début novembre 2023 Un repas chez Maria comme souvent les dimanches. Y’a aussi Alejandra, une soeur de Rosa, et la petite Linda, sa fille. Le père de la petite travail dans un resto et n’a pas souvent de congé le weekend. Vous vous installez autour de la table alors que l’hôte est en train d’apporter la multitude de plats qu’elle a préparé. Linda est déjà en train de se pencher vers un pour piquer un tacos. C’est pas toi qui ferait ça, tu sais que tu vas avoir un vrai repas ce soir car c’est de Maria qu’il s’agit et elle te rempli l’assiette toujours bien trop à ton avis. Mais en vrai pas tant. Elle te connait. Alors tu essaies de tout manger ou presque, à chaque fois.
Maria qui observe Birdie mais tu ne remarques rien, t’es trop concentré à réfléchir dans quel ordre tu vas manger les trucs et à quel moment tu vas réussir à mettre un de tes tacos dans l’assiette de ton oiseau à côté de toi sans que personne ne s’en rende compte. C’est une compétence que tu as et dont tu penses que personne n’a remarqué, sauf que certainement tout le monde sait mais personne n’ose te le dire. Tu manges beaucoup quand t’es chez Maria, ils sont peut être conciliant à te laisser te délester d’un tacos ou deux par ci par là.
Alejandra qui se sert un verre de vin et qui naturellement va remplir le verre de Maria et puis s’approche de celui de Birdie. « T-t-t-t-t pas de vin pour Blondie. » C’est le moment que tu prends pour foutre un de tes tacos dans l’assiette de Birdie. Des fois c’est exactement sous le nez des autres que ça passe le mieux. Ils ont tous l’air pris dans le moment. Y’a comme un flottement dans l’air et tu lèves ton verre pour genre enchaîner et qu’ils remarquent pas ton tour de passe passe. « Moi je vais en prendre un peu. » Tu cherches tellement pas à comprendre, mais ça fait plusieurs jours que tu n’as pas bu et vraiment là c’est surtout la diversion qui te tend les bras. T’essaies d’être smooth et t’es clueless de la situation, t’es juste fier d’avoir un tacos de moins dans ton assiette. Maria te regarde d’un air réprobateur mais avec un sourire quand même et tu comprends vraiment rien. « Quoi j’ai pas le droit moi non plus ? » Parce que pour toi si Maria a décidé que non c'est non. Tu vas pas plus loin et tu préfères lancer la perche du vin plutôt que de lui laisser le champ libre à avouer qu’elle t’a vu mettre le tacos dans l’assiette de ta partenaire. « Blondie ? » Tu lèves un sourcil en regardant Maria t'as l'impression qu'un truc t'échappe quand même. Tu tournes la tête vers Birdie prêt à dire une connerie mais tu vois son air étrange et ça te stop dans ton élan. « Bird ? »
S’il y avait bien eu un dimanche où j'aurais voulu contrer la tradition d’aller chez Maria, ça aurait bien été celui-là. Mais pour une raison que je n’explique pas, je m’y suis pliée docilement sans créer de vagues. D’habitude, je suis plus qu’enthousiaste de savourer les plats de Maria directement sortis du four, car il est sans conteste que je suis sa fangirl numéro une. Quoiqu’en dise Linda, c’est moi la gagnante. D’habitude, on fait un concours sur celle qui s’étouffera la plus rapidement - bizarremment, ce n’est pas un jeu que les spectateurs contraints et exaspérés apprécient voir. Linda m’aime bien parce que j’écoute ses problèmes de peluches, barbies et poupées. J’ai un attrait pour les enfants, ce n’est pas nouveau.
Sauf, sauf là, ce n’est pas pareil. Là, je n’ai pas d’oreille pour écouter Linda qui finit par faire la moue alors que je suis comme une automate qui ne voit pas où elle est alors que j’aide Maria et Alejandra à amener ce qu’il faut. Depuis hier, je fais présence de mon physique mais mon esprit est carrément ailleurs. J’ai une très bonne raison, mais une raison qui est arrivée comme un coup de massue tellement que c’était inattendu. Ce qui n’était qu’un simple contrôle de routine s’est transformé en une angoisse dans le creux de mon estomac, ce que j’essaie de camoufler au mieux. Non seulement j’ignore comment réagir - pétrifiée et terrifiée sont les premières sensations que j’ai ressenti - mais j’appréhende encore plus la réaction de Jordan. Alors je ne lui ai encore rien dit. Le temps que j’assimile, que je digère, que j’avale l’information. Que je trouve le moment propice - s’il y a un moment propice. Jordan sait que je ne me sentais pas au mieux de ma forme ces derniers temps, que le médecin m’a prescrit une prise de sang et qu’on n’était censé m’y déceler au pire une carence quelconque qui aurait provoqué ma fatigue ou mes maux de ventre. Autant dire que j’aurai aimé.
Je suis perdue dans mes pensées, ma nuque courbée avant que Linda rentre son épaule dans le mien pour discuter stratégie de dégustation. Je souris légèrement, ma main allant ébourriffer ses cheveux pour la distraire, ce qui est une réussite car elle râle en se tenant le crâne tout en s’échappant de mon emprise. Je la regarde différemment, la gamine, et j’ai les battements de mon coeur qui s’engouffrent dans un nouveau stress alors que je tente de reprendre mon souffle. Je ne picore pas grand chose, regardant mon assiette sans l’entrain habituel. Quand je lève mes yeux, c’est pour croiser ceux de Maria sur moi. « T-t-t-t-t pas de vin pour Blondie. » She knows. Goddammit. Comment peut-elle savoir ? Je n’ai rien dit. Je n’ai pas l’impression d’avoir laissé autant d’indices. Je me mords la joue. « Moi je vais en prendre un peu. » Je n’ai même pas remarqué mon assiette qui s’est alourdie face à l’ajout de mon compagnon, celui-là même qui ne semble n’avoir rien compris, ce que j’aimerai continuer comme ça. Mais Maria quitte ma forme pour celle de Jordan juste à côté et je souffle légèrement, pensant que je suis sauvée.
« Quoi j’ai pas le droit moi non plus ? » « Blondie ? » « Bird ? »
Qu’est-ce qu’ils ont tous à me regarder ? Moi qui d’habitude m’égosille et me dandine plus fort que tout le monde pour attirer toute l’attention, voilà que je ressens ce que c’est de vouloir être enterrée six pieds sous terre. Mes yeux sont plongés sur Maria, qui sourit, alors que moi, je pince mes lèvres. Si elle peut sentir ce qu’il se passe en moi, elle peut aussi ressentir mon angoisse, alors, non ? “Il fait ce qu’il veut.” Que je réponds simplement en sautant sur le sujet du verre de mon partenaire. “Jordan est grand et c’est moi qui conduis. Il peut prendre un verre.” Je sais très bien que ce n’est pas ce que Maria veut dire. Est-ce qu’elle veut me piéger, m’aider, me rassurer ? Beaucoup trop de questions, beaucoup trop de regards et je baisse la tête vers la nourriture qui me donne envie de vomir - ce qui est injuste car je vis pour la nourriture de la belle-mère. “Et moi, j’ai le droit de goûter ?” elle demande, la petite Linda, sept ans au compteur et l’espérance d’avoir une réponse positive.
“Il fait ce qu’il veut.” C’était pas vraiment ça ta question. “Jordan est grand et c’est moi qui conduis. Il peut prendre un verre.” Tu essaies de capter le regard de ton oiseau qui a pas l’air en forme et tu sais pourquoi. Elle t’a parlé des résultats de sa prise de sang qui confirment qu’elle est un peu patraque ces derniers temps. Tu vas poser une main sur sa cuisse, sous la table. Tu regardes Birdie. You okay babe? Question que tu ne poses pas à voix haute car t’as pas envie de l’afficher. Oui elle se sent pas trop bien depuis quelques jours et t’es en train de te dire que vous auriez du rester tranquille aujourd’hui.
“Et moi, j’ai le droit de goûter ?” Et Linda qui coupe le silence un peu gênant de la table car elle te fait bien rire avec sa question. Sûr que Maria dira non. Le repas reprend son cours et tu vois bien les coups d’oeil de Maria vers Birdie. Tu vois aussi que ton oiseau ne mange pas des masses. Ta belle mère quitte la table un moment et tu te penches vers ta partenaire. Tu embrasses sa joue doucement. « Je vais lui demander de me mettre du gâteau à emporter et on file. » Elle pourrait s’installer dans le canapé ou dans une des chambres mais tu sais très bien qu’elle se sentira mieux dans ta - votre - maison. A sa place tu n’aurais pas envie de socialiser. Voilà Maria qui revient avec le dessert.« On va rentrer, elle est pas trop bien en ce moment. Tu peux nous mettre deux parts dans de l’aluminium? » Tu dis deux genre pour toi et Birdie mais vu son appétit tu sais que c’est toi qui va les manger les deux. Si elle en met trois c’est bien aussi. Y’a Maria qui te regarde l’air de dire ’Je sais ce que t’es en train de faire.’ Sauf que tu comprends pas et tu essaies de deviner mais tu finis juste par rire un petit peu. « Je vais en mettre trois. » Tu souris bien plus d’un coup parce que t’as l’impression que tu viens de faire le deal de l’année. « Trois c’est encore mieux. » Maria qui pose ses yeux sur Birdie et toi qui est en train d’aller prendre l’aluminium pour que vous partiez au plus rapidement avec votre due.
Vous dites au revoir à tout le monde et Maria n’arrête pas de te regarder de manière appuyée et tu souris largement en réponse.« Promis je vais essayer de pas manger les trois. » « C’est ça c’est ça, allez rentrez vous reposer. » Regards appuyé à l’adresse de Birdie, tu souffles un baiser et vous marchez jusqu’à ta voiture que Birdie conduit. En passant le portail tu prends la parole. « C’est pire qu’hier ? T’as pris les médoc qu’il t’a filé? » Car tu es inquiet quand même pour ta partenaire, tu ne voulais pas dire ce genre de chose devant Maria qui aurait tout de suite proposer d’aller à l’hôpital. Il n’empêche que tu n’aimes pas voir Birdie comme ça. Tu sais pas si elle devrait conduire si elle se sent vraiment pas bien.
« Je vais lui demander de me mettre du gâteau à emporter et on file. » “C’est pas-” nécessaire que je veux souffler mais Jordan ne m’écoute plus alors que Maria revient avec le dessert dans les mains quand il fait sa requête. J’aurai pu tenir encore le repas, je ne suis pas si malade, je suis simplement sonnée et abattue - mais n’est-ce pas pire, au final ? Je n’en sais rien. Je soupire légèrement en jouant avec ma nourriture, certaine que j’ai de nouveau l’appui visuel de Maria sur moi. Je ne devrais pas être aussi surprise qu’elle ait pu deviner et le comprendre ; elle a des nièces, des neveux, des sœurs, autant de possibilités d’avoir vu les symptômes aussi divers et variés de n’importe quelle maladie - même celle-là, je n’arrive pas encore à m’y faire. C’est un parasite, pour l’instant, tout simplement parce que je suis effrayée et que c’est une responsabilité trop lourde pour moi. Il va falloir que je le dise pronto à Jordan parce que je ne peux pas tenir ça toute seule. Et maintenant que Maria le devine, j’ai encore plus d’intérêt qu’il l’apprenne par moi que par elle. Deux semaines que mon corps subit des hauts et des bas, mais ça ne fait qu’à peine vingt-quatre heures que mon cerveau sait, analyse et réfléchit à la situation.
« Je vais en mettre trois. » Je passe des phalanges nerveux contre mon cou, les amenant sur ma nuque alors que je tourne la tête à l’inverse de mon compagnon pour qu’il ne voit pas à quel point les mots de Maria me touchent. Trois. Est-ce qu’elle en fait exprès ? Etait-elle fourbe à ce point ? J’aurai bien aimé lui parler en aparté mais je n’ose pas - Jordan va se poser des questions - et je n’en ai pas forcément envie. J’ai juste l’impression que mes nerfs peuvent craquer à tout moment - au moins, maintenant, j’ai l’excuse des hormones. « Trois c’est encore mieux. » Je lâche un soupir en relevant ma tête sur l’hôtesse qui n’a pas l’air de vouloir dériver son attention de moi. Je pince mes lèvres en me levant de table.
Le câlin de Linda me fait du bien avant qu’on laisse les Mendez derrière nous. Je suis persuadée que Maria aurait tenté une parole discrète à mon encontre si je lui en avais laissé l’opportunité mais ce n’est pas le cas. « C’est pire qu’hier ? T’as pris les médoc qu’il t’a filé? » J’hausse les épaules. "Ça fait même pas une journée. Faut attendre que ça fasse effet.” C’est bidon mais tant pis. Ce n’est pas encore le bon moment. Tic toc tic toc, j’ai l’impression que mon corps entier se ligue contre moi en me rappelant que j’ai un timing dans le ventre à présent. “On aurait pu prendre ce que j’ai- ce qu’on a pas mangé.” Je m’installe derrière le volant en lui souriant légèrement. “Linda est toujours aussi adorable. Energique mais adorable.” que je murmure en démarrant la voiture. Le sujet peut surprendre car sorti de nulle part. Une façon de tâter le terrain inconsciemment. Je l’ignore. Pour moi, c’est du small talk pour m’occuper l’esprit pendant que je conduis. J’ai l’impression que je vais être obnubilée pendant des jours, ce qui n’est pas surprenant venant de moi. Encore plus si je continue à gratter du temps avant de le dire à Jordan. Je m’épuise moi-même alors que ça serait si simple - mais non, toujours pas, pas encore. Certainement pas quand je suis en train de conduire. Je ne veux pas lui créer une double panique en paniquant moi-même alors qu’on est lancé dans les rues de Brisbane. J’avoue que mon pied est un peu lourd sur l’accélérateur mais j’ai envie de rentrer au plus vite. De prendre ma peluche et de me recroqueviller dans le lit au milieu du parfum de mon partenaire. A songer au meilleur plan pour le lui dire - for godsake.
Tu sais que Birdie n’aime pas s’afficher chez Maria, c’est sérieux ici dès que vous passez le pas de la porte et c’est pour ça que tu prends l’initiative de filer sans lui laisser le choix. Tu n’as pas l’impression que ça s’arrange ou peut être qu’elle est juste mortifié de s’exposer comme ça et à quitter avant la fin du repas. Elle n’a pas été difficile à convaincre c’est qu’elle a envie de rentrer. "Ça fait même pas une journée. Faut attendre que ça fasse effet.” Ces mots là qui te rassurent autant qu’ils te confortent dans l’idée qu’il vaut mieux rentrer. “On aurait pu prendre ce que j’ai- ce qu’on a pas mangé.” « Sûr qu’on l’aura dans le frigo demain. » Maria qui se fera un plaisir de passer comme souvent.
“Linda est toujours aussi adorable. Energique mais adorable.” Tu attaches ta ceinture alors qu’elle démarre la voiture. T’es content de voir qu’elle va assez bien pour conduire. « Elle avait pas envie de te voir partir. Je crois que tu es passé devant moi dans son coeur. » Tu portes une main à ta poitrine parce que t’es le plus grand drama Queen du queensland. « Je sais pas si je vais survivre à ça. » Tu fais une petite moue parce que t’es bête. T’as bien envie que Birdie dise que t’es son favoris à elle. Oui t’es à la pêche aux compliments mais ça c’est avant de te souvenir que ton oiseau n’a sûrement pas la tête à ça. Tu vas doucement poser ta main sur son avant bras pour le lui caresser un bref moment sans pour autant la déranger dans sa conduite. Tu ne vas pas allumer la radio car tu sais pas si elle a mal à la tête ou quoi, tu veux juste pas ajouter des nuisances alors qu’elle conduit. Tu pourrais dire que t’as peur qu’elle fasse un accident en premier lieu mais la vérité c’est que tu veux surtout qu’elle soit le mieux possible.
« Sieste ou Marathon Harry Potter ? Ou les deux. Tu dors, je regarde. » Sous entendu qu’elle va dormir sur toi bien sûr. Car très très loin de toi l’idée de laisser Birdie toute seule alors qu’elle à la tête en vrac. Ta main qui a glissé de son bras à sa cuisse que tu caresses doucement de ton pouce. On est bientôt à la maison baby.
« Sûr qu’on l’aura dans le frigo demain. » Je souris légèrement en hochant la tête ; je n’ai aucun doute là-dessus. Cela aurait été un gain de temps pour tous si elle nous avait tout fourni maintenant mais je dois avouer que maintenant qu’on est en route, je crève d’envie de m’allonger et de me terrer loin du monde. C’est rare. Je suis sûre que ça n’a rien avoir avec mes hormones, pas pour l’instant. Même si les garces agissent toujours, grossesse ou non. Non, là, ce n’est que pour me préserver des maux de tête qui m’ont cogné ici et là, pour éviter d’avoir des questions sur mon air absent et hagard. J’ai failli envoyer un message (ou mille) à Will. A défaut de savoir ce que c’est, il aurait pu me rassurer. Le connaissant, il m’aurait poussé à le dire déjà à Jordan, en me répétant ce que je sais déjà ; que je peux lui faire confiance quoiqu’il arrive. Le problème est que j’ai aussi l’impression que c’est de la ma faute et que mon compagnon va m’en vouloir. La pilule a ses risques, bien sûr, j’ai eu des frayeurs ici et là, même avec des rapports protégés mais c’est bien la première fois que ça atteint ce résultat. La seule chose qui me réconforte, ironiquement, c’est que ce soit Jordan. Autant dire qu’il n’y aurait eu aucune discussion si cela avait été avec un autre, les mesures auraient déjà été en cours de planification.
Voilà encore mon esprit qui divague ailleurs alors que Jordan me répond. « Elle avait pas envie de te voir partir. Je crois que tu es passé devant moi dans son coeur. » Est-ce que Linda a senti quelque chose malgré elle ? L’instinct peut faire des choses sans même que la cohérence puisse l’expliquer. « Je sais pas si je vais survivre à ça. » Je tourne la tête vers lui pour l’observer faire son petit spectacle, amusée de le voir agir aussi idiotement. “Que veux-tu, les enfants m’adorent. Même le meilleur babysitteur du monde ne vaut rien face à moi.” Je réplique mais mon timbre est beaucoup trop forcé et surtout, il manque la gestuelle. Mes doigts ne quittent pas le volant, crispés dessus malgré mes tentatives de détente. Je rajouterai bien à ma liste une séance spa ; bain, lumière douce, livre. J’en soupire d’envie rien qu’à l’idée. « Sieste ou Marathon Harry Potter ? Ou les deux. Tu dors, je regarde. » Sa main sur moi me rappelle qu’il est là et je déglutis légèrement. “Sounds good.” Même si aucune des deux activités ne me reposera l’esprit qui turbine beaucoup trop.
Plus d’une heure après, je suis camouflée dans une tenue d’intérieur et sous un plaid, ma tête posée sur les cuisses de Jordan alors que le film commence à jouer. Je grimace légèrement en me rappelant que l’on voit un bébé dès l’ouverture du film avant de demander à mon compagnon s’il veut bien me caresser les cheveux. Autant dire que cela suffit à me faire alourdir les paupières et perdre le fil de l’action qui se passe. Je n’analyse plus grand chose, entendant simplement Harry et Ron se dégoûter de la morve de troll, alors que mes doigts s’aggripent un peu plus à son genou. En pleine plénitude, c’est sûrement pour cela que mes lèvres, sans mon accord, balancent la bombe. “I’m pregnant.” Le temps que je réalise, il est déjà trop tard. Je n’ai plus que mes membres à pétrifier, mon regard restant bloqué devant moi, mon souffle coupé de mes poumons qui ont l’air de se retenir. Je ne vois pas Jordan et je n’ai aucune volonté de me retourner. Je me maudis silencieusement tout en pinçant et retroussant mes lèvres ; de toute façon, le pire a été dit, il n’y a rien d’autre à ajouter pour m’enfoncer un peu plus. Je redoute cruellement sa réaction ; j’ai besoin de son soutien, de son aval, j’ignore comment je réagirai s’il se défile. Cruellement mal, à n'en pas douter. Please don't be mad at me.
“Que veux-tu, les enfants m’adorent. Même le meilleur babysitteur du monde ne vaut rien face à moi.” Tu la regardes faire et y’a quand même un truc assez off qui te confirme qu’elle ne fait pas du tout de cinéma. Tu gardes bien ta main sur sa cuisses pour le reste du trajet car t’aimes vraiment pas la sentir mal. Y’a rien que tu puisses faire que d’être présent et le lui montrer de toutes les façons possible. Comme mettre ses films préférés et passer le reste de la journée sur le canapé à chiller pour qu’elle se repose et que ça lui passe. “Sounds good.”
Le fait qu’elle se prenne un plaid alors que l’été est bientôt là te rassure pas trop. Elle a froid et t’es en short t-shirt de ton côté. Elle se cale contre tes cuisses et tu caresses doucement ses cheveux d’une main, l’autre est posée sur son flanc en même temps que tu regardes le film. Tu jettes beaucoup de coup d’oeil vers ta blonde; elle ne réagit pas au film quand d’habitude elle te fait tous les dialogues ou au moins tous les sortilèges. Mais ça va, parce qu’elle dort à moitié et tu préfères qu’elle reprenne des forces de cette façon là plutôt qu’elle se fatigue à répliquer les mouvements de baguettes en prenant le premier truc qui lui tombe sous la main pour devenir son accessoire magique.
“I’m pregnant.” Tu l’entends mais tu réalises pas tout de suite, tu es dans le film. Quand ça fait enfin un bon chemin jusqu’à ton cerveau et que tu traites les mots tu fronces les sourcils en baissant ton visage vers Birdie qui visiblement ne dort plus et a l’air stressé comme jamais. Oh my god. « You sure ? » Mais son air, son corps, son état étrange d’aujourd’hui, ça commence doucement à s’ajouter ensemble dans ta tête pour confirmer que oui. Elle est sûre. Harry Potter n’est plus qu’un bruit de fond même si tes yeux vont de Birdie à l’écran. Tu vois mais tu ne regardes plus. Ton cerveau est en train de réaliser ce qu’elle vient de te dire. Ta main toujours sur elle mais tes caresses qui se sont interrompus. Il te faut quelques bonnes minutes avant de reprendre un petit peu tes esprits et retrouver la parole. Tu es sonné et tu as mille questions mais t’es loin d’être en colère. Ta main sur son flanc qui va doucement chercher une des siennes. « What do you want to do? » Vous n’avez jamais parlé de ça à part pour rire. Ça fait trois ans que tu l’enfournes de tes petits soldats tu pensais que sa pilule était inviolable mais visiblement ce n’est pas le cas. Tu mêles tes doigts aux siens, tu serres doucement sa main alors que y’a de plus en plus d’éléments qui s’ajoutent dans ta confirmation. Pas d’alcool pour Blondie. « You told Maria ? » Ca te fait bizarre parce que tu n’aurais pas cru qu’elle se sente si à l’aise avec elle mais en même temps t’es content de voir qu’elles sont de plus en plus proche.
Attendre n’a jamais été mon fort mais maintenant encore moins que d’habitude. Finalement, il n’y avait pas de bon ou mauvais moment pour annoncer ce genre de choses, ce n’était qu’une excuse de façade pour la repousser un peu plus. Non seulement j’aurai eu peur, mais j’aurai aussi pu porter la culpabilité de cacher cela à mon compagnon, même si à mon sens, il s’agit de mon corps et je considère à bon escient (ou non) que c’est moi qui décide si ce truc est viable ou non. Je mets mon manque d’action face à cette nouvelle sur le compte du choc. Le fait est qu’au final, je ne suis pas encline à m’en débarrasser, pas plus que je le suis à l’accepter totalement de nouveau. La surprise est toujours là, je ne me décide juste pas quelle saveur elle a. Alors j’attends que Jordan m’en donne une idée, même si je ne suis pas persuadée qu’il sache mieux que moi comment gérer ça. « You sure ? » Je roule des yeux en même temps que je roule ma tête contre ses cuisses pour enfin accrocher mes yeux sur sa forme. “Je ne rigole pas avec un truc qui va me déformer.” Ce truc qui parait vulgaire et outrageant dit comme ça. Bear with me.
Je sens sa main qui glisse dans la mienne et je m’y accroche, autant qu’à ce qu’aux prochaines paroles. Parce que son expression est digne de la mienne la veille au cabinet et ça ne m’éclaire pas plus que cela. « What do you want to do? » Je suis touchée que mon partenaire formule sa question de la sorte. Même si là, franchement, la réponse reste coincée dans ma gorge car “I don’t know.” Réellement et sincèrement. Je baisse les yeux car je m’en veux de ne pas pouvoir affirmer avec joie que je veux le garder, qu’on va faire ensemble et que c’est juste merveilleux. C’est normalement ce qu’on est censé dire dans cette situation, non ? Je n’ai pas le cœur en joie, mais mon regard qui se pose sur nos mains liées non loin de mon estomac pourrait presque me faire pleurer. “C’est tout récent, je pense que… Qu’on peut attendre et voir ?” Voir si nous prenons la route principale ou la tangente. Analyser si trois c’est encore mieux pour de vrai. Il reste encore quelques semaines pour se décider. Je ne veux pas me précipiter - aurais-je peur de regretter ? Visiblement oui.
« You told Maria ? » Je relève mes yeux vers lui tout en hochant la tête. “Do you really think I would tell Maria before you ?” Je ne cherche pas à comprendre comment Maria a pu le savoir. “She just felt it. Some mama vibe kind of things, I guess.” J’aurai pu le lui dire, à Maria. A défaut que ma mère ne soit pas présente en ville ni joignable par téléphone, j’aurai pu me tourner vers la belle-mère. Mon corps pivote complètement vers Jordan, faisant dos à la télévision, outrageant ma saga préférée pour aller fourrer mon nez dans son sweat. “I'm terrified, Jordan.” que je bredouille contre lui.
“Je ne rigole pas avec un truc qui va me déformer.” Aucun doute possible. Ses mots. Son comportement. Elle est enceinte de toi. Holy fucking shit. Tes petits soldats vont grandir en elle modifiant son corps. “I don’t know.” Qu’elle le garde ou non, son corps va être impacté. Tu gardes bien sa main dans la tienne. She’s got one in the oven. Tu n’aurais jamais cru. Tu n’avais même plus peur depuis le temps quand au début de votre relation tu t’imaginais lui faire un gosse à chaque fois que tu jouissais en elle. Y’a de la tension dans l’air, vous n’êtes pas très bavard et c’est pas du tout parce que vous êtes en train de vous monter l’un sur l’autre pour une fois. Tes yeux qui vont et viennent toujours sur l’écran de ta télé et sur Birdie car ton cerveau a un peu comme un court circuit. T’as du mal à réaliser ce qu’elle vient de te dire. “C’est tout récent, je pense que… Qu’on peut attendre et voir ?” « Sure. Of course. » Tu hoches la tête. Il est clair que ce n’est pas une décision à prendre à la légère. L’un comme l’autre, votre vie va changer à partir de maintenant. Holy fucking shit. Birdie est enceinte. What the fuck. Et Maria sait. C’est clair comme de l’eau de roche maintenant. “Do you really think I would tell Maria before you ?” Ca t’aurait surpris sans te surprendre en même temps. Sûrement qu’une femme qui est mère peut rassurer mieux que toi qui est encore en train de te répéter des Holy fucking shit. “She just felt it. Some mama vibe kind of things, I guess.” Tu hoches la tête. « She guessed it for Alejandra too. » Quand baby Linda était en train de se former dans son ventre.
“I'm terrified, Jordan.” Birdie qui s’est retournée pour être complètement contre toi. Ses mots, son langage corporel qui te brise le coeur et tu ne sais pas quoi faire. Tu passes mieux tes bras autour d’elle pour la maintenir. Tu sais réellement pas quoi dire ou faire de plus que la tenir contre toi. Tu la redresses un petit peu sans qu’elle n’ait besoin de faire d’effort car elle est si petite et menue. Elle se retrouve assise sur tes cuisses, totalement enveloppée de tes bras. Sa tête contre ton épaule, ton nez contre sa tête, dans ses cheveux. Tu caresses son dos. Ton coeur qui bat considérablement vite et elle aura tout le loisir de sentir ton pouls dans ton cou. Tu déposes quelques baisers dans ses cheveux, sur sa nuque. Tes pensées qui vont plutôt loin mais pas tant quand on te connait. Tu penses bien sûr à ta mère qui est morte en te donnant la vie. T’as pas envie que le même sort arrive à Birdie. « We’ll make sure you’re fine… I promise. » Car si elle finit au cimetière comme ta mère, comme Rosa, t’iras avec elle - and it will be fine. Vous serez ensemble. Une fin à la Romeo & Juliette comme tu le fantasmes depuis bien des années. Tu ne t’imagines pas pouvoir surmonter une deuxième épreuve comme ça. Vraiment pas. Tes bras qui la serrent un peu plus. Tu détestes imaginer un monde où Birdie n’est plus.
« Sure. Of course. » Il est d’accord mais cela ne me donne pas son ressenti. Il est une toile vierge, Jordan, et je suis presque désemparée qu’il ne puisse pas trancher tout de suite l’étape à suivre. Je lui demande d’avoir le comportement que je n’ai pas, celui de savoir si oui ou non c’est correct, si nous devons nous réjouir ou au contraire, rayer cet écart de notre histoire tant qu’il est encore temps. Mais justement, le temps est de notre côté. Pour l’instant. Trois mois pour garder le clou ou le retirer. J’ai la sensation que cela va vite passer. J’ai l’impression d’avoir le lapin d’Alice au Pays des Merveilles avec sa montre à gousset au-dessus de ma tête qui tapote son engin qui fait un tic tac assourdissant. « She guessed it for Alejandra too. » Evidemment. Maria sait toujours tout avant tout le monde, elle analyse bien plus qu’elle ne parle et elle voit ce que nous, la jeune génération, ne pouvons voir. Elle a l’expérience et les bagages et l’historique pour ces choses-là, Maria.
Ce n’est pas mon cas. Je peux maîtriser les enfants des autres pendant quelques heures, ou au mieux quelques jours. Je suis là pour le fun, pour occuper, pour faire des taches partout, pour manger n’importe quoi à n’importe quelle heure, pour parler tard et être la première à proposer des trucs absurdes. Mais une progéniture… à moi. Le mien. Le nôtre. On en a parlé avec Jordan. On en a rigolé, on en a fait des hypothèses. Certains diront que ce sont des plans sur la comète mais nous, on a juste vu là une occasion de partager nos idées sur la question. Jamais je n’aurai pensé que ça deviendrait une réalité. Ma pilule n’a jamais failli dans le passé mais là, forcer de constater que les défenses ont été percées. J’en rirai sûrement plus tard mais pour le moment, je laisse mon compagnon me porter contre lui sans le contrer. Il était absurde en premier lieu de penser que Jordan se serait énervé. Qu’il m’aurait blâmé. Ou qu’il aurait été vexé. Que sais-je. Mais la situation est inédite alors je ne peux prétendre savoir à quoi m’attendre. « We’ll make sure you’re fine… I promise. » Mes yeux sont fermés alors que je le laisse me bercer contre lui, ses bras, ses mains, ses baisers n’étant que des réconforts qui s’accumulent et qui me rassurent à chaque fois. “I know I will.” que je murmure doucement, ignorant si mes pensées envers sa mère sont correctes ou pas. Quoiqu’il arrive, j’ai promis que je ne voulais pas détruire tout ça. Ni nous deux ni Jordan. Y compris cela. Surtout s’il est là, mon compagnon. S’il ne me lâche pas, tout se passera bien.
“You’re with me in this no matter what, right?” Comme si j'avais besoin de lui demander - oui. J’ai besoin de l’entendre le dire, d’avoir l’assurance qu’il ne va pas s’échapper, qu’il ne va pas m’éviter. Encore une fois, une réaction totalement irrationnelle, des attentes stupides mais qu’importe. Son rythme est aussi affolé que l’était le mien, plus apaisé maintenant que je n’ai plus cette retenue à avoir. Je soupire d’aise en replaçant mon nez contre son cou, embrassant doucement sa veine palpitante qui me fait sentir son coeur jusqu’ici. “I thought it was reliable. I’m sorry.” Je m’excuse de ne pas avoir fait attention. De ne pas avoir pensé à changer de traitement - cela aurait pu être évité avec une autre, qu’en sais-je. D’avoir ça qui va nous poser des interrogations pour les prochaines semaines. Je souffle légèrement contre sa peau, recroquevillant un peu plus mes jambes contre moi, me faisant plus petite encore dans les bras de Jordan.
“I know I will.” Tu supposes qu’elle sait à quoi tu penses et qu’elle dit ces mots pour te rassurer simplement. Y’a aucun moyen de savoir si elle va aller bien peut importe la suite des choses, mais l’entendre le dire si aisément, ça fait du bien, on va pas se le cacher. Un nouveau baiser déposé dans ses cheveux alors que tu la gardes le plus précieusement contre toi. Des chances que tu ne te défasses pas d’elle pour les prochaines 72 heures. Even more.
“You’re with me in this no matter what, right?” Tu trouves la question stupide mais tu ne lui fais pas ressentir. Tu comprends qu’elle ait besoin d’entendre les mots. Y’ a pas grand chose qui doivent faire sens dans sa tête là. Elle embrasse doucement ta peau et tu lui réponds sans faire trainer car il n’y a pas photo là dessus. « Yeah. No matter what. » Tu vois des bonnes choses des deux côtés même si y’en a un qui est clairement plus simple que l’autre. Une vie simple avec elle c’est très bien aussi. C’est tout ce que vous avez depuis trois ans là et vous êtes toujours aussi bien, juste tous les deux. Il est vrai que au delà de tes angoisses vis à vis de l’accouchement, t’imaginer, vous imaginer avec un gosse à moitié toi et à moitié elle ça a l’air super cute. En plus vous avez largement la situation financière qui va pour. Le mental tu sais pas. Vous êtes bien niqués tous les deux. Le gosse va avoir des séquelles de vous deux dès le jour de sa naissance, c’est sûr.
“I thought it was reliable. I’m sorry.” Ca te fait mal au coeur de la sentir comme ça à prendre tout le blâme de la situation. Elle se fait encore plus petite à ton avis contre toi et tu la prends toujours plus dans tes bras. « I’m sorry my soldiers found a breach. We’re too strong. » T’es con. Mais c’est vrai en plus. Tu embrasses ses cheveux alors que tu la serres un peu plus, tu poses ta tête contre le sienne. Tu l’aimes tellement tu voudrais pouvoir la protéger de tout. Vous aurez à parler dans les jours à venir car une décision est à prendre mais là d’après toi, c’est trop tôt. T’es encore sur le coup de la nouvelle et tu ne sais même pas toi même ce que tu voudrais si le choix te reviendrait uniquement. « I love you babe. No matter what. » Que tu souffles entre ses cheveux alors que tes bras la bercent toujours.
« Yeah. No matter what. » C’est con mais ça me fait du bien de l’entendre le dire. Je m’en voudrais presque de lui montrer autant de réserve et de doute à son égard mais considérant que ça fait du bien à mon être entier, je n’ai pas le cœur de m’en trouver coupable. Je n’y peux rien si mon corps et mes émotions ont leur propre existence et que cela dépasse mon entendement. Mes idées ne sont pas forcément claires et tout est confus dans ma tête. Je navigue au milieu d’une balançoire sans savoir à quel côté me dévouer. « I’m sorry my soldiers found a breach. We’re too strong. » Malgré moi, sa répartie me fait rire légèrement. C’est dans ces moments-là que je me rappelle pourquoi Jordan et pas un autre. Il a le mot qu’il faut pour me faire sourire, ou mieux, rire. Il est doux et il est prévoyant et ça me rassure doublement que si l’aventure se fait, ça ne pourra qu’être avec lui et pas un autre. “Yeah, well, it still took almost three years.” J’ignore si strong est le mot, si ça ne serait pas plutôt déterminé. Mais je m’en fiche, ma micro boutade en retour est une preuve qu’il réussit à me détendre et m’apaiser. « I love you babe. No matter what. » J’hoche la tête contre son cou avant de la relever pour embrasser le coin de ses lippes. “I love you too. ” que je chuchote contre sa bouche avant de retourner enfouir ma tête contre son cou. J’ai au moins la certitude sur ce point, même je n’en doute pas un instant. Jordan a assez eu le temps de le démontrer durant toutes ces années et merde que ça fait du bien de se sentir aimée. Choyée.
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décembre 2023
On a pris rendez-vous pour se renseigner. Pour savoir comment cela se passait, pour être sûre d’avoir toutes les cartes en main car c’est la décision d’une vie entière et un mois après, je n’avais toujours pas réussi à me prononcer. Je navigue en eaux troubles depuis l’annonce. L’anniversaire de Jordan a été l’occasion pour Maria de me faire de nouveaux regards soutenus et de petits sourires en coin que j’ai tenté d’éviter comme la peste. Je n’avais pas le cran d’assumer pour lui dire que nous hésitions toujours. J’évitais soigneusement le sujet et je fuyais à chaque fois que Jordan tentait d’enclencher la conversation. Je n’avais pas envie d’y penser, je fais la fameuse technique de l’autruche, à mettre ma tête dans le sable en me disant qu’y a encore le temps. Ce que l’on ne voit pas, c’est moi devant les miroirs, les glaces de la maison, à me tâter le ventre, à me regarder sous toutes les coutures et réaliser qu’on ne voit rien. Toujours rien. Ce que l’on ne sait pas, c’est la réalisation de mes doigts qui passent sur moi en me me disant qu’y un bout de Jordan là-dedans qui se créer. J’aurai pu appeler mes sœurs mais trop de personnes au courant alors que rien n’a été pris est un risque énorme d’être encore plus harcelée.
Alors brutalement, sorti de nulle part, je suis arrivée dans la cuisine en annonçant à Jordan que j’avais pris rendez-vous dans un centre. C’était une décision sur un coup de tête et j’ai flippé, j’ai senti mon coeur battre jusqu’à mes tympans mais j’ai gardé la tête froide. Jusqu’au rendez-vous où on nous a exposé toutes les solutions possibles, celle avec les médicaments jusqu’à neuf semaines et la chirurgicale jusqu’à douze. Je suis restée pétrifiée sur ma chaise, n’ayant que l’envie de vouloir fuir de ce bureau qui sentait beaucoup trop le médical, mes mains repliées contre mon ventre. Quand nous sommes rentrés, j’ai foncé à mon atelier pour m’y enfermer. Je suis injuste avec Jordan en me bloquant dès qu’il faut parler de choses sérieuses mais j’ai les yeux qui piquent, j’ai le cœur en pleurs et je n’assume rien, je n’assume pas la possibilité que me le retirer puisse me faire du mal. Je pensais que coudre allait me faire du bien mais c’est le contraire qui se passe. Je ne trouve pas ce que je veux, j’ai l’impression que tout est en bazar, je m’énerve de plus en plus et je finis par hurler de rage en balançant ma boîte à travers la pièce. Et ce n’est que le début avant que je m’en prenne au reste, et même à ma machine à qui je force un coup de pied rageur tout en continuant à hurler. Je craque, je pleure et je ne suis qu’une bulle d’angoisse et de retenue qui est en train de partir totalement en vrille.
Je suis en train de tout bonnement réalisée que je le veux, ce mini-nous. Je le veux, je le désire et je l’aime déjà. Je ne veux pas qu’on me l’enlève. J’en deviens complètement folle rien qu'à l’idée.
“Yeah, well, it still took almost three years.” Tu apprécies de l’entendre se relaxer le temps d’une remarque stupide et d’une légère joute verbale comme vous savez si bien le faire. It’ll be alright. Que tu as envie de lui dire de nouveau mais tu n’as pas non plus envie de dramatiser encore plus la situation. Tu te décides à juste lui dire combien tu l’aimes car dans cette situation à ton avis, il n’y a rien d’autre que tu puisses faire qui serve. “I love you too. ” Un dernier baiser sur ses lèvres avant qu’elle se cale de nouveau contre toi. It’ll be alright.
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Décembre 2023 Doucement mais sûrement, vous prenez toutes les infos pour enfin prendre une décision à un moment donné. T’as pas forcé, même si t’as lancé un multitudes de perche assez subtiles à ton avis. Loin de toi l’idée d’agacer ton oiseau. Tu sais que ce n’est pas rien mais le temps n’en a rien à faire lui. Il avance quoi qu’il en soit. Tu ne veux pas qu’elle regrette si elle n’a plus le choix à un moment donné. Pas forcément rassuré d’aller à ce rendez vous là, mais c’est avancer dans tout ce schmilblick à ton avis. Tu tentes une ou deux conneries sur le trajet retour. Des boutades qui n’ont rien à voir avec le gros sujet de la journée. Tu veux dédramatiser la situation mais Birdie n’est pas du tout réceptive et tu ne forces pas plus. Tu es aussi plutôt retourné suite à ce rendez vous et tu comprends très bien que pour elle ça doit être encore plus fort car tout ça c’est son corps, c’est dans son corps, en ce moment même. Chaque jours qui passent y’a ce truc qui grandit.
Le seuil de chez vous à peine passé, elle file dans son atelier alors que tu es encore en train de fermer la porte. Tu prends une grande inspiration car c’est beaucoup d’émotions tout ça. La situation en elle même et puis voir Birdie sous ce jour là c’est vraiment pas habituel. Tu te demandes si elle sera de nouveau comme avant un jour ou si cette grossesse, à terme, ou non, va la hanter jusqu’à la fin de sa vie. C’est son cri qui te sort de tes pensées, c’est le bruit de ce qu’elle est en train de jeter avec force qui te fait aller jusqu’à sa pièce. Inquiet et triste de la voir dans cet état. Tu ouvres la porte afin de vérifier qu’elle n’est pas en train de se tuer, de se faire mal. Tu la laisses se défouler alors que cette vision de ta partenaire à bout de nerf te bouleverse. Tu essuies tes yeux quand tu sens les larmes sur tes joues et c’est seulement quand elle est à bout de force, en train de s’effondrer en larmes que tu t’approches jusqu’à elle pour la prendre dans tes bras. Tu l’entraines sur le canapé qui est plus confortable que le sol et tu essaies de lui donner tout l’amour dont tu es capable. Elle s’en est pris à son atelier, à sa machine que tu vois par terre, la situation est grave. Tu ne cherches pas à sortir une connerie pour la faire rire c’est pas le moment. Et puis t’as trop de larmes dans tes yeux et la gorge nouée pour y arriver de toute façon. Fait pas genre c’est parce que c’est pas le moment Jordan. Fuck off. Ce rendez vous vous a retourné tous les deux, elle bien plus que toi, mais la voir comme ça… Ça te brise le coeur. « It’ll be alright… » Les seuls mots que tu arrives à sortir après des longues minutes, peut être même des heures à la garder contre toi. Tu ne sais pas si elle a pris une décision mais tu feras tout pour que dans tous les cas, ça ira. T’es même en train de penser à aller couper tes petits soldats à la source pour ne pas que cette situation se reproduise à l’avenir.
L’esprit bouillonne et j’ai tellement réfléchi qu’au final, je n’arrive plus à communiquer les points entre eux. C’est un gouffre sans fin qui me porte sans ménagement contre tout ce qu’il y a dans la pièce. Mieux vaut eux que le reste de la maison, Jordan pourrait m’en vouloir de saccager sa maison. La sienne avant d’être la mienne, même si j’ai réussi au fil des mois à y amener ma patte, mon empreinte, mon influence. Mais l’atelier est véritablement mon endroit et il n’y a qu’ici que je peux craquer à ma guise. Trop de pression, trop de stress, et je dois me calmer, je dois me reprendre parce que ce n’est pas bon, je dois détendre mes nerfs pour ne pas le perdre d’une façon aussi brutale qu’une crise. Quand je finis par m’effronder en larmes, ce sont les bras de Jordan que j’ai autour de moi et je me loge sur son torse en empoignant son sweat pour m’empêcher de chavirer autant que de le taper lui à son tour. Il n’a rien demandé, il subit, il attend, il patiente, il est là et je suis tellement égoïste d’être comme je suis ces derniers temps. « It’ll be alright… » Je ne vois pas son propre visage, ni l’expression et encore moins ses propres prunelles humides. J’ai les miens qui s’engorgent et évacuent sans discontinuer, ce qui finit par me frustrer car je veux m’exprimer mais mes poumons n’y arrivent pas.
Je ne réalise pas combien de temps il se passe avant que je réussisse à retrouver mon souffle. Une cohérence dans mes idées. Un épuisement certain qui envahit mes muscles. Les sanglots qui s’apaisent mais qui ne disparaissent pas pour autant. Je bredouille, étouffée par ces émotions qui explosent. “I don’t want them to take it away from me.” Ma voix n’est pas assurée, elle n’est pas sûre mais les paroles viennent des tréfonds de mes entrailles. “Je sais qu’on en a pas beaucoup parlé. Je ne sais même pas si tu le veux vraiment toi. Je sais pas et ça me rajoute encore plus sur la conscience.” Parce que Jordan m’a juste soufflé son soutien, son support, mais à aucun moment il n’a exprimé l’envie, ni exprimer un enthousiasme quelconque. Ou alors je ne l’ai pas vu, ou je ne lui en ai pas laissé l’opportunité à me refermer comme une huître à chaque fois qu’on frôlait le sujet. Je lève les yeux vers le visage de Jordan et j’ai un pincement au cœur en voyant ses traits, en prenant conscience que c’est moi qui le rend émotionnel à ce point. Je ne suis pas la partenaire idéale en ce moment et je ne donne que la sensation que c’est un poids que j’ai dans le ventre alors que- "But I don't mind having a little you growing inside of me." Que je murmure doucement en levant une main sur sa joue. Je scrute ses yeux, son nez, ses lèvres, ses joues, son front, sa mâchoire que je caresse tendrement, des larmes silencieuses s’échappant de mes prunelles. "Ce gosse sera insupportable mais… ça sera nous. Y a un bout de toi là-dedans et je veux pas, je peux pas priver le monde de ça.” Y a rien qui se sent pour l’instant mais je me redresse un peu plus contre lui tout en portant sa main contre mon ventre. “I will probably be a pain in the ass but I want to go on that road with you. Because it’s you. Because I love you. I trust you. You mean everything. I can’t let them take it away from me. It would be like they’re taking a piece of you away from me. I can’t let that happen.” Mon front contre le sien, j’énumère, je lui rappelle toute l’importance que mon partenaire a à mes yeux. Même si je n’ai pas été agréable, facile, drôle ces dernières semaines, Jordan ne doit jamais douter de sa place dans ma vie. Le seul doute qui persiste est sa volonté à le vouloir, ce truc qui deviendra un humain à notre charge pour au moins les vingt prochaines années - l’idée me fait chavirer comme jamais. Je ne vois jamais loin. Encore moins dans vingt ans.
Une bonne chose à ton avis c’est qu’elle ne cherche pas à se défaire de tes bras. Tu aurais cru qu’elle ferait de la résistance, que tu te prendrais quelques coups, mais nope. Elle a l’air à bout de force complètement, physiquement et émotionnellement. Elle est inconsolable et tu es prêt à rester planté là jusqu’à ce qu’elle s’endorme et se repose un petit peu. “I don’t want them to take it away from me.” Oh god. Tes yeux qui se réouvrent, comme si ça allait aider à ce que tu entendes mieux. “Je sais qu’on en a pas beaucoup parlé. Je ne sais même pas si tu le veux vraiment toi. Je sais pas et ça me rajoute encore plus sur la conscience.” Oh Bird… Ses yeux qui rencontrent les yeux. We keep it? "But I don't mind having a little you growing inside of me." Sa voix n’est pas assurée mais elle est déjà plus calme que plus tôt. Sa main sur ton visage. Tu fermes les yeux un bref instant, profitant de son touché sur toi. Essayant de réaliser aussi les mots qu’elle t’a dit. A Little me inside of her. ’’Ce gosse sera insupportable mais… ça sera nous. Y a un bout de toi là-dedans et je veux pas, je peux pas priver le monde de ça.” Tu n’arrives bizarrement plus à ouvrir les yeux maintenant qu’ils sont fermés. Maintenant que tu entends ces mots qui font glisser quelques larmes sur tes joues. C’est bien trop d’importance qu’elle te donne et t’a du mal à réaliser l’extension de ses mots. Qu’il va y avoir une partie de toi qui n’est pas toi, sur cette planète. Qui sera aussi une partie d’elle. Mais elle ne parle que de toi et ça te touche énormément. Tu la sens prendre une de tes mains pour la porter à son ventre. Tes yeux toujours fermés mais tu sais très bien ce qu’elle fait. Tu sens. “I will probably be a pain in the ass but I want to go on that road with you. Because it’s you. Because I love you. I trust you. You mean everything. I can’t let them take it away from me. It would be like they’re taking a piece of you away from me. I can’t let that happen.” Tes larmes qui redoublent car c’est clairement la plus belle chose que personne ne t’a jamais dit. Tu caresses doucement son ventre alors que tu enfouis ton visage dans son épaule à elle car t’es all over the place. Ta main qui se contracte sur son ventre et tu laisses un bon et long moment passer afin de te remettre un temps soit peu les idées en place. Le temps que tes larmes cessent.
Tu sors de ta cachette , te redressant, tu as pris la peine d’essuyer tes yeux - et ton nez oups - sur le haut de la mère de ton futur enfant. Tu la regardes, essayant de trouver quelque chose à dire. Tes yeux qui se baissent vers ta main toujours sur son ventre. Tu renifles un peu - glamour. Ton regard qui remonte au sien entre deux reniflements encore. Tu vas lui déposer un baiser tendrement. Tu restes contre ses lèvres un long moment. I love you. You are way too good for me. You’re so brave. You’re so good at saying so many nice things about me… Car elle en dit pour deux depuis des années. Toi qui ne sait que te dénigrer. Tu te sens une meilleure personne avec elle parce que tu la crois quand même quand elle dit de belles paroles à ton sujet. Tu montes doucement ta main de son ventre à sa poitrine. « I’m in with you no matter what. Even when you’ll have big boobs. » Jordan… C’est vraiment le premier truc auquel tu penses? Nah. Mais vraiment, t’es trop ému pour revenir sur autre chose en premier lieu. Tu arrives même pas à véritablement rire de ta très bonne vanne à ton avis. C’est pas une blague. Ses petits seins vont te manquer. T’as peut être envie de lui montrer que tu vas être a pain in the ass toi aussi. Qu’elle n’en doute pas. Vous êtes la pire meilleure équipe.
Dernière édition par Jordan Fisher le Sam 14 Aoû 2021 - 0:57, édité 1 fois