Il pleurt, Jordan, et je coince ma lèvre entre mes dents, je me torture l’esprit pour savoir si je dois continuer ou non. “Don’t cry, baby, please.” je chuchote tendrement, une petite supplication parce que je vais me mettre à pleurer de nouveau aussi sinon. Si ce sont des larmes émues ou de celles qui veulent dire qu’il veut tout le contraire, je ne sais pas. Ce que peut penser mon partenaire sur le sujet m’est inconnu pour la simple et bonne raison que je n’ai pas voulu en parler. Ni même l’écouter. Et voilà que je lui impose mes conditions, mes envies. Je suis la pire et je finis par embrasser sa joue en caressant l’autre pour le réconforter, pour éliminer les traces dont l’interprétation reste mystérieuse. Jordan finit par cacher son visage de moi et mon bras libre l’encercle contre moi alors que je plonge mon museau dans ses cheveux pour y reprendre une dose de son odeur et m’aider dans ma respiration. Je le tiens aussi longtemps qu’il a besoin, même si j’appréhende. D’habitude, je suis plutôt optimiste, le verre est toujours à moitié rempli, mais là, je ne peux pas m’empêcher de penser au pire. Et s’il ne veut pas ? Et s’il pensait que j’allais vouloir en finir ? Est-ce qu’il pense que c’est trop tôt ? Qu’on n’est pas encore prêt ? Qu’on n’a pas un rythme de vie pour accueillir un enfant ?
Pourtant, quand il remonte sa tête, sa main est toujours sur mon ventre et je le vois qu’il l’observe. Brièvement avant que ses prunelles rougies par les larmes croisent les miens, puis ce sont nos lèvres qui entrent en collision et je me redresse un peu plus en chevauchant sa cuisse. Je le prends comme un signe positif, ce baiser, et il me fait du bien. Sa bouche et sa présence. Jordan a beau pleurer, il est solide. De corps et d’esprit. Il m’est indispensable maintenant plus qu’avant. « I’m in with you no matter what. Even when you’ll have big boobs. » Je le scrute intensément avant de rire doucement tandis que mes deux mains s’occupent à masser ses joues pour l’aider à s’apaiser. “Oh, that explains the tears then. They will be sad too if you deny them.” Amusée, j’en souris légèrement, déposant un baiser sur ses lèvres. “Does it mean you’re okay with that ? Do you want it too ?” Je murmure contre sa bouche avant de reculer légèrement pour caresser ses cheveux et ancrer nos regards ensemble pour être certaine que sa réponse ne sera pas juste pour me faire plaisir. J’ai besoin d’entendre son aval. J’ai entendu son soutien mais pas son approbation. J’ai besoin de cela pour réconforter mon impression, mon envie, ce désir que je n’aurai jamais pensé avoir un jour. Avoir un amant quelconque, je n’aurai pas vraiment hésité. Mais là, il s’agit de nous. Ce n’est pas un coup d’un soir, ça ne l’est plus depuis très longtemps - est-ce que même ça l’a été un jour ? ; c’est mon allié depuis plus de deux ans, le complice de mes conneries. Alors je suis prête à faire sacrifice de ma personne entière pour lui donner un Jordan miniature, aussi adorable, poli et maniaque que lui. Je prends conscience sans vraiment y faire attention que ce n’est pas une décision pour choisir la nouvelle tapisserie que j’ai tané à avoir sur un mur dans l’atelier. Ce n’est pas anodin. Il y aura une petite bestiole pour venir nous interrompre ou nous poser des contraintes si j’ai la moindre envie de vouloir aller fourcher son père - les priorités, que voulez-vous.
“Don’t cry, baby, please.” Elle est drôle elle. Tu lui aurais dit ça juste avant quand elle était en larmes, elle t’aurait envoyé chier. Vous ne gérez pas et c’est extrêmement d’émotions que vous êtes en train de vivre ensemble. Mais tu aimes la sentir si proche de toi là. Vous avez besoin de vous sentir physiquement car oralement, toi en tout cas, t’es a big mess. Elle dit bien plus que toi l’oiseau, t’es impressionné par sa personne. Elle embrasse ton visage, te laisse te cacher ensuite, tu la sens qui reste contre ton crâne. Vous êtes tellement enlacé étroitement que vous ne faites qu’un. Trois.
Ta phrase aura eu l’effet escompté. Elle rit. Elle est bien plus en contrôle de sa personne maintenant. C’est elle qui se tient droite et qui te tient le visage comme si tu étais la chose la plus précieuse au monde. “Oh, that explains the tears then. They will be sad too if you deny them.” Ok, tu n’avais pas ri à ta propre répartie mais la sienne dépasse tout. Perfection. Car le voilà enfin un véritable sourire sur ton visage alors qu’elle embrasse tes lèvres en même temps. “Does it mean you’re okay with that ? Do you want it too ?” Elle veut entendre les mots clairement Birdie. Tu ne peux que comprendre pourquoi. C’est très loin d’être rien ce qui est en train de se passer. C’est même tout. C’est plus que vous deux. Elle se défait de ton visage car le but là, c’est que tu répondes et il vaut mieux que ses lèvres ne soient pas sur les tiennes pour que ce soit plus optimal. Elle a vu que tu as du mal à répondre; elle va pas te gêner. Elle veut t’entendre confirmer que tu veux ce bébé. Tu fermes les yeux un moment histoire de chercher comment formuler. Mais c’est simple pourtant Jordan. Suffit de dire oui. Tu rouvres les yeux et trouve les siens. « Yeah… I want it too… » Car c’est incroyable tout ça. Ton histoire avec Birdie est irréelle et y ajouter un mome dans l’équation c’est juste un peu plus d’improbable. Mais vous avez largement les moyens de subvenir à ses besoins financièrement. Tu sais qu’elle est douée avec les gosses. Toi aussi. Tu l’aimes déjà ce gosse et tu ne le connais même pas… C’est assez fou.
« There’s just… » Allez Jordan. Est-ce que tu vas réussir à sortir les mots ? Tu le veux, tu y penses, il le faut même. Elle sait. Elle sait très bien. Ton anniversaire était y’a pas si longtemps et cette année tu n’as que très brièvement mentionné l’anniversaire de la mort de ta mère. Parce que tu sais que Birdie est enceinte depuis quelques semaines. C’est con mais t’arrives pas à lui dire combien t’as peur qu’elle reste sur le carreau comme Ashley Fisher le 30 novembre 1990. « Va falloir qu’on bouge ton atelier dans le garage. » Un doux sourire sur tes lèvres. T’as pas eu les couilles de lui dire ouvertement ce qui te fait flipper. Tu auras tout le loisir de le lui faire ressentir au fil de sa grossesse. « On fera quelques travaux pour que ce soit parfait. I promise. » Tu déposes un baiser sur ses lèvres. Tu ne te vois absolument pas changer de maison. C’est ton bébé cette maison et tu sais qu’avec quelques aménagement le grand garage pourra accueillir l’atelier de Birdie. Vous aurez vos lieux de travail, de passion, de loisir, côte à côte. Car l’ancienne chambre d’amis sera la chambre de votre enfant… Dear. God. Yup.
Jordan a souri mais il met du temps à répondre. Je ne peux pas lui en vouloir. Il est ému, lui aussi. Submergé par autant d’émotions et de chamboulements que moi. Il est aussi impliqué que moi dans cette histoire. Sans lui, il n’y aurait pas eu de petits soldats qui se seraient incrustés en moi. Il n’y aurait pas non plus eu cette volonté de vouloir le garder, ce futur petit être. J’ai été tellement focalisée sur ma personne que je l’ai presque effacé de l’équation ; mais il va être père, il va être le parent de cette chose qui va grossir en moi alors je ne peux pas lui en vouloir d’être long à répondre, ni même à reprendre ses esprits. J’ai piqué ma crise, je me suis énervée sur le matériel, j’ai sorti ce qui me faisait gros sur le cœur depuis des semaines mais que je n’arrivais pas à assumer, à comprendre. L’ascenseur émotionnel est si fort, que ce n’est pas étonnant que ce soit moi qui le maintient contre moi pour qu’il s’apaise, retrouve son équilibre. J’ai promis de ne pas le détruire. Alors mes caresses, mes baisers, mes bercements sont autant de pardons silencieux que je cumule à son encontre avant que ses prunelles se relèvent vers les miens. « Yeah… I want it too… » Je souris légèrement, malgré la sensation qu’il y a le fameux et inquiétant mais à venir quelque part. Je ne presse rien, cependant, je me contente d’hocher la tête tout en la baissant pour aller embrasser le coin de ses lippes. Je préfère m’assurer qu’il le veuille aussi. Ce gamin va être étouffé d’amour, il n’imagine même pas pour l’instant, lui qui ne ressemble à rien pour l’instant.
« There’s just… » Il n’y a pas de mais, la formulation diffère, l’idée reste à peu près la même. Je redresse un sourcil, m’imaginant mille et un problèmes qui traversent l’esprit délicat de mon compagnon, mes phalanges s’accrochent à chacune de ses mèches pour les caresser tendrement. Je ne dis toujours rien, je pense m’être assez exprimée et je dois lui laisser sa place, à Jordan. « Va falloir qu’on bouge ton atelier dans le garage. » J’ai le visage qui s’agite brièvement, l’air surpris, parce que je ne m’attendais pas à ça. Toujours à cheval sur sa cuisse, je tourne la tête vite fait pour regarder la pièce - encore plus en bordel que d’habitude, merci à moi-même. « On fera quelques travaux pour que ce soit parfait. I promise. » Le baiser qu’il me donne, je le prolonge, je l’accentue, je le fais durer. Je soupire contre ses dents, je mordille le bout de sa langue et mon visage se pose sur le sien. “Ce gosse est même pas là qu’il empiète déjà sur mon territoire.” mais je n’arrive même pas à faire une moue boudeuse tellement que mon sourire s’élargit contre sa joue que je ne cesse d’embrasser. Il faut croire que j’ai besoin de son contact, là, maintenant, tout de suite. Qui sait, peut-être qu’après, être touchée me fera horreur. Je ne préfère même pas y penser, au contraire, alors que je passe ma jambe par-dessus sa deuxième cuisse pour être mieux installée sur Jordan. “Y a pas besoin que ce soit parfait.” Mon doigt trace la forme de son visage avant qu’un petit vent de taquinerie s’engouffre. “Même si ça le sera forcément parce que je suis impliquée.” that bitch is going to be mom. Exactement, et ça me fait rire ; ce n’est pas un enfant qui changera qui je suis, bien au contraire. Je serai la pire lionne que le monde n’aura jamais connu, et cela inclut énormément de charge à porter au futur père que j’embrasse de nouveau avec passion. Rien ne sera parfait, on ne sera jamais forcément prêt, on a tout à apprendre et il y aura des loupées mais je m’en fiche ; on est une équipe et tant qu’on est ensemble, y a rien qui pourra nous faire défaillir. Ni à deux et encore moins à trois, j’en ai la certitude.
Elle prend tellement soin de toi. Elle te soutient, elle t’aide à sortir les mots. Et elle reste surprise par la suite de tes mots. She knows. Bien sûr qu’elle sait Jordan. Elle s’y attendait. She got it. Ça ne veut pas dire qu’il vaut mieux laisser ça flotter dans l’air. We have time. Tu essaies fortement de ne pas trop t’inquiéter de l’accouchement, car il y a une grande route à parcourir pour arriver là. Elle t’embrasse longuement et tu prends tout ça comme un ’yes let’s do this it’s perfect baby.’ Tu te relaxes doucement doucement. “Ce gosse est même pas là qu’il empiète déjà sur mon territoire.” Tu ris de l’entendre et tu la serres un peu plus encore contre toi alors qu’elle s’installe mieux sur tes genoux. “Y a pas besoin que ce soit parfait.” Tu fermes les yeux profitant de son toucher sur ton visage. “Même si ça le sera forcément parce que je suis impliquée.” Tu ris doucement. « Je note que ce sera parfaitement rangé. » Car tu sais que si y’a bien un truc pour lequel elle n’est pas doué, c’est le rangement de ses affaires. Vous restez collé l’un à l’autre dans ce canapé pendant encore de très longues minutes, même heures. A vous embrasser, vous taquiner, vous stopper le temps d’une n-ième réalisation que vous allez avoir un enfant ensemble. Damn. Dur à croire et pourtant…
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Janvier 2024 Première échographie aujourd’hui. T’es légèrement stressé mais tu fais des prouesses pour ne pas que ça se sente car c’est ton oiseau qui doit sûrement avoir plus d’appréhension que toi. Tout se passe dans son corps à elle. Tu sors de la salle de bain en peignoir, entre dans ta chambre. Tu passes derrière Birdie qui est positionnée devant le miroir en petite culotte. Tu mets une petite claque sur ses fesses sur ton passage alors que tu vas direct sur ton dressing pour prendre les fringues que tu vas mettre aujourd’hui. Tu fais tomber le peignoir pour mettre ton boxer, ton short et tu réalises que ton oiseau est toujours aussi immobile. Tu réalises enfin qu’elle est en train de se regarder dans le miroir. Tu t’approches jusqu’à elle, te plaçant dans son dos pour regarder son reflet. Son ventre. Tu vas poser ton menton sur le dessus de sa tête parce que t’as l’impression que sans contact, elle ne se rendrait pas compte de ta présence. Tu vas poser tes deux mains sur son ventre, délicatement. Prêt à les enlever si jamais elle ne veut pas d’intrusion dans sa contemplation, son observation, l’analyse des changements de son corps. Elle a un petit ventre qui est carrément remarquable. Tu déposes un baiser sur le haut de sa tête. « Hot MILF. » Oh que t’es bête Jordan. Tu devrais te taire parfois. Come on it’s funny. Meh. My Bird will like. Il est vrai que tu la trouves absolument magnifique avec ce petit ventre.
L’entendre rire me fait du bien et je me satisfais grandement de ce fait. Il faut croire que nous sommes pareils, pour ça ; si l’un fait une plaisanterie, si l’autre rit, c’est que tout va bien. Même si ce n’est qu’un sourire amusé, ou un simple ricanement, ou un gloussement passager. Everything will be okay. Parce que Jordan le veut aussi. Il ne laissera pas le monde me prendre ce qui m’appartient déjà. Ce qui grandit déjà en moi depuis un mois. Oh je vais nous maudire au milieu des contraintes et des douleurs et des vomissements, que ce soit du choix de garder cette petite chose ou de notre manque de vigilance. Cela explique ceci dit pourquoi je me suis retrouvée à ne plus pouvoir supporter l’odeur du tabac du jour au lendemain quasiment. Au moins, ce vice-là ne sera pas une contrainte à pester contre. « Je note que ce sera parfaitement rangé. » Je relève mon nez dans une grimace qui veut bien dire “mmh, ouais, sauf sur ça” parce que clairement, le rangement n’est pas dans mes gênes ; Jordan le sait, ma famille le sait, tout le monde le sait. Autant dire que les qualités et les défauts de ce gamin seront assez faciles à trouver leur source - pour certains d’entre eux, en tout cas.
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C’est devenu une habitude. Un réflexe, un geste quotidien. Je ne peux pas m’en empêcher. Un miroir, une glace, un reflet de vitrine, de fenêtre, de voiture, je m’arrête. Dans la rue, je me contiens un peu plus, évidemment, mais quand c’est dans l’intimité de la maison de Jordan, autant dire que ça en deviendrait presque insupportable. Aujourd’hui encore plus que d’habitude. La première échographie. Alors naturellement qu’après ma douche, je me suis postée devant le miroir dans la chambre. Je me suis pesée et j’ai grimacé en voyant que je prends toujours un peu plus chaque semaine ; Aurora m’a dit que c’est normal, voire même très rassurant, mais je ne peux pas m’en empêcher de détester ça. Créer un humain dans son corps est exceptionnel. Mais tout ce que ça implique autour, je l’ai déjà en horreur. Je grimace en voyant ce ventre que je n’ai jamais eu. Y a ma poitrine aussi qui grossit et j’en fais la moue parce qu’au final, je l’aime bien, ma micro poitrine. Celle-là est déjà lourde à porter - comment fait Heather, sérieusement ? Je tâte mon ventre et soupire en le relâchant ; c’est bien réel. Y a Jordan qui apparaît dans le cadre, son menton sur mon crâne appelant mes yeux à les lever vers mon partenaire qui ne change pas, au moins. Je soupire de nouveau quand ses mains se posent sur ce foutu ventre alors que ma tête se loge un peu plus contre lui. « Hot MILF. » Je lâche un bref ricanement. “Tu parles. On verra si tu diras ça dans cinq mois quand je ressemblerai à une baleine avec la carte des autoroutes d’Australie établie par mes veines partout sur le corps.” Jordan ne dit que ça que parce qu’il est amoureux et que j’ai sa progéniture dans le four ; en tant que partenaire et futur papa, il n’a pas d’autres choix que de me trouver hot. La contrariété de moi-même mélangée aux hormones ferait que je me vexerais incroyablement si mon compagnon pourrait prétendre le contraire. “Ta gamine va me déformer de la tête aux pieds. Je compte bien la punir à sa naissance.” Mon expression est tellement chagrinée qu’on pourrait croire que je suis sérieuse. La vérité est que j’ai vraiment très hâte de rencontrer cet enfant - et oui, je sens déjà que ça sera une fille pour être déjà aussi pénible.
Et comme par hasard, j’ai un haut cœur - celui qui n’est pas venu en me levant ce matin mais qui fait toc toc dans mon tube alors que je cours aux toilettes. Vivement que le premier trimestre passe, j’en serai normalement débarrassée - aux dires de Maria, du médecin et d’Aurora. Et d’internet, aussi. Je lâche mon énième soupire en tirant la chasse d’eau, me dirigeant vers la salle de bain pour me (re)laver les dents et le visage, mon reflet se foutant de ma tronche encore une fois. Je lui tire la langue avant de rejoindre Jordan dans la chambre en levant les mains. “If I hear you asking me if I’m fine, I’ll choke you.” je l’informe en allant directement dans le dressing pour y prendre les premières fringues qui me passent sous la main. Je suis nerveuse de ce foutu rendez-vous et aussi de cette grossesse parce que je ne suis pas de première jeunesse, je peux être dans les grossesses à risque et que je n’ai vraiment vraiment pas envie que ça se passe mal. On ne peut pas dire que je ne fais pas d’efforts ; je ne bois que des boissons et des cocktails sans alcool, la cigarette me donne envie de vomir et je ne me rappelle plus ce que c’est d’être sous effet hallucinogène. “L’avantage de cette grossesse est que je vais avoir toute ma garde robe à refaire un moment ou un autre.” Même si j’ai des jupes et robes amples qui prennent les trois quart de ma garde-robe - au grand drame de Jordan - dans quelques semaines ou mois, cela ne suffira plus. Plus tôt je m’y mettrai, mieux ça sera. Peut-être que cela donnera à ma progéniture l’envie de coudre.
Elle sort de sa transe avec ton contact. Elle se met contre toi. Tu la fais même un petit peu rire avec ta remarque. Ce qui accroche un sourire aussitôt sur ton visage même si t’es pas dupe. Elle n’aime pas tant tes mots. “Tu parles. On verra si tu diras ça dans cinq mois quand je ressemblerai à une baleine avec la carte des autoroutes d’Australie établie par mes veines partout sur le corps.” Tu souris de manière amusé au début puis au fur et à mesure de ses mots tu prends un air étonné. « Are you saying I’m finally gonna be the cute one in our relationship? » Parce que bien sûr elle est magnifique et toi t’es juste un little monster. “Ta gamine va me déformer de la tête aux pieds. Je compte bien la punir à sa naissance.” Tu captes bien qu’elle fait référence à une fille d’entré alors que sauf erreur de ta part, vous allez faire la première écho aujourd’hui donc… Y’a aucun moyen qu’elle sache déjà. Tu notes en tout cas qu’elle a ce feeling. Ca te fait bizarre parce que tu l’as toi aussi mais tu n’as pas osé l’exprimer encore car… c’est pas le genre de truc qu’on choisit. C’est le moment qu’elle choisit (non on choisit pas non plus) pour courir aux toilettes. Tu en profites pour aller finir de t’habiller car l’important ça reste que vous soyez à l’heure au rendez vous. Tu sais aussi par expérience qu’il vaut mieux éviter de suivre l’oiseau quand elle va vider ses tripes aux toilettes. Tu iras faire un tour devant la salle de bain si jamais y’a un grand silence trop long à ton goût. Mais ce n’est pas le cas. Tu entends la chasse, tu entends l’eau ensuite du robinet. She good.
Tu enfiles tes chaussures, assis sur le lit quand elle refait apparition dans la chambre. Tu portes toute ton attention sur elle aussitôt pour voir comment elle va. “If I hear you asking me if I’m fine, I’ll choke you.” Tu peux pas t’empêcher de sourire parce qu’elle sait que son état t’importe. Tu sais aussi que c’est normal de vomir autant. Tu sais aussi que si elle a une si bonne répartie, elle va. « You do know I love it when you choke me, right? » Le pire c’est que ce n’est pas un mensonge même si ce n’est pas chose récurante tu n’as pas pu t’empêcher d’y aller de ta réparti pour l’embêter. Tu finis de te préparer et tu vas faire le lit alors qu’elle est en train de s’habiller. “L’avantage de cette grossesse est que je vais avoir toute ma garde robe à refaire un moment ou un autre.” Tu apprécies qu’elle y voit les bons côtés. « Et mes hoodies t’iront enfin. » Pas vraiment Jordan. Les manches seront toujours trop longues, mais ouais, ça sera déjà plus proche. « Ce sera l’hiver à la fin de ta grossesse. » Tu finis de faire le lit sur cette pensée que tu émets à voix haute.
Tu es en train d’aller récup’ ton téléphone sur ta table de nuit. « You ready babe? Time to go. » Birdie n’est pas du genre à s’attarder sur les horaires alors tu sens fort qu’il va falloir que tu sois le gestionnaire du temps pendant toute cette grossesse. Tu ne sais pas combien de rendez vous il y aura, mais tu veilleras au grain. En attendant elle reste ta chauffeuse attitrée. Always and forever. Même pas tu proposes de prendre un taxi, elle va te mettre un coup de tête de l’imaginer incapable de conduire juste parce que tes soldats ont planté leurs tentes dans son utérus. Tu ne sais pas quelle voiture vous allez prendre mais tu t'en rendras bien compte quand elle se met derrière le volant. Tu t'installes du côté passager et tu ne vas pas de ton commentaire sur quoi que ce soit concernant son état si elle se sent bien pour conduire ce qui est assez important. Au pire vous avez un accident et vous mourrez ensemble. Pas mal à ton avis. Mais nope, à la place tu reviens sur un détail qui est encore en train de te faire cogiter. « I'd like it to be a baby girl as well. » Tu te mords la lèvre d'avouer ça. Peut être pas une bonne idée si jamais c'est un garçon au final. Tu veux pas déjà envoyer des mauvaises vibes à ton enfant qui n'est même pas né. Tu avais juste envie de lui communiquer que tu avais le même désire qu'elle à ce niveau là. Tu l'aimeras autant si c'est un garçon, mais... Y'a un feeling dans l'air, tu sens et tu voudrais aussi une fille.
« Are you saying I’m finally gonna be the cute one in our relationship? » Je le frappe au torse en guise de réponse, ayant bien conscience que ça ne fera qu’accentuer son expression de petit con qui perle sur son visage. Jordan est le cute de cette relation, c’est un fait avéré et j’y tiens particulièrement ; parce qu’il est hors de question qu’on m’affuble de cette absurde étiquette tellement que c’est loin de la réalité, no matter what you say, Fisher. Mon partenaire sait que ça me fait toujours réagir comme remarque, c’est sûrement pour cela que jamais il ne manque l’occasion de la faire. Encore moins aujourd’hui où ça doit se sentir que je ne suis pas forcément de bonne humeur ou, au moins, un peu dépitée de voir chaque jour mon corps m’échapper au gré de sa foutue progéniture qui va déplacer tous mes organes pour se faire une place dans mon ventre.
« You do know I love it when you choke me, right? » Je roule des yeux tout en penchant contre l’ouverture du dressing afin de pouvoir voir sa forme et son sourire. “To d.e.a.t.h.” que j’énumère lentement et par lettre pour le côté dramatique. Je suis bien placée pour le savoir. Heureusement que je ne suis pas sérieuse ; je l’aurai été, Jordan l’aurait tout de suite remarqué. Il pourrait presque m’énerver à être comme ça, à prendre toujours en riant ce que je peux dire mais au final, c’est sûrement un mal pour un bien. Jordan doit être aussi tendu que moi, même s’il est bien meilleur pour le cacher. Pour une fois, je pense fourbement alors que je finis de m’habiller tout en l’observant faire le lit - j’aime pas quand le lit est fait mais je ne dis rien. Je préfère parler de ma future garde-robe spéciale grossesse qui sera sûrement réutilisée par la suite d’une façon ou d’une autre - on n’aime pas le gaspillage, chez les Cadburn. « Et mes hoodies t’iront enfin. » Je fronce le nez tout en disparaissant de nouveau dans le dressing pour y chercher un truc manquant. “Mmh, à part si je prends vingt kilos.” Parce que j’ai quand même du mal à croire que je pourrai les mettre jusqu’à la fin. Mais ce n’est pas ça qui m’empêchera d’en piquer. Si ça se trouve, je ne vais pas prendre tant de poids que cela. Des détails absurdes dont je n’avais jamais eu à me préoccuper avant. « Ce sera l’hiver à la fin de ta grossesse. » Je passe un doigt sur mon sourcil alors que je me dirige une nouvelle fois vers le miroir. “Thanks god.” Parce que l’été enceinte, ça doit être l’enfer. Déjà que mon corps fait le yo-yo avec la chaleur extérieure et intérieure, je n’ose imaginer ce que ça doit être quand on a un ballon qui fait le quadruple de ce que j’ai déjà.
« You ready babe? Time to go. » “Aye aye, cap’tain.”
J’attrape mon téléphone et les clés de mon van avant de prendre les devants en me dirigeant vers mon bébé à quatre roues. Je m’attends à tout instant à une remarque de Jordan, celle-là qui finira par provoquer sa mort immédiate par étouffement, parce que mon compagnon est toujours beaucoup trop soucieux pour son propre bien - et le mien. Cela part d’un bon sentiment et je l’aime pour ça, mais vraiment, il n’y a pas besoin de me faire sentir manchotte non plus. Chose qu’il s’épargne de faire mais je crains que plus les mois vont passer, moins la retenue sera de mise. « I'd like it to be a baby girl as well. » Arrêtés devant un feu rouge, je tourne la tête, surprise par cette remarque dont je ne m’attendais pas. Là, c’est enfin un sourire qui se porte sur mes lèvres. “You sure you could handle two me ?” L’égoïste pensant que si c’est une fille, elle me ressemblera - non, j’espère qu’elle prendra plus de son père. Dans le meilleur des cas, elle sera le parfait mélange de nous deux et ça sera parfait. De toute façon, cette gosse est déjà la perfection à mes yeux, même si elle me déforme, qu’elle me fait vomir et qu’elle prend déjà de la place. Je pince mes lèvres tout en portant ma main dans une des siennes. “Daddy’s little monster.” Est-ce que je prends déjà notre enfant pour une future Harley Quinn ? Il n’y a pas de mal à être plus originale que le monde - tant qu’elle ne finit pas par se jeter dans un cuve bizarre par amour, ça, même moi je n’ai jamais compris. Enfin quoique. En observant Jordan, je me dis que je serai capable du meilleur mais aussi du pire pour que ses beaux yeux bleus restent empreintés de tendresse quand il les pose sur moi. Je lève nos mains pour embrasser ses phalanges avant de reporter mon attention sur la route et au feu qui passe au vert tout en reposant notre lien contre moi. “Tu voudras savoir le sexe avant la naissance ou pas ? J’arrive pas à me décider.” L’éternelle indécise, vous connaissez ?
Tu ris toujours comme un gamin quand elle te frappe à cause de ta trop bonne répartie. I’m just saying the truth. Bien sûr Jordan. Et elle continue d’être saoulé par les conneries que tu dis mais c’est aussi ton moyen de rester chill dans toute cette journée assez stressante. La première échographie arrive. “To d.e.a.t.h.” Ton sourire est encore plus large et t’as juste envie d’aller l’étouffer de baisers quand elle est comme ça. My Bird. Mine and only mine.
“Mmh, à part si je prends vingt kilos.” Là t’espères qu’ils seront dans ses fesses et pas dans ses boobs. Tu n’as pas encore vraiment réalisé à quel point son corps allait être transformer. Tu la trouves toujours aussi magnifique et quelque chose me dit que ça le sera absolument tous les jours sans aucune exception. “Thanks god.” Elle est encore en train de s’observer. Tu sais qu’elle est pas bien de tous ces changements et tu n’as aucune idée de quoi faire pour qu’elle arrête de scruter comme ça. Mais il est temps de partir. “Aye aye, cap’tain.” Et elle est prête.
Tu laisses s’échapper ton souhait d’avoir une fille. Elle tourne la tête vers toi, tu fais de même. “You sure you could handle two me ?” Tu ne t’attendais pas à cette question là. « Super easy peasy lemon squeeze. » Parce que tu n’as jamais eu à supporter Birdie comme beaucoup le sous entende - ou non d’ailleurs. Tu n’as jamais été saoulé au point d’exploser. Tu aimes quand elle joue, quand elle tease, quand elle cherche, quand elle fait ses caprices, quand elle t’embête pour un rien. Tu ne la voudrais autrement pour rien au monde. Would not be my Bird otherwise.
“Daddy’s little monster.” Là y’a un sourire encore plus grand que tout ceux que tu as pu lui faire depuis l’annonce de la grossesse. Ces mots là sont parfait. Vraiment. Toi qui te considère de la sorte au fond de toi. Birdie te connait bien et elle n’a pas dit ces mots au hasard. Ca te fait quand même étrange d’entendre Daddy. Tu sais bien qu’il n’y a pas d’autre terme et tu sais aussi que y’a pas mal de nouveaux sujets à aborder avec ton psy dans les semaines à venir. Faut que tu arrêtes de te dire que tu es le fils de ton père. Tu n’es rien de lui aujourd’hui. Tu espères très fort que tu ne seras rien de lui après l’accouchement aussi. Il faut vraiment que ta partenaire vive. Il le faut. Tu vas doucement mêler tes doigts aux siens et elle va embrasser tes doigts.
“Tu voudras savoir le sexe avant la naissance ou pas ? J’arrive pas à me décider.” Tu la regardes l’air de dire You’re joking right? Mais comme elle ne l’est pas, tu lui réponds sans l’ombre d’un doute. « Oui je veux savoir avant. Enfin. Je voudrais. » Tu te reprends car tout n’est pas de ton ressort et tu sais qu’au final tu te plieras sur ce qu’elle veut elle. Car c’est elle qui subit tout. « Quoi que… Hmmm. » Y’a un truc auquel tu réfléchis depuis quelques temps. Qui te trotte et que tu ne lui as pas encore dit parce que tu te dis que vous avez le temps mais après tout… Là, ça tombe sous le sens. « Si on choisit un prénom mixte ça me dérange pas de ne pas savoir avant. » Tu te mordilles doucement la lèvre en regardant bien la route en face de toi. Tu n’as aucune idée où se trouve le rendez vous. L’hôpital de la ville ou un cabinet privé. Autant dire que l’hôpital de Brisbane c’est presque la maison, tu espères presque que ce sera là bas.
« Super easy peasy lemon squeeze. » Mon sourire se fait une place un peu plus grande sur mes lèvres sous l’expression de Jordan qui m’amuse grandement. Mon partenaire a de la patience et je suis persuadée que son coffre s’aggrandira pour deux ou trois fois plus de place si c’est possible ; ou alors, il n’en aura que pour notre enfant et plus pour moi. Là, ça pourrait poser problème. Je recule cette idée car elle est profondément ridicule - s’inventer une compétition d’attention face à un être qui n’a même pas un corps décent, il faut le faire. Je mets ça sur le compte du stress, du désarroi et de l’impatience d’arriver déjà à terme. Si je pouvais cligner des yeux et être déjà au lendemain de l’accouchement, j’en bénirai le ciel, les dieux et tous les anges que l’église a pu créer pour bercer l’humanité d’espoir éternel.
Ses phalanges se confondent avec les miennes et ça me relaxe. La conversation s’enclanche autour de la surprise ou non du sexe de l’enfant, en même temps que la voiture qui redémarre sous le feu vert. Le regard que Jordan m’a lancé sous le joug de ma question me déstabilise quelque peu car pour ma part, le mystère peut être aussi appréciable que la vérité - et encore, la “vérité”, je pèse mes mots en disant cela. La science n’est pas infaillible et même aujourd’hui, les médecins peuvent se tromper dans leurs diagnostics. Je n’ai pas envie d’avoir de mauvaise surprise, même si au final, il n’y aura aucune mauvaise surprise car qu’importe son sexe, je l’aimerai pareillement, cette chose qui va me souffler la moitié de mon drain vital pendant des mois. « Oui je veux savoir avant. Enfin. Je voudrais. » Je lève le nez en l’air tout en tournant les roues au milieu de la ville, me demandant ce que mon compagnon essaie de me dire. “Tu veux ou tu voudrais ? Je t’en voudrai pas quelque soit la réponse. Au contraire. Je t’en serai très reconnaissante.” Oui, je remets dans ses mains la décision que je n’arrive pas à prendre. Sa reprise que je répète me fait prendre conscience que la deuxième formulation impose moins que la première ; sûrement pour cela que Jordan s’est repris.
« Quoi que… Hmmm. » “Mmh ?” J’imite son bruit en fin de phrase en tournant brièvement mes yeux vers sa silhouette. Heureusement que je connais au moins la route vers l’hôpital car celle des pensées de mon amoureux me semble floue et embrumée, là, n’en voyant toujours pas le bout. « Si on choisit un prénom mixte ça me dérange pas de ne pas savoir avant. » Des prénoms, j’en ai déjà des listes complètes dans mes carnets. Depuis que je suis gamine que j’y pense, à ces prénoms que j’aime bien. Promis, notre enfant ne s'appellera ni Libellule ni Tempête. “Tant que c’est pas un prénom absurde comme… Je sais pas, moi, Caramba* ou Euthanasia, ça m’ira.” Je lâche un léger rire en arrivant sur le parking de l’établissement où je tente de choper une place non loin de l’entrée - autrement dit, une place sésame, qui vaut de l’or et dont je grogne parce que non, y en a pas de disponible, évidemment. J’ai une liste de prénoms de fleurs, de couleurs, de saisons prêtes à être utilisée ; autant dire que je suis plus fournie pour les filles que les garçons, c’est sûre. Je me concentre en accomplissant mon créneau avant d’arrêter la machine et de me tourner pleinement vers Jordan. “On a encore quelques mois devant nous pour y réfléchir. On aura le temps de voir ce qu’on trouve en prénoms et on sera parés pour savoir ce qu’on veut faire lors de la deuxième écho.” Enfin, je l’espère, en tout cas. Car je ne sais toujours pas ce que je veux, moi. Aussi bien Jordan que moi naviguons dans des eaux que nous ne maîtrisons absolument pas et le prénom, well, autant dire que c’est un gros morceau. Je préfère pour l’instant ne pas m’en soucier alors je souris avec réconfort à mon partenaire avant de me pencher pour l’embrasser doucement. Une fois sortis, j’enroule mon bras autour du sien en logeant mon visage contre lui. “I’m a bit nervous. What if something’s wrong ?” Une crainte fondée des recherches internet qui mettent en garde sur les grossesses comme la mienne - autrement dit, d’une personne de trente-cinq ans passés. Sans oublier les déformations possibles, les maladies que l’enfant peut contracter, bref, autant d’inquiétudes qui me font presser le bras de mon partenaire.
“Tu veux ou tu voudrais ? Je t’en voudrai pas quelque soit la réponse. Au contraire. Je t’en serai très reconnaissante.” L’honnêteté à toujours été ton maître mot depuis bien des années mais là t’as hésité. Tu t’es repris. Cet enfant il est une partie de vous deux, tu ne peux pas prendre les décisions seul. Tu as même le sentiment que ton pourcentage devrait être moindre par rapport à l’oiseau qui se trimballe le nid 24/24. “Mmh ?” Tu vas sur la suite de ta pensée. Un prénom mixte. “Tant que c’est pas un prénom absurde comme… Je sais pas, moi, Caramba* ou Euthanasia, ça m’ira.” Au moins vous êtes sur la même longueur d’onde à ce propos.« Ah nan t’inquiète pas là. » L’air dire : Horrible tes prénoms. Elle sourit à ses conneries et tu la suis car son beau visage qui rayonne c’est communicatif. Vous arrivez - déjà - à l’hôpital. Autant dire que tu es très loin d’être pressé pour le rendez vous. Voir le bébé ça va rendre les choses encore plus réelles qu’elles ne le sont déjà. “On a encore quelques mois devant nous pour y réfléchir. On aura le temps de voir ce qu’on trouve en prénoms et on sera parés pour savoir ce qu’on veut faire lors de la deuxième écho.” Tu hoches la tête, appréciant la liste des étapes qu’elle vient d’établir. Tu as beau avoir l’air d’un gars qui y va yolo pour beaucoup de trucs dans la vie, quand il s’agit de choses importantes là tu as une feuille de route, une liste à cocher petit à petit.
Elle a fini de se garer, elle se penche vers toi pour t’embrasser. Tu prends ça comme un : Merci d’avoir choisi Flying Bird Airlines pour votre trajet. Tu déposes un baiser à sa suite avant de sortir de son van. Elle vient se mettre contre toi comme si elle avait envie de se cacher. “I’m a bit nervous. What if something’s wrong ?” Et yup, elle le confirme à voix haute qu’elle est pas tranquille. Tu sens ton coeur battre plus vite d’un coup et c’est bien le dernier moment pour être nerveux à ton tour. « We’ll deal with it once they say there’s something wrong. » Tu embrasses le haut de sa tête avant de l’enlacer de ton bras libre. Tu ne la presses pas pour entrer déjà dans l’hôpital si elle a besoin d’un moment car… toi aussi t’as besoin d’un moment. Vous êtes en avance. T’as prévu large dans ta gestion du temps et t’es bien content de toi pour le coup. Note to self : Keep being early. Ton menton sur le haut de sa tête tu reprends la parole. « Compte sur moi pour poser toutes les questions possibles et inimaginables. Je te vois déjà sortir en leur disant que tu me connais pas. » Tu dis de la merde mais pas totalement. Des questions, tu vas en avoir par milliers. Tu es super anxieux et pour des raisons plus que valable à ton humble avis. Il te faut entendre bien des choses sur le déroulement, le process, les risques, tout.
« Ah nan t’inquiète pas là. » Alors je ne m’inquiète pas. Je ne m’inquiète pas pour le prénom parce que ce n’est pas dans la liste des priorités pour l’instant. Je ne m’inquiète pas pour le prénom car cela a le temps de changer mille et une fois d’ici l’accouchement. Parce que l’accouchement est dans longtemps, trop longtemps à mon goût, moi qui ai déjà l’impression d’en avoir assez alors que ce ne sont que les premiers mois. L’impatience de rencontrer ma progéniture - notre progéniture - est égale à celle d’être libérée de ce poids que je suis persuadée de sentir déjà. J’ai confiance en nous pour savoir le labeller de la plus jolie façon qui soit ; parce qu’il n’y a pas d’erreur possible que cette chose sera aussi magnifique à voir qu’à appeler, même si on peut craindre le pire avec deux parents créatifs. Je suis à peu près certaine que je serai la plus encline à prononcer des trucs absurdes dont Jordan aura juste à grimacer pour balayer mes propositions d’un renvers de la main. Mais encore une fois, ce n’est pas le plus urgent et certainement pas la priorité du jour ; pour l’instant, je continue à voir ce truc comme une petite chose gênante, sûrement que la première échographie me réconfortera un peu plus que ce n’est qu’un machin sans aucun sens et que je n’arriverai pas à percevoir sur l’écran.
Alors pourquoi je suis aussi nerveuse ? « We’ll deal with it once they say there’s something wrong. » Je fronce le nez parce que Jordan ne me rassure pas vraiment. Y a pas d’évocation de “if” ou de “would”, bref, aucune supposition mais que des affirmations sortant de sa bouche ne me mettent pas dans les meilleures perspectives. Je ne peux que blâmer ma curiosité à être allée voir sur internet et voir les gros titres en rose ou mauve disant que la grossesse au-delà de 35 ans comporte plus de risques. J’aurai dû me contenter des listes des prénoms parce que je ne peux m’empêcher de penser aux déformations, aux maladies, aux fausses couches, aux complications. Des facteurs que nous n'aurions pas pu prévoir puisque normalement, il n’est pas si facile de tomber enceinte à mon âge. « Compte sur moi pour poser toutes les questions possibles et inimaginables. Je te vois déjà sortir en leur disant que tu me connais pas. » Nous sommes plantés comme des idiots devant l’entrée et je camoufle mon sourire amusé en lovant ma tête contre son torse. "Ça promet. J’ai plutôt intérêt à m’y faire, histoire d’être déjà habituée quand ta gamine sera là avec toutes ses questions chiantes et sa morve au nez.” Comme si j'aurais honte de ça. Pourtant, je ne devrais pas blâmer papa parce que maman est tout aussi, voire plus, chiante que lui. Oh ce gosse va être intenable vu les gènes qu’il va avoir. Mon téléphone vibre et je l’extrais de ma poche pour voir un message d’une de mes sœurs. “J’ai jamais vu Aurora aussi impliquée dans ma vie depuis que je suis enceinte. Elle s’est rappelée que c’est la première écho aujourd’hui. J’ai presque envie de lui offrir quelque chose pour la remercier de s’en souvenir.” Ma relation avec mon aînée n’est pas forcément facile tous les jours mais au moins, cette grossesse nous a permis de trouver un terrain d’entente et surtout d’aide de sa part non négligeable. Le fait qu’elle ait eu deux enfants vers mon âge réconforte, il faut bien l’avouer. Je relève ma tête vers Jordan. “Le premier trimestre bientôt passé, je vais enfin pouvoir le dire à Will. J’ai jamais tenu un secret aussi longtemps, j’espère que t’es fier de moi.” Même si je vais angoisser jusqu’à la fin sur les possibilités de perdre cette petite chose ; j’ai beau râler et pester sur les mauvais côtés, il n’empêche que je tuerai le premier qui viendrait me l’enlever. Alors le perdre me dévasterait, surtout que j’ai déjà imaginé la chambre et Jordan avec son petit être dans les bras et les jouets, les vêtements. Cela me briserait le cœur comme jamais. “Ce n’est pas bientôt l’heure du rendez-vous ? Me dis pas que tu m’as fait arrivé une demi-heure trop tôt, honey, j’ai pas les nerfs à attendre trente minutes.” que je dis avec jérémiades en tapant le pied par terre - oui, je vais être mère et alors ? Si mon partenaire me sort quinze ou dix, je le bouffe tout pareillement - autant dire que je regrette de ne pas être plus vigilante aux horaires des rendez-vous, mais c’est Jordan le planificateur de nous deux, l’univers entier le sait. Alors cela ne m’étonnerait pas que si nous sommes arrivés en avance, mais ça m’agacerait profondément. Il n’y a rien de pire que d’attendre.
Elle n’a pas l’air de vouloir bouger et t’es très bien là. T’as beau connaître très bien cet hôpital, ça fait un moment que tu n’y as plus mis les pieds. Tu t’es assagit, tu te fais plus trop mal bêtement, ne te met pas non plus au milieu de rixes où tu n’as rien à voir avec le sujet de disorde. Tu ne viens pas non plus faire de check niveau des MST car ça fait quelques années qu’il n’y a que ton oiseau. La réciproque est toujours aussi vraie. Love her. T’es pas dérangé à ne pas entrer tout de suite car c’est flippant tout ce qui vous attend. L’inconnu. Ça promet. J’ai plutôt intérêt à m’y faire, histoire d’être déjà habituée quand ta gamine sera là avec toutes ses questions chiantes et sa morve au nez.” Elle te fait rire avec ses mots. Elle s’imagine déjà bien loin et ça te fait très rire de voir que c’est déjà ta gamine quand elle sera saoulé. I love it. Tu déposes un nouveau baiser sur le haut de sa tête, la gardant bien contre toi. Tu la vois prendre son téléphone. “J’ai jamais vu Aurora aussi impliquée dans ma vie depuis que je suis enceinte. Elle s’est rappelée que c’est la première écho aujourd’hui. J’ai presque envie de lui offrir quelque chose pour la remercier de s’en souvenir.” T’aimes tout dans ce qu’elle vient de dire. « Bonne idée. » Car tout ce qui ressort de positif de cette grossesse il faut le prendre. Surtout quand il s’agit d’une personne de plus qui s’inquiète pour la santé de Birdie et l’avancement de la grossesse. Ton menton qui n’est plus sur ses cheveux car elle a le visage relevé vers toi à présent. Tu la regardes en allant déposer un baiser sur le bout de son nez. “Le premier trimestre bientôt passé, je vais enfin pouvoir le dire à Will. J’ai jamais tenu un secret aussi longtemps, j’espère que t’es fier de moi.” Tu ouvres un peu plus grand les yeux. « Je croyais que tu lui avais déjà dit. » Et sans que ça soit un reproche ou quoi. Elle fait comme elle le désire. Toi tu as Maria qui sait. Elle a Aurora. Tu réalises qu’autant l’un que l’autre vous avez gardé ça dans la famille. C’est son mari. Oui d’ailleurs à ce propos Jordan. Nope. Ça ne te dérange pas encore qu’elle soit marié à un autre. Tu l’es tout autant.
“Ce n’est pas bientôt l’heure du rendez-vous ? ” « Si. » “Me dis pas que tu m’as fait arrivé une demi-heure trop tôt, honey…” « Non. » “ ...j’ai pas les nerfs à attendre trente minutes.” « 15… »
Tu réponds vite au coup à coup en espérant limite qu’elle n’entende pas tes réponses. T’as pas envie de mentir là, ou de la faire tourner en bourrique. Oui t’es en avance. T’as un léger sourire espiègle sur les lèvres malgré tout car t’es sur le point de dire une connerie. « On peut faire plein de choses en quinze minutes. » Ca. C’est pas faux. Mais est-ce que c’est ce dont tu as vraiment envie Jordan ? « On peut… Aller voir si y’a pas des barres de chocolat quelque part… On peut… Réfléchir à ce que tu vas offrir à ta soeur. On peut même convenir d’un jour pour l’inviter à passer. Vous vous voyez souvent ? » Non seulement t’es en train de meubler pour gagner du temps mais en plus tu es véritablement intéressé par cette information. Tu es aussi tout à fait sincère dans les propositions que tu as fait. Tu veux continuer à les faire aller dans une belle direction toutes les deux.
Dernière édition par Jordan Fisher le Jeu 19 Aoû 2021 - 20:48, édité 1 fois
« Bonne idée. » Ma proposition absurde qui n’était que de l’ironie envers mon aînée a visiblement trouvé une raisonnance chez mon compagnon, que je regarde avec les sourcils haussés. Je n’aurai pas pensé que Jordant aurait trouvé cela être une “bonne idée” mais visiblement, c’est belle et bien le cas car il n’y a rien d’ironique ou de sarcastique qui ressort de ses propos. J’ai même le droit à un bisou sur le nez, une de choses qui soulignent parfaitement qui est le plus cute des deux pour entreprendre ce genre d’initiatives. Cela n’apaise pas la boule de stress dans mon ventre mais au moins, ça me fait sourire naisement ; j’ai fini par m’y faire et accepter l’idée d’avoir l’air d’une parfaite idiote amoureuse de son être favori sur terre qui est planté juste en face de moi. « Je croyais que tu lui avais déjà dit. » Je penche la tête sur le côté. “Il le saurait que tu t’en serais rendu compte. Il y aurait déjà plein de peluches et de tenues dinosaures, sans compter sur Mario et tous ses copains. Il m’aurait envoyé une liste absurde de prénoms et il nous tanerait pour qu’on lui donne Will en second prénom.” Cela me semble évident que mon meilleur ami étant lui-même un grand enfant, il va voir là l’occasion de se faire un nouvel ami - plus tôt commence l’influence, mieux cela sera. Je brûle d’impatience de voir sa tête quand il aura information. Ma main va se loger directement sur mon ventre en pensant à la réaction de celui dont je suis toujours mariée de la plus amicale des manières. Une connerie, une lubie qui devient parfois un casse-tête chinois administratif.
« Si. » C’est déjà ça. « Non. » Mais je suis quand même convaincue que Jordan m’a traîné ici des minutes avant l’heure du rendez-vous - je le connais, prendre de l’avance est un de ses réflexes habituels, agaçant mais parfois pratique. « 15… » Je grommelle tout pareillement en relâchant ma tête décomposée contre son buste. “Tu fais chier.” Sérieusement, cinq minutes avant aurait suffi et je n’aurai pas eu l’empressement de devoir accélérer le mouvement - et j’aurai aussi pu gratter quelques minutes supplémentaires dans le lit. Je grimace légèrement en sentant une douleur contre mon bas-ventre avant de grommeller de nouveau dans ma barbe en soupirant fortement ; c’est le début de la journée mais je me sens déjà compressée de la poitrine. « On peut faire plein de choses en quinze minutes. » Je redresse ma tête vers son visage en plissant les yeux. « On peut… Aller voir si y’a pas des barres de chocolat quelque part… On peut… Réfléchir à ce que tu vas offrir à ta soeur. On peut même convenir d’un jour pour l’inviter à passer. Vous vous voyez souvent ? » Mmh, le rattrapage est acceptable. “J’aimerai déjà aller m’asseoir parce que je n’en peux plus d’être débout. Et j’ai besoin d’aller aux toilettes.” Je découvre les joies de squatter les toilettes les plus proches quasiment chaque heure depuis trois mois, quel plaisir (non). “Je veux bien une barre au chocolat… Ou dix.” Je mange une quantité non raisonnable quand je suis nerveuse, quand bien même je n’ai pas particulièrement faim. Je me dandine sur place. “Jordan, ça appuie sur ma vessie, j’ai vraiment besoin d’aller aux toilettes.” Je le supplie deux minutes avant de rentrer dans l’établissement en le tirant derrière moi par la main - car je ne veux pas le perdre non plus - et de me précipiter vers les premières toilettes que je vois.
Quelques minutes après, je ressors en me fourrant dans les bras de mon compagnon comme une masse, telle une coureuse qui vient de faire le marathon - vu mon essouflement, cela pourrait être vrai mais non, c’est simplement le déménagement de mes organes qui provoque ce type de désagréments. “On se voit plus souvent depuis qu’elle sait que je suis enceinte, en tout cas.” Jordan n’ignore pas que ma relation avec Aurora est en dents de scie ; mais forcé de constater que ma grande sœur est un soutien incroyable depuis quelques mois. Je nous dirige vers l’accueil pour qu’on nous guide vers l’aile et l’étage où nous devons aller, mon bras de nouveau enroulé autour de celui de mon compagnon comme le pilier certain qu’il est. Je pousse un soupir de contentement quand mes fesses s'assoient sur les chaises d’attente inconfortables, déployant mes jambes comme donnant l’impression qu’elles pèsent des tonnes. “Je n’aurai jamais été aussi heureuse de m’asseoir de ma vie.” Moi qui préfère courir dans tous les sens, je vais devoir apprendre à apprécier de me poser. Ma main se glisse dans celle de Jordan tout en tirant son bras de façon agaçante pour attirer son attention. “Chiche je mange dix barres avant le début du rendez-vous.” Il n’est jamais trop tard pour des défis à la con, n’est-ce pas ?
Elle est beaucoup trop adorable quand elle reçoit ton baiser sur le bout du nez et tu la serres un peu plus contre toi de ce fait. “Il le saurait que tu t’en serais rendu compte. Il y aurait déjà plein de peluches et de tenues dinosaures, sans compter sur Mario et tous ses copains. Il m’aurait envoyé une liste absurde de prénoms et il nous tanerait pour qu’on lui donne Will en second prénom.” Tout porte à croire que tu ne connais pas encore assez bien Will. Tu souris de tout ce qu’elle a énuméré et tu te tiens donc prêt à cet assaut de sa part. Ou pas. Ce sera sûrement Birdie et Birdie seule qui aura droit à tout cet engouement. « Oh my god une tenue dinosaure. » T’es en train de visualiser et c’est juste TROP ADORABLE. Tu sais qu’un bébé n’est pas une poupée qu’on s’amuse à habiller mais… C’est très clairement ce que vous allez faire. A commencer par une tenue dinosaure.
“Tu fais chier.” Sauf que le ton devient un poil moins joviale quand elle découvre que vous êtes en avance. Tu poses ta tête sur la sienne. C’est pour ton bien, notre bien. Car tu le pense sincèrement. Toi et ton anxiété d’être en retard pour les choses importantes, elle et l’enfant qu’elle porte dans son ventre, c’est une très bonne chose que vous assuriez votre présence dans les temps. Tu essaies de lui montrer les bons côtés d’être en avance. Y’a rarement de temps perdu avec toi. Le pro de la gestion. Elle t’écoute, te considère, te regarde. “J’aimerai déjà aller m’asseoir parce que je n’en peux plus d’être débout. Et j’ai besoin d’aller aux toilettes.” Tu hoches la tête tout en te retenant de dire que voilà ça va sûrement prendre un quart d’heure à aller jusqu’aux toilettes et revenir au point de rendez vous. “Je veux bien une barre au chocolat… Ou dix.” Un sourire bien plus large se fait sur ton visage. « Dix… Six pour toi et quatre pour moi ? » Car elle a un être en plus dans son corps alors tu lui laisses avoir plus. Mais elle a la tête ailleurs. “Jordan, ça appuie sur ma vessie, j’ai vraiment besoin d’aller aux toilettes.” Tu la suis à l’intérieur la laissant te tirer par la main. On a vraiment le temps d’y aller sans être en retard. Tu te retiens d’y aller de ton commentaire à voix haute parce qu’elle a l’air assez irritable déjà, tu n’as pas envie de l’embêter plus. La limite n’est pas loin à ton avis. Tu vas devoir apprendre le nouveau seuil de tolérance de ton oiseau.
Quand elle revient des toilettes elle se cale aussitôt dans tes bras. Ça te fera toujours le même effet que celui que tu as quand tu vas te caler dans ton lit douillé. T’es son matelas et tu peux la garder de la sorte sur toi toute la vie si besoin est. Tu embrasses de nouveau le haut de sa tête. Tout autant de baisers pour la rassurer toujours plus sur la suite de la journée. Pour te rassurer à toi aussi. Elle est là. Elle est en vie. Elle est juste plus facilement irritable que d’habitude. Elle a juste tout le temps envie de pisser aussi. “On se voit plus souvent depuis qu’elle sait que je suis enceinte, en tout cas.” Sa soeur Aurora et elle. Tu trouves ça vraiment bien. « Et vous ne vous êtes pas entretué en trois mois. Nouveau record. » Une partie de ta tête se demande si l’information de ta futur progéniture changerait quelque chose entre toi et ton père. Nope. Nan tu ne le lui diras pas.
Tu la laisses prendre le lead pour la suite des directions dans l’hôpital. Tu la laisses user de ton corps comme appuie à tous les instants également jusqu’à ce que vous soyez enfin dans la salle d’attente. “Je n’aurai jamais été aussi heureuse de m’asseoir de ma vie.” Tu te demandes si c’est plus dans sa tête que son corps, car l’anxiété du rendez vous est réel. T’es en train de regarder un peu les gens dans la salle d’attente et aussi les poster qui sont aux murs.
Ta partenaire redemande ton attention et tu la lui donnes le plus naturellement du monde. “Chiche je mange dix barres avant le début du rendez-vous.” Tu laisses sortir un bref rire. « Jamais de la vie t’arrives à manger dix barres avant le rendez vous. » Tu vois un distributeur juste sur un mur au fond de cette même pièce. « Tu prendrais quoi ? Snickers ? Un Kinder Buenos ça compte comme deux barres ou une ? » Car tu te sens plutôt très investit d’un coup. T’as des questions qui te viennent et tu localises même un distributeur de snacks dans un coin de la salle d’attente. « Tu gagnes quoi si tu arrives? » T’es sûr qu’elle ne le fera pas et si elle le fait, elle n’y arrivera pas. T’es pas inquiet de ce défi totalement con. Si y’a un problème, vous êtes déjà à l’hôpital. C’est le meilleur endroit pour tout genre de challenge.
« Oh my god une tenue dinosaure. » Je mords ma lèvre avec force pour calmer mon enthousiasme débordant face à l’idée mais cela ne m’empêche pas de sautiller sur place sur mes chevilles comme une future mère qui est toujours bloquée à l’âge enfantin. “C’est cool, hein, je vois déjà ton imagination qui fume sous l’idée. Mais attention, il ne faut pas s’exciter trop devant Will. Il serait bien trop content, sinon.” Il faut temporiser son entrain devant mon meilleur ami parce qu’il risquerait de nous dégoter que ça et surtout, surtout il serait fier comme un peon que nous soyons aussi partant. Surtout Jordan. Si les deux trouvent un terrain d’entente, autant dire que ça va me demander deux fois plus d’énergie pour les contrarier ; pour l’instant, le double d’énergie que je pourrai cumuler (haha, le fantasme depuis trois mois), part dans les entrailles de ma progéniture.
« Dix… Six pour toi et quatre pour moi ? » J’étais partie pour protester mais c’est une grimace sur mon visage qui me coupe en même temps qu’un rappel des besoins naturels qui se multiplient ces dernières semaines. Si nous avons quinze minutes, cela me laisse largement le temps d’aller au moins deux fois aux toilettes d’ici le rendez-vous - essaie de tenir avec juste une fois, petit être, d’accord ? merci. D’autant que je m’en passerai bien d’aller tester les toilettes de l’hôpital, croyez-le. « Et vous ne vous êtes pas entretué en trois mois. Nouveau record. » Je roule des yeux à l’extrême. “Entretuer, quand mêêêêême.” Avec Aurora, nous n’en sommes pas à ce point, tout de même, si ? Est-ce que ça serait judicieux de révéler que j’ai bien eu envie de lui faire manger des paillettes pour laver sa bouche une ou deux fois ? Non, laissons Jordan se convaincre que ma sœur et moi allons un jour réussir à nous retrouver comme le bon vieux temps - ce n’est pas de ma faute si elle a toujours été stricte avec moi. C’est mon instinct de rébellion qui se développe quand elle est dans les parages.
« Jamais de la vie t’arrives à manger dix barres avant le rendez-vous. » Je relève les sourcils et le buste sur ma chaise avec un cri effaré. “Tu me sous-estimes ? Tu nous sous estimes ? Alors là, je suis plus que consternée, Jordan Fisher. Je suis scandalisée. Outrée. Quel toupet. Tu n’as pas honte ? Je croyais que t’allais me soutenir quoiqu’il arrive, dans toute situation, je suis absolument d.é.v.a.s.t.é.e.” Faire une scène digne d’une prise de cinéma me permet de ne pas avoir mon attention sur les raisons qui pourraient me faire réellement manger dix barres. Je suis nerveuse et le monde entier peut le savoir parce que je mange tout ce qui me passe sous la main. Là, je peux passer sous une excuse de défi et je me sens gonflée de détermination face à la foi inexistante de mon compagnon. « Tu prendrais quoi ? Snickers ? Un Kinder Buenos ça compte comme deux barres ou une ? » Je pousse un lourd soupir d’envie. “Oh des Kinder Buenoooooos. J’en veux une montagne maintenant que tu le dis. Evidemment que ça compte pour deux.” Je pouffe légèrement de rire face à une pensée stupide qui me prend. “Enfin quoique ça pourrait compter pour un. Regarde-nous ; un plus un égal un.” Je ris un peu plus à ma bêtise en posant ma main sur mon ventre, le tapotant doucement face à cette logique de mathématiques. Avant de froncer des sourcils. “Enfin, j’espère qu’y en a qu’un.” J’arrondis mes yeux en prenant le bras de mon compagnon, alarmée. “Imagine y en a deux. Ou plus. Oh boy oh boy oh boy… Non, ça serait plus gros s’il y en avait plus qu’un, pas vrai ?” Comme si Jordan saurait - oui, j’ai le droit de douter de lui aussi du coup, non ? Je n’avais pas pensé à cette perspective. Un duo, un trio, un quator ; j’ai des sueurs froides rien qu’à y penser. Il faudrait que j’arrête d’y penser parce que ma tension étant déjà assez élevée sous l’effet de la grossesse, je devrai éviter de tourner de l'œil.
« Tu gagnes quoi si tu arrives? » “Mmh ?” Je suis perdue dans mes pensées et je relève la tête vers mon partenaire. “Oh. Voyons… Un massage intégral et une semaine complète sans que tu me demandes si ça va. Que ce soit de tes lèvres ou dans tes yeux.” Je pointe les miens de mes doigts en V avant de les retourner vers les siens, le prévenant que je vois quand il me pose la question même sans rien dire. Je ne suis pas très exigeante, je trouve. Je m’approche de lui pour l’embrasser doucement. “Je préfère que tu les utilises pour d’autres trucs plus sympas et divertissants.” Parce qu’au delà d’avoir envie d’aller aux toilettes, j’ai aussi d’autres envies et celles-là, y a que Jordan qui peut les assouvir. Je souris légèrement en lui mordillant la lèvre avant de secouer son bras. “Dépêche-toi, les minutes défilent, l’heure approche!” Et j’ai besoin d’une dose avant le rendez-vous. Vraiment.