Tu vois qu’il se retient. Jordan est difficilement énervable mais quand le point est touché, cela peut faire mal. Mais il se trouve qu’à cet instant précis, tu t’en fiches royalement. Il y a des bases, des choses essentielles dont ton partenaire ne peut pas se dérober parce qu’il ne réfléchit plus. T’en as rien à faire ; vous allez être trois dans quelques mois et tu ne peux pas penser une seconde que Jordan puisse se tirer comme ça sous le coup de la colère sans rien dire à personne - à toi - alors que vous allez monter en responsabilité dans quatre mois. C’est hors de question que cette situation se reproduise ; tu n’es absolument pas faite pour endurer tout cela. Ni la grossesse, quelque chose que te rébute toujours autant et dont tu détestes quasiment chaque étape, ni les nerfs en pelote que ça engendre. Et Jordan n’aide pas avec son comportement idiot, stupide, enfantin et égoïste. T’es dure mais tu le trouves dur avec toi en retour alors qu’au final, c’est toi qui te tape tout le sale boulot ; mais non, monsieur préfère aller faire un petit tour improvisé parce que des chiffres ont eu raison de lui. « Je savais pas que j’allais sortir ok ? Je voulais juste aller au studio… » “J’en ai rien à foutre! Envoyer un message, remonter l’escalier, juste même me dire d’en bas que tu vas faire un tour, c’est trop te demander ?!” et voilà le vase qui déborde. Tu t’es retournée, tu viens de crier et tu trembles encore plus sous l’effet de la colère. Tu le vois qui se prend la tête dans les mains et en temps normal, tu aurais pu commencer à t’apaiser - quoique - mais pas là. « Y’a rien qui va de ce que je fais aussi. Je veux pas te contrôler je veux juste faire quelque chose putain de merde ! Je suis là et je sers à rien et je veux juste t’aider mais je fais que t’énerver toujours plus et je sais plus quoi faire ! Même changer d’avis entre la porte de droite et celle de gauche ça ne va pas. Je savais même pas moi même que j’allais sortir. Je suis revenu nan ? Ca va nan ? T’es pas morte nan ? C’est bon j’ai compris. J’arrête d’être sur ton dos et je te préviens quand je veux sortir même si je ne le sais pas moi même comme ça on est bon. Et please commence pas à me menacer de partir pour le reste de la grossesse… » T’es pas morte nan ? Il n’y a rien qui n’est dit pour t’apaiser de toute façon ; Jordan sort rarement de ses gongs, il faut dire. D’habitude, il est toujours le premier à s’apaiser, à se calmer, à savoir prendre sur lui aussi - beaucoup plus que tu dois l’imaginer, là encore. Mais là, même s’il se contient, il n’en reste pas moins outrageant par ses mots et t’es révoltée par son dédain qui contraste clairement avec toutes les attentions qu’il a pu avoir jusqu’à présent.
« Je vais aller prendre l’air sur la terrasse. J’ai le droit ? » S’il était proche de toi, il aurait eu le droit à une gifle. Tant pis si ce n’est pas correct, mais au moins, il est trop loin pour ça et tu n’as pas l’intention de t’approcher. Tu es parfois trop impulsive, Birdie. Encore maintenant, même avec un alien dans le ventre - encore pire avec un alien dans le ventre. Parce que t’as en plus cet instinct de protection - le maternel, tu le découvres doucement - et que là, c’est le propre père qui a l’apparence de l’ennemi. Ta mâchoire s’est contractée et tu prends une inspiration même si au final, ça ne sert à rien. Tes idées ne seront pas claires tant que vous serez dans la même pièce, tant que vous n’aurez pas pris un peu de distance et de souffle chacun de votre côté. “T’as rien à faire, t’as juste à être là, comme d’habitude, à faire comme d’habitude et ne pas me traiter comme si j’étais malade ou handicapée parce que je ne suis ni l’un ni l’autre. J’ai un foutu être vivant qui se développe dans le bide et être prise comme une pauvre petite chose m’exaspère plus que tout.” Tu relèves le menton en t’éloignant du couloir ; finalement, Jordan a eu la meilleure des idées ; toi aussi, t’aurais bien besoin d’air. Alors tu vas mettre tes baskets, te souciant guère pour une fois de ton apparence - parce que t’es enceinte, t’as tous les droits, même d’être en colère envers ton compagnon et de décréter de vouloir jouer le même terrain que lui. “Fais ce que tu veux, je m’en fous vu que visiblement, t’en as à faire aussi. Vu que je suis pas morte et que tout va bien.” que tu balances avant de partir à ton tour. Cette fois, c’est toi qui dévale les escaliers - en pestant de ne pas être aussi souple qu’y a encore quelques mois - pour aller chercher l’air extérieur. T’es extrêmement raisonnable à ne pas prendre la voiture - tu ne prends pas non plus de risque inutile parce que tu n’es pas égoïste toi et que t’as un être à protéger et à défendre, qui ne mérite pas de payer d’éventuels répercussions de ta colère.
“J’en ai rien à foutre! Envoyer un message, remonter l’escalier, juste même me dire d’en bas que tu vas faire un tour, c’est trop te demander ?!” Y’a un gros problème de communication entre ce qu’elle veut que tu fasses et l’inverse. Voilà où ça vous mène. A péter un cable. Un cable qui va être réparable tu espères. Yeah. Tu veux pas croire autrement. Mais tu lui lances plein de phrases moches à la gueule parce que tu es à bout. Tu commences à aller vers la terrasse. “T’as rien à faire, t’as juste à être là, comme d’habitude, à faire comme d’habitude et ne pas me traiter comme si j’étais malade ou handicapée parce que je ne suis ni l’un ni l’autre. J’ai un foutu être vivant qui se développe dans le bide et être prise comme une pauvre petite chose m’exaspère plus que tout.” T’as bien compris ça. Mais toi aussi t’as des problèmes. Pas dans ton ventre. C’est dans ta tête. Tu as bien trop d’angoisses et tu ne peux pas t’empêcher de vouloir faire des choses pour l’apaiser mais c’est tout faux absolument tout. Tu la regardes filer. Se chausser. “Fais ce que tu veux, je m’en fous vu que visiblement, t’en as à faire aussi. Vu que je suis pas morte et que tout va bien.” Et elle sort de la maison. Et tu sors sur la terrasse. Et tu fonds en larmes avant même d’avoir pris le temps de t’asseoir sur le fauteuil de jardin. Y’a rien qui va. Birdie qui s’en va et toi qui va pas la retenir. Elle qui dit qu’elle s’en fou de ce que tu fais. Tu sais que c’est la colère qui parle mais ça fait mal d’entendre ces mots de sa bouche. La goutte d’eau pour que tes nerfs lâchent totalement.
Tu trouves place sur ton canapé, toujours sur ta terrasse, t’as pas bougé quand tu entends la porte s’ouvrir. C’est elle. Bien sûr que c’est elle. Personne d’autre entre comme ça ici. Maria ne le fait plus depuis bien des années et ce n’est pas le jour du ménage. T’es tout juste calmé et quand tu te tournes pour vérifier que c’est bien elle qui est là, même si c’est elle. Ca te rassure mais tu ne vas pas à sa rencontre pour autant. T’as besoin de plus de temps. Ses mots, les tiens, tout qui se bousculent dans ta tête. T’as peut être arrêté de pleurer mais tu es encore en train de travailler sur ta respiration car tu te connais et il vaut mieux prévenir que guérir. Cette pression sur ta poitrine n’augure rien de bon et tu ne vas pas la laisser gagner. Mais c’est pas facile quand toutes tes incertitudes remontent juste là. Comme par hasard. Tu seras certainement pas un bon père. Tu le savais déjà. T’as eu aucun exemple et visiblement tu sais rien gérer de tes angoisses. Tu crois aider mais non. Voilà où ça vous a mené. Tu te reprends la tête dans les mains, tu sais que c’est ton anxiété qui parle et que rien de tout ça n’est vrai. Non. Arrête. Jordan. Elle ne sera pas mieux à finir sa grossesse ailleurs, tu ne le penses pas. Ca arrive des disputes. Elle est revenue. Tu es revenu. Ca va bien se passer. Tu vas arrêter de vouloir la couver… Tu vas juste t’angoisser seul dans ton coin en la regardant gérer seule parce que tu ne peux rien faire. Elle te l’a confirmé. T’as rien à faire. Et ça te tue. Tu espères qu’elle ne va pas venir sur la terrasse parce que tu as besoin de plus de temps. Tu veux être seul encore un peu. Tu veux pas lever le ton de nouveau, ni elle. Tu veux que la nuit passe et que tout reprenne plus ou moins normalement. Tu veux surtout rester seul, assis, là, pour encore un bout.
Tes pas sont lourds et rapides sur le bitume, décrétant que la volonté de ton cerveau à vouloir évacuer la rage cumulée sera bien plus forte que la sensation grossissante que te donne l’alien dans ton ventre. Tu n’as rien pris sur toi, à part les clés ; même le téléphone est abandonné quelque part à la maison. De toute façon, ce n’est pas comme si tu en avais besoin. Pas comme si tu avais besoin d’envoyer un message. Puisque le principal concerné n’a pas dédaigné à le faire. Qu’il aille se faire voir. Tu ne comprends pas pourquoi ses nerfs se torturent autant et tu t’énerves encore plus de voir qu’il va de même pour les tiens. Vous vous foutez une pression monstre mais sans comprendre comment la gérer, ni la contourner. T’aurais dû prendre ton téléphone, au final. T’aurais pu appeler Will ou Lila et tu aurais eu tout le loisir d’exploser comme tu le souhaites. Une partie raisonnable en toi t’informe qu’il est préférable de t’en prendre à une tierce personne qui n’a rien à voir avec ton compagnon. Parce que t’aimes Jordan, complètement et totalement, et c’est pour cela que tu ne vis jamais bien vos disputes. Aussi stupides comme celle-là soient-elles. Si tu n’étais pas aussi butée, tu serais déjà en train de lui demander d’oublier tout ça, que tout va fonctionner, que vous allez trouver des solutions et que tout va bien se passer ; mais ce n’est pas le monde fantasmé, ici. Dans le vrai monde, tu as le pas rapide qui tourne et détourne à chaque virage, à chaque coin de rue, qui insulte les voitures qui ne te laissent pas passer à ces foutus passages fait pour les piétons et surtout, il y a les larmes de rage qui perlent malgré tes tentatives de les ôter au fur et à mesure. Que les voisins puissent te voir comme cela est au-dessus de tes forces, mais que Jordan puisse en être spectateur, ça serait encore pire.
Quand tu rentres à la maison, la nuit commence tout juste à tomber. Tu as tourné et tourné jusqu’à ce que les larmes sèchent, qu’elles ne sortent plus, qu’elles ne se sentent plus et… Ça a pris un temps infini à se faire. Mais au moins, quand tu rentres, tu as la satisfaction d’être si fatiguée et si blasée que la nonchalance et, pire, l’indifférence prônent sur ton visage. Tu as fait les courses tantôt, tu as eu mille et unes idées pour de futurs livres à noter, sans oublier des croquis à faire pour tes créations. La dispute n’est qu’un épuisement de plus, émotionnel celui-là, et c’est là que tu vois les limites désastreuses de ta grossesse quand tu n’as d’envie que d’une chose : aller dormir. Alors que d’habitude, tu serais carrément partie faire un tour en ville pour te perdre dieu-seul-sait-où, quitte à dormir dans ton van au milieu de nulle part. Mais là, tes pieds ont besoin d’eau froide, ta tête aussi sûrement et tu ne ressens pas une once de la beauté ni du bien-être qu’on attribue à cette étape de l’enfer. Alors que tu rentres, tu balances tes chaussures au milieu de la pièce sans faire gaffe, tu vas te servir de l’eau et tu files directement dans la salle de bain. Aucun regard pour la terrasse parce que tu sais qu’il y aurait des choses que la vision de Jordan prostrée pourrait te rendre de nouveau émotive. Hors de question, t’es têtue et tu as décrété que le silence est d’or. Tu as besoin et envie d’une douche, que tu prends en te prélassant dessous pendant de longues minutes, passant tes pieds, tes chevilles et tes mollets sous les jets froids avant de passer au chaud pour tes omoplates, ta nuque et tes cervicales. Comme d’habitude, en sortant, tu t’observe devant un miroir et c’est avec une moue chagrinée que tu regardes ton ventre bien visible. "Ça va aller, pas vrai ?” comme l’alien peut répondre. Comme l’alien détient le secret. Comme si c’est normal de demander réconfort auprès de son enfant - et pourquoi pas, d’abord ? C’est dans le peignoir de Jordan qui est le tien depuis fort longtemps et culotte que tu vas dans la chambre de la future progéniture. Vous avez commencé à bouger tes affaires dans le garage et quelques meubles pour enfant ont déjà fait leur apparition. Will a même déjà acheté le premier dinosaure à l’alien. Celui-là même que tu prends, en souriant légèrement avant au final de te mettre à pleurer doucement. Une seconde plus tard où tu t’en rends compte que tu fermes les paupières en les serrant intensément, tout comme la peluche que tu tiens contre toi. Tu as tenu à ramener un fauteuil suspendu que tu avais à Elimbah, dans la chambre de Lila qui a bien voulu le céder - même si elle n’a pas été très compliquée à convaincre de base. Alors c’est sur ce fauteuil qui se balance doucement et qui donne directement sur l’extérieur que tu t’installes. Tu évacues les traces des larmes sur tes joues, furieuse à l’intérieur de te laisser submerger de la sorte - mais les hormones n’ont pas plus de contrôle que toi, tu sais ce que ça fait. Tu as la peluche contre toi d’une main, l’autre main par-dessus ton ventre, protectrice du monde envers cet alien qui est pourtant la raison des maux de ses parents. Ca va aller, pas vrai ?
Elle ne vient pas. Tu l’entends évoluer à l’intérieur. Tu tends un poil trop l’oreille pour essayer de capter son aura car c’est pas avec les millisecondes où tu l’as aperçu avec ton regard flou que tu peux deviner son état. Elle est chez vous. Elle ne retourne pas vers la porte d’entrée. C’est ce qui t’importe le plus. Les minutes défilent, les heures aussi. Le seul mouvement que tu as fait c’est pour aller boire un autre verre d’eau dans la cuisine à proximité. Et pour aller pisser un coup. Tu l’as capté dans la chambre de votre futur enfant au passage mais tu es retourné dehors. Pas encore prêt à affronter le regard de Birdie.
Ça fait bien longtemps qu’un tel silence n’avait pas duré autant dans votre maison. Entre ta musique. La sienne et sa personnalité qui est plutôt très bruyante. Ça te manque là. Pas le bruyant de ses reproches non pas ceux là. Tu commences à piquer du nez, toujours installé sur ton fauteuil sur la terrasse comme si tu gardais ton fort. T’es dans le noir. La nuit t’est tombée dessus. Comme toute cette dispute et ces réalisations qu’il faut que tu changes des choses. Tu ne veux plus ça. Birdie qui part en disant que tu t’en fou. Plus jamais. Tu fermes les yeux mais pas parce que tu t’endors cette fois. Pour te donner du courage. Le temps de prendre la décision d’aller te coucher. Tu ne sais pas quel heure il est. Tu n’as pas regardé ton téléphone une seule fois. Tu te décides à aller prendre une douche avant d’aller dans la chambre. Comme pour symboliquement faire partir toutes les ondes négatives et pour enlever ta sale gueule aussi.
Tu prends un peignoir propre car le tient n’est pas là. Ce qui te conforte que Birdie s’est pris une douche. Tu n’entends toujours rien et quand tu entres dans votre chambre pour aller dormir mais aussi pour te mettre quelque chose sur le dos, elle est dans le lit. Tu restes silencieux tu vas choper le premier t-shirt que tu trouves le premier boxers aussi. Tu te casses presque la gueule à un moment et tu grimaces. T’as pas envie de la réveiller si elle dort t’as pas vérifié. Et puis tu te glisses dans le lit. De ton côté. Et t’es vraiment qu’un petit con amoureux parce que tu vas aussitôt coller ton torse à son dos. Ton bras qui s’enroule autour d’elle. Ton nez dans ses cheveux. Ta main sur son ventre rond. Baby... Tu es fatigué et ton esprit a envie de lui dire bien des choses mais elle dort peut être et tu veux pas la réveiller. Tu te sens bien mieux d’être contre elle, même si elle n’est pas consciente et c’est peut être le mieux, bien que tu n’imagines pas qu’elle te repousse. Tu espères pas.
Le temps défile comme s’il n’a aucun impact sur toi. Depuis que tu es ton propre patron, tu n’as plus besoin de te soucier des horaires, de surveiller ton quota de sommeil et encore moins de devoir te forcer à aller au lit. Comme si la vie est un perpétuel fleuve sans coupure, les jours ne ressemblant jamais cependant parce que l’on parle de toi et que tu trouves quelque chose de neuf à voir, à faire, à observer, à remarquer chaque jour. Mais là, le temps se coince dans ta poitrine et il te compresse. Le silence aussi. Il n’y a pas de bruit, outre le bruit tamisé des voisins, de la ville au loin qui se pare de ses lumières nocturnes. Tes prunelles ne quittent pas ton poste d’observation à travers la fenêtre. Tu ne peux qu’entendre les battements de ton cœur, tentant de sentir aussi ceux de l’alien mais cela se révèle vain sans machine. Tu aurais bien aimé l’avoir, celle-là. Pour te rappeler que tout ceci en vaut la peine. Qu’il y a quelque chose de beau, de concret, d’important qui se profile. Que cette dispute amère qui te laisse un arrière goût sur le palais n’a pas été pour rien. Tu ne doutes pas des capacités de Jordan à pouvoir être parent, bien au contraire. Si tu lui confierai ta propre vie, il serait le seul sur terre à qui tu confieras aussi la vie de votre propre enfant. Aveuglément, assurément, car tu sais à quel point ton compagnon est capable d’un amour débordant et de la dévotion qui va avec. Mais là… Il y a des craintes sous sa cabosse qu’il ne te dit pas, des doutes, des peurs que tu ne peux pas deviner parce qu’il n’en parle pas. Tu ne lui demandes pas car à tes yeux, c’est à lui d'avoir confiance en toi pour te parler. Tu n’es pas si terrifiante que cela, si ?
“Il faut croire que papa et maman ne vivent pas ta construction sous le meilleur des ciels. Mais t’as pas à t’inquiéter, petit alien. Ce n’est qu’une secousse passagère. Ce n’est que pour ton bien, tout ça. Je sais que tu vas bien, mais je ne sais visiblement pas comment le lui faire comprendre. Comment l’apaiser. Je l’aime tellement, ton papa, mais parfois, à vouloir se préserver, il ne me dit rien et je… Je sais pas quoi faire pour le rassurer.” tu soupires légèrement en caressant ton ventre ; cela te semble si naturel de parler à ton alien car t’es certaine qu’il t’entend. Tout comme le dinosaure et les murs et les autres peluches et décorations qui sont encore en bazar. “On va aller dormir, qu’est-ce que t’en dis.” Parce que t’es quand même épuisée et que même si cela est frustrant, tu te soumets aux limites de ton corps. Une preuve que tu es conciliante et que tu ne mérites pas de prendre des reproches à la figure. Tu n’as pas accepté et ça te hante toujours que Jordan ait pu sousentendre que tu fais n’importe quoi, que s’il arrive quoique ce soit, ça sera forcément de ta faute. Ça te blesse énormément, aussi bien dans la tête de le penser que dans le cœur où ça fait mal. Tu te déshabilles du peignoir que tu déposes sur un des fauteuils de la chambre sans y prêter attention avant d’aller te glisser dans le lit. Malgré la fatigue, tu n’arrives pas à trouver Morphée et tu entends la douche juste à côté. Quand t’entends ses pas venir dans la chambre, tu fermes automatiquement les yeux. Faire semblant de dormir pour ne pas le voir et gratter un peu plus de répit commun pour ne pas avoir à faire à l’échange de regards que chacun peut redouter. Ceci dit, Jordan n’allume pas la lumière et t’es à peu près certaine qu’il a failli tomber quelque part car tes petites guirlandes lumineuses n’éclairent pas vraiment grand chose. Tu ne réagis pas, tout comme tu ne bouges pas quand tu le sens venir, dans le lit puis contre toi. Son bras vient naturellement contre toi et t’es surprise, en même temps que nerveuse. Vous devriez vous extasier que demain, vous pourriez savoir le sexe de votre enfant. Que vous pourrez réécouter son coeur. Mais là, t’as envie de l’envoyer chier, lui et son bras, lui et sa main sur ton ventre, lui et son visage dans tes cheveux. Lui et ses mots que tu n’as pas oubliés, qui restent frais malgré tout. Mais t’es fatiguée. T’es enceinte. T’es dans les sentiments partagés. Et surtout, tu te sens cruellement bien contre lui. Alors ta main va se porter sur la sienne pour plonger vos phalanges ensemble contre l’alien tandis que l’autre tient toujours le dinosaure contre ta poitrine nue. Tu n’as pas besoin de parler ni même d’ouvrir les yeux ; le geste se suffit à lui-même. I’m mad but I love you.
Tu as un léger sursaut quand tu la sens bouger. Elle ne dort pas. Elle vient même poser sa main sur la tienne. I’m sorry… Ton visage qui se referme. Ta main qui s’accroche bien trop fort à la sienne. Tes yeux que tu fermes de toute tes forces mais ça ne sert à rien parce que les larmes sont là et tu ne peux rien faire pour les empêcher de glisser sur tes joues. Tu peux rien faire pour retenir tes sanglots. I’m so sorry… Que tu voulais lui dire mais tes émotions qui ont pris le dessus et aucun mots ne peut sortir de manière audible de tes lèvres. I’m just so scared… Tout ce qu’elle pourra entendre c’est toi qui renifle. Toi qui pleure plus fort encore que tout à l’heure. « I’m so… scared… » Que tu arrives à sortir tu sais pas comment vu comme t’es bouleversé. Si t’avais su que ta réaction serait telle tu n’aurais pas pris la peine de prendre une douche pour effacer les traces de tes larmes. Mais t’es une boule d’émotion hypersensible depuis que tes soldats ont percé sa forteresse.
Tu essaies de te calmer pour faire sortir quelques mots de plus. « If anything happens to you… I can’t do this alone… » Que tu dis en essuyant ton nez et tes yeux maladroitement. Tu te brises le coeur tout seul avec tes angoisses Jordan. Elle va bien. Elle est dans tes bras. Elle a - ok - la tension trop haute mais c’est pas ça qui va la tuer. Pas maintenant, pas demain non plus. Demain, vous voyez des professionnels et tu seras rassuré. Mais en attendant, t’as peur, tu sers à rien, et tu l’emmerdes plus qu’autre chose. Tu la repousses alors que tu ne veux que son bien mais tu t’y prends mal. Tu ne gères pas tes angoisses, tu ne sais pas comment faire… Tu en parleras à ton psy car il y a besoin. Peut être prendre un traitement pour calmer tes angoisses. T’as besoin d’une béquille supplémentaire Jordan. Tu peux pas faire ça tout seul. Tu peux pas non plus mettre le tout sur les épaules de Birdie. Elle est pas docteur. Elle va pas gérer tes trauma pour toi. Tu te sens si anxieux, vulnérable et inutile… Ça te brise de rien gérer…
Tu ne dis rien et tu aurais pensé que Jordan aussi. Tu aurais cru que le silence allait rester, pesant ou non, qu’importe, parce qu’au final, vos mains sont jointes sur l’alien et c’est un symbole assez fort pour prouver que vous ne vous rejetez pas. Ni de sa part ni de la sienne, vous surprenant à tour de rôle. Par contre, tes sourcils se froncent doucement alors que t’as l’impression qu’il renifle. Pourquoi est-ce qu’il renifle ? Tu n’imagines pas le breakdown qu’il a eu quand tu es partie ; autant que lui n’imagine pas que t’es restée des heures assise au calme sur un fauteuil - dans d’autres circonstances, il aurait été fier de toi. Tu caresses même la pensée futile que ça aurait un impact sur ta tension. S’il suffit de quelques chiffres pour l’apaiser, Jordan. Seulement, ce dernier renifle et tu n’aimes pas ça. Ce n’est jamais bon signe, même si on est en plein automne. « I’m so… scared… » Oh. Tes yeux s’ouvrent. Il parle, chose dont tu ne t’étais pas attendue. Mais ce qui te brise le plus est d’entendre les larmes à travers sa voix. La peur, la tristesse, les raisons cumulées de toutes ces attentions qui deviennent agaçantes à force et cumulées. Cependant, tu ne dis rien, tu ne bouges pas plus, au cas où Jordan veut parler. Tu ne veux pas qu’il se bloque. Tu veux savoir ce qui se trame. Tu es rassurée de voir que tu n’es pas si terrifiante mais désolée et attristée qu’il ait fallu en arriver là pour que la carapace de ton compagnon soit grattée. « If anything happens to you… I can’t do this alone… » Ton doigt joue avec un bout du dinosaure alors que tu regardes toujours devant toi.
Jordan n’a pas l’air d’en vouloir dire plus. Il pourrait mais tu as compris à travers sa voix à quel point ce n’est pas évident. Et contrairement à ce que certains pourraient penser, tu n’es pas un monstre. Et encore moins sans cœur. Au contraire. Ce même organe qui se brise en mille morceaux au moment où tu décrètes de te mettre sur le dos afin de pouvoir le voir. Où tu peux observer ton visage marqué par la détresse. Tu l’aimes tellement que tu veux le protéger de ses démons intérieurs. Mais comme lui se sent inutile avec ta grossesse, toi, tu te sens aussi inapte et sans défense face à ce qui se trame en lui. Ta main lâche le dinosaure pour aller nettoyer les traces de larmes sur sa joue tout en profitant pour amener son visage contre le tien pour que tu puisses l’embrasser doucement. “You’ll never be alone. You’re stuck with that pain in the ass forever, honey.” Une tentative d’alléger un peu l’atmosphère et même si ça te fait sourire brièvement, tu récupères vite les traits mélancoliques alors que ton regard ne le quitte pas. Tu finis par glisser tes deux bras autour de son cou pour le prendre contre toi. “Please, don’t think like that. I’m here, Jordan. I’m here and it will be fine. We’re gonna be a family and we will be fine.” Tes phalanges glissent dans ses mèches, comme si cela suffirait à lui extraire tous ses maux ; c’est futile et toi, ce n’est pas à cause d’une simple grossesse. “Je ne sais pas non plus quoi faire ou dire pour que tu me fasses confiance. Que tu te sentes mieux.” Tu n’es pas suffisante. Connaissant Jordan, il ne veut pas t’encombrer de problèmes futiles alors que tu es enceinte. Cela a l’air d’être le monde à ses yeux, un travail à plein temps - et c’est le cas, il faut l’avouer. Mais ce n’est pas une raison. “Don’t let me push you away. Because without you, there would be no family at all.” Parce que tu sais que tu ne pourras pas le faire non plus sans lui. T’as besoin de lui sur tellement de plans différents - et tu as juste besoin de l’avoir contre toi pour t’en rendre compte. Malgré la furiosité passée, malgré les mots prononcés, tout est fondu et réduit à néant face au bien être que tu ressens en étant dans ses bras.
Elle se retourne. Elle t’essuie les yeux, même si ça sert à rien parce que tes larmes ne s’arrêtent pas. Ta tristesse est bien trop grande. Tes réalisations de ce soir te brisent plus encore. Tu ne peux rien faire que d’être angoissé et prier que tout ira pour le mieux… Elle vient même déposer un baiser sur ton visage ravagé par la peine. “You’ll never be alone. You’re stuck with that pain in the ass forever, honey.” Tu aurais ri dans d’autres circonstances. Tu aurais parlé de pegging certainement mais pas là. Là tu vas glisser un bras autour d’elle. Tu préfèrerais tellement qu’elle ne puisse pas voir ton visage de la sorte et juste au moment où tu veux te cacher dans ton bras, elle passe ses bras autour de ton cou, rendant ton geste impossible. Mais c’est dans sa poitrine nue que tu peux te réfugier. “Please, don’t think like that. I’m here, Jordan. I’m here and it will be fine. We’re gonna be a family and we will be fine.” Ses mots qui sont beaucoup trop beau. Surtout ton prénom dans sa voix. Celui là même qu’elle ne dit pas souvent et surtout quand elle est en colère… Mais pas là. Ses doigts dans tes cheveux, la sensation te fait énormément de bien. Ça et que tu sois bien cachée contre son torse nu, tu te calmes doucement… “Je ne sais pas non plus quoi faire ou dire pour que tu me fasses confiance. Que tu te sentes mieux.” Ta peur est irrationnelle. Tu le sais. C’est ton trauma qui parle. Tu ne sais pas non plus ce que toi ou elle ou n’importe qui peut faire. A part prendre des cachets pour calmer tes angoisses… Tu vas essayer de t’en procurer dès le lendemain. C’était une fierté pour toi de ne plus prendre aucun traitement depuis bien des années mais la situation actuelle est bien plus forte que toi. Tu as besoin d’aide supplémentaire pour le bien être de votre couple. De votre futur enfant aussi. De toi surtout Jordan. “Don’t let me push you away. Because without you, there would be no family at all.” Peut être que ça aurait été mieux comme ça… Tu doutes tellement… Tu as si peur.
Y’a quand même un point positif là. Tu as un plan d’action. Tu vois avec ton psy demain. Tu sais que tu pourras avoir accès aux cachets rapidement. Y’a même un deuxième point positif. Tu es calmé. Tu ne pleures plus. Ses mots ajoutés à tes résolutions qui te font dire que… Tout va bien se passer. Et surtout, peu de choses sont de ton ressorts. Tes soldats ont déjà fait le boulot. T’as juste à être là et à patienter que les jours passent. Tu es totalement exténué de cette fin de journée bouleversante. Tu te redresses juste assez pour pouvoir essuyer ton nez avec ta manche. Tu vas aussi essuyer la peau de Birdie même si tu sais qu’elle s’en moque. Tu le fais parce que tu retournes poser ta tête juste là. Il se trouve que tes lèvres sont sur un côté de sa poitrine. Tu déposes un baiser là où tes lèvres arrivent - au hasard. Thank you. Un autre baiser. I’m sorry. Tu n’arrives pas à sortir des mots de ta gorge. La fatigue, l’émotion, trop de choses… Tu déposes un autre baiser, plus long celui ci. I love you. Tu vas t’endormir dans moins de cinq minutes, tu es totalement exténué. T’es aussi bien accroché à elle. Dans tous les sens du terme.
Jordan continue à évacuer ses perles d’eau et ça te rend véritablement vulnérable, mélangée avec cette impuissance qui t’agace. Il est censé être l’être que tu dois chérir, aimer, protéger aussi ; forcer de constater que ce n’est pas le cas. Il faudrait que tu comprennes que ce n’est pas de ta faute ni de ton ressort, que Jordan a ses bagages et ses problèmes qui persistent depuis des années. Tu as conscience qu’il est toujours suivi par un psychologue et ce n’est pas anodin, ça non plus. Ton compagnon a des maux qu’il n’exprime pas forcément ; tu ne peux pas être la béquille dont il a besoin mais tu peux être le sol solide où il pourra naviguer dessus en toute sécurité. Mais pour l’instant, tu te sens démunie, spectatrice abattue du désarroi de ton partenaire, de ta moitié, celui-là même en qui tu as pourtant une confiance aveugle pour être le meilleur parent du monde.
Tu espères que tes caresses, tes mots et les battements de ton cœur qu’il peut entendre de sa position suffiront à l’apaiser. A lui faire comprendre que tu es présente, tu n’es pas six pieds sous terre, qu’il peut te faire confiance pour savoir si quelque chose ne va pas. Tu es tellement impulsive et casse-cou par moment, ce n’est pas étonnant que tu lui crées des frayeurs ; mais même si tu ne l’aimes pas, tu en prends soin, de cette grossesse. Et tu prends certainement mieux soin et attention de toi depuis que tu as l’alien que durant toutes tes années de vie. Cela est un réconfort, non ? Tu observes Jordan se calmer, nettoyer, se repositionner. Le futur père a l’air apaisé et tes bras se renforcent autour de lui. Tu sens qu’il t’embrasse, qu’il place des baisers sur ta peau et tu continues à caresser ses cheveux jusqu’à ce que tu entendes ton souffle ralentir. Tu devrais dormir aussi mais tu dois veiller sur eux. Sur l’alien et sur Jordan. Tu aimerais tellement pouvoir faire plus. Mais il y a des maux que ta simple présence et tes baisers ne peuvent adoucir. Cependant, rien ne t’empêche de te tourner légèrement pour être plus confortable tout en gardant ton partenaire dans tes bras et contre toi. A défaut de ne rien pouvoir faire, tu peux au moins être présente. Chose que tu n’as pas laissé les autres faire avec toi durant tes propres blessures.
Tu finis par t’endormir à ton tour de longues minutes plus tard.
Le réveil est brutal ; l’alien te fait avoir les fameux rejets matinaux en te faisant sortir du lit précipitamment et courir jusqu’aux toilettes. Tu râles, comme d’habitude, en tirant la chasse d’eau avant de déblayer ton visage de tes mèches gênantes. Après un passage au lavabo, tu retournes dans le lit où Jordan est toujours, sur son côté, et sûrement à moitié réveillé par ton départ même s’il n’y a aucun signe pour le voir. Tu diriges ton bras autour de lui, collant ton visage à sa nuque en y posant un baiser dessus. Tu aimes bien être la big spoon de temps en temps, ton côté protecteur apprécie de pouvoir le tenir et le chérir contre toi à ton aise. Même s’il est ridiculement trop grand mais c’est ce qui fait un de ses attraits majeurs - même si c’est parfois frustrant. Tu n’oses cependant pas parler, sachant que vous avez un rendez-vous important aujourd’hui, que tu crois te rappeler que Jordan a aussi une séance de prévue avec son psy et qu’il a besoin de gratter le maximum de sommeil dont il a besoin. Alors tu restes dans le silence, fermant même les yeux même si tu sais que tu ne trouveras pas le sommeil. Maintenant que ton cerveau s’est connecté sur la perspective de la deuxième échographie, tu es à la fois nerveuse et impatiente.
Bien sûr tes rêves ne sont pas de tout repos, comme toujours, mais tu peux quand même couper un minimum ton cerveau de tes angoisses. Quand tu te réveilles dans la nuit et que tu sens ls bras de Birdie toujours autour de toi, ça fonctionne comme une cure miracle. Ton esprit se focalise sur ta chère et tendre. Tu te repasses ses mots dans ta tête. Tout va bien se passer. Vous allez être une famille. Tu te rendors, conscient de sa proximité avec toi. Sa peau douce sur ton visage. Tu penses qu’à sa douceur ton sommeil suivant est un peu moins agité dans tes songes.
C’est le mouvement vif de ta femme - hem, partenaire - qui s’extirpe de votre étreinte qui te réveil. Tu tends l’oreille et tu comprends qu’elle est en train de vomir. Tu n’oses pas aller la rejoindre. Tu ne le faisais pas déjà avant ton meltdown, ou bien de très rares fois où elle était exténuée. Tu te dis qu’il vaut mieux la laisser cette fois ci… Tu n’oses pas. T’as peur de trop faire encore. Tu déglutis. Impossible de te rendormir à présent. Il fait jour dehors et le rendez vous est ce matin. Tu as également quelques coups de fil à passer de ton côté. Tu vas faire en sorte d’avoir tes anxiolytique dans la journée. Depuis que tu as posé cette idée à ton esprit tu n’as qu’une hâte, pouvoir profiter de leurs effets. Tu as besoin d’aide supplémentaire c’est indéniable. Tu veux être au mieux pour ta famille et ça va passer par là. La vie change, tes besoin aussi. Tu es bien sûr en train de te rassurer. C’est loin d’être une faiblesse d’être sous médoc. Tu l’as déjà été pendant des années avant ça. Tu aimais juste ne plus en avoir. Ta fierté à ce niveau là était au plus haut.
Tu te tournes pour prendre possession de ton téléphone qui est sur ta table de nuit. Tu viens d’envoyer un premier message à ton psychiatre par email. Birdie revient dans le lit en se collant à toi. Dans ton dos. Ton téléphone à présent délaisser sur le matelas, ta main va se poser sur celle de Birdie.
La matinée passe et tu n’es pas bavard, sauf quand tu es au téléphone avec le psychiatre qui a pu te caser un rendez vous dans l’après midi. Entre deux patients. Ce sera une formalité. Il connait bien ton cas, il a compris la situation via l’email que tu lui as envoyé. Tout porte à croire que tu vas reprendre de le voir régulièrement lui aussi… Nouveau chapitre de ta vie complètement.
Tu parles pas beaucoup mais tu la touches beaucoup, Birdie. Plus qu’à l’habituel. Un vrai enfant qui cherche d’être rassuré. Tant que tu n’as pas ta béquille médicamenteuse tu ne seras pas tranquille. Tu ne veux pas te remettre dans l’état d’hier. Tu ne veux pas être inquiet à tous les instants pour Birdie. Elle est vivante. Tu peux sentir son pouls. Elle est là. Elle va bien. Et vous voilà dans la salle d’attente car le rendez vous est là. T’as l’impression de gâcher le moment parce que ton esprit est focalisé sur le rendez vous que tu as en début d’après midi. Tu lui as dit à Birdie. Il est à Spring Hill le type. « Tu pourras me déposer en ville cet aprem ? » Que tu lui demandes alors que tes yeux sont focalisés sur vos mains jointes. Tu remontes ensuite ton regard au sien. « Mon rendez vous. Ça devrait pas prendre plus de dix minutes… » Tu pourrais y aller en transport comme tu le fais souvent quand tu vas en ville. Tu pourrais même prendre un Uber. Y’a bien des moyens pour toi d’aller en ville. Mais tu as besoin d’elle, tu veux qu’elle soit avec toi. Tu ne lui as pas dit directement directement mais c’est assez direct à ton avis quand même. « Mrs Cadburry ? » Vous n’avez pas le temps d’en parler plus que c’est déjà l’heure de votre tour pour l’écho.
Les doigts sont sur les tiens et t'embrasses sa nuque délicatement. Jordan est visiblement réveillé alors tu te permets. Tu as besoin de le sentir contre toi pour te rassurer. Tu n'as pas besoin ni envie d'un pression supplémentaire. Alors tu te raccroches à ce que tu peux dont à sa main qui te contente après la petite tempête de la veille. Tu n'aimes pas quand vous êtes comme ça mais au moins, vous ne vous êtes pas endormis chacun de votre côté. D'autant qu'aujourd'hui est un jour important et vous avez besoin d'être solidaires et unis. Jordan est cruellement silencieux et tu aurais préféré qu'il réagisse un peu plus à tes paroles. Mais ce n'est pas grave parce que tu as l'habitude de parler pour deux. Tu ne peux pas supporter le silence alors tu parles et tu mets de la musique en bruit de fond.
Jusque dans la voiture. Au moins, ce n'est pas quelque chose contre lequel Jordan s'opposera. Autant que toi, tu ne lui refuses pas les gestes qu'il a envers toi. Tu lui laisse prendre ta main, passer son bras autour de tes épaules, qu'importe le geste, tu n'es jamais la dernière quand il s'agit d'être tactile. Encore moins avec Jordan envers qui tu peux être un véritable petit koala. Ton compagnon t'a parlé de son rendez vous plus tard dans la journée. Tu as été surprise parce que ses séances sont normalement par téléphone. Mais tu n'as pas demandé de plus d'explications. Tu apprécies qu'il fasse attention à lui, même si ça souligne encore plus ton impuissance. Tu n'es pas une spécialiste, Birdie, tu ne peux pas te blâmer de ne pas être à la hauteur de quelque chose que tu ne maîtrises pas, que tu ne connais pas. Mais tu juges que tu devrai assez connaître Jordan pour pouvoir l'aider. « Tu pourras me déposer en ville cet aprem ? » donc quand il te demande de te déposer en ville, tu hoches la tête. « Mon rendez vous. Ça devrait pas prendre plus de dix minutes… » il a les yeux baissés vers vos mains liées alors tu dois t'exprimer. "Yeah, sure, of course. Not matter how long it takes." Que ce soit dix minutes ou une heure, tu t'en fiches. Tes doigts se resserrent autour des siens avec un léger sourire, visiblement ravie de voir que Jordan t'implique dans le processus.
« Mrs Cadburry ? » mais vous n'avez pas le temps d'élaborer le sujet que vous êtes appelés. Vous vous levez mais au bout de deux pas, tu le retiens par la main. "We didn't speak about it. Do you wanna know the baby gender? I would like to but we can ask them to only tell me if you don't." pourquoi vous n'avez pas pensé à trancher avant? Oh parce que vous avez décidé que vous disputer sur des chiffres était bien plus satisfaisant il faut croire.
"Yeah, sure, of course. Not matter how long it takes." Tu es touché même si tu savais que ça ne serait pas un problème pour elle. Elle est là pour toi, tu es là pour elle, c’est ça la définition d’un couple. Vous avez vos moments, mais vous vous aimez et vous ne voulez que le meilleur de l’autre. Il n’y a pas que les paroles, il y a les actes qui vont avec. Tu es très chanceux de partager tes jours avec elle depuis quelques années. T’as porté sa main à tes lèvres pour la remercier de la sorte alors que la sage femme vous appel déjà. Ca fait bien longtemps que tu ne viens plus ici avec trente minutes d’avances, encore moins aujourd’hui quand tu sais que Birdie déteste ça. L’important c’est d’être là à l’heure.
Entrer dans cette pièce veut dire des informations sur l’état de ton oiseau et de ton alien. Quand tu es entre les murs de l’hôpital tu te sens déjà mieux. Mais Birdie vous interrompt bien vite à peine levés. "We didn't speak about it. Do you wanna know the baby gender? I would like to but we can ask them to only tell me if you don’t." Tu hoches la tête, touché par sa prévenance. Tu sais pas pourquoi tu étais sûr que vous alliez le demander naturellement mais visiblement ce n’était pas si logique pour Birdie qui te pose la question clairement. « Yeah… I wanna know. » Tu veux savoir le sexe de ton futur enfant - hopefully. Même si celui ci décidera de s’exprimer autrement. Tu te considères non-binaire mais tu n’es pas stupide au point de réfuter tes parties génitales. Celles ci même qui te font cocher M quand la case non-binaire n’est pas disponible. Tu n’as jamais eu dans l’idée de faire une quelconque transition. Tu te sens juste mieux dans ta peau depuis que le label non-binaire est arrivé dans ta vie, quelque part en 2021, Trent qui a bien pris soin de t’instruire là dessus. Tu l’as écouté avec attention car il s’agissait d’ellui en premier lieu. Mais plus iel parlait, plus tu te retrouvais dans bien des choses…
Tu te courbes pour aller trouver les lèvres de ta partenaire brièvement. I love you. « Let’s go find out what kind of alien it is. » Rien ne peut aller dans le mauvais sens quand vous êtes dans l’hôpital. Yup. T’es encore en train de te rassurer. Mais cette journée est bien planifié et peut être même que tu vas proposer à ton oiseau de finir la journée chez Maria. Besoin de tes proches et vous n’avez pas été chez elle depuis deux semaines.
Tu as ta place naturelle maintenant lors des check à l’hôpital. Tu as une fesse installée sur la table d’examen où Birdie est allongée. Un bras autour de ses épaules même si c’est surtout pour te retenir au cas où tu tombes car ton équilibre est précaire. Tu regardes l’écran où votre progéniture y est affiché, même si tu ne comprends rien à ce qu’il faut y voir, même avec les indications de la sage femme. Mais tu sais que Birdie va réussir à ce que tu visualises mieux quand vous serez installé tranquillement dans votre salon, les clichés sous vos nez. Tu fais une légère grimace à Birdie quand ses yeux viennent à toi. Ce qui veut dire 'I don't see anything.' Et elle le sait très bien. C'est devenue une sorte de joke entre vous et tu le lui as déjà dit que tu préfères quand c'est elle qui te montre de toute façon. Elle décrit avec des mots bien plus compréhensif que ceux de la sage femme. Des mots plus compréhensif quand on sort tout droit de Alice au Pays des Merveille, mais tout porte à croire que ton cerveau est branché sur le champ lexical du Wonderland que le jargon de St Vincent.
Vous êtes une équipe depuis quelques années et cela se renforce avec ce petit être qui grandit en toi. Votre mélange que tu as hâte de voir, de serrer contre toi, d’embrasser et d’étouffer mais le chemin avant de rencontrer votre alien est encore long. Cinq mois pénibles et stressants alors que tu n’as jamais été de ceux qui paniquent rapidement. Mais la situation dans laquelle tu es malgré vous, sans le prévoir et sans l’avoir vu venir, est une que tu juges assez importante pour te donner l’autorisation de laisser tes pulsions agir plus spontanément que d’habitude. Alors tu n’es pas forcément un cadeau mais le baiser de Jordan sur ta main te rassure toujours plus, surtout après la soirée de la veille. Malgré les disputes, les tensions passagères et les débordements qu’il peut y avoir, Jordan n’a jamais besoin de douter de ton affection ni attachement envers lui. Complètement dévouée, tu l’es toujours, et le fait que tu aies gardé son enfant en toi qui te déforme chaque jour en est une preuve tangible. Tu es plus que ravie qu’il te demande à être son chauffeur, cela te donnant l’impression que les mots d’hier ont été entendus. Tu n’es pas fragile, tu n’es pas cassable et tu peux le soutenir de n’importe quelle façon il te donnera l’opportunité.
« Yeah… I wanna know. » tu souris en hochant la tête, ravie que vous soyez sur la même longueur d’onde. Vous n’avez pas encore débattu beaucoup de prénoms ; tu t’es amusée à balancer les pires prénoms qui soit, par contre, parce que c’est drôle et qu’il y a des parents qui décrètent de vouloir vraiment nuire à leurs gosses à peine nés. Ta main se resserre quand il vient t’embrasser. « Let’s go find out what kind of alien it is. » Et tu souris encore plus en te disant qu’il vous faudra vous retenir quand votre enfant sera là pour ne pas l’appeler l’alien - même s’il y a des chances que cela dérape, soyons honnêtes. Allongée sur la table, Jordan à côté, tu reposes ta tête sur son épaule alors qu’il a son bras autour de toi. Tu es attentive aux explications de la sage-femme, qui pointe le corps si minuscule de votre progéniture. Il a déjà beaucoup grandi depuis la dernière fois et tes lippes ont le sourire ému alors que les yeux se lèvent vers ton compagnon. Celui-là même qui te regarde avec cette expression signifiant clairement qu’il ne voit rien et tu tapotes sa cuisse pour lui signifier que tu lui expliqueras plus tard. Il aurait dû prendre ses lunettes, aussi. Mais même avec, il n’est pas certifié qu’il aurait vu quelque chose.
“Est-ce que vous voulez connaitre le sexe de votre enfant ?” La main sur sa cuisse se renforce, les lèvres plissées. “Seulement si c’est une fille.” que tu dis dans un rire nerveux. La première fois que ton instinct maternel frappe car depuis de longues semaines, tu as cette intime conviction que c’est une fille ; tu ne veux pas te rater sur une des premières choses de ton alien. Même si cela n’a pas grande importance et que le contact de Jordan te fait encore plus comprendre que les limites ne sont pas celles imposées dans la forme mais dans le fond. L’alien n’aura pas de limites, certainement pas concernant sa propre personnalité, ses envies, ses goûts, ses choix. Ton éducation libre et ouverte te permet de ne pas trop appréhender cette partie-là ; c’est plus le reste qui te rend anxieuse. Toi qui n’a pas vraiment grandi avec tes parents, tu te rends compte qu’il te manque des cases et que cela risque de se répercuter sur ton comportement avec l’alien. Mais t’as foi que Jordan et toi trouverez le meilleur moyen de naviguer dans ces eaux troubles en minimisant les soucis. “Et bien, je pense que vous allez être heureuse car c’est bien une future petite fille que vous attendez.” Tu brandis un poing en l’air. “Lila me doit 50 bucks!” que tu t’exclames, le visage rayonnant, avant de tapoter tes mains entre elles. “Je le savais, je le sentais!” tu tapotes ton ventre avant de te rappeler la présence du gel, ce qui te fait grimacer en amenant le bout de tes phalanges tout gluant à ton nez.
Quinze minutes et des explications plus tard, voilà la deuxième échographie rajoutée dans le dossier que tu as coloré et apprêté ; tu pourras y rajouter le prénom de votre enfant quand vous vous serez décidé. Ton bras est autour de Jordan alors que t’es collée contre son flanc, le visage souriant vers la sage-femme qui vous salue. “Mon instinct maternel ne s’est pas trompé! J’espère que c’est un pouvoir en soi parce que ça peut être très utile dans ce sens.” Tu es la plus heureuse et tu sautilles de la façon que tu peux le mieux dans ta condition, avant de t’arrêter net dans tes pas - et Jordan aussi. “Par contre, elle va nous donner du fil à retordre. Entre toi et moi… We are so doomed, baby.” tu grimaces légèrement en souriant malgré tout. Parce qu’au final, un garçon, une fille, bref, un alien qui est un mélange de vous, vu vos passés respectifs, ce petit bout d’être va être un vrai petit morceau.
“Est-ce que vous voulez connaitre le sexe de votre enfant ?” Tu sens qu’elle se tend et ça doit être l’appréhension car ça n’est pas une surprise que cette question soit posée. T’es pas inquiet de ton côté. N’importe quelle réponse sera la bonne. “Seulement si c’est une fille.” Il est vrai que tu penses à votre Alien avec un sexe féminin depuis quelques temps. Tu ne sais pas pourquoi, c’est la vibe que tu as. Que Birdie a aussi. Tu caresses doucement la peau de ton oiseau contre qui tu restes bien proche. Tu essaies franchement de comprendre quoi que ce soit de cet écran mais rien à faire. “Et bien, je pense que vous allez être heureuse car c’est bien une future petite fille que vous attendez.” La réponse est tombée. “Lila me doit 50 bucks!” Birdie crie à la victoire. Ton sourire se fait très large car… tout ça c’est bien trop beau pour être vrai. Une chance sur deux c’est pas gagné d’avance et pourtant… si. C’est gagné, même si rien n’aurait été perdu. Ca te fait juste bizarre de voir que vous l’avez senti autant elle que toi. T’es ému. “Je le savais, je le sentais!” Tu ris de la voir faire. Tu vas embrasser sa joue, puis ses lèvres. Vous avez bien le droit de célébrer votre futur enfant. Mais tu t’es peut être perdu un poil trop longtemps car c’est le raclement de gorge de la sage femme qui te fait te décoller des lèvres de ta partenaire. Not sorry.
Quand vous sortez de la salle d’examen, Birdie est toute contre toi, tes bras sont tout autour d’elle. Ton esprit est léger bien que tu n’aies pas oublié le stop que vous devez faire un peu plus tard. Peut être que tu devrais emménager dans l’hôpital pour ne pas avoir d’anxiété. Pour ne pas avoir à reprendre tes médoc, mais nope. Tu sais bien que ce n’est pas envisageable. “Mon instinct maternel ne s’est pas trompé! J’espère que c’est un pouvoir en soi parce que ça peut être très utile dans ce sens.” Tu sais pas si elle parle du pouvoir de l’instinct maternel de manière générale ou de deviner le sexe de l’enfant qu’elle porte. Mais ça n’a pas d’importance parce que la voir être de si bonne humeur te ferait presque pleurer. I want this forever. Voilà que tu es de nouveau à vivre dans le futur plutôt que de vivre dans le présent Jordan. “Par contre, elle va nous donner du fil à retordre. Entre toi et moi… We are so doomed, baby.” Elle s’est recalée dans tes bras et tu la regardes. T’es dans tes pensées, c’est inloupable. « As long as it’s with you I’m good being doomed by them. » Voilà. Voilà encore tes inquiétudes. Devoir être avec ton futur enfant seul et reproduire le schéma tragique de la famille Fisher. Tu veux pas. Jamais.
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C’est pourquoi Birdie t’a conduit en centre ville pour récupérer ta prescription après une courte session avant d’en programmer une autre pour dans une quinzaine de jours. Vous arrivez chez Maria en fin d’après midi. Il y a aussi Pedro qui est là. Maria ne l’a pas annoncé officiellement mais il est son boyfriend depuis quelques temps. Tout le monde fait comme si personne n’avait remarqué. Il est également son boss au restaurant où elle travaille. Tu le connais depuis bien longtemps et tu sais qu’ils ont été plus ou moins en relation depuis de longues années mais sans officialiser quoi que ce soit. Ca ne l’est toujours pas mais maintenant il semblerait qu’il ait emménagé avec elle. Y’a aussi une autre des filles de Maria qui est là, Veronica. Y’a du monde, ce qui simplifie les choses alors que tu veux parler à Maria discrètement. Vous avez été dans le jardin, elle t’a rassuré sur bien des choses, te disant que Birdie n’est pas ta mère et qu’il n’y a pas de raison que la même chose se produise.
« She maybe is 35 but she looks 25. That’s what’s important. Her body is good. » « Very good. »
Ton ton est suggestif. Elle te met une tape sur le bras alors que tu souris doucement de ta connerie. Il n’empêche que tu es rassuré par ses mots, même si tu n’as aucun moyen de vérifier si ça vaut véritablement quelque chose ou non. Maria n’est pas docteur mais elle a eu trois enfants. Ca doit valoir quelque chose. Maria a droit a un gros gros gros hug de ta part et un énorme baiser sur sa joue. Ton traitement plus ses mots, tu te sens véritablement bien mieux ce soir.
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T’as pas beaucoup mangé mais t’es allé faire la vaisselle après avoir débarrassé avec Veronica. Tu discutes avec elle alors qu’elle sèche la vaisselle une fois que tu l’as lavé. Des gestes simples qui te ramènent des années en arrière à chaque fois. Tu as habité sous ce même toi avec Veronica, Alejandra et Maria pendant bien des années. « I want you to promise me, you’ll call me if anything, ok ? You, Jordan, the baby, anything, ok? » Maria qui a entrainé Birdie dehors pour lui montrer sa nouvelle voiture. Une toute petite, de couleur rouge. Elle voulait surtout pouvoir parler à ton oiseau sans oreilles indiscrètes.« He told me he’s back on medication. The poor thing broke my heart but it had to be expected when you know what happened with his mother. » Maria qui soupire doucement. « You promise me, ok ? I’ve got a nice car that can be at your place in no time, at anytime. » Ca sonnerait presque comme une menace parce que tu dirais que ça en est une. Maria est très protectrice envers toi et envers Birdie aussi.
« As long as it’s with you I’m good being doomed by them. » L’entendre te le dire te comble encore plus, n’imaginant pas que cette phrase a des apparences plus obscures et délicates qu’elle n’y paraît aux premiers abords. Tu ne pensais pas que ta fierté personnelle aurait été aussi intense et grande face à la révélation mais il faut croire qu’un rien t’enchante toujours de la plus simple des manières. Alors tu secoues la tête avec empressement avant d’aller l’embrasser en le forçant à venir à toi. Vous serez condamnés dans l’enfer de l’amour familial mais comme Jordan l’a si bien dit, tant que c’est ensemble, il n’y a pas de raison de ne pas en apprécier le trajet et encore moins le futur que cela vous offre.
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Tu as profité d’attendre Jordan pour informer Will et ta fratrie sur le rendez-vous du jour et, surtout, l’information essentielle qui en est ressortie. La dispute de la veille est loin dans ton esprit alors tes hormones se concentrent sur la joie du moment. Tu l’es tout autant quand vous arrivez chez Maria et tout le petit monde réuni chez elle. Si d’habitude, tu grinces des dents quand tu entends à quel point la grossesse te réussit - parce que non, tu n’y crois pas une seule seconde, ton corps te le rappelle sans cesse et tu as hâte, très hâte de retrouver la pleine fonction de tes membres - et te va bien - non, non et non alors que sa poitrine est bien trop grosse, que ton dos en souffre et que t’as un ballon qui gonfle sur l’avant, ça ne te va pas du tout - là, tu es souriante et tu remercies les “compliments” en annonçant la nouvelle à qui veut bien l’entendre. Tu as bien noté Jordan qui a pris en aparté Maria dans le jardin ; tu es restée à parler à Veronica et Pedro - le prénom du dinosaure dont Will et toi avez la charge, how cute - tout en te goinfrant de ce qui étaient sous ton nez.
Tu as donc deviné qu’il y avait un lien avec sa discussion avec ton partenaire quand Maria t’entraîne dehors pour te montrer sa voiture. Dans un sens, ton amour pour ces engins n’est plus à prouver que tu émets un léger sifflement en la voyant parce que “that’s a very pretty car you got here, Maria.” Rouge, pas grise, pas noire, pas sombre, mais rouge. Tu souris légèrement avant que Maria se tourne vers toi, l’air plus sérieux sur ses traits. « I want you to promise me, you’ll call me if anything, ok ? You, Jordan, the baby, anything, ok? » Tu déglutis légèrement en baissant la tête tout en la secouant mollement. Comme une gamine qui se fait prendre d’une bêtise qu’elle a faite - mais ta bêtise à toi consiste à ne pas pouvoir rassurer ton partenaire et le futur père de ta gamine sans passer par de foutus cachets, ce n’est pas une déchirure de rideaux. « He told me he’s back on medication. The poor thing broke my heart but it had to be expected when you know what happened with his mother. » Maria en rajoute un peu plus sur ta culpabilité. Ce n’est sûrement pas volontaire de sa part, elle s’inquiète seulement pour Jordan ; ce qui fait que tu t’inquiètes encore plus si elle le fait aussi. Elle le connaît bien, elle était là dans son passé, elle a tout vu et Maria qui commence à avoir ce genre de discours, ça te fait bien vite redescendre de ton nuage. D’autant que… what happened with his mother. Tu te sens complètement stupide de ne pas l’avoir vu venir. De ne pas avoir fait la connexion. Comment tu peux être aveugle à ce point, Cadburry ? « You promise me, ok ? I’ve got a nice car that can be at your place in no time, at anytime. » Tu secoues une nouvelle fois la tête. “Yeah, I promise. Even if it sounds like there’s a failure somewhere.” Tu relèves tes yeux contre la belle-mère de Jordan, la main sur ton ventre en pinçant tes lèvres avant de faire un sourire mélancolique. “J’avais stupidement oublié ce qui était arrivé avec sa mère. Et il- Jordan n’a rien dit. J’imaginais pas à quel point ça l’angoissait, je croyais qu’il était simplement stressé, comme moi.” Tu passes ta main ensuite sur ton front en le tapant de deux doigts, dépitée d’avoir été aussi aveugle. "J'en viens à me demander si ça été une bonne idée de garder l'alien. Je me sens responsable vu que c’est moi qui ai voulu la garder en premier lieu. J’ai jamais voulu qu’il en arrive à devoir prendre des médicaments, Maria. J’aime ce gosse à venir mais j’aime Jordan encore plus. Ça me rend impuissante et j’ai horreur de ça. En plus, y a des risques de dépendance, je le sais, je l’ai lu sur le net, et j’ai peur qu’il ne se contrôle pas ou quoi, et je-” Tu t’interromps en levant les yeux au ciel en battant des paupières car tu sens que les larmes peuvent se pointer à tout moment. Tu demandes si montrer autant tes incertitudes sur Jordan et sa capacité à se contrôler face à quelque chose qui va lui apaiser l’esprit devant Maria est une bonne chose à faire. Même si tu le dis parce que t’es amoureuse et que tu as une peur panique de perdre ta moitié au profit de petits cachetons à la con. “Vous croyez qu’on va y arriver ? Qu’on va réussir quelque chose de bien avec cette petite chose ?” Parce que t’as foi en vous mais tu doutes aussi. T’as juste besoin d’être rassurée et Maria te semble être la personne toute avisée pour cela. Une véritable figure maternelle que tu n’as jamais vraiment eu au final et vers qui tu cherches un apaisement certain de maux que tu peines à définir.