la tête, avec toi pour seul point d'ancrage. » J'ai cessé de réfléchir à ce que je dis. Je me contente de prononcer les mots qui semblent tout droit sortis de ma poitrine, et tant pis s'ils sont maladroits. J'ai mis de côté le contrôle pour ce soir. Mes baisers se déposent au creux du cou de Joanne, ma main sur son sein s'est mise à en caresser le sublime galbe du bout des doigts -je ne saurais même pas dire depuis combien de temps, autant que je ne sais pas quand l'excitation est aussi vite grimpée en flèche, mais tout ce que je veux à cet instant, c'est lui faire l'amour pour finir de tatouer chaque mot prononcé directement dans sa chair, et qu'ils l'imprègnent complètement. J'unis nos corps délicatement. Je profite de ce contact sans bouger pendant un long moment uniquement passé à l'embrasser avec ardeur et à profiter de cette si bonne sensation de plénitude. Et quand les mouvements démarrent, ils demeurent doux, lents, amples. Ainsi je peux garder ses lèves frôlant les miennes, et mon regard noyé dans le sien.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Jamie ne réfléchissait plus vraiment à ce qu'il disait. Il parlait, peu importe la manière dont les phrases étaient formulées. C'était tout ce qu'il avait sur le coeur, tout ce qu'il peinait tant à lui dire, si ce n'est durant leur dialogue charnel. "Pourtant, ils sont bien là, tous ces regards." lui assura-t-elle. "Il suffit que tu lèves les yeux pour en voir une dizaine prêtes à capter ton regard et te convaincre de finir sous leurs draps. Quand elles savent que tu es à moi, parfois, elles me défient, persuadée qu'elles te conviendraient plus que moi." Souvent des mannequin, des actrices, des personnes qui connaissent leur beauté et qui sont sûres d'elles. Les antipodes de la belle blonde. "D'abord, je me sens un peu écrasée. Parfois, ça me donne envie de te faire l'amour que je te l'ai fait ce soir. Et quand tu me regardes comme ça, quand tu m'embrasses sur le front ou que tu me prends tout simplement par la taille, je me dis qu'elles ont peut-être perdu d'avance." Jamie était un divin bout de viande qui devait figurait sur plus d'un tableau de chasse, étant la proie de nombreuses prêtes à tenter à le faire succomber et à le pousser aux vices. "C'est dans ces moments là que j'adore me rappeler ta possessivité." dit-elle avant de lui voler un baiser. Jamie lui assura qu'elle restait la plus belle à ses yeux, qu'elle serait la plus belle des mariées. Son regard était follement amoureux. Cette fois-ci, Joanne le croyait, elle acceptait ses compliments. Elle avait posé la main de sa fiancée sur son sein. Quelques secondes plus tard, il se plut à le palper, à le caresser tendrement, ce qui saccada le rythme respiratoire de sa belle. Son principal objectif était de parvenir à chasser les idées noires de la jeune femme, lui demandant de penser à tout ce qu'il était en train de lui dire à chaque fois qu'elle y songeait. Ca n'allait pas être facile, mais elle se promit d'essayer, elle acquiesça d'un signe de tête. Dans ses mots, Joanne comprenait qu'il n'y avait qu'elle, qu'elle son centre, son unique raison de vivre. Le désir remontant en flèche, Jamie déposa des baisers dans son cou, faisant automatiquement basculer la tête de Joanne sur le côté. Elle laissait filer quelques soupirs de plaisir entre ses lèvres. Fébrile, il ne tarda à venir en elle, lentement, se délectant du moindre contact. Un peu prise par surprise, elle gémit longuement, jusqu'à ce qu'il arrive le plus profondément. Ils restaient ainsi longuement, sans bouger, si ce n'est pour s'embrasser fougueusement. Malgré tout le haut de son corps se mouvait , comme si elle cherchait à se rapprocher de plus en plus de lui. Jamie commençait alors à faire de longs et amples mouvements de rein. C'était tout aussi plaisant que toutes les manières qu'ils avaient de coucher ensemble. Les yeux de Jamie maintenaient en otage ceux de la jeune femme. Elle prit fermement son visage entre ses deux mains pour l'embrasser langoureusement, avant que ses doigts ne viennent s'enfoncer dans la chair de son dos. Elle soufflait son nom entre ses dents de temps en temps. Elle sentait le plaisir monter à grande vitesse, créant cette boule au ventre prête à exploser. Elle détacha ses lèvres des siennes et plongea son regard dans le sien. "Pas sans toi." lui dit-elle entre deux gémissements. S'ils devaient franchir la ligne blanche, ce ne serait pas l'un, ou l'autre, mais les deux, c'était impossible autrement. Tout son corps frémissait et s'était à nouveau recouvert de sueur, s'abandonner totalement à Jamie et le laissant décider quel serait le moment le plus propice selon lui. Ses jambes encerclaient fermement sa taille, la couette qui les recouvrait la faisait mourir de chaud. Mais elle s'en fichait bien, son esprit était totalement focalisé sur Jamie, jusqu'à ce qu'elle se laisse totalement perdre pied et qu'elle atteigne le point de non retour.
« Elles ont perdu d'avance. » je lui confirme, toujours ce sourire tendre aux lèvres, le regard attendri par toutes les préoccupations infondées de ma belle. Il est doux de se savoir aimé, d'avoir de la valeur aux yeux de quelqu'un. Assez pour qu'elle ne me veuille qu'à elle, et qu'elle ne me partage pas même avec de simples regards. Non, je suis sien, je suis son du. Je ne vois pas les autres, et si je les voyais, je les débouterais une à une. Je continuerais de prendre ma fiancée par la taille, de l'embrasser, et elle comprendraient que la place est prise, indétrônable. Si pas même Siede n'a pu rafler la couronne, alors personne ne le peut. Je n'ai qu'une reine, qu'une déesse, et elle se trouve près de moi à cet instant, comme elle l'est toujours. Après tout, même physiquement éloignés l'un de l'autre, Joanne ne quitte jamais vraiment mes pensées. Elle est partout, elle est l'ange qui me protège. Quand elle me manque vraiment trop, après de longues heures passées au travail, cloué à ma chaise de bureau, elle apparaît, comme par magie, Daniel dans les bras, comme si elle sait exactement ce dont j'ai besoin et quand j'en ai besoin. J'ai besoin d'elle, de ma famille, de mes deux amours qui me comblent. Ce soir, j'ai surtout besoin de son amour, son affection sans limites, sa présence tendre, douce, son épiderme chaud contre le mien. Là où je suis vraiment chez moi, là où je suis vraiment moi-même. Comme n'importe qui, j'ai bien des masques, bien des visages, à dégainer selon les circonstances. C'est avec Joanne que je sais qui je suis. C'est dans ces moments là que je sais que je suis tout à elle, et elle, tout à moi. Alors que je fonds en elle, il n'est plus question de savoir qui a le dessus ou non. Il n'y a qu'une symbiose parfaite, deux corps unis, deux souffles qui se mêlent et deux coeurs battant le même rythme. Dans cette cadence, lente et ample, nous pouvons nous dévorer l'un l'autre autant qu'il nous plaît, que ce soit à travers de longs baisers langoureux, ou seulement du regard, avec toujours cette étincelle brillante d'autant d'affection qu'il soit humainement possible d'en donner. Je l'aime tellement, les mots ne seront jamais assez. Entre ses jambes, au plus profond d'elle, je meurs un peu plus. L'amour petit à petit m'oppresse, gagne mes poumons et me fait suffoquer. Il tend et fait trembler mes muscles, mes os, et fait brûler ma peau. Parfois je goûte son cou, ses épaules. Je parcours tout son si frêle et petit corps de mes mains fortes, prenant tantôt sa taille pour amplifier les coups de reins dont la cadence devient de plus en plus soutenue au fil des minutes, tantôt pour caresser sa poitrine qui s'abaisse et se soulève selon le rythme entreprit, soit encore pour prendre son visage et l'attirer vers le mien pour l'embrasser avec une passion démesurée. En peu de temps, Joanne frôle cette limite entre réalité et volupté qu'elle n'avait pas franchie plus tôt. Mais elle me fait comprendre qu'elle ne passera pas la frontière sans moi. J'acquiesce à peine d'un signe de tête pour dire que j'ai compris. Ma petite fleur bleue, romantique jusqu'au bout. Alors j'encourage la jeune femme à passer ses jambes autour de moi, et me serrer autant qu'elle le veut, ou qu'elle le peut. Elle m'attire au plus près d'elle, au plus profond d'elle, là où je lui appartiens tout entier. Je peux sentir son corps se crisper, ses gémissements se multiplier, ses ongles se planter dans la peau de mon dos. Sous la couette, chaque souffle brûlant semble former un peu plus de buée sur les parois de mon crâne, si bien que je ne dissocie plus mes pensées les unes des autres, je perds la tête, je perds pieds, et plus tard, je perds toute volonté de résister. Guidé par Joanne, je la rejoins dans cet orgasme commun. Alors que son dos se courbe, je passe un bras sous son corps pour la serrer de toutes mes forces, et qu'elle n'hésite pas à faire de même. Après un petit moment passé mon front contre le sien, c'est complètement à bout de souffle que je lui donne un dernier baiser avant de me retirer et m'écrouler. Rapidement, Joanne revient se blottir contre moi, malgré le brasier sous le drap, et je la serre fermement contre moi. Je l'embrasse sur le front, essayant de retrouver mon souffle. Le silence demeure. Tout a été dit. Par les mots, par d'autres moyens. Nos coeurs résonnent bien assez fort pour prononcer les derniers mots d'amour, leurs battements pour syllabes. Je tends mon bras pour éteindre la lumière, une fois le calme revenu. La minute suivante, je sombre dans le sommeil.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Ce fut un rayon de soleil qui s'était faufilé entre les deux rideaux qui réveilla la jeune femme. La maison était parfaitement calme. Elle prit son temps pour somnoler, pour rester coller contre le corps bien chaud de son fiancé. Lui, il dormait encore bien profondément, rattrapant des heures de sommeil de la semaine précédente. Déposant de temps en temps quelques doux et délicats baisers sur son torse, Joanne rêvassait, sereine. Elle se sentait bien là, comme s'il n'y avait aucun problème. Tout lui semblait parfait pour des raisons qu'elle ne s'expliquait pas, en ce moment samedi matin. Il n'était pas particulièrement tôt, même Daniel n'était pas réveillé, ce qui était assez surprenant. Lui aussi, avait des heures de sommeil en moins. Ou peut-être qu'il avait déjà compris le principe du weekend. Cette idée fit sourire la jeune femme. Une demi-heure plus tard, la jeune femme finit tout de même par se lever, en enfilant un t-shirt de son fiancé et un sous-vêtement. Elle se dirigea discrètement dans la chambre de son fils, qui dormait encore. "Tel père, tel fils, je suppose." dit-elle tout bas en le regardant d'un air attendri. Joanne le prit tout de même dans ses bras, ayant l'envie qu'il termine sa nuit avec ses parents. Il aura une belle surprise en se réveillant. Elle le laissait dans sa turbulette et le colla à elle, la tête sur l'épaule. Il était totalement imperturbable. Discrètement, elle entra dans la chambre et elle l'allongea entre eux deux. Ils dormaient tous les deux encore profondément. Une photo était à prendre, parce que rien que la position était similaire. Joanne prit son portable posé sur la table de nuit et prit plusieurs clichés, qui allaient certainement faire office de fond d'écran d'ici peu. Puis elle se colla à Daniel, son visage à côté du sien afin qu'elle puisse embrasser sa joue sans avoir à bouger d'un pouce. Elle passa son bras par dessus lui afin pour pouvoir effleur la peau de Jamie. C'était un bonheur assez simple, que d'avoir les deux amours de sa vie tout près de soi. Joanne n'allait certainement pas se rendormir, mais elle se plaisait à fermer les yeux et s'imprégner de leur présence, et de leur sérénité. Un tableau de famille idéale, et pourtant bien réel. A chaque baiser qu'elle faisait à Daniel, celui-ci esquissait un léger sourire. Il était tellement beau, adorable. Il avait déjà beaucoup d'amour à donner et sera toujours prêt à en recevoir. Au bout d'une demi-heure, le petit commençait à émerger, à cause de l'appel du ventre. S'il le pouvait, il aurait certainement prolongé la grasse matinée avec son père. Daniel était ravi d'être en ses deux parents, il agitait ses bras d'excitation. "Bonjour, mon trésor." lui chuchota-t-elle. "Papa dort encore, alors on va faire tout doucement, d'accord ?" Elle embrassa le bout de son nez. Puis elle se redressa légèrement, afin de pouvoir retirer son haut et se réallonger sur le côté afin de pouvoir lui donner le sein. Il but longuement, il prenait surtout son temps, appréciant ce contact. Joanne dut se redresser et s'adosser contre la tête de lit afin de pouvoir lui faire faire téter l'autre sein. Elle lui caressait constamment sa tête et sa joue. Il avait une sacrée faim, se dit-elle. Quelques minutes plus tard, le plus grand des deux hommes commençaient à s'étirer tout doucement. "Bonjour, mon bel Apollon." lui dit-elle tout bas, alors qu'il émergeait encore. Il changea de position, il avait bien du mal à ouvrir les yeux. C'était adorable. Daniel, quant à lui, finissait enfin de faire son gourmand. Il gazouillait de joie. Volontairement, elle l'allongea tout près de Jamie afin qu'il puisse toucher son papa, lui dire bonjour à sa propre manière. Joanne réenfila le t-shirt, et reprit la même position qu'auparavant, tout près de son fils. "Tu crois que Papa sait que tu es là ?" chuchota-t-elle à son fils avec un large sourire.
Ma mère disait autrefois que même les feux d'artifices de la fête nationale ne me réveilleraient pas s'ils explosaient sous la fenêtre de ma chambre, et c'est peut-être vrai. Cela semble l'être depuis toujours d'ailleurs, car lorsqu'il s'agissait de parler de ma tendre enfance, ma génitrice parlait des siestes et des nuits comme de ses seuls moments de répits de ce petit monstre lui servant de fils. Mon sommeil a toujours été rapide, lourd, profond, et sans rêves. Seulement l'obscurité enrobant pendant de longues heures, jusqu'à ce qu'un filet de lumière se distingue à travers mes paupières, donnant le signal du réveil. C'est une longue tractation jusqu'à la réalité. De longues minutes passées à essayer de ne pas sombrer de nouveau et maudire le soleil de venir griller mes iris verts comme deux tranches de bacon de bon matin. J'émerge lentement, un bras couvrant mes yeux pendant les premières minutes, jusqu'à parvenir à ouvrir un œil puis l'autre. La première chose sur laquelle mon regard se pose, c'est le sourire ravi de Daniel qui aurait crié « surprise ! » s'il avait pu. Au lieu de ça, il secoue ses bras, ses jambes, et tape dans ses mains. C'est l'heure, c'est l'heure ; papa est réveillé, la journée commence bien, c'est parti pour des jeux, des découvertes, des bisous, ds câlins à gogo, le tout entre deux siestes bien méritées. Le programme de rêve de tout bébé. « Il ne savait pas. » je réponds à la question de Joanne. Je n'avais même pas deviné ses gazouilles en arrière plan de mon paysage obscur. « Mais il est ravi que ce soit le cas. » On ne fait pas meilleur réveil, sérieusement. Les muscles de mon visage sont encore engourdis, mais je souris bel et bien. Après avoir encore étiré mes bras et frotté mes yeux -geste qui semble amuser Daniel- je m'installe correctement sur le flanc, face à mes deux trésors, et me pencher par dessus le petit pour atteindre sa mère et lui offrir un baiser furtif. « Bonjour, mon amour. » Mon fils a également le droit à quelques baisers, sur ses grosses joues généreuses, et le bout de son adorable petit nez. « Et salut mon bonhomme. C'est le plus adorable des sourires pour se réveiller, ça. » Impossible de le regarder sans se répéter en boucle à quel point il est beau. Impossible de ne pas craquer pour cette paire d'yeux translucides, ses fins cheveux bruns d'une folle douceur, ce sourire de tomber, et surtout, cette affection permanente qui émane de lui. Il n'a pas son ours, mais cela ne semble pas le perturber pour le moment. Qui a besoin d'un doudou quand on peut avoir papa et maman que pour soi au réveil, s'allonger près d'eux, et faire trempette dans ce bain d'amour de bon matin ? C'est fou à quel point il est facile de se perdre complètement dans la contemplation de Daniel, simplement à se dire qu'il est beau, et tenter de réaliser encore qu'il est de nous. Les minutes, les heures passent à une vitesse folle. « Vous savez, Miss Prescott, je trouve que nous formons une bien belle famille. » dis-je au bout d'un moment, un sourire amusé sur les lèvres. L'ange blond, le grand brun, et le parfait petit mélange de ces deux antagonistes en la personne de cet angelot gazouillant. La perfection. « Je suis certain que nous avons de quoi faire jalouser tout le monde. Un superbe couple et le bébé le plus parfait qui soit.» Il y a matière à prendre des clichés par centaines. C'est d'ailleurs le cas de ces deux jeunes parents complètements dingues de leur fils qui ne manquent pas une occasion d'immortaliser sa bouille. « Et je l'espère, d'ailleurs, qu'on nous jalouse. J'aime les regards jaloux. » j'ajoute, mutin, avant de voler un autre baiser à Joanne. Puis je me penche vers Daniel, l'air de lui faire une confiance, mais mes murmures sont bien assez forts pour que Joanne puisse m'entendre ; « Ton père est mesquin parfois. Mais il est surtout si fier de toi. » Comment ne pas l'être ? Jusqu'à présent, Daniel a tout du bébé rêvé. Et puis, tout parent est fier de son enfant -normalement, nous connaissons bien quelques exceptions.
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Parfois, Joanne aimerait être aussi bon dormeur que Jamie. L'avantage d'avoir le sommeil, et c'était bien le seul, c'était qu'elle pouvait entendre Daniel et se réveiller sans soucis. Mais ses difficultés d'endormissement et ses peu d'heures de sommeil allaient finir par lui porter préjudice à un moment ou à un autre. Pour le moment, elle le vivait assez bien. Ecourter ses nuits pour profiter de son fiancé et de son fils lui semblait être un bon compromis. Elle savait que Jamie voulait qu'elle se repose un peu plus. Pour les rares fois où il se réveillait avant elle, il la laissait dormir, soit en la gardant contre lui, soit en allant préparer le petit déjeuner. "Bonjour." lui dit-elle après avoir répondu à son baiser. "Je n'ai pas pu résister. Il dormait encore dans son berceau, je me suis dit que ça lui ferait plaisir de se réveiller ici." dit-elle en regardant son bébé d'un air tendre. Elle récupéra son téléphone portable pour chercher l'une des photos qu'elle avait pris auparavant. "Et j'ai la photo parfaite qui traduit parfaitement l'expression tel père, tel fils. Regarde." dit-elle, en riant. Elle tendit le portable à Jamie pour qu'il puisse regarder. "Mon fiancé et mon fils sont des gros dormeurs." commenta-t-elle. "Qu'est-ce que ça va être à l'adolescence." Cette période où l'on s'isole et où la procrastination devient un maître mot. Peut-être que Daniel ne sera pas de la trempe là. Ils verront bien, ils avaient encore quelques années devant eux. "Il est comment mon sourire alors, si le sien est le plus adorable ?" demanda-t-elle, d'un air faussement offusqué. Jamie contemplait longuement Daniel. Il pouvait faire ça éternellement, et le petit était ravi puisqu'il prenait toute l'attention de son papa. C'était le genre de petite scène attendrissante, où il y avait un contact qui ne se faisait que par le regard. "Je suis d'accord." répondit-elle en riant. Elle caressa tendrement le visage de son bébé. "Au moins un petit frère ou une petite soeur, et ce sera parfait." Au moins un, pour ne pas que Daniel se sente seul, qu'il ait un ami de toujours avec qui jouer. C'était étrange, de se dire que Joanne ressentait un vide du fait de l'apparition inattendue de Daniel dans leur vie. Comme Jamie l'avait dit la veille, c'était arrivé très vite. Mais maintenant qu'ils étaient dans cette lancée familiale, Joanne était plus motivée que jamais à essayer d'en avoir un deuxième. Pas dans l'immédiat, elle voulait laisser le temps à Daniel de grandir, il y avait déjà tellement de choses à faire avec lui. Aussi, elle tenait à ce que la fondation reprenne correctement avant de retomber enceinte. Si tout se passait comme ils le voulaient et que la conception se ferait leur nuit de noces, Joanne avait devant encore quelques mois pour mettre en place des choses qui lui semblaient indispensables et mettre à plat toutes les magouilles du père Keynes. Ce seront deux bonnes choses de fait, le plus gros de son travail actuellement. Elle avait fini par vraiment s'attacher à cette fondation. Beaucoup de galères administratives, mais le jeu en valait la chandelle. Jamie avouait, sans gêne, qu'il adorait les regards jaloux. Joanne les ignorait complètement, lorsqu'il s'agissait d'elle. Elle ne savait pas à quel point il se délectait de l'avoir à son bras et de savourer les regards qui se posaient sur eux, de ces hommes qui se disaient qu'elle était inatteignable. "Juste parfois ?" rétorqua-t-elle en riant joyeusement. "A toutes les soirées, mon trésor. Et peut-être même plus, mais il ne voudra jamais m'en parler." Vu que Daniel commençait à s'agiter, Joanne le sortit de sa turbulette pour qu'il ait un peu plus de liberté dans ses mouvements. Puis il était encore un peu recouvert par la couette de ses parents, il ne risquait pas d'avoir froid. "J'ai largement pris de quoi faire un bon brunch pour aujourd'hui et demain." lui dit-elle. Elle s'était permise de prendre quelques pièces de charcuterie pour elle, aussi. Un bon salaire méritait un bon festin. "Et j'ai prévu de nous faire des gaufres pour le goûter, histoire de rester bien dans la diététique." ajouta-t-elle en riant. "Chantilly, sirop d'érable, Nutella, framboises..." énuméra-t-elle, juste pour lui faire envie. "J'ai hâte de lui faire goûter tout ça, de savoir ce qu'il aimera ou non." Mais ce sera d'abord petits pots et redécoration de la cuisine avant de lui faire goûter ces premières gourmandises. Elle imaginait parfaitement Jamie et Daniel s'amuser avec la purée, étrangement.
En effet, Daniel est ravi. La principale attraction d’un bébé de cet âge reste ses parents, alors forcément, il est absolument ravi d’avoir toute cette attention pour lui. Joanne me tend son téléphone, et me montre le cliché qu’elle a pris de mon fils et moi, dormant profondément, côte à côte, dans une position similaire. Une photo qui me fait bien rire tant elle est attendrissante. Au moins, personne ne pourra nier qu’il s’agit bien de mon fils. Mieux vaut qu’il hérite de mon sommeil que d’autres caractéristiques. « On le réveillera tous les matins pour aller en cours avec des chants écossais. Aucun sommeil ne survit à la cornemuse. » dis-je avec un petit rire. Il y a du vécu là dedans. A Cambirdge, cela faisait partie du bizutage de tous les nouveaux d’être réveillé en fanfare de la sorte pendant toute une semaine. Certains s’amusaient à réitérer l’expérience pendant les périodes d’examen –et se prenaient de sacrées roustes. Faisant mine d’être vexée, la jeune femme fronce son petit nez. Je ris légèrement. « Ton sourire est magnifique. » je lui assure. « Et il a plus de dents. » Assurément. Allongés près de notre petit, il se délecte de notre attention et notre admiration. Il faut dire que nous avons un chef d’oeuvre des plus réussis. Un supplémentaire -voire deux ou trois- ne serait pas de refus. « Tu entends ça Daniel ? Ca te plairait d’avoir une petite sœur ou un petit frère ? Tu accepterais de partager tes parents avec un autre bébé ? » Ca ne serait pas simple au début. Les enfants ont tendance à penser qu’ils ne veulent leurs parents que pour eux et ne sont pas très partageurs de cette affection. Plus tard, ils comprennent que s’ils avaient vraiment été seuls, leur vie aurait été bien plus monotone. Oh pour ma part, je pense qu’être fils unique m'aurait mieux réussi que d'être le second de la fratrie, et pourtant, pour rien au monde je ne tirerai un trait sur les années partagées avec Oliver. Avec son, bagage, son passif, ma vie est, à cet instant, aussi parfaite qu'elle puisse être. Alors je suppose que cela attire la convoitise de ceux qui n'ont pas notre chance. Je ne m'en cache pas, susciter l'envie est un petit plaisir. Ces regards qui ne demandent qu'à vous prendre ce que vous avez entre les mains, furieusement, et ne le pourront pas. Que ce soit notre famille, ma réussite, ma fiancée. Ils m'appartiennent, et même si je ne le secoue pas sous le nez de tous, je me plais à savoir qu'on m’envie. « Je ne vois pas de quoi tu parles. » dis-je, l'air innocent, pas crédible pour un sou. Joanne, prévoyante pour ces week-ends qu'elle attend toujours avec une certaine impatience, a acheté le nécessaire pour bruncher en bonne et due forme. C'est notre truc. Et au goûter, gaufres. « Ca c’est un programme qui me convient à merveille. » D'ailleurs, parler nourriture donne faim. Alors après quelques minutes de plus à traîner dans le lit, jouant à faire l'avion avec Daniel au-dessus de papa et maman, nous nous donnons rendez-vous au rez-de-chaussée pour déjeuner après que je me sois occupé de changer le petit. Je ne l'habille que d'un body avec un petit pantalon, il fait bien assez bon dans la maison. Pour ma part, j'ai enfilé un des t-shirts achetés la première fois à Sydney et un jean qui commence à avoir fait son temps. « Allez zou, petit avion, on descend bruncher ! » Je prends Daniel par la taille et le fait planer jusqu'au salon, bruitage de moteur inclus. Joanne a déjà tout installé sur la table, le bacon et les oeufs cuisent, l'eau est chaude. Autour de la table, nous profitons d'un repas des plus complets. Il est frustrant de ne pas encore pouvoir faire goûter toutes ces choses à notre fils, son petit estomac est encore fragile, mais nous prenons quand même plaisir à l'avoir avec nous à table et lui montrer les aliments, leur forme, leur couleur. Au milieu du brunch, mon portable se met à vibrer dans ma poche. Je le sors le temps d'inspecter le contact inscrit en toutes lettres sur l'écran. Froncant les sourcils, je refuse l'appel. « Rien d’important. » dis-je en haussant les épaules. J'en profite pour éteindre l'appareil. J'ai le pressentiment que cela ne sera pas le seul appel de la journée sinon. « Voilà, c’est mieux. » La suite du brunch se déroule dans une ambiance des plus légères. Nous prendrons le tempq de digérer un peu avant de monter à l'atelier débuter le tableau dont nous avons parlé hier soir. J'aide Joanne à débarrasser la table. En lavant mes mains, je lui envoie quelques gouttes sur le visage, l'air de rien, et cela me donne une idée. Alors j'attrape un verre, mélange eau, savon et un peu de sucre bien dilué, ainsi qu'une paille. « Daniel, regardes ça. » dis-je en m’installant devant lui. Je plonge légèrement l’extrémité de la paille dans le verre d’eau savonneuse, puis souffle dedans pour former une bien belle bulle qui se met à flotter devant le nez du petit. Il écarquille de grands yeux étonnés par cette étrange forme qui vole, transparente, mais pas tout à fait, qui est un peu là sans l’être. Il est scotché au fond de son transat, captivé. Et quand je fais exploser la bulle du bout du doigt, il sursaute légèrement avec un petit sourire. Disparue. A la bulle suivante, il sourit largement, tout émerveillé par les couleurs qui brillent sur la surface savonneuse. Son regard n’en décolle pas une seconde. Et cette fois, quand la bulle explose, il rit. Encore ! Cette fois, il tend ses petits bras et gigote ses doigts, souhaitant toucher la bulle. Elle explose au moindre contact avec sa peau, et cela l’amuse tout autant.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Dur pour l'aîné d'avoir de l'attention une fois que le petit frère ou la petite soeur est né. Il y toujours cette période de très grande jalousie, quand on voit que les bras des parents sont toujours occupés. Alors lui aussi voudra être porté et dorloter. Avoir plus d'amour de ses parents que ce petit être. Surtout dans une famille qui n'aimait pas partager à la base. Mais les liens se feront, et ils finiront plus soudés que jamais. Personne ne manquera d'amour par ici, pas sous le toit des Prescott-Keynes, du moins. Ils avaient des grand-parents en or et une immense famille prête à les gâter pour n'importe quelle circonstance. Une famille des plus réussies, il y avait de quoi en être jaloux. Jamie adorait ce genre de regards, être celui qui était adoré et envié pour tout ce dont il possédait. Une femme aussi aimante que magnifique, un enfant en bonne santé, une fortune démesurée, une maison de rêve. Il y avait là tous les traits pour que l'on désire tout ce dont possédait cette famille. Il y avait toujours des tracas, des petits soucis ça et là, mais les fondations étaient bien posées et elles deviendraient en acier le jour de leur mariage. Peut-être était-ce déjà le cas. Jamie prit Daniel avec lui pour le changer et l'habiller. Joanne se leva, enfila une robe avec son gilet sur les épaules avant de descendre au rez-de-chaussée et de préparer tout le nécessaire pour ce brunch. Il y avait de quoi nourrir tout un régiment, et il y avait beaucoup de choix. Jamie installa le petit dans le transat et ils purent commencer à manger. Le bébé s'amusait avec les quelques jouets qu'on lui avait donné. Il n'y avait que son doudou qu'il gardait près de lui. Ezra serait touché de savoir qu'il avait jeté son dévolu sur ce petit lapin. "Tu es sûr ?" demanda-t-elle, soucieuse, alors que Jamie éteignait son portable. Au début de leur relation, il travaillait aussi le weekend, il répondait toujours présent lorsqu'on faisait appel à lui. A la fin du brunch, ils débarrassèrent ensemble la table et Jamie eut soudainement une idée. Montrer des bulles à Daniel. Ses grands yeux curieux s'écarquillaient devant ces étranges sphères qui flottaient dans l'air. Quand le deuxième bulle éclata, il commença à rire, pareil pour la suivante. "Tu as vu ça, mon trésor ? Papa est un magicien, tu ne crois pas ?" dit-elle en le prenant dans ses bras. Désormais à sa hauteur, Jamie se redressa pour continuer son activité. Le petit était passionné par ce qu'il voyait. "On te prendra une machine à bulles pour tes un an. Je pense que les chiens l'adoreront tout autant que toi." lui dit-elle avec un sourire, et en embrassant Daniel. "Et je pense que Papa adorera aussi s'amuser avec, le connaissant." ajouta-t-elle en riant et en lançant un regard complice à son fiancé. Joanne gardait précieusement cette idée de cadeaux pour les un an de son garçon. Ou peut-être pour Noël. Il valait mieux les garder en tête, parce que bon nombre de personnes viendront vers les parents avec cette question mythique qu'est "Que peut-on offrir à Daniel pour Noël/son anniversaire ?" Autant avoir des idées à revendre. Elle confia le petit à Jamie. "Papa va te montrer où il adore peindre. Je pense que tu vas aimer y être." Elle embrassa tendrement Jamie. "J'arrive, je prépare juste un biberon au cas où, et je lui monte tout ce dont il pourrait avoir besoin." Ca leur permettrait d'avoir à nouveau à eux deux. Une fois qu'ils grimpaient l'escalier, Joanne préparait tout ce qu'il fallait pour son fils. Autant épargner de nombreux aller-retours jusqu'au rez-de-chaussée. Elle mit le tout dans un cabas, avec des jouets, son tapis de jeu avec le mobile. Dans l'autre main, son transat. Elle finit par les rejoindre sous les combles. "Alors, les lieux lui conviennent ?" demanda-t-elle un peu essoufflée en déposant toutes les affaires par terre. "Tu le laisseras monter là s'il devient aussi un grand artiste ?"
Le téléphone disparaissant dans ma poche, l’air de bien, j’acquiesce d’un signe de tête à l’intention de Joanne ; oui, c’est sûr, l’appel n’était rien d’important. Rien qui vaille la peine d’interrompre le week-end, encore moins de le gâcher. Et je ne tiens pas à être joignable toute la journée, je préfère être clair en éteignant l’appareil. Toute intrusion extérieure attendra lundi matin, mon temps ici est précieux, sacré. De toute manière, aujourd’hui, je compte peindre ma belle pendant des heures, ainsi que m’occuper de mon fils, et mon téléphone aurait de toute manière été inutile. Le temps passe bien trop vite lorsque nous sommes tous les trois, en train de jouer, pour prendre le risque d’être interrompus. Comme n’importe quel bébé, Daniel est fasciné par les bulles de savon. Ce doit être un drôle de concept pour un petit qui apprend tout juste les couleurs et les formes ; cette chose ne peut pas être touchée, mais elle est là, on voit à travers, mais ça existe bien. Il en rit, de ces bulles qui éclatent au moindre contact. Oui, c’est de la magie à ses yeux, vu son émerveillement. Il ne cesse d’en demander encore et encore. Alors Joanne a l’idée de lui offrir une machine à bulles, un jour. Pour son anniversaire, qui ne sera pas avant longtemps, ou Noël, un peu plus proche. J’imagine déjà les chiens essayer de mordre les bulles et sautiller dans tous les sens. Je ris nerveusement ; oui, cela risque de bien me plaire aussi. « C’est loin d’être une mauvaise idée. » dis-je en la notant dans un coin de ma tête. Je n’avais jamais vraiment pensé à ce qu’un bébé peut vouloir comme cadeaux avant d’avoir l’âge de savoir lui-même ce qu’il souhaite. Je hausse les épaules « Je n’en sais rien, ce n’est pas comme s’il avait besoin de grand-chose ou s’il allait s’en souvenir. » Plus de jouets ? Oui, sans doute, mais c’est une chose évidente. Je fais un rapide inventaire de ce que les petits aiment faire pour développer leurs sens et leur motricité à cet âge. « …un tricycle, peut-être ? » A un an, nous pourrons commencer à lui apprendre à pédaler. Il fera des courses dans la maison, dans le jardin. « Ou un costume de koala ! » j’ajoute avec un petit rire en voyant Daniel bien accroché à sa mère. J’ose à peine l’imaginer avec des petites oreilles grises sur la tête et une combinaison en poils tout doux tant cela doit être adorable. Joanne propose que nous montions à l’atelier ; de son côté, elle préparera le nécessaire afin de ne pas avoir à quitter l’étage de la journée. J’acquiesce, prend mon fils dans mes bras et grimpe les escaliers avec lui. Tout en haut, il découvre pour la première fois cette grande pièce qui baigne dans la lumière du jour, l’immense baie vitrée, les grandes armoires et étagères pleines de matériel, les tableaux vierges et peints qui s’entassent un peu partout. Je lui fais faire un petit tour du propriétaire, mais la vue sur le ciel capte à chaque fois toute son attention. Son regard se pose parfois sur les toiles. C’est stupéfiant à quel point on décèle sur son visage ce qui lui plaît de ce qui l’intrigue ou ne lui plaît pas. Joanne nous rejoins, les bras bien chargés. Elle déploie le tapis de jeu par terre pour Daniel, je lui indique plus exactement où tout disposer. « Je développe son esprit critique en admirant le travail de papa. Regarde. » dis-je à la jeune femme. Je montre une première peinture à Daniel qui sourit largement, il y a plein de couleurs et de joie alors cela lui plaît. Puis une autre, et celle-là lui fait hausser un sourcil d’une manière si expressive que c’en est à mourir de rire. « Futur critique d’art, ce petit. » Et s’il se met à jouer les artistes à son tour ? « Je pourrais peut-être lui aménager un petit coin, oui. Avec un mini-chevalet. T’en dis quoi Daniel ? » dis-je en tapotant le bout de son nez. Après quelques pas supplémentaires dans la pièce, je le dépose sur son tapis en la compagnie de son doudou. « Sois sage. » je murmure en l’embrassant sur le front. J’approche ensuite de Joanne et l’embrasse tendrement avant de m’occuper de préparer mon matériel. Attrapant un pot de pinceaux, une palette, je lui lance pendant que je sélectionne les couleurs ; « Tu peux garder tes sous-vêtements si tu préfères, ça serait peut-être même préférable. Histoire que tu sois à l’aise. Il faut juste que tu attaches tes cheveux, assez relevés, que je puisse avoir le plaisir de peindre ce joli cou et cette belle courbe de mâchoire. » La composition de la dernière fois était bleue, sous la lune. Cette fois, elle sera aux teintes plus chaudes, dorées et rouges. « Nous allons faire simple, tu auras juste besoin d'être assise, histoire que ça ne soit pas contraignant pour toi de poser ou pour t’occuper de Daniel si besoin. » Ainsi, si elle bouge, ce n’est pas grave. Elle retrouvera rapidement la position, ou je pourrai poursuivre de tête. L’idée que je m’en fais ne devrait pas demander trop longtemps, peut-être trois heures. Du moins, cela sera plus long pour elle que pour moi.
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Joanne ne voulait pas que Daniel devienne un pourri-gâté. Elle le rappelait déjà quotidiennement à ses parents, qui venaient toujours avec une babiole, ou un vêtement. Il fallait se limiter aux fêtes, et ne pas essayer d'en abuser en dehors. Mais c'était bien dur de convaincre ce beau monde, pour qui Daniel était le plus beau et le plus adorable de tous. Ils n'avaient pas faux. Mais il avait déjà tellement de choses pour ses quelques mois, pas évident de modérer tous les apports. Mais la famille avait certainement compris le message. Bien sûr, ça faisait plaisir à n'importe qui de lui offrir un cadeau, c'était aussi le cas pour Joanne. Elle rit joyeusement à l'idée de costume de koala. Il serait tout bonnement adorable dans un tel accoutrement, ça ferait craquer n'importe qui. Jamie prit le petit pour l'emmener à l'étage le plus haut, elle les rejoignit quelques minutes plus tard. Daniel était déjà si expressif du regard, selon ce qu'il voyait. Jamie le lui montra en, en laissant leur fils observer quelques oeuvres de son père. La jeune femme éclata de rire devant sa tête dubitative. "Ou peut-être un futur conservateur, qui sait." Qu'importe le métier qu'il choisisse, le couple aidera le petit à trouver sa voie et lui donner tous les moyens pour qu'il s'en sorte. "Tu feras ce qu'il te plaira, mon ange." lui dit-elle tout bas en embrassant Daniel sur la joue. Le bel homme l'installa ensuite sur son tapis, en compagnie de son doudou. Il commença à choisir les couleurs qu'il allait utilisé ainsi que tout le matériel dont il avait besoin. Joanne s'approcha de lui et l'embrassa dans le cou. "Tu avais bien d'autres idées en tête, la nuit dernière." lui dit-elle tout bas avec un regard malicieux. "Mais nous l'avions convenu hier soir, c'est toi aux commandes aujourd'hui." ajouta-t-elle avant de l'embrasser longuement. Elle l'aimait tellement, c'était à peine pensable. Joanne piqua ensuite un élastique en caoutchouc qui traînait dans son matériel, et attacha ses cheveux bien en hauteur, en un chignon décoiffé. "Ca vous va, comme ça ?"dit-elle en se dirigeant vers le canapé. Joanne s'installa sur l'un des côtés, s'appuyant légèrement sur l'accoudoir et croisant les jambes. En somme, une position pas très compliquée à refaire si jamais elle devait venir auprès de Daniel. L'expression de son visage était simple, relativement neutre. Le sourire qu'elle avait était très discret. C'était étrange, l'aise qu'elle avait acquise à l'idée de poser pour lui. Peut-être qu'entièrement dénudée, ce serait un peu plus compliqué. Mais là, elle se sentait bien. "C'est quoi, l'idée que tu as en tête, cette fois-ci ?" lui demanda-t-elle alors qu'il enfilait ses lunettes. Sa tenue de peintre la faisait toujours craquer. Il commençait alors à crayonner sur la toile, alternant son regard sur celle-ci ou sur sa muse. Il prenait parfois son temps, il ne voulait oublier aucun détail. Elle se demandait sur quoi il se penchait le plus, ce qui lui plaisait le plus lorsqu'il la dessinait, et lorsqu'il la peignait. Ca leur permettait de discuter de tout et de rien tout en peignant. "Que fais-tu, de tout ce que tu fais sur moi ? Tu les gardes jalousement ?" dit-elle avec un petit sourire malicieux. Parfois, Jamie prenait un peu de temps pour répondre, concentré sur un trait ou un point en particulier. De temps en temps, son regard bleu passait par-dessus ses épaules pour veiller sur leur garçon, qui s'occupait un peu avec le mobile. Il n'y avait jamais son doudou qui était bien loin. Sa présence le rassurait. Il allait certainement par finir par s'endormir avec, il faisait toujours la sieste matinal, et l'acceptait volontiers. Joanne adorait passer ce genre de weekend avec les deux hommes de sa vie. Sans soirée de prévu, ou d'impératifs. Juste la liberté de faire ce qu'ils voulaient, quand ils le voulaient.
La nuit dernière, j’avais songé à faire poser Joanne nue. Et c’est une volonté que j’appliquerai un jour, pour sûr. Quand j’aurai repris un peu plus confiance en mon coup de pinceau, laissé à l’abandon depuis des mois. J’ai envie de faire simple et sans superficialité, quelque chose qui sera forcément réussi, je le sais. « J’appliquerai ce genre d’idées une prochaine fois, je sais assez précisément ce que je veux faire. » Le nu attendra peut-être un jour où nous serons seuls. La jeune femme sera ainsi plus à l’aise. Et nous n’aurons pas à nous soucier de Daniel. Le petit, sage, est déjà absorbé par ses jeux avec son doudou, et la grande conversation qu’il a entrepris avec son compagnon rembourré en coton. Comme demandé, ma fiancée attrape un élastique pour attacher ses cheveux en un chignon lâche qui laisse dépasser négligemment quelques mèches par-ci par-là, mais lui donnent un air adorable. Je souris en coin en la regardant. « Impeccable. » Comme si de rien n’était, Joanne file s’installer sur le canapé. Mais avant qu’elle prenne place, je l’interpelle et l’arrête. « La robe, ma Lady. » Non, même si je lui ai laissé le droit de garder ses sous-vêtements, il n’est pas question qu’elle pose toute habillée. Mon regard est à la fois insistant et malicieux. Cela serait tout de suite bien moins drôle si elle restait ainsi cachée dans sa robe. J’approche d’elle pour prendre les choses en main. « Attends, laisses-moi faire. » Délicatement, je fais glisser la fermeture éclair de sa robe le long de son dos et dépose un baiser sur son épaule avant de la lui retirer. Ensuite, je l’installe dans le vieux canapé. Une jambe repliée sur l’assise, le corps de trois-quarts vers la droite assez cambré pour former une jolie courbe ; je dépose son coude droit sur le dossier, replié, la main venant frôler son cou ; sa tête est tournée vers l’autre côté, de manière à sublimer sa mâchoire, et ainsi, son regard peut plus facilement se porter sur Daniel. Bien en position, je peux retourner de l’autre côté du chevalet. Je troque d’abord mon t-shirt contre ma chemise déjà pleine de peinture et enfile mes lunettes sur mon nez. « Tu le sauras quand j’aurai terminé. » je réponds malicieusement à Joanne en m’asseyant sur mon tabouret. Une fois le crayon en main, j’essaye de faire abstraction des petits bruits de Daniel pour m’efforcer de ne pas rater cette toile. Pour le moment, ce ne sont que des courbes qui sont tracées, les grands axes. Et petit à petit, le squelette de la silhouette se forme. Rien de précis encore. « C’est à peu près ça. Les tableaux sont dans l’armoire, là-bas, avec les autres auxquels je tiens. Les croquis sont un peu partout sur les étagères, dans des carnets. » Autant dire que tout ceci n’est pas à la portée du regard de tout le monde –encore faut-il oser mettre un pied ici. Nyx est la seule à avoir vu mes peintures de Joanne. « Ce sont les seules choses que je n’exposerai pas. » Alors oui, dans un sens, je garde tout jalousement pour moi. Le croquis de base terminé, je me mure dans le silence le temps de faire mes essais de couleur, ajustant les teintes les unes avec les autres, en appliquant une toute petite touche sur la toile, corrigeant, jusqu’à obtenir le coloris voulu. Enfin, après le plus large des pinceaux, j’applique les grands aplats qui serviront de base à détailler. La lumière est très dorée, le canapé plus rouge qu’en réalité, la peau de Joanne toujours aussi pâle, et ses cheveux légèrement ambrés. « Je ne comprends pas tous ceux qui peignent à partir de photo. C’est si… facile, et vide. » Et c’est sûrement la raison pour laquelle il y a peu de peintres contemporains notables en matière de représentation humaine. Pas que je me pense mieux que qui que ce soit, mais je crois que pour réellement capturer l’essence d’une personne dans un portrait, il est nécessaire de passer des heures avec celle-ci. « Je préfère que tu sois là. Je ne fais pas poser qui que ce soit d’autre, mais si c’était le cas, je les ferais aussi rester. Ca pousse à aller à l’essentiel, être efficace. Et pour aller vite, il ne faut pas trop réfléchir ou calculer, alors tout est un peu plus brut. » Les détails peuvent être ajoutés plus tard, sans le modèle, mais l’essentiel doit être là, fidèle à l’instant. C’est une philosophie sûrement un peu impressionniste, ce besoin d’être en contact avec l’objet de l’inspiration. « Je parle beaucoup pour quelqu’un qui n’est pas censé réfléchir à cet instant. » dis-je avec un petit rire nerveux, retournant à mon travail.
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Jamie comptait bien peindre Joanne entièrement dévêtue, mais ce ne sera pas pour ce jour. Elle trouvait ça impressionnait, qu'il parvienne à puiser son inspiration à partir d'une seule et même personne, qu'il ne se lasse pas que son modèle soit toujours le même. Une véritable muse. Beaucoup de peintres et de photographes adoreraient avoir Joanne comme modèle, à n'en pas douter. Si les créateurs se l'arrachaient, ça n'allait plus tarder une fois qu'elle serait seule face au grand public, lors d'une soirée de gala organisée juste pour elle. Elle ne savait pas trop quoi s'attendre de cet événements, mais il y avait déjà quelques éléments qui la rendaient nerveuse, comme le fait de préparer un discours. Elle n'avait jamais fait ce genre de d'exercice, et ce ne sera certainement pas le dernier. Prête à poser, Joanne comptait s'installa sur le canapé mais son fiancé l'interpella. Il ne voulait pas qu'elle soit nue, mais il ne la voulait pas totalement habillée non plus. "C'est bien quelque chose dont tu ne te lasseras jamais, pas vrai ? D'être le seul à pouvoir m'enlever à chaque fois ma robe." dit-elle tout bas, d'une voix suave. Il tenait tellement à la déshabiller à chaque fois, pas à ce qu'elle le fasse elle-même. Comme lorsque l'on ouvrait un cadeau. Juste pour lui. Elle se laissa guider et s'installa comme le peintre le voulait. Changé et sur son tabouret, Jamie commençait à tracer les grands traits de la silhouette de la jeune femme. "Tu ne veux pas que quelqu'un d'autre puisse m'imaginer à côté de lui avec pour seul vêtement un drap blanc ?" lança-t-elle avec un léger sourire. Il y en aurait pourtant beaucoup, des regards jaloux, des désirs qui ne seront jamais assouvis. Juste un tableau représentant un idéal. Un rêve. Jamie devint longuement silencieux, et essayer des mélanges de couleurs, et faire des réajustements. Temps muet que Joanne respectait. Daniel avait fini par s'endormir sur le tapis de jeux. Pendant qu'il finissait de s'occuper de ses couleurs, Joanne se leva pour mettre son fils dans le transat -bien plus confortable-, et lui mit la petite couverture qu'elle avait monté avec tout le reste pour être sûr qu'il n'attrape pas froid. Oh oui, c'était un gros dormeur. Elle se réinstalla sur le canapé, avec la même pose. Jamie disait ne pas comprendre ceux qui se basait sur une photo pour peindre. "Peut-être que ces peintres là ne conçoivent pas leurs oeuvres comme tu le fais avec les tiennes. C'est assez surprenant de connaître les objectifs et intentions de chacun. De savoir ce qu'ils recherchent par leur peinture." Elle avait vu de nombreuses collections défiler, et à chaque fois, les motivations étaient différentes. Jamie préférait avoir sa muse juste devant lui, pour y puiser ce dont il avait besoin pour l'enfermer dans sa toile. "Tu voudrais que d'autres posent pour toi ?" demanda-t-elle, curieuse. Il avait peut-être rencontré d'autres personnes qui l'inspiraient, dès le premier regard. Elle n'était pas une artiste, mais elle se disait que ça devait certainement arriver parfois. Il reconnaissait qu'il parlait beaucoup pour quelqu'un qui était sensé se vider la tête. Joanne rit. "Alors, arrête de réfléchir." lui dit-elle doucement, en croisant son beau regard vers, à travers sa paire de lunettes. Ses yeux revinrent ensuite sur la toile, et elle le laissait se concentrer sur ce qu'il comptait faire. Joanne le trouvait particulièrement beau, lorsqu'il peignait. La façon dont il se concentrait, dont il se vouait corps et âme à une toile afin de retranscrire l'image qu'il avait en tête, la manière dont il percevait sa fiancé. Regarder une oeuvre, c'est regarder à travers les yeux de quelqu'un d'autre. Jamie la sublimait toujours de trop, pour elle. Le tableau avec le tissu blanc était magnifique, personne ne pouvait dire le contraire. Ce fut à ce moment là que Joanne comprit l'importance de l'adoration qu'il avait pour elle. Sur cette toile, elle avait un côté céleste, angélique, divin. Bien au-delà du simple humain. Elle se demandait bien de quelle manière il comptait la percevoir cette fois-ci, n'osant pas trop le perturber dans sa tâche.
C'est vrai, déshabiller Joanne est un peu comme ouvrir un cadeau. Mes gestes sont toujours délicats, soignés, comme si je pouvais froisser le papier ou abîmer ce qu'il contient. Un cadeau si précieux. Elle a la peau si douce, c'est à se damner. Je pourrais passer des heures à la frôler du bout des doigts. Ou la goûter de temps en temps. Quand je l'embrasse sur l'épaule, j’hume également son parfum. Pas de marque, pas de nom beaudelairien pour une fragance de chère, seulement son odeur à elle, naturellement sucrée et florale. L'odeur de celle que j'aime, et qui m'aime, l'odeur qui rend heureux et fait sentir chez soi. Alors oui, j'aime la déshabiller avec cette application. Qu'elle se sente précieuse et choyée. Peut-être plus comme un trésor. “ C'est un privilège dont j'aime profiter.” je murmure tout bas alors que je la laisse en sous-vêtements. Le choix de la lingerie importe peu. Si le haut et le bas sont dépareillés, s'ils ne sont pas neufs ni chics. Pour cette fois, je m'en fiche, ce n'est pas le plus important. J'ai envie d'une version naturelle de Joanne, sans artifices. La dernière fois, j'ai peins la jeune femme sensuelle, montrant à peine les premiers signes de sa grossesse, et donc, de sa pleine féminité. Une femme comblée et se sachant aimée. Cette fois, je veux capter une autre facette d'elle. Mais ni l'un ni l'autre n'arrivera devant les yeux du public. “ Je ne sais pas si on peut mettre ça sur le compte de la jalousie. C'est juste… Je ne sais pas, je préfère les garder pour moi. Ils sont trop personnels.” dis-je en haussant les épaules. C'est mon amour sur elle qui est posé sur la toile, c'est mon adoration. C'est à la fois une force et une faiblesse. C'est celle qui a réussi à découvrir et dévoiler qui je suis. Elle est plus que ces émotions que je peins d'habitude. Elle trop ancrée en moi. La donne à voir reviendrait vraiment à laisser la porte entrouverte sur mon âme. Je me demande, de nos jours, combien d'artistes peuvent décrire une telle résonnance, une sorte de symbiose entre eux et leurs oeuvres. Trop peu. “La plupart ne veulent que faire parler d'eux. Ou alors, ils se contentent de faire du beau, de ce que j'en vois.” Du beau pour faire du beau. De l'esthétique pure qui aurait ravit Wilde, mais qui m'irrite au plus haut point. Ils y a ceux qui croient que l'art est juste beau, et les autres. Peindre est un tel exutoire pour moi que je ne peux pas comprendre ceux qui ne cherchent que le plaisir des yeux. Mais ma passion est pleine de paradoxes. J'ai toujours préféré les tableaux figuratifs, pourtant les miens ne représentent que des sentiments. Les portraits sont rares, très rares. Je ne sais pas si c'est ce qu'il me plairait de faire un peu plus. “Pourquoi pas. Je n'y ai jamais vraiment songé.” Mais je dois arrêter de penser. Ordre de la jeune femme. “Yes, my Lady.” dis-je avec un petit rire, et une micro-révérence. Alors je me tais, je me mure complètement dans le silence, et cette concentration dure au moins une heure. Appliqué, et sûrement trop perfectionniste lorsqu'il s'agit de ma fiancée, je tiens à reproduire ses courbes avec une fidélité photographique. En travaillant celle de ses hanches et de son dos, je ne peux pas m'empêcher de me mordiller un peu la lèvre. Elle est si belle. Et même lorsqu'elle ne le veut pas, elle reste sensuelle. Mais à cet instant, elle est surtout gracieuse. Elle a un port de tête princier, magnifique. Je me dis que sa reproduction en peinture est assez fidèle lorsque je me dis que je pourrais même l’embrasser sur la toile tant elle donne envie d'y goûter. Son petit sourire demeure. Il suffit qu'elle pose une seconde ses yeux sur Daniel qui dort, et il illumine tout son visage. Mais comme toujours, elle demeure pensive. On devine la tempête sous ces mèches blondes, des pensées qui valsent ensemble. Je me demande à quoi elle pense, mais je ne le demande pas. Ce mystère doit faire partie du tableau, si je l’élucide, cela m’influencera. Je veux la Joanne rêveuse et tendre, encore un brin pudique, timide et peu sûre d'elle. “Tu me laisserais faire poser d'autres personnes? D’autres femmes?” je demande au bout d'un moment, occupé à créer un motif répétitif imaginaire sur le canapé. J'en doute. Ou plutôt, je pense qu'elle me laisserait faire si j'y tenais, mais elle le vivrait bien trop mal pour que j'accepte de lui en demander autant. De toute manière, je préfère la dessiner elle sous tous les angles.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Les sous-vêtements de Joanne étaient assez classiques, mais pas dépareillé. Surtout depuis qu'elle était avec Jamie, on peut rapidement demander pourquoi. Et pour aller au bout de la simplicité, ils étaient blancs, unis. Rien de scandaleux ou de séduisant, de romantique ou d'extravagant. Quand elle pensait que Jamie avait constamment ses yeux rivés sur elle, elle avait parfois un petit élan de nervosité, faisant sensiblement accélérer son coeur. Il aura beau la connaître par coeur, elle aura éternellement ce brin de pudeur en elle. Mais Jamie parvenait à refaire tomber les barrières à chaque fois, avec des moyens qu'il maîtrisait à la perfection. Il n'était pas contre l'idée que quelqu'un d'autre puisse poser pour elle. Des femmes qu'ils connaissaient bien tous les deux lui vinrent immédiatement en tête. C'était plus fort qu'elle, mais ça n'allait pas la ronger pour autant. L'idée en soi lui donnait des haut-le-coeurs sur le moment, ce n'était pas très agréable. Le silence régnait dans la pièce pendant une bonne heure, l'artiste étant particulièrement concentré sur son oeuvre. Joanne, quant à elle, jetait parfois un oeil sur son fils, qui dormait paisiblement, ou sur son amant, qui avait les yeux fixés sur sa toile. Elle appréciait le calme de l'instant, on entendait presque les mouches voler. Jamie finit par briser le silence en lui posant une question qui la mettait mal à l'aise. Elle bégaya longuement avant de pouvoir répondre quelque chose. "Est-ce que mon avis compte vraiment ?" demanda-t-elle, avec un sourire tendre. "Tu es suffisamment têtu pour savoir ce que tu veux et faire ce que tu veux." Et une détermination sans pareil pour avoir ce qu'il voulait. Ca avait ses bons et ses mauvais côtés. Joanne réfléchit un moment avant d'accepter de lui répondre. "Je... J'avoue que je ne me sentirais pas très bien de savoir qu'il existe une autre femme qui t'inspire au point de vouloir retranscrire sa beauté sur une toile." Elle hésitait à continuer dire ce qu'elle pensait. Mais elle se souvint qu'ils s'étaient promis de se parler plus l'un à l'autre. Même si ce n'était que des répétitions ou des idées noires, le tout devait être évacuer par tous les moyens possibles. Ce n'était qu'une petite pensée parmi tant d'autres dans la tête de la jeune femme. "En faisant abstraction de ce dont on a parlé hier soir, de cette méfiance, il y a ce lien indéfectible entre nous deux. Nous avons bien vu que toutes les forces de la nature peuvent continuer d'essayer de s'acharner sur nous, ça ne marchera pas." Ses yeux regardèrent au travers de la grande baie vitrée. "Mais il y en aura toujours qui essaieront de rogner ce lien, de tenter de le faire rompre. Une femme qui t'inspire au point de vouloir la peindre est une femme qui a une ouverture vers ton âme. Minuscule, certes, mais elle est bien là." C'était ainsi qu'elle percevait les choses. Il en avait déjà bien assez, des petites ouvertures auxquelles certaines avaient pu avoir accès, et en profiter largement. Jamie se laissait faire aussi. Mais il suffisait que l'on y pose sa graine et que le poison s'injecte et se propage pour qu'il y ait un véritablement changement de situation. "Et cette ouverture s'agrandirait vite, malgré toi. Jusqu'à ce que tu aies une véritable révélation sur un trait de son visage, la couleur de ses yeux, les sensations qu'elle dégage ou n'importe quel détail insignifiant." Selon Joanne, il pourrait se faire avoir sans qu'il ne l'ait désiré. Son récit était quelque peu mélancolique. "On finirait par aimer son tout." L'art servait à mettre en valeur, à sublimer. Il pourrait finir par aimer ces traits qu'il sublimait, ces yeux qu'il mettait en valeur. "Si c'est ce dont tu désires le plus, ce qui t'inspire le plus, je te laisserai faire. Puisque ce serait la chose qui te rendrait heureux sur le moment. Mais je..." Sa voix s'affaiblit, jusqu'à ce qu'elle se taise. Ne pas bien le vivre était une expression bien faible pour qualifier son ressenti le jour où ça arriverait. Jamie oublierait peut-être cette conversation et le moment venu, Joanne fera la chose qu'elle savait parfaitement faire : se murer dans son silence. Elle s'isolerait avec Daniel, avec qui elle entretenait une relation symbiotique, très fusionnel. Et elle n'en dirait rien. Joanne finit par lui sourire, sincèrement. "J'ai dit à ma grand-mère que tu peignais, que je posais parfois pour toi. Elle adorerait avoir un tableau de toi chez elle."
Je ne suis pas mécontent que Daniel soit en train de dormir. Ainsi, il ne fait aucun bruit, si ce n'est un hoquet ou un gazouillis inconscient de temps en temps. Il rêve paisiblement, peut-être de bulles de savon au fond de son transat, toujours aussi adorable. Je peux entièrement me concentrer sur mon tableau. Furtivement, mon regard passe de la toile à Joanne, régulièrement. Hors de question de rater le moindre détail. Je ne me pardonnerais pas le moindre trait qui ne soit pas fidèle à l'original. Ce serait pire que tout si elle n'aimait pas le résultat. Pourtant, il y a des chances qu'elle trouve le portrait peu flatteur. Je ne cherche pas à la sublimer, je n'en fais pas une vision divine cette fois-ci. Je peins seulement Joanne, dans toute sa simplicité et son authenticité, sans même une robe pour la cacher -juste de quoi éviter la vulgarité. C'est une autre facette d'elle, plus commune, quotidienne, et c'est ce que je cherche aujourd'hui. Qu'on puisse voir ce tableau et savoir un peu plus qui elle est, et l'aimer telle quelle. En une heure de silence, j'ai bien avancé. Le décor est parfaitement en place. Lui, en revanche, n'est pas spécialement fidèle à la réalité, mais ce n'est vraiment pas le plus important. Mon regard se pose sur la jeune femme déstabilisée par ma question. Je lui souris tendrement. « Bien sûr qu'il compte. » Son avis compte énormément pour moi, mais elle ne le dit jamais. Alors je prends mes décisions à l'aveuglette, et je n'apprends que bien longtemps plus tard que cela ne convenait pas. Mais Joanne semble prête à respecter à la lettre notre pacte de confidences, et j'en suis ravi. Ainsi, elle m'avoue que, en effet, me savoir en train d'en peindre une autre lui déplairait. Elle n'a pas tort lorsqu'elle dit que laisser une femme venir ici, poser et avoir sa place sur une toile serait lui donner accès à une petite partie de mon être. Néanmoins, pour ma fiancée, cette minuscule ouverture est déjà en trop. Elle pense que n'importe qui peut s'y engouffrer, et s'implanter en moi pour prendre la place de ma petite muse. Que je tomberai forcément sous ce charme avec le temps. « Tu as une bien piètre confiance en moi pour penser ça, je trouve. » dis-je en poursuivant une ombre sur le visage de la jeune femme. Je n'en dis pas plus, trop concentré. Je suppose que c'est pour se rendre moins nerveuse que Joanne évoque sa grand-mère. « J'en ferai un juste pour elle, nous lui enverrons. » je lui réponds avec un petit sourire. Un modèle plus petit que ceux que je fais d'habitude, pour qu'il soit plus simple à accrocher n'importe où. Mais elle n'aura pas une des peintures déjà terminées. J'y tiens bien trop. « Et ne t'en fais pas, je ne compte pas faire pose qui que ce soit. » j'ajoute en déposant un peu d'ambre dans ses cheveux, puis un peu de blanc. « Je sais que c'est cruel, mais j'avais posé cette question uniquement parce que je me doutais de la manière dont tu allais réagir, et je… Je voulais capter ce fond de mélancolie que tu as toujours un peu. » Celle qui vient sûrement de son éternelle insatisfaction. Je voulais garder cette étincelle qu'elle a lorsqu'elle regarde Daniel pour ses yeux bleus, mais pour le coin de la bouche, il me fallait ce sourire à la tristesse imperceptible qu'elle arbore lorsqu'elle n'y fait pas attention. « Ca n'est pas quelque chose que je pouvais te demander de feindre. »