« Tu m’en diras tant... » Il me l’accorde et, si je ne pipe mot, je lui réponds d’un sourire. Je suis soulagée qu’il ne rebondisse pas, qu’il n’en profite pas pour marquer notre soirée de sa troisième incartade, celle qui y aurait mis fin. Evidemment qu’il sait que c’est d’Amos qu’est est question lorsque je me recule, comme pétrifiée par un baiser moi qui n’ai pourtant pas la réputation d’avoir froid aux yeux et qui lui ai déjà prouvé que ce n’était effectivement pas le cas. « C’est aussi difficile qu’un marathon quand on a la peau sur les os et qu’on a déjà galéré à monter la première fois. Mais, si tu te sens pas, tant pis. Pas de scotch pour toi et autre chose pour moi. » « J’ai pas galéré, on est arrivé presque en même temps en haut. » Mais du reste, je ne relève pas : je n’ai pas la peau sur les os et il exagère. Il existe des femmes plus voluptueuse que moi mais je n’ai rien vu qui m’affole lorsque j’ai relevé mon t-shirt tout à l’heure, suis-je dans le déni ? « Ni de kebab. Tu as envie d’un kebab ? Parce que maintenant que tu en parles ? » « Comment je pourrais avoir envie d’un kebab, j’ai la peau sur les os. » Un sourire sarcastique étire mes lèvres. « Ouais, j’ai faim maintenant que tu le dis. Et j’ai soif et envie de fumer. »

« Mais comme il est hors de question que je te porte, on peut prendre la voiture. MAis si tu conduis. Ton matos me brûle les yeux, je vois plus rien... »
« J’ai vraiment très envie que tu me portes pourtant. C’est pas négociable. » Tenterait-il de le faire en me demandant de me déshabiller, comme il l’a sous entendu précédemment qu’il récoltait sa deuxième gifle de la soirée, plus molle et amusée cependant. « C’était une blague. Je te pousserai pas. Je te ferai bien choisir entre ça et autre chose, mais je suis pas un maître chanteur ni un dégueulasse. » « Je sais que tu me pousseras pas. Et je dirais pas que je préfère mourir mais… Après tout, peut-être que je sais voler non ? Je suis prête à tenter le risque. » Plutôt qu’à accepter sa contrepartie, voilà ce que je sous entends dans un sourire. Je me redresse, avant de prendre la route de l’escalier de secours. « Je suppose que j’ai dix étage pour te convaincre de me porter sur le dos jusque là bas ?  »


@Loris Baumann

Elle prend le problème à l’envers. C’est parce qu’elle a la peau sur les os qu’elle devrait avoir envie d’un kebab. Mais, ça non plus, ça ne me regarde pas. Alors, je ne réagis pas ou à peine. Je hausse simplement un sourcil barbouillé de rouge avant de lui sourire. Cette ligne supplémentaire allège tout. Je ne prends plus rien au sérieux venant de sa part et, a priori, je le regrette mon geste. Combien de fois ne m’a-t-elle pas accusé d’avoir envie de coucher avec elle aujourd’hui ? Une fois ? deux ? Peut-être même trois. Je lui ai envoyé le mauvais signal avec cette audace. Je fais donc profil bas, bien que je ne sois pas disposé à tout accepter. Elle peut insister autant qu’elle le souhaitera : je ne la porterai pas sur dix étages sous prétexte qu’elle me sert une bouille d’enfant capricieux, mais attendrissant. « J’ai pas du tout envie de le faire et c’est pas négociable.» Qu’elle détienne des infos sur moi ne lui donne pas tous les droits. Pourquoi prendrait-elle le risque de balancer maintenant alors que je ne lui ai toujours rien apporté au sujet de Lou ? ça n’aurait pas de sens. Aussi, je choisis mon orgueil au mépris de ses sautes d’humeur. « Il faudrait que tu me supplies pour ça.» Peu de chance qu’elle le fasse. Elle, elle sait ce qu’est la notion de fierté. En revanche, je la trouve dangereuse. Défoncée ou non, elle me fait flipper à réveiller des souvenirs de quelques affaires sur lesquelles j’ai travaillés. Un dealer, qui aurait sniffé de la daube coupée à Dieu seul sait quelle substance, a cru qu’il était un poisson et il s’est noyé, dans la cuvette de son wc, persuadé qu’il s’agissait de son bocal. Evidemment, c’est hilarant. Sauf que j’aimerais autant ne pas être témoin de son suicide involontaire de s’être surestimée. Comment expliquer que je sois le seul témoin d’un telle scène alors qu’elle est réputée pour son job et que je suis flic ? On creusera dans mon histoire. Les collègues mettront en lumière son chantage et je finirai derrière les barreaux. Un frisson me traverse aussitôt. « Arrête de dire des conneries. Viens on y va. Et si tu veux que je te porte, tu sais ce qu’il te reste à faire : a poil, genoux, ou en voiture. Mais seulement sur les deux derniers étages.» Mon épaule n’y survivrait pas… tout légère soit-elle.

Il est dur en affaire Loris mais, au moins, le houspiller à ce propos me fait oublier cet instant d’égarement. Certes, je n’en suis pas coupable, mais ne l’ai pas provoqué en enserrant ma taille de ses cuisses pour barbouiller son museau de rouge à lèvres ? N’a-t-il pas pris comme un défi mes avertissement clamant que nous ne coucherions pas ensemble ce soir ? Et surtout, paralysée, je ne l’ai pas repoussé et je me sens mal, coupable et sale, vis à vis d’Amos principalement alors que nous ne nous devons plus rien.

Je saute à pied joint dans la distraction que m’offre nos négociation et cela me distrait tant de ma honte que je lui suis presque reconnaissante de refuser, ou en tout cas de me faire travailler pour. « J’ai pas du tout envie de le faire et c’est pas négociable. » Je boude, je plisse les lèvres et je fronce les sourcils. Je me redresse et me dirige vers l’escalier comme une adolescente qui, vexée, monte dans sa chambre sans un mot. « Il faudrait que tu me supplies pour ça. » « Tu peux toujours rêver. » J’enjambe le muret pour me retrouver sur la plateforme, avant de commencer à descendre. « Arrête de dire des conneries. Viens on y va. Et si tu veux que je te porte, tu sais ce qu’il te reste à faire : à poil, genoux, ou en voiture. Mais seulement sur les deux derniers étages. » « Pourquoi pas à poil et à genoux tant que tu y est ? » Je lève les yeux au ciel mais je ne fais que prétendre être excédée. Sans quoi, mes lèvres ne s’étireraient pas en un sourire insolent. « J’aurais espéré que me voir à poil m’aurait valu plus de deux étages. » C’est hors de question évidemment, il ne s’agit que d’un trait d’esprit. « T’es dur en affaire Baumann. » Je descends les marches quatre à quatre, bien trop vite pour l’état dans lequel je suis et pourtant mes pieds semblent trouver à chaque fois le bon emplacement pour que je ne dévale pas les escalier sur le dos, au risque de me briser la colonne vertébrale. « Je conduis. Mais seulement pour trois étage et tu m’ouvres la portière. » Je négocie puisque c’est dans ma seconde nature. Et surtout, je n’envisage pas un instant que prendre le volant dans cet état là est certainement la pire des conneries que je puisse faire et que lui, représentant des forces de l’ordre, il m’encourage.


@Loris Baumann

Je crève d’envie de lui demander si c’est avec cette moue-là qu’elle appâte les hommes et si ces fournisseurs les plus influents sont au courant qu’elle n’est dans le fond qu’une enfant gâtée. J’en crève, mais je m’abstiens, parce que je crois sincèrement avoir déjà trop flirté avec les limites et que j’ai pas envie de finir la soirée seul, chez moi, à m’enfiler ce qui me reste de mon achat du jour tout seul, comme un véritable Junkie. Comment ne pas accepter, dans ces conditions, que j’approche dangereusement du point de non-retour ? Comment ne pas envisager de ce que, pour moi, ça équivaudrait à toucher le fond ? Je préfère me l’éviter et pour l’instant, elle me sert assez bien de soupape. Elle est mon empêcheur de tourner en rond, mais je ne lui concéderai pas pour autant le plaisir de la porter jusqu’au bas de l’immeuble. Elle serait capable de crie “hue, cheval” et, contrarié, je me sentirais forcé de la jeter dans la première benne à poubelle que je croiserais pour me venger. Autant nous l’éviter, non ? Autant nous prémunir de ce genre d’humiliation. N’en subissons-nous pas trop déjà ? « J’ai dit non négociable… même si, effectivement, à poil et à genoux, me semblerait plutôt pas mal. J’y gagnerais au change je crois. » Pour l’avoir fréquenté autrement, j’ai deviné qu’elle ne s’encombrait que rarement de pueur. Je doute toutefois qu’elle se dévêtisse pour le seul plaisir de me traîter comme un canasson en fin de carrière. « Je pourrais faire l’effort pour 4 étages comme ça. » Je l’ai défiée du regard parce que je présume qu’elle n’aura pas l’audace. Sans quoi, elle ne tenterait pas de m’amadouer à l’aide d’un compliment : « Et c’est la reine de la négociation qui me dit ça ? Tu te ramollis…  » En plus d’être trop maigre, ai-je réprimé de justesse. « Et arrête de faire du chantage. Ou on sera obligé de troquer. Ma liberté contre les dix étages, sur mon dos, toi toute habillée. » Et moi, tout nu, si j’étais certain d’être à l’abri de ses manigances. « Tu conduis de toute façon. Que je te porte ou pas…C’est ça où tu manges pas...» Et n’a-t-elle pas dit qu’elle avait faim ? « Et on ne bois pas non plus. » Tout du moins, pas elle puisque je menace de : « Te déposer dans un désert, te choper ton téléphone et attendre devant chez moi pour savoir combien de temps ça t’aura pris pour rentrer, c’est tellement plus séduisant.» Tellement plus que d’être cheval de trait.

« J’ai dit non négociable… même si, effectivement, à poil et à genoux, me semblerait plutôt pas mal. J’y gagnerais au change je crois. Je pourrais faire l’effort pour 4 étages comme ça. » « Bein tiens, pourquoi je suis pas étonnée ? » La blague graveleuse est prévisible. Je l’ai lancée en sachant très bien dans quelle direction je partais et surtout à qui je parlais et je ne suis ni surprise ni déçue par le résultat. Evidemment qu’il saute à pieds joints sur l’occasion mais n’est-elle pas trop belle ? « Et c’est la reine de la négociation qui me dit ça ? Tu te ramollis… Et arrête de faire du chantage. Ou on sera obligé de troquer. Ma liberté contre les dix étages, sur mon dos, toi toute habillée. » « Tu sais que même si j’avais quarante étage à descendre je préfèrerais les faire sur les mains et jambes attachées que de t’offrir ça en échange. » Je ne réfléchis même plus à ce que je dis, guillerette - et surtout défoncée - je saute même une marche sur deux à présent sans la moindre considération pour ma sécurité et la moindre pensée pour les risques que je prends. « Tu conduis de toute façon. Que je te porte ou pas…C’est ça où tu manges pas… Et on ne bois pas non plus. » « Je peux m’en passer. Là j’ai envie que tu me portes trois étages. Je trouve que c’est un bon deal que je t’offre. Trois étage ça fait quoi, soixante marches ? Je dois être moins lourde que les poids que tu soulèves à la salle. » Je me retourne, voilà que je descends les marches en marche arrière à présent : ma survie ce soir dépendra forcément d’un miracle. « Me dit pas que t’es trop allumé ? Que tu t’en crois pas capable ? » Est-ce que je pique volontairement sa fierté en espérant avoir gain de cause ? Evidemment, je me fous bien d’être portée à présent, je ne veux que gagner ce bras de fer stimulant que nous avons instauré. « Te déposer dans un désert, te choper ton téléphone et attendre devant chez moi pour savoir combien de temps ça t’aura pris pour rentrer, c’est tellement plus séduisant. » « Tu vas attendre longtemps dans ce cas, et je pars avec ma fiole dans ton désert. » Tant pis pour toi. Arrivée en haut du quatrième je m’arrête et j’accroche chaque main d’un côté de la rambarde pour lui bloquer le passage. « Quatre c’est mon dernier moi et c’est parce que c’est toi. Je ne fais aucun commentaire et je conduis jusqu’à la supérette et sur le chemin du retour. »



@Loris Baumann

« Parce que tu m’as tendu la perche par hasard ? » ai-je répliqué aussi goguenard que la remarque elle-même. En ai-je honte ? Non ! Je sais d’expérience qu’elle n’est pas une sainte-nitouche et qu’elle ne rougit rien. C’est bien tout ce que coucher avec elle m’aura apporté et, bien que ça m’amuse - je souris à pleines dents - je suis conscient qu’au quotidien, ça ne m’apportera rien. C’est pas ça qui va me permettre de me défaire des modalités de son odieux chantage. Aussi dur en affaires me déclare-t-elle - et rien n’est moins sûr - je n’arrive pas à le négocier d’ailleurs. Elle est défoncée, loin d’être dans son état normal, et même ça ne suffit pas à lui faire renoncer à son entreprise. Dommage. Je lui aurais volontiers fait signé une décharge tacite. Que vaudrait-il de toute façon ? Plus je la côtoie ce soir, plus je prends conscience qu’agir au plus tôt deviendra sous peu une priorité. Elle retrouvera bientôt sa hargne et, bientôt, je risque de payer le prix de toutes mes attaques du jour. « On peut s’arranger, si tu veux. Je peux t’attacher sans problème s’il n’y a que ça pour te faire plaisir.» ai-je proposé en dévalant plus lentement qu’elle les premières rangées d’escalier. Elle, elle aimerait que je la porte. Moi, je m’y oppose formellement et je ne changerais pas d’avis. Elle n’a rien à me proposer que je ne peux plus obtenir sans elle. Nul doute que je préfère prendre des risques à me fournir auprès de dealers lambdas que de m’humilier. « Tu peux faire toutes les cabrioles que tu veux, c’est peine perdue. » Je hausse les épaules. J’entends toutes ces provocations. Elle essaie de titiller mon ego, mais ça ne fonctionne pas, ça ne fonctionne plus. J’ai peu d’orgueil et je ne réagis jamais de cette manière que lorsqu’il s’agit de ma virilité. Du reste, je m’en tape comme de ma première petite voiture. « Je ne vais pas à la salle. Même si je le voulais, je pourrais pas.» A cause de mon épaule et je m’étonne moi-même de l’exprimer aussi fermement, sans en souffrir et toujours habillé d’un même sourire. ça me chagrine d’être diminué pourtant. La drogue n’a pas qu’un effet calmant sur les douleurs physiques, elle me permet d’envisager de ce que rien n’est plus grave, rien du tout, sauf quand j’en manque et que j’en ai cruellement besoin. « Ce n’est pas une question d’en être capable ou pas.» ai-je lancé même s’il y a une part de vrai malgré sa légereté. « J’ai juste pas envie. C’est tout. » Un peu comme elle par rapport à ce baiser, elle qui m’a affirmé à nombres reprises qu’elle ne coucherait pas avec moi ce soir. « Quatre, ta fiole. Quatre étages et on couche ensemble dans la voiture et c’est moi qui conduis.» Elle va refuser et, si je décroche ses mains dans la rambarde alors qu’elle me prive du passage, je la toise, curieux…

« Parce que tu m’as tendu la perche par hasard ? »
« Evidemment. »

Moi, je suis angélique et innocente comme l’enfant qui vient de naître, évidemment, il le sait. Je ne prends pas la peine de me retourner tant me concentrer sur les marches qui défilent sous mes pieds à un rythme effréné me captent. « On peut s’arranger, si tu veux. Je peux t’attacher sans problème s’il n’y a que ça pour te faire plaisir. » « Fallait le dire si c’était ça que tu voulais. A l’époque, maintenant c’est trop tard, c’est plus un privilège auquel t’as droit. » Il n’avait rien de sage Loris, ni trash ni angélique, un bon juste milieu peut-être un peu trop concentré sur son plaisir. « Tu peux faire toutes les cabrioles que tu veux, c’est peine perdue. » Je l’entends à peine  et après deux étages à pied joints, je m’accroche fermement à la rambarde pour descendre sur une seule jambe. C’est trop compliqué, je m’énerve, je grogne, alors je tente d’alterner, une jambes puis l’autre et, à nouveau j’explose de rire. « Je ne vais pas à la salle. Même si je le voulais, je pourrais pas. » « Dans ce cas ça t’aiderait pour ta rééducation. » Je trouve un contre argument à chaque argument qu’il m’oppose, bien décidée à gagner un étage, deux, juste un petit quelques chose. « Ce n’est pas une question d’en être capable ou pas. J’ai juste pas envie. C’est tout. » « T’es pas drôle. Prends un peu plus de poudre. » Je sors la fiole de ma poche, je la secoue sous son nez et lui, il décroche ma main pour passer malgré le maigre barrage que j’impose de mon corps. « Quatre, ta fiole. Quatre étages et on couche ensemble dans la voiture et c’est moi qui conduis. » « Et je te donne mon appartement, la moitié de mon compte et banque et je t’appelle monseigneur ? » Ne sois pas trop gourmand Loris…

Je descend un étage de plus, on est au troisième maintenant et, comme une adolescente, je m’assied sur la première marche, comme épuisée. « Trois étage c’est couper la poire en deux. » En sa faveur même puisque j’aurais voulu qu’il me porte tout du long. « Je peux plus bouger de toute façon. » Je pose mes coude sur mes genoux et ma tête dans mes mains. « Trois étages c’est rien. Trois étage, ma fiole, je conduis et je te murmure quelques phrases salaces à l’oreille. » Du reste, il n’obtiendra rien de plus de moi.


@Loris Baumann

« Menteuse !!! » l’ai-je qualifiée avec conviction. Cette couleuvre là, je ne l’avalerai pas. Elle est aussi licencieuse que je peux l’être moi-même et, la preuve étant, nous nous entendions plutôt bien sous la couette - ailleurs aussi, mais ce n’est pas la question. Dès lors, je me contente de rire aux éclats, entraînés par l’ambiance, par ses audaces, par ses négociations. Je n’ai honte de rien. Elle ne pique pas un fard. Elle joue plutôt de mes provocations et l’envie de lui demander si elle aurait accepté que je l’attache, si c’est un privilège qu’elle a offert à son type - celui qui a vraisemblablement brisé le coeur - et si elle regrettait à présent qu’elle est célibataire. Je me réfrène parce que je ne veux pas induire dans ma tête des images qui aurait tôt fait de me rendre intenable, autant qu’elle qui ressemble à une gosse à descendre les marches tantôt à pieds joint, tantôt à cloche-pied. « Tu vas finir par te rompre le cou…et je suis pas ambulancier. Ni infirmier..» Juste un flic et, si j’aurais de quoi lui sauver la vie - le numéro de téléphone qui ouvre les portes des priorités sur la liste des secours - je n’ai aucune envie qu’on me trouve avec une junkie, trafiquante de drogues, et dans un état plus ou moins similaire au sien. « Et arrête d’insister, ça ne marche pas..» Je suis pas réputé pour être entêté, mais je n’en démordrai pas, autant pour ma santé physique que parce qu’elle jubilerait d’avoir encore gagné. « Tu peux m’appeler maître si tu préfères. ça me va aussi.» lui ai-je lancé tandis que nous progressons vers les niveaux les plus bas. « Et c’est ça, ou rien.» Et a priori, ce sera rien pour elle. Je me moque qu’elle revoit son offre à la baisse. Je me fiche aussi qu’elle ait l’air d’y tenir ou qu’elle ne sache plus bouger. Toutes ces manigances, je les envoie paître d’un hochement de la tête. « Quel intérêt de murmurer des trucs que tu feras pas après ? Sérieux ? » Serais-je désespéré, pourquoi pas, mais là, en l’occurrence, je suis vite pourvu. « Si tu bouges pas toute seule, tu restes là, c’est pas un problème. Ma voiture. Mes clés. mon départ. Peut-être que je pourrai t’attendre devant chez toi pour évaluer en combien de temps tu t’es envie mise en route finalement. C’est moins sympa que le désert. Allez, lève-toi, tu gagneras pas cette fois.»  

Il me traite de menteuse et, plutôt que de m’offusquer, je réagis comme la gamine insolente que la drogue me pousse visiblement à devenir ce soir. Je me retourne et lui présent mon majeur, un sourire sur les lèvres avant de complexifier mes pas de danse. Si je ne retombe pas lourdement sur les marches en métal, dans mon esprit c’est encore mieux : je vole, et si je force un peu je les vois les ailes qui poussent dans mon dos. Elles sont magnifiques, faites d’arabesques de lumières et elles pointent vers le ciel. Elles m’aident à me réceptionner à chaque saut et quand je saute une marche, j’ai l’impression de voler au dessus de dix, vingt parfois même. « Tu vas finir par te rompre le cou…et je suis pas ambulancier. Ni infirmier... » Il ne sait pas que j’ai des ailes lui, ou il se s’inquièterait pas. Je me retourne et je le fusille du regard. « Pourquoi, tu me laisserais là ? » J’esquisse un sourire et je précise. « Tu partirais comme un voleur ? Tu appellerais les secours au moins ? Tu attendrais qu’ils arrivent ? » Je prétendrais être choquée s’il affirmait qu’il m’abandonnerait mais, au fond, je ne suis pas certaines que j’attendrais les secours de mon côté.

« Et arrête d’insister, ça ne marche pas... » Je fais la moue, je songe déjà à des nouvelles stratégies. « Tu peux m’appeler maître si tu préfères. ça me va aussi. Et c’est ça, ou rien. » « C’est pas comme ça qu’on négocie. On fait chacun son tour un par vers l’autre. » D’ailleurs je le lui démontre : j’enlève la condition qui me dérange le plus : il ne me touchera pas, et je propose un nouveau marché qui me semble largement être en sa faveur. « Quel intérêt de murmurer des trucs que tu feras pas après ? Sérieux ? » « Faire marcher l’imagination il paraît que ça conserve. » Et, finalement, décidée à ne pas bouger tant que je n’aurais pas eu ce que je veux, je m’assied en tailleur et je refuse tout net de faire un pas de plus. « Si tu bouges pas toute seule, tu restes là, c’est pas un problème. Ma voiture. Mes clés. mon départ. Peut-être que je pourrai t’attendre devant chez toi pour évaluer en combien de temps tu t’es envie mise en route finalement. C’est moins sympa que le désert. Allez, lève-toi, tu gagneras pas cette fois. » « Je reste là, c’est pas un problème. » Je croise mes bras sous ma poitrine pour le signifier. « J’ai accepté de conduire, je l’ai pas fait depuis 2005. » Ou quelque genre du même genre. « Je vais pas le faire juste pour tes beaux yeux, sans contrepartie. »



@Loris Baumann

Se pourrait-il que nous ayon inversé les rôles ? Plus tôt, c’est moi qui l’assommais de questions, de mots, de paroles collées à la suite les unes des autres et qui, si elles avaient un sens, n’avaient quasiment aucun lien entre elle. Tout à l’heure, c’est elle qui s’agaçait et qui soupirait tant j’étais chiant. A présent, c’est moi. Elle me fatigue d’insister autant.« Oui je te laisserais là. oui j’appelerais les secours. Oui, je me planquerais sans doute jusqu’à ce qu’ils arrivent. Et oui, si ton coeur s’arrêtais, je te ferais du bouche-à bouche pour qu’il reparte et, encore oui, je me demanderai pourquoi je t’ai pas laissé mourir après et je m’en voudrai peut-être un peu.» Tout n’est pas vrai. Rien n’est tout à faux. Je ne m’encombre de neutralité parce que j’aimerais qu’elle se taise et que le meilleur moyen, c’est encore de lui donner ce qu’elle veut… ou presque. Elle, sur mon dos, c’est inimaginable. Moi, qui la porterait comme si nous venions de nous marier : c’est inenvisageable. Moi, qui céderait à ce caprice, je n’ose y croire. « Peut-être que c’est parce qu’il y a que toi qui négocies. Moi, je me contente de rester sur mes positions et de te proposer des trucs improbables.» Elle ne l’entend pas de cette oreille, elle. Elle m’empêche de passer, démultiplie les offres et, à nouveau, je lève les yeux au ciel. « Je n’ai pas besoin de mon imagination. Elle fonctionne bien… et j’en ai pas besoin pour ça.» Quoi qu’elle en dise et qu’elle a insinué tout au long de la soirée. « He bien reste là. Ce n’est pas un problème pour moi non plus.» ai-je affirmé en accrochant la rampe de l’escalier. Je vais l’enjamber si je n’ai pas le choix… j’allais le faire jusqu’à ce qu’elle m’interrompe avec cette affirmation. « Tu n’as pas conduit depuis 2005 ? » Je suis scandalisé, non pas que ça soit grave, mais parce que je me demande ce qui se cache derrière cette confidence indue. « Pourquoi ? Accident ? Tu as tué quelqu’un ? Tu as caché ce corps-là aussi ? » Bien sûr, ces indiscrétions ne règlent pas la question de son souhait : il est irréalisable. « Non ! Tu sais pourquoi tu vas le faire ? Parce que sinon, je vais te poser la question qui me brûle les lèvres et qui concerne tu sais qui… et que tu as pas envie de ça.» Parce que ça lui ferait mal.  

« Oui je te laisserais là. Oui j’appelerais les secours. Oui, je me planquerais sans doute jusqu’à ce qu’ils arrivent. Et oui, si ton coeur s'arrêtait, je te ferais du bouche-à bouche pour qu’il reparte et, encore oui, je me demanderai pourquoi je t’ai pas laissé mourir après et je m’en voudrai peut-être un peu. » « Tu n’as pas de coeur. » Bon à moitié puisqu’il appellerait les secours et tenterait de me réanimer. Néanmoins, je continue. «  
Tu imagines ? Je n’aurais personne pour me tenir la main à l’hôpital en me réveillant. Personne pour regonfler mon oreiller et s’assurer que je suis à l’aise. Personne pour rester avec moi et me tenir compagnie pendant la durée de mon hospitalisation. Tu me laisserais toute seule ? » Oui, et j’en ferais autant sauf qu’étant donné l’état dans lequel je suis, je m’en offusque facilement. « Peut-être que c’est parce qu’il y a que toi qui négocies. Moi, je me contente de rester sur mes positions et de te proposer des trucs improbables. » Je fais la moue et je m’installe : je n’aime pas ce que j’entends et je décide de faire l’enfants : à savoir faire comme s’il ne m’avait rien dit et n’en faire qu’à ma tête. Je m’installer pour lui barrer la route. Je m’installe pour qu’il soit obligé de me récupérer pour continuer. « He bien reste là. Ce n’est pas un problème pour moi non plus. » « J’ai mal à ma cheville, tu te rends bien compte que dans ces conditions je ne peux plus avancer non ? Et c’est ta faute un peu, à toi et à tout le reste de représentants masculins de notre espèce. On est obligée de se percher sur des talons aiguilles pour vous plaire, pour que nos jambes soient galbées et que nos culs soient mis en valeur, et on se fait mal. » Je parle sans même réfléchir. Je raconte n’importe quoi parce que je n’ai plus de filtre et que je veux simplement obtenir ce que je me suis mis en tête plus tôt, quand il m’a proposé d’aller jusqu’à l’épicerie. En tout cas, jamais de mémoire d’homme dix étages n’auront été descendus si lentement.

« Tu n’as pas conduit depuis 2005 ? Pourquoi ? Accident ? Tu as tué quelqu’un ? Tu as caché ce corps-là aussi ? » « Non, et c’est inquiétant que ça t’intéresse tant, t’es pas censé t’offusquer de ce genre de chose toi qui a pour vocation de faire respecter la loi ? » Je hausse les épaules. « J’ai à peine appris à conduire en ligne droite. » Dans ma campagne l’examen du permis était assez simple. « J’ai un chauffeur quand j’en ai besoin, voilà tout. » Et j’exagère : j’ai pris le volant à quelques reprises et même sur Fraser Island, mais j’ignore si ça compte. « Non ! Tu sais pourquoi tu vas le faire ? Parce que sinon, je vais te poser la question qui me brûle les lèvres et qui concerne tu sais qui… et que tu as pas envie de ça. » « Tu peux me poser toutes les questions que tu veux, je répondrais pas c’est tout. » Je fais la moue parce que je sais de quoi il s’agira. « Je négocie, je ne cède pas au chantage des terroristes. »



@Loris Baumann

Moi ? Pas de coeur ? Pour peu, je m’offusquerais. De nous deux, je suis probablement le plus généreux et le plus bienveillant. Elle prend des allures d’hôpital se moquant de la charité et, si je ne m’insurge pas - je ne suis pas en état et je sais aussi reconnaître quand il est inutile de mener une discussion sérieuse avec quelqu’un qui frôle l’euphorie “cocaïnique - c’est pour préférer à la vexation la raillerie. « Il me semblait que de ne pas en avoir été une qualité de nos jours.» Que dans son univers, il vaut mieux avoir les dents longues plutôt que le coeur sur la main. C’est vrai néanmoins. Mon métier m’a permis de le vérifier et, a fortiori, j’ajoute que : « Ce n’est pas moi que tu voudrais pour me tenir la main.» L’allusion est noyée dans le flot de paroles suivantes. Elle n’est pas aussi évidente qu’il n’y paraît et je doute de sa perspicacité, tout du moins, sur l’instant. En d’autres, elle est redoutable. « Alors oui, je te laisserai toute seule. Je crois que je prendrais un malin plaisir à te faire mal exprès en te regonflant l’oreille.» ai-je admis plus sincère que jamais, bien plus que son plaidoyer. « C’est ça !!! Tu es une vrai femme courage. Personne vous oblige à porter des talons. Clopine si tu veux, mais je ne te porterai pas. » Je m’en fous, moi, si les filles ont décidé de répondre aux diktats imposés par la mode sexiste. Qui plus est, les hommes ne sont pas en reste eux non plus. On doit en faire des efforts pour ne pas rester sur le banc touche en soirée… Toutes ces conneries, elle ne m’intéresse pas, et comme je lui concède qu’elle a de la volonté à revendre, je finis par m’appuyer contre le mur adjacent plutôt que de l’enjamber pour m’en aller, persuadé qu’elle me suivrait. « Tu sais que ton argument, c’est presque une bonne raison pour moi insister pour que tu me suives ? Si je m’en vais sans toi, ce sera plus compliqué de marcher. Tu vas faire comment pour atteindre ton uber sans demander de l’aide au chauffeur ? » Et, en parlant de chauffeur, va-t-elle me répondre cette fois ? Va-t-elle m’expliquer les raisons qui l’ont tenues loin d’un volant ? Je suis tout ouïe, anormalement concentré. « Allez, arrête, raconte. Je fais pas respecter la loi. Regarde-moi, je la contourne. » Je la dupe et je la trompe. Je la gruge plusieurs fois par semaine. « Arrête de maintenir le suspense. Peut-être que si tu fais un effort, je te porterai sur un étage. Et, si tu me dis pourquoi tu t’es séparée de ton type, sur deux… tu auras même le droit de me chercher au sujet de Leah.» Rien de tout cela n’est possible. J’estime ne pas prendre grand risque… et quand bien même, ma curiosité est une tare : je l’ai toujours su qu’elle contribuerait à ce que je scie la branche sur laquelle je suis assis. « Tu as plusieurs options. Tu vois que je suis pas un terroriste. Allez, choisis la bonne, le corbeau.»   

« Il me semblait que de ne pas en avoir était une qualité de nos jours. »
« C’est vrai. »
« Ce n’est pas moi que tu voudrais pour me tenir la main. Alors oui, je te laisserai toute seule. Je crois que je prendrais un malin plaisir à te faire mal exprès en te regonflant l’oreille. »
« T’es cruel Baumann. »

Autant à cause de son projet de me faire mal - moi j’ai compris de m'étouffer - que parce je saisis que sa première phrase n’est qu’une remarquée décidée à mon amant. Il frôle le carton rouge sauf qu’il ne l’a pas fait assez ouvertement pour que je le dégaine : il n’est pas passé loin cependant et nul doute que la prochaine fois sera celle qui me changera peut-être le cours de la soirée. « C’est ça !!! Tu es une vrai femme courage. Personne vous oblige à porter des talons. Clopine si tu veux, mais je ne te porterai pas. Tu sais que ton argument, c’est presque une bonne raison pour moi insister pour que tu me suives ? Si je m’en vais sans toi, ce sera plus compliqué de marcher. Tu vas faire comment pour atteindre ton uber sans demander de l’aide au chauffeur ? » « Je te déteste. » Mon sourire dit le contraire de ce que j’affirme, il s’étire sur mes lèvres et, bien que je sois mouchée par le brun et sa soudaine répartie - il était trop allumé pour en avoir réellement avant ça et je me demande s’il descend déjà - je ne bouge pas de ma marche sur laquelle je me suis confortablement installée : je pourrais y passer la nuit. « Allez, arrête, raconte. Je fais pas respecter la loi. Regarde-moi, je la contourne. » « Tu te fais des idées, y’a vraiment rien de plus à dire. » Et je ne mens pas : je n’ai pas arrêté de prendre le volant à cause d’un tragique accident qui m’aurait traumatisée. A dix neuf ans j’ai simplement été tétanisée lorsque l’on m’en a mis un entre les mains, n’ayant jamais conduit que dans ma campagne, j’ai à peine su faire quelques kilomètres et à présent, j’utilise les avantages liés à mon rang au sein du Club : je ne me déplace jamais sans homme de main pour assurer ma sécurité et, par chance, d’aucun n’a jamais refusé de me conduire.  
« Arrête de maintenir le suspense. Peut-être que si tu fais un effort, je te porterai sur un étage. Et, si tu me dis pourquoi tu t’es séparée de ton type, sur deux… tu auras même le droit de me chercher au sujet de Leah. Tu as plusieurs options. Tu vois que je suis pas un terroriste. Allez, choisis la bonne, le corbeau. » Mon visage se ferme. Il a grillé son nombre limite d’évocation de mon ancien amant et cette fois, je me redresse sur mes jambes sans faire de manière. « Je te l’ai dit : je conduis mal et puisque l’on me conduit je n’ai pas besoin de m’emmerder. » Je tourne les talons pour me remettre dans le sens de la descente avant de lui jeter un regard en arrière. « Et ça fait trois. C’est une de trop. » En réalité, c’est trois de trop et si je suis injuste à prendre la mouche lorsque je le décide, ce n’est pas faute de ne pas l’avoir prévenu que le sujet était hors limite. Au moins il aura récolté le résultat escompté : je descends les marches seules et sur mes deux jambes, mais avec la ferme intention de rentrer chez moi.


@Loris Baumann

«C’est ça. Terriblement cruel. Dans ta bouche, ça sonne tellement faux.» La sienne est remplie de fiel quand elle me fait du chantage. Elle ne s’encombre ni du bon coeur ni de bonhomie quand elle me resserre la laisse autant de mon cou. Au moins, tout son monologue autour du sexisme ambiant dont sont victimes les femmes, il a le mérite d’être cohérent. Quant à moi, je m’accorde le droit d’être hypocrite puisqu’elle n’a pas tout à fait tort. Je dénie, mais c’est une réalité que la condition des femmes dans notre société. Est-ce néanmoins une raison probante pour que j’accepte de devenir son canasson ? Jamais ! Je refuse tout bonnement. Sauf qu’elle se têtue et qu’aucune de mes négociations n’arrive à la convaincre d’abandonner ce ridicule projet. Dès lors, je n’ai d’autres choix que de trahir une troisième fois ma promesse. Je parle de son gars et, en contrepartie, je lève son interdit au sujet de Leah. Je suis défoncé de toute façon : plus rien ne peut vraiment vexer. Pas elle apparemment. Elle répète que je me monte tout seul des scenarii catastrophes, qu’elle n’a subi aucun accident traumatisant qui l’aurait éloignée du volant. Puis, mauvaise, le visage fermé et les yeux révolvers, elle s’est levée pour partir, confirmant que cette fois, j’ai dépassé les limites. « Ou tu vas ? Où est-ce que tu cours comme ça. Allez, reviens.» Evidemment, je la suis. Je m’en veux un peu, même si je ne le réalise pas. On s’en moque : je ne l’admettrais pas. « Il me semblait que tu avais mal à la cheville.» Mauvaise approche. Elle n’a pas besoin de réagir pour que je comprenne. « tu sais que je suis fatigué de te rattraper ? » lui ai-je lancé en la coursant. J’avance plus vite qu’elle. Je la rattrape sans grand mal et, tandis qu’il lui reste une dizaine de marche à gravir, je la soulève du sol. « Allez, pour me faire pardonner… Tu as vu, je te porte.» Mais pas sur le dos : j’aurais préféré crever. « Boude pas comme ça. Je voulais que tu me foutes la paix. Je vais conduire et on va aller bouffer un kebab. D’accord ? Je peux te redéposer ? Tu viens avec moi ? » me suis-je enquis, mes bras entourant sa taille. [/color]  

« C’est ça. Terriblement cruel. Dans ta bouche, ça sonne tellement faux. » Je lui retourne mon plus beau sourire et, installée sur ma marche, je ne bouge pas. « Tu me trouves cruelle ? » Je fronce les sourcils et si je ne suis pas en l’état pour une introspection, je me pose réellement la question. Bien qu’attirée par la violence, j’ai toujours considérée que j’étais prête à tout pour servir mes intérêts, mais jamais gratuitement cruelle. Mauvaise et piquante parfois pour le plaisir, mais cela s’arrête là non ?

Carton rouge. Il transverse à nouveau la ligne et je m’anime, je me redresse et je dévale les marches sans les sauter, sans pieds joints, sans cloche pied et sans perdre mon temps. Je m’échappe puisque je ne supporte plus qu’il parle de mon couple, mon ancien couple, et pas pour emporter une quelconque victoire. Il a gagné de toute façon puisque je fuis. Je l’écoute à peine me crier de revenir. Il ne récolte qu’il regard noir quand il essaye « Il me semblait que tu avais mal à la cheville. » et je me remets à descendre. Bien sûr, il est plus rapide que moi et il me rattrapera sans nul doute avant que nous ayons atteint le bas de l’immeuble. Mais je l’ignore sur l’instant, je m’enfuis. « Tu sais que je suis fatigué de te rattraper ? » Qu’il ne se fatigue pas alors, lunatique, j’avais envie de traîner avec lui pendant toute la soirée il y a quelques minutes mais à présent je n’aspire qu’à être seule. Mon humeur changera certainement à nouveau quand quelques minutes mais pour l’instant, je ne l’écoute pas. Evidemment, je sens sa présence dans mon dos avant de pouvoir atteindre le sol et je sens ses mains qui se referment autour de ma taille pour me soulever du sol. Je ne me débats pas, je suis trop surprise pour ça, et même s’il ne reste qu’une dizaine de marches il fait ce que je voulais au départ : il me porte. Sauf que ce que je voudrais maintenant, c’est qu’il ne parle plus de mon amant. « Allez, pour me faire pardonner… Tu as vu, je te porte. Boude pas comme ça. Je voulais que tu me foutes la paix. Je vais conduire et on va aller bouffer un kebab. D’accord ? Je peux te redéposer ? Tu viens avec moi ? » Ses bras serrent un peu plus ma taille et à présent que nous avons atteint le dernier étage, il semble hésiter. « Tu peux me poser. » De toute façon il nous faut encore descendre l’échelle et faire un petit numéro d’équilibriste pour atteindre le sol. « Tu pourras pas descendre l’échelle en me portant de toute façon. Je vais pas partir en courrant si toi t’arrête de jouer au con. » Comprendre, de parler du sujet interdit. « J’ai le droit à deux fois de plus du coup. » Deux tacle envers sa soeur sans qu’il n’ait le droit de s’offusquer. « Tu conduis et tu paies les Kebabs. » Moi, je garde ma fiole : il aurait dû accepter mon premier marché finalement. « S’ils sont bons, je conduis au retour. »



@Loris Baumann